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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 juin 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à notre sixième séance en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement. Le comité traite d'une motion visant à étudier les Forces canadiennes en Afghanistan.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins, M. Boivin et M. Massie.
    Vous aurez l'occasion de présenter vos exposés, puis nous aurons un ou deux tours de questions, selon ce que souhaitent les membres du comité. Vous avez de 10 à 15 minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions, et j'espère que nous aurons des échanges enrichissants.
    Monsieur Boivin, souhaitez-vous commencer?
    Allez-y, vous avez la parole.
    Je m'appelle Marc André Boivin. Je travaille pour un groupe de recherche qui s'appelle le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, basé à l'Université de Montréal.
    Mon exposé se fera en deux parties, tout d'abord je ferai un état de la situation, puis je terminerai avec des recommandations générales sur la politique canadienne en Afghanistan.
    Permettez-moi de commencer avec l'état de la situation.

[Français]

    Dès la chute du régime taliban à la fin de 2001, la communauté internationale a engagé un processus de stabilisation et de reconstruction en Afghanistan inscrit dans le long terme. Depuis, nombre de jalons ont été posés. Une véritable course à la gouvernance a été entamée entre ce projet politique cautionné par la communauté internationale et les forces afghanes qui ont présidé à la dislocation du pays pendant plus de deux décennies. L'évolution récente donne malheureusement à penser que la communauté internationale est en train de perdre cette course à la gouvernance.
    Parlons des difficultés. Le Canada a été parmi les premiers partenaires et les partenaires les plus fiables du nouveau gouvernement afghan, et l'Afghanistan occupe une part enviable de sa politique étrangère. Il convient aujourd'hui de bien comprendre les difficultés se dressant devant le processus de stabilisation et de reconstruction en cours et de bien situer l'impact possible des actions canadiennes dans ce cadre.
    La première difficulté est la résurgence des éléments extrémistes, le retour en force des talibans et autres éléments qui s'opposent à l'affirmation de l'autorité du gouvernement de Kaboul. La hausse spectaculaire des violences, notamment dans le secteur sud où les soldats canadiens ont été redéployés, est aussi le symptôme d'une perte de contrôle du gouvernement central de régions entières. Un rapport publié récemment par le Conseil de Senlis de Londres affirme, suite à une étude de terrain dans les régions de Helmand, Kandahar et Nangarhar, que l'autorité gouvernementale ne dépasse pas les limites des principaux centres où sont déployées les troupes étrangères. Le pouvoir effectif des autorités de Kaboul en région a toujours été largement en-deçà de ses ambitions. Cependant, le problème est que l'évolution va dans le sens contraire de ces ambitions et que l'initiative appartient maintenant aux insurgés dans des régions entières, principalement dans le sud et dans l'est du pays.
    La deuxième difficulté est la croissance marquée de la production et du commerce illicite de la drogue. Le retour en force des talibans s'explique en partie par les revenus illégaux considérables engendrés par un accroissement spectaculaire de la production et du commerce illicite de la drogue. Cet accroissement touche notamment la région de Helmand et de Kandahar, où sont déployés des contingents britanniques et canadiens et où, ce qui ne doit rien au hasard, les insurgés sont parmi les mieux organisés. Une alliance naturelle s'est créée entre producteurs, trafiquants et insurgés, tous résolument opposés à l'affirmation d'un État de droit. Cette dynamique a été aggravée de façon significative par la politique d'éradication des champs de pavot favorisée, entre autres, par le gouvernement américain. Celle-ci a aliéné les populations locales en les privant de leur moyen de subsistance et offert aux talibans l'occasion de se faire valoir politiquement. De plus, les éradications ont eu tendance à toucher tout spécialement les paysans les plus pauvres, renforçant un sentiment d'injustice et d'aliénation face au pouvoir de Kaboul. Toute solution passera nécessairement par une stratégie à long terme permettant de restituer progressivement une économie licite par une combinaison de mesures ciblées de développement, d'incitatifs et de répression.
    La troisième difficulté provient des bases fragiles du gouvernement afghan. Cette approche pondérée pour la lutte à la drogue fait partie intégrante du Pacte de l'Afghanistan, lui-même inspiré par une stratégie afghane de développement national soumise par le gouvernement Karzaï. Celle-ci vise notamment à développer les capacités du gouvernement afghan pour qu'il devienne un jour autonome et responsable. À ce jour, l'essentiel de son budget est assuré par des donations internationales, ce qui est non seulement insoutenable à long terme, mais aussi contraire à l'exercice de sa souveraineté et dommageable d'un point de vue intérieur. Les efforts internationaux ont été insuffisants en ce qui a trait à la formation des services de police afghans, pires encore en ce qui concerne l'établissement d'un système judiciaire. De plus, les pays continuent de favoriser les investissements directs plutôt qu'une aide passant par le gouvernement afghan, une approche plus efficace à court terme mais qui nuit au développement des capacités administratives afghanes à long terme. Le monde prodigue à l'Afghanistan des soins intensifs plutôt que de lui fournir un remède, disent certains officiels afghans.
    La quatrième difficulté est le manque de cohérence des efforts internationaux. L'action du Canada fait partie d'efforts internationaux qui se sont montrés inconstants et disparates. Trois missions sont actives en Afghanistan: une de l'ONU affectée au développement et à la coordination de l'aide au développement, une de l'OTAN avec un mandat de maintien de la paix, et une opération de guerre américaine chargée de la chasse aux terroristes.
(1535)
    Les discussions pour fusionner les deux missions militaires, Enduring Freedom et la FIAS, se sont heurtées à des querelles entre Américains et Européens, qui ne s'entendent pas sur l'inclusion d'aspects plus offensifs dans le cadre d'une opération unifiée. Pourtant, la plupart des pays participent à la fois aux deux missions. Il faut également ajouter que l'OTAN a eu beaucoup de difficulté à convaincre ses membres de consentir à des déploiements substantiels. Les pays imposent par ailleurs des restrictions diverses qui limitent sévèrement l'action des forces sur le terrain.
    La cinquième difficulté découle de l'action trop axée sur les dimensions militaires. La sécurité a été placée au centre de l'intervention internationale en Afghanistan. Cela fait écho aux événements dramatiques qui en ont précipité l'instigation. Pourtant, les bases d'une pacification durable de l'Afghanistan passent par un développement économique et une stabilisation politique. Le Canada ne fait pas exception à cette tendance avec une présence sur le terrain essentiellement de nature militaire. Je le répète, une course à la gouvernance se joue présentement en Afghanistan. Une solution strictement militaire est contre-productive à plus long terme. J'en veux pour preuve la détérioration récente de la situation sécuritaire après cinq ans d'efforts.
    La sixième difficulté est la dimension régionale du conflit. L'Afghanistan est l'épicentre d'une région très instable. Ses deux principaux partenaires économiques, l'Iran et le Pakistan, sont aussi ses deux principales sources potentielles de problèmes politiques et militaires. Ainsi, l'Afghanistan pourrait subir les contrecoups de la confrontation actuelle entre l'Iran et les États-Unis. Plus grave encore, le Pakistan est intimement lié aux décennies de guerres civiles qui ont ravagé le pays. Les régions tribales, notamment à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, servent de zones refuges aux talibans et autres éléments extrémistes, et ont tenu un rôle non négligeable dans leur résurgence récente. La hausse des violences a eu un impact négatif direct sur les relations entre Islamabad et Kaboul. Cette situation est d'autant plus complexe qu'elle est liée à la rivalité entre le Pakistan et l'Inde. De plus, la dictature militaire pakistanaise s'appuie en partie sur les courants de pensée islamistes radicaux, ce qui limite ses capacités d'action.
(1540)

