Je déclare ouverte cette 55e réunion du comité. Nous continuons notre étude du rapport interne intitulé Afghanistan 2006 : Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne.
Nous accueillons ce matin le sous-ministre, M. Leonard J. Edwards.
Avant de lui laisser la parole, quand je suis arrivé, j'ai reçu une copie d'une lettre émanant du ministre des Affaires étrangères. Je ne sais pas si vous l'avez vue. Je la trouve curieuse, mais je vais néanmoins vous la lire.
Je vous écris concernant la comparution, qui aura lieu le 19 juin 2007, de représentants officiels d'Affaires étrangères et Commerce international Canada (MAECI), y compris M. Leonard J. Edwards, sous-ministre des Affaires étrangères, devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
M. Edwards ainsi que les représentants officiels de MAECI qui l'accompagneront répondront aux questions des membres du comité au mieux de leur connaissance et expliqueront les politiques et procédures du gouvernement canadien s'appliquant à l'exécution de leurs responsabilités, relativement à l'étude par le comité des demandes d'accès à l'information visant le rapport interne de MAECI intitulé Afghanistan 2006 : Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne.
Je tiens à attirer l'attention des membres du comité sur le paragraphe qui suit :
En votre qualité de président du comité, je suis certain que vous veillerez à ce que les témoins soient traités avec la courtoisie et le respect qui leur sont dûs à titre de représentants officiels et de citoyens canadiens. J'ai été personnellement navré des rapports qui m'ont été faits sur le traitement accordé par certains membres du comité aux représentants officiels de MAECI qui ont comparu devant le comité le 29 mai 2007 et j'ose espérer qu'une telle conduite ne se reproduira pas.
Je vous remercie à l'avance de votre coopération à cet égard,
Je vous prie d'agréer, monsieur le député, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Je tenais seulement à porter cette lettre à votre attention, comme elle a été portée à la mienne.
Avant de laisser la parole à M. Martin, je tiens à rappeler aux membres du comité que la semaine dernière, nous avons discuté à huis clos de cette question de l'interrogation des témoins.
Monsieur Martin.
:
Monsieur le président, bonjour. Bonjour mesdames et messieurs.
Je me présente devant vous aujourd'hui relativement à l'examen que vous faites des demandes d'accès à l'information concernant le rapport interne du ministère intitulé Afghanistan 2006 : Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne.
Je suis accompagné de certains fonctionnaires de mon ministère qui ont pu directement travailler sur l'objet de votre étude, et qui vous donneront plus de détails à ce sujet un peu plus tard ce matin.
Le ministre des Affaires étrangères est responsable et doit rendre compte au Parlement de toutes les activités du ministère. Il m'a demandé de comparaître aujourd'hui, à titre de sous-ministre, car j'ai le pouvoir délégué de diriger les fonctionnaires du ministère et je suis responsable envers lui de leur travail.
Le ministre a demandé que tous mes représentants et moi-même coopérions pleinement et franchement, tout en nous acquittant de notre responsabilité de ne pas communiquer de renseignements confidentiels, et de nous laisser guider par la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et notre serment d'allégeance comme fonctionnaires.
[Français]
Quant à moi, j'entends situer le contexte général des interventions du ministère dans les domaines des droits de la personne et de l'accès à l'information. Je suis également ici, comme il sied à un sous-ministre, pour apporter mon soutien aux fonctionnaires qui comparaissent aujourd'hui dans l'exercice de leurs responsabilités au sein de l'appareil gouvernemental et pour leur témoigner toute ma confiance à cet égard.
[Traduction]
J'aimerais souligner, monsieur le président, que j'éprouve le plus grand respect pour les comités parlementaires et leur travail. Comme sous-ministre, j'ai eu plusieurs occasions de comparaître devant les comités parlementaires et de collaborer étroitement avec les parlementaires. J'ai toujours accorder beaucoup de valeur aux principes de transparence, d'ouverture et de coopération qui caractérisent les relations entre la fonction publique et le Parlement.
En ce qui concerne le travail du ministère dans le dossier des droits de la personne, je dirai d'abord quelques mots sur les rapports qui ont tellement retenu l'attention dernièrement, tant chez les médias qu'au sein de ce comité et d'autres de la Chambre des communes. À l'instar de nombreux autres pays fervents promoteurs de droits humains, le Canada a maintenant pour pratique de préparer des rapports annuels en la matière, par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce sont des documents internes de travail. Ils servent, au besoin, à la préparation d'avis stratégiques destinés au ministère, portant sur des questions spécifiques relatives aux droits humains ou encore sur les relations du Canada avec un pays donné. Ils sont également utilisés pour élaborer les directives qui seront données aux délégations du Canada à diverses tribunes internationales, comme la Troisième commission des Nations Unies ou le Conseil des droits de l'homme, surtout avant la tenue d'un vote sur des résolutions.
Les rapports sur les droits de la personne sont rédigés par le personnel des missions canadiennes dans les pays concernés, à la demande de l'administration centrale. Ils sont une synthèse de l'évaluation qu'a faite la mission concernée. Ils sont émis tous les ans, normalement vers la fin de l'année civile, et transmis à Ottawa au début de l'année suivante.
L'an dernier, le ministère a demandé 111 de ces rapports. Le Canada ne produit pas de rapport global unique comme le font d'autres pays, et ces rapports servent à préparer des avis stratégiques et à formuler les directives pour les délégations canadiennes, ils ne sont pas destinés au public. Mme Kutz vous donnera plus de détails sur ces documents et leur utilisation.
En ce qui concerne la Loi sur l'accès à l'information, c'est moi qui suis investi au premier chef du pouvoir délégué. Mmes Thomsen et Sabourin exercent aussi des pouvoirs délégués aux termes de la loi. Et comme vous le savez, depuis son témoignage devant vous le 29 mai, Mme Sabourin est également la coordonnatrice de l'AIPRP au ministère.
Le ministère reçoit un très grand nombre de demandes d'accès à l'information et de communication de renseignements personnels, sans compter le volume croissant des demandes de consultation émanant des autres ministères et organismes du gouvernement. L'année dernière, le ministère a traité au total 2 263 demandes, dont 648 étaient des demandes d'accès à l'information, 202 des demandes de communication de renseignements personnels, 766 des demandes de consultation en vertu des deux lois, et 464 étaient des demandes provenant d'organismes d'enquête, surtout des services de police menant des enquêtes criminelles. Ainsi, la Division de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère a traité 173 635 pages de documents en 2006.
