FINA Réunion de comité
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CANADA
Comité permanent des finances
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 19 octobre 2006
[Enregistrement électronique]
[Français]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport du gouverneur de la Banque du Canada sur la politique monétaire.
[Traduction]
Chers membres du comité, nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, et Paul Jenkins, premier sous-gouverneur.
Bienvenue, messieurs. À vous la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi d'être de nouveau devant le comité. Cela fait un an depuis ma dernière visite, si bien que je voulais dire combien nous apprécions la possibilité que nous avons, habituellement deux fois l'an, de vous rencontrer à la suite de la parution du Rapport sur la politique monétaire. Nous croyons que ces séances nous aident à bien renseigner les députés de la Chambre et, par votre entremise, tous les Canadiens, au sujet de notre point de vue sur l'économie, de l'objectif de la politique monétaire et des mesures que nous prenons pour l'atteindre.
Lorsque nous sommes venus vous rencontrer en octobre de l'année dernière, nous vous avons indiqué que la croissance des économies mondiale et canadienne se poursuivait à un rythme solide et que l'économie de notre pays semblait alors tourner à son plein potentiel. Dans la plus récente livraison de notre rapport, que nous avons publié ce matin, nous jugeons que l'économie canadienne fonctionne actuellement à un niveau tout juste supérieur à sa capacité de production. Bien que l'on s'attende à ce que l'expansion à l'échelle mondiale soit un peu plus forte qu'on ne l'avait d'abord pensé, la détérioration des perspectives à court terme aux États-Unis est venue assombrir celles des exportations et de la croissance au Canada. La Banque a revu légèrement à la baisse son scénario de référence concernant l'économie canadienne, par rapport à celui exposé dans la Mise à jour de juillet du Rapport.
[Français]
La banque estime maintenant que le PIB progressera en moyenne de 2,8 p. 100 en 2006, de 2,5 p. 100 en 2007 et de 2,8 p. 100 en 2008. La faible croissance de la productivité du travail a amené la banque à réduire à 2,8 p. 100 le taux d'accroissement de la production potentielle postulé pour la période de 2006 à 2008. Ensemble, ces facteurs impliquent que la faible demande excédentaire observée en ce moment se résorbera d'ici le milieu de 2007.
L'inflation mesurée par l'indice de référence devrait se hisser légèrement au-dessus de 2 p. 100 au cours des prochains mois, mais être redescendue à ce niveau au milieu de 2007 et y demeurer jusqu'à la fin de 2008. Par ailleurs, le recul des cours de l'énergie a entraîné une révision à la baisse du taux d'augmentation de l'IPC global attendu à court terme. Ainsi, l'inflation mesurée par l'IPC global, y compris l'incidence temporaire de la réduction de la TPS, avoisinera probablement 1,5 p. 100 en moyenne jusqu'au deuxième trimestre de 2007, avant de remonter à la cible de 2 p. 100, où elle devrait rester jusqu'à la fin de 2008.
[Traduction]
Monsieur le président, comme nous l'avons indiqué le 6 septembre dernier, dans notre communiqué relatif à l'établissement du taux directeur, nous sommes d'avis que les risques pesant sur le scénario de référence se sont légèrement accentués depuis juillet. Le principal risque à la hausse est lié au dynamisme des dépenses des ménages et des prix des logements, tandis que le plus important risque à la baisse tient à la possibilité que l'économie américaine ralentisse plus fortement que prévu, ce qui provoquerait une diminution des exportations canadiennes. La Banque considère que les risques qui entourent sa projection au sujet de l'inflation sont relativement équilibrés.
Enfin, je devrais signaler que, mardi, nous avons décidé de maintenir notre taux directeur à 4,25 p. 100. Nous jugeons à l'heure actuelle que celui-ci se trouve à un niveau compatible avec la réalisation de la cible d'inflation à moyen terme. Nous continuerons de suivre de près l'évolution des risques, ainsi que la situation économique et financière, au pays et à l'étranger.
Monsieur le président, c'était un rapide aperçu. Paul et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Je suis très intéressé par les risques liés à votre projection, non seulement en matière d'inflation mais de croissance du PIB. Le marché du logement aux États-Unis est en difficulté; or, j'ai le sentiment que l'éclatement d'une bulle dans le marché immobilier serait plus grave que dans le marché boursier, vu la part plus importante du logement dans les avoirs de la plupart des gens. C'est seulement mon point de vue. Mais quels sont selon vous les risques à la hausse et à la baisse par rapport à vos prévisions pour le PIB?
Commençons par l'économie mondiale dans son ensemble. Un examen indique que la croissance sera sans doute un peu plus soutenue que nous le pensions lors de notre mise à jour de juillet et certainement un peu mieux que nous le pensions au printemps dernier. C'est dû en bonne partie au maintien des bons résultats en Asie. Il y a eu également une nette reprise au Japon et en Europe, où la demande intérieure augmente et semble destinée à augmenter un peu plus fortement. Ce sont donc les tendances à la hausse dans le monde. Bien sûr, elles exercent une pression à la hausse sur les prix mondiaux, notamment ceux des ressources.
Par contre, il faut convenir que le fléchissement de l'économie des États-Unis est un peu plus marqué que prévu. C'est dû essentiellement à deux choses: le logement et l'automobile. Si nous examinons la composition de nos exportations, nous constatons que le logement et l'automobile y occupent une place très importante. Si le logement est un élément majeur, ce n'est pas seulement à cause du bois d'oeuvre, mais aussi à cause des fenêtres et des portes qui sont fabriquées principalement en Ontario et au Québec, ainsi qu'à cause des meubles, qui proviennent de tout le secteur manufacturier au pays. L'automobile, quant à elle, est un secteur particulièrement important pour le sud de l'Ontario.
C'est essentiellement pour cette raison que nous avons revu à la baisse nos prévisions pour le Canada pour les quatre trimestres à venir. Restent deux questions: avons-nous suffisamment tenu compte du fléchissement aux États-Unis et avons-nous suffisamment revu à la baisse les perspectives de croissance du Canada de ce fait? La réponse? Nous l'ignorons. Notre perspective pour les États-Unis est marquée par des tendances à la baisse. Je ne sais pas, toutefois, si ce sera dû à de nouvelles énormes détériorations du marché du logement, ou à la détérioration marquée déjà enregistrée dans ce marché qui pourrait s'étendre à d'autres secteurs de la demande des ménages.
C'est un risque dont nous avons conscience. Nous pensons que le risque est manifestement d'un côté: il est fort peu probable que nos prévisions pour les États-Unis s'avèrent trop optimistes, du moins à court terme. Mais la demande mondiale est plutôt forte et compense une partie de ces problèmes.
Les pressions à la hausse, à présent. Elles sont importantes et nous en avons signalé quelques-unes.
