:
Membres du comité, monsieur le président, bonjour.
Au nom du Québec Community Groups Network, le QCGN, et de ses organisations membres, je veux vous remercier de m'offrir l'opportunité de vous rencontrer aujourd'hui pour discuter des répercussions de la décision du gouvernement d'abolir le Programme de contestation judiciaire.
Mon nom est Sylvia Martin-Laforge,
[Français]
et je suis la directrice générale du Quebec Community Groups Network.
[Traduction]
Le QCGN regroupe 22 organisations sectorielles et régionales des communautés anglophones du Québec, qui sont en situation minoritaire. Il fut établi en 1995 et il encourage la vitalité de ces communautés.
Je ferai de mon mieux durant les quelques minutes qui me sont allouées aujourd'hui pour vous donner quelques exemples démontrant le succès du Programme de contestation judiciaire, le PCJ, et son importance auprès des communautés anglophones du Québec.
Comme je l'ai dit, la création de notre réseau remonte à 1995. Le QCGN est un membre actif du PCJ depuis 2001. Le QCGN dispose également d'un représentant au sein du comité consultatif des droits linguistiques du PCJ depuis 2002. Ce comité a la responsabilité d'informer le PCJ des préoccupations de ses membres, notamment au nom des collectivités des deux langues officielles en situation minoritaire.
Je dois être franche avec vous. Vous ne vous étonnerez pas d’apprendre que le QCGN appuie le PCJ dans son ensemble et souhaite que le gouvernement du Canada reconnaisse l'impact néfaste de sa décision et qu'il agisse dans l'immédiat pour rétablir le programme. Si le gouvernement avait consulté le QCGN ou quelques-uns des membres de son organisation avant l'annulation du PCJ, il aurait compris que celui-ci a eu un impact significatif au chapitre de l'amélioration des droits linguistiques des communautés anglophones du Québec.
Voici quelques exemples représentatifs. Dans Chiasson c. Québec, la Cour supérieure du Québec a estimé qu’il y avait des limites aux pouvoirs de l'Office de la langue française et que la Charte de la langue française ne permettait pas à l'Office d'empêcher un employeur de fournir des programmes en anglais dans un milieu de travail où les programmes en français étaient déjà à la disposition des employés.
Dans Québec c. Blaikie, la même section de la Charte, faisant du français la seule langue prescrite pour les lois provinciales ainsi que la langue prescrite devant les tribunaux, fut également jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême. Cet exemple prépara le terrain afin que les anglophones du Québec puissent bénéficier du droit fondamental d'être entendus par les tribunaux québécois dans la langue de leur choix.
À la suite du jugement rendu dans l'affaire Québec c. Blaikie, la Cour d'appel du Québec a décidé, dans le cas de l'affaire Cross, en 1998, que le gouvernement ou le procureur général avait l'obligation de confier les causes à des procureurs de la Couronne qui ont la capacité de plaider les causes dans la langue officielle du choix des accusés.
Ces causes sont des exemples du progrès réalisé au niveau des droits des communautés anglophones du Québec. Dans chacun des cas présentés, les personnes faisant appel à la justice ne disposaient pas des ressources financières nécessaires pour faire reconnaître leurs droits. Le Programme de contestation judiciaire a aidé ces individus à obtenir gain de cause. Je me demande comment on aurait obtenu ces décisions sans l’aide financière du PCJ.
Les succès des deux communautés de langue officielle en situation minoritaire sont primordiaux pour la vitalité des communautés anglophones du Québec. Un exemple tel que Doucet-Boudreault c. Nouvelle-Écosse, qui a mené à la décision que le gouvernement avait la responsabilité de mettre sur pied des institutions pour garantir l'éducation des enfants des minorités de langue officielle, nous a offert la chance d'établir des liens avec des communautés francophones en situation minoritaire situées à l'extérieur du Québec et de tirer profit de leur expérience à l'intention des communautés anglophones du Québec.
On ne peut jamais prédire l'avenir avec exactitude; ceci est d'autant plus vrai en politique et en droit. Vous êtes bien placés pour le savoir. Nous ne pouvons pas prédire les événements qui iront à l'encontre de nos droits constitutionnels — l'adoption d'une loi ou bien d'un règlement en milieu de travail, sans oublier la possibilité d'une décision semblable à celle concernant l'hôpital Monfort.
