:
Merci monsieur le président.
Merci à tous de votre présence d'aussi bonne heure.
Honorables membres du comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler d'une question importante: l'administration de la politique des retombées industrielles et régionales, qui est gérée par mon ministère, Industrie Canada.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Richard Dicerni, mon sous-ministre, à ma droite, et de Tom Wright, à ma gauche, sous-ministre adjoint à Industrie Canada.
Le nouveau gouvernement du Canada, comme vous le savez, s'engage à rebâtir la place de notre pays au sein de la communauté internationale. Cet engagement consiste, entre autres, à honorer ses obligations envers ses partenaires internationaux comme l'OTAN, notamment par des achats judicieux de matériel de défense pour remplacer le matériel vétuste.
Aussi bien ici au pays que sur la scène internationale, les femmes et les hommes des Forces canadiennes font preuve de leur résolution à protéger le Canada, son peuple et les intérêts de notre nation. Par l'annonce de programmes d'acquisition de matériel militaire, notre gouvernement affirme son engagement envers ces braves soldats d'un dévouement sans bornes.
[Français]
D'abord et avant tout, messieurs, mesdames, nous voulons nous assurer que notre personnel militaire dispose de modes de transport militaire adéquats pour son matériel et pour les troupes militaires, au moment où il en a besoin, au moment où il est appelé à rendre service pour le Canada, soit ici même au Canada ou à l'extérieur, à l'étranger.
Nous avons besoin, comme vous le savez, d'équipement militaire pour assurer les déplacements internationaux de nos militaires canadiens, mais aussi pour répondre aux différents sinistres que pourraient subir les Canadiens ici même, au Canada.
[Traduction]
Le nouveau gouvernement du Canada est par ailleurs fermement résolu à édifier une économie prospère et concurrentielle dont tous les Canadiens bénéficient. Afin d'atteindre ce but, je crois fermement que notre gouvernement s'est engagé sur la bonne voie pour créer un contexte propice qui encourage et récompense le travail acharné, stimule l'innovation et favorise l'essor de l'industrie canadienne.
Nous dynamisons l'économie canadienne en offrant aux industries du pays l'occasion de prendre part à la mise au point des technologies de l'avenir et en leur procurant de nouveaux débouchés de qualité. Notre façon d'assumer l'administration de la politique des retombées industrielles repose sur notre engagement à favoriser la viabilité du secteur de l'aérospatiale et de la défense et la vitalité de l'économie canadienne.
Les mesures officieuses qui ont été prises pour veiller à ce que l'industrie canadienne profite des retombées des achats de matériel militaire remontent aux années 70 et le gouvernement en a fait une politique officielle il y a 20 ans. Cette politique a pour objet de s'assurer, peu importe l'entreprise choisie pour fournir le matériel dont nos vaillantes troupes ont besoin, que l'industrie canadienne en profite également. C'est ce qu'on appelle souvent la participation industrielle ou les achats compensatoires, une pratique fort répandue adoptée par les gouvernements du monde entier.
Notre politique favorise des activités de haute technologie de qualité à l'origine de retombées économiques durables pour le Canada, et c'est la raison pour laquelle je suis des vôtres aujourd'hui. Comme vous le savez, le secteur canadien de l'aérospatiale occupe le cinquième rang dans le monde pour ce qui est des ventes. Comme j'en ai été le témoin lors du Salon aéronautique international de Farnborough à Londres l'été dernier, les entreprises canadiennes sont des chefs de file mondiaux, en mesure de défier toute concurrence. Ce secteur contribue grandement à la vitalité de l'économie canadienne, car il représente environ 9,2 milliards de dollars — oui, 9,2 milliards — de notre produit intérieur brut.
J'ai eu l'occasion de prendre connaissance d'une partie des témoignages que votre comité a déjà entendus. Comme on vous l'a dit, chaque fois que le gouvernement fédéral entreprend d'importants programmes d'achat de matériel de défense, trois ministères entrent en jeu. Le ministère de la Défense nationale précise les exigences auxquelles le matériel doit se conformer; Travaux publics et Services gouvernementaux Canada s'occupe des processus d'acquisition et de passation de marchés; et Industrie Canada élabore un régime des retombées industrielles en vue de s'assurer que l'industrie canadienne en retirera des avantages réels, stratégiques et de qualité supérieure.
[Français]
Comme vous le savez, le 2 février 2007, notre gouvernement a annoncé l'achat de quatre appareils C-17 Globemaster III, au coût total de 1,8 milliard de dollars.
Ce montant comprend aussi l'aménagement d'infrastructures à la Défense nationale et l'administration du programme par le gouvernement du Canada.
La modernisation des infrastructures, la formation pour l'utilisation des appareils et l'administration par le gouvernement constituent des investissements directs dans notre économie et ne sont donc pas assujetties aux exigences en matière de retombées industrielles en vertu de notre politique.
En ce qui concerne l'achat de biens d'équipement, la valeur des retombées économiques pour l'industrie canadienne dépassera le milliard de dollars. Une fois les appareils achetés, le gouvernement doit aussi octroyer des contrats de soutien en service et en entretien.
À cet égard, une entente de soutien en service, évaluée à 1,6 milliard de dollars, a été signée avec la United States Air Force. Cette entente comporte deux volets. Dans le premier volet, les services exécutés par la United States Air Force, les forces armées américaines, ne sont pas visés par la Politique des retombées industrielles et régionales, puisqu'ils ne sont pas soumis aux exigences établies pour les manufacturiers étrangers.
Le second volet a trait aux services d'une valeur approximative de 900 millions de dollars qui seront confiés en sous-traitance à la société Boeing. Cette dernière est visée par les exigences de la politique des retombées industrielles, de sorte que Boeing devra investir au pays une valeur égale au capital investi par le gouvernement du Canada.
Il s'agit là du même genre de retombées industrielles qu'engendre l'achat des avions. Ces retombées, issues de contrats octroyés à Boeing, seront réparties sur plus d'une vingtaine d'années.
Les fournisseurs qui obtiendront les contrats auprès de Boeing pourront les annoncer à mesure qu'ils les remporteront, au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.
Par le passé, il est arrivé qu'il faille deux ou trois ans pour finaliser des programmes d'achat, mais il me fait plaisir de préciser que nous avons réussi à conclure l'acquisition des achats de transport stratégique en l'espace de quelques mois et à obtenir pour le Canada des retombées industrielles d'une valeur totale d'environ 1,9 milliard de dollars aux chapitres de l'acquisition des appareils et de l'entretien.
[Traduction]
Les membres du comité sont au courant que le gouvernement a également annoncé l'achat d'hélicoptères, de navires, de camions et d'appareils de transport aérien tactique. Chaque programme d'acquisition sera également à l'origine d'importantes retombées pour l'industrie canadienne.
[Français]
En vertu de la politique des retombées industrielles, chaque dollar qu'obtiennent les entreprises qui obtiennent les contrats à la suite de nos achats d'équipement militaire doit engendrer une activité économique équivalente au même montant au pays. Cette politique assure donc un retour sur l'investissement de 100 p. 100 sur la durée des contrats. Je tiens à vous dire que cette politique est non négociable.
Plus encore, les entreprises qui obtiennent ces contrats doivent non seulement investir dollar pour dollar ici même au Canada, mais elles doivent également le faire de façon significative et durable dans de la haute technologie de pointe. L'objectif consiste à aider les entreprises canadiennes à s'intégrer aux chaînes d'approvisionnement mondiales, qui sont d'une importance considérable pour cette industrie, et à continuer d'en faire partie à l'avenir.
[Traduction]
Cela signifie que l'industrie canadienne bénéficie de nos programmes d'acquisition, quel que soit l'endroit où se situe le siège social de l'entrepreneur retenu.
De plus, les transactions doivent satisfaire à trois critères pour qu'Industrie Canada les juge acceptables. Tout d'abord, il doit s'agir d'un travail causal; le travail doit découler du programme d'acquisition. Le travail doit être exécuté pendant la période définie dans le contrat. Le travail doit respecter le principe de l'accroissement, selon lequel on peut se servir des relations d'affaires existantes, mais seulement le nouveau travail compte aux fins du respect de l'obligation.
De plus, pour les C-17, nous précisons que 50 p. 100 des retombées doivent se retrouver dans les secteurs de l'aérospatiale et de la défense, et qu'au moins 30 p. 100 de celles-ci doivent cibler des technologies clés. Les technologies clés sont les suivantes: matériaux nouveaux et fabrication de pointe, systèmes d'avionique et de mission, communications et contrôle, gestion de la puissance et de la propulsion, sécurité et protection, capteurs, simulation, formation et environnement synthétique, espace, et systèmes de véhicules sans pilote.
Nous exigeons aussi que 15 p. 100 des contrats de Boeing assujettis à la politique des retombées industrielles soient conclus avec des petites et moyennes entreprises. Comme vous le savez, les petites et moyennes entreprises sont d'une importance cruciale pour assurer la croissance et la viabilité du secteur de l'aérospatiale et de la défense, et de manière générale, les petites et moyennes entreprises sont les principaux moteurs de notre économie.
[Français]
Ultimement, la Politique des retombées industrielles et régionales a pour but de permettre aux entreprises du secteur canadien de l'aérospatiale et de la défense de faire la démonstration de leurs compétences et d'établir des relations d'affaires de longue haleine avec d'importantes sociétés étrangères oeuvrant dans ce secteur.
La politique du nouveau gouvernement du Canada favorise ainsi la compétitivité des firmes canadiennes, l'accès aux marchés, la commercialisation et les investissements dans les secteurs de haute technologie pour notre industrie ici même, au Canada. Nous encourageons par le fait même les entreprises à établir des partenariats selon leur logique d'affaires, mais nous travaillons en étroite collaboration avec l'industrie canadienne pour qu'elle puisse saisir les occasions favorables et nous continuerons de le faire.
En fait, le gouvernement s'est efforcé d'améliorer le processus des retombées industrielles pour qu'il s'intègre plus harmonieusement à l'ensemble des programmes d'acquisition, et il a mis l'accent sur les retombées stratégiques réelles pour l'industrie canadienne.
