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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me donner la possibilité d'intervenir aujourd'hui.
J'ai lu les transcriptions de vos délibérations et j'ai suivi vos discussions à distance. En fait, j'ai embauché deux ou trois étudiants de cycle supérieur pour suivre les débats ainsi que les questions et réponses. Vous savez sans doute que ce dossier fait couler beaucoup d'encre dans les journaux dans les articles voisins des pages éditoriales. Il s'agit aussi d'une bonne étude de cas pour les étudiants qui tentent de comprendre ce que j'aime appeler un Parlement vigilant.
Je tiens à m'excuser de ne pas avoir fourni mes notes à l'avance. La semaine dernière, c'était une semaine de lecture à l'Université Queen's et j'ai lu autre chose. Les étudiants ont examiné les transcriptions jusqu'à hier soir quand je les ai lues intégralement.
Ce matin, je ferai d'abord quelques observations qui mettront en contexte, de mon point de vue, le dossier des acquisitions en matière de défense.
Le premier problème à aborder ne concerne pas les acquisitions, mais la crise qui frappe les Forces armées canadiennes en ce qui concerne leurs capacités. Le problème des acquisitions n'est pas une crise au niveau des processus, mais une crise au niveau des décisions. Il s'agit, de toute façon, d'une question secondaire, mais qui n'est pas sans importance. J'expliquerai cette ligne de pensée et, pour conclure, je parlerai de certains points qui ont été mis en lumière dans ce débat.
En 2004, une équipe de chercheurs de l'Université Queen's a publié une étude qui est souvent citée et dont je parlerai. Cette étude s'intitule Canada Without Armed Forces.
J'ai posé aux chercheurs une question simple en apparence, une question qui devrait, à mon avis, occuper la Chambre et le comité pendant quelques années. J'ai donc posé la question suivante. Compte tenu des capacités des Forces canadiennes, tant du point de vue de l'équipement que des militaires en 2003 —l'année où la recherche a été effectuée — et des contrats signés pour acquérir de l'équipement neuf, à quoi ressembleront les Forces armées canadiennes dans cinq ans, dans dix ans et dans quinze ans?
Permettez-moi de vous lire les principales conclusions qui ont été tirées. Cette recherche a révélé que les forces ne seraient plus dignes de leur nom. Rapidement et inévitablement, dans cinq à dix ans, l'équipement militaire principal du Canada, surutilisé et désuet, ne sera guère utile sur le plan opérationnel. On manquera de gens ayant l'âge, l'expérience et la formation requises pour remplacer ceux qui quitteront les forces armées dans les prochaines années. L'équipement de soutien se désintègre et rien n'a été fait, ou ne peut être fait dans certains cas, pour arrêter cette situation, car on n'a ni les pièces ni les techniciens pour régler les problèmes.
Le Canada se dirige vers une longue période où le gouvernement sera privé de ressources militaires efficaces, même pour la défense nationale et la surveillance du territoire. Même si le prochain gouvernement versait des fonds illimités pour remédier à cette crise, à ce déficit, à peu près rien ne pourra être fait avant que la crise appréhendée se concrétise.
Monsieur le président, voilà la crise à laquelle le comité et le Canada font face en matière de défense nationale. Personne n'a réfuté cette crise, si ce n'est pour dire, de façon peu convaincante, que des plans avaient été dressés. Ce qu'on n'a pas dit, c'est qu'il n'y a pas d'argent et pas de soutien politique pour intervenir.
Le pays est confronté à cette crise qui se déroule essentiellement comme nous l'avons décrit. L'ennemi, c'est le temps, et non l'argent. Toutefois, cette crise se trouve quelque peu estompée par le courage et la détermination du général Hillier et des membres des Forces canadiennes, qui s'organisent avec ce qu'ils ont dans les opérations de combat.
On aurait pu s'attendre de la part d'un gouvernement vigilant à des mesures immédiates pour éviter les aspects les plus dangereux de la crise. Cependant, de telles mesures n'ont pas vu le jour pour deux principales raisons, à mon avis. Tout d'abord, le milieu politique n'a pas su collaborer pour élaborer une stratégie de défense nationale non partisane et, deuxièmement, la bureaucratie, confuse et dépourvue de directives, est incapable de dresser un plan pour régler la crise.
Ceci m'amène à l'étude que M. Alan Williams a mené à bien dans le cadre de notre programme à l'Université Queen's au cours de la dernière année.
Comme dans le cas de Canada Without Armed Forces, quand M. Williams a commencé son étude, je lui ai posé une question qui me semblait simple. Je lui ai dit: « Alan, que feriez-vous si le premier ministre entrait dans votre bureau et vous disait qu'il voulait que les Forces armées canadiennes soient complètement reconstruites dans cinq ans, coûte que coûte, et qu'il quittait la pièce? Quelles réformes apporteriez-vous au processus d'acquisition pour y arriver? » C'était la question.
Ce travail a donné l'ouvrage Reinventing Canadian Defence Procurement, A View from the Inside que vous trouverez sur la table, je crois, sinon il est possible de l'obtenir.
Je tiens à souligner que ce titre, Reinventing Canadian Defence Procurement, n'est pas le fruit du hasard. Il devait clairement se dégager de ce titre qu'il ne suffisait pas de réformer le processus, d'adapter les procédures ou d'affecter des fonds ici et là à Ottawa. Je ne suis pas intéressé à réformer des échecs. Par conséquent, cette recherche, comme en témoignent son titre et son intention et comme Alan Williams vous l'expliquera dans quelques instants, vise à créer un système d'approvisionnement militaire qui permettra de traverser la crise actuelle et de rallier l'appui politique pour empêcher qu'une telle crise ne se reproduise.