Je vous donne ces statistiques pour mettre en contexte la discussion que nous allons avoir.
[Français]
Le nombre de demandes d'accès à l'information a augmenté de 10 p. 100 par année, en moyenne, ces cinq dernières années, quoique l'an dernier, l'augmentation était de 31 p. 100. En outre, et cela ne surprendra pas en cette ère de technologie de l'information, les dossiers deviennent de plus en plus volumineux et complexes. Les besoins en personnel compétent augmentent proportionnellement sur le marché du travail, en même temps que diminue le nombre d'agents qualifiés et intéressés.
[Traduction]
Le ministère traite les demandes présentées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information selon un processus que Mme Thomsen a décrit dans les observations qu'elle a faites le 29 mai, que ne répéterai pas ici. J'aimerais toutefois souligner deux choses.
Tout d'abord, les recommandations visant les retouches à faire à n'importe quel texte sont la responsabilité initiale du bureau de première responsabilité. L'analyste de l'AIPRP est responsable de faire une analyse critique au besoin, et de relever les articles de la loi qui pourraient servir à invoquer une exemption ou une exclusion. Il y a donc au ministère deux services qui s'en occupent : le bureau de première responsabilité qui fait un premier examen du texte, puis l'analyste de l'AIPRP qui fait un examen critique des retouches suggérées et signale les articles de la loi pouvant justifier les exemptions invoquées.
Je dirais que ce processus est semblable à ceux qu'appliquent d'autres ministères et organismes du gouvernement, et qu'il est conforme à la réglementation du Conseil du Trésor, à qui revient d'ailleurs la responsabilité générale de veiller à ce que le gouvernement respecte et applique la loi, un sujet qui bien sûr vous est très familier. En ce qui concerne l'article 15, qui a fait l'objet d'amples discussions de ce comité, en vertu de cet article, le ministère peut protéger les renseignements qui pourraient porter préjudice à la conduite des affaires internationales avec le Canada, maintenant et dans l'avenir.
Deuxièmement, je peux assurer les membres du comité que la procédure que suit mon ministère ne laisse absolument aucune place à l'ingérence politique dans l'édition des documents, et je peux aussi affirmer catégoriquement que, durant mes nombreuses années en tant que fonctionnaire — une carrière qui remonte à l'année de l'adoption de la loi, 1983, je n'ai jamais vu le ministère intervenir de manière indue dans la communication de l'information, et de telles situations ne m'ont pas été signalées.
[Français]
Pour conclure, je voudrais seulement dire quelques mots au sujet des quatre demandes d'accès à l'information que le comité étudie présentement. Je laisserai à Mme Nixon et à Mme Archambault ainsi qu'à M. Switzer le soin d'expliquer, dans les brèves remarques qu'ils feront plus tard ce matin, le rôle qu'ils ont respectivement joué concernant ces dossiers.
[Traduction]
Je voudrais simplement déclarer ce qui suit. Vous savez que deux de ces demandes ont fait l'objet de plaintes officielles auprès du commissaire à l'information. Nous avons reçu copie de la réponse du commissaire à l'une de ces plaintes, celle qu'a déposée le professeur Attaran. Dans sa lettre à ce dernier, dont je peux fournir aujourd'hui au comité des copies dans les deux langues officielles, M. Marleau confirme que le ministère a tardé à donner suite à la demande du professeur. Dans le témoignage qu'elle vous a livré, Mme Sabourin a reconnu les faits, et s'en est excusée publiquement devant le comité, tout comme elle l'avait fait auprès du professeur Attaran dans une lettre qu'elle lui avait envoyée.
M. Marleau conclut sa lettre au professeur par la déclaration suivante, dont je vous cite une traduction libre.
Le MAECI a répondu à votre demande le 23 avril 2007, résolvant ainsi la plainte quant au retard. Je ne crois pas que le traitement qu'a fait le MAECI de votre demande, dans l'ensemble, ait été ni malicieux ni délibéré pour vous empêcher d'obtenir accès aux documents que vous demandiez. Cela étant dit, je classerai votre plainte comme étant résolue. Dans vos déclarations à mon enquêteur, vous affirmez que le MAECI a caché des documents, ce qui constitue une obstruction du droit à l'accès, en vertu de l'alinéa 67.1.(1)c) de la loi. Notre enquête a conclu à l'absence de toute preuve pouvant étayer cette allégation contre le MAECI, en rapport avec votre demande particulière.
Monsieur le président, ceci termine mes observations préliminaires. À ce que j'ai compris, plus tard ce matin, d'autres représentants de mon ministère doivent témoigner devant le comité. Je termine donc tout de suite mes observations. Merci beaucoup.
:
Je demande au ministre les copies de ces rapports. C'est très simple; il y en a, ou il n'y en a pas.
Maintenant, quelqu'un vient de me chuchoter à l'oreille qu'apparemment, ces documents ont été transmis par télécopieur au bureau, et il semble pourtant que nous ne les avons pas reçus. J'avais pensé que le comité serait peut-être intéressé à lire ce que le ministre a dit à la Chambre des communes. Je ne citerais pas le Globe and Mail, même si ma vie en dépendait. Je me renseigne seulement sur des rapports qui ont été déposés à la Chambre des communes — pas sur ce qu'a dit le Globe and Mail, mais s'il y a eu des rapports, et le cas échéant, si nous pouvons les obtenir.
Je n'en dirai pas plus. Le sous-ministre fera de son mieux, mais bien évidemment, puisqu'ils concernent particulièrement le sujet dont nous traitons, ils nous seraient utiles.
Cela étant dit, monsieur le sous-ministre, la raison de votre présence ici, et du fait que vos collaborateurs ne vous accompagnent pas — et je tiens à ce que tout le monde le comprenne, notamment les représentants officiels qui sont ici —, c'est que dans la lettre que vous m'avez envoyée en réponse à la demande du comité d'entendre certaines personnes, et on sait que le ministère a rejeté cette demande du comité d'entendre certains témoins, vous dites, et je cite :
Après mûre réflexion, je suis parvenu à la conclusion que si le Comité souhaite entendre d'autres représentants officiels du MAECI, je serais le mieux placé pour comparaître. Les représentants que vous avez demandé à voir n'ont pas de pouvoir délégué en vertu de la Loi, et ne sont par conséquent pas bien placés pour fournir au Comité les renseignements sur l'administration de la Loi sur l'accès à l'information par le MAECI.