[Traduction]
Par exemple, pour la première fois, l'Association des industries aérospatiales du Canada et l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité ont collaboré avec le gouvernement pour dresser la liste de neuf technologies clés à laquelle je faisais référence précédemment. Il s'agit de technologies qui, aux yeux de l'industrie, sont essentielles à son évolution future.
De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes de développement régional -- l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, et l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec -- afin de repérer les entreprises canadiennes susceptibles d'être intéressées par les débouchés offerts sur le marché.
Nous travaillons aussi directement avec les entreprises canadiennes pour cerner les occasions d'affaires à saisir correspondant à leurs secteurs de compétence, et nous collaborons avec les entrepreneurs pour souligner l'importance de leur participation pancanadienne. Nous mettons tout en oeuvre pour que les sociétés internationales prennent conscience de nos forces et de nos atouts ici au Canada, et pour qu'elles sachent que nous sommes fiers de l'industrie canadienne.
[Français]
La politique des retombées canadiennes représente des obligations contractuelles sérieuses, et Industrie Canada exige des rapports annuels de vérification et des garanties d'exécution.
Chaque année, les sociétés qui obtiennent nos contrats doivent rendre compte de ce qu'elles ont accompli à cet égard. Il peut même y avoir des conséquences financières pour la non-exécution des obligations contractuelles.
Les fonctionnaires d'Industrie Canada continuent de collaborer avec Boeing pour cerner des partenariats favorables à la bonne marche des affaires de cette entreprise, assurer l'avancement des technologies clés retenues et procurer de véritables débouchés à notre industrie canadienne.
[Traduction]
Notre façon d'aborder les retombées industrielles s'inspire de la démarche globale du gouvernement. Au cours de la dernière année, le nouveau gouvernement du Canada a pris d'importantes mesures pour renforcer l'économie nationale. Peu de temps après notre arrivée au pouvoir, nous avons présenté le budget de 2006, contenant des mesures destinées à améliorer notre qualité de vie en créant une économie dynamique en mesure de jouer un rôle de premier plan au XXIe siècle. Ces mesures visaient à accroître la compétitivité du régime fiscal canadien et à le rendre plus attrayant pour les investisseurs étrangers. Elles traduisaient notre engagement à réduire le fardeau réglementaire des entreprises, notamment en matière de formalités administratives, et à appuyer les sciences et la technologie au Canada.
[Français]
L'automne dernier, nous avons présenté notre plan économique à long terme dans Avantage Canada: Bâtir une économie forte pour les Canadiens, qui encourage les particuliers et les entreprises à atteindre l'excellence et à faire du Canada un chef de file mondial.
Nous continuerons de mettre tout en oeuvre pour que l'économie canadienne bénéficie pleinement des retombées industrielles engendrées par les achats d'équipement militaire dans le cadre de notre plan « Le Canada d'abord ».
Nous poursuivons aussi notre travail avec l'industrie aérospatiale et de la défense pour qu'elle tire le meilleur parti des possibilités qui lui sont offertes actuellement.
[Traduction]
Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Mes fonctionnaires et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais essayer de garder le débat à un niveau élevé, de ne pas descendre trop bas.
D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Je dois vous avouer, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un dossier extrêmement frustrant pour le Bloc québécois. Je vais essayer de vous dire pourquoi, selon nous, le Québec est victime de la façon dont vous octroyez ces contrats. Le gouvernement canadien investira 16 milliards de dollars dans l'industrie aérospatiale. On a analysé ces contrats, et il n'y aura pas beaucoup de retombées pour le Québec.
Je veux vous expliquer pourquoi ma frustration a augmenté depuis le mois de juillet. Il y a d'abord eu les annonces, et on a demandé au ministre de la Défense, à la Chambre, si on allait vraiment avoir des avions C-17, des avions tactiques et des avions de recherche et sauvetage. Lors des derniers jours de la session, le ministre nous a répondu qu'on n'avait pris aucune décision. La semaine suivante, au moment où on fermait la Chambre, il s'est mis à parcourir le Canada pour annoncer tout cela.
Le 7 ou le 8 juillet, j'ai ouvert mon ordinateur et je suis allé sur le site MERX de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Je me suis aperçu que les contrats étaient déjà en ligne, en pleines vacances d'été. Vous avez fait référence à Farnborough. Effectivement, l'ensemble de l'industrie aérospatiale se trouvait en Angleterre, à Farnborough, pour le salon de l'aéronautique.
Je ne pouvais pas laisser passer une telle chose. Le 31 juillet, j'ai décidé de rencontrer les gros joueurs de l'industrie aérospatiale à Montréal. Ils étaient un peu découragés et trouvaient que les choses allaient vite. L'appel d'offres fermait le 4 août. Ils m'ont demandé pourquoi il y avait 60 p. 100 de contenu aérospatial pour Boeing et 50 p. 100 pour Lockheed Martin. Pourquoi pas 100 p. 100 pour l'industrie aérospatiale?
Je dois vous avouer que le Bloc québécois est actuellement le seul parti — et j'insiste là-dessus — qui défend l'industrie aérospatiale québécoise. Les autres partis ont des installations un peu partout au Canada et hésitent à défendre le Québec. Ici, je défends uniquement le Québec, et il s'avère que ce dernier a 60 p. 100 de l'industrie aérospatiale au Canada.
J'ai ensuite rencontré des représentants de Boeing au Ritz Carlton, qui m'ont emmené rencontrer dans la suite royale, en haut, leurs responsables en retombées industrielles et régionales, ou RIR. Je leur ai dit que 60 p. 100 de l'industrie aérospatiale était au Québec, qu'il y avait 60 p. 100 de contenu canadien...
Monsieur le président, est-ce que je peux finir? Pouvez-vous demander à mes collègues de se calmer un peu? Je sais que cela les chatouille, mais ce n'est pas grave.
:
Merci beaucoup. Vous êtes absolument pardonné.
Je vais faire un bref historique, parce que vos propos et vos questions contenaient plusieurs sous-questions. Le 5 juillet dernier, nous avons publié un préavis d'adjudication de contrat sur le site Internet, vous avez absolument raison. Cela a été fait en toute transparence. Puis, les 16 et 19 juillet derniers, j'ai rencontré à Farnborough Boeing et des compagnies canadiennes. Au mois d'août, dans la foulée de l'annonce de janvier dernier sur le contrat de Boeing, mon collègue Michael Fortier, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, a fermé l'appel d'offres.
J'aimerais remettre les choses en perspective. Avant de venir vous rencontrer, j'ai regardé les programmes des différents partis en ce qui concerne la défense. J'ai été estomaqué de voir que le programme du Bloc québécois accordait très peu d'importance à la défense. Investir dans les forces armées afin qu'elles aient des équipements modernes et de pointe n'est pas une de ses priorités. Je trouve un peu curieux que mon collègue du Bloc québécois soit très heureux qu'on fasse des annonces en ce qui concerne le domaine militaire et qu'il y ait en plus des retombées économiques pour le Canada.
Avant tout, le rôle du gouvernement est d'acheter des équipements pour les forces armées. Le gouvernement précédent libéral a négligé les forces armées pendant 12 ans. J'ai lu les discours de campagne et de plateforme électorales de mes collègues libéraux qui faisaient la promotion des Forces canadiennes. Mais, dans les faits, aucun investissement n'a été fait dans ce secteur au cours des 12 dernières années.
Donc, le but premier de cet exercice est de fournir de l'équipement aux Forces canadiennes au meilleur prix possible. Nous avons en plus une politique de développement industriel et régional, comme tous les autres pays du monde. En vertu de cette politique, on doit s'assurer que pour chaque dollar de contrat donné à un manufacturier étranger, le Canada ait un dollar de retombées économiques. Par « retombées économiques », nous entendons des retombées réelles assorties de transferts de technologie. C'est une chose à laquelle des entreprises multinationales comme Boeing, Lockheed Martin ou Airbus sont habituées, car tous les pays développés ont des politiques semblables en matière de bénéfices industriels.
En tant que ministre de l'Industrie, mon rôle est de m'assurer, de concert avec la haute fonction publique et le ministère de l'Industrie, que ces entreprises respectent notre politique de développement industriel en procurant des retombées à l'industrie aérospatiale canadienne.
Je suis député de la Beauce et ministre de l'Industrie. Je remercie le premier ministre de m'avoir fait confiance et de m'avoir donné le privilège de servir comme ministre de l'Industrie. En cette qualité, je dois servir l'intérêt général, l'intérêt canadien. J'ai décidé d'aller en politique non pas pour faire du patronage ou pour dire avec quelle entreprise privée nous devrions faire affaire, mais pour faire respecter les lois et les politiques canadiennes.
Je suis très fier, comme je l'ai annoncé au mois de janvier dernier, que Boeing respecte notre politique. Je tiens même à dire au comité que le contrat négocié entre le gouvernement du Canada et Boeing prévoit des pénalités pécuniaires appréciables si cette entreprise ne respecte pas son engagement de procurer des retombées industrielles de haute qualité au Canada.
Boeing a déjà signé des contrats avec le gouvernement canadien, lesquels étaient assortis d'engagements en matière de retombées économiques industrielles, et la compagnie a respecté ces engagements. J'ai bon espoir que Boeing respectera son obligation contractuelle.
:
Je vous remercie. Votre question me permet de préciser quel est mon rôle, comme vous le demandez, et d'apporter des précisions sur certains pourcentages. Notre collègue du Bloc québécois a parlé de 60 p. 100, de 40 p. 100, etc. J'aimerais clarifier les choses. La politique du 100 p. 100 s'applique pour un manufacturier étranger. Lorsqu'on signe un contrat avec une telle entreprise, 100 p. 100 des sommes reçues pendant la durée du contrat doivent être réinvesties au Canada en retombées industrielles.