J'aborderai maintenant six points qui concernent le débat actuel et j'expliquerai en quoi l'approvisionnement militaire me préoccupe et préoccupe aussi des citoyens, des étudiants et d'autres personnes à qui je parle souvent.
Premièrement, ce que nous achetons et comment nous nous prenons dépend de la réponse à la question suivante. Que voulons-nous que les Forces canadiennes fassent? Ce qui complique quelque peu la réponse, à mon avis, ce sont ceux qui, pour une raison ou une autre, associent la politique de la défense à des tâches ou des missions précises des Forces canadiennes comme les activités de maintien de la paix ou les opérations nationales.
À mon avis, nos forces armées doivent avoir pour objectif de développer des unités efficientes et efficaces qui peuvent, à la demande du gouvernement, exercer de la coercition et, au besoin, tuer, dans des situations où la sécurité et la défense du Canada sont compromises.
Les acquisitions et l'administration générale du secteur de la défense sont les instruments qui nous permettrons d'arriver à nos fins. Les politiques ou les décisions qui vont à l'encontre de cet effort ajoutent des coûts négatifs à la politique de la défense.
Deuxièmement, les Forces armées canadiennes sont composées de certaines capacités de base qui constituent le fondement des opérations. Quelles que soient les missions que les gouvernements confient aux Forces canadiennes, d'importants montants devront être dépensés pour le transport, les communications, la surveillance et les capacités techniques en raison de la géographie du Canada. Ces capacités devraient être perçues comme des frais généraux sans lesquels les Forces canadiennes ne pourront mener aucune mission au Canada ou ailleurs. Ce comité et ceux qui lui succéderont à l'avenir n'ont pas à se demander si le gouvernement doit maintenir ces capacités, mais bien comment les maintenir efficacement et en temps voulu pour éviter les crises en matière de défense et de politique étrangère.
Troisièmement, j'ai quelques mots à dire au sujet de la concurrence dans le processus. L'ambigüité exprimée par le premier ministre Mackenzie King est d'ailleurs toujours utile à cet égard: la concurrence au besoin, mais pas nécessairement comme on l'entend en « temps normal ».
Alan Williams et moi avons eu de longues discussions — je crois que l'expression est appropriée — à ce sujet. Je crois que nous sommes d'accord, mais les circonstances viennent moduler notre perception. Dans mon cas, en fait, les circonstances d'aujourd'hui. Je laisserai bien sûr à monsieur Williams le soin d'exprimer son point de vue.
La concurrence aide à réduire les coûts, et j'appuie généralement cette position. Des détracteurs ont fait valoir dernièrement dans des débats et des déclarations que l'absence de concurrence, comme ils le disent, dans certains projets coûte cher aux Canadiens. La non-concurrence est en fait une taxe sur les acquisitions militaires.
Dans les circonstances actuelles, les dépenses supplémentaires constituent à mon avis une taxe attribuable non pas à l'absence de concurrence, mais au manquement du gouvernement à prendre en temps voulu des décisions d'achat, des décisions qui doivent être prises en temps opportun pour qu'il y ait une concurrence raisonnable et prudente. Comme nous n'avons pas pris de décisions et que nous sommes maintenant en crise, la taxe que les Canadiens assumeront est attribuable à cet état de fait et non simplement à l'absence de concurrence.
Quatrièmement, dans le débat en cours, je crois que nous oublions parfois le principe de base. Il faut d'abord et avant tout donner aux membres des Forces armées canadienne les capacités nécessaires pour faire ce que les gouvernements leur demandent.
Actuellement, on insiste beaucoup sur l'urgence qu'il y aurait à acheter des aéronefs, mais je soulignerai aujourd'hui que le temps est aussi important que les autres facteurs. Aujourd'hui, en effet, le temps pourrait être le facteur le plus important pour les aéronefs, les navires, les véhicules et les gens. Napoléon a déjà dit à ses maréchaux qu'ils pouvaient lui demander n'importe quoi sauf du temps. Il s'agit là d'une mise en garde que les gouvernements d'aujourd'hui devraient tenir compte.
Cinquièmement, je demeure perturbé par la réticence apparente des fonctionnaires à entamer ou encourager des discussions significatives sur la relation entre les processus, les organisations gouvernementales, la responsabilisation et les résultats. Des témoins vous ont dit: « [...] il n'est pas nécessaire de remanier le système de fond en comble, pas plus qu'il n'est nécessaire de créer de nouveaux organismes. » Ils ont en outre souligné et vanté le « dévouement et [le] professionnalisme des membres civils et militaires » dans le système et les différents ministères qui participent au processus. Ils ont toutefois reconnu que: « Nous avons encore à relever une multiplicité de défis, mais il ne s'agit pas d'obstacles insurmontables. »
Malheureusement, d'après ce que je peux voir dans les transcriptions, ils n'ont pas décrit quels étaient ces défis, mais ils ont insinué que le Parlement devait leur faire confiance. Cependant, si le processus, la structure et l'organisation ne posent pas problème, comment rendre compte d'un Canada sans forces armées? Peut-être cela appartient-il aux députés. Cela semble la seule façon de répondre aux déclarations des témoins.
Il est possible d'expliquer le problème dans le système et d'en parler. Quand nous demandons pourquoi le système a dérapé, je crois que la réponse est que nous ne savons pas pourquoi. Et si nous ne le savons pas, c'est qu'il n'y a pas de député ou de ministre responsable qui peut nous dire pourquoi le système fonctionne ou pas. Il y a tout simplement beaucoup de députés qui ont des choses à dire.