[Traduction]

    J'en arrive maintenant aux recommandations.
    Depuis le début, le Canada joue un rôle actif en Afghanistan, et le Canada devrait mener sa mission à terme. Néanmoins, nous ne devons pas sous-estimer les obstacles considérables qui entraveront notre mission. Comme je l'ai dit, la situation s'est sérieusement détériorée ces derniers mois, retardant ainsi la reconstruction de l'Afghanistan et soulevant des questions sur le processus actuel de stabilisation et de reconstruction.
    La première recommandation est la suivante: maintenir le cap tout en gardant un débat ouvert.
    L'engagement du Canada se fonde sur une exigence humanitaire et sur l'accent mis par le Canada sur les États en déroute. C'est également un geste nécessaire envers notre partenaire américain et il correspond à notre dernier énoncé de politique internationale. Cependant, l'appui des Canadiens diminue, et le gouvernement canadien se doit d'expliquer ses choix en matière de politique étrangère.
    Étant donné la situation politique actuelle, la question de la participation du Canada en Afghanistan ne peut pas relever seulement de la prérogative du Cabinet du premier ministre. Toute tentative de maintenir cette situation irait à l'encontre du but recherché. Au cours du débat d'avril dernier sur l'Afghanistan, les quatre partis avaient exprimé leur soutien à la mission. Comment se peut-il que seulement trois semaines plus tard, le vote sur la prolongation de la mission ait été aussi difficile?
    Le Canada devrait prendre exemple sur d'autres démocraties, notamment européennes, et débattre de la prolongation de ses principaux déploiements internationaux au Parlement et voter sur ces questions à l'avance et régulièrement. Certes, cette approche peut mener à des incohérences, mais le Cabinet du premier ministre n'est pas à l'abri de cela non plus. De plus, cela permettrait de mieux comprendre la politique étrangère du Canada, et cela rendrait les débats plus accessibles aux citoyens canadiens.
    Ma deuxième recommandation est la suivante: mettre l'accent sur les volets politique et développement de la mission.
    La résurgence des talibans dans le sud et l'est du pays peut être attribuée en partie à la nature strictement militaire de l'opération Enduring Freedom. Il aura fallu deux ans au commandement américain avant de se rendre compte qu'il fallait inclure un élément de construction de nation pour réussir. Malgré cela, les équipes provinciales de reconstruction qui ont été créées étaient composées principalement de militaires et répondaient à des considérations surtout militaires.
    Récemment, le président Karzai a critiqué certaines des méthodes musclées utilisées par les Américains et par les partenaires de la coalition, à savoir les fouilles de domicile et les bombardements aériens. Le Canada a une longue tradition en matière de stabilisation de sociétés qui sortent d'un conflit, pourtant notre engagement en Afghanistan se fait principalement à travers la Défense nationale.
    L'approche 3D préconisée dans l'énoncé de politique internationale est raisonnable. Il est temps maintenant de mettre davantage l'accent sur la diplomatie et le développement si nous souhaitons aider les Afghans à maintenir seuls la paix à long terme. Le pacte de l'Afghanistan est une occasion unique à saisir, c'est également le cas des programmes établis par le PNUD et l'ONU en général.
    L'extension de la FIAS vers le sud, à laquelle participent les Forces canadiennes, permettra probablement d'avoir une approche plus équilibrée, avec un concept de sécurité compris au sens large du terme, plutôt que de mettre l'accent sur la soi-disant guerre contre le terrorisme et la chasse aux terroristes qui est menée en son nom. Je ne dis pas ici que l'armée ne devrait pas mener des actions offensives. Simplement, elle ne devrait pas se concentrer uniquement sur ces actions, et c'est particulièrement vrai au vu de la situation critique qui domine dans la région de Kandahar.
    Pour ce qui est de la troisième série de recommandations, il faut se rendre compte que le Canada participe à un effort international. Le Canada devrait essayer d'avoir une influence positive sur ses partenaires en Afghanistan. Le Canada devrait faire remarquer aux États-Unis que la mission en Afghanistan n'a pas encore été menée à terme et qu'ils ne devraient pas se détourner de leurs responsabilités à cause de l'Irak.
    Ces questions d'engagement s'appliquent également à nos partenaires européens qui, lorsqu'ils envoient des troupes, le font assorti de conditions très strictes. De plus, le Canada se trouve dans une position idéale pour être le médiateur entre les Européens et les Américains, et encourager une entente qui permettrait d'unifier les deux missions militaires en Afghanistan. Les États-Unis sont probablement conscients maintenant des avantages d'une mission multilatérale plus légitime de l'OTAN sous l'égide de laquelle ils pourraient opérer, même si leur marge de manoeuvre est plus restreinte.
    Enfin, il faut tenir compte de la géopolitique de la région. L'Afghanistan est entouré de puissances régionales qui ont des intérêts directs dans ce pays. On ne pourra maintenir la paix sans leur consentement et leur appui. L'acteur le plus important de la région est sans aucun doute le Pakistan. Le Canada devrait surveiller de près les actions et les inactions du gouvernement pakistanais. Les questions de démocratisation et de décentralisation, le Cachemire et le militantisme islamiste auront une incidence directe sur l'Afghanistan.
(1545)
    Si nous voulons que nos efforts soient récompensés, nous devons ternir compte de ces réalités complexes et faire bon usage de nos atouts diplomatiques.
    En conclusion, le Canada ne peut pas résoudre seul tous les problèmes de l'Afghanistan, mais en déployant un contingent conséquent, en maintenant un niveau élevé d'aide au développement, et en proposant son appui politique, le Canada a mérité sa place autour de la table. Le Canada devrait profiter de cette situation afin d'encourager une approche globale à long terme visant à établir la paix en Afghanistan, seule issue acceptable.
    Merci beaucoup. Nous aurons sûrement des questions à vous poser.
    Monsieur Massie.

