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Monsieur le président, membres du comité permanent, j'aimerais d'abord me présenter. Je m'appelle Marcus Tabachnick, je suis président de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de David Birnbaum, directeur général de l'association.
Notre association vous remercie de lui permettre d'apporter son soutien au rétablissement du Programme de contestation judiciaire du Canada. Nous avons estimé qu'il était important de joindre notre voix à celles du grand nombre d'institutions, organismes communautaires, universitaires, hommes politiques et leaders d'opinion qui demandent que le gouvernement revienne sur la décision mal fondée d'annuler le financement du Programme de contestation judiciaire.
Notre association a témoigné devant le comité du patrimoine canadien de la Chambre des communes en décembre dernier à ce sujet. Nous sommes parmi les 100 associations qui ont porté plainte auprès du Commissaire aux langues officielles du Canada contre le gouvernement, pour ne pas avoir, comme la loi l'y oblige, consulté notamment les collectivités linguistiques minoritaires avant de prendre des mesures aussi radicales et dommageables que comme celle-ci.
[Français]
L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec est la voix publique des neuf commissions scolaires anglophones du Québec desservant quelques 75 000 élèves du primaire, du secondaire, des centres d'éducation aux adultes et de formation professionnelle partout au Québec. Nos membres qui sont des commissaires scolaires élus au suffrage universel représentent le seul ordre de gouvernement responsable uniquement envers les personnes qui s'identifient à la communauté de la minorité linguistique du Québec.
C'est, en fait, au nom de ces électeurs, et plus particulièrement de leurs enfants, que l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec se présente ici aujourd'hui afin de demander à nouveau le rétablissement du Programme de contestation judiciaire. Il nous semble tout à fait raisonnable que nous tenions à ce que le gouvernement donne finalement suite à cette demande.
[Traduction]
Nos membres sont engagés à renforcer notre avenir par des partenariats et une collaboration avec les Québécois francophones, des ententes et des projets novateurs avec les commissions scolaires francophones avoisinantes des municipalités et les collectivités. L'ACSA est fière de contribuer à la vitalité et à l'épanouissement du Québec anglophone. Cette fierté et cet engagement nous encouragent à créer des ponts avec la collectivité majoritaire de la province et exigent que nous fassions le maximum pour conserver nos droits et libertés constitutionnels et législatifs, en tant que minorité du Canada.
Le gouvernement du Canada a évidemment certaines obligations relativement à la vitalité et à l'épanouissement des minorités linguistiques. Notre association maintient que le rétablissement du Programme de contestation judiciaire du Canada fait partie de ces obligations. C'est un outil essentiel pour assurer le respect des droits et libertés collectifs et individuels des membres des deux collectivités linguistiques minoritaires du Canada, tels qu'établis à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, sans parler de la Charte canadienne des droits et libertés.
Comme le commissaire aux langues officielles Graham Fraser l'a fait remarquer dans son rapport préliminaire sur l'examen des dépenses du gouvernement de 2006, la contribution significative du Programme de contestation judiciaire au progrès des droits linguistiques dans notre pays est incontestable, tout comme l'évolution permanente des droits linguistiques et le besoin des collectivités linguistiques minoritaires d'avoir un accès raisonnable au processus judiciaire, afin d'assurer leur protection et la promotion de leurs intérêts.
Le rapport préliminaire du commissaire réaffirme sans équivoque le rôle fondamental du programme pour les minorités linguistiques et les groupes qui revendiquent l'égalité au Canada, puis valide la plainte de votre association et celles de nombreuses autres pour qui l'annulation du programme n'a pas respecté l'application régulière de la loi. La conclusion préliminaire de M. Fraser a ensuite confirmé l'incidence négative de cette décision d'annuler le programme. Supprimer son financement aura une incidence encore plus grave sur le respect et l'application des droits linguistiques puisque, d'une part, beaucoup de questions juridiques n'ont pas encore été résolues et, d'autre part, la cristallisation des droits linguistiques dépend des actions positives prises par les gouvernements — gouvernements qui ne sont pas toujours prêts à satisfaire à cette obligation.
Ces arguments ont été utilisés en mai 2006 par ce même gouvernement fédéral, qui a décidé d'annuler le programme quelques mois plus tard seulement. Je cite:
Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) financé par le gouvernement du Canada, accorde de l'aide financière pour d'importantes causes judiciaires visant à clarifier les droits des communautés de langues officielles et les droits à l'égalité des groupes historiquement désavantagés. Une évaluation du PCJ en 2003 indique que celui-ci a réussi à appuyer des causes judiciaires qui ont un effet direct sur la mise en oeuvre des droits et libertés couverts par le programme.
Voici la suite de la citation:
Le programme a également contribué au renforcement des réseaux de groupes qui défendent les droits linguistiques et revendiquent l'égalité. Le programme a été étendu au 31 mars 2009.
Il s'agit d'une déclaration du gouvernement du Canada devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, que l'on retrouve dans le rapport préliminaire du commissaire.
L'ACSAQ s'adresse en particulier aux membres conservateurs de ce comité lorsqu'il demande des explications, parce qu'aucune explication satisfaisante ne nous a été fournie dans les mois qui ont suivi l'annulation du programme, suite à sa décision soudaine et finale. L'absence d'une telle explication a inévitablement laissé croire que cette décision a été motivée par une intransigeance idéologique, des considérations partisanes, ou un mépris pour l'application régulière de la loi. Nous attendons une réponse plus constructive et défendable du gouvernement, si, du moins, une telle réponse existe.
[Français]
Les Québécois anglophones ont parfois détecté une tendance visible, dans les cercles parlementaires et ailleurs, à négliger le fait que le Canada a deux communautés linguistiques minoritaires: anglophone et francophone. Dans ce cas, il faut reconnaître que ces deux communautés paieront un prix élevé si l'annulation du Programme de contestation judiciaire n'est pas renversée.
Notre communauté anglophone et le réseau scolaire que nous desservons sont bien adaptés à un Québec qui évolue. Malgré cela, les gouvernements successifs du Québec, comme leurs contreparties provinciales du reste du Canada, n'ont pas toujours été généreux ou sensibles aux besoins de leur électorat linguistique minoritaire.
[Traduction]
Par conséquent, le recours au programme de contestation judiciaire est aussi pertinent pour nous qu'il l'est pour les francophones du reste du Canada et pour les groupes qui revendiquent l'égalité partout au pays.
Notre ministre provincial des affaires intergouvernementales actuel, paradoxalement, et peut-être par inadvertance, a fait valoir notre argument récemment. Il a déposé une motion de soutien au rapport annuel du commissaire aux langues officielles devant l'Assemblée nationale. Ce rapport portait en large mesure sur le programme de contestation judiciaire. Elle se lit, en partie, comme suit:
« Que l'Assemblée nationale réitère l'importance que la langue française soit défendue et promue en tant que langue officielle du Canada et demande au gouvernement fédéral d'affirmer son intention de donner suite au dernier rapport du commissaire aux langues officielles, et ce, dans l'intérêt de l'avenir de la langue française dans le reste du Canada ».
Sentiments louables, s'il en est. La motion a été adoptée à l'unanimité.
La motion comporte quatre autres paragraphes après celui-ci, mais aucun ne mentionne la collectivité linguistique minoritaire du Québec, la source même de la dualité linguistique de la province, en quelque sorte, et se termine sans aucune référence à la collectivité anglophone du Québec. Il est en effet impératif de se pencher sur les questions linguistiques minoritaires du Québec, et du reste du pays.