Pour terminer, je dirai que mon analyse de la séance jusqu'à présent me fait craindre que les témoignages et les questions qui reviennent constamment fassent perdre de vue le contexte de guerre dans lequel baigne le dossier à l'étude. Je trouve étrange que des députés et le milieu politique en général ne s'entendent pas sur 400 millions de dollars ou 500 millions de dollars et sur l'attribution des contrats, alors que pendant ce temps on dépense des vies en Afghanistan et ailleurs pour satisfaire aux objectifs du gouvernement et du Parlement.
À mon avis, il faut discuter non seulement des aspects financiers, mais aussi des mesures prises pour reconstruire les forces armées. De mon point de vue non partisan — et je n'ai aucune fibre ni aucun sens politique — j'ignore pourquoi on ne reproche pas au gouvernement de ne pas acheter six C-17. Nous avions 32 Hercules. Pourquoi se dispute-t-on sur l'achat de quelques appareils alors qu'il faudrait peut-être pousser le gouvernement à en acheter 32? Pourquoi ne reconstruit-on pas les forces armées au lieu de se disputer comme si on discutait de ces choses dans l'abstrait en quelque sorte?
Monsieur le président, permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit au départ. La crise sur laquelle le comité se penche ne concerne pas que l'acquisition de matériel militaire proprement dit sans égard aux circonstances. Le Canada et les Forces canadiennes sont en guerre depuis 1992 environ. Par suite de nos propres décisions et de nos propres choix nous menons des opérations — nous dépensons des vies — pendant que les capacités des Forces armées canadiennes se désintègrent littéralement en ce moment même.
Gérer les approvisionnements militaires dans un contexte de capacités qui font défaut et maintenant dans un contexte de guerre est exigeant et coûteux, et c'est la responsabilité première du Parlement. L'acquisition du matériel de défense et la gestion de la guerre nécessitent une approche pangouvernementale.
Je recommande au comité de garder cela à l'esprit dans ses travaux. À cet égard, et à l'avance, je recommande fortement au comité d'accepter la recommandation d'Alan Williams concernant l'établissement d' « Approvisionnement militaire Canada » qui gérerait l'ensemble des approvisionnements militaires du gouvernement.
Enfin, les dirigeants politiques du Canada devraient être prêts à répondre à la question suivante: Que ferez-vous exactement, quel est votre plan pleinement financé pour reconstruire les Forces canadiennes au cours des cinq prochaines années? Je crois que les Canadiens pourraient vouloir entendre cette réponse.
Merci, monsieur le président,
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Merci, M. le président.
C'est un grand plaisir que d'être de nouveau ici, quoique dans un contexte différent, en compagnie de mon collègue et ami Doug Bland pour discuter de l'approvisionnement militaire au Canada. Mes observations seront brèves, de sorte que vous aurez tout le loisir de me poser des questions.
L'approvisionnement militaire est un sujet qui me passionne : je m'y intéresse depuis plus de dix ans et j'en suis de près l'évolution à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) et au ministère de la Défense nationale. Ayant constaté par moi-même et de très près le dévouement et l'engagement extraordinaire de notre personnel militaire, je ne considère pas l'approvisionnement militaire comme étant un simple exercice administratif, mais plutôt comme une question qui, par-dessus tout, doit garantir la sécurité du personnel militaire.
Malgré l'abondance de rapports et d'études publiés récemment, le processus passe quand même pour trop lent et trop coûteux. Pourquoi en est-il ainsi et comment peut-on l'améliorer? Je crois que deux faits sont à l'origine de cette situation.
D'abord, on a examiné jusqu'ici ce processus fort complexe de façon décousue plutôt que sous un angle global. Il est donc difficile, voire impossible, de véritablement savoir comment s'agencent les composants du processus. Ensuite, on n'a pas porté suffisamment attention à la mise en oeuvre des changements.
C'est dans cet esprit que j'ai commencé à rédiger Reinventing Canadian Defence Procurement: A View From The Inside. Je crois que, pour la première fois, ce livre fournit une description complète de l'ensemble du processus d'approvisionnement, ainsi qu'un plan pour la mise en oeuvre des 25 recommandations qu'il contient.
Ceux qui souhaitent véritablement améliorer le processus y trouveront de l'information nette et précise. Non seulement le livre décrit-il le processus, mais il explique aussi le comportement des intervenants dans le processus, afin qu'on puisse en comprendre les motivations. En voyant comment les pièces s'imbriquent, nous pouvons faire en sorte que les recommandations s'harmonisent de manière à corriger les faiblesses réelles du processus par opposition aux faiblesses perçues.
Par exemple, lors d'une conférence récente sur la gestion militaire à l'Université Queen's, j'ai demandé aux étudiants si à leur avis les cinq énoncés suivants étaient vrais ou faux :
(1) Le processus d'approvisionnement militaire bureaucratique ne tient pas compte des besoins.
(2) Il y a trop d'ingérence politique dans le processus d'approvisionnement militaire.
(3) Les principales pressions sur le financement à la Défense nationale sont les salaires et les avantages sociaux du personnel militaire et l'acquisition.
(4) Il est moins coûteux de faire la maintenance du nouvel équipement que de le remplacer.
(5) Le Canada dépend des autres pays, particulièrement des États-Unis, pour ce qui est de sa capacité de transport stratégique.
Ce n'est peut-être pas étonnant, mais la plupart des étudiants considéraient comme vrai chacun de ces énoncés. En réalité, ils sont plutôt faux. Permettez-moi de les commenter brièvement.