Lors de mon discours d'ouverture, j'ai parlé de pourcentages, notamment de 50 p. 100, de 30 p. 100 et de 15 p. 100. J'aimerais expliquer ce qu'ils signifient. Cinquante pour cent constitue le minimum de retombées économiques dans le secteur de l'aérospatiale et de la défense. Trente pour cent représente le minimum de retombées économiques dans les technologies clés, comme je l'ai indiqué dans mon discours d'ouverture. Il s'agit des neuf domaines de technologies clés qui ont été, pour la première fois, identifiés suite à des analyses avec les gens de l'industrie de l'aérospatiale. Des représentants de mon ministère ont rencontré les gens de l'industrie aérospatiale pour savoir quelles sont les technologies clés de l'avenir dans le secteur de l'aérospatiale et de la défense, les technologies les plus importantes pour le développement de cette industrie. Ensemble, ils ont établi une liste de neuf technologies clés. Par conséquent, 30 p. 100 des contrats doivent se concrétiser dans les secteurs de technologies clés et 15 p. 100 de ceux-ci doivent l'être avec des petites et moyennes entreprises. Il est bien important de comprendre que ces pourcentages ne sont pas exclusifs. Ainsi, un contrat que Boeing peut conclure avec une entreprise peut faire partie de la catégorie du 50 p. 100, parce que c'est dans le domaine de l'aérospatiale et de la défense. Il peut aussi faire partie de la catégorie du 30 p. 100, parce qu'il s'agit d'une technologie clé, et de la catégorie du 15 p. 100, parce que c'est offert à une petite entreprise. Ces pourcentages ne sont pas mutuellement exclusifs.
Cela étant dit, il est important de comprendre une chose relativement au pourcentage de 60 p. 100 dont nous avons parlé lors de la conférence de presse de Boeing. Avant la signature du contrat, celle-ci a identifié 60 p. 100 — c'est-à-dire 577 millions de dollars — d'un contrat de 869 millions de dollars en retombées industrielles au Canada qui respectent ces critères. Comme je l'ai dit durant la conférence de presse, et comme je le répète aujourd'hui, Boeing va faire l'annonce de ces contrats au cours des prochains mois.
J'aimerais en profiter pour préciser certains chiffres. Nous avons annoncé l'acquisition de quatre avions C-17, pour un total de 3,4 milliards de dollars. Comment se répartissent ces 3,4 milliards de dollars? Un montant de 1,8 milliard de dollars sert à l'acquisition des avions, dont 869 millions de dollars serviront à l'achat direct de l'avion de Boeing. Il y aura 869 millions de dollars de retombées économiques — un dollar pour un dollar — puisque c'est un achat qui a été conclu avec un manufacturier étranger.
Il y a aussi 660 millions de dollars qui serviront à l'aménagement d'infrastructures à la Défense nationale et à différents projets gérés par celle-ci. On parle donc de construction de hangars, etc. pour ces avions. Cet argent est dépensé directement au Canada, et la politique ne s'applique donc pas.
Le troisième volet de ce 1,8 milliard de dollars est un montant de 271 millions de dollars qui servira à l'acquisition, auprès des forces armées américaines, d'équipement pour venir combler ces avions. Comme vous le savez, la politique ne s'applique pas à ce montant de 271 millions de dollars puisqu'il s'agit d'un achat de gouvernement à gouvernement. La politique s'applique seulement lorsqu'il s'agit d'un achat auprès d'un manufacturier étranger. Une partie de ce montant de 271 millions de dollars servira aux moteurs. Dans le cadre de ce contrat, les forces américaines vont travailler avec Pratt & Whitney pour s'assurer que les avions aient les moteurs nécessaires. Pour cette partie, la politique du un dollar pour un dollar s'applique. Il y aura 100 p. 100 de retombées industrielles, ce qui me permet de dire qu'en ce qui a trait à l'acquisition des avions et des moteurs, nous pouvons bénéficier de retombées de plus d'un milliard de dollars.
D'autre part, du montant global de 3,4 milliards de dollars, il y a une autre partie de 1,6 milliard de dollars. Ce montant sera consacré aux services que nous avons acquis auprès des Forces armées canadiennes pour l'entraînement des pilotes. De ce montant de 1,6 milliard de dollars, 900 millions de dollars constitueront la portion que Boeing va recevoir de contrats des forces armées américaines et pour l'entretien de ces avions. Ces 900 millions de dollars sont assujettis à notre politique.
C'est ce qui nous permet de dire que, sur un contrat de 3,4 milliards de dollars pour les quatre avions C-17, il y aura des retombées économiques totales d'au moins 1,9 million de dollars, plus des achats directs au Canada de 660 millions de dollars. Je crois qu'il était important de mettre cela en contexte et je vous remercie de votre question puisque cela m'a permis de le faire.
:
Merci, monsieur le président.
Je ne dirais pas que c'est déplorable. Cependant, je trouve qu'il y a un important débat sur l'imputabilité ministérielle à faire ici, ce matin. Le ministre est devant nous. Au moment où l'on se parle, c'est lui qui est responsable des quelque 20 milliards de dollars provenant des contribuables canadiens qui regardent leur téléviseur le soir et qui constatent qu'il est question de 20 milliards de dollars. Les gens se disent qu'il s'agit de 20 milliards de dollars, mais je leur dis que cela correspond à 20 000 millions de dollars.
Aujourd'hui on questionne le ministre. Son plan d'attaque n'est pas négligeable. On constate qu'il s'est préparé. Si le Bloc québécois pose une question qui va un peu trop loin, il rétorque que ce qu'on a fait n'était pas dans notre programme. De plus, le ministre parle de l'histoire: on reproche aux libéraux des paroles qui ont été dites alors que certains d'entre eux étaient ministres.
Néanmoins, cela ne règle pas la question dont nous sommes actuellement saisis. Je demande au ministre de faire face à ses responsabilités ministérielles et de défendre les chiffres qu'on nous présente.
Je ne veux pas relater l'histoire des guerres de 1914-1918 et de 1939-1945, et me faire demander si mon père est allé en Hollande pour défendre le pays, pour avoir à répondre qu'en effet, il y est allé, car ce n'est pas ça, la question. Il faut que nous nous concentrions aujourd'hui sur ce dont nous sommes saisis.
Or, je demande justement au ministre de s'y attarder. J'ai deux questions à lui poser. Après, il pourra prendre le reste du temps pour y répondre.
Premièrement, vous avez parlé d'obligations assorties de pénalités sévères. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que Boeing s'en fout complètement?
Soit dit en passant — je ne sais pas si vous le savez —, en ce qui concerne l'hélicoptère maritime Sikorsky, on vient de vous dire que sa livraison sera retardée, que les pénalités sont de 100 000 $ par jour, et imaginez que la réponse de votre gouvernement a été de dire que ce n'était pas grave, qu'on ne les ferait pas appliquer. Par conséquent, ne venez pas nous dire qu'il y a des obligations assorties de pénalités, parce que l'exemple de Sikorsky n'en est pas un bon.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'hélicoptère Chinook, il reste 4,7 milliards de dollars à venir; pour le Lockheed Martin, 4,9 milliards de dollars; pour l'avion de recherche et sauvetage, 3 milliards de dollars. Avez-vous l'intention de changer votre approche, de prendre vos responsabilités et de dire à ces compagnies que c'est vous qui signez le chèque? Allez-vous faire une répartition des RIR qui corresponde à l'importance de l'industrie et dire à ces compagnies que 60 p. 100 des retombées économiques doivent aller au Québec? Dès lors, vous passeriez pour un héros au Québec, monsieur le ministre. Peut-être que sur le plan politique, ce serait très bien pour vous. Maintenant, en raison de la loi de la jungle et du laisser-faire, les gens sont un peu dépités quand ils voient ce qui passe au Québec quant à la façon dont les contrats sont répartis.
Avez-vous l'intention de continuer dans la même veine? Il n'est pas trop tard pour vous. On laisse peut-être passer 3,4 milliards de dollars, mais il y a un autre montant de 10 milliards de dollars au moins, peut-être 12 milliards de dollars, qui s'en vient. Il n'est pas trop tard pour changer d'alignement. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Chris a commencé il y a une heure, et c'est maintenant mon tour. J'espère que nous pourrons tous nous en tenir à 10 aux 15 minutes, ce qui laissera du temps pour les questions. Je serai bref.
[Français]
Laissez-moi pour commencer vous remercier de nous avoir invités. C'est un grand plaisir de vous rencontrer. Pour moi, c'est une première expérience. J'espère qu'en 45 minutes, nous pourrons évoquer un peu un sujet qui est devenu pour l'OTAN la priorité numéro un.
Il y a cinq ans, il n'y avait que des plans des Balkans dans mon bureau. Tout à coup, on s'est mis à recevoir chaque matin des renseignements sur l'Afghanistan et l'Asie du Sud. On a beaucoup changé. Chaque jour, le Conseil de l'Atlantique Nord reçoit une page indiquant tous les progrès réalisés en matière de développement et de reconstruction.
Pour l'OTAN, c'est complètement nouveau. Nous devenons super intéressés à tout ce qui est reconstruction et développement. Nous reconnaissons que sans sécurité, il n'y aura pas de développement, et que sans développement à long terme, il n'y aura pas de sécurité. Ce sont les deux côtés de la même médaille. À l'OTAN, nous avons une approche intégrée complètement nouvelle.
[Traduction]
Selon moi, il y a essentiellement trois questions que nous devons nous poser au sujet de cette mission. Premièrement, est-il toujours dans l'intérêt national du Canada, et des 37 autres pays, de poursuivre cette mission et de la poursuivre à long terme?
Comme je viens de le mentionner, je suis revenu en arrière pour savoir qui était en Afghanistan en 2001, en gardant en tête que c'était en fait il y a cinq ans -- en d'autres termes, du point de vue politique, hier. En 2001, l'Afghanistan était un sanctuaire pour les groupes extrémistes de près de 24 pays, qui s'entraînaient dans des camps terroristes bien financés et bien gardés. Bien entendu, Al-Qaïda comptait 3 000 combattants, provenant d'au moins 13 pays arabes. Les talibans hébergeaient également des groupes extrémistes islamistes de la Russie, du Pakistan, de la Chine, de la Birmanie, de l'Iran, de l'Asie centrale et de plusieurs pays de l'Extrême-Orient, qui combattaient tous pour les talibans tout en menant des opérations dans leurs propres pays. Ce sont les mêmes personnes que nous souhaitons conquérir encore une fois.