C'est ce pour quoi vous êtes ici — parce que vous avez dit que c'est à vous que nous devrions poser ces questions. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de venir, et je suppose que le comité jugera de lui-même s'il est vrai que vous êtes de fait la personne que nous voulons entendre.
Je tiens à préciser pour tout le monde qu'il n'y a aucune garantie que le comité voudra interroger d'autres témoins; tout dépendra de vos réponses. Cependant, compte tenu de ce qui s'est passé jusqu'ici, le comité n'a eu d'autre choix que d'assigner des témoins à comparaître, et de les avoir à sa disposition s'il advenait que le comité juge vos réponses insuffisantes.
Je ne voudrais pas, néanmoins, que personne pense qu'on peut automatiquement présumer maintenant, quel que soit l'ordre du jour, que nous entendrons ces témoignages. Si nous les entendons, je ne voudrais pas qu'on pense automatiquement qu'une partie ou l'intégralité de ces témoignages seront présentés en public.
C'est bien, nous allons commencer le premier tour de questions, et les interventions seront de sept minutes. Nous laissons d'abord la parole à M. Dhaliwal, suivi par Mme Lavallée.
:
Monsieur Edwards, tout d'abord, merci beaucoup d'être venu. Vous êtes vraiment très aimable de vous présenter devant notre comité. La semaine dernière, vous savez qu'on était 33 personnes à vous attendre. À la suite de cette rencontre, il y a eu une dépêche de la
Canadian Press qui disait que — ce n'est pas moi ou un membre du comité qui l'a dit — les députés du comité avaient été «
brushed off by Leonard Edwards ». Je ne sais pas ce que veut dire «
brushed off », mais je suis certaine que cela n'est pas très positif. La dépêche ajoutait que certains membres du comité avaient dit que c'était «
a slap in the face ». Ça, je sais ce que ça veut dire. Ce n'est pas moi qui ai fait ces remarques la semaine dernière. Il reste que c'était écrit dans une dépêche de la
Presse canadienne. Je n'ai pas vérifié si cela a été publié. Ensuite, le journaliste rappelle que vous aviez dit que c'est vous qui décideriez qui comparaîtrait ou non devant le comité. J'ai été assez étonnée de lire cette dépêche.
Comme je l'ai dit, 33 personnes vous attendaient la semaine dernière. Plusieurs ont trouvé que vous manquiez de courtoisie. Quand je reçois une lettre du ministre — que le président prend la peine de nous lire — qui nous dit d'être gentils envers les gens qu'il nous envoie, je crois que c'est de la projection. En psychologie, savez-vous ce qu'est la projection? C'est le fait d'accuser quelqu'un d'autre de quelque chose dont on est soi-même coupable. Cela étant dit, comme vous le savez, non seulement le principal témoin rencontré le 27 mai n'avait pas apporté de documents, mais en plus elle n'était pas préparée. Elle était plutôt préparée à dire qu'elle ne nous dirait rien. De plus, elle nous a déjà promis — je vous réfère au compte rendu du 27 mai, pages 14 et 16 — de nous donner des explications sur la censure du mot « torture ». Je vais alors attendre des explications par écrit. Je voulais seulement vous dire que je ne les ai pas reçues. Je viens de vérifier auprès de monsieur le président, et cela n'a pas été reçu.
Dans votre déclaration d'ouverture, vous dites que vous avez reçu, l'an dernier, 648 demandes d'accès à l'information. Je vous réfère au rapport de 2006-2007 du commissaire à l'information, à la page 29, où il affirme que 600 n'est pas beaucoup. Il parle d'un nombre relativement peu élevé de demandes de communication, moins de 600 par année. Il ne trouve pas que c'est beaucoup. Juste à côté, il dit aussi que les décideurs ne sont pas enclins à véritablement faire preuve de transparence et que trop de débats au sein des cabinets retardent les demandes.
Dans la chronologie des événements liés à la requête de M. Attaran faite par Mme Sabourin, on dit que le 17 avril, l'ensemble des documents que l'on compte diffuser est acheminé au cabinet du ministre, à Alain Latulippe, pour examen avant le 20 avril 2007. Finalement, le 23 avril, c'est-à-dire six jours plus tard, la réponse est donnée au requérant. Cela veut dire que le cabinet a eu six jours pour l'examiner. En français, examiner peut vouloir dire critiquer un document ou en débattre. Je ne vous dis que cela. Vous comprenez alors qu'on peut penser qu'effectivement, il y a eu quelque part de l'ingérence politique. Je mets cela en contradiction avec la déclaration de Mme Lilian Thomsen, qui a comparu devant le comité. Elle nous a dit que le cabinet était informé à la toute fin du processus. Six jours avant de remettre une réponse au requérant, je ne considère pas que c'est à la fin du processus.
Finalement, ma vraie question pour vous, monsieur le sous-ministre — parce que vous êtes le sous-ministre des Affaires étrangères — est celle-ci : avez-vous lu ou vu le rapport, écrit je crois par un M. Bloodsworth, avant qu'il soit rendu public? Ce rapport faisait état de torture. On a vu dans le Globe and Mail comment étaient traités les prisonniers afghans. Si on examine cela attentivement, on peut penser que le Canada ne respectait pas la Convention de Genève. Avez-vous vu ce document avant qu'on en parle publiquement?
:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais peut-être d'abord situer les choses en contexte, monsieur Edwards. On vous a demandé de venir aujourd'hui. Eh bien, en fait, on ne vous a pas demandé de venir, à l'origine, mais on l'a plutôt demandé à des gens qui travaillent sous votre direction. Vous avez décidé pour nous que nous n'avions pas besoin de les entendre; que c'est vous qu'il nous faut entendre. Personnellement, je ne l'apprécie pas et je tiens à le dire aux fins du compte rendu. Quand nous convoquons des témoins, ce n'est pas à vous de décider s'ils ont quoi que ce soit de valable à nous dire. C'est à nous d'en décider.
Cela étant dit, on vous a fait venir aujourd'hui pour parler de l'administration et de l'observation de la Loi sur l'accès à l'information par le MAECI. C'est en gros l'objet de votre présence ici.
Je ne sais vraiment pas par où commencer. Permettez-moi donc d'abord de dire, monsieur le président, que tout le monde doit savoir que jour après jour, à la Chambre des communes, les membres de l'opposition on demandé au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense nationale s'ils avaient connaissance ou s'ils avaient été informés de mauvais traitements qu'auraient subis des détenus afghans. Cette question a dû être posée, sous diverses formes et combinaisons, quelque 25 fois.