Les croyances exprimées au sein de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi sur les langues officielles sont le fondement de la société canadienne et garantissent ainsi le droit des communautés vivant en milieu minoritaire de contester tout projet de loi ou action entreprise allant à l'encontre de ces principes fondamentaux.
On dit souvent que le gouvernement existe pour protéger les droits des minorités ou qu'une démocratie peut être évaluée par l'attention offerte aux minorités. Le QCGN espère que le gouvernement du Canada respectera ce principe dorénavant.
Finalement, je voudrais réitérer l'importance pour le gouvernement du Canada de faire preuve de plus d'ouverture, en consultant les groupes concernés lorsque vient le temps d'apporter des modifications à des programmes touchant les minorités de langue officielle. Une telle approche aurait permis d'éviter des situations embarrassantes pour le gouvernement, dont celle touchant la récente décision d'annuler le Programme de contestation judiciaire.
Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. J'espère que ma présence ici marque le début d'un dialogue avec le comité afin de permettre le rayonnement de la dualité linguistique présente à travers le Canada et de défendre les droits des communautés anglophones en situation minoritaire au pays.
Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Merci. Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés membres du comité, vous nous avez demandé de comparaître ce matin et de vous présenter notre point de vue sur les répercussions de l'abolition du Programme de contestation judiciaire. La FCFA désire vous remercier de nous accorder ce temps de rencontre.
Je m'appelle Lise Routhier-Boudreau. Je suis accompagnée de notre directeur des communications, M. Serge Quinty. C'est avec grand plaisir que nous pourrons tous les deux répondre à vos questions après la présentation, s'il y a lieu.
Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que la FCFA est présentement demanderesse dans un recours juridique qui vise l'annulation de l'ensemble des décisions prises le 25 septembre dernier, dont celle concernant le financement du Programme de contestation judiciaire. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas commenter cette action juridique actuellement en cours.
Plutôt, durant les quelques minutes dont nous disposons aujourd'hui, je tenterai de faire un bref survol de la question, en rappelant premièrement les principaux gains que nous devons au Programme de contestation judiciaire dans le domaine des droits linguistiques et en évoquant, dans un deuxième temps, les répercussions que nous prévoyons à la suite de l'abolition du programme.
Pour l'ensemble des communautés francophones et acadiennes du Canada, le Programme de contestation judiciaire a été un outil essentiel afin de clarifier, d'une part, et de faire avancer, d'autre part, les droits linguistiques de la minorité francophone.
De nombreuses causes linguistiques ont été entendues et réglées grâce à l'appui du programme. Parmi ces causes, notons bon nombre de celles qui nous ont permis d'obtenir la gestion scolaire, qu'il s'agisse de la cause Mahé contre l'Alberta, du renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques du Manitoba, de l'Association des parents francophones de la Colombie-Britannique contre la Colombie-Britannique, et je pourrais en nommer bien d'autres. D'autres causes, comme Doucet-Boudreau et Arsenault-Cameron, ont permis de préciser les obligations de l'État en matière de droits scolaires, en matière d'écoles.
On compte présentement plus de 600 écoles de langue française à l'extérieur du Québec, et je me permets ce matin de vous poser la question suivante, à vous les membres du comité : si les recours comme ceux que j'ai nommés n'avaient pas eu lieu, y aurait-il présentement autant d'écoles de langue française partout au pays? Je me permets de vous poser la question, mais je me permets aussi d'en douter.
Le Programme de contestation judiciaire a aussi permis de clarifier les obligations des gouvernements en matière de services en français. Vous connaissez tous la célèbre cause Montfort qui a permis de sauvegarder le seul hôpital d'enseignement de langue française à l'ouest du Québec. Il y a aussi le jugement Beaulac, qui a clarifié les droits linguistiques des accusés tout en précisant les principes et le cadre interprétatif qui s'appliquent aux droits linguistiques au Canada. Mentionnons aussi l'action juridique intentée par la Fédération franco-ténoise en 1999. Cette cause, entendue en 2006, a mené à une décision de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest reconnaissant au gouvernement territorial une obligation d'offrir des services en français à sa population. Il est à noter malheureusement que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a interjeté appel de cette décision et qu'il sera maintenant difficile pour la communauté franco-ténoise d'assumer les coûts de cette nouvelle étape du processus juridique.