Premièrement, le processus bureaucratique est plutôt rapide. Il a fallu moins de deux ans pour signer un contrat pour l'acquisition des nouveaux hélicoptères maritimes à partir du moment où le ministre de la Défense, David Pratt, a donné le feu vert au projet. L'approbation gouvernementale qui tardait à venir est la principale cause du délai.
Deuxièmement, pendant les dix années où j'ai été responsable de l'approvisionnement, je ne peux me rappeler une seule fois où un ministre a influencé le résultat du processus d'approvisionnement militaire. Cela dépend en grande partie des conséquences juridiques découlant de l'adoption de l'Accord sur le commerce international au milieu des années 1990.
Troisièmement, davantage de fonds sont affectés à l'entretien de l'équipement qu'à l'achat de nouveau matériel. Or, on avait coutume de mettre l'accent sur le coût initial de l'acquisition, laissant au ministère le soin de trouver les fonds additionnels nécessaires à l'entretien. Comme les fonds étaient habituellement puisés dans le budget d'équipement du ministère de la Défense nationale, ils grevaient davantage ce budget.
Quatrièmement, il en coûte plus cher d'entretenir le nouvel équipement que de remplacer l'ancien. Il en coûtera plus cher d'entretenir les nouveaux hélicoptères maritimes que les hélicoptères Sea King qu'ils remplacent. Les systèmes d'arme actuels sont essentiellement des systèmes de logiciel complexes qui nécessitent de fréquentes mises à niveau et révisions coûteuses. Par conséquent, au début de tout programme d'immobilisations, il faut obtenir des fonds non seulement pour l'acquisition, mais aussi pour les dépenses qui s'échelonnent sur tout le cycle de vie.
Enfin, en ce qui concerne le transport stratégique, il convient de noter qu'en avril 2003, quand j'ai demandé pour la dernière fois des renseignements sur l'opération Apollo, le Canada avait transporté, pour les Américains, trois fois le volume de marchandises et cinq fois le nombre de troupes par rapport à ce qu'ils avaient fait pour nous. En fait, dans une guerre de coalition, chaque pays ajoute des biens à ceux des alliés.
En rétrospective, j'aurais probablement dû faire état d'un autre mythe : l'attribution de contrats sur appel d'offres restreint ou de marchés à fournisseur unique a pour effet d'accélérer le processus d'approvisionnement. En fait, on peut perdre plus de temps à tenter d'éviter un appel d'offres qu'à organiser un appel ouvert, juste et transparent.
En outre, dans l'attribution de contrats à fournisseur unique, tout le monde y perd. Les contribuables y perdent parce qu'une plus grande part de leur argent est habituellement dépensé dans ce type de processus. L'industrie y perd, car la quantité et la qualité des retombées industrielles et régionales exigées sont compromises. Quant au secteur militaire, il est doublement perdant. D'abord, les dépenses supplémentaires doivent être payées à même son budget et les sommes requises ne peuvent plus être réaffectées à d'autres projets prioritaires. Ensuite, sans appel d'offres, nous ne pouvons être certains d'acquérir le meilleur équipement qui répond aux besoins de nos militaires.
Mon livre contient des recommandations à trois égards : le cadre juridique, l'impact industriel et le processus d'approvisionnement même. Dans mes observations préliminaires, je me bornerai à aborder uniquement le processus, mais je me ferai un plaisir, bien entendu, de répondre à vos questions dans les autres domaines.
S'il y a une observation générale que je puis me permettre, c'est bien l'absence de responsabilité précise à tous les niveaux du processus. Par « tous les niveaux », j'entends les niveaux parlementaire, ministériel et bureaucratique. Bonne nouvelle, on peut remédier à tout cela et j'indique d'ailleurs comment s'y prendre et comment le faire rapidement.
Le livre fait mention d'un article paru dans l'Ottawa Citizen, dans lequel Anne McClellan indique, à propos d'une acquisition en particulier, que le ministre de la Défense Bill Graham et le ministre des Travaux publics Scott Brison sont tous deux chargés de l'approvisionnement militaire. Cela est exact : ces deux ministres sont responsables de l'approvisionnement militaire. Or, quand une responsabilité est confiée à deux ministres, aucun d'eux n'est responsable en réalité. Il est temps de se pencher sur ce problème.
Parmi mes 25 recommandations, la plus importante est peut-être celle qui porte sur la création d'Approvisionnement militaire Canada (AMC), organisme regroupant les ressources d'approvisionnement du ministère de la Défense et les ressources affectées à la passation de marchés de TPSGC. Cet organisme serait le seul responsable de l'approvisionnement militaire. Dans mon livre, cinq modèles de gouvernance sont exposés, mais je privilégie celui dans lequel AMC relève du ministère de la Défense nationale. Selon ce modèle, le ministre de la Défense nationale est responsable de tous les éléments du cycle d'approvisionnement, depuis la préparation de l'énoncé de besoins jusqu'à la signature et à l'administration du contrat, en passant par l'élaboration de la demande de proposition.
Les avantages d'un tel modèle ne se résument pas à la délimitation claire des responsabilités. Des économies considérables sont réalisées grâce à la suppression du dédoublement et du chevauchement des tâches et des responsabilités. Selon mes estimations prudentes, de 48 à 125 années-personnes et entre 4,8 et 12,5 millions de dollars seraient économisés chaque année. Un autre avantage non moins important est que le modèle permet d'éviter une grave pénurie de compétences accentuée par le vieillissement de la population.