Les neuf commissions scolaires membres de notre association ont le droit constitutionnel de contrôler et de gérer leurs écoles, qui servent la collectivité anglophone du Québec. Nos commissions scolaires exercent ce droit, du moins en partie, grâce aux décisions qui en découlent d'affaires célèbres, rendues possibles par le programme de contestation judiciaire du Canada. Parmi ces affaires les plus importantes, l'affaire Mahé, en Alberta, qui n'aurait jamais pu se rendre jusqu'en Cour suprême sans le soutien du programme de contestation judiciaire.
Les interventions clés de la collectivité anglophone du Québec ont été financées par le programme dans cette affaire, et dans d'autres portant sur les droits à l'éducation. Le droit des étudiants de fréquenter des écoles de leur minorité linguistique est aussi une question que le programme de contestation judiciaire a permis de résoudre.
Au Québec, l'accès est limité par la charte de la langue français, mais est néanmoins protégé par l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Si quelqu'un veut invoquer ces protections constitutionnelles devant les ressources extraordinaires du gouvernement, il devrait avoir le droit de le faire. Le programme de contestation judiciaire est une façon essentielle, significative, et, ne l'oublions pas, viable sur le plan financier, de garantir ce droit.
[Français]
Avec le plus grand des respects, nous soutenons que suffisamment d'audiences du comité ont eu lieu et que suffisamment de rapports ont été rédigés pour qu'on y réponde par une promesse du gouvernement de renouveler sans délai le plein financement du Programme de contestation judiciaire.
[Traduction]
Avec le plusgrand respect, nous pensons que le comité a tenu suffisamment d'audiences. Suffisamment de rapports ont été rédigés. Il est maintenant temps de poser la question et d'y répondre par une promesse du gouvernement de rétablir, sans délai, le financement intégral du programme de contestation judiciaire.
[Français]
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous ce matin. Je suis écrivaine et auteure ainsi que chargée de cours à l'Université McGill. J'ai écrit plusieurs articles sur le programme en question, le Programme de contestation judiciaire.
Brièvement, je vais expliquer pourquoi, selon moi, le gouvernement a pris la bonne décision d'annuler ce programme. Deuxièmement, je dirai pourquoi le programme, même si au début il était peut-être nécessaire, est devenu désuet. Je parlerai un peu de l'historique du programme en question. Ensuite, je passerai à la question des langues officielles, parce qu'il faut s'assurer de ne pas englober toutes les questions devant ce comité de façon trop large. Essentiellement, la question soulevée ici est celle des langues officielles. Le Programme de contestation judiciaire est-il la façon de les protéger, ou y a-t-il d'autres problèmes associés à ce programme qui font qu'on devrait l'annuler et peut-être même le remplacer par autre chose qui répondrait mieux aux préoccupations de ce comité?
[Traduction]
En d'autres mots, je crois qu'il y a peut-être une solution médiane que le comité pourrait adopter pour protéger les droits des minorités linguistiques sans rétablir l'intégralité du programme de contestation judiciaire, que le gouvernement a bien fait d'annuler, à mon avis. Je vais m'expliquer.
Au cours de la rédaction de mon livre, publié il y a deux ans, j'ai eu la possibilité de m'entretenir avec John Crosbie: il était ministre à l'époque où le programme de contestation judiciaire a été créé par le gouvernement fédéral progressiste-conservateur. Je lui ai demandé pourquoi gouvernement progressiste-conservateur avait élargi ledit programme au-delà de sa portée d'origine, soit les droits linguistiques, l'objectif de Pierre Trudeau en 1978.
Je cite M. Crosbie:
« C'était une question de rectitude politique. Si nous avions éliminé le programme, nous aurions eu très mauvaise presse. Le Parti libéral et les partis d'opposition nous auraient attaqués férocement, en disant que nous nous fichions des droits de la personne, et des institutions comme le Globe and Mail auraient continué de nous dépeindre comme un parti qui n'est pas « branché » sur les questions sociales. Pour cette raison, j'ai estimé qu'il ne valait pas la peine de supprimer le PCJ alors qu'il n'en était qu'à ses débuts, d'autant plus que la Charte était assez nouvelle et devait être mise à l'essai si l'on voulait savoir ce quel sens elle avait vraiment. Mais cette époque est bien révolue. »
J'estime que même s'il y avait d'autres justifications que la rectitude politique pour créer le programme de contestation judiciaire en 1985, plus de 25 ans plus tard, il n'y a plus aucune raison pour que ce programme continue d'exister.
En outre, le programme de contestation judiciaire lui-même, lorsqu'il a été appliqué à d'autres choses que les droits linguistiques, a essentiellement commencé à financer une série de groupes qui avaient vu le jour beaucoup plus tôt, à la fin des années 60 et 70, sous l'ère du ministre de la Justice Pierre Trudeau, à la fin des années 60.
Le Secrétaire d'État du Canada a élargi le programme pour financer un grand nombre de groupes à vocation sociale: groupes de femmes, groupes autochtones, groupes de propriétaires, toute une série de groupes perçus comme des acteurs sociaux que le gouvernement souhaitait vivifier grâce à ce financement. Le financement de ces groupes d'intérêt les a aidés à évoluer et être plus présents dans la vie publique du Canada. Comme je l'ai dit, cela a été permis par l'octroi du financement du gouvernement.
Lorsque le programme de contestation judiciaire a été créé en 1978, son budget initial était assez modeste. En fait, il s'agissait de 200 000 $ par an, et entre 78 et 82, il a permis de financer six causes: trois au Québec, trois au Manitoba et en Saskatchewan.
Ces affaires ont permis de protéger les droits des minorités linguistiques. Il s'agissait d'une contestation de la Loi 101 du Québec, par exemple. Tel était l'objectif du programme. Cependant, on a décidé d'élargir sa portée, non pas parce que les groupes minoritaires étaient insatisfaits, mais parce que d'autres avaient besoin d'être financés par le gouvernement canadien pour tester l'article 15 de la charte et les droits à l'égalité.
Cela n'avait rien à voir avec les droits des minorités linguistiques. Ces droits sont protégés au Canada depuis l'adoption de l'Acte de Québec de 1774. Les droits des minorités linguistiques sont protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, aux articles 93 et 133. Cette protection constitutionnelle fait partie de notre histoire et j'avancerais qu'on ne devrait pas faire de parallèle avec les droits à l'égalité.
Ces groupes, lorsque le PCJ a été élargi en 1985... ont obtenu 9 millions de dollars de financement sur cinq ans. Ça ne vous paraît peut-être pas beaucoup, mais si vous observez les effets de ce financement sur le système judiciaire, vous verrez qu'ils sont significatifs parce que, malheureusement, les études sur les schémas de financement du PCJ indiquent qu'il a été justement accordé à des groupes animés par une idéologie bien précise.
Mon confrère a parlé du programme idéologique du gouvernement, mais je vous dirais que malheureusement, le PCJ n'a pas été protégé du programme idéologique de l'autre parti. On a observé un financement successif de contestations mené par certains groupes qui défendaient le concept de l'égalité matérielle. On a procédé de cette façon parce qu'on n'a pas voulu entériner l'égalité matérielle dans la Charte au moment de sa création.
L'égalité matérielle, c'est l'équivalent du handicap au golf: certains groupes prétendent avoir accumulé du retard parce qu'ils ne sont pas traités sur un pied d'égalité, se disent désavantagés économiquement ou socialement et prétendent que le gouvernement leur doit une faveur pour pouvoir se rattraper.
Ces objectifs ont été atteints grâce aux tribunaux, et non aux lois, et l'égalité matérielle a été entérinée grâce aux affaires comme Schachter et Andrews, qui ont été financées par le PCJ, au nom de groupes comme LEAF et le Comité de la Charte et des questions de pauvreté, Égalité pour les gais et lesbiennes, Égale, le Canadian Prisoners' Rights Network, le Canadian Committee on Refugees, toute une série de groupes qui ont lancé des contestations.