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Justin Massie et je suis de la Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes de l'Université du Québec à Montréal.
    Je souhaite vous entretenir aujourd'hui d'une dimension interne et politique de la question du rôle des Forces canadiennes en Afghanistan. Il s'agit de la confusion et de la division actuelles au sein de la population canadienne quant au bien-fondé, à la pertinence et à la nature de cette mission.
    Cette division apparaît persister, malgré plusieurs tentatives des députés et des médias d'expliquer la mission du Canada en Afghanistan. Ces efforts semblent vains. Les plus récents sondages, datant du 8 juin dernier, attestent que 44 p. 100 des Canadiens s’opposent à la mission. Considérés par rapport à l’opposition de 62 p. 100 et de 45 p. 100 en mars, puis de 54 p. 100 en mai dernier, ces chiffres montrent qu’une partie significative de la population canadienne réprouve l’engagement canadien en Afghanistan et ce, essentiellement depuis la prise en charge du commandement dans le sud de l'Afghanistan.
    En règle générale, une telle division ne devrait pas troubler. L’opinion publique demeure volatile, et il n’y a pas lieu de gouverner en fonction de ses humeurs. Le rôle des Forces canadiennes à l’étranger doit répondre à d’autres impératifs afin de gagner en cohérence. Il est à noter, par exemple, qu’une majorité de Canadiens s’opposaient à la participation canadienne à la guerre du Golfe en 1991, avant son déclenchement, et qu’une majorité l’approuva a posteriori.
    Mais ce qui demeure significatif et notable dans la présente situation en Afghanistan est la confusion qui règne quant à la nature et au bien-fondé de la participation canadienne, confusion qui est à la source de la division populaire que l’on constate. Je crois qu’un des critères de réussite d’une mission de cette envergure réside dans la conviction collective d’agir de manière juste et nécessaire. Pour ce faire, le gouvernement ne peut ignorer le fait qu’une frange importante des Canadiens ne comprennent pas pourquoi les Forces canadiennes sont déployées de façon aussi significative à Kandahar et ce qui justifie la mort de soldats canadiens.
    L’ambiguïté qui persiste tant chez les députés et dans les médias qu’au sein de l’opinion publique, de façon générale, est, à mon avis, le résultat d’un écart de plus en plus important entre ce qui est perçu par la population canadienne et les opérations véritablement effectuées par les Forces canadiennes.
    Entre les années 1956 et 1960, un attachement significatif s’est rapidement forgé autour du rôle de Casques bleus des Forces canadiennes, à un point tel, d’ailleurs, que le casque bleu s'est établi comme mythe davantage que comme réalité. À peine 10 p. 100 des troupes canadiennes étaient affectées aux opérations de maintien de la paix au cours de la guerre froide. C’est néanmoins de ce symbole et de cette marque de commerce qu’ont hérité les Forces canadiennes, au Canada comme à l’étranger. Le Canada est désormais inévitablement associé à l’emblématique casque bleu des Nations Unies.
    Malgré la nature évolutive des conflits dont, par exemple, l’accroissement de conflits intra-étatiques plutôt qu'interétatiques, les gouvernements canadiens ont persisté à justifier l’engagement des Forces canadiennes à l’étranger en fonction de l’image du  peacekeeper. Favorables à une telle image, les Canadiens ont développé l’idée que le Canada est un pays pacifique, promoteur de la paix. L’idée sous-jacente à cette perception, qui est dominante au sein de la population canadienne, est que la guerre est une situation aberrante et évitable et que, par la coopération et la négociation, il est possible de la prévenir.
    Au cours des années 1990, il s'est ensuivi une prolifération exponentielle du nombre d’opérations de paix autorisées par le Conseil de sécurité, une tendance de plusieurs pays occidentaux à privilégier l’OTAN à l’ONU, ainsi qu’une participation de plus en plus importante des pays en voie de développement aux opérations de paix de l’ONU. En regard de cette situation, le Canada a considérablement réduit sa contribution d’effectifs aux Nations Unies pour les concentrer dans les missions sous l’égide de l’OTAN.
    Cependant, cette évolution du rôle des Forces canadiennes n’a pas été marquée par un attachement populaire significatif autour d’un rôle particulier. De fait, devant l’évolution de la nature des opérations, les gouvernements canadiens ont justifié les interventions militaires en fonction de nouveaux concepts, dont ceux de sécurité humaine et de consolidation de la paix, qui reflètent les idéaux sous-jacents à l'image du  peacekeeper des années précédentes. Durant cette période, les Canadiens tentaient de trouver un nouveau rôle pour les Forces canadiennes respectant leur conception de la guerre.
    C'est à la suite des attentats du 11 septembre 2001, et surtout en réaction à la réponse des États-Unis en termes de politiques étrangère et de défense, que le Canada s’est vu obligé de déterminer avec plus de précision son rôle sur la scène internationale. Le nouveau contexte international ou la lutte contre le terrorisme est déterminé comme le principal, voire l'unique impératif de la politique étrangère aux États-Unis. De plus, la résurgence de nouvelles menaces transnationales imposa au Canada, d'abord de modifier le rôle traditionnel des Forces canadiennes en cours durant la guerre froide, puis de préciser l’ambiguïté régnante au cours des années 1990. Seul le premier objectif a été atteint.