D'abord, il est fort possible que la demande intérieure des entreprises et des ménages soit un peu plus forte. Nous n'avons pas revu à la hausse nos prévisions, mais le montant de revenu disponible est un peu plus élevé que ce que nous avions prévu. Deuxièmement, il se peut que la vigueur observée principalement en Alberta et en Colombie-Britannique, ainsi que, dans une moindre mesure, en Saskatchewan et au Manitoba, ait un effet de contagion plus marqué que ce que nous connaissons jusqu'à présent.
Nous pensons donc que cela constitue une pression à la hausse. Il existe aussi un risque de voir la progression très marquée des salaires et des prix, enregistrée en Alberta, se propager au reste du pays. C'est pourquoi nous estimons que les risques s'équilibrent plus ou moins, mais avons l'intention de surveiller la situation.
Merci.
Je voudrais maintenant aborder brièvement la politique budgétaire, si vous le permettez. La composante de prudence économique visant à nous préserver d'un retour à une situation de déficit, a été éliminée par le gouvernement actuel. Si cette prudence a disparu, j'imagine que, par définition, la politique budgétaire est moins prudente. Seriez-vous d'accord avec cette constatation?
Par ailleurs, si, comme l'indiquent, je crois, vos prévisions, les risques sont plus marqués, peut-être est-il plus nécessaire que jamais de faire preuve de prudence, après une longue série d'excédents surprenants. Si les risques sont plus marqués, cette époque est peut-être révolue et il faudrait peut-être être plus prudents que par le passé.
C'est une double question: êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a moins de prudence et que la prudence est plus nécessaire que par le passé?
Permettez-moi de parler des causes sous-jacentes du phénomène. Ce qui s'est passé, bien sûr, est que nous avons été surpris par la vigueur et la croissance du PIB nominal, en 2004 et en 2005 notamment, essentiellement du fait des améliorations des termes de l'échange.
Comme vous le savez tous ici, nous imposons les éléments nominaux et non réels. La vigueur des recettes, qu'il s'agisse de recettes fiscales ou de redevances, en Alberta notamment, a été plus marquée que nous nous y attendions.
Et vous avez parfaitement raison: nous nous attendons à ce que la tendance s'inverse à l'avenir. La croissance du PIB nominal légèrement supérieure à 6 p. 100 constatée l'an dernier passera à 5 p. 100 cette année, d'après nos estimations, et pourrait bien être de 4 p. 100 l'année d'après. Il existe donc bien des risques de fléchissement de la croissance du PIB nominal.
C'est, à mon sens, un problème, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, car les provinces dépendent beaucoup de l'impôt sur le revenu des sociétés ou, directement, du revenu des redevances.
L'élimination de la composante de prudence signifie-t-elle que, par définition, la politique budgétaire est maintenant moins prudente?
Notre présupposé est que les gouvernements, dans leur ensemble, ajusteront leurs dépenses, impôts et taxes, afin de maintenir l'équilibre budgétaire au cours de la période.
Je vois. Ce n'était pas une réponse directe, mais je vais poursuivre.
Des voix: Ah, ah!
L'hon. John McCallum: Je sais que le ministère des Finances dispose de divers modèles économiques montrant qu'une diminution de l'impôt sur le revenu a de plus grandes répercussions sur la productivité ou la richesse qu'une diminution du taux de TPS. Je sais que les économistes de l'OCDE et du FMI s'entendent sur ce point.
Êtes-vous d'accord pour dire que, du point de vue de la compétitivité ou de la productivité, diminuer l'impôt sur le revenu est plus efficace que de réduire les taxes à la consommation?
C'est toujours délicat, parce que ce n'est pas véritablement un domaine sur lequel se penche la Banque, et je suis ici pour parler du travail que nous faisons.
Nous nous concentrons sur l'importance de l'équilibre budgétaire, notamment quand la croissance est plus vigoureuse que ce que nous escomptions. Dans ces cas, manifestement, nous nous attendrions à ce que les gouvernements engrangent des excédents.
C'est ce qui est vital à nos yeux. À long terme, la structure de la fiscalité est essentielle pour le taux de croissance potentiel de l'économie, mais cela n'est pas notre domaine d'expertise.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour votre présentation. C'est tout un changement de concept pour les membres du comité. Nous disposons dorénavant de 10 minutes pour échanger, ce qui nous permettra, je l'espère, d'étudier un peu plus en profondeur les questions à l'ordre du jour.
Depuis longtemps, on tient pour acquis que la Banque du Canada a comme politique de maintenir un taux cible d'inflation entre 1 et 3 p. 100. Cette fourchette est-elle théorique ou est-elle basée sur des données empiriques? Comment cette décision a-t-elle été prise, à l'époque? Comment s'applique-t-elle aujourd'hui? Y a-t-il lieu de la réviser? Est-ce toujours la meilleure fourchette cible pour le Canada?
C'est une bonne question.
Je vais vous répondre d'abord et je vais ensuite céder la parole à Paul.
En 1991, le gouvernement et la Banque du Canada ont essayé de trouver une formule pour décélérer l'inflation, qui était très haute à l'époque. On a donc établi des cibles de désinflation jusqu'en 1995. Le taux d'inflation est donc passé de 4 à 2 p. 100 à la fin de la période.
En 1995, nous nous sommes entendus pour maintenir cette cible à 2 p. 100; nous l'avons renouvelée deux fois depuis. On a prévu une fourchette de 1 p. 100 de chaque côté, à cause des variations normales de l'inflation.
Le Canada a été le deuxième pays à adopter ce genre de régime. Il a été un pionnier à cet égard. Le taux de 2 p. 100 n'était pas basé sur l'expérience passée, parce que ce régime était nouveau, mais après quelques années, d'autres pays ont suivi notre exemple et ont adopté des cibles. La Banque européenne, par exemple, a adopté un taux de 2 p. 100 ou moins. L'Angleterre a également adopté un taux de 2 p. 100. Dans d'autres pays, le taux est de 2,5 ou de 3 p.100. Le Japon et les États-Unis envisagent également l'adoption d'un tel régime.
Paul veut peut-être ajouter quelque chose.
Nous avons établi une cible de 2 p. 100 assortie d'une fourchette de 1 p. 100 de chaque côté, mais nous visons un taux de croissance de l'IPC global de 2 p. 100. Un facteur qui contribue dans une large mesure à l'efficacité de la politique monétaire sont les attentes inflationnistes. En fixant une cible précise, les attentes inflationnistes sont maintenant ancrées à 2 p. 100. C'est un facteur très important.
Comme le gouverneur l'a mentionné, nous avons mené des études sur une cible de 2 p. 100. Il y a des facteurs, mais présentement, nous sommes satisfaits de ce taux.
Si je comprends bien, le taux de 2 p. 100 actuel est assez arbitraire. C'est une cible qui a été fixée à un moment donné. Elle semble fonctionner assez bien. Les autres ont suivi.
Quelle est l'origine mathématique de ce chiffre? C'est un peu ce que j'essaie de comprendre. Pourquoi n'établit-on pas la cible à 2,5, 3 ou 1,75 p. 100?