Pensons à ceux qui n'ont pas obtenu du financement du PCJ. Il y a de nombreux groupes qui ont fait des demandes qui leur ont été refusées. Je pense, par exemple, à REAL Women. En Colombie-Britannique, John Weston, au nom des aînés des Nisga'a, a contesté un accord devant les tribunaux. Il n'a pas reçu de financement. En fait, ce sont eux qui devraient témoigner aujourd'hui... Je suis très heureux d'être ici, mais vous devriez inviter Ted Morton, Rainer Knopff, et je comprends qu'Ian Brodie serait sans doute en conflit d'intérêts s'il témoignait devant le comité aujourd'hui. Je vous encourage à lire ce que ces gens-là ont écrit au sujet du programme de contestation judiciaire et de la partialité avec laquelle les fonds ont été octroyés.
Les conséquences de ce problème sont qu'au lieu de traiter tout le monde sur un pied d'égalité, le programme de contestation judiciaire choisit de financer une partie à l'exclusion de l'autre.
[Français]
Le problème, dans ce cas, est que si on veut promouvoir l'égalité, le devoir du gouvernement est de financer tout le monde ou de ne financer personne. Il est économiquement impossible de financer tout le monde: quand on a un budget, il faut toujours faire des choix, c'est sûr. Si on a un parti pris lors de l'allocation de fonds, on financera automatiquement un côté plus que l'autre. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé. On voit que plusieurs doctrines ont été appliquées à la Cour suprême.
[Traduction]
La doctrine de l'interprétation en est un exemple.
[Français]
Plusieurs de ces doctrines sont devenues désuètes aux États-Unis, mais on les adoptées ici parce que ces groupes les ont promues.
[Traduction]
Dire que le programme de contestation judiciaire devrait être rétabli pour protéger uniquement les droits des minorités linguistiques va sans doute au-delà de la compétence du comité, et cela ne résoudra pas le problème.
Si l'on conclut, à partir de preuves empiriques, que les droits des minorités linguistiques doivent être protégés par un programme comme le programme de contestation judiciaire, alors la solution évidente que le comité devra adopter sera de recommander qu'un programme soit établi précisément pour permettre au gouvernement du Canada de satisfaire à ses obligations, conformément au paragraphe 41(2) de la Loi sur les langues officielles, et je cite:
Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en oeuvre cet engagement.
Cela voudrait dire que le programme serait beaucoup moins vaste et ne s'appliquerait pas aux autres groupes qui se sont greffés à lui, en quelque sorte, pour profiter de ses avantages. Laissons ces groupes, laissons tous les groupes du Canada trouver leur propre financement pour invoquer l'article 15 et les autres dispositions de la Charte.
Si vous avez le sentiment que les droits linguistiques seraient minés par l'élimination de tout le financement des groupes linguistiques, je vous encourage à proposer une version réduite de ce programme axé précisément sur ces groupes.
Merci.
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Merci de cette invitation à comparaître devant votre comité.
Mon nom est Ghislaine Pilon, je suis résidante de Mississauga, en Ontario. Je suis la mère de deux adolescents, Nicolas et Mathieu, et c'est à cause d'eux que je suis ici.
Je suis la présidente de la Commission nationale des parents francophones. La mission de la commission est d'appuyer les regroupements de parents, dans chaque province et territoire, dans la promotion d'un milieu familial, éducatif et communautaire favorisant le plein épanouissement des familles francophones en milieu minoritaire.
Nos fédérations desservent près de 500 comités de parents locaux, d'un océan à l'autre, et quelque 350 000 parents utilisateurs de services préscolaires et scolaires.
En matière de développement de la petite enfance francophone, la commission est porteuse du dossier pour les communautés francophones et acadienne. La commission préside et coordonne la Table nationale sur la petite enfance francophone regroupant une douzaine de partenaires. Elle est un membre actif de la Table nationale en éducation présidée et coordonnée par la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
En tout et partout, nos quelque 20 partenaires nationaux en éducation et en petite enfance rejoignent 31 conseils scolaires, plus de 1 250 services, établissements et organismes, dont environ 400 services préscolaires fréquentés par 30 000 enfants de moins de 5 ans, ainsi que 630 écoles primaires et secondaires regroupant 146 000 enfants de moins de 19 ans.
L'existence même de ces réseaux de personnes, d'organismes et d'établissements est imputable en partie au Programme de contestation judiciaire. Ils sont surtout le bilan de plus de 25 ans de démarches stratégiques du mouvement de parents francophones. Nos membres sont des visionnaires courageux et résilients.
La saga des droits éducatifs a débuté peu après l'adoption, en 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés. En 1983, des parents d'Edmonton, en Alberta, ont contesté en première instance le refus des autorités provinciales de leur accorder leur école française. Dans l'arrêt Mahé, en 1990, la Cour suprême leur donnait raison, non seulement pour la question de l'école, mais pour la gouvernance de cette école. En 1986, des parents manitobains demandaient la reconnaissance universelle du droit de gestion des écoles de langue française. Dans le renvoi manitobain, en 1993, la Cour Suprême a reconnu leur droit.
Les statistiques suivantes, tirées des rapports annuels du Programme de contestation judiciaire, parlent d'elles-mêmes. En vertu des droits scolaires prévus à l'article 23, nos membres et partenaires ont présenté 183 demandes depuis 1994. Ces chiffres n'incluent pas les activités du programme de contestation original, créé en 1981 et aboli en 1992.
Au cours des 11 dernières années, 143 demandes de parents ont été approuvées par le programme. C'est plus de la moitié des demandes approuvées du côté des droits linguistiques. Vous l'avez deviné: le mouvement de parents francophones est sans contredit le plus gros client du Programme de contestation.
Voici la répartition de ces projets approuvés: 83 litiges, 30 activités d'accès et de promotion, 21 élaborations d'actions et 9 études d'impact. Concernant les litiges, en 11 ans de contestation, 55 causes sont allées en première instance, 15 en appel et 13 en Cour suprême. Les causes les plus connues durant cette période sont l'arrêt Arsenault-Cameron, en 2000, portant sur les écoles de Île-du-Prince-Édouard, et l'arrêt Doucet-Boudreau, de 2003, sur le réseau des écoles secondaires en Nouvelle-Écosse.
Voici quelques résultats durables de ces causes. Le réseau des écoles françaises s'est consolidé d'un bout à l'autre du pays dans les années 1980. Le réseau des conseils scolaires francophones s'est créé dans les années 1990. Les conseils scolaires francophones ont créé de nouvelles écoles dans la plupart des provinces. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, 4 nouvelles écoles ont été construites à la suite du jugement de la Cour Suprême. En Nouvelle-Écosse, il s'agit de 6 nouvelles écoles. Les inscriptions ont, en général, arrêté de chuter et se sont stabilisées. La qualité de l'éducation française s'est grandement améliorée depuis que les écoles sont gouvernées par les minorités, sur les plans des infrastructures, de la programmation et de la promotion.
Les conseils scolaires et leurs partenaires se sont donné, en 2005, un plan d'action qui s'intitule « Plan d'action - article 23, afin de compléter le système d'éducation de langue française au Canada ».
Des communautés francophones se construisent et se prennent en mains dans l'environnement des écoles françaises. Par exemple, la seule école métisse au Canada, située à Saint-Laurent, au Manitoba, aura enfin son propre édifice en 2008.