(1550)
    Ce que l'on peut constater aujourd'hui, c'est que les Forces canadiennes sont résolument engagées dans la lutte contre le terrorisme aux côtés de leurs alliés traditionnels et ce, au détriment de leur ancien rôle de gardien de la paix profondément ancré dans la psyché nationale. C'est que les opérations de combat qu'implique l'engagement canadien à Kandahar, afin de contrer les insurgés, contraste drastiquement avec l'image entretenue depuis 50 ans quant au rôle des Forces canadiennes. Certes, des soldats canadiens sont affectés à des tâches humanitaires en Afghanistan. Ce rôle est d'ailleurs très médiatisé comparativement à son ampleur sur le terrain. Il reste que la tâche principale des militaires canadiens demeure celle de chasser, par la force si nécessaire, les insurgés afghans et autres.
    Afin de reconstruire efficacement l'Afghanistan, il est nécessaire d'abord de mettre en place un gouvernement légitimement élu, deuxièmement, d'assurer le contrôle et la sécurité du territoire et, troisièmement, de mettre en place les infrastructures nécessaires à un développement socioéconomique durable. Nous en sommes actuellement à la deuxième étape que l'on doit atteindre avant de passer à la troisième.
    La mission canadienne en Afghanistan, qui assure la transition de l'opération Enduring Freedom vers celle de la FIAS, agit dans le cadre de cette seconde étape. Les opérations de combat sont ainsi beaucoup plus significatives que les avancées en matière de reconstruction.
    Je crois que cette mission sous-tend une conception différente de la guerre que celle qui prédomine dans la société canadienne. Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il est nécessaire d'en prévenir l'émergence et, parfois, de le contrer par l'offensive. L'idée derrière un tel raisonnement est que l'affrontement est inévitable et, donc, que les efforts militaires sont nécessaires à l'atteinte de la paix.
     Ainsi, il en résulte une grande confusion, à l'heure actuelle, au sein de la société canadienne. Pensons au retrait des Forces canadiennes du plateau du Golan, au peu d'effectifs engagés en Haïti et au peu de troupes disponibles pour intervenir de manière significative au Darfour. Ces trois missions correspondent précisément à l'image de gardien de la paix traditionnel qu'on se fait du Canada. Étant donné l'ampleur du présent engagement à Kandahar, la situation actuelle implique d'abord une réduction significative de la capacité des Forces canadiennes d'intervenir dans d'autres missions et, deuxièmement, atteste d'une volonté de se départir du rôle d'antan pour adopter un rôle plus potentiellement dangereux et belliqueux. D'importantes conséquences politiques et militaires sont donc à prévoir, dont la difficulté à opérationnaliser de façon cohérente les exigences militaires et les nécessités humanitaires.
    L'explication de la confusion et de la division actuelles au sein de la société canadienne réside, à mon avis, dans l'écart entre la volonté politique d'établir un nouveau rôle militaire pour les Forces canadiennes, qui découle de nouveaux impératifs géostratégiques, et la perception populaire du rôle que devraient jouer les Forces canadiennes sur la scène internationale.
    Pour réduire cet écart et gagner l'appui populaire des Canadiens en faveur d'un nouveau rôle pour les Forces canadiennes, les sources des symboles et des mythes passés devront être adaptées au nouvel engagement du Canada en Afghanistan ou, encore, cet engagement devra être adapté aux valeurs et aux principes qui animent la population canadienne.
    Ce difficile mariage entre idéaux et impératifs stratégiques découle de la relation unique qu'entretient le Canada avec les États-Unis. Pour qualifier ce dilemme, l'image de l'élastique est souvent employée. Il s'agit, pour le Canada, d'étirer au maximum l'élastique de ses relations avec les États-Unis sans le rompre. D'un côté, on reconnaît l'obligation d'accepter la puissance des États-Unis et sa prédominance internationale, qu'elle soit politique, économique ou militaire, et de s'y adapter. De l'autre, il est nécessaire de préserver l'indépendance du Canada en utilisant des images et des symboles, dont celui de gardien de la paix, qui valorisent la distinction canadienne.
    Le dilemme entre le nécessaire rapprochement avec les États-Unis et le besoin d'élaborer une politique étrangère distincte peut être résolu. Il s'agit de manoeuvrer pour que la puissance américaine puisse contribuer au maximum à l'avancement et au développement des intérêts canadiens, tout en réussissant à assurer les États-Unis de la concordance de nos intérêts avec les leurs.
    Le rôle de gardien de la paix des Forces canadiennes, combiné à un engagement ferme auprès de l'OTAN durant la guerre froide, a su répondre à ce dilemme. Aujourd'hui, à l'engagement ferme dans la lutte contre le terrorisme doit correspondre une nouvelle marque de commerce proprement canadienne.