On n'a pas établi cette cible de façon mathématique, mais en déterminant quelle cible donnerait la meilleure performance économique. Après 10 ans, soit depuis que nous avons établi une cible de 2 p. 100, les attentes sont bien ancrées à 2 p. 100. Il reste toujours la question de savoir s'il existe une cible qui pourrait entraîner une meilleure performance économique.
Compte tenu de notre expérience et de celle des autres pays, nous étudierons cette question. C'est une question empirique plutôt que mathématique.
D'accord.
Je vais poser quelques questions au sujet des composantes de l'inflation. J'aimerais connaître l'impact de la baisse récente de la TPS sur l'inflation, et l'impact d'une autre baisse éventuelle. À l'opposé, quelles sont les sources d'inflation? Dans quels domaines peut-on craindre qu'il y ait des sources d'inflation importantes au Canada dans les prochaines années?
Je vais commencer à répondre et je céderai ensuite la parole à Paul.
L'effet de la baisse récente de la TPS sur l'inflation — il s'agit d'un calcul mathématique, cette fois — est d'un peu plus de 0,5 p. 100, soit entre 2,5 p. 100 et 2,6 p. 100, et durera de juillet 2006 à juillet 2007. Après juillet 2007, on estime que l'effet disparaîtra. Mais il existe d'autres facteurs qui sont beaucoup plus difficiles...
Paul.
Il y a une différence conceptuelle entre les facteurs qui influencent le taux d'inflation à moyen terme, comme l'équilibre entre l'offre et la demande, et les facteurs comme une réduction de la TPS, qui ont un impact temporaire sur les prix.
Comme le gouverneur l'a souligné, on observe actuellement un effet de 0,5 p. 100 sur l'IPC, mais d'ici un an, cet effet sur le taux de croissance ne se fera plus sentir.
D'accord. Comment pourriez-vous concilier les impératifs de croissance de l'emploi et de lutte à l'inflation si, par exemple, la situation de l'emploi venait à se détériorer? Peut-on penser devoir momentanément sortir de la fourchette cible d'inflation, lâcher un peu de lest pour stimuler l'emploi et la croissance? Comment gérez-vous ces trois concepts? Comment conciliez-vous cela?
À moyen terme, la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à la performance économique est de maintenir un taux d'inflation bas et stable et d'avoir des attentes bien ancrées à cet égard. À moyen et à long terme, ce serait la meilleure chose à faire.
Évidemment, le taux d'inflation à court terme est très influencé par les pressions exercées sur l'économie, soit à la hausse, soit à la baisse. Quand il y a des pressions à la hausse, quand l'économie fonctionne à un niveau plus haut que le potentiel, il en résulte des pressions inflationnistes. C'est alors qu'il faut resserrer quelque peu la politique monétaire.
D'un autre côté, c'est lorsqu'il y a beaucoup de slack, comme on le dit en anglais, dans l'économie et des pressions à la baisse sur l'inflation que nous devons exercer plus de pressions expansionnistes sur la politique monétaire, mais...
[Traduction]
Oui, merci.
Bienvenue, messieurs.
Le thème de nos consultations a été l'augmentation de la compétitivité et de la productivité du Canada, et nous aimerions bien connaître votre opinion. Vous savez qu'avec l'appréciation du dollar canadien au cours des dernières années, il est devenu plus difficile pour les entreprises canadiennes de rester concurrentielles et, bien sûr, pour le pays de maintenir son niveau de vie. C'est pourquoi je me demande quelles seraient vos suggestions pour améliorer la productivité et rendre nos entreprises plus concurrentielles. Je suis sûre que vous auriez toute une série de suggestions, mais sur lesquelles insisteriez-vous?
Laissez-moi d'abord dire que, comme en atteste mon front dégarni, j'ai été témoin d'un certain nombre de ces cycles par le passé. Je me souviens très bien du cycle des années 70, puis du début des années 80, puis du début des années 90, au cours desquelles les ajustements de l'économie canadienne étaient lents, si bien que nous nous efforcions d'amortir le processus d'ajustement à tous les niveaux, avec des résultats discutables. Or, en observant les événements des trois ou quatre dernières années, on est forcément frappé par la capacité des entreprises et des travailleurs à s'adapter à des changements plutôt abrupts. Nous étions loin de disposer d'une telle capacité d'adaptation il y a 35 ou 30 ans. Il semblerait donc que les leçons de l'expérience aient porté leurs fruits.
La véritable question est donc de savoir ce qu'il convient de faire à l'avenir. Le premier impératif est de rester souple. Paul a abordé la question et je vais lui passer la parole. Le second impératif est que les employeurs, les gouvernements et les particuliers continuent tous d'accorder la priorité à l'amélioration des compétences, afin de rester dans le peloton de tête.
Vu que Paul a étudié la question, je le laisse poursuivre.
Tout d'abord, j'aimerais faire remarquer que le gouverneur a parlé des années 70 et 80 et des cycles d'expansion et de ralentissement que nous avons connus pendant cette période. Si vous comparez les dix dernières années à celle-ci, vous observerez que nous avons subi des chocs conséquents. Beaucoup ont eu une origine ou une portée internationale. Je pense par exemple à la crise du peso au Mexique, aux crises asiatiques, à la Russie, au capital à long terme, à l'explosion de la bulle de haute technologie, au SRAS, à l'ESB, aux délits de certaines entreprises américaines. Tous ces éléments ont eu une incidence sur notre économie. Comme le gouverneur l'a dit, nous avons fait preuve d'une grande capacité d'adaptation pour nous remettre de ces chocs.
Il s'agit donc ici de déterminer ce que nous pouvons faire pour continuer à promouvoir une économie souple capable de s'adapter aux nouveaux événements, dont beaucoup viennent de l'extérieur. Par conséquent, des politiques macroéconomiques et, à notre sens, un taux d'inflation faible et stable sont essentiels. En outre, il est également important de promouvoir la formation et la mobilité de nos ressources — la main-d'oeuvre — dans notre pays. Cette capacité à répondre aux événements économiques est très importante et je pense que nous avons beaucoup progressé, et qu'il faut continuer à le faire.
Êtes-vous inquiet de l'efficience et de la productivité des marchés financiers? Le cas échéant, quelles initiatives recommandez-vous?
La réponse est oui, nous sommes inquiets. Nous subissons une grande concurrence du reste du monde et, à moins que nous ne soyons à l'avant-garde dans les structures juridiques et réglementaires de nos marchés et de nos industries, nous allons être éprouvés.
Pendant plusieurs années, à partir de la commission Porter au début des années 60, puis, grâce à des révisions de notre structure en 1967, le Canada a été en fait un chef de file. Au cours de ce processus, nous nous sommes créés un avantage concurrentiel. Honnêtement, cette dernière décennie, nous avons perdu du terrain. Ou plutôt, d'autres pays ont progressé beaucoup plus rapidement que nous. Par conséquent, notre position concurrentielle s'est détériorée. Alors, en effet, nous pensons qu'il est fondamental de faire le maximum du point de vue juridique et réglementaire.