Le tribunal, pour nous, c'est le dernier recours. Chaque fois qu'on a déposé une plainte, c'est parce qu'il n'y avait pas d'autre issue et que ne pas le faire aurait été intolérable. Chaque fois, il y a eu des mois, sinon des années de pression, d'échanges de documents, de réunions et de négociations. Nous avons du coeur au ventre; le programme nous a donné des ailes.
Nous n'avons pas inventé ce système qui nous livre comme des gladiateurs face aux provinces, lesquelles sont — il est utile de le rappeler — des signataires de la Charte. Le législateur a créé l'arène et a fourni les armes, dont le Programme de contestation judiciaire. Le législateur est-il un spectateur innocent? Chaque fois, c'est le citoyen qui a payé pour le manque de volonté politique. Je parle de la plupart des gouvernements qui se sont succédé depuis l'adoption de la Charte.
Pourquoi les gouvernements continuent-ils à résister à la mise en oeuvre de nos droits? C'est sans doute un bon investissement en termes de votes. Il reste qu'au bout du compte, les parents n'ont jamais perdu de cause devant les tribunaux. Les gouvernements ont donc acheté du temps.
Ce que les parents ont perdu est considérable: du temps, de l'énergie, de l'argent, et je ne parle pas de l'argent du fédéral. On a aussi perdu le respect de bien du monde, même dans nos communautés, et on a perdu des générations d'enfants. À l'heure où on se parle, un seul francophone sur deux est inscrit à l'école française. C'est ça, la dualité linguistique au Canada?
Mais imaginons le Canada sans l'article 23 et sans le Programme de contestation judiciaire. Sans ses réseaux d'écoles et de conseils scolaires, dans quel état seraient nos communautés? Le but du programme, c'est l'habilitation des minorités, mais le gros cadeau du programme, c'est l'espoir. Qui peut vivre sans espoir?
Il y a une valeur ajoutée à ce processus exigeant qui consiste à se présenter sans cesse devant les tribunaux. Cette valeur, c'est d'assurer que la jurisprudence reflète l'évolution des besoins et des priorités. Nos réalités changent ainsi que nos connaissances de ces réalités. Grâce à la complémentarité des mécanismes en jeu, le Canada fournit un cadre pour que le processus influence les politiques publiques. Si les majorités peuvent se passer de ce cadre, il en est tout autrement pour les minorités.
La jurisprudence peut aider la société à comprendre l'évolution des connaissances en éducation. Je vous donne l'exemple de la recherche récente sur le développement du cerveau chez les enfants. On ne savait pas, au moment de l'adoption de la Charte, que l'apprentissage des langues débute au sixième mois de grossesse et plafonne avant l'âge d'un an. On ne savait pas, en 1982, que les fonctions cognitives les plus élevées atteignent leur pleine capacité avant l'âge de deux ans. Les capacités d'apprentissage d'un enfant de cet âge sont beaucoup plus grandes que les miennes et les vôtres. Ces connaissances sont cruciales pour l'avenir de nos enfants, en particulier pour l'avenir de l'éducation française en milieu minoritaire. C'est pourquoi nos parents demandent la reconnaissance de l'apprentissage préscolaire dans l'éventail des droits à l'article 23.
Tout cela pour dire que notre travail n'est pas terminé et que nous souhaitons continuer notre oeuvre sans passer par la voie juridique. Est-ce qu'on aura le choix?
Mesdames et messieurs les législateurs, donnez-nous une autre avenue et nous abandonnerons volontiers le recours aux tribunaux. En attendant, ne touchez pas au Programme de contestation judiciaire. Notre attente est la suivante: que chacun des gouvernements du Canada: le fédéral, les provinces et les territoires, honore ses engagements constitutionnels dans l'enthousiasme et la dignité. Nous continuons à espérer. Ce n'est pas le passé que nous voulons protéger. Ce que nous voulons, c'est construire le Canada de l'avenir. L'investissement qu'on veut faire, celui qui rapporte le plus, c'est dans nos enfants. On les veut en santé, multilingues, pluriculturels, curieux, respectueux, innovateurs, performants et résilients. Êtes-vous avec nous? Tel est le défi que nous vous lançons aujourd'hui.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant le Comité des langues officielles sur la question du Programme de contestation judiciaire. J'ai déjà eu le plaisir de rencontrer certains d'entre vous lors de votre passage à Regina il y a quelques mois.
Je suis le directeur général de l'Association des parents fransaskois. Nos bureaux sont situés à Saskatoon, en Saskatchewan. Notre association regroupe près de 1 500 parents dont les enfants fréquentent les 12 écoles fransaskoises de la province, les 11 prématernelles et/ou les trois garderies francophones.
Nous travaillons en étroite collaboration avec la Division scolaire francophone et le ministère de l'Apprentissage pour assurer l'accès à des services de qualité en français pour les niveaux préscolaire et scolaire. L'APF, l'Association des parents fransaskois, est aussi membre de la Commission nationale des parents francophones.
Ce n'est qu'après une longue lutte politique et juridique que la gestion scolaire a été accordée aux parents fransaskois en 1993. Nous avons fait des progrès immenses depuis les 15 dernières années, mais il nous reste encore des questions à régler, ayant encore des progrès à faire pour obtenir la pleine application de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les francophones de la Saskatchewan, comme la plupart des francophones de toutes les provinces et territoires du Canada, ont dû avoir recours aux tribunaux pour défendre leur droits: les droits linguistiques ainsi que les droits scolaires.
Ma vie en milieu minoritaire a débuté il y a 32 ans. J'avais alors 23 ans, pour ne pas divulguer mon âge. Je ne suis ni juriste, ni avocat, ni spécialiste du droit. Pourtant, au cours des 32 dernières années, j'ai vécu des situations où des francophones de mon entourage ou des institutions francophones de ma province ont dû faire appel à la justice. Heureusement, la plupart du temps, les causes ont été réglées à l'extérieur des tribunaux, mais pas toutes.
Lorsque j'étais directeur général de l'ACFC, l’Association culturelle franco-canadienne, en 1985, j'ai été appelé à superviser le recours du père Mercure devant la Cour suprême du Canada, dans le cadre d'une requête visant à reconnaître le caractère bilingue de la Saskatchewan. En dépit du décès du père Mercure, la Cour suprême a accepté exceptionnellement d'entendre la cause et a jugé en sa faveur. C'est dire l'importance que la cour accorde à ces questions constitutionnelles.
J'ai également participé au recours devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan dans le cadre de la Commission des écoles fransaskoises pour la reconnaissance du droit à l'accès à l'éducation en français langue première dans des établissements de la minorité. La cause a été remportée par les parents francophones en vertu d'une décision du juge Wimmer en 1988.
Dans le cadre de mon poste actuel de directeur général de l'Association des parents fransaskois, les parents ont fait appel à la Cour d'appel de la Saskatchewan. Le jugement de la Cour suprême de 1990 dans l'affaire Mahé, rendu en Alberta, nous a évité un recours à la Cour suprême, puisque ce cas répondait en large partie aux questions que nous avions adressées à la cour. Mais je dis bien « en large partie », et non complètement.
Lorsque j'étais conseiller scolaire, soit en 2002 et 2003, le Conseil scolaire fransaskois s'est vu obligé de déposer trois requêtes devant la Cour du Banc de la Reine concernant le sous-financement des écoles fransaskoises et la nécessité d'accorder des établissements d'enseignement adéquats aux élèves francophones à Saskatoon et à Moose Jaw. La province a par la suite décidé de régler ces litiges hors cour.
L'outil qui nous a permis d'accéder à l'expertise juridique est le Programme de contestation judiciaire. Aimons-nous avoir recours aux tribunaux pour régler nos différends d'ordre constitutionnel? Pas vraiment, et même pas du tout, mais il s'agit souvent du dernier recours à notre disposition. Comment faire autrement lorsqu'une instance gouvernementale est incapable de constater qu'elle brime les droits de sa minorité?