    Merci.
(1555)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer le premier tour de questions, tour de sept minutes. Monsieur Khan, c'est vous qui commencez.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de votre présence aujourd'hui.
    J'ai l'impression de m'entendre parler en vous écoutant. Je suis d'accord avec vous sur le fait que les raisons de notre engagement en Afghanistan n'ont pas été bien expliquées à la population canadienne, et même nos propres caucus ne comprennent pas très bien la situation sur le terrain.
    Ma question aujourd'hui concerne les accords de Bonn. Il a fallu du temps pour que le programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration, ou DDR, produise des résultats tangibles. Comment nous y prenons-nous pour convaincre les anciens membres et les membres actuels des milices afghanes, c'est-à-dire les anciens moudjahidines, des avantages de la politique de lutte contre les stupéfiants de la FIAS et de sa politique de stabilisation en général?
    Ma deuxième question est la suivante: À votre avis, qu'est-ce qui est à l'origine du niveau d'activité élevé des talibans et du Hizbi Islami Gulbuddin, ou HIG, dans la province du Sud?
    Ma dernière question concerne les problèmes rencontrés au cours de la phase trois des processus de quatrième génération. Est-il possible que nous ayons recours à l'avenir en Afghanistan à des compagnies militaires privées?
    L'un d'entre vous souhaite-t-il répondre, ou bien les deux?
    Monsieur Boivin, allez-y.
    Pour ce qui est du DDR et des priorités en matière de lutte contre les stupéfiants, j'ai indiqué au cours de mon exposé que le Pacte pour l'Afghanistan abordait ces questions. C'est quelque chose de véritablement essentiel, car si on veut maintenir la paix, il faut avoir une dynamique économique qui favorise l'établissement d'une solution pacifique.
    Le Pacte pour l'Afghanistan, le PNUD et la Banque mondiale ont tous mis sur pied des programmes qui sont bien plus équilibrés dans la façon dont ils éliminent graduellement l'opium. C'est-à-dire qu'on ne s'en prend pas directement à la production d'opium, mais on essaie plutôt de réduire l'importance de cette production de façon graduelle au sein de l'économie.
    Pour le paysan afghan qui cultive le pavot comme moyen de subsistance, cela veut dire que sa culture ne va pas être détruite par l'armée et les Occidentaux, et qu'il ne se retrouvera pas sans rien du jour au lendemain avec les talibans lui proposant leur protection, affirmant que c'est un gagne-pain légitime et que de toute façon c'est pour la consommation occidentale, etc.
    C'est lié à vos autres questions concernant les difficultés que connaît l'OTAN dans la phase trois. Personnellement, j'ai d'importantes réserves concernant les compagnies militaires privées, notamment pour ce qui a trait à la reddition de comptes. Il y a de nombreux problèmes en Irak à cause de cela, et je pense qu'il faut se montrer très prudent. Cela étant dit, la phase trois a été extrêmement difficile, et cela risque également d'être le cas pour la phase quatre. Comment résoudre ces problèmes? Peut-être que ces solutions seront à envisager, mais il faudra se montrer très prudents.
    Je ne suis pas certain d'avoir compris votre deuxième question à propos du niveau d'activité des talibans et des extrémistes.
(1600)
    Qu'est-ce qui est à l'origine de l'intensification des activités? Les talibans ont recours à un nouveau mode d'opération, les attentats suicides, al-Qaïda est de retour, et les activités se sont beaucoup intensifiées. Pourquoi?
    Cela est probablement dû principalement à la lutte contre les stupéfiants et à la perte de revenu qui en découle. Cependant, le Pakistan permet de façon tacite à ces activités de se développer dans certaines régions
    Je ne suis pas spécialiste du Pakistan, mais je peux vous dire que la situation est complexe. Il y a différentes régions avec des réalités différentes. Certaines des régions frontalières sont contrôlées par les islamistes, et l'armée pakistanaise essaie depuis longtemps d'éliminer ces mouvements. Ces sanctuaires ont aidé les talibans et d'autres extrémistes — comme al-Qaïda — à se regrouper, se réarmer, et se réorganiser. On a un groupe qui a un sanctuaire, des camps d'entraînement, et des fonds. À long terme, on se retrouve avec la situation actuelle.
    L'un d'entre nous s'est rendu là-bas, et je sais que le ministre de la Défense nationale s'y est rendu. Il y a de 75 000 à 80 000 troupes déployées à la frontière afghane. Vous comprenez bien qu'étant donné le terrain, il est pratiquement impossible de mettre un terme à l'infiltration. J'ai rencontré des attachés militaires des États-Unis, et ils étaient très impressionnés par ce que faisait le Pakistan. Ils m'ont dit qu'ils ne pourraient réussir sans la collaboration des commandants des deux  côtés.
    Ma question est la suivante: Les pays de l'OTAN ont-il la volonté politique et les ressources financières suffisantes pour continuer cette mission plutôt que fuir et tout abandonner?
    C'est à moi que vous posez la question?
    À vous ou à votre collègue.
    J'aimerais apporter une réponse aux questions précédentes.