Maintenant, d'après votre témoignage et celui d'autres personnes devant ce comité, tout d'abord, il n'existe aucun renseignement de ce genre. C'est la réponse qu'a donnée votre ministère à cette question, à l'origine. J'ai une lettre ici — c'est en fait une preuve fournie au comité — qu'a signée Jocelyne Sabourin le 22 mars, disant qu'il n'existe pas de tels rapports sur la situation des droits de la personne dans d'autres pays. Et pourtant, dans une autre demande d'accès à l'information adressée au porte-parole de la défense du NPD, Dawn Black, on lit clairement qu'en 2006, le MAECI a demandé les rapports sur la situation des droits de la personne à 111 pays. On lit en outre, et c'est une traduction libre, que :
Les rapports sur les droits de la personne ne sont normalement pas transmis au ministre des Affaires étrangères, et il n'est pas informé de leur contenu...
Je suppose que ma première question devrait être la suivante : puisqu'on a interrogé votre ministre à la Chambre des communes 10, 12 ou 15 fois sur la situation des droits des détenus en Afghanistan, sous l'angle des droits de la personne, est-ce que ce ne serait pas votre travail, ou à quelqu'un de votre ministère, de le mettre au courant de ces rapports sur les droits de la personne que vous avez reçus depuis cinq ans? Même s'il n'est pas pratique courante de l'informer de ces rapports d'abus des droits de la personne, qui font état de torture de détenus, n'est-ce pas votre travail que de l'informer de manière à ce qu'il puisse, à la Chambre des communes, parler franchement et honnêtement de ce que sait le Canada?
:
Monsieur le président, deux choses m'intéressent, que j'ai déjà exprimées dans le passé. L'une concerne l'amélioration du système, et l'autre le sujet de la discrétion des fonctionnaires.
Toute cette affaire a commencé à cause d'allégations que des documents étaient édités, qu'il y avait obstruction de l'accès, ingérence politique — sans aucune preuve de tout cela. Il n'y a pas de preuve à ce comité, et vous l'avez confirmé, monsieur, ainsi que Mme Sabourin et d'autres fonctionnaires, et enfin, c'est confirmé par le commissaire Marleau.
Alors, je parlerai d'autres choses. L'opposition s'amuse beaucoup à laisser entendre toutes sortes de choses négatives, mais je m'intéresse à certaines questions.
Mme Sabourin a reconnu le retard, et elle s'en est excusée, de fait, auprès de deux des témoins. Elle a expliqué que c'est compliqué. Il faut des agents dûment formés. Je pense qu'elle a parlé en quelque sorte de cocher les directives et où. Il faut des gens qui connaissent et comprennent les règlements, les lignes directrices.
Puisque c'est reconnu, la question que j'ai à poser, c'est à savoir si vous avez des conseils à donner à ce comité sur la recommandation qu'il peut faire au Parlement pour régler ce problème de délai?
:
Vous mettez le doigt sur un facteur très important, et c'est que les fonctionnaires de l'AIPRP, et tous nos fonctionnaires, essayent d'agir au mieux de leur jugement. Je pense que c'est le cas dans l'ensemble du gouvernement. La loi habilite les fonctionnaires à exercer leur discrétion relativement aux exemptions qu'elle prévoie. Il y a le bureau de première responsabilité qui fournit des avis. Il y a les gens de l'AIPRP, de l'autre côté, qui assument un rôle de contestation. Il y a une grande mesure de discrétion créative, de ces deux côtés. Les gens de l'AIPRP sont là pour représenter les intérêts de la loi et remettent en question les demandes émanant d'autres bureaux.
En fin de compte, c'est toujours une question de jugement. Nous avons à notre ministère des agents de l'AIPRP, dont bon nombre y sont depuis très longtemps, et j'ai confiance en leur jugement. C'est ce pour quoi ils sont là, c'est ce qu'ils font, et ils le font bien. Est-ce que vous recevriez la même réponse de deux agents à deux moments différents? Peut-être. C'est tout de même une question de jugement et de discrétion. Alors le système n'est pas parfait.
Si je me souviens bien, vous avez entendu le témoignage de M. Kratchanov, du ministère de la Justice, qui a dit que ce n'était pas un processus scientifique; c'est plus un art qu'une science. Je crois qu'il a mis le doigt sur l'enjeu, quand on le décrit ainsi.
Nous pouvons revenir à la question qu'a posée tout à l'heure M. Martin, à savoir pourquoi certaines choses ont été éditées dans des rapports antérieurs, qui ne le sont pas dans les rapports actuels. Les temps ont changé, le contexte a changé, et les gens ont changé. Il y a là un élément de discrétion aussi.
:
— mérite une discussion.
Dans le cas des États-Unis, par exemple, ces rapports sont préparés, comme je l'ai dit plus tôt, dans une optique de consommation publique. Nous n'avons pas préparé de tels rapports au Canada, De fait, nous préférons consacrer le temps limité des agents de nos missions à l'étranger à la préparation de ces rapports confidentiels pour le gouvernement, lesquels servent à éclairer et formuler les politiques.
En fin de compte, on pourrait penser — et je peux comprendre pourquoi bien des gens le pensent — que ces documents devraient ou pourraient être publics. Le fait est qu'ils sont très différents, au plan de leur raison d'être. Ils sont différents au plan de leurs sources. Ce sont des documents qui porteront le sceau du gouvernement du Canada, alors ils sont vus comme des avis et des points de vue officiels du gouvernement du Canada. C'est un type de situation tout à fait différent de celui qu'il y aurait avec d'autres rapports; peut-être pourrais-je encore parler des rapports américains, qui sont rédigés dès le départ à l'intention du public.
Quand nous recevons ces rapports de nos propres agents, nous devons les examiner attentivement avant de les publier, pour nous assurer de ne pas divulguer de renseignements qui pourraient mettre une source en péril. Il pourrait arriver que leur publication mette ces sources en danger. Il arrive même que ce qui peut sembler être une référence anodine dans un rapport puisse —
:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de revenir à cette idée que des utilisateurs du système d'accès à l'information ont parlé d'un froid, qu'ils ont dit vraiment ressentir un froid en ce qui concerne l'accès à l'information. C'est ce qui préoccupe ce comité actuellement. Nous sommes tous pour la liberté de l'information, et pour l'élimination des obstacles à la liberté de l'information.