En somme, il ne fait aucun doute à nos yeux que depuis sa création, en 1978, le Programme de contestation judiciaire a fortement favorisé l'épanouissement et le développement des minorités francophones et anglophones du Canada, et a ainsi contribué à promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Sa contribution à la vitalité des communautés francophones et acadienne est définitivement inestimable. C'est donc dire que parallèlement, l'élimination du Programme de contestation judiciaire aura des incidences négatives sur la pérennité de ces communautés.
Notre gouvernement nous a dit à maintes reprises qu'il allait faire des lois constitutionnelles et qu'il allait les respecter.
L'histoire du Programme de contestation judiciaire nous démontre cependant que, malgré la bonne volonté politique, les lois et règlements peuvent présenter un potentiel de clarification en matière de droits linguistiques ou de droit à l'égalité.
De plus, le gouvernement fédéral ne peut s'engager à assurer que les gouvernements provinciaux et territoriaux adoptent eux aussi des lois qui protègent et appuient les intérêts des minorités et des groupes défavorisés. Or, 80 p. 100 des causes financées par le Programme de contestation judiciaire en ce qui concerne les droits linguistiques visent justement les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Enfin, il convient de rappeler que seuls les tribunaux ont le pouvoir d'interpréter les lois et leur constitutionnalité. Le gouvernement ne peut donc pas garantir à l'avance qu'une loi respecte la Constitution.
Parlons donc des répercussions de l'abolition du programme, après des dizaines d'actions judiciaires qui ont permis de clarifier et de consolider les droits des minorités francophones et de faire avancer les communautés. Il restait pourtant, au moment de la suppression du financement du programme, une somme considérable de travail à effectuer sur le plan juridique pour que les francophones jouissent pleinement de leurs droits constitutionnels et qu'ils obtiennent l'égalité réelle, tel que le veulent la Constitution canadienne et la Loi sur les langues officielles.
Nous vous avons déjà parlé de la cause opposant la communauté franco-ténoise au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, laquelle sera portée en appel. Parmi les autres actions judiciaires déjà en cours, mentionnons la cause Paulin au Nouveau-Brunswick, la cause Caron en Alberta et le dossier de la surtaxe scolaire en Nouvelle-Écosse. Ces causes, comme celles qui les ont précédées, ont le potentiel de faire progresser la reconnaissance, l'interprétation et l'application des droits linguistiques des francophones et, surtout, d'accroître leur capacité de vivre en français.
Il ne faut pas oublier que le travail ne sera pas terminé tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas atteint l'égalité réelle entre l'anglais et le français, et le plein accès à des services en français de qualité égale. Les tribunaux ne représentent jamais notre premier choix en matière d'action, mais il faut convenir qu'à ce jour, ils demeurent une instance incontournable pour assurer que les minorités puissent se prévaloir de leurs droits.
Le Canada a été jusqu'à aujourd'hui un modèle en matière de traitement de ses minorités. Dans ce contexte, le Programme de contestation judiciaire a été d'un apport inestimable pour faciliter l'interprétation des principes écrits et non écrits de la Charte. Si les droits garantis par la Charte font la fierté des Canadiens et des Canadiennes, encore faut-il s'assurer que ces droits soient, dans la pratique, appliqués et respectés.
Le PCJ a appuyé jusqu'à maintenant des groupes représentant des citoyens canadiens ordinaires qui autrement n'auraient pas les moyens de faire reconnaître et respecter les droits constitutionnels qui leur sont garantis en vertu de la Charte. Sans le PCJ, les communautés auraient eu peine à trouver les ressources financières pour rappeler au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux et territoriaux leurs obligations et responsabilités constitutionnelles en matière linguistique.
En terminant, l'abolition du Programme de contestation judiciaire constitue clairement un manquement du gouvernement fédéral à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Plus précisément, l'élimination sans aucune consultation d'un programme qui a joué un rôle essentiel dans l'épanouissement et le développement des communautés francophones et acadienne va à l'encontre de la partie VII de la loi et de l'engagement du gouvernement à appuyer le développement des minorités.