[Français]

    En ce qui concerne l'opium ou la production de drogues en Afghanistan, il est effectivement important de contrer les seigneurs de la guerre et la production de drogues. Toutefois, je crois que l'impératif pour le Canada, l'OTAN ou pour la mission Enduring Freedom est d'abord d'assurer le contrôle et la sécurité du territoire, quitte à mettre progressivement de côté les seigneurs de la guerre. Autrement dit, pour assurer une certaine stabilité politique, on ne peut pas mettre de côté les personnages clés en Afghanistan qui détiennent un certain pouvoir ou qui ont une influence dans certaines régions. Il faut d'abord essayer de stabiliser la situation avec les acteurs en présence, et ensuite procéder à une démilitarisation et un désarmement progressif des personnes en place.
    La résurgence d'activités des insurgés en Afghanistan est liée à une présence plus importante de la communauté internationale dans certaines régions et, dans le cas du Canada, à sa présence à Kandahar, dans le sud du pays. Avec la médiatisation de ces événements et un accroissement des soldats de la coalition qui, d'ailleurs, augmentera progressivement au cours des mois qui suivent, on peut s'attendre à une hausse des activités.
     On doit composer avec une population qui vit dans un État en faillite, comme on dit en Afghanistan, tout en sachant que la cause du terrorisme est davantage la haine que la pauvreté. Il y a plusieurs pays dans le monde où les populations vivent dans des conditions tout à fait inhumaines, mais on n'y constate pas d'activités terroristes. Il y a manipulation idéologique de la part de certains individus, ce qui amène des gens à haïr les principes et les valeurs de plusieurs sociétés internationales.
    J'entretiens les mêmes doutes que M. Boivin à l'égard des entreprises militaires privées, à savoir qu'en raison du caractère imputable de leurs actes, leur intervention doit demeurer au niveau de l'appui logistique aux Forces canadiennes ou à toute autre force de la coalition en Afghanistan.
(1605)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présentation. Je trouve que ce que vous avez dit se rapproche grandement de la position du Bloc québécois.
    En fait, j'ai eu l'occasion de me rendre en Afghanistan il y a quelques semaines à l'invitation de l'OTAN. On nous a amenés à Kaboul, au quartier général de la Force internationale d'assistance à la sécurité et nous avons visité une équipe provinciale de reconstruction à Faizabad, dans le nord de l'Afghanistan, pour avoir une petite idée de la façon dont les troupes travaillent. Toutefois, les militaires étaient allemands. On nous a dit que les équipes provinciales de reconstruction ne vivaient pas toutes des situations semblables et qu'on ne voulait pas nous envoyer à Kandahar, notamment, parce que la situation y était très instable.
    J'ai quand même essayé de m'y rendre lorsqu'une officière canadienne a été tuée, mais on m'a dit que ce n'était pas possible. J'ai l'impression que c'était un refus poli, tout simplement.
    Pendant notre séjour là-bas, il y a eu des briefings très intéressants. J'aimerais vous entendre à ce propos, car il me semble que cela rejoint un peu vos préoccupations.
    Le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan s'appelle le général Richards. Actuellement, on a stabilisé, dit-on, le nord du pays. On est maintenant à l'ouest et on ira au sud d'ici quelque temps.
    En fait, le général Richards a dit des choses intéressantes sur les soldats canadiens. Il a dit qu'il faudrait changer un peu la formule actuelle de chasse aux talibans. Les Forces canadiennes devraient se concentrer sur la sécurité pour que la population et les gens sur le terrain constatent une avancée: plus d'écoles, plus de services de santé, plus de services d'infrastructure, comme les routes, plus d'eau potable, etc.
    J'ai l'impression, pour avoir dit la même chose à d'autres témoins, que cela doit être de la musique à vos oreilles.
    On voudrait donc que les soldats canadiens modèrent un peu leurs ardeurs. Plutôt que de faire des intrusions dans le but de déloger les talibans, ils devraient se contenter de tâcher d'établir un périmètre de sécurité pour permettre à l'ensemble des forces civiles de faire plus de reconstruction. J'aimerais entendre vos commentaires sur ce sujet.
     Mon autre question porte sur la transformation de l'agriculture. J'ai entendu deux choses et j'aimerais avoir votre avis.
    Parlons d'abord du pavot. On sait, comme l'ont souligné des gens, que le pavot sert à produire de la morphine qui est utilisée dans les hôpitaux en général, bref pour les soins de santé. On a proposé que les pays occidentaux fassent une petite place à l'Afghanistan, qu'on s'assure qu'une partie de l'approvisionnement provienne de l'Afghanistan.
    Le plus important demeure qu'il faut modifier l'agriculture et garantir aux Afghans que les pays de la Communauté économique européenne ou de l'OTAN vont acheter la nouvelle production. Il est facile de dire à un agriculteur qu'on va brûler son champ de pavot et qu'on le laisse se débrouiller tout seul. Il demandera qui va acheter les patates qu'il va produire.
    Plusieurs personnes de l'Union européenne disent qu'il faut envisager d'acheter une partie de leur production pour s'assurer que la transformation de l'agriculture soit un succès.
    Ce sont mes deux questions.
    Tout d'abord, en ce qui a trait à l'élément de la reconstruction, qui est toujours mis en opposition à celui des opérations de combat ou de chasse contre les terroristes, tant que des insurgés voudront se faire exploser contre des troupes étrangères, il demeurera difficile de construire une école ou des infrastructures de n'importe quel type. Il faut d'abord que la sécurité soit établie. En ce sens, l'appui populaire demeure un élément important. Les Forces canadiennes doivent toujours s'assurer que lorsqu'elles opèrent dans un théâtre d'opérations, la population soit davantage en faveur de leurs opérations que de celles des insurgés. Le dosage est, à mon avis, extrêmement difficile à faire et je n'ai pas de solution concrète et précise pour le soldat. Je crois que les militaires canadiens sur le terrain en savent davantage à ce sujet. Il faut toujours doser pour que la présence canadienne et les actions des Forces canadiennes soient bien perçues par la population et qu'il y ait un échange d'information, ce qui est crucial pour les Forces canadiennes. La quête de renseignements dans un tel pays est très difficile. Ce n'est pas au moyen des satellites ou d'autres technologies qu'on peut les obtenir, mais bien au moyen de discussions avec les personnes très au courant de ce qui se passe sur le terrain, dans les villages afghans. Si les Forces canadiennes peuvent se faire bien percevoir par la population en assurant la sécurité de ses villages, on leur fournira probablement davantage de renseignements et elles auront davantage de succès dans la traque des terroristes.
    En ce qui a trait à l'agriculture, j'aimerais dire qu'à mon point de vue, il serait bon d'assurer l'achat d'une partie de la production afghane. Toutefois, il faut noter que la vente de pavot rapporte des revenus beaucoup plus substantiels que la vente de patates ou d'autres denrées. Le pavot se cultive beaucoup plus facilement sur le terrain très rigoureux de l'Afghanistan. Dans cette mesure, si on assure l'achat de la production, il faudra l'acheter à un prix qui satisfasse les besoins de la population, et non au prix régulier du commerce international. Dans la situation actuelle, on peut comprendre pourquoi un père de famille afghan préfère cultiver de la graine de pavot plutôt que du blé ou autre chose.
(1610)