Deuxièmement, comme nous savons que la concurrence sur les marchés permet de promouvoir l'innovation au sein des entreprises, il faut nous assurer que nos marchés et nos institutions subissent suffisamment de concurrence pour être poussés à faire de leur mieux. Personne n'aime beaucoup la concurrence, mais c'est un incitatif à la productivité.
Monsieur Dodge, j'ai une dernière question. Je sais que vous vous intéressez aux régimes de retraite à prestations déterminées et aux régimes de retraite du Canada de façon générale. Ils contribuent à assurer la sécurité des Canadiens dans l'avenir. Pourriez-vous nous donner votre avis sur les mesures nécessaires pour renforcer cet élément de notre économie et de notre sécurité?
Les régimes de retraite sont sans doute parmi les plus complexes sur le plan technique et je ne suis pas un expert en droit ni en comptabilité, mais il est évident qu'il est très important que les entreprises et les travailleurs aient la possibilité et la capacité de profiter de régimes de retraite à prestations déterminées. Ils pourront choisir de ne pas y souscrire, c'est un autre problème. Mais il faut créer un cadre impartial de régimes de retraite.
Pour plusieurs raisons, notamment de comptabilité, et compte tenu de certaines décisions des tribunaux, nous avons créé un préjugé envers les employeurs qui parrainent ces régimes, ce qui les a poussés à se désengager.
Chacun est libre de faire comme il veut, mais à notre avis, c'est un élément important car les retraites sont une source importante d'épargne pour l'économie et elles sont nécessaires pour la stabilité future. Ce que nous avons dit, c'est simplement qu'il faut un cadre réglementaire et comptable neutre qui permette aux employeurs, s'ils le souhaitent, de mettre sur pied ce genre de régimes.
En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, nous sommes des chefs de file à l'échelle internationale, notre régime est parmi les meilleurs. Cependant, au fur et à mesure que la population vieillit, il faut, à mon avis, revoir la structure du RPC pour permettre la transition du travail à temps plein à la retraite à temps plein. Lorsqu'il a été établi en 1966, on n'a pas réellement tenu compte de cette transition. C'est un problème complexe et il faudra l'examiner si l'on veut avoir les incitatifs appropriés pour pousser les travailleurs âgés à continuer à participer à la population active autant qu'ils le souhaitent.
Merci beaucoup de votre exposé.
J'aimerais revenir à la question des retraites, surtout ce régime de retraite à prestations déterminées dont vous avez dit publiquement qu'il était important. Vous avez dit qu'il fallait se pencher sur le fait que de nombreuses entreprises adoptent un régime de contributions par opposition à un régime de prestations.
Nous avons entendu plusieurs témoins à ce sujet, dont Pam Went, du Groupe des retraités de Bell. Elle a avancé qu'il nous fallait une loi pour nous assurer que les entreprises restent solvables. Elle dit qu'il existe une loi de ce genre aux Pays-Bas et que cela fonctionne. Certains proposent également un régime semblable à celui que la province de Québec envisage actuellement, soit la création d'un fonds de réserve. On utiliserait ce fonds pour les périodes de vaches maigres et à court terme, il serait utilisé comme un actif de la compagnie.
Devrait-on envisager cette solution? Y a-t-il des inconvénients? Comment progresser sur cette question?
Ce sont des questions très compliquées.
D'abord, je pense qu'il faut faire attention lorsqu'on dit qu'il faut que les compagnies soient solvables, parce que le calcul de solvabilité est fondé sur toutes sortes d'hypothèses et de règles. Honnêtement, j'ai peur que nous l'ayons défini de façon trop stricte et que certains régimes qui sont parfaitement solvables pendant une période semblent insolvables par la suite à cause de ces règles.
Je pense qu'il faut donc faire preuve de prudence. La tâche qui consiste à passer par cette période de transition n'est pas simple. Cependant, la situation actuelle, où tout dépend du taux d'intérêt du dernier jour de l'année civile, n'est pas satisfaisante. Elle permet la comparabilité, mais elle n'est pas raisonnable.
Les Pays-Bas, c'est autre chose. Je pense qu'il y a des leçons à tirer du modèle néerlandais. Ils sont partis d'un désastre total et ont tenté des expériences. Je pense qu'il y a des leçons que les Canadiens pourraient tirer de ce modèle.
Enfin, il y a une chose contre laquelle je vous mets en garde, c'est un système semblable à l'American Pension Benefit Guarantee Corporation. C'est un système qui récompense ceux qui ne gèrent pas bien leurs régimes de retraite et pénalisent les autres. C'est très dangereux. Cependant, il est clair que si nous vivons une crise économique ou financière, nous voudrons essayer de stabiliser notre situation par un régime approprié. Cependant, à mon avis, un régime comme le Pension Benefit Guarantee Corporation n'est pas la solution.
Merci.
Je vais changer de sujet et passer de façon plus générale à l'état de l'économie, l'état de la nation et ce qui me semble être une crise en devenir, compte tenu de la perte des emplois dans le secteur manufacturier, soit notre incapacité croissante à faire concurrence aux produits des marchés asiatiques et le manque de programmes d'aide aux travailleurs pour s'ajuster aux nouvelles demandes et à la nouvelle conjoncture.
Je n'ai pas l'impression que nous soyons bien outillés pour faire face à une crise. Dans le passé, nous avons vécu des crises économiques, et le secteur manufacturier a joué un rôle significatif dans notre redressement. Cela n'est plus le cas aujourd'hui.
Quelle est la solution, à votre avis?
Voilà. Il y a deux questions en jeu, le court terme et le long terme. Je pense qu'il faut vraiment faire la distinction.
Dans l'industrie de l'automobile et l'industrie de la fabrication d'éléments de construction pour le logement, nous observons un cycle à court terme, que nous allons bientôt surmonter. C'est pourquoi nous avons des services comme l'assurance-emploi. C'est exactement prévu pour cela. Ces événements sont cycliques. Cependant, il y a également un problème structurel, et c'est ce dont vous voulez parler. Ce problème structurel varie selon les secteurs industriels, mais ceux qui dépendent généralement d'une main-d'oeuvre moins qualifiée — le secteur de l'ameublement et des tissus, par exemple — sont ceux qui vont perdre aux dépens des pays où la main-d'oeuvre est moins chère. Ils auront sans doute moins d'employés qu'actuellement, mais pas forcément autant qu'on l'imagine, parce qu'il faut garder des travailleurs en design et dans d'autres domaines de spécialisation. Voilà pour la première question.
Deuxièmement, il y a des secteurs comme le secteur forestier, qui nous préoccupe tous, dont les pâtes et papiers ont subi une concurrence écrasante du Brésil et de l'Indonésie et dont la demande diminue pour les produits classiques, comme le papier journal. Parallèlement, surtout dans l'est du Canada, les coûts du bois augmentent. Avec le temps, ce secteur devra diminuer de capacité. Cela ne veut pas dire qu'il doit devenir improductif, mais plutôt qu'il devra diminuer par rapport à sa taille actuelle.