Je crois donc qu'il faut indiquer clairement qu'en rétrospective, l'intérêt national du Canada à se trouver là-bas, comme pays et comme organisation internationale -- en fait il y a deux organisations internationales -- est absolument essentiel. L'Afghanistan était une plaque tournante du terrorisme et pourrait le devenir encore, puisque les extrémistes entrent et ressortent mieux entraînés et mieux financés.
La deuxième question est de savoir -- et je crois qu'il s'agit de la question qui est posée dans un grand nombre de nos pays -- si on peut l'emporter et si nous l'emportons actuellement? C'est la question que me posent les journalistes d'au moins 37 pays contributeurs de troupes. En regardant les actualités quotidiennes, on peut se poser des questions, parce que les médias ne veulent certainement pas couvrir, et ne couvriront certainement pas, sauf dans les circonstances les plus extrêmes, les avancées positives. J'ai rencontré personnellement les médias à Kandahar et à Kaboul à deux reprises ces trois derniers mois pour leur demander ce qu'il fallait que je fasse pour qu'ils couvrent la construction d'une école ou d'une route. Ils ont été très clairs: ils ne le feront pas. Ils le feront seulement si l'école est ravagée par un incendie. C'est ce qu'on m'a dit lors de rencontres privées. C'est ainsi que vont les choses. Il est très difficile de convaincre les médias -- et je le dis en respectant mes collègues des médias -- de rédiger des histoires positives, ce qui fait qu'il s'agit d'un défi.
C'est là que réside l'histoire positive. Je vais laisser le soin à Chris, qui bien entendu dirige cet effort en Afghanistan du point de vue de la reconstruction et du développement, en parler, mais laissez-moi vous dire ceci. Il y a aujourd'hui 17 000 projets de reconstruction et de développement en Afghanistan, selon les statistiques de l'OTAN, dont 1 000 sont réalisés directement par les équipes provinciales de reconstruction de l'OTAN. Chris pourra vous donner plus de détails au sujet des autres indicateurs de développement.
Je peux vous dire que du point de vue de la sécurité, l'Armée nationale afghane a connu une grande croissance ces cinq dernières années, passant de 0 à environ 30 000 soldats. Nous visons 70 000. Ils sont déployés et combattent dans tous les pays. Les pays de l'OTAN leur ont donné des dizaines de milliers d'armes légères, des millions de munitions, 110 véhicules blindés de transport de troupes ainsi qu'une douzaine d'hélicoptères. Nous avons des équipes de liaison et de mentorat opérationnelles au sein de l'Armée nationale afghane. C'est une institution qui vient tout juste d'être créée. Elle connaît des difficultés pour ce qui est des salaires, des difficultés pour ce qui est du maintien des effectifs, des difficultés pour ce qui est du recrutement, mais nous faisons des progrès dans tous ces domaines. Il s'agit de notre stratégie de sortie, à titre de communauté internationale; nous aidons les forces de sécurité nationale afghanes à se préparer à mener leur propre combat, puis nous pourrons nous retirer et jouer davantage un rôle de soutien.
La Police nationale afghane est une institution qui doit faire l'objet de plus de travail. Je crois qu'elle accuse un peu de retard par rapport à l'Armée nationale afghane. L'Union européenne s'est engagée à augmenter son soutien à la force de police, mais cela demandera un effort à très long terme, et nous pouvons en parler plus en détail si vous le souhaitez.
La deuxième question — je pense qu'elle intéresse particulièrement le comité — est de savoir si nous avons suffisamment de forces et si les autres alliés assument leurs responsabilités? C'est une question politique, je le sais. La réponse de l'OTAN est tout à fait claire: nous n'avons pas encore tout à fait atteint le nombre de soldats souhaité en Afghanistan.
Bien entendu, vous entendrez rarement dire un responsable de l'OTAN qu'il estime avoir suffisamment de soldats. On peut toujours faire mieux avec plus. Mais en général, oui, nous avons ce dont nous avons besoin. On peut toujours ajouter un peu plus, mais en général, ça va. Et de manière générale, les autres alliés assument leurs responsabilités, étant donné les considérations politiques propres à chaque pays.
Depuis la tenue du sommet de Riga il y a trois mois, 7 000 nouveaux soldats sont venus grossir les rangs. La plupart d'entre eux proviennent de pays signataires du Pacte. Les États-Unis sont, bien entendu, les principaux contributeurs avec la 10th Mountain Division et la 173rd Airborne. Comme vous le savez, le Royaume-Uni vient juste d'annoncer l'envoi de 1 500 nouveaux soldats en plus des 500 annoncés précédemment.
Il s'agit là des plus gros renforts, mais la Norvège va envoyer ses forces spéciales, ainsi que d'autres pays qui ne l'ont pas annoncé publiquement. Les Danois pensent renforcer leur contingent, et on s'attend à ce que les Australiens doublent leur contribution avec 500 soldats de la force régulière et 250 soldats des forces spéciales, transport compris. Il est fort probable que le Bundestag allemand approuve le déploiement de six Tornados accompagnés d'environ 500 soldats pour la reconnaissance, ainsi que plus d'UAV, plus de C-130, etc.
Dans le sud, région qui intéresse particulièrement le Canada, le nombre de soldats est passé de 1 000 à environ 12 500 au cours des 18 derniers mois. En l'espace d'un an et demi, notre présence a été multipliée par 12 grâce à la contribution de huit ou neuf pays qui collaborent et s'appuient mutuellement dans la région. Il est donc faux de penser que le Canada est seul dans le sud. L'idée selon laquelle d'autres pays ne contribuent pas ou ne renforcent pas leur contribution ne correspond pas à la réalité puisque le nombre de soldats dans le sud a été multiplié par 12. Évidemment, 2 500 d'entre eux sont canadiens, mais les autres proviennent d'autres pays.
J'ajouterais également que le Canada n'est pas le seul pays à déplorer des pertes. La semaine dernière encore, le secrétaire général a adressé ses condoléances aux Espagnols qui ont perdu plus de 20 des leurs et aux Britanniques, qui en ont perdu bien plus; ils en ont perdu encore deux la semaine dernière. Plus d'une dizaine de pays de l'OTAN ont subi des pertes importantes. Je puis vous dire que notre drapeau est régulièrement en berne devant le QG de l'OTAN.
Je veux simplement souligner le fait que ces sacrifices sont consentis par tous, dans toutes les régions, que ce soit au nord, à l'ouest, dans la capitale, à l'est et au sud. Les États-Unis ont, bien sûr, subi plus de pertes que quiconque. Je crois qu'environ 350 des leurs ont payé de leur vie.
Nous progressons également dans l'élimination des conditions, c'est-à-dire les restrictions géographiques qui s'appliquent au déploiement des forces. Je puis vous assurer que le ministre O'Connor et le général Hillier ont été des porte-parole énergiques au cours des réunions privées de l'OTAN. Grâce à cela, à Riga, les 26 pays de l'OTAN se sont engagés à permettre à leurs troupes de se rendre où que ce soit en situation extrême et urgente pour porter secours à un allié de l'OTAN. Il y a deux semaines, des chasseurs Mirage français, qui avaient été déployés et qui ont fait feu dans le cadre d'un appui aérien rapproché des Forces canadiennes, ont tué beaucoup d'insurgés qui menaçaient nos soldats. Donc, ce cas de figure s'est présenté, l'engagement a été tenu, et c'est une bonne chose. Nous avons progressé dans ce domaine.
Je voudrais encore aborder deux points avant de conclure.
Quelles améliorations restent à apporter? Chris vous en parlera de façon plus détaillée, mais je pense qu'il s'agit de la gouvernance et de l'élimination de l'aide aux insurgés en provenance du Pakistan. Nous devons coopérer avec les Pakistanais. Ils représentent un élément de solution. L'OTAN s'y emploie par le biais de la Commission trilatérale, mais il faut, bien entendu, porter une attention particulière à cette question à un niveau élevé à l'échelon politique.
Il est évident que les stupéfiants nourrissent l'insurrection talibane. Les talibans, comme toute mafia, prennent leur part de profits et l'utilisent. Il est donc dans notre intérêt, pour garantir la sécurité, de régler ce problème. Ce n'est pas insurmontable. Dans les années 70, le Pakistan était le plus gros producteur de stupéfiants, d'opium, au monde; 70 p. 100 de la production provenait de ce pays. Il en produisait 9 000 tonnes par an. En 1997, le Pakistan ne produisait plus que 24 tonnes, et en 1999, seulement deux tonnes. C'est le pays voisin. C'est un problème qui peut être réglé, comme cela a été fait en Thaïlande et en Turquie, et je pense qu'il faut vraiment s'y atteler.
D'ailleurs, c'est ce que souhaite le gouvernement afghan. Il veut éradiquer les stupéfiants du pays, qui encouragent la corruption et alimentent les talibans. Nous devons appuyer cela.
Enfin, permettez-moi de partager avec vous les résultats de quelques sondages, car on peut parfois lire dans la presse que les Afghans rejetteront les forces étrangères comme ils l'ont toujours fait par le passé, ou encore qu'ils appuient les talibans.
Trois grands sondages ont été effectués en Afghanistan ces dernières années: Altai Consulting, Asia Foundation, et la BBC. En moyenne, 75 p. 100 des Afghans appuient pleinement la présence de forces étrangères. Et cela, cinq ans après le début des hostilités. Deuxièmement, 80 p. 100 d'entre eux appuient leur gouvernement élu, et 3 p. 100, ce qui correspond à la marge d'erreur, souhaitent le retour des talibans. Ce sont des sondages actuels. Ce sont des chiffres très encourageants. La population nous appuie. Nous aidons les Afghans dans leur lutte, et cela fonctionne malgré toutes les difficultés auxquelles nous faisons face. C'est une situation encourageante à mon avis.
Chris.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui.
Je vous remercie également de votre sérieux et de l'attention que vous avez portée au dossier de l'Afghanistan. Le moment était propice mais également crucial pour le sort de ce pays. Il s'agit en Afghanistan d'une transition entre un quart de siècle de conflit et un avenir plus prometteur, plus susceptible d'évoluer sous le signe de la paix et de la stabilité.