La reconnaissance des droits linguistiques en 1988 devant la Cour suprême du Canada et la mise en oeuvre des droits scolaires ont été rendus possibles grâce à l'aide financière du gouvernement du Canada. À ce moment-là, il s'agissait du premier Programme de contestation judiciaire. Depuis le retour du programme en 1994, ce mécanisme qui permet de défendre les droits des francophones a été utilisé de nouveau, à plusieurs reprises. Il a été utile et efficace. Ce programme aide véritablement, par le financement d'actions en justice typiques, à faire évoluer les droits à l'égalité et les droits linguistiques garantis par la Constitution canadienne.
Maintenant, pourquoi ce programme est-il nécessaire? Parce que c'est la responsabilité du gouvernement du Canada de défendre les droits des citoyens, des minorités, et d'offrir des mécanismes qui leur permettent d'avoir accès au système judiciaire en dernier recours.
Il s'agit à mon avis d'un droit fondamental. Le Programme de contestation judiciaire constitue un de ces mécanismes qui enclenchent, sans l'ingérence du domaine politique, au-delà des idéologies, les processus de défense qu'offre la cour. Cet outil permet l'accès au financement et, par extension, à une véritable expertise juridique, c'est-à-dire qu'il permet de répondre à des questions de droit fondamental et qui sont d'intérêt public.
La Charte date de 1982, soit à peine 25 ans, la jurisprudence est encore jeune et l'opinion des juges et des juristes vient aider — et non pas nuire au gouvernement — les entreprises et les citoyens et, sans se substituer au législateur, aide à interpréter les droits qui sont reconnus dans la Charte et dans la Constitution canadiennes. Dans des questions aussi difficiles, complexes et cruciales que le droit constitutionnel, il est important que les citoyens et les législateurs puissent s'inspirer de l'avis de la cour pour légiférer et administrer sans brimer les droits des minorités. Et nous savons par expérience comment il est facile d'oublier les minorités quand des réformes majeures sont mises en place sans tenir compte des conséquences qu'elles ont sur les droits des minorités. Cela se passe souvent dans les provinces. Je vous jure que cela entraîne des conséquences majeures.
Il ne faut pas oublier également que les droits linguistiques contenus dans la Charte ont été accordés pour remédier aux lacunes du passé touchant le respect des droits linguistiques des minorités canadiennes, quelquefois depuis le début de la Confédération canadienne. La Charte contient des mécanismes pour réparer les torts du passé. L'article 23 de la Charte comme tel, selon l'interprétation de la Cour suprême du Canada, contient notamment ce caractère réparateur.
Le Parlement canadien et le gouvernement du Canada ont la responsabilité, au nom de l'unité canadienne et pour le respect du droit, d'appuyer les citoyens vivant en situation minoritaire, pour inciter les instances gouvernementales qui ont les compétences en matière d'éducation et de droits linguistiques à apporter les correctifs, à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la Charte et à réparer les torts qui ont été causés.
Évidemment, le gouvernement canadien ne veut ni ne peut s'ingérer dans les affaires d'une province ou d'un territoire. Nous comprenons cela. Le Programme de contestation judiciaire est ainsi un programme qui, par son indépendance des influences politiques, peut faciliter la résolution des litiges et fournir une jurisprudence qui guidera les décideurs actuels et à venir.
Pour ces raisons, nous croyons qu'il est essentiel de rétablir le Programme de contestation judiciaire.
Merci.
Je remercie le comité de m'avoir invité à exprimer certaines observations sur l'importante question du programme de contestation judiciaire. Je parlerai des principes sur lesquels doit reposer tout programme de soutien gouvernemental à vocation constitutionnelle.
À mon avis, le temps et la réflexion nous ont montré que le programme de contestation judiciaire a réussi à établir son influence; il était doté des conseillers les plus compétents, de brillants stratèges et d'une feuille de route jalonnée de succès. Toutefois, le temps et la réflexion nous permettent également de discerner ses lacunes, dont certaines sont graves et fondamentales. Je vais en décrire quelques-unes aujourd'hui. À moins d'y remédier, nous n'avancerons pas dans la bonne direction au Canada aujourd'hui en matière de contentieux constitutionnel. Le programme ne devrait pas être rétabli tel quel, mais fondamentalement remanié pour les raisons et les principes que je vais exposer.
Premièrement, il faut comprendre que les relations entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif sont généralement censées être un dialogue. Si c'est le cas, on peut aussi dire que les débats qui ont lieu dans le cadre d'affaires judiciaires font également partie de ce dialogue. Ce dialogue et ce débat au sujet de la nature même de la Constitution se poursuivent à l'intérieur de chaque affaire et, au fil des ans, entre les différentes affaires; la société elle-même, et le droit en fait partie, repose sur le dialogue. Elle évolue avec le temps, entre autres par suite des débats d'idées, des discussions et des prises de conscience qui font partie intégrante de notre vie commune.
Il faut bien comprendre que le Canada n'est pas la Charte des droits et libertés et que la Charte des droits et libertés n'est pas non plus le Canada. Il importe de le rappeler parce que certains — en fait ils sont assez nombreux — semblent laisser entendre que le Canada ne saurait évoluer qu'en fonction de la Charte, ce qui revient à dire du pouvoir judiciaire, ou à l'intérieur du dialogue entre le législatif et le judiciaire.
Le programme de contestation judiciaire lui-même s'inspire de cette plus vaste perspective au sujet de l'importance de la société dans le débat, parce qu'il visait à financer, et parce qu'il a financé, non seulement des poursuites mais aussi des conférences, et même des pourparlers entre représentants du gouvernement et membres de groupes de pression sur des sujets précis. Ces représentants ont même préconisé récemment d'y inclure les provinces. Dans ce contexte, il importe que cela se fasse ouvertement et équitablement, et non en se limitant à un seul point de vue.
Toute mesure d'aide publique à des poursuites constitutionnelles doit tenir compte des litiges relatifs aux droits qui peuvent exister dans la société et du fait que tous les citoyens doivent être encouragés à participer au dialogue que constituent les litiges constitutionnels. Si on part du principe que les tribunaux ne sont pas simplement nécessaires, mais qu'ils sont suffisants pour maintenir une constitution, nous surestimons le rôle du droit. Voilà l'essentiel de mon propos aujourd'hui.
Pour qu'un programme de soutien aux poursuites constitutionnelles soit juste, il doit être accessible à tous, et pas seulement à ceux qui contestent des lois, mais également à ceux qui les défendent ou qui s'opposent à une contestation portant sur un secteur où il n'y a pas de loi, ce qui était le cas des poursuites relatives au mariage entre conjoints du même sexe. Puisque l'issue des poursuites constitutionnelles aura des conséquences pour tous, ceux qui pourraient avoir besoin d'aide pour intenter de telles poursuites ne sauraient tous être qualifiés de contestataires. Par conséquent, tout programme qui vise à favoriser une meilleure interprétation de la Constitution peut être neutre et ne pas soutenir uniquement les partisans de points de vue donnés.
Ce qui est constitutionnel ne se limite pas à ce qui est nouveau et problématique, mais englobe également ce que le Parlement et les assemblées législatives fédérales et provinciales ont déjà établi, comme en témoigne la jurisprudence. En outre, nous devons comprendre au Canada que le recours aux tribunaux n'est pas le meilleur moyen qu'un État puisse utiliser pour bâtir une identité nationale ou instaurer le respect entre différents groupes. Les poursuites judiciaires ont d'importants inconvénients.