En 2002, les termes qui suivent, dont je cite une traduction libre, n'ont pas été censurés des rapports annuels sur l'Afghanistan : « détention arbitraire, passages à tabac, et l'emploi de torture pour obtenir des aveux de culpabilité continuent d'être très répandus ». Ça n'a été ni édité, ni censuré.
En 2003, ceci n'a pas été censuré : si vous n'abandonnez pas votre maison... « N'insistez pas, sinon vous allez être emprisonnés et torturés ». Cela est extrait d'un rapport de la CAIDP, votre rapport de 2003 qui a été communiqué à votre bureau.
En 2004, ce qui suit n'a pas été censuré ou édité, et j'en cite une traduction libre :
Selon les rapports de surveillance de la CAIDP, la torture reste un élément courant de... la procédure, particulièrement au stade de l'enquête... [un homme est nommé dans un exemple] Qajkol, arrêté... à la suite de l'enlèvement de trois travailleurs des Nations Unies... [Il] est décédé alors qu'il était en détention préventive. La CAIDP a fait enquête et a conclu que Qajkol est décédé des conséquences de... torture, [même si son décès a été attribué à des] « causes naturelles ». [Son] fils âgé de cinq ans... [quand on l'a interrogé] à la suite du décès de Qajkol en détention préventive, a dit « quelqu'un avait arraché les ongles de mon père ».
C'était en 2004, dans les rapports annuels que reçoit votre bureau, et il n'y avait aucune censure.
Le rapport de 2005, qu'a reçu votre bureau le 31 janvier 2006, après les élections fédérales... Ceci provient d'une demande d'accès à l'information de votre bureau. Vous m'avez indiqué les dates auxquelles vous avez reçu ces rapports, donc vous avez reçu votre rapport de 2005 le 31 janvier 2006. Maintenant, dans ce rapport — je l'ai ici — toutes les références à la torture sont censurées. Je sais qu'elles sont censurées parce qu'elles ne sont recouvertes que de gris, et non de noir. C'est le document qui, de l'avis de tout le monde, ne devrait pas exister. Il existe. Il est du domaine public.
Dans le rapport de 2006, que votre bureau a reçu le 17 janvier 2007, toutes les références à la torture sont censurées et noircies.
Sautons au 22 mars 2007. Vous dites que de tels rapports n'existent même pas. N'est-ce pas là une preuve probante de « froid » ou une différence démontrable de l'administration que fait le MAECI en matière d'accès à l'information, entre l'administration libérale antérieure et l'administration conservatrice actuelle?
Voyez-vous où je veux en venir?
:
Je vois ce que vous voulez dire, et je peux comprendre que lorsqu'il y a des rapports qui sont rédigés dès le départ pour le public, et d'autres qui sont rédigés à des fins confidentielles à l'intention des gouvernements, on aura deux types tout à fait différent de rapports. C'est simplement un fait.
En ce qui concerne les rapports qui sont préparés pour le gouvernement, nous voulons nous assurer qu'ils soient aussi francs que possible, que nous utilisions les meilleures sources possible, etc., pour être sûrs que notre gouvernement reçoive les meilleurs conseils possibles de ses fonctionnaires, fondés sur des rapports confidentiels. Je ne parle pas seulement du gouvernement actuel, mais de n'importe quel gouvernement, parce que c'est ainsi que nous fonctionnons sur la scène internationale, des affaires étrangères et du commerce international.
Si ces rapports devaient devenir publics, ou si on savait qu'ils le deviendraient, automatiquement, nos sources tariraient. Nous aurions énormément de difficultés à obtenir des renseignements. Je peux l'affirmer catégoriquement : là où il y a eu de graves problèmes en matière de droits de la personne, nous constaterions que notre capacité de parler à ces gouvernements — et, partant, notre efficacité — des désagréments de leur comportement, serait limitée.
Ces deux rapports, M. Dhaliwal, sont conçus à des fins vraiment différentes. Bien qu'il y ait une question de transparence — et je peux tout à fait le comprendre — et bien que le public du Canada mérite la transparence, notre devoir à l'égard du public est aussi d'assurer un bon gouvernement et de fournir de bons conseils au gouvernement au pouvoir. Pour un fonctionnaire, c'est toujours un équilibre extrêmement difficile à maintenir.
C'est pourquoi, dans ce cas particulier, nous avons la loi qui permet au commissaire à l'information d'être quelqu'un à qui les requérants peuvent s'adresser après avoir reçu l'information, pour en faire l'épreuve. Les rédacteurs de la loi l'ont certainement vu. En bout de ligne, requérants peuvent toujours s'adresser à un tribunal en dernier recours.
J'aimerais donc revenir au thème de mes questions de tout à l'heure.
Vous avez occupé plusieurs postes de sous-ministre — je pense que vous avez parlé de six ans — donc vous avez de l'expérience. Peut-être n'est-ce pas ainsi que vous voulez le voir, mais cela fait que vous avez de l'expérience.
Dans votre déclaration, ce qui m'inquiète le plus, c'est quand vous dites que les demandes annuelles d'information ont augmenté de 10 p. 100. Vous avez dit que depuis un an, il y a eu une augmentation de 31 p. 100. Vous avez aussi dit que les dossiers sont de plus en plus volumineux et complexes. Enfin, vous avez dit qu'il y a manque de personnel qualifié et intéressé — ce seul paragraphe de votre déclaration écrite suscite en nous les plus grandes craintes.
Maintenant, ce comité, bien entendu, cherche à améliorer les lois sur l'information, et nous en traiterons le moment venu.
La question que j'ai à vous poser, et j'ai essayé de la poser tout à l'heure, c'est si vous avez actuellement des recommandations — vous, en tant que sous-ministre ou en conséquence de discussions que vous avez eues avec votre personnel — pour améliorer la loi, les lignes directrices, le processus. Bien évidemment, une solution serait d'embaucher plus de personnel, si on peut en trouver, et l'autre, serait d'améliorer la loi pour faire que le système soit plus souples.
Pouvez-vous conseiller le comité?
Personnellement, monsieur, en me fondant simplement sur les témoignages que nous avons reçus de vous, de Mme Sabourin et d'autres fonctionnaires, je crois que le problème des retards va persister, non pas pour cause de négligence de votre part, mais à cause de ce paragraphe que je viens de lire. Je pense que c'est inévitable. Alors nous entendrons encore plus parler de problèmes de retard.