Le processus sera également rationalisé. Quand deux ministères s'occupent du processus d'approvisionnement, celui-ci se déroule au rythme du plus lent des deux. Dans mon livre, je cite un exemple où il a fallu neuf mois au ministère de la Défense pour négocier un marché et plus de 21 mois à TPSGC pour donner son accord. Il s'agit peut-être d'un cas extrême, mais il n'en reste pas moins qu'obtenir l'approbation de deux autorités au lieu d'une nécessite plus de temps et ralentit le processus.
Dès lors, une question évidente se pose : pourquoi le processus a-t-il été structuré ainsi à la base? La réponse comporte deux éléments. Premièrement, TPSGC a pour rôle de garantir l'intégrité du processus. Toutefois, d'autres mécanismes sont actuellement établis à cette fin, par exemple de Tribunal canadien du commerce extérieur, le système de justice, la fonction du vérificateur général du Canada, les médias et l'ouverture générale de notre société, qui tiennent lieu de garde-fous contre la manipulation délibérée du système d'approvisionnement militaire. Le personnel du ministère de la Défense nationale est au fait des dangers liés au non-respect des principes d'ouverture, de transparence et d'équité absolues.
Réaliser des économies à l'échelle de la fonction publique est le deuxième argument militant en faveur du rôle de TPSGC en tant qu'organisme de services communs. Dans le cas présent toutefois, il est clair que nous nous limitons au matériel et aux services de défense, qui n'offrent aucun potentiel d'économies pour les autres ministères.
Les délais dans le processus d'approvisionnement découlent principalement de trois sources : le délai d'attente avant d'obtenir l'approbation du gouvernement, le temps excessif que mettent les militaires à élaborer un énoncé de besoins définitif, ainsi que le chevauchement et le dédoublement des responsabilités entre le ministère de la Défense et TPSGC. Par conséquent, AMC ayant l'entière responsabilité en la matière, on est en droit d'attendre de cet organisme des rapports périodiques sur le rendement, y compris de l'information concernant les causes des retards.
Enfin, mon plaidoyer en faveur D'AMC ne se veut nullement une critique à l'endroit des responsables de l'approvisionnement militaire à TPSGC et au ministère de la Défense nationale. Au contraire, je peux témoigner personnellement de leur intelligence, de leur dynamisme, de leur engagement et de leur intégrité. Ils accomplissent un travail remarquable en fonction du cadre de gouvernance existant. Imaginez ce qu'ils seront en mesure d'accomplir une fois les contraintes abolies.
Pour terminer, monsieur le président et membres du Comité, je ne doute pas qu'en appliquant l'ensemble des recommandations exposées dans le livre, on viendra à bout des faiblesses du processus d'approvisionnement militaire canadien et l'on pourra en tirer le meilleur qui soit pour aujourd'hui comme pour demain. Notre personnel militaire ne mérite pas moins.
Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Monsieur Williams, je pense ne pas me tromper en disant qu'un des facteurs les plus importants de la politique d'acquisition est l'imputabilité. On a l'impression, et ce n'est pas une question partisane étant donné qu'on a vécu la même chose quand le gouvernement était libéral, qu'il y a une joute de ping-pong entre les ministères. Je suis par conséquent en faveur de cette agence.
J'aimerais aborder de façon plus spécifique ce que vous avez vécu. Vous parlez de l'actuelle ingérence politique. Quand il a fait son discours il y a quelques années, le général Hillier s'est défini comme un homme de décision. Il a dit que ce n'était pas à lui de suivre 15 000 pages de critères, qu'il définissait quatre ou six principes et décidait quels avions, hélicoptères et tout le reste il voulait obtenir.
On a le sentiment, quand on fait
[Traduction]
ce que nous appelons l'énoncé des besoins opérationnels, ou EBO.
[Français]
qu'à la Défense nationale, on s'organise pour avoir ce qu'on veut.
Comment peut-on parler d'intégrité du processus si on a vraiment le sentiment que les dés sont pipés d'avance? Comment peut-on parler de concurrence quand on sait, relativement aux conditions, que la politique consiste en réalité à faire ce qu'on appelle en anglais to draw lines in the sand?
J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur la question de l'ingérence politique. Comment peut-on prévenir ce genre de chose?
Voici ce qui sera peut-être ma dernière question.
[Traduction]
Nous parlons beaucoup d'achat sur papier et que rien ne vaut le fait de sortir des sentiers battus. Feriez-vous par exemple une distinction entre sortir des sentiers battus et l'avion sur papier? Je crois que c'est toujours édifiant de toute façon.
Si nous voulons une véritable concurrence, plutôt que de modifier les exigences, nous devrions respecter le plan et, comme dans le cas des C-17, que deux sociétés se fassent concurrence et que la meilleure l'emporte.
Qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à nos amis. Je vais commencer par expliquer pourquoi le Bloc québécois a vraiment insisté pour qu'une étude de ce genre soit réalisée.
Le gouvernement va se porter acquéreur d'équipement d'une valeur totale d'environ 20 milliards de dollars. Le fait que les parlementaires, en l'occurrence ceux du Comité de la défense nationale, soient tenus complètement en dehors de cela a toujours été pour moi un grand mystère. Ce n'est pas une situation facile pour les parlementaires. On fait face à des fonctionnaires et à des généraux qui sont en fonction depuis environ 30 ans. On essaie de voir comment se passent les choses, mais on a l'impression que tout ça est entouré d'un genre de culture du secret. Ces gens forment un groupe. Ils préparent des choses, et plus les parlementaires en sont loin, mieux c'est. C'est pourquoi je tenais beaucoup à ce que cette étude soit effectuée. La culture du secret s'applique à tous ceux qui viennent témoigner devant nous.