[Traduction]

    Il ne vous reste que 30 secondes. Souhaitez-vous faire un bref commentaire?

[Français]

    Pour ce qui est de la chasse aux terroristes par opposition à la sécurité, le général Richards commandera les troupes canadiennes à partir du 31 juillet. Je pense que cela répond à votre question. Oui, il y aura une vision plus large de la sécurité, que j'ai d'ailleurs très bien décrite dans mon mémoire.
    Maintenant, comme Justin le dit, si vous êtes dans une situation de guerre ou de quasi-guerre, il est difficile de construire des écoles le matin en sachant qu'elles seront brûlées le soir.
    Pour ce qui est de votre question sur le changement en agriculture, je n'aurai pas le temps d'y répondre parce que ma demi-minute est terminée. J'aurai d'autres occasions d'y répondre.

[Traduction]

    Très bien. Merci.
    Madame Black.
    Merci beaucoup d'être venus et d'avoir présenté vos exposés au comité. Nous vous en savons gré.
    J'ai eu l'occasion de lire vos exposés un peu plus tôt. En conclusion, vous dites que pour que les Forces canadiennes obtiennent l'appui de la population, il faut que les symboles ou les mythes soient adaptés au nouveau rôle que joue le Canada dans le cadre de l'opération Enduring Freedom en Afghanistan. L'autre solution que vous proposez, c'est d'adapter l'engagement du Canada aux valeurs et aux principes des Canadiens.
    À votre avis, quelle est la meilleure approche à adopter?