Pour toutes ses raisons, comme l'indiquait le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, dans un discours au Sommet des communautés francophones et acadienne, il serait bon et pressant que le gouvernement réexamine sa décision d'abolir le financement du programme.
Je vous remercie de votre écoute. Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes prêts à répondre à des questions.
Je m'appelle Christopher Schafer et suis avocat au cabinet Gowling Lafleur Henderson dans la branche de la défense des droits et des rapports avec les gouvernements. Je suis présent aujourd'hui en tant que membre du conseil d'administration de la Canadian Constitution Foundation.
La Canadian Constitution Foundation existe pour protéger les libertés constitutionnelles des Canadiens, par le biais de l'éducation, de la communication et des poursuites en justice. Notre fondation soutient, entre autres, l'égalité vis-à-vis de la loi, l'égalité des droits et l'égalité des chances pour tous les Canadiens et les Canadiennes, sans qu'aucun ne jouisse de privilèges spéciaux. Notre fondation est appuyée dans son travail par des Canadiens qui lui font don d'argent.
La Canadian Constitution Foundation est en faveur de l'élimination du Programme de contestation judiciaire. Tous les Canadiens et les Canadiennes, en tant que contribuables, ont payé pour appuyer la cause politique de différents groupes d'intérêt ayant bénéficié du financement du Programme de contestation judiciaire, qu'ils appuient ces causes ou non et c'est injuste.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cette injustice. Dans l'article 15 de la Charte des droits et libertés, qui a trait à l'égalité, la dignité humaine est au coeur de l'égalité. Pour qu'une mesure gouvernementale contestée constitue une infraction aux droits à l'égalité garantis par l'article 15, elle doit être jugée nuisible à la dignité humaine d'un demandeur, parce qu'elle perpétue ou promeut l'idée qu'un individu est moins capable ou moins digne de reconnaissance ou de valeur en tant qu'être humain ou en tant que membre de la société canadienne.
Pour certaines personnes, dont celles faisant partie des groupes traditionnellement financés par le Programme de contestation judiciaire, il y a atteinte à la dignité humaine quand, par exemple, on ne peut bénéficier des prestations d'aide sociale sans participer aux programmes de formation à l'emploi. Pour ces personnes, diminuer les prestations d'aide sociale accordées aux prestataires refusant de participer à des programmes de formation est une atteinte à la dignité humaine, car seul l'État peut garantir la dignité humaine, avec de plus grosses dépenses gouvernementales. D'autres personnes, toutefois, estiment qu'une loi sur l'aide sociale renforce la dignité humaine, parce qu'elle encourage l'indépendance plutôt que la dépendance et un sentiment d'estime de soi plutôt que de mépris de soi. Ainsi, même si la dignité humaine peut se manifester dans la recherche d'une égalité substantive des résultats, certains estiment qu'elle peut très bien aussi, comme je l'avance, se manifester dans la recherche de la liberté individuelle et de l'égalité des chances.
Il est injuste de financer uniquement les groupes selon lesquels il n'existerait qu'une seule version de la dignité humaine conforme à l'article 15 de la Charte. Prenez la Canadian Constitution Foundation. Sa création résulte d'une contestation judiciaire entreprise par le Chef Mountain et la matriarche Mercy Thomas, de la bande Nisga'a, qui continuent de soutenir que l'Accord définitif Nisga'a va à l'encontre de leurs droits constitutionnels. La bataille se poursuit encore devant les tribunaux. Ce sont des gens qui poursuivent leur contestation depuis sept ans, sans aucun financement gouvernemental, grâce à la générosité de Canadiens qui continuent à contribuer volontairement des fonds.
Sans financement accordé par le Programme de contestation judiciaire, le Chef Mountain poursuit sa contestation, et c'est bien ainsi. Il est peut-être plus désavantagé que tous les groupes ayant bénéficié du financement du Programme de contestation judiciaire par le passé. En effet, les membres de minorités linguistiques au Canada sont beaucoup plus nombreux et ont beaucoup plus de ressources que le Chef Mountain et Mercy Thomas.
Le financement accordé par le gouvernement aux questions de langue et aux droits des minorités sert toujours à appuyer un point de vue donné, à l'exclusion de tout autre. Or, il existe de nombreux points de vue sur les questions constitutionnelles : celui du gouvernement et d'une minorité donnée ou, dans le cas qui nous intéresse, d'un groupe linguistique; mais il y a aussi les intérêts d'autres minorités, ainsi que ceux d'un groupe minoritaire qui ne se sent pas représenté par le groupe entreprenant une contestation en son nom.