[Traduction]
C'est un grand plaisir pour moi, à titre de Canadien qui travaille pour les Nations Unies et qui suis en Afghanistan depuis maintenant trois ans et demi, de comparaître devant votre comité au côté de mon collègue de l'OTAN, James Appathurai.
L'Afghanistan ne met pas seulement à l'épreuve le peuple afghan et son courage, sa volonté de lutter contre les spectres du passé, représenté par les talibans et d'autres groupes terroristes. L'Afghanistan met également à l'épreuve la capacité de la communauté internationale de se rassembler, grâce à ses institutions nationales et à ses organisations internationales, autour d'un projet commun de reconstruction d'une nation qui mérite toute l'attention qui lui est donnée, mais qui n'est malheureusement pas aussi bien compris qu'il devrait l'être par tout le monde.
Notre défi consiste à vous aider à communiquer aux Canadiens et à la communauté internationale ce qui se passe réellement aujourd'hui en Afghanistan. Il y a des réussites, et j'en mentionnerai certaines, mais le conflit continue. Je souhaiterais décrire ce conflit et donner un aperçu des principaux défis auxquels James a déjà fait allusion.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à tous mes collègues au sein du gouvernement afghan et de la communauté internationale qui travaillent sans relâche pour réaliser les objectifs inscrits dans le Pacte pour l'Afghanistan. Soixante-dix pays et organisations internationales souscrivent à ces objectifs et les appuient. Ces objectifs, avant tout, traduisent les aspirations et les espoirs du peuple afghan.
Si des progrès ont été accomplis, c'est parce qu'il y a des gens exceptionnels sur le terrain en Afghanistan. À titre de Comité permanent de la défense nationale, vous devez savoir que les soldats, sous-officiers, officiers, membres de l'état-major général et officiers généraux canadiens qui ont servi en Afghanistan n'ont pas seulement été des représentants exceptionnels de leur pays, mais comptent parmi les meilleurs à avoir servi en Afghanistan.
Le général Grant, commandant actuel à Kandahar, le général Fraser, qui était son prédécesseur, le général Leslie, et le général Hillier, tous ont fait montre d'un leadership exemplaire à la tête de la FIAS et des efforts internationaux visant à sécuriser l'Afghanistan. Les soldats et les sous-officiers qui ont servi sous leurs ordres ont fait preuve d'un courage et d'un professionnalisme qui, malgré une grande couverture médiatique au Canada, demeurent peu appréciés ici au pays. Ils ont combattu contre un ennemi et lutté pour la sécurité au moment opportun pour permettre un avenir meilleur à l'Afghanistan, en tant que pays et en tant que société.
Permettez-moi de vous donner quelques-unes des statistiques principales pour rappeler à tous l'importance de nos succès.
En l'espace de cinq ans seulement, on a mis sur pied un système de soins de santé qui était pratiquement inexistant sous les talibans et qui, aujourd'hui, permet à 85 p. 100 de la population d'avoir accès à des services de soins de santé de base. Cela signifie que 85 p. 100 des Afghans ont accès à une clinique où à un hôpital lorsqu'ils en ont besoin, et qu'ils ont accès à des vaccins et des traitements médicaux de base qui n'étaient pas disponibles auparavant.
Jusqu'à maintenant, 7,3 millions d'enfants ont été vaccinés; 5,4 millions d'enfants vont à l'école, ce qui est un record pour l'Afghanistan, et 34 p. 100 d'entre eux sont des filles.
En 2002, le PIB était de 4 milliards de dollars — j'ai donné un chiffre un peu différent à l'autre comité car il provenait d'une autre organisation internationale, mais l'ordre de grandeur est le même. Le PIB, qui était de 4 milliards de dollars en 2002, est désormais de 8,9 milliards de dollars. La croissance économique a été exponentielle en Afghanistan, et on ne parle ici que de l'économie légitime, non pas de l'économie du pavot, qui, selon les estimations, a connu une forte croissance, mais pas aussi forte que l'économie légitime.
Quatre millions de réfugiés sont rentrés en Afghanistan. La politique monétaire a été réformée, la devise est forte et son cours se maintient. L'inflation reste basse, et le budget afghan est équilibré.
Quelle incidence tout cela a-t-il sur la vie des Afghans? Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Parfois, le vendredi, lorsque nous réussissons à nous libérer du travail sans relâche qu'il y a à faire à Kaboul, nous allons nous promener à la campagne, à environ une heure de route de la ville. Récemment, j'ai eu le plaisir de faire une promenade de cinq heures dans une vallée avec un collègue qui y était déjà venu en 2001, juste après le retrait des talibans.
En 2001, cette vallée était remplie d'édifices publics, d'écoles et de maisons qui ont tous été détruits, brûlés par les talibans. À l'époque, il avait fallu faire l'inventaire des biens non détruits. Aujourd'hui, tous ces bâtiments ont été reconstruits, repeints, et dans bien des cas restaurés.
Une microcentrale hydroélectrique, financée par le gouvernement coréen, se trouve au fond de la vallée et fournit de l'électricité à 2 000 foyers dans la vallée, des foyers qui n'avaient jamais eu d'électricité avant. Le réservoir qui alimente la microcentrale hydroélectrique sert également à irriguer la vallée.
Un programme de solidarité nationale, programme de développement rural financé principalement par le Canada, a été mis en oeuvre dans tous les villages de cette vallée. On trouve des écoles ouvertes tous les deux kilomètres. Ces écoles sont nouvelles. Il y a aussi deux cliniques dans la vallée.
Ces changements ont transformé la vie des habitants du district. Il est vrai que c'est l'un des districts les mieux desservis d'Afghanistan; la situation n'est pas la même partout dans ce pays, mais cet exemple illustre les réalisations découlant d'efforts internationaux concertés, et le Canada a joué un rôle central dans ces efforts.
Cependant, le conflit continue. Quelle est la nature de ce conflit? Pourquoi l'insurrection s'est-elle exacerbée en 2006? Pourquoi se poursuit-elle en 2007? L'Accord de Bonn n'était pas un accord de paix, et cela se ressent aujourd'hui. Plusieurs partis qui avaient joué un rôle important au sein de l'histoire afghane ces 25 dernières années, et même au cours de ce conflit, ont été exclus des pourparlers de Bonn. Le Mullah Omar et d'autres dirigeants talibans n'ont, bien entendu, pas été retenus comme représentants des talibans; ils ont été chassés d'Afghanistan, et ils ont été exclus des pourparlers à l'origine de l'Accord de Bonn qui a mené aux élections et à la création des nouvelles institutions en Afghanistan. Gulbuddin Hekmatyar, chef d'un des partis jihadistes les plus puissants pendant le conflit, le parti jihadiste le plus puissant dans les années 80, n'a pas participé aux discussions de Bonn en novembre et en décembre 2001. Jalaluddin Haqqani, l'un des principaux commandants jihadistes des années 80, a aussi été exclu.
Ces groupes se sont reconstitués, et ce sont eux qui mettent en péril l'ordre constitutionnel, les espoirs et les attentes des Afghans aujourd'hui. Et, dans une certaine mesure, c'est un échec de la part de l'Afghanistan et de notre part de ne pas avoir reconnu que cette menace existait encore, et qu'elle aurait une incidence sur la transition en Afghanistan, comme nous avons pu le constater, et que cela n'a fait que perpétuer et empirer le conflit. Cela dit, très franchement, certains voisins de l'Afghanistan n'ont pas brillé, en particulier le gouvernement du Pakistan, lorsqu'il s'est agi de lutter contre les structures dirigeantes des talibans.
Vous vous rappellerez que dans le temps, le Pakistan estimait qu'il était dans son intérêt national d'appuyer les talibans. Le président Musharraf l'a écrit noir sur blanc dans ses mémoires, ainsi que d'autres hauts responsables pakistanais, et d'ailleurs, personne ne nie cela aujourd'hui. Existe-t-il encore des groupes et des courants au Pakistan qui ont intérêt à appuyer les talibans, à offrir un refuge à leurs dirigeants? Probablement. La force probante de la preuve est en faveur du poursuivant dans ce cas-ci. Très honnêtement, pour ceux d'entre nous qui souhaitent défendre l'Afghanistan, les intérêts afghans, et qui souhaitent sécuriser l'Afghanistan, cela doit être une priorité.
Pour appuyer ce point de vue, permettez-moi de vous faire remarquer que plus personne désormais ne rejette cette idée. Il y a quelques semaines, alors qu'il comparaissait devant une commission du Congrès, le général Eikenberry, dernier commandant du Commandement des forces multinationales en Afghanistan, a déclaré que nous ne pouvions remporter seuls le conflit en Afghanistan, et il a dit: « ...je souligne que la présence de dirigeants d'al-Qaïda et des talibans en territoire pakistanais reste un problème important qu'il faut régler si nous souhaitons réussir en Afghanistan... ».
Ce consensus est partagé par l'OTAN, les Nations Unies, et la plupart des capitales préoccupées par l'avenir de l'Afghanistan. Très franchement, ce problème doit se régler par le biais de la coopération, grâce à un soutien, à un dialogue positif qui se renforcent mutuellement, un dialogue qui garantira une meilleure situation en matière de sécurité dans la région et dans le monde.
Toutefois, la sécurité en Afghanistan est un objectif qui ne pourra être atteint par les seuls moyens militaires. L'équation de sécurité dans ce pays aujourd'hui comprend bien d'autres éléments et bien d'autres défis outre la campagne contre les talibans et autres groupes terroristes.
Le ministère de l'Intérieur et le rôle de la police en Afghanistan restent une priorité pour la communauté internationale et pour le gouvernement afghan. Il importe de comprendre que de grands projets ont été réalisés, surtout en 2006 et en 2007, et ce, après plusieurs années de négligence pendant lesquelles l'application de la loi en Afghanistan n'a peut-être pas reçu toute l'attention qu'elle méritait.