Comme le philosophe canadien Charles Taylor l'a indiqué, les jugements des tribunaux confèrent tous les avantages à une seule des deux parties. Vous êtes soit gagnant, soit perdant. Les jugements relatifs à des droits sont généralement perçus comme des dictats sans nuances. Or cette tendance à régler des litiges par l'entremise des tribunaux, encore renforcées par les campagnes émanant de groupes d'intérêts rivaux, réduit toute possibilité de compromis.
Nous avons encouragé le recours aux tribunaux en tant que moyen de définir l'identité nationale du Canada. À mon avis, c'est une erreur et nous faisons fausse route.
Même si de nombreux groupes ont profité des fonds obtenus grâce au programme de contestation judiciaire, je suis d'avis, comme beaucoup d'autres, qu'il y avait de graves lacunes dans la structure de ce programme et la méthode d'octroi des fonds. Pour mettre sur pied dans l'avenir un système équitable qui favorise réellement la constitution d'une identité nationale, il faudra le fonder sur des principes différents, dont ceux que je vais maintenant exposer.
Permettez-moi de rappeler tout d'abord les propos de la juge en chef McLachlin dans un discours bien connu, le discours Cooke, qu'elle a prononcé en Nouvelle-Zélande: « Si les Canadiens ont adhéré à leur Constitution en y voyant un moyen d'arriver à la justice, ils ne sont pas encore parvenus à un consensus sur l'origine et le fondement de cette justice ».
Quelques années auparavant, le juge en chef Dickson avait déclaré que la charte n'avait pas été adoptée dans l'abstrait et qu'il fallait la replacer dans son contexte linguistique, philosophique et historique. Dans le jugement Egan rendu quelques années plus tard, on a également ajouté la tradition religieuse à ce contexte.
Comment peut-on situer la charte dans son contexte linguistique, philosophique, historique et religieux sans consulter le plus possible les personnes et les groupes les mieux placés pour nous renseigner sur ces contextes? Voilà une question fort pertinente.
En ne soutenant que des contestations et donc un parti pris contre les positions traditionnelles, et en subventionnant certains groupes privilégiés, le programme de contestation judiciaire n'a pas récompensé ou financé ceux qui auraient dû l'être dans des causes où on aurait dû tenir compte des différents points de vue.
Ainsi, dans l'affaire relative au mariage entre conjoints du même sexe, et où j'ai représenté bon nombre de groupes religieux nationaux du Canada, une question pourtant fondamentale n'a jamais été posée, et c'est la question suivante: le mariage relève-t-il de la compétence de l'État? Les droits garantis par la Constitutions sont importants et il est nécessaire que les tribunaux les défendent, particulièrement lorsque l'État bafoue les droits de certaines personnes et de certains groupes. Mais le rôle des tribunaux, s'il est nécessaire, n'en est pas pour autant suffisant.
Il est bien connu que le comité de la justice de l'époque a simplement annulé ses audiences une fois que le gouvernement de l'époque eut décidé, sans la moindre discussion avec son caucus ni discussion à la Chambre, c'est-à-dire sans les possibilités habituelles d'analyse et discussion, de renvoyer l'affaire du mariage à la Cour suprême relativement.
Ce ne fut pas là l'époque la plus glorieuse du Canada. À notre avis, les relations entre les citoyens et l'État en ont souffert, étant donné les points de vue inconciliables des citoyens et de l'État relativement au mariage entre conjoints du même sexe. Nous assisterons dans l'avenir à des différends beaucoup plus nombreux qui surviendront, notamment, au chapitre des programmes scolaires publics. À mon avis, beaucoup de ces écueils auraient pu être évités.
Cela m'amène aux principes dont devrait s'inspirer toute nouvelle mesure d'aide publique aux poursuites.
Premièrement, le programme ne devrait pas subventionner uniquement ceux qui contestent les lois, comme je l'ai dit tout à l'heure. Un programme d'assistance judiciaire devrait favoriser la présentation des meilleurs arguments pour aider les tribunaux à bien poser les questions dont ils sont saisis, plutôt qu'à privilégier l'issue souhaitée par l'une des parties. C'était là un vice fondamental de la structure de l'ancien programme.
Deuxièmement, le programme devrait être constitué d'une façon représentative et équitable de manière à ce que tous les groupes de citoyens aient confiance dans son impartialité. La transparence et l'impartialité ne se limitent pas aux exigences en matière de déclaration et de redditions de comptes qui s'appliquent aux programmes comportant l'octroi de fonds publics, mais aussi à la question du personnel responsable de l'administration du programme et de l'approbation des demandes.
Dans la mesure du possible, il serait logique de faire intervenir des représentants des différents groupes. L'histoire des poursuites intentées au Canada au cours des dernières années nous a appris qui ils sont. Leurs représentants devraient siéger à un comité consultatif ou au comité des personnes chargées de prendre des décisions, avoir accès intégralement à tous les documents et présenter leur propre rapport au gouvernement et de la population.
Beaucoup de gens croient à l'heure actuelle que l'ancien programme avait une vision idéologique étriquée qui écartait d'emblée beaucoup de groupes. Ainsi, les rapports annuels ne comprenaient pas la liste intégrale des causes subventionnées par le programme, mais seulement un échantillon de ces causes. Qui choisissait les causes figurant sur cette liste? Cet échantillon était-il vraiment représentatif? Nous l'ignorons, et c'est inacceptable.
Troisièmement, une fois que les tribunaux ont reconnu à certains groupes le statut d'intervenants dans des affaires constitutionnelles, une certaine aide financière devrait être versée à toutes les parties en cause, sous réserve d'une évaluation de leurs moyens financiers. Cela pourrait se faire en fonction des besoins démontrés des particuliers, d'organisations de bienfaisance ou d'organismes à but non lucratif.
L'interprétation de la Constitution par les tribunaux touche tout le monde et il est injuste qu'un seul son de cloche soit financé par l'argent de tous les contribuables. Laissons aux juges le soin de déterminer quels organismes ont un intérêt et un droit valable d'être représentés dans un recours constitutionnel. Une fois que cela est établi, il devrait s'ensuivre que les parties intéressées aient le droit à une assistance financière. Cela éviterait le biais chronologique que j'ai déjà mentionné et qui a pour effet de favoriser les nouvelles contestations par rapport aux anciennes, et cela donnerait également à toute personne intéressée l'accès à l'aide financière.
Enfin, il faut apporter des précisions en ce qui concerne les recours judiciaires, la participation, la sensibilisation et les activités de représentation des organisations caritatives. Bien que cela déborde peut-être le mandat de votre comité, il est très important de savoir combien de groupes canadiens sont menacés par les modalités qui touchent actuellement les organisations caritatives au Canada.
Enfin, il y a lieu d'envisager la création de forums constitutionnels pour les groupes intéressés, ce qui profiterait à tous les Canadiens. Les témoins qui ont comparu aujourd'hui ont tous exprimé leur point de vue sur les questions qui les préoccupent; ces points de vue pourraient s'exprimer dans un cadre collégial devant un forum constitutionnel soutenu par l'État. Cette façon de procéder allégerait les recours judiciaires et, à terme, favoriserait la présentation de rapports utiles ainsi qu'un véritable dialogue susceptible de faciliter la tâche du magistrat et des élus.
Merci beaucoup de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous.
Permettez-moi de faire tout d'abord une remarque à Mme Kheiriddin. Madame Kheiriddin, tous les groupes de langue minoritaire, autant francophones qu'anglophones, que nous avons rencontrés jusqu'ici — et croyez-moi, je pense que ce comité a rencontré la quasi-totalité des groupes minoritaires — nous ont souligné avec un crayon rouge la nécessité, l'importance de ce Programme de contestation judiciaire.