Selon la loi, il faut fournir des réponses dans tel et tel délai. Il est clair que ce n'est pas respecté. Alors, à un moment donné, il faut trouver comment régler cela.
Alors je comprends. J'apprécie votre réponse. Je dis seulement que, probablement, en bout de ligne, le comité va devoir examiner ces questions et d'autres relativement à l'information, et je vous demande, ainsi qu'à votre personnel, de réfléchir à des recommandations à faire.
Merci, monsieur.
J'aimerais que nous examinions la demande de M. Esau, qui finit à 605. Je suis troublé par le temps que le comité a pris pour régler ce qui, selon moi, aurait pu l'être entre ministères, M. Edwards. Alors voyons cela.
Je pense que nous pouvons nous entendre sur le fait que la demande de M. Esau est extrêmement générale. Il demande un rapport annuel ou semi-annuel sur la situation des droits de la personne dans le monde. Il présente cette demande le 13 mars. Elle va au bureau de première responsabilité, la Division des droits de la personne, qui répond le 22 mars que le Canada ne produit pas de rapports annuels sur la situation des droits de la personne semblables à celui que produisent, par exemple, les États-Unis ou le Royaume-Uni. En passant, je remarque que ni l'un ni l'autre de ces pays n'est nommé dans la demande. Il n'existe donc aucun rapport de la sorte sur le rendement en matière de droits de la personne dans d'autres pays.
Vous avez dit aujourd'hui dans vos observations préliminaires que de nombreux rapports comme ceux-là sont produits chaque année sur chaque pays, et qu'en fait, l'année dernière, il y en a eu 111.
Vous poursuivez en parlant du guide sur l'accès à l'information qu'a produit le Conseil du Trésor. À l'onglet 2-4, à la page 2, nous lisons ce qui suit. En passant, il s'agit là de consignes données à vos agents :
Il arrive souvent que la demande soit formulée en termes généraux parce que l'auteur de la demande ne connaît pas très bien le mode de fonctionnement de l'administration fédérale. Le cas échéant, un fonctionnaire expérimenté de l'institution doit communiquer avec l'auteur de la demande pour obtenir des précisions sur la nature de la demande et pour expliquer les problèmes que pose le traitement de la demande... Le nombre de plaintes pourrait être réduit grâce à un meilleur traitement des demandes.
C'est ce que j'aimerais souligner, monsieur le sous-ministre: « Le nombre de plaintes pourrait être réduit grâce à un meilleur traitement des demandes ».
Dans sa réponse, je suis curieux de savoir comment la Division a pu dire qu'il n'existe pas de tels rapports sur la situation des droits de la personne dans d'autres pays quand elle sait en avoir traité elle-même 111 l'année dernière. Il me semble que le plus simple aurait été de prendre le téléphone — à mon âge, on prend le téléphone, mais je suppose que la nouvelle méthode serait d'envoyer un courriel au requérant — et de dire « Voyons, cette demande est vaste. Est-ce que vous cherchez quelque chose de précis? » Je suppose que M. Esau aurait répondu « Oui, je m'intéresse à l'Afghanistan ».
Puisque, comme vous l'avez dit vous-même, nous savons qu'il y a 111 rapports sur des pays précis, quelqu'un de la Division aurait pu dire « Oui, nous avons un rapport sur l'Afghanistan pour 2006. Est-ce que c'est ce que veut le requérant? » La réponse aurait été positive, le document aurait été fourni — laissons de côté les questions d'édition — et nous n'en serions pas ici maintenant. C'est ainsi que je vois les choses. Je suis sûr que vous les voyez aussi de la même manière, parce que cela aurait évité bien du trouble à tout le monde.
Ce qui m'ennuie beaucoup, après tout cela, c'est la note qui se trouve dans votre chronologie du 10 avril 2007. Gwyn Kutz, directrice de la Division, parle de diverses choses, et je cite :
La Division produit effectivement des rapports à la suite de certaines situations qui peuvent survenir dans certains pays (par exemple, l'Afghanistan ou Haïti). Si le requérant voulait que la Division fouille chaque rapport, il faudrait des « centaines » d'heures pour retrouver les rapports.
Pour moi, c'est de la foutaise absolue. Nous savons déjà qu'il y a des rapports sur des pays particuliers, par année. Ils doivent être classés par ordre alphabétique, autrement, comment pourriez-vous le trouver? L'Afghanistan est au début de l'alphabet. Je ne comprends pas comment cette personne a pu dire qu'il faudrait des centaines d'heures pour trouver un rapport particulier sur l'Afghanistan quand vous avez dit vous-même que la Division sait pertinemment qu'il existe 111 rapports sur des pays particuliers, qui ont été produits depuis un an. Cette réponse a donc été fournie à M. Esau, parce qu'il a dit devant le comité avoir été choqué qu'on puisse lui demander de payer pour des centaines d'heures de recherche.
Toute cette enquête sur cet aspect — non pas du tout le noircissement du texte — aurait été évitée par une simple question : « Dites, M. Esau, qu'est-ce que vous cherchez? L'Afghanistan? Quelle année voulez-vous? Voici. »
Maintenant, au sujet de ce qui a été noirci et ce qui ne l'a pas été, on veut bien, c'est entre le ministère et le requérant, et si le requérant n'est pas content, il s'adresse au commissaire à l'information. Mais nous avons déjà passé beaucoup du temps du Parlement sur quelque chose que votre ministère aurait pu régler avec deux simples questions, et je ne comprends pas qu'il ne l'ait pas fait.
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Donc, vous êtes entré en fonction autour du 19 mars. On sait que les premières demandes d'accès à l'information, selon la chronologie, remontent au 29 janvier, c'est-à-dire un mois et demi avant votre entrée en fonction. C'est bien cela?
Vous avez dit que vous étiez la meilleure personne pour répondre aux questions. Il y a quelque chose que je ne comprends pas, un petit point, mais ce n'est pas grave, on va continuer. Le rapport est arrivé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international le 17 janvier. J'ai obtenu cette information dans document du ministère de la Justice, qui dit que le rapport a été fourni au ministère par les fonctionnaires le 17 janvier 2006.
Dans le Globe and Mail du 26 avril, on dit que ce qui a été censuré au paragraphe 14, c'est ce qui suit, que je vais vous lire en anglais, même si mon anglais n'est pas très beau :
[Traduction]
Military intelligence and police forces have been accused of involvement in arbitrary arrest, kidnapping, extortion, torture and extra judicial killing of criminal suspects.