Les contribuables canadiens ne devraient pas être contraints de contribuer à des causes qu'ils n'appuient pas. La Constitution canadienne appartient à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes, pas seulement à ceux qui sont d'accord avec l'idéologie du Programme de contestation judiciaire. L'élimination du Programme de contestation judiciaire a mis tous les groupes sur un pied d'égalité. Libre à eux de faire des collectes de fonds auprès des personnes qui appuient leurs propres causes. Voilà qui est juste.
Je vous remercie et serais heureux de répondre à vos questions.
Bonjour à tous.
Au nom de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, je veux d'abord remercier tous les membres du comité de l'occasion qu'ils me donnent de présenter la position de la SAANB en ce qui concerne l'importance du Programme de contestation judiciaire pour l'ensemble des communautés de langue officielle au pays.
Mon nom est Ghislaine Foulem; je suis directrice générale par intérim de la SAANB.
Comme vous le savez, la SAANB est un organisme provincial voué à la défense et à la promotion des droits et intérêts de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick. À ce titre, elle a bénéficié à plusieurs reprises de l'appui du Programme de contestation judiciaire, ce qui lui a permis d'obtenir des gains importants pour l'ensemble de la communauté acadienne et francophone de la province.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples concrets qui démontrent l'importance de ce programme.
En 2001, la SAANB a reçu l'appui du PCJ dans la cause Charlebois au sujet du bilinguisme au sein des municipalités, ce qui nous a permis d'obtenir des modifications à la Loi sur les langues officielles de notre province. Depuis bientôt huit ans, la SAANB et une citoyenne de la province cherchent à faire reconnaître les obligations linguistiques de la GRC lorsqu'elle fournit des services de police pour le compte de la province du Nouveau-Brunswick.
La Cour fédérale a rendu un jugement favorable, mais le ministère fédéral de la Justice et la GRC ont fait appel de ce jugement. En octobre prochain, cette cause sera entendue par la Cour suprême, ce qui prouve le sérieux de nos arguments. Il va sans dire que sans l'appui du PCJ, nous n'aurions pu mener cette bataille juridique pour obtenir le respect et la reconnaissance du principe de l'égalité des communautés de langue officielle que nous retrouvons dans la Charte canadienne des droits et libertés, notamment aux articles 16.1 et 20, et dans la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick.
Plusieurs autres interventions en cours ont été menées grâce au PCJ, notamment la contestation de la carte électorale fédérale pour préserver l'intégrité des communautés d'intérêts, la cause du Forum des maires de la Péninsule acadienne contre l'Agence d'inspection des aliments et la cause des parents de Saint-Sauveur contre la fermeture de l'école du village.
Nous avons également eu recours au PCJ pour mener des recherches juridiques sur la Loi sur les régies régionales de la santé de notre province, sur l'enseignement postsecondaire ou sur le statut juridique des associations professionnelles.
Force est de reconnaître qu'à chaque fois les tribunaux nous ont donné raison, en tout ou en partie, ce qui a contribué grandement à renforcer la vitalité et l'épanouissement de l'Acadie et du Nouveau-Brunswick. Cependant, il reste beaucoup à faire dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'aménagement linguistique, entre autres, pour obtenir une réelle égalité linguistique des communautés de langue officielle, même dans la seule province officiellement bilingue au pays.
Voici un dernier exemple de ce qui constitue, de notre point de vue, une infraction à la loi, et dont les communautés de langue officielle sont trop souvent forcées de subir les conséquences. Comme principal organisme porte-parole de la communauté acadienne, la SAANB n'a pas été consultée durant la révision des programmes entreprise par le gouvernement Harper, révision qui a mené, permettez-moi de le souligner, à l'élimination du soutien à l'Initiative canadienne sur le bénévolat, aux coupes pratiquées à Condition féminine Canada et dans les programmes d'alphabétisation, ainsi qu'à la suppression des programmes de stages internationaux pour les jeunes et, en premier lieu, à la suppression du Programme de contestation judiciaire. Or, l'obligation de consulter les communautés sur toutes les questions politiques ou sur tout programme qui pourraient avoir un impact sur eux est inscrite dans la Loi sur les langues officielles du Canada.