Quatre étapes de sélection, d'approbation fondée sur le mérite et de concours ont été mises en place pour faire en sorte que le ministère de l'Intérieur, qui était dominé par l'intérêt des différentes factions et, surtout, par les intérêts de l'Alliance du Nord, soient dorénavant régies par le principe du mérite et dirigées par des agents de police qui seront les plus compétents du pays. La première étape de la réforme, qui touchait la haute direction du ministère, a eu lieu au début de 2006. Les deuxième, troisième et quatrième étapes, qui toucheront jusqu'au niveau des majors et lieutenants-colonels, sont en voie de parachèvement. Cette réforme s'accompagne d'une réforme de la rémunération et des grades semblable à celle qui a été mise en oeuvre au sein de l'Armée nationale afghane. Ainsi, pour la première fois, le ministère de l'Intérieur sera composé d'un effectif de professionnels et les officiers pourront mieux résister à la tentation de la corruption, du trafic de drogues et des affiliations aux différentes factions qui ont dominé ce ministère trop longtemps.
Le travail est loin d'être terminé. Les finances et l'administration restent les points faibles du ministère et il reste à consolider les cadres de reddition de comptes. L'administration civile, qui relève aussi du ministère de l'Intérieur -- c'est-à-dire, l'administration au niveau des provinces et districts -- n'a pas encore eu droit à la même attention que la police et nous, de l'ONU, invitons tous les donateurs intéressés à accorder un peu plus d'attention à ce domaine. Nous espérons que les ressources canadiennes dont on a annoncé hier qu'elles serviraient à la reconstruction, au développement et à la mise en place d'institutions en Afghanistan serviront aussi à relever le défi de la gouvernance, ce qui sera le cas, selon ce qu'on nous a dit.
[Français]
De quoi parle-t-on avec les gens de ce ministère de l'Intérieur? Je vais vous donner un exemple. L'été passé, il y a eu une émeute à Kaboul à la suite d'un accident survenu dans le nord de la ville. Un camion de la coalition avait écrasé plusieurs personnes, des citoyens afghans.
À la suite de cette émeute, que la police de Kaboul avait eu beaucoup de difficulté à contenir, un nouveau chef de police a été nommé. Il n'avait aucunement les qualifications requises pour occuper ce poste. La communauté internationale a été très déçue de cette décision du président Karzaï. Il l'avait prise dans des circonstances très difficiles. En effet, une émeute dans une ville comme Kaboul est de nos jours un événement déstabilisant.
Par la suite, on a entamé une réforme non seulement du processus de sélection du chef de police de Kaboul, mais de tous les chefs de police des provinces les plus importantes de l'Afghanistan. Le 13 janvier, nos espoirs à cet égard se sont réalisés. Le président Karzaï a rendu une décision voulant que 40 nouveaux chefs soient nommés à divers postes, y compris à la tête de la police de Kaboul. Il s'agissait dans tous les cas de professionnels représentant l'ensemble de la diversité ethnique, politique et professionnelle de la police afghane.
Je peux vous dire très honnêtement que pour la première fois, aucun chef dont le rang était supérieur à celui d'un colonel n'a été choisi autrement qu'en fonction de son mérite. Il s'agissait là d'un message très important que recevaient la population afghane dans son ensemble et la communauté internationale. Ce sont des faits qui prouvent notre capacité de réformer les institutions afghanes et de leur donner un fondement professionnel.
[Traduction]
Monsieur le président, je n'aborderai pas tous les points dont je souhaitais traiter, car je préfère que nous ayons du temps pour une discussion, mais j'aimerais tout de même faire mention de quelques domaines où d'importants progrès ont été réalisés.
Le désarmement en Afghanistan est une histoire remarquable. Financé en grande partie par le Canada, le désarmement était le complément nécessaire et inévitable à l'émergence d'une armée et d'une police professionnelle, ce qui est amorcé, comme l'a souligné James.
Par ailleurs, la création d'institutions de sécurité chargées de la sécurité et du renseignement en Afghanistan a été remarquable. À la fin de 2006 et au début de 2007, ces organismes ont réussi à démanteler de dangereux réseaux qui facilitaient les attentats suicides à la bombe à Kaboul, à Khowst et, ce qui est le plus important pour les Canadiens, à Kandahar. Nous espérons que ce succès se poursuivra en 2007.
Enfin, l'Armée nationale afghane demeure une institution essentielle qu'il faut renforcer si nous voulons que les Afghans soient ceux qui assurent la sécurité en Afghanistan. Je demande donc au Canada d'examiner sérieusement toutes les formes d'appui qu'il pourrait accorder à l'Armée nationale afghane. L'Armée canadienne a déjà établi un partenariat très réussi avec l'ANA, mais on pourrait faire plus. On pourrait adopter des approches novatrices, car tout ce que nous pouvons faire pour aider l'Armée nationale afghane fera en sorte que les investissements militaires et dans la reconstruction qui ont été faits si généreusement par le Canada et d'autres pays ne seront plus nécessaires.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Je voudrais en profiter, monsieur le président, pour déplorer la situation. Nous recevons deux personnages très importants et nous ne disposons que de trois minutes pour poser nos questions et entendre les réponses. Ça n'a pas de sens. On pourra en reparler.
J'ai six questions, mais je ne vous demande pas de répondre. J'aimerais que vous m'envoyiez vos réponses par écrit, parce que cela m'apparaît important.
Vous nous parlez de reconstruction. Nous, les députés, recevons des informations contradictoires. Avec l'OTAN, je suis allé à Faizabad et je n'ai pas vu beaucoup de reconstruction. Je suis allé à Kandahar avec le Comité permanent de la défense nationale et, pour des raisons de sécurité, on nous a interdit de sortir du camp et d'aller voir ce qui se passait dans les faits. J'aimerais savoir s'il y a vraiment de la reconstruction en Afghanistan et, si oui, où cela se passe. J'ai beaucoup de difficulté à croire qu'il se fait beaucoup de reconstruction dans le coin de Kandahar, mais j'aimerais que vous nous l'indiquiez sur une carte, que vous nous disiez à quel endroit cela se passe.
Parlons du sondage. Vous avez mentionné des pourcentages un peu plus tôt. Je veux savoir ce que vous pensez des déclarations du général Richards, qui dit depuis quelques mois déjà que s'il n'y a pas un changement d'attitude ou de mandat de la mission, 70 p. 100 des Afghans vont se retourner vers les Talibans.
Ma prochaine question s'adresse à M. Appathurai . Vous avez dit un peu plus tôt qu'il était important que les organisations internationales s'entendent entre elles. Je reviens de Bruxelles et je m'explique mal que l'OTAN et l'Union européenne soient incapables de s'entendre et soient incapables de tenir une réunion sur un sujet aussi important que l'Afghanistan. J'aimerais que vous m'expliquiez, par écrit, pourquoi vous pensez que cela se passe comme cela.
On parle des services de santé qui ont évolué. Par contre, le Conseil de Senlis vient de dire que l'hôpital de Kandahar est un véritable mouroir, que c'est un endroit où les gens meurent systématiquement. Vous nous dites que cela semble s'améliorer, mais cela ne semble pas être le cas. C'est une autre information contradictoire.
J'aimerais, monsieur Alexander, que vous nous parliez de l'amnistie. Présentement, le président Karzaï est aux prises avec une décision du Parlement qui vise à amnistier beaucoup de bandits alors que la communauté internationale s'objecte à cela. J'aimerais avoir les dernières nouvelles, savoir comment cela va fonctionner. Il se pourrait même que le mollah Omar puisse être amnistié et qu'on lui dise que, s'il abandonne les affaires, il fera maintenant partie de la grande société afghane. Il y a des choses que je m'explique mal.
Parlons enfin de l'approche 3D. On s'est fait confirmer qu'à Kandahar, il y a 2 500 soldats, 6 représentants des Affaires étrangères et 6 représentants de l'ACDI. Il me semble qu'il y a vraiment un déséquilibre dans le mandat de la mission. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
J'ai entendu le cadran sonner. J'attends vos réponses par écrit au cours des prochains jours.
À l'instar de mes collègues, je suis consternée de ne pouvoir entrer dans les questions de fond, mais j'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit, monsieur Appathuai, sur les médias qui ne disent pas tout. C'est un fait que les journalistes canadiens et la plupart des journalistes des entreprises médiatiques internationales sont intégrés aux forces armées et nous disent dans le reportage ce que l'armée leur permet de dire, que ce soit objectif ou non.
J'ai été troublée de vous entendre dire que d'autres pays ont subi plus de pertes que le Canada, car cela ne me console pas de savoir qu'il y a eu plus de victimes étrangères que canadiennes. Ce genre de comparaison me trouble.
J'aimerais savoir si vous êtes souvent allé dans la région de Kandahar où sont les Canadiens à l'heure actuelle, plus particulièrement dans les camps de personnes déplacées ou, d'après ce que nous montrent les médias -- et c'est une chose que nous ont montrée les médias --, les secours alimentaires sont manifestement insuffisants. Il est évident que l'aide alimentaire ne se rend pas jusque là. Peut-être que monsieur Alexander pourrait répondre. Pourquoi la nourriture et l'eau potable ne se rendent-elles pas jusqu'à ces camps de personnes déplacées en quantité suffisante?
Vous avez aussi parlé du Pakistan. Vous, comme bien d'autres, avez soulevé cette question, mais il faut trouver des solutions, il faut trouver des façons d'empêcher les insurgés de traverser cette frontière. Il ne suffit pas de signaler le problème, il faut trouver des solutions.
J'aimerais aussi aborder la question des détenus. Peut-être que M. Alexander pourrait aussi répondre à cette question. Si vous n'avez pas suffisamment de temps, vous pouvez m'envoyer votre réponse par écrit.
Quelles sont les conditions qui prévalent dans les prisons afghanes? Vers quoi renvoyons-nous les détenus? On a fait mention de torture. On a laissé entendre que les conditions étaient atroces. J'aimerais que vous nous donniez une idée des conditions dans lesquelles sont détenus les prisonniers que nous remettons aux Afghans.
Nous savons que les autorités canadiennes enquêtent là-dessus. Nous savons que l'entente qu'a signée le général Hillier n'est pas aussi exigeante que celle qu'ont signée les Néerlandais et les Britanniques pour ce qui est du traitement des prisonniers au sein du système afghan et de la possibilité qu'ils soient remis à d'autres pays. Nous en savons très peu sur ce sujet, et c'est très inquiétant.