[Français]
Monsieur le sous-ministre, à moins que vous niiez que ceci soit réellement dans le rapport... Il y a un mois et demi que cela a été publié et jusqu'à maintenant, personne n'a nié que c'était réellement dans le rapport. Si cela n'avait pas été dans le rapport, je suis certaine que le ministre lui-même se serait fait un plaisir de nous annoncer dans un communiqué de presse que le Globe and Mail avait tort.
Cela étant dit, puisque personne n'a dénoncé le Globe and Mail, c'est donc vrai. Je suis obligée de penser cela. Mon intelligence et ma logique m'amènent à penser cela.
Un rapport est arrivé le 17 janvier au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dans lequel on disait qu'il y avait des kidnappings, de l'extorsion, de la torture et des exécutions sommaires. Puis, d'après ce que vous racontez, quelqu'un a mis le rapport au fond d'un tiroir, et je vous crois. Vous dites que vous ne l'avez pas vu et que le ministre ne l'a pas vu. Je vous crois.
Je me demande quels sont les critères. Vous êtes le nouveau sous-ministre. Vous allez adopter des critères, vous allez les revoir, etc. Quels sont les critères qui prédominaient et quels seront ceux qui vont prédominer à l'avenir pour un rapport comme celui-là, qui va à l'encontre de la Convention de Genève? Tout à l'heure, j'ai oublié le Traité international contre la torture. Il y a même un éminent professeur de l'Université de la Colombie-Britannique, M. Byers, qui a dit que le Canada démontrait qu'il était responsable de crimes de guerre dans ce rapport. Ce n'est pas rien! Or, personne au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international n'a appelé le sous-ministre qui était en poste avant vous ou ne s'est rendu au Cabinet. Vous êtes en train de nous dire que personne n'a fait cela?
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Pouvez-vous arrêter le chronomètre, s'il vous plaît?
Monsieur Edwards, je pense que c'est un exemple parfait. Bien entendu, les députés ne font pas partie de la fonction publique. Ils ne peuvent pas vraiment savoir, par expérience, comment fonctionne un ministère, quelle est la chaîne de commandement, quelle information est donnée à qui et quand. Je pense donc qu'ils sont frustrés; ils essaient de comprendre le processus d'information. Laissons le ministre de côté pour l'instant, parce que je pense que nous sommes tous d'accord que les conseils donnés au ministre ne s'adressent qu'à lui.
Je pense que Mme Lavallée essayait aussi de savoir quels renseignements vous sont transmis pour que vous soyez au courant de ce qui se passe dans votre ministère. Bien sûr, le mot « torture » revient constamment ici, comme les allégations de torture, et la difficulté dans ce cas-ci, c'est qu'il semble y avoir eu une fuite de rapport non édité. Bien sûr, personne ne peut confirmer ni infirmer s'il s'agit du rapport non édité sans se prononcer sur le rapport. Quoi qu'il en soit, comme Mme Lavallée l'a souligné, on en parle dans les journaux, et ce qu'on en dit n'a pas été nié, ce qui tend à lui donner une certaine crédibilité. Le Canada semble avoir été mis au courant de cas de torture de personnes sous notre garde en Afghanistan.
De façon hypothétique, pour que nous puissions comprendre, comme Mme Lavallée le demandait, quel est le processus d'information et quels renseignements recevez-vous?
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De façon hypothétique. Monsieur le président, je veux vous aider. Ne vous méprenez pas sur mes intentions. Je suis prêt à faire ce que vous proposez, mais je n'ai pas l'impression de vraiment parler de la demande d'accès à l'information ni de la façon dont nous avons répondu aux demandes dont il s'agit ici.
De façon générale, la règle est que l'information soit transmise au ministère. Habituellement, elle est transmise au directeur ou à l'un de ses subalternes sous la forme de télégrammes ou de courriels et de documents classifiés ou non classifiés. Nous recueillons l'information, puis quelqu'un quelque part décide s'il vaut la peine d'en aviser le patron, qui peut être le directeur général. Cette personne en prend connaissance, puis détermine si l'information est assez délicate pour monter dans la chaîne hiérarchique.
Il peut s'agir d'un renseignement particulier ou d'une partie d'analyse effectuée pour l'élaboration d'une politique sur un pays ou une question en particulier.
En cours de route, on juge comment on va utiliser l'information en question. Parfois, elle aboutit sur mon bureau, mais ne va pas plus loin, parce que je juge que le ministre n'a pas besoin d'être mis au courant. Parfois, elle aboutit sur mon bureau et je décide qu'il faut préparer une autre note à l'intention du ministre. Parfois, je n'en suis pas informé du tout. Un SMA peut déterminer qu'il n'est pas nécessaire d'en aviser les niveaux hiérarchiques supérieurs.
C'est ainsi que fonctionne le système. Est-il parfait? Comme je l'ai déjà dit, il n'y a aucun système de parfait. Nous essayons de prendre les bonnes décisions en tout temps, mais il arrive que nous nous trompions.
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Merci, monsieur le président. Je vais être bref.
Cet aperçu nous aide, monsieur Edwards, mais je n'arrive pas à en savoir plus que le fait que pour certaines choses, vous décidez d'informer le ministre. Si votre ministre se faisait bombarder de questions à la Chambre des communes au sujet de la situation des détenus en Afghanistan, le sous-ministre ou l'un de vos subalternes voudrait sûrement en informer le ministre, puisqu'il se fait tirer les vers du nez tous les jours à la période de questions.
Permettez-moi de résumer ce qui semble avoir cloché dans ce cas-ci. Quand il a reçu ses premières demandes, votre bureau à tout fait pour en nier l'existence. M. Esau est revenu à la charge. Quand vous dites que sa question était un peu trop générale, trop vaste, je vous rappelle que M. Esau est revenu à la charge et qu'il vous a écrit ceci dans son courriel :
S'il existe de tels rapports, mais que je n'utilise pas les bons titres, je vous prierais de m'en informer. J'entends dire d'autres sources que le MAECI produit effectivement des rapports sur les droits de la personne, et je voudrais confirmer la position du MAECI qu'il N'EXISTE PAS de rapports sur les droits de la personne et que ma demande n'a pas été interprétée de façon trop étroite...