La communauté acadienne et francophone estime que ces mesures viennent saper à la base la capacité de nos communautés de se mobiliser et de défendre leurs droits, mais sans le PCJ, elles ne pourront pas en faire la preuve.
Bien sûr — et je tiens à rassurer tous les membres de ce comité —, ni la SAANB ni le mouvement associatif acadien ne privilégient le recours aux tribunaux pour obtenir justice. Dans la mesure du possible, nous préférons largement la concertation, la consultation et le dialogue. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en adressant une lettre ouverte au premier ministre, en octobre, et en participant à la mobilisation nationale contre ces coupes budgétaires.
Sur l'initiative de la Fédération des étudiantes et étudiants du Centre universitaire de Moncton et de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, une coalition a été formée. En Atlantique, la Société nationale de l'Acadie a lancé une pétition sur Internet, et l'équipe francophone, composée de représentants des communautés de langue officielle vivant en milieu minoritaire, a aussi rencontré une quarantaine de députés des différents partis politiques à Ottawa pour les sensibiliser à l'impact de ces coupes sur leurs communautés, mais sans succès.
Lorsque les droits des citoyens et citoyennes francophones nous semblent manifestement ignorés ou bafoués par le gouvernement qui formule et a la responsabilité de faire respecter les lois, avons-nous d'autre choix que de recourir aux tribunaux? Or, comme le démontre bien la poursuite contre la GRC, contester certaines décisions gouvernementales est une entreprise onéreuse et de longue haleine.
Nos ressources financières et humaines sont terriblement limitées, et sans l'appui du PCJ, nous sommes pris en otage sans aucune possibilité de nous défendre. Le gouvernement fédéral dispose, lui, d'une armée de conseillers juridiques payés à même nos taxes pour défendre des décisions qui menacent nos acquis, vont à l'encontre de nos droits et contreviennent à ses obligations.
Le commissaire aux langues officielles lui-même partage les craintes des communautés de langue officielle. M. Graham Fraser a souligné devant ce comité que les actions du gouvernement et, dans certains cas, son inaction, sèment le doute quant à son véritable engagement à l'égard de la mise en oeuvre de la nouvelle partie VII de la Loi sur les langues officielles. Pourtant, nous nous souvenons tous de l'appui de taille qu'avait reçu ce projet de loi du parti politique qui est maintenant à la tête de ce gouvernement. Le Programme de contestation judiciaire était le dernier outil à la disposition des communautés de langue officielle qui se sentent lésées par les pouvoirs publics.
En refusant de le restaurer, le gouvernement porte une atteinte grave à l'expression démocratique de la société civile, fragilise le développement de nos communautés et ternit la réputation mondiale du Canada en matière de justice et de démocratie.
En terminant cette présentation, j'ajouterai que la SAANB place toute sa confiance dans les travaux de votre comité. Nous comptons sur vous pour convaincre le premier ministre Harper de renverser une décision que toutes les communautés de langue officielle rejettent d'une seule et même voix. Au-delà de la partisanerie politique, c'est une simple question de justice et d'équité.
Merci.
:
Merci de cette question. Je crois que vous avez apporté une réponse partielle à votre première question en posant votre deuxième question. En fait, il y a plus de similitudes entre les minorités de langue officielle — les francophones hors Québec et les anglophones du Québec — que de différences. Vu que nous sommes une minorité nationale, c'est sous cet angle que nous devons être observés.
Au Québec, il y a environ un million d'anglophones, des Canadiens de langue anglaise vivant au Québec. Ce chiffre nous rapproche des francophones hors Québec. Il y a des similitudes et elles sont importantes parce qu'il faut que nous soyons traités comme une minorité nationale. Nous sommes dans une seule province, effectivement, mais les liens entre la minorité du Québec et les minorités francophones hors Québec sont manifestes.
Quand on voit ce qui se passe en matière d'écoles, de fermetures d'écoles, d'accès à l'éducation et aux soins de santé, de population vieillissante et d'exode rural, force est de constater que nous avons toute une série de dossiers en commun. En ce qui concerne la minorité anglophone du Québec, l'évolution a été distincte au cours des 30 dernières années, évolution qui a créé l'idée fausse qu'il existe une grande différence. On s'imagine que tous les Québécois anglophones vivent à Westmount, passent leur fin de semaine au lac Brome et ont de l'argent plein les poches. Tel n'est pas le cas.