Le problème, alors, surtout pour ces secteurs, puisqu'ils sont majoritairement situés au nord du Manitoba, au nord de l'Ontario et du Québec, dans les petites collectivités, c'est qu'il y aura moins de travail dans ces régions pour les travailleurs déplacés. Ce problème est résolu, du moins à court terme. Puisqu'il s'agit d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée et très utile pour les secteurs en croissance, ils devront travailler à l'extérieur de leur collectivité de façon temporaire. Pour une collectivité comme Prince Albert, c'est facile, vous pouvez sauter dans un avion et être à Fort McMurray en une demi-heure. C'est un peu plus compliqué pour Fort Frances ou Témiscaming. C'est là le réel problème. Je n'ai pas toutes les solutions, mais il faut se concentrer sur les travailleurs de ces collectivités.
Enfin, à plus long terme, il faut mettre l'accent sur l'éducation et la formation, pour nous assurer que nos jeunes travailleurs aient les compétences et la souplesse voulues pour s'adapter à différents secteurs industriels.
Dans ce contexte, l'autre problème qui me semble poindre et que vous avez évoqué, c'est celui de la saturation du marché du logement. Si la tendance se maintient, ne croyez-vous pas que l'on pourrait subir une grave crise, forçant les gens à s'endetter, à contracter, d'après ce que j'ai compris, des assurances sur leur hypothèque ou leur hypothèque auprès de compagnies véreuses parce qu'ils ne peuvent faire autrement? Cela ne risque-t-il pas d'engendrer un important ralentissement dans de nombreuses collectivités?
Je vais vous répondre. C'est une question importante, à laquelle nous avons accordé beaucoup d'attention. Nous avons étudié la situation financière des ménages et examiné différents scénarios pour déterminer dans quelle mesure elle serait affectée, par exemple, par une augmentation des taux d'intérêt ou une baisse du prix des maisons.
Dans l'ensemble — et je dis bien dans l'ensemble — lorsque vous regardez la situation financière des ménages et surtout le ratio du service de la dette, qui reste très faible, la situation n'est pas préoccupante. En effet, bien que les taux d'intérêt aient quelque peu augmenté, ils restent relativement faibles, y compris les taux hypothécaires, ce qui découle d'une inflation faible et stable. Ne l'oublions pas.
Nous faisons également une analyse de la répartition pour nous assurer que, si ce risque n'existe pas dans l'ensemble, les ménages ne soient pas vulnérables non plus. C'est un domaine dans lequel nous n'avons pas fait autant de recherches que nous le souhaiterions. Mais il y en a. En fait, dans la Revue du système financier qui sortira dans un mois et demi, nous parlons précisément de cette question. Jusqu'à aujourd'hui, la recherche indique, du point de vue de la répartition, qu'il n'existe pas de problème grave.
Le troisième élément...
Je suis désolé, mais je dois vous interrompre avant ce troisième élément. Il faut continuer, parce qu'il y a plusieurs autres députés qui voudraient vous poser des questions également.
Si le comité est d'accord, j'aimerais que la séance se termine à 17 heures. Il nous reste environ 40 minutes, ce qui devrait donner cinq minutes à tous ceux qui figurent sur ma liste. Continuons.
Monsieur McKay.
Merci, monsieur le président.
Gouverneur, sous-gouverneur, merci.
Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur la productivité. Je vais vous poser une question que j'ai posée hier au personnel de direction des grandes entreprises canadiennes. Le gouvernement, ces 13 dernières années, a fait beaucoup de choses que le milieu des affaires a demandées. Le ratio de la dette au PIB est faible, les taux d'intérêt sont contrôlés, il y a des mesures de relance budgétaire ou des contractions, on a diminué les impôts — ils ont eu tout ce qui était sur leur liste d'achats. Pourtant, au cours des ans, notre productivité semble diminuer à la fois en termes absolus et relatifs.
Je sais que vous avez beaucoup réfléchi à la question, notamment en regard du rôle du secteur des services financiers, ce qui devrait être un atout. J'aimerais avoir votre avis sur ce qu'il nous reste à faire.
Il semble que nous ayons les crédits de recherche et développement les meilleurs du monde. Nous avons la recherche subventionnée par l'État la plus avancée du monde. Nous avons inversé la tendance de l'exode des cerveaux, nous importons maintenant des travailleurs intellectuels. Que nous reste-t-il à faire? Quel est le problème?
Si je connaissais toutes les réponses à votre question, je serais soit un héros, soit très riche — l'un ou l'autre. Désolé, mais je ne connais pas toutes les réponses. C'est un travail considérable.
Lorsque nous avons comparu l'année dernière, nous pensions que nous étions de nouveau sur la voie d'une productivité croissante à long terme d'environ 1,75 p. 100 par an. C'est ce que nous pensions, parce que l'investissement en équipement et en machines était à la hausse, ce qui est généralement signe d'une croissance de la productivité. Nous pensions qu'une bonne partie des ajustements avait déjà eu lieu. Les changements, au moment où ils ont lieu, nuisent à la productivité.
Lorsque nous nous sommes de nouveau penchés sur cette question en septembre, lorsque nous préparions ce rapport, nous avons observé deux choses: d'abord, les chiffres n'étaient pas aussi élevés qu'on le pensait, malgré cette augmentation de l'investissement en équipement. Deuxièmement, le processus d'ajustement était plus long qu'on l'avait pensé. Par conséquent, nous avons dit que nous avions peut-être été un peu trop optimistes l'année dernière et que l'on revoyait à la baisse la croissance de la productivité, à 1,5 p. 100, soit la première estimation. Pour les deux prochaines années, nous avons toujours un potentiel de croissance de 2,8 p. 100 plutôt que de 3 p. 100.
Il est possible que cette période d'ajustement dure plus longtemps. Si vous voulez faire des paris, c'est là-dessus. Nous savons que pendant ces périodes d'ajustement, la productivité n'est pas très bonne.
Cela dit, puisque le secteur des services représente une part de plus en plus importante de l'emploi — par rapport aux États-Unis, nous avons encore peu d'emplois dans ce secteur pour l'instant — il faut vraiment nous assurer que ce secteur, qui couvre tout, depuis les services financiers jusqu'aux services de santé en passant par le secteur de l'accueil et les services communautaires, etc., soit aussi efficient que possible. C'est dans ce domaine qu'il va falloir axer nos efforts.
En ce qui concerne ce qu'il reste à faire, je ne peux pas vous donner d'autres réponses que celles que j'ai données plus tôt.
Encore une fois, gouverneur, je suis désolé. Je vous ferai signe lorsqu'il ne vous reste qu'une minute, afin de ne pas vous couper la parole et de vous permettre de finir votre réponse.