Autrement dit, il a fait de son mieux pour négocier avec l'agente chargée de L'AIPRP afin qu'elle l'aide à reformuler sa demande correctement s'il n'avait pas utilisé les bons termes. C'était assez sérieux. Elle lui a répondu qu'elle vérifierait, puis qu'elle lui en redonnerait des nouvelles. Elle lui a ensuite écrit qu'elle croyait avoir répondu à sa lettre de demande.
Il s'est donc fait berner à deux ou même trois reprises parce qu'il n'utilisait pas les mots magiques. C'est là où cette histoire nous fait penser au conte de Rumpelstiltskin. Que faut-il faire? Quelle est la formule magique pour accéder à l'information? Ce n'est pas supposé être comme ça. Le président a lu les lignes directrices du Conseil du Trésor; elles sont censées favoriser le demandeur et non le ministre qui essaie d'éviter d'être mis dans l'embarras.
Ensuite, quand vous avez dû admettre l'existence de ces rapports, vous avez commencé à les censurer comme des fous, comme jamais auparavant. C'est ce qui me dérange le plus.
Je n'ai qu'une seule question, qui est assez précise. Qui a orchestré la censure du rapport de 2005, qui est sorti en 2006, de même que du rapport de 2006, qui est sorti en 2007? Qui a exigé que toute mention de torture contenue dans ces deux documents soit rayée?
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Très bien, je m'excuse.
Il a été dit que malgré les difficultés que nous avons eues, les choses semblaient bien fonctionner en général. Je vous dirais que tout dépend de la personne à qui l'on pose la question. Selon un détenu, je ne pense pas que le système fonctionne. Selon un soldat canadien en Afghanistan, et j'ai parlé à beaucoup de soldats de retour chez eux, il y a lieu de craindre que certaines personnes remises aux autorités locales subissent le type de traitement que nous ne voulons qu'ils reçoivent dans notre pays. De ce point de vue, je vous dirais, monsieur, que ce système ne fonctionne peut-être pas aussi bien que nous le croyons.
Je pense que l'accès à l'information est pour notre comité... notre responsabilité est de veiller à ce que parfois, quand le gouvernement fait ceci ou cela, certaines personnes obtiennent l'information dont elles ont besoin pour nous aider à rendre des comptes.
Je suis totalement d'accord avec ce que vous avez dit. Je regarde toutes les personnes ici présentes. Il y a beaucoup de fonctionnaires dans cette pièce qui veulent vraiment servir l'intérêt des Canadiens. Je le comprends et je l'accepte, mais je pense qu'il est vrai aussi que l'aspect humain se perd parfois dans le processus.
Je suis le membre de ce comité le plus nouveau, mais je vous dirais, monsieur, que je ne fais pas beaucoup confiance à ce qui ressort des derniers entretiens que nous avons eus. Je ne parle pas d'ingérence politique; je ne parle de rien de tout cela. Je pense simplement que de toute évidence, quelqu'un a fait une demande, qu'une autre personne lui a dit que le document demandé n'existait pas (c'est ainsi que les choses ont commencé) et qu'à partir de là, la situation n'a fait qu'empirer.
Je n'ai pas beaucoup de temps, mais ce qui me préoccupe, c'est que pour toutes ces autres personnes, y compris les soldats, les détenus de même que ceux qui tentent de les défendre, vous tous, les fonctionnaires, devez nous faire des recommandations sur la façon dont nous pouvons vous aider à vous améliorer. Vous devez aussi être conscients du fait que ce n'est pas à prendre à la légère. Il y a des vies en jeu, ce sont des questions graves.
Je vous demanderais donc sincèrement, monsieur, de nous présenter le plus vite possible, avec l'aide des gens de votre ministère et de toutes les personnes ici présentes, des recommandations pour que notre comité puisse vous aider à obtenir ce dont vous avez besoin pour aller plus loin. Je vous demanderais de le faire avec diligence, parce que c'est très important, parce que cela concerne la vie d'autres personnes.
Merci, monsieur le président.
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Chers collègues, je vous remercie.
Monsieur le sous-ministre, merci beaucoup d'avoir comparu devant nous. Je vous remercie d'être resté au-delà du temps prévu. Nous l'apprécions.
Mesdames et messieurs les députés, nous avons parmi nous les quatre témoins que nous avons assignés à comparaître, mais j'aimerais d'abord prendre cinq minutes de pause pour notre personnel. Ensuite, j'aimerais que nous reprenions nos travaux à huis clos pour déterminer lesquels de ces témoins nous voulons entendre, s'il y a lieu, et de quelle façon, c'est-à-dire en séance publique ou à huis clos. Nous pourrons ensuite les entendre. Je ne veux pas prendre beaucoup de temps pour cela, mais je veux tenir compte des discussions que nous avons eues la semaine dernière.
Je demanderais donc aux témoins qui ont été assignés à comparaître de rester ici. Personne d'autre n'a à rester, mais vous pouvez le faire, puisque la séance est publique tant que je ne l'ai pas déclarée à huis clos. En fait, je vais la déclarer à huis clos dès notre retour. Vous pourriez donc revenir quand nous reprendrons nos travaux publics, après la suspension. Toutefois, Mme Kutz, Mme Nixon, Mme Archambault et M. Switzer doivent rester dans les limites de cette salle, pas à l'extérieur, jusqu'à ce que nous soyons prêts à les entendre.
Encore une fois, monsieur le sous-ministre, je vous remercie infiniment.
Le comité suspend ses travaux pour cinq minutes.
[Les travaux se poursuivent à huis clos.]
[La séance publique reprend.]
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Nous sommes prêts. Reprenons nos travaux.
Nous accueillons quatre personnes que nous avons assignées à comparaître. Je pense qu'aucune n'a de déclaration d'ouverture à faire, mais elles vont se présenter et préciser, je l'espère, ce qu'elles font en matière d'accès à l'information au ministère des Affaires étrangères.
Nous allons ensuite leur poser des questions, mesdames et messieurs. Je vais demander à chaque député de bien préciser à qui s'adresse sa question, parce que nous avons quatre témoins et que notre temps est limité. J'aimerais aussi, dans la mesure du possible, vous sommer de poser des questions plutôt que de faire des déclarations, mais je ne peux que vous encourager à le faire.
Dans aucun ordre particulier, mais je sais que Mme Kutz est directrice de GHH, c'est du moins ce que je pense, et je présume que pour cette raison, elle occupe une fonction supérieure à celle des trois autres personnes, donc je vais lui demander de me dire si c'est exact, pour commencer, puis de se présenter et de présenter son titre.