Enfin, en ce qui concerne le nombre de nos soldats qui sont dans le sud de l'Afghanistan, j'ai tenté d'interroger notre ministre et les hauts fonctionnaires sur les liens qui existent entre la mission de l'OTAN et l'opération Liberté immuable, qui est toujours en cours. Il y a encore un grand nombre de soldats américains dans le sud de l'Afghanistan qui ne participent pas à la mission de l'OTAN. On ne nous a rien dit sur les liens qui pourraient exister entre ces opérations.
Nous savons toutefois que les membres de la police auxiliaire afghane n'ont que deux semaines de formation avant d'être envoyés sur le terrain. C'est très inquiétant. Vous avez reconnu que la formation de la police accuse du retard. Quand nous sommes allés en Afghanistan, on nous a dit que la formation de la police était de sept à dix ans en retard par rapport à la formation de l'Armée nationale afghane, ce qui ne constitue pas un progrès et n'est pas non plus ce que la communauté internationale espérait.
Ce sont là mes observations et mes questions. Je suis désolée que nous n'ayons pas plus de temps pour une discussion.
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Je vais répondre aux questions sur l'OTAN.
Le Général Richards a déclaré qu'une bonne partie de la population ne sait quel camp appuyer. Les gens ne savent pas trop qui gagnera.
Les Talibans sont des Afghans, ce que nous ne sommes pas. Il est donc important que nous continuions non seulement à prendre des engagements à long terme mais à les exprimer clairement. Les Afghans ne veulent pas que les Talibans dirigent le pays; ils souhaitent que leur pays soit dirigé par un gouvernement élu démocratiquement. Nous devons donc prouver que nous sommes là pour les aider à long terme. C'est un message très important. Les Afghans nous appuieront s'ils sont convaincus que c'est dans leur intérêt, mais aussi s'ils sont convaincus que nous les aiderons à long terme.
Vous n'entendrez jamais l'OTAN se dire satisfaite des relations avec l'Union européenne en ce qui concerne les discussions qui ont eu lieu. Je pourrais vous expliquer en détail pourquoi cela ne marche pas, mais il est certain que nous aimerions que cela marche.
Quand nous sommes allés en Afghanistan il y a trois semaines, le président Karzai a informé le secrétaire général à ce sujet. Le président Karzai collaborera avec les leaders parlementaires pour s'assurer que le projet de loi qui lui a été présenté reflète la loi afghane, la constitution de l'Afghanistan et le droit international tel qu'il figure dans la constitution afghane. Il est très conscient des vues de la communauté internationale à ce sujet et il s'assurera, en collaboration avec les autres dirigeants du pays, que cette loi reflète bien le droit national et international.
Pour ce qui est de la couverture médiatique, c'est précisément parce que les journalistes sont intégrés aux forces armées qu'ils peuvent faire des reportages que nous appelons « cinétiques ». Les journalistes accompagnent les soldats et se déplacent avec eux. Il est beaucoup plus difficile pour eux d'aller voir ce qui se fait en matière de reconstruction. Les reportages cinétiques sont plus vendeurs. C'est aussi un problème, puisque c'est ça qui est plus attirant. C'est tout un défi pour moi et mes collègues de convaincre les journalistes de s'intéresser aux autres aspects de la mission, mais nous tentons de le faire.
Au sujet des pertes, j'ai fait mention des victimes des autres pays, mais nullement pour dénigrer les pertes subies par le Canada. Je suis Canadien et ces victimes sont mes collègues. Mais on semble croire, comme le montrent les médias, que le Canada est seul en Afghanistan, qu'il est le seul pays à assumer le fardeau. Je l'ai vu à bien des reprises, et ce n'est tout simplement pas vrai. Ce que je voulais dire, c'est que tous nos alliés essuient des pertes dans le cadre de cette mission, comme nous.
J'aimerais terminer sur deux choses. Si l'OTAN quittait l'Afghanistan aujourd'hui, ce serait absolument dévastateur pour ce pays. Les Afghans ne peuvent se défendre seuls. Nous pouvons en ce moment donner à l'Afghanistan une force de l'OTAN qui a fait ses preuves dans les combats, qui a une haute interopérabilité et qui est une force efficace pour les Nations Unies. Il y a en ce moment 55 000 personnes postées un peu partout dans le monde dans le cadre d'une mission de l'ONU. Nous donnons du muscle à l'ONU dans le cadre d'une mission de l'ONU. Pour les Canadiens, c'est absolument primordial. Nous devons câbler sur ces efforts et ces réussites et non pas les gaspiller, mais cela signifie une contribution active.
Enfin, en ce qui concerne l'Opération liberté immuable et l'OTAN, l'Opération liberté immuable n'existe plus comme structure, mais il y a encore 8 000 soldats américains sur place. La plupart dispensent de la formation et aident à équiper l'Armée nationale afghane. Un petit groupe d'entre eux poursuivent les opérations ciblées de renseignements avec l'aide des Nations Unies et du gouvernement afghan. Nous avons une structure de commandements en place et cette opération est donc bien distincte de celle de l'OTAN. La mission de l'OTAN est d'assurer la sécurité et de créer les conditions propices à la reconstruction et au développement. Nous avons notre propre structure de commandements, notre propre sous-commandant qui prévient les conflits entre les deux missions. Au besoin, surtout dans les situations extrêmes où les soldats d'une mission sont en graves difficultés, nous prêtons main forte aux autres. Essentiellement, ce sont deux missions différentes, deux mandats différents et nous avons une structure de commandements qui permet d'éviter les conflits mais aussi, quand c'est indiqué en cas d'urgence, l'entraide.
Chris, je vous laisse le soin de répondre aux autres questions.
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Je ne suis pas au courant de cette affaire, et je ne peux donc me prononcer sur son importance.
Nous sommes pour un débat sur l'insurrection et les politiques en matière de drogue, mais les Nations Unies n'accepteront pas la légalisation de la culture du pavot en Afghanistan, ni ailleurs. En l'absence de primauté du droit, cela n'a jamais marché. La priorité pour l'Afghanistan, c'est de rétablir la primauté du droit et non d'appliquer des politiques qui n'ont été efficaces que dans des démocraties arrivées à maturité, des sociétés à maturité où règne depuis longtemps la primauté du droit.
Quelles mesures concrètes faut-il prendre au sujet du Pakistan? Il y en a beaucoup. Il faut partager les évaluations de ce qui se passe des deux côtés de la frontière et en discuter. Il faut demander au Pakistan des mesures concrètes au sujet de certains chefs et de certaines structures qui nous préoccupent tous. Il faut mettre à jour la résolution 1267 du Conseil de sécurité de l'ONU pour tenir compte de la réalité actuelle du pouvoir taliban. Je parle de la liste faisant état de certaines sanctions contre des chefs talibans et des chefs d'Al-Qaïda. Il faut donner un soutien supplémentaire, et le Canada aurait un rôle important à jouer en ce sens, pour le rapatriement des réfugiés des deux côtés de la frontière, en créant un effet d'attraction en Afghanistan et en favorisant un environnement favorable au Pakistan, pour aider ce pays à résoudre ce problème. Il ne faut pas oublier le contexte régional, qui comprend non seulement le Pakistan, mais aussi l'Iran, l'Inde et bien d'autres pays.
Il faut aussi envisager des mesures visant à rebâtir la confiance entre les deux pays. Les Nations Unies se sont démenées pour renforcer le dialogue politique entre ces deux pays, et l'une des idées que nous favorisons, dans le cadre de ces dialogues, c'est la création de jirgas entre les deux pays, pour permettre aux sociétés civiles de chaque pays de présenter son point de vue sur les mesures qui ramèneront la sécurité non seulement en Afghanistan, mais pour toute la région.
Quel est le rôle de l'Iran? En gros, il est extrêmement positif: une aide de 250 millions de dollars offerte en temps utile et avec rigueur pour reconstruire des routes, pour appuyer les services d'éducation et pour amener l'électricité à la ville de Herat. Avec 59 autres pays, les Nations Unies sont un donateur important qui a fait beaucoup pour aider à la transition de l'Afghanistan.
Les services carcéraux préoccupent beaucoup les Nations Unies. Les conditions de détention en Afghanistan dans les établissements gérés par la direction nationale de la sécurité sont relativement bonnes. Elles font l'objet d'un suivi rigoureux par le Comité international de la Croix-Rouge et la commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan. Notre mission s'intéresse de plus en plus à ce domaine et les conditions de détention sont une de nos priorités dans le cadre de nos activités de suivi des droits de la personne.
Il reste encore beaucoup à faire pour le système carcéral afghan. La prison nationale de Kaboul, Pul-i-Charkhi, a été en partie rénovée et les normes y ont été grandement améliorées, mais il reste encore beaucoup à faire dans les établissements provinciaux. Je suis fier de dire que le conseiller correctionnel de la UNAMA est un professionnel des Services correctionnels du Canada et que nous voyons du progrès de ce côté. Il va de soi qu'on n'obtiendra pas des résultats instantanés.
James a parlé de l'Opération liberté immuable et on a fait allusion à la lenteur du développement. De toute évidence, le développement n'est pas aussi rapide qu'on le voudrait. Demandez à n'importe quel Afghan et sa réponse sera certainement qu'il faudrait en faire plus. Beaucoup d'Afghans ont vécu à l'étranger et savent ce qui est une vie meilleure et voudraient l'avoir chez eux.
Mais cette lenteur se compare à quoi, au juste? Le niveau de vie en Afghanistan est lent à rejoindre celui de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord. Ce sont là des objectifs lointains, mais nous avons certainement pu rapidement favoriser la croissance économique de l'Afghanistan, un pays qui a trop longtemps souffert de dépression et de ralentissement économique.