[Français]
Nous passons au prochain intervenant.
Bienvenue, monsieur Bellavance. Vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs Dodge et Jenkins pour vos présentations. Il me fait plaisir de remplacer aujourd'hui M. Paquette, pour qui j'ai déjà travaillé.
Je vais poursuivre sur la lancée de M. McKay. Lorsque je travaillais pour M. Paquette, la Banque du Canada venait présenter son rapport au comité et mettait beaucoup l'accent sur la productivité. Aujourd'hui, elle parle beaucoup plus d'inflation.
Votre stratégie a-t-elle été modifiée ou si, comme vous le disiez, la productivité ou les prévisions que vous avez faites étaient peut-être un peu trop optimistes? Vous en parliez avec beaucoup d'acharnement, mais il semble que cela revête moins d'importance.
À moyen terme, la productivité est le défi le plus important, parce qu'après 2011-2012, on assistera à une période de déclin pour ce qui est de la main-d'oeuvre. La productivité est donc extrêmement importante.
Cependant, à court terme, nous nous attachons à atteindre notre cible en ce qui concerne l'inflation et nous tenons compte de l'évolution de la productivité pendant la période prévue.
Ce qui me préoccupe beaucoup et qui préoccupe beaucoup de gens de ma circonscription, où il y a des papetières comme Domtar et Cascades, est l'appréciation du dollar. On dit souvent qu'un gouvernement ne peut pas tellement influer sur l'appréciation du dollar. Évidemment, il y a des conséquences néfastes sur les exportateurs, mais il est évident que celles-ci sont moindres sur les importateurs.
Vous avez une certaine limite de tolérance à l'égard du taux d'inflation. En avez-vous également une pour ce qui est de l'appréciation du dollar? Qu'est-ce que la Banque du Canada peut faire dans un cas comme celui-là?
À moyen terme, l'appréciation du dollar freine les prix intérieurs, ce qui nous aide à faire face à la situation. Cela veut dire que nous pourrions assouplir notre politique monétaire en période d'appréciation et la durcir en période de dépréciation.
Un demi-siècle d'expérience nous a appris qu'un dollar flottant facilite l'ajustement de l'économie de la meilleure façon. Il existe différentes pratiques monétaires, mais nous avons choisi, depuis 1950, d'avoir un dollar flottant, et cela nous a assez bien servis.
Depuis 2003, d'un point de vue macroéconomique, comment l'économie canadienne a-t-elle été affectée par l'appréciation du dollar?
Depuis 2003, l'écart entre les taux d'intérêt au Canada et aux États-Unis a diminué. Au début, il y avait un écart de plus d'un point de pourcentage. Nous avions un taux plus élevé que celui des États-Unis, mais à l'heure actuelle, il est plus bas ou à peu près identique.
On peut donc dire qu'il y a une interaction entre la pratique monétaire et le taux de change.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Monsieur le gouverneur, je voulais d'abord vous poser une question au sujet des taux d'intérêt. Dans certaines régions du pays, surtout l'Ouest, où l'inflation est plus forte qu'ailleurs, et en Ontario, à mon avis, on ne ressent pas l'inflation, les taux d'intérêt... Certes, nous avons observé une légère baisse des prix de l'énergie. Les denrées comme les automobiles coûtent moins cher. Pensez-vous, à l'avenir, que les taux d'intérêt vont diminuer? Pensez-vous que la valeur du dollar canadien va diminuer également, ce qui ferait augmenter la demande pour les produits canadiens?
Je serai très bref. La réponse est oui, nous nous attendons à ce que l'inflation soit en deça de notre cible dans les mois qui viendront, pour les raisons que j'ai expliquées au tout début de mon intervention. Nous pensons que nous reviendrons à une inflation de 2 p. 100 à l'échelle nationale. Cela veut dire que le taux d'inflation est un peu plus élevé dans les deux provinces de l'Ouest, un peu plus faible dans le reste du pays, mais qu'il est de 2 p. 100 en moyenne.
Les taux d'intérêt vont-ils diminuer? C'est possible. Cela revient à la question de M. McCallum. Si l'économie finit par ralentir beaucoup plus que prévu, il faudra réagir.
D'après un article publié la semaine dernière, le Canada serait en tête de liste des pays du G-8 pour la croissance l'année prochaine. Est-ce compatible avec votre point de vue?
Je n'ai pas tous les détails des taux de croissance des pays du G-8, mais nous prévoyons assurément que le Canada aura l'une des économies les plus performantes des pays du G-8, d'après les projections que nous avons présentées dans le rapport d'aujourd'hui sur la politique monétaire.
D'accord.
Quelle était la position de la Banque sur le récent remboursement de la dette annoncé il y a quelques semaines par le gouvernement du Canada?
Comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque les revenus sont un peu supérieurs aux prévisions, je pense qu'il est extraordinairement important de saisir l'occasion pour rembourser la dette. C'est ainsi que le système est censé fonctionner. En fait, d'après les règles comptables, dès qu'on a plus de revenus, on n'est pas censé les dépenser; il faut rembourser la dette.
Il est important de tirer profit des périodes de prospérité pour le faire. Comme je l'ai déjà dit, c'est très important, non seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour les provinces qui connaissent une forte croissance des revenus, de saisir l'occasion pour rembourser la dette ou bien mettre de l'argent de côté en prévision de l'avenir. Cela aide à court terme; et cela aide beaucoup à long terme.
Parfait.
Je voudrais vous interroger sur la baisse de la TPS. Quand nous avons annoncé la réduction de la TPS le printemps dernier, bien des gens ont dit que nous ajoutions un stimulant à une économie déjà trop stimulée et qu'il en résulterait des dépenses beaucoup plus élevées. Ce n'est pas vraiment ce que l'on a constaté, n'est-ce pas? Nous n'avons pas sur-stimulé une économie déjà trop stimulée, n'est-ce pas?
Non, pour nous, c'est une question d'équilibre budgétaire. En fait, l'année dernière, il s'est trouvé que nous avons eu une croissance nominale des revenus plus élevée que ce que nous avions prévu et il était donc important que le gouvernement enregistre un excédent un peu plus important. Ce n'était pas intentionnel et notre travail à la Banque, et c'est dans ce domaine que nous devons collaborer très étroitement avec les gouvernements, pas seulement le gouvernement du Canada mais tous les gouvernements au Canada, est de bien nous entendre sur l'équilibre budgétaire et les efforts que nous faisons de notre côté.
Nous avons passablement de succès à cet égard depuis le début des années 1990. Je pense que le système fonctionne assez bien. Le gouvernement du Canada et les provinces, avec lesquelles je m'entretiens régulièrement, comprennent vraiment ce que chacun de nous tente de faire.