Faites un peu le point, surtout dernièrement. Le Quebec Community Groups Network a organisé, avec un groupe de Montréal, ce que nous appelons la Greater Montreal Community Development Initiative. Vous trouverez dans notre site Web, celui du QCGN, les données démographiques portant sur environ 700 000 personnes vivant à Montréal, avec des problèmes d'employabilité, de pauvreté, de manque d'accès, etc., et leurs conséquences sur les déterminants de la santé. Les liens et les similitudes sont importants, les différences, moindres qu'on ne pourrait le croire, selon moi.
:
Vous aurez sans doute l'occasion d'être candidat du Parti conservateur lors des prochaines élections parce que je suis sûr que vous plairiez beaucoup à Stephen Harper.
Ma question s'adresse à Mme Martin-Laforge. Puisqu'on parle du Programme de contestation judiciaire et des anglophones du Québec, ne seriez-vous pas d'accord pour dire avec moi que, lors de l'adoption d'une loi, il est toujours difficile qu'elle soit interprétée comme il faut, avec équité pour les citoyens? C'est ce dont il s'agit, cette nécessité de faire ce qu'il faut.
Prenez par exemple le projet de loi S-3, selon lequel toute institution devait pouvoir fournir un service dans les deux langues officielles, car c'est un problème qui se passe à Montréal, à Québec ou à Trois-Rivières. Ce que je veux dire c'est que les citoyens ont le droit de recevoir un service dans les deux langues, parce que ce sont, comme on dit en français,
[Français]
les fondateurs du pays
[Traduction]
et qu'un accord a été conclu, sans doute en 1867, comme quoi ils étaient censés être égaux. C'est de cela dont il s'agit.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous. Merci d'être là ce matin.
Nous avions beaucoup discuté du projet de loi S-3 en 2005. Nous avions eu de longs débats. À l'époque, j'étais président du Comité permanent des langues officielles. Nous avons finalement adopté le S-3, qui a franchi toutes les étapes après de multiples essais, ce qui, à mon avis, est un élément très important pour la protection et la promotion des droits des minorités.
Cependant, j'ai l'impression que l'abolition du Programme de contestation judiciaire, qui enlève aux communautés la possibilité de défendre leurs droits, va à l'encontre de la philosophie du S-3, puisque ce dernier vise à en faire un peu plus pour les communautés.
Le geste posé par le gouvernement, de façon générale, est incompréhensible, mais de façon plus précise il l'est davantage parce qu'il va à l'encontre de l'épanouissement et de la défense des droits des communautés. Je ne sais pas si vous partagez ce point de vue.
Mme Routhier-Boudreau, voulez-vous répondre?
:
Thank you, monsieur le président.
[Traduction]
J'ai une question pour M. Schafer mais, auparavant, j'aimerais établir le contexte.
On a créé le Programme de contestation judiciaire dans les années 1970 pour avoir de la jurisprudence dans un domaine encore très flou jusqu'à ce moment-là en raison des nombreux changements qui étaient survenus dans les années 1960, 1970 et 1980 avec la Loi sur les langues officielles, la Charte de la langue française au Québec et la Charte canadienne des droits et libertés. Ces mesures législatives et ces changements constitutionnels importants ont suscité beaucoup de confusion et de questions quant à la véritable nature des droits linguistiques et des minorités. C'est à cette époque qu'on a mis sur pied le programme de contestation judiciaire.
Nombreux sont ceux qui affirment que, 30 ans plus tard, les différentes causes ont donné lieu à une jurisprudence qui constitue un solide fondement en droit. Ma première question est la suivante: êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Croyez-vous que nous disposons d'une vaste jurisprudence nous permettant de définir nos droits? Je ne parle pas de tous nos droits, manifestement, car on continue d'intenter des poursuites et de définir de nouveaux domaines du droit, mais croyez-vous qu'au cours des 30 dernières années, nous nous sommes dotés d'une bonne jurisprudence concernant les droits des minorités et les droits linguistiques des minorités?