Monsieur Williams, vous êtes un homme transformé. Je me souviens de vous avoir interrogé lorsque vous étiez en fonction. Vous n'aviez pas la même attitude. Comme je vous l'ai dit, la culture du secret entoure tout cela. Il faut la vaincre. Nous, les parlementaires, avons le grand avantage d'être ceux en qui les contribuables ont confiance pour ce qui est de s'assurer que leurs impôts et leurs taxes sont dépensés adéquatement.
Par ailleurs, monsieur Bland, vous admettez qu'on a négligé les Forces canadiennes au cours des années. Par contre, on ne peut pas bâtir une armée simplement parce qu'on décide de le faire. Il faut qu'une politique de la défense soit adoptée. Les libéraux l'ont fait en 2005, et les conservateurs ont dit par la suite qu'ils allaient probablement continuer dans la même veine. On se demande maintenant de quoi doit être faite cette politique, et on attend tous impatiemment le Plan de capacités de défense, qui ne vient pas. On est en train d'acheter de l'équipement pour une valeur de 20 milliards de dollars, mais on ne sait pas si c'est justifiable dans le cadre d'une nouvelle politique de la défense.
Nous allons essayer de conclure notre étude en nous demandant quelle est la meilleure solution. Vous nous suggérez des pistes, monsieur Williams. Vous avez parlé du rôle prioritaire du ministère de la Défense et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Pour le moment, le processus est très fractionné. Quand on pose une question à un ministre, il nous dit de la poser à l'autre ministre la semaine suivante, étant donné que ce n'est pas de son ressort. Quand on pose la question à l'autre ministre, il nous dit qu'on aurait dû la poser à l'autre ministre la semaine précédente. On est dans une assez mauvaise posture.
J'aimerais que vous nous parliez plus en détail des retombées industrielles. C'est très important pour nous. Vous savez sans doute que le débat fait rage à ce sujet. Le Bloc québécois présente une motion à la Chambre aujourd'hui. Je pense que le ministère de l'Industrie a un rôle à jouer. Vous n'en parlez pas dans le cadre d'Approvisionnement militaire Canada, mais j'imagine que vous voudriez quand même que ces gens complètent le travail des deux premiers et s'assurent que les retombées sont bien réparties.
J'ai soulevé plusieurs questions; je vais donc vous céder la parole. Je suis impatient d'entendre vos réponses.
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Merci, M. le président.
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui. Heureuse de vous revoir, M. Bland. Quant à vous, M. Williams, je n'étais pas ici lorsque vous occupiez vos anciennes fonctions, mais je vous souhaite aussi la bienvenue.
J'ai été très surprise, comme d'autres l'ont déjà dit pendant ces audiences après avoir écouté les divers ministres et fonctionnaires, qu'aucune personnalité politique, aucun ministre, ne puisse être au bout du compte tenu responsable de décisions et n'ait à rendre de comptes. Comme un membre du comité a dit, on pose une question à un ministre -- j'ai posé une question à un ministre au sujet de son domaine de responsabilité, et il m'a répondu « Ce n'est pas moi, vous devriez demander à l'autre ministre ». Comme je ne suis pas membre de ce comité depuis longtemps, j'ai été très surprise par cette façon dont on se renvoie la balle et par le fait qu'il n'y a jamais qui que ce soit de responsable.
J'aimerais savoir pourquoi vous avez choisi le ministre de la Défense nationale après avoir travaillé à TPSGC.
Mon autre question porte sur le processus d'approvisionnement. Vous avez fait partie de ce processus, mais vous en êtes sorti depuis plusieurs mois maintenant. Quelle est votre opinion sur les décisions qui ont été prises au sujet des C-17 et sur l'intention d'aller maintenant de l'avant au sujet des Hercules C-130J?
J'ai trois ou quatre questions et j'espère que vous aurez tous deux le temps d'y répondre.
Le gouvernement a maintenant un plan prévoyant 17 milliards de dollars en approvisionnement militaire. Vous avez émis des recommandations senties au sujet du processus d'approvisionnement. Compte tenu du fait que M. Bland et d'autres ont dit que le besoin est criant, pensez-vous que ces achats devraient être retenus pendant qu'on procède à une réforme du processus, ou que tout ce qui est déjà enclenché devrait suivre son cours?
Comme je viens de la Colombie-Britannique, je suis aussi très intéressée par le dossier des avions de recherche et de sauvetage en raison de la nature complexe des opérations de sauvetage, avec l'océan, les montagnes et tout cela. Je crois qu'il y a beaucoup de retard dans ce dossier et je me demande ce que vous en pensez.
Finalement, je suis d'accord avec la personne qui a dit que les députés devraient obtenir les énoncés de position des témoins avant le jour de la réunion, car c'est un sentiment très étrange que de vouloir tenir des discussions et des débats informés à un comité sans savoir de quoi les témoins vont parler. Quand j'étais députée, au début des années 1990, nous obtenions ces énoncés à l'avance. Nous pouvions ainsi nous préparer et poser des questions mieux informées.
Ma dernière remarque porte sur l'accord sur le commerce international, qui je crois découle des décisions prises au sujet des CF-18. Dans ce dossier, il a été nié par la prise de décision que les questions de sécurité nationale prévalent. J'aimerais aussi avoir vos commentaires à ce sujet.
Merci.
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Je vais répondre à vos questions dans le désordre.