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Dodge et monsieur Jenkins. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
J'ai relu le texte de votre allocution. Je me répète peut-être, mais qu'allons-nous faire de cette capacité? L'année dernière, vous avez dit que nous semblions fonctionner à pleine capacité de production; aujourd'hui, vous dites que nous fonctionnons un peu au-dessus de la capacité. Je pense que certains de mes collègues ont abordé le fait que nous ne fonctionnons pas à pleine capacité dans certains secteurs, comme vous l'avez dit vous-même, notamment dans le secteur forestier. Dans ce dernier secteur, nous avons des problèmes d'emplois; on peut en dire autant de l'automobile ou du secteur manufacturier au Canada central. Il semble que ce soit seulement en Alberta que les chiffres soient intéressants. Il semble y avoir un certain déclin. Est-ce seulement une aberration?
Comment déterminons-nous, premièrement, où se situe le fonctionnement à pleine capacité de production? Si nous sommes au-dessus de la capacité, combien de temps pouvons-nous continuer à fonctionner de cette manière?
Eh bien, dans ce contexte, la capacité n'est pas tellement une limite physique, c'est plutôt une limite économique. Essentiellement, la capacité, c'est le point auquel la demande dépasse l'offre suffisamment pour que l'on commence à observer un mouvement à la hausse des prix. C'est essentiellement le point où nous en sommes; il y a encore un léger mouvement des prix à la hausse.
Mais quand on parle d'offre, s'agit-il de l'offre de biens et de services, ou bien de la masse monétaire?
Il y a toujours une structure et ce ne sont pas tous les secteurs qui tournent à pleine capacité. Certains dépassent la capacité, en ce sens qu'ils produisent de manière inefficiente parce qu'ils doivent utiliser des machines désuètes ou de la main-d'oeuvre qui ne possède pas toutes les compétences voulues, etc. C'est donc un concept économique, ce n'est pas...
Je n'arrive pas à comprendre que nous ne puissions pas produire plus de voitures et plus d'avions, surtout que Bombardier ne tourne pas à pleine capacité. Je parle seulement des grandes entreprises manufacturières qui me viennent à l'esprit. Je suis certain qu'il y en a d'autres. On en revient à ce que nous disions tout à l'heure au sujet de la productivité. J'ignore si cela a quelque chose à voir.
Mais si l'on dit que nous tournons au-dessus de notre capacité et que tout va bien, le revers de la médaille, c'est qu'il faut essayer de fixer la valeur du dollar. Voulons-nous que sa valeur soit faible pour nous prévenir contre l'inflation, parce que nous tournons à pleine capacité, ou bien voulons-nous que le dollar soit à parité avec le dollar américain afin de tenter de nous remettre en selle? Quelle est la corrélation avec notre politique monétaire?
Eh bien, ce qui est vraiment difficile, c'est que nous devons d'une manière ou d'une autre transférer des ressources réelles des secteurs où la valeur ajoutée est faible vers des secteurs où la valeur ajoutée est plus élevée. C'est ainsi que nous nous enrichirons avec le temps.
Ce processus d'ajustement n'est pas facile. Cela prend du temps, des investissements, du recyclage et de la mobilité. Tous ces facteurs doivent converger pour atténuer les goulots d'étranglement. Quant aux goulots d'étranglement sur le plan de l'offre, dans les secteurs où la valeur ajoutée est très élevée, nous devons vraiment y injecter des capitaux et de la main-d'oeuvre prélevés dans des secteurs où cette valeur est plus faible. Cela prend du temps et c'est difficile...
Je m'excuse de vous interrompre, mais notre temps est limité.
Donc, en termes profanes, si la fabrication d'une voiture au Canada n'est pas efficiente ou n'ajoute pas suffisamment de valeur, ce n'est pas important? Le mot « important » n'est probablement pas le mot juste, mais ce n'est pas l'objectif que nous devrions nous fixer? Peut-être devrions-nous viser des emplois qui créent davantage de valeur? Ce qui m'amène à ma question: Comment établir cet équilibre? À cause des différences régionales, les ressources physiques et humaines ne sont pas les mêmes dans les différentes régions du pays. Comment composer avec cela?
Trente secondes.
C'est très facile, ou relativement facile, dans les grands marchés du travail, comme celui du sud de l'Ontario, de la plaine de Montréal, du lower mainland de la Colombie-Britannique ou dans le couloir Edmonton-Calgary, parce que les gens peuvent transférer les coûts du mouvement. Vous aurez peut-être à aller plus loin en voiture, mais vous pouvez vous déplacer. Les entreprises sont à la porte d'à côté. Là où c'est difficile, et là où l'on a vraiment du mal, et vous aussi, comme députés, c'est qu'il y a beaucoup de gens dans les secteurs où il faut licencier du personnel qui vivent dans de petites localités, loin des emplois de rechange. C'est cela notre vrai problème.
Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, je suis heureux d'être ici et de me joindre au comité sur une base permanente, ce qui...
Monsieur Dodge, vous êtes la première personne à qui je m'adresse officiellement à titre de membre du comité.
Je tiens à vous dire, monsieur Dodge, qu'un des domaines qui m'intéressait à l'université il y a 20 ans, c'était la macroéconomie et les banques. C'est donc un honneur pour moi de pouvoir poser ma première question au directeur de la Banque.
Voici ma première question, qui n'a rien à voir avec les banques, en fait. Une partie de notre mandat au comité est d'examiner ce que vous aimeriez voir dans le prochain budget. Vous pouvez répondre à titre de gouverneur de la Banque ou en votre nom personnel, comme il vous plaira. Y a-t-il certaines choses que vous aimeriez voir le ministre des Finances faire? Je suis curieux de connaître votre réponse. Comme Canadien, qu'aimeriez-vous dans le prochain budget?
Je vais vous dire pourquoi.
La Banque est privilégiée. Elle jouit d'un accès direct au gouvernement du Canada pour lui donner des conseils discrètement et en privé. Nous sommes son banquier. Nous sommes au service du gouvernement du Canada et des gouvernements provinciaux et nous leur donnons des conseils dans la confidentialité. Pour le faire comme il faut, il faut les leur donner et les laisser choisir.
À quelques reprises aujourd'hui, vous avez dit que vous entrevoyez une baisse de la productivité dans l'avenir — pas dans l'immédiat, mais peut-être à longue échéance. C'est bien ça?
Non. Il y a un an, nous avons fait passer notre hypothèse de productivité de 1,5 à 1,75 p. 100. Nous avons ajusté notre prévision il y a un an. Au cours de l'année écoulée, nous avons découvert que nous avions peut-être été un peu trop optimistes; nous avons donc ramené le taux à 1,5 p. 100 pour la période allant jusqu'à 2008.
C'est de nouveau à 1,5 p. 100 et non à 1,75 p. 100, votre chiffre de l'an dernier.
Au sujet de ce travail prévisionnel, qui est de toute évidence important pour nous pour l'avenir de l'économie, pouvez-vous nous expliquer en termes de profanes les éléments qui entrent dans la préparation de cette prévision de manière à ce que je puisse comprendre comment vous êtes arrivés à cette conclusion pour ensuite la changer?