Comme je suis venue d'ailleurs, j'ai un point de rapport. Les Canadiens ont développé une façon de fonctionner qui consiste à impliquer dans la consultation les groupes qui sont les premiers visés par un programme ou une mesure, afin de déterminer quels sont les problèmes et quelles pourraient être les pistes de solution aux problèmes. Donc, ces groupes, qui sont justement au coeur du problème et qui en sont les conséquences, comme l'a bien dit Mme Pilon, nous ont dit clairement quelle était leur position. Les seuls groupes qui nous avons rencontrés à date qui semblent avoir une position contraire, pour toutes sortes de raisons, les vôtres autant que celles de M. Benson, sont des groupes qui ne représentent pas, avec tout le respect que je vous dois, les groupes de langue minoritaire.
Je n'aurai pas de question à vous poser, mais je voulais faire cette remarque. Les groupes qui sont les premiers impliqués, qui subissent les conséquences, sont justement ceux qui nous ont dit à quel point ce programme était important.
Je voudrais que ma question s'adresse plutôt, si vous permettez, à l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Tout récemment, il y a eu un colloque ici, à Ottawa, parrainé par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. À ce colloque, Mme Verner, , a dit qu'elle avait l'intention de...
Je le lis en anglais, puisque mes notes sont en anglais.
[Traduction]
« Patrimoine canadien lancera de vastes consultations auprès des minorités linguistiques de tout le Canada ».
[Français]
Ensuite, on dit que:
[Traduction]
Mme Verner a dit qu'elle demanderait aux francophones leur avis sur la vision globale du gouvernement en matière de langues officielles et de dualité linguistique.
[Français]
Ma réaction à cela est de dire ceci.
[Traduction]
C'est un peu comme de la moutarde après le dîner. Cela ne sert plus vraiment à grand chose.
J'aimerais vraiment savoir ce qu'en pensent M. Tabachnick et M. Birnbaum. Est-ce que le gouvernement vous a consulté, en tant que représentant d'un groupe minoritaire linguistique au Québec avant d'abroger les programmes de contestation judiciaire? Quelles suggestions avez-vous adressées à Mme Verner, la ministre? Et enfin, seriez-vous disposé à participer à ces consultations si elles ont lieu?
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à vous tous.
Comme Mme Folco vient de le dire, il y a effectivement un rapport qui a été adopté, puis imprimé, de la tournée qui a été faite chez les communautés minoritaires d'expressions française et anglaise l'automne dernier. Le rapport s'intitule, en français: « La parole aux communautés: nous sommes là! La vitalité des communautés de langues officielles en situation minoritaire ». Ce document existe. Si vous en voulez une copie, faites-moi signe après la rencontre. Le comité pourra vous en faire parvenir un.
À la page 144 de ce rapport, il est bien écrit:
L'annonce faite par le gouvernement du Canada de son intention d'abolir le Programme de contestation judiciaire est certainement celle à laquelle toutes les organisations rencontrées ont été unanimement et profondément défavorables.
Si on poursuit dans cet ordre d'idées, le comité a adopté la recommandation 26, qui se lit comme suit:
Que le gouvernement du Canada rétablisse le Programme de contestation judiciaire, ou crée un autre programme permettant d'en atteindre les objectifs de manière équivalente.
Ce n'est donc pas comme si on partait de rien. Des choses ont été dites et ont été faites. Je voulais que vous le sachiez.
J'aimerais aussi que les gens aient à l'esprit une autre chose très importante. Le programme comme tel a été évalué en 1997 et en 2003. On en a fait mention tout à l'heure, et je le répète. Lors des deux évaluations, on a jugé le programme efficace et responsable. On est allé plus loin en disant que l'argent des contribuables canadiens était efficacement optimisé. Dans l'évaluation de 1997, on disait également que depuis sa création, le programme a permis de faciliter de nombreux litiges qui ont largement contribué à clarifier le droit constitutionnel. Par exemple, presque tous les litiges qui, au pays, avaient trait aux droits des minorités de langues officielles à une éducation dans leur langue ont été financés par le programme. On poursuivait ainsi en ajoutant que beaucoup des candidats au financement n'auraient pu défendre leur cause ou procéder à leur consultation sans l'appui du programme. Pour beaucoup d'entre eux, le programme est la seule source de financement possible.
Je veux que tous ceux qui sont ici aujourd'hui le sachent. En 2003, on dit dans l'évaluation — et je serai plus bref — que les conclusions de l'évaluation montrent également que de nombreuses dimensions des dispositions constitutionnelles visées par le programme doivent encore être clarifiées. Les données montrent que le processus de clarification est permanent et que, selon toute vraisemblance, il se poursuivra infiniment.
J'ajoute de mon propre chef que parce que la société évolue, nous avons besoin de faire en sorte que si l'État est fautif et que les parents, les bénévoles ou les organismes veulent le démontrer, il faut qu'ils se présentent à force égale devant les tribunaux.
Contrairement à ce que disent M. Benson et Mme Kheiriddin, ce n'est pas une question d'aider idéologiquement un groupe ou l'autre. C'est que l'État arrive avec son armée d'avocats, et les parents et les bénévoles, pour sauver leur hôpital ou pour avoir une école conformément à un droit reconnu dans la Constitution et pour laquelle ils se battent depuis 60 ans, doivent avoir les mécanismes pour agir. J'irais même jusqu'à dire qu'à la suite de l'adoption du Règlement 17 en Ontario en 1912, si les Franco-Ontariens avaient eu à l'époque la possibilité de recourir au Programme de contestation judiciaire, on n'aurait probablement pas dû attendre jusqu'en 1990 pour obtenir la gestion des écoles francophones en Ontario. Pensez-y: de 1912 à 1990, c'est une période très longue dans tous les combats qui ont dû être menés.
Monsieur Gauthier, vous avez vécu sur le terrain une bataille pour faire en sorte que les Fransaskoises et les Fransaskois, les enfants et les parents qui voulaient avoir une instruction en français langue première puissent avoir leurs écoles. Dans le temps qu'il me reste, pouvez-vous nous donner les étapes que les parents ont dû franchir pour démontrer que le tissu social est atteint directement lorsque les droits constitutionnels ne sont pas respectés et qu'un État, provincial ou fédéral, ne fait pas son travail et qu'il faut aller devant la cour pour que la Constitution soit respectée?
:
Permettez-moi de dire que c'est exactement cela le problème. Votre comité a été créé pour discuter de questions ayant trait aux langues officielles et au respect des langues officielles.
[Français]
En réponse à votre question, madame Savoie, si vous voulez convaincre le gouvernement de protéger les minorités linguistiques, il faut simplement lui dire qu'il faut respecter la loi. Le paragraphe 41(2) de la Loi sur les langues officielles requiert, en guise de mesure positive, que le gouvernement établisse un programme comme le Programme de contestation judiciaire du Canada. Là est votre réponse.
Si sur le plan législatif, une opinion juridique dit que le gouvernement n'a pas besoin d'avoir ce programme particulier, le gouvernement ne sera pas convaincu. Cela vous incombe, si vous désirez établir cela. Mais rétablir le Programme de contestation judiciaire au complet...
[Traduction]
Permettez-moi de m'exprimer en anglais: c'est comme se servir d'une massue pour tuer une mouche. Cela dépasse la portée des lois linguistiques. Si vous regardez la charte, vous verrez très clairement que les articles 16 à 23, qui traitent des langues officielles du Canada, constituent une grande partie de la charte.
À mon avis, les lois linguistiques ont une place toute spéciale dans le tissu canadien et notre constitution. Ce n'est pas en rétablissant le programme dont M. Benson et moi-même avons décrit les nombreuses lacunes, que vous les protégerez; c'est en créant quelque chose qui réponde à vos besoins précis. Voilà pourquoi j'ai dit...