D'abord, en ce qui concerne les comptes-rendus, mon propos va plus loin encore. Je ne pense pas nécessairement à ma déclaration préliminaire ou à celle de Doug. Compte tenu de vos ressources limitées, je m'attendrais à ce qu'un de vos recherchistes pose des questions aux témoins longtemps à l'avance, qu'il sonde leurs opinions et qu'il ramène ses résultats au comité afin que vous puissiez vous appuyer sur des données substantielles pour... il ne s'agit pas simplement des déclarations préliminaires. Cela va plus loin. C'est mon premier point.
En ce qui concerne le ministre de la Défense nationale, dans le livre j'ai présenté cinq différents... L'agence elle-même, Approvisionnement militaire Canada, peut faire rapport au ministre de la Défense nationale, au ministre des Travaux publics ou à un troisième ministre, et des options administratives sont associées à cela. J'ai choisi ce ministre pour la raison dont je n'ai cessé de parler : je crois qu'il est important qu'un ministre rende des comptes. Le ministre responsable de l'énoncé de besoins serait le ministre de la Défense nationale, sinon il y a division.
Il y a aussi la question des ressources humaines, car bon nombre des membres du personnel sont des militaires, ce qui, franchement, facilite beaucoup la gestion des ressources humaines et le déplacement sans heurt des gens au sein de l'organisation et des forces armées. Cela rejoint en quelque sorte les propos de M. Bachand. Dans le livre, je note que le sous-ministre et moi-même pensions à un moment donné avoir une entente avec Travaux publics pour essayer cette approche, mais c'est tombé à l'eau. On finit par se demander combien de fois il faudra se frapper la tête contre les murs pour qu'il se passe quelque chose.
Sous la présidence de Pat O'Brien, ce comité avait aussi recommandé que cela fasse l'objet d'une étude, mais le gouvernement a refusé. Faisant partie du système, une fois que le gouvernement prend une décision, je serais mal vu de m'y opposer.
Beaucoup de demandes d'approvisionnement sont en traitement. Loin de moi l'idée de vouloir les retarder. Elles méritent des discussions et des débats appropriés, et je crois qu'il est bon que nous fassions les choses comme il faut. Comme je l'ai dit plus tôt, cela n'est pas nécessairement synonyme de longs délais. Les plus longs délais sont liés à l'obtention de l'approbation. Il faut bien admettre que si le gouvernement déclare vouloir acheter des hélicoptères de transport tactique, de transport stratégique et de transport de charges lourdes, c'est super. Cela élimine un gros obstacle. Une fois la décision prise, entrons rapidement par la grande porte plutôt que de tenter de passer par une porte arrière. Selon moi, cela prendrait plus de temps, et il ne faut rien retarder.
Quant aux avions de recherche et de sauvetage, il s'agit là d'un dossier intéressant, car vous vous souviendrez peut-être qu'en 2004, de 1 à 1,3 milliard de dollars avaient été prévus dans le budget de la Défense pour leur achat, en pensant que c'était là quelque chose qui pouvait être réglé rapidement. Trois années ont passé, et rien n'a encore été fait. C'est en grande partie dû au fait que, dans l'élaboration des exigences, il m'a semblé qu'il y avait une tendance à vouloir favoriser un avion plutôt qu'un autre. Ce projet n'est pas allé de l'avant en grande partie parce que certaines personnes, dont moi, étaient d'avis que c'était mal faire les choses.
Un exemple. Dans les exigences, on peut indiquer des choses qui semblent logiques : l'avion doit pouvoir atteindre une certaine vitesse, disons 273 noeuds. Mais quand on y pense, cela n'a aucun sens, car ce qui importe ce n'est pas la vitesse qu'il peut atteindre, mais combien de temps il met à se rendre à destination. Il y a une différence. Si vous basez vos avions à divers endroits au pays, vous n'aurez peut-être pas à aller aussi vite pour vous rendre à destination dans les délais prescrits.
Les gens ici ont parlé de l'importance d'indiquer les choses en termes de performance. Cela signifie indiquer ce que l'avion doit faire, et non ce qu'il doit être. Il doit pouvoir servir à sauver des vies dans une certaine période de temps, et non pouvoir voler à une vitesse prédéterminée. Une partie de la solution réside dans le fait de parvenir à changer cette mentalité fondée sur les caractéristiques techniques pour une fondée sur la performance.
Je vois que le président me fait signe.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du travail que nous avons réalisé pour vérifier les approvisionnements au ministère de la Défense nationale. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Hugh McRoberts, vérificateur général adjoint, et de Mme Wendy Loschiuk, directrice principale chargée des vérifications visant le ministère de la Défense.
Tout d'abord, je voudrais vous dire que mon bureau est très heureux que le comité étudie le processus des approvisionnements dans le domaine de la défense, et j'espère pouvoir vous aider dans ce travail. Cependant, ma contribution à certains aspects de la discussion pourrait être de portée limitée. C'est avec plaisir que je peux parler des constatations des rapports de vérification que nous avons présentés au Parlement, mais je ne peux faire d'observations sur des sujets que nous n'avons pas vérifiés, par exemple, l'acquisition des avions de transport stratégique C-17 ou les sous-marins de classe Victoria.
Quelles que soient les vérifications que nous planifions, le risque et l'importance relative sont deux éléments clés dont nous tenons compte. Dans le cas de la Défense nationale, les préoccupations que nous avions soulevées dans le passé et l'importance des dépenses prévues pour l'achat de nouvel équipement ont naturellement attiré notre attention. J'espère avoir l'occasion de revenir discuter plus à fond avec votre comité des vérifications que nous effectuerons plus tard.