Voici ma deuxième question: le commissaire aux langues officielles a déclaré dans son plus récent rapport que, à son avis, l'annulation du Programme de contestation judiciaire violait la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Êtes-vous d'accord? Qu'en pensez-vous?
Ce sont là mes deux questions.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les droits fondamentaux des minorités avec Mme Martin-Laforge.
Dans mon comté de Brome—Missisquoi, il y a un groupe d'anglophones qui correspond à environ 18 p. 100 de la population. Je sens que je dois défendre ce groupe minoritaire qui est différent du reste du Québec tout comme je défendrais la langue française ailleurs. Les anglophones au Québec, en général, font partie des groupes de M. Schafer. Ils ont de l'argent. Le groupe de mon comté n'a pas d'argent. On fait tous deux partie des odd fellows, et vous connaissez ces gens. C'est la même chose dans le Pontiac, où les anglophones ne sont pas riches.
Pourquoi le Programme de contestation judiciaire est-il nécessaire pour les groupes anglophones au Québec qui doivent réellement contester des choses, par exemple pour promouvoir l'alphabétisation? Quand le gouvernement actuel a coupé dans les programmes d'alphabétisation, c'est dans mon comté que cela a fait le plus mal, parce que les anglophones y sont souvent illettrés et très pauvres. Les gens qui n'étaient pas pauvres sont partis. Il ne reste que les pauvres, et ce sont des gens que j'aime, que j'adore même. Je voudrais qu'on puisse protéger ces gens, qu'ils puissent se défendre.
Pourriez-vous nous parler des droits de ces minorités? Les langues officielles vont dans les deux sens.
:
J'aimerais dire dans un premier temps que je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur le nombre de riches
[Traduction]
Anglophones qui vivent au Québec.
Avec les Townshippers, le Pontiac, les Coasters sur la côte nord et les Îles de la Madeleine, il y a bon nombre d'associations anglophones régionales qui s'attaquent au même problème que les francophones hors Québec, notamment l'exode des jeunes et les problèmes des localités rurales. C'est assez étonnant.
Le principal problème de ces anglophones concernant l'alphabétisation et l'accès à la justice, c'est qu'ils n'ont pas les ressources financières ni probablement les outils qu'il leur faut pour plaider leur cause.
Et il n'y a pas que les Townshippers, les Coasters ou les Madelinots anglophones; il y a de plus en plus de Québécois anglophones qui vivent à Montréal. Ces nouveaux anglophones n'ont pas les racines traditionnelles de ceux de Westmount ou de Ville Mont Royal. Ils ont véritablement besoin de ce programme et de toute l'attention que votre comité et les autres comités semblables veulent bien leur accorder.
Les anglophones du Québec ont besoin de la même attention, des mêmes droits et de l'accès au même genre de programmes.
:
Comme vous le savez, les francophones au Nouveau-Brunswick représentent 25 p. 100 de l'ensemble des francophones vivant en situation minoritaire au pays. Les 32 organismes provinciaux que nous chapeautons — et il y en a de multiples à l'échelle régionale et locale — ont été consternés lorsque l'annonce a été faite.
Comme je l'ai dit, sur le plan démocratique, c'était une occasion pour nous de pouvoir défendre nos droits lorsque les gouvernements n'avaient pas la même interprétation des lois que notre communauté. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, le droit évolue et les lois doivent évoluer aussi. Ce qui était bon en 1931 ne l'est peut-être plus en 2007.
Alors, il faut faire avancer les lois et il est essentiel d'avoir ce programme ou un autre programme qui nous donnerait les mêmes ressources nous permettant de nous positionner et d'être en mesure de faire valoir notre point de vue devant les tribunaux lorsque les discussions, le dialogue et la diplomatie ne nous permettent pas d'arriver à une entente avec les gouvernements.
Alors, que nous reste-t-il à faire lorsque cela ne fonctionne pas? Nous allons porter notre cause devant les tribunaux. Mais, vous le savez, cela coûte très cher. Alors, je pense que c'est antidémocratique, ce n'est pas juste pour les communautés qui n'ont pas les moyens, les ressources financières pour porter des causes devant les tribunaux, alors que l'appareil gouvernemental le fait aux frais des contribuables. Il faudrait que tous puissent le faire.