Je serai bref. Je vais d'abord parler en général puis de façon plus détaillée de la productivité.
Quand nous préparons la projection qui figure dans notre rapport sur la politique monétaire, nous nous servons d'analyses provenant de sources diverses, y compris nos bureaux régionaux qui sont en contact constant avec les gouvernements provinciaux et les entreprises de partout au pays.
Nous rassemblons passablement de données pour prendre nos décisions et finissons par porter un jugement sur ce que nous pensons être les tendances de l'économie canadienne. Évidemment, comme vous le dites à juste titre, il nous faut avoir une idée de ce à quoi l'avenir ressemblera parce que la politique monétaire se fait sentir avec un décalage. Ce que nous faisons ou pourrions faire aujourd'hui, l'économie s'en ressentira dans un an, un an et demi.
Du côté de la productivité, nous considérons le passé de la croissance de la productivité. Nous discutons avec les entreprises et les associations pour essayer de comprendre ce qu'elles font.
Au bout du compte, c'est pour beaucoup une question de jugement. Il est essentiel pour nous toutefois d'avoir un paradigme bien défini pour réfléchir à ces questions, de sorte qu'au fur et à mesure que les événements surviennent, nous pouvons les évaluer selon une grille très logique et très cohérente qui mène à des jugements au sujet de la politique monétaire.
Une des questions sur ma liste a déjà été posée, au sujet de la réduction de la dette et des excédents. Dans mes fonctions antérieures, le problème que nous avions avec un excédent — essentiellement, nous le traitions comme de l'argent non renouvelable qui n'allait pas être réinvesti dans les programmes de services gouvernementaux. Je travaillais à un autre niveau de gouvernement.
La Banque du Canada a-t-elle une position au sujet du rôle de l'excédent? Y a-t-il un niveau prudent, comme l'a dit l'intervenant précédent, ou est-ce quelque chose que vous gardez pour vous et dont vous discutez en privé?
Il y a un excédent lorsque les recettes projetées dépassent les dépenses projetées; celui-ci est affecté d'office au remboursement de la dette.
Quelle proportion de la dette doit-on viser de rembourser? Cela dépend de là où on en est dans le cycle économique. Quand on a, alors qu'on ne s'y attendait pas, des recettes élevées, on devrait chercher à s'en servir pour rembourser la dette. Les années où les recettes sont basses, on ne devrait pas en rembourser autant. De fait, il se pourrait fort bien que pendant un an ou deux on ait un déficit, même si dans la durée on est en bonne voie de le résorber.
Tout ce que nous avons dit, c'est qu'il est très important pendant le reste de la décennie actuelle, vu les caractéristiques démographiques du pays, de chercher à alléger le fardeau de la dette, aussi bien du gouvernement fédéral que des provinces.
Merci, monsieur le président.
C'est la première fois, je crois, que j'ai le privilège de poser une question au second tour. Je vous en remercie — cela ne signifie pas pour autant que j'ai marqué des points politiques la dernière fois ou que je m'y attends cette fois-ci.
Oui, peut-être.
J'aimerais vous poser une question tout à fait apolitique — j'irai peut-être plus loin ainsi — à propos du marché du logement. Vous avez dit que la faiblesse aux États-Unis nuisait à la demande de bois d'oeuvre canadien. J'aimerais vous poser une question à propos de l'existence d'un lien direct entre le prix du marché du logement aux États-Unis et le prix du logement au Canada.
On s'inquiète beaucoup dans les livres et dans les journaux d'une bulle de l'habitation, surtout aux États-Unis. Encore une fois, une question double. Avez-vous des inquiétudes à propos du marché canadien de l'habitation? Est-on fondés à être moins inquiets de la situation canadienne que de la situation américaine?
Associé à cela, si la bulle de l'habitation aux États-Unis devait éclater, vous attendez-vous à ce qu'on assiste au même phénomène au Canada ou estimez-vous que le marché de l'habitation n'évolue pas de concert?
Pour répondre d'abord à votre deuxième question, le lien est indirect. Si le marché américain de l'habitation s'effondre, la demande américaine va beaucoup ralentir, provoquant le ralentissement de nos exportations et de la croissance du revenu au Canada et c'est à ce moment-là que notre marché de l'habitation sera touché. Je ne pense donc pas qu'il y ait de lien direct.
En réponse à votre première question, sommes-nous préoccupés? C'est quelque chose que nous suivons de pas mal près.
La troisième partie de la question, à laquelle nous n'avons pas pu répondre tout à l'heure, c'est que nous avons constaté que le ratio de l'endettement des ménages par rapport au revenu est en train de monter, mais que le ratio du coût du service de la dette par rapport au revenu, lui, a beaucoup baissé. Ces dernières années, il est resté stable. Il n'a pas augmenté. La situation est tout à fait différente aux États-Unis.
C'est donc dire que du côté des ménages, nous ne voyons pas de problème particulier. La question est de savoir s'il existe des marchés particuliers.
Tout d'abord, il faut savoir que jusqu'en 2003, Calgary et Edmonton avaient l'un des ratios les plus bas du prix des maisons par rapport aux revenus médians du pays. De fait, même si ces ratios ont connu une augmentation très rapide dernièrement, ils ne se sont établis qu'au niveau où se situent la plupart des ratios dans le reste du pays à cause de leurs revenus élevés. Le lower mainland de Vancouver est sans doute l'unique marché où le ratio des prix des maisons par rapport aux revenus a vraiment l'air de guingois. Mais c'est le seul.
Merci.
Au sujet des pensions, beaucoup d'entre nous s'inquiètent peut-être de voir nos régimes privés de pension passer de plus en plus des prestations déterminées aux cotisations déterminées, le risque de corrections du marché boursier et autres aléas de ce genre étant de plus en plus assumés par le particulier. Surtout si on songe au vieillissement de la population, cela peut être une source d'inquiétude car la politique gouvernementale voudra peut-être ralentir ou inverser la tendance.
Ou à tout le moins ne pas la renforcer par ses mesures absentes de neutralité, comme le traitement des excédents et ce genre de chose. J'ai déjà travaillé pour une banque, et je siégeais au comité des pensions, si bien que je m'y connais un peu.
Pensez-vous qu'il y a de saines mesures gouvernementales qui pourraient être prises pour inverser ou ralentir la tendance aux cotisations déterminées?
Je pense que oui. Il y a des mesures qui pourraient beaucoup aider pour faire en sorte, à tout le moins, que la politique de l'État soit neutre. J'en ai évoqué une en réponse à la question de Judy.
Je m'inquiète beaucoup de systèmes qui chamboulent constamment la valeur. Une entreprise prudente ne veut pas voir ses gains chamboulés par des hypothèses que les comptables lui imposent au sujet du taux d'intérêt servant à évaluer le passif, par exemple.
Je pense donc qu'il y a des choses qui peuvent être faites. Savoir exactement comment les faire, c'est une question beaucoup plus difficile, toutefois.