Le comité étudie le fonctionnement du processus d'approvisionnement et les mesures qui pourraient être prises pour le rendre plus efficace. J'ai déclaré dans le passé, et je continue de le croire, que la solution n'est pas d'ajouter des règles et des procédures. Le système actuel, à condition qu'il soit respecté, peut assurer la transparence, l'équité et la reddition de comptes nécessaires pour permettre au ministère de la Défense nationale d'obtenir l'équipement dont il a besoin et d'en avoir pour son argent. Mais pour que ce système fonctionne efficacement, la direction doit faire preuve d'un jugement sûr afin de garantir une surveillance et une supervision rigoureuses, et prendre les mesures qui s'imposent si les choses commencent à mal tourner.
[Français]
Quand nous avons fait rapport sur la passation de marchés dans le domaine de la défense, comme vous le savez, j'ai rarement exprimé de l'inquiétude au sujet de l'équité ou de la transparence du processus. Notre récente vérification sur la réinstallation des membres des Forces canadiennes, de la GRC et de la fonction publique fédérale a soulevé ce genre de préoccupations, et le gouvernement s'emploie à régler ces problèmes.
J'ai constaté en fait que le cycle des approvisionnements au ministère de la Défense semble plutôt souffrir de sa propre lourdeur. Le processus est parfois lourd, et les niveaux d'examen et d'approbation sont multiples. Certains d'entre eux ne semblent pas, du moins en apparence, aider la prise de décisions. Par exemple, nous avons constaté que des retards dans l'obtention des approbations pour les simulateurs de vol avaient ralenti l'un des projets lancés dans le cadre du programme de modernisation des avions CF-18.
Le ministère de la Défense cherche à mettre très rapidement en service de nouvelles plateformes, beaucoup plus rapidement qu'il n'est parvenu à le faire par le passé. Néanmoins, les règles du gouvernement obligent le ministère à suivre un processus d'appel d'offres équitable et ouvert, et à sélectionner des entrepreneurs de manière transparente. Il faut du temps pour respecter les règles, et le ministère ne peut pas sauter d'étapes pour arriver plus rapidement à ses fins. La haute direction de tous les ministères concernés par l'approvisionnement dans le domaine de la défense doit être tenue responsable du respect du processus et doit pouvoir démontrer que toutes les mesures ont été prises pour garantir l'optimisation des ressources.
Étant donné l'évolution rapide des technologies et la rapidité avec laquelle le ministère de la Défense veut mettre en service de nouvelles plateformes, il est certain que le processus doit être plus rapide et plus efficace. Je suis heureuse de constater que le ministère de la Défense s'emploie à réduire le temps nécessaire aux approvisionnements et à améliorer la gestion de projets. Le ministère veut mettre davantage l'accent sur la capacité qu'il souhaite acquérir grâce à ces plateformes et laisser aux soumissionnaires le soin de concevoir les solutions à présenter.
[Traduction]
Nos vérifications ont mis en lumière quatre principaux aspects à améliorer en ce qui concerne la gestion des approvisionnements dans le domaine de la défense. Les besoins doivent être mieux définis et doivent être clairement liés à des priorités et des objectifs de défense bien établis. La surveillance générale des projets doit être améliorée. Les risques doivent être mieux cernés et gérés, et enfin les analyses des divers scénarios possibles et les dossiers à l'appui de ces scénarios doivent être de meilleure qualité.
Nous avons également fait part de nos inquiétudes au sujet de l'absence d'un personnel compétent et expérimenté pour gérer de nombreux grands projets d'acquisition. Nous avions soulevé cette question dans le cadre de notre vérification du projet de modernisation des avions de chasse CF-18. La réduction des effectifs du ministère de la Défense dans le passé et les départs à la retraite d'employés qualifiés ont créé une pénurie de gestionnaires qui possèdent les compétences nécessaires pour gérer un grand projet, compétences qui sont acquises grâce à des années d'expérience dans le domaine de la passation des marchés et des approvisionnements.
Plusieurs marchés d'approvisionnement dans le domaine de la défense comprennent un contrat de service à long terme pour l'entretien et le soutien. Nous avons vérifié un contrat de service à long terme, le programme Entraînement en vol de l'OTAN au Canada, aux termes duquel l'entrepreneur fournit des services d'entraînement aux pilotes militaires. Le fait de s'associer au secteur privé ne décharge pas la Défense nationale de son obligation de rendre des comptes et d'obtenir les résultats voulus; le ministère doit tenir ses partenaires du secteur privé responsables du niveau de service fourni. Nous avons constaté que cela n'est pas toujours facile et qu'il faut que le rendement attendu et les indicateurs pour le mesurer soient communiqués clairement dès le début. Et quand le rendement n'est pas la hauteur des attentes, le gouvernement doit prévoir des moyens pour être dédommagé.
Dans le passé, nous avons recommandé que la Défense nationale revoie la manière dont elle s'y prenait pour conclure des ententes avec le secteur privé. Le ministère de la Défense a pris des mesures pour améliorer ses ententes de service à long terme en définissant mieux le rendement attendu, en tenant les entrepreneurs responsables et en prévoyant une certaine souplesse. Ainsi, lorsque ses besoins changent, le ministère peut éviter de dépenser sans obtenir de services en contrepartie.
[Français]
Monsieur le président, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de discuter de nos constatations relativement aux acquisitions dans le domaine de la défense. Je suis convaincue que les vérifications que nous avons réalisées au cours des quelque 10 dernières années ont contribué à l'amélioration des pratiques d'approvisionnement au gouvernement et ainsi à une meilleure intendance des fonds publics. Nous continuerons à surveiller la fonction d'approvisionnement et à en faire rapport.
Ainsi se termine ma déclaration d'ouverture. Il nous fera plaisir de répondre aux questions des membres du comité. Merci.