Par ailleurs, je m'inscris en faux contre certains des propos tenus
[Français]
particulièrement par Mme Folco et M. Nadeau. Vous ne m'avez pas écoutée. Je n'ai pas dit que je suis contre la protection des minorités linguistiques du tout. J'ai dit qu'il...
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Kheiriddin.
[Traduction]
J'aimerais faire quelques observations avant de poser ma question.
À mon avis, il faut garder certaines choses à l'esprit ici, or on semble confondre certaines réalités lorsqu'on discute du Programme de contestation judiciaire. Beaucoup de gens s'imaginent en effet qu'il a été mis sur pied pour donner accès au système judiciaire à certains groupes. Il n'en est rien. L'idée essentielle qui a présidé à la naissance du programme et qui a mobilisé le plus les gens à ses débuts et pendant les années 70 était la nécessité de tirer au clair les droits linguistiques dans une conjoncture où de nombreux outils législatifs étaient adoptés. Songeons à la Charte de la langue française du Québec en 1977 et à la Loi sur les langues officielles à la fin des années 60.
L'avènement de la charte a entraîné l'élargissement des droits, surtout les droits des minorités. On s'est alors posé beaucoup de questions afin de savoir quels droits découlaient de ces deux instruments, et on a donc créé ce programme pour y répondre. Il n'a donc pas été mis sur pied pour donner accès aux tribunaux à des groupes qui n'en avaient pas les moyens. Tel n'était pas son objet, et de toute manière, ce sont les programmes d'aide juridique des provinces qui se chargent de cela.
Ce dont il est question ici est d'un programme qui coûte de 2 à 3 millions de dollars par année au gouvernement. On peut être d'accord ou en désaccord avec son annulation, mais il représentait des déboursés de 2 à 3 millions de dollars par année.
À elle seule, Aide juridique Ontario dépense plus de 200 millions de dollars par année pour favoriser l'accès au système judiciaire. Les coûts des programmes provinciaux d'aide juridique dépassent 500 millions de dollars par année. J'ai trouvé que bon nombre de gens ont confondu les choses ici en affirmant que le Programme de contestation judiciaire avait le même objet et les mêmes effets que l'aide juridique provinciale — autrement dit, qu'il cherchait à donner accès aux tribunaux mais tel n'est pas le cas. Sa création devait servir à susciter une jurisprudence à laquelle se reporter pour élucider les droits linguistiques et par la suite les droits des minorités.
Après trois décennies, on peut dire sans trop se tromper que la jurisprudence est devenue une réalité et qu'elle a sensiblement tiré au clair nos droits, linguistiques et ceux des minorités. À titre d'exemple, si je suis immigrant et que je m'installe au Québec, mes enfants ont-ils le droit de faire leur scolarité en anglais? Non. Toutefois, si je suis né et que j'ai fait mes études ailleurs au Canada et que je m'installe au Québec, oui, mes enfants auront le droit d'étudier en anglais. Les tribunaux ont clarifié cela. C'est un exemple d'éclaircissement des droits. Voilà comme premier point.
En second lieu, je tiens à rappeler certaines affirmations qu'on trouve dans l'Évaluation sommative du Programme de contestation judiciaire de 2003. Il y est dit que l'objet principal du programme est de clarifier « les dispositions constitutionnelles relatives aux droits à l'égalité et aux droits linguistiques ». Plus loin, il y est aussi précisé qu'« un groupe ou un particulier qui présenterait des arguments juridiques prônant une application restrictive de ces droits ne recevrait pas de fonds du PCJ ».
Peut-être pourriez-vous développer quelque peu ces idées. Je sais que vous et M. Benson les avez brièvement évoquées dans vos remarques liminaires. Peut-être pourriez-vous préciser votre pensée là-dessus.
:
Je pense que vous avez raison. Les conséquences de l'analphabétisme des francophones sont directement liées au fait qu'ils n'ont pas eu accès à leurs établissements d'enseignement et au contrôle de ceux-ci.
Cela dit, comme je l'ai dit dans ma présentation, l'article 23 a un aspect réparateur. On doit être très vigilant pour s'assurer que les gouvernements, et parfois avec l'aide des tribunaux, puissent décider et analyser quelles sont les solutions qui doivent être apportées pour régler la situation et réparer les torts subis par le passé.
Pour moi, le Programme de contestation judiciaire, en plus de clarifier les situations, peut nous aider à faire avancer la jurisprudence pour préciser les types de réparation. On n'a pas reçu d'excuses de nos gouvernements parce que nos droits sont brimés depuis 50 ans, 60 ans ou 100 ans.
On est conscient que des instruments sont prévus à la partie VII de la Loi sur les langues officielles et que le gouvernement a la capacité de prendre des mesures positives. On a le droit aussi d'aller devant les tribunaux, mais quand on n'a pas les moyens de le faire, ce droit ne sert à rien. Je ne parle pas ici d'aide juridique. On n'aura pas nécessairement un constitutionnaliste qui pourra nous aider à défendre notre cause de façon efficace.
On a besoin d'un programme qui nous permette d'aller chercher une aide vraiment professionnelle et efficace pour défendre la cause qui nous concerne. Je sais que le Programme de contestation judiciaire, pour l'avoir utilisé à maintes reprises, est efficace. Les évaluations l'ont démontré, comme M. Nadeau l'a dit. Il y a des changements fondamentaux.
La situation qui prévalait en Saskatchewan quand j'y suis arrivé, il y a 32 ans, était très différente de la situation actuelle. Mais ce n'est pas encore parfait. En 25 ans, on ne change pas l'histoire d'un groupe ou d'une population minoritaire qui a été assagie et écrasée pendant longtemps. On a besoin de temps pour se relever et on doit avoir les ressources pour le faire. J'espère que le politique pourra le faire.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Pour terminer, j'aimerais défendre la réputation du gouvernement en ce qui a trait au respect des droits et à la protection des droits des minorités linguistiques et diverses autres minorités.
L'opposition, surtout l'opposition libérale, a fait preuve d'hypocrisie à cet égard. Rappelons qu'il s'agit ici d'un programme qui coûte de 2 à 3 millions de dollars par année au gouvernement.
Dans notre pays, dans la très grande majorité des cas, ce sont les programmes d'aide juridique des provinces qui donnent accès au système judiciaire, à peu près deux cent fois plus souvent. Au total, les programmes d'aide juridique canadiens consacrent près de 500 millions de dollars à l'accès au système judiciaire.
Je précise que ces programmes sont en partie financés grâce au fédéralisme fiscal, soit le TCSPS penant les années 90 et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux aujourd'hui.
Aussi, si vous vous reportez aux initiatives prises par le gouvernement précédent pour favoriser l'accès au système judiciaire, songez qu'il a imposé des compressions qui, dans la seule province d'Ontario, ont entraîné une diminution des certificats d'accès aux tribunaux. Ces derniers, de 280 000 qu'ils étaient au début des années 90, sont passés à 80 000 par année au milieu de la même décennie. Il y a donc eu 150 000 cas de déni de justice, du fait que les gens n'ont pas eu accès au système judiciaire.
Il faut mettre cela en perspective. Le gouvernement actuel a très bien défendu les droits des minorités et les droits linguistiques. Il est vrai que nous avons décidé d'annuler ce programme, mais c'est qu'à notre avis, il avait atteint son objectif. Quoi qu'il en soit, je trouve un peu fort que les Libéraux viennent aujourd'hui brailler au sujet des droits, compte tenu de leur bilan.
Je tenais à faire cette mise au point pour mémoire, monsieur le président.