Je conteste donc le rapport allemand et quiconque déclare que rien n'a été fait. Il est très difficile pour les Occidentaux de comprendre comment on peut vivre avec 150 $ par an par personne, et combien la vie se trouve améliorée quand le revenu grimpe à 300 $ par année par personne. Il ne faut pas minimiser les progrès obtenus, non plus le fait que ce n'est pas un petit groupe de Kabouls composés de fonctionnaires gouvernementaux qui en profitent, mais l'ensemble de la population, grâce à des programmes parrainés par le gouvernement et financés par des pays comme le Canada, des programmes qui ont rejoint l'ensemble du pays et jusqu'aux deux tiers des collectivités rurales. Je rappelle que 80 p. 100 de la population vit en milieu rural. C'est le centre de gravité de la population afghane pour lequel nous avons déjà changé des choses.
Voilà pourquoi l'espoir des Afghans continue de se porter vers nous. Il n'en sera peut-être pas toujours ainsi. Nous devons continuer de fournir des résultats régionaux, en Afghanistan. Pour le moment, toutefois, nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Il importe de reconnaître ces réussites si nous voulons justifier d'autres investissements qui sont actuellement encouragés, d'où qu'ils viennent.
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Vous avez tout à fait raison, il y a lieu de discuter de l'efficacité de l'aide donnée, et cette discussion doit avoir lieu, mais il ne faudrait pas que quiconque en déduise que rien n'a été fait. Bien franchement, ceux qui ont fait des dons axés sur des principes, qui ont choisi des mécanismes de mise en oeuvre efficaces, passant surtout par le gouvernement, qui n'ont pas choisi la voie des structures parallèles mais qui ont recouru au budget gouvernemental comme principal moyen de coordination des politiques sont ceux qui ont été très efficaces. Il y a eu reddition de comptes et des résultats prouvent ce qui a été fait.
Prenons l'engagement du Canada envers le programme de solidarité nationale. Des subventions globales ont été accordées à 17 000 villages pour des projets choisis par eux, par les shuras de village, soit des conseils de village composés à la fois d'hommes et de femmes, mais parfois aussi des shuras d'hommes ou des shuras de femmes. On a ainsi rejoint la moitié des villages du pays. Chaque étape a été documentée et il y a eu une comptabilité très stricte de ce programme et d'une demi-douzaine d'autres programmes nationaux auxquels le Canada a beaucoup contribué.
Il est vrai qu'il est très utile de voir des Canadiens financer des programmes vivres-contre-travail à Kandahar, mais bien franchement, il y avait dès 2002 et 2003 un programme d'emploi national d'urgence, sous l'égide du gouvernement, et qui faisait ce travail très efficacement partout au pays.
Il ne faut pas oublier que nous voulons guérir et stabiliser l'ensemble de l'Afghanistan et non pas seulement une province ou certains villages. Certains membres de l'OTAN ont actuellement tendance à définir le problème par eux-mêmes en fonction de l'emplacement de leurs équipes de reconstruction provinciale, ou de leurs troupes, dans une province. L'une des grandes réussites de l'aide publique au développement du Canada, en Afghanistan, c'est d'avoir choisi des mécanismes de mise en oeuvre nationaux et aux Nations Unies, nous affirmons que ce sont là les plus efficaces.
Oui, les gens veulent des vivres, particulièrement dans les provinces du sud. L'insurrection a particulièrement nui aux réseaux de distribution des vivres en Afghanistan méridional, où beaucoup de collectivités sont confrontées à une vulnérabilité alimentaire et à une pénurie de vivres habituellement comblée par les marchés et par la vente de leur travail sur le marché, quand il y en a. Trop souvent, de nos jours, le marché est celui de la récolte de stupéfiants.
Une grande quantité de vivres a été livrée par le Programme alimentaire mondial, avec l'appui du Canada et d'autres pays, cette année. La distribution n'a pas été uniforme. Nous reconnaissons qu'il y a encore des zones de vulnérabilité en Afghanistan et c'est pourquoi l'ONU espère renforcer sa capacité de coordination humanitaire en dépêchant sur le terrain huit nouveaux professionnels qui seront situés à des endroits comme Kandahar et qui s'occuperont de ce genre de problème. Le gouvernement de la Norvège nous aide à cet égard.
Est-ce que la composition de l'armée est peu représentative? Peut-être, mais bien moins qu'il y a deux ou trois ans. Il y a maintenant du recrutement partout au pays. Le corps des officiers est plus ou moins équilibré d'une province à l'autre, mais il y a là un problème historique. Le président Karzai et d'autres qui connaissent l'Afghanistan d'avant les conflits, l'Afghanistan des années 60 et 70, savent qu'il n'y avait pas non plus à cette époque beaucoup de recrues des provinces de Kandahar, Helmand et Oruzgan. Dans cette région, les gens préféraient le service au sein des structures traditionnelles, comme la police, pour éviter d'aller à Kaboul et rester près du foyer et des affiliations tribales si fortes dans cette région.
Il ne s'agit donc pas simplement de surmonter les obstacles créés par la victoire de l'Alliance du nord de 2001. Le problème remonte à bien plus loin dans l'histoire afghane et l'un des outils pour le surmonter, c'est la police auxiliaire nationale. Ce n'est pas encore un succès avéré, mais on déploie de bons efforts de recrutement local, dans le secteur de la sécurité, en imposant les genres de discipline, de commandement et de contrôle qui conviennent le plus pour assurer la sécurité à Kandahar, Helmand, Oruzgan et Zabol.
Concernant la diplomatie dans le cas de l'Afghanistan, et comme instrument pour résoudre et surmonter les enjeux auxquels ont fait face, il y a un grand rôle à jouer pour tous les partenaires clés de l'Afghanistan. On a besoin d'un dialogue renforcé sur la sécurité non seulement avec le Pakistan, mais avec tous les grands acteurs régionaux, y compris l'Inde, l'Iran, les pays de l'Asie centrale, la Russie, la Chine et autres. Nous avions ce dialogue de façon plus structurée pendant la période du régime des Talibans, qui s'appelait le groupe des « Six plus deux », qui se réunissait surtout à Genève, mais qui incluait les six voisins de l'Afghanistan. Il nous faudrait peut-être un autre format maintenant, mais on a bien sûr besoin de ce dialogue, surtout avec le Pakistan, mais aussi avec les autres pays.
Nous avons également besoin de diplomatie concernant les enjeux économiques de la région. Il y a eu, à l'automne 2006, une conférence à New Delhi concernant la coopération économique vis-à-vis de l'Afghanistan. Il a été question de l'élaboration de liens dans le domaine de l'énergie, de la construction d'infrastructures pour relier les réseaux de transport de tous les pays voisins de l'Afghanistan, et aussi des échanges commerciaux ainsi que des conditions favorisant le renforcement des investissements en Afghanistan. La Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et d'autres joueurs sont très actifs dans ces domaines, et vous serez probablement surpris de constater à quel point il y a eu des progrès. On a du mal à s'expliquer dans quels domaines on a fait des progrès, mais il y en a eu.
[Traduction]
Pour revenir très brièvement à la question de l'échéancier, aux Nations Unies, nous estimons qu'un échéancier semblable à celui qui avait été adopté pour les Balkans est probablement indiqué pour l'Afghanistan. Personne ne veut donner une date précise ou s'engager dans un débat sur la question de savoir combien de temps cela prendra. Nous n'avons aucun contrôle sur les facteurs qui causent l'insécurité. Nous tentons désespérément de mieux les comprendre et de les maîtriser. Toutefois, nous pouvons nous fonder sur les études qui ont été faites. La Société RAND a fait une étude exhaustive de toutes les insurrections et contre-insurrections qui ont éclaté depuis la Deuxième Guerre mondiale. On a conclu qu'en moyenne, il faut 14 ans pour perdre une contre-insurrection et 17 ans pour gagner.
Mais de toute évidence, comme l'a indiqué James, le principal défi que nous devons relever aujourd'hui est de prouver notre détermination, de montrer notre bonne volonté et notre unité. Si nous nous précipitons vers la sortie, si nous prenons des raccourcis, si nous montrons des signes de faiblesse dans notre engagement à atteindre les objectifs établis par le pacte de l'Afghanistan, nous allons donner foi aux propos des ennemis de la transition. Nous pourrions aussi miner les efforts en cours en vue de stabiliser l'Afghanistan.
Personne ne s'imagine que la simple éradication du pavot influera de façon importante sur l'industrie. La stratégie antidrogue nationale compte huit piliers dont l'éradication n'est qu'une seule. L'éradication ne peut réussir, si jamais elle réussit, que si elle se fait de pair avec les autres mesures. Ce n'est tout simplement pas le cas dans le sud de l'Afghanistan à l'heure actuelle. Aux Nations Unies, nous continuerons de plaider pour une approche plus exhaustive dès que toutes les mesures nécessaires auront été mises en place. On ne peut toutefois pas se décharger de ce produit sur le marché international des pharmaceutiques. S'il y avait légalisation, on constaterait une montée en flèche. On verrait les Afghans abattre leurs arbres fruitiers pour faire place à la culture du pavot pour satisfaire à la demande du marché légal et illégal et, dans ce pays, où la règle de droit n'est pas encore bien établie, le marché illégal continuerait probablement sa croissance astronomique.
En ce qui concerne Quetta, quelle est la bonne tribune pour ces questions? Honnêtement, peut-être que votre comité devrait être la tribune pour cette discussion. Peut-être que certains des intervenants régionaux travaillant à la transition en Afghanistan, travaillant à la sécurité en Afghanistan mériteraient de participer à vos discussions. Nous tentons activement de communiquer avec le plus d'intervenants possibles au Pakistan et nous en parlons franchement à tous ceux qui pourraient exercer une influence sur cette situation. Mais les divergences d'opinion persistent.
Le président Karzai affirme que le Mullah Omar habite à Quetta ou dans les environs. Le président Musharraf a répété à maintes reprises au cours des six ou huit derniers mois que le Mullah Omar va très bien et qu'il habite juste à l'extérieur de Kandahar. Il est dans notre intérêt à tous d'aller au fond des choses et d'établir les faits.
Nous disposons de différents outils, notamment la résolution 1267 de l'ONU. Mais il faudra débattre de cette question en toute franchise et de pas camoufler les faits sur la structure de commandement des talibans dans les mois qui viennent.