[Français]

    Je savais que cette question serait posée. À mon avis, il est difficile de choisir. Je crois malheureusement que bien des Canadiens perçoivent que la contribution du Canada en Afghanistan consiste à suivre les États-Unis. Dans ces circonstances, ce qui distingue cette contribution semble flou, voire inexistant. Il faut faire en sorte qu'elle se démarque davantage en tant que contribution proprement canadienne. Cela a toujours été une difficulté de la politique étrangère canadienne. J'ai le privilège de ne pas avoir à prendre ce genre de décision, mais je crois que la présence canadienne en Afghanistan est nécessaire. Toute idée de retrait serait, selon moi, inappropriée, qu'il s'agisse des besoins de la population locale afghane, de la sécurité internationale ou des intérêts canadiens.
    Toutefois, l'engagement canadien en Afghanistan peut être modifié. Ici, je ne parle pas nécessairement du type d'opérations effectuées, mais de la façon dont on présente les faits. D'abord, il faut présenter ces faits, plutôt que de parler uniquement d'engagement en matière de lutte au terrorisme. Il ne faut pas non plus berner la population en lui disant qu'on travaille à la reconstruction et qu'on permet aux jeunes filles d'aller à l'école.
    À l'heure actuelle, la mission canadienne consiste avant tout à assurer la sécurité ainsi que le contrôle du territoire et des opérations de combat. En ce sens, le choix de prendre le commandement de la transition entre la mission Enduring Freedom et la FIAS a été une décision politique qui, à mon avis, ne va pas dans le sens des symboles et des mythes qui ont fait la politique étrangère canadienne.
    Toutefois, le commandement d'une opération de l'OTAN, dont il est question présentement pour 2008, si mes souvenirs sont exacts, pourrait correspondre davantage à ces mythes et idéaux canadiens qui ont fait de la politique étrangère ce qu'elle est aujourd'hui. En effet, l'institution internationale qu'est l'OTAN et le type d'opérations qui risque d'être associé au commandement canadien risque davantage d'y correspondre.
(1615)

[Traduction]

    Cela m'amène à ma prochaine question. À votre avis, quels seront les changements sur le terrain lorsque nous quitterons l'opération Enduring Freedom et passerons sous un mandat de la FIAS et de l'OTAN. Quelle est sont selon vous la différence en matière d'opérations selon qu'elles relèvent du mandat de la FIAS ou du mandat de l'opération Enduring Freedom?
    Tout d'abord, il existe une différence essentielle entre les deux. J'ai été très agacé par la couverture médiatique et par certains commentaires que j'ai pu entendre au cours du débat parlementaire. Dès le début, les Forces canadiennes ont été envoyées dans le sud dans le cadre de l'étape trois de la FIAS. Il y a eu certains malentendus concernant le rôle précis de nos troupes là-bas, et on n'a pas assez mis l'accent sur le fait que cela faisait partie de l'extension de la FIAS, et non pas de l'opération Enduring Freedom. C'est la première chose.
    Deuxièmement, la FIAS a été créée par l'ONU. Elle est sous mandat onusien, appuyée par des résolutions de l'ONU. Et les Britanniques... La FIAS ne relève pas directement des Nations Unies car elle n'a pas été gérée dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l'ONU, mais les Britanniques ont assumé le commandement d'abord, puis la Turquie, et enfin c'est l'OTAN qui en a assumé le commandement. Toutefois, contrairement au Kosovo, cette mission est mandatée et appuyée par l'ONU.
    Il est important de souligner cela à la population canadienne. La FIAS, dès le départ, a principalement eu une orientation de maintien de la paix et de sécurité globale plutôt qu'une orientation « chasse aux terroristes », comme c'est le cas pour l'opération Enduring Freedom. Je ne dis pas que l'opération Enduring Freedom n'a pas son utilité. Certaines régions de l'Afghanistan abritent des éléments violents, qui ont énormément perturbé le fonctionnement de l'Afghanistan et la vie quotidienne des Afghans. Cependant, les forces de Enduring Freedom devraient plutôt être une réserve stratégique utilisée pour des actions ponctuelles plutôt que d'être au centre de l'action comme c'est le cas actuellement. Il vaut donc mieux que ce soit la FIAS qui soit au centre de l'action, et c'est ce qui va se passer.
    Je trouve rassurante l'entrevue qu'a eue M. Bachand avec le commandant Richards disant qu'il était nécessaire de percevoir le concept de sécurité de façon plus globale.
    Pour en revenir à votre observation concernant l'achat des drogues... Je m'excuse si j'ai empiété sur votre temps de parole.

[Français]

    Alain Labrousse, un spécialiste des drogues, m'a dit que les limites de ces programmes étaient atteintes et qu'il était impossible d'obtenir tout ce que l'Afghanistan produisait. Il y a donc des limites à ce dont vous parlez.

[Traduction]

    Il vous reste une minute.
    Vous nous avez dit que la production de pavot était du fait des talibans, mais n'y a-t-il pas d'autres seigneurs de guerre qui participent à cette production? Sauf erreur, il n'y a pas que les talibans. Certaines personnes du gouvernement Karzai participent également à la production de pavot.
    Cela m'amène à ma question: pouvez-vous nous parler de l'appui du citoyen afghan ordinaire — si on peut parler de citoyen ordinaire — au gouvernement Karzai actuellement. Il semblerait que cet appui soit en déclin. Cela me paraît très préoccupant pour l'avenir de l'Afghanistan. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
(1620)
    L'un d'entre vous devra faire une réponse assez brève.
    Récemment, il y a eu de graves émeutes à Kaboul à la suite d'un accident de voiture causé par des soldats américains. Je pense que cela illustre bien ce qui se passe en ce moment en Afghanistan. Au cours de mon exposé, j'ai mis l'accent sur les « éléments extrémistes », mais il n'y a pas que des éléments extrémistes. Il existe également des éléments opportunistes. Le gouvernement Karzai a été conçu de façon à inclure certaines personnes qui étaient, ou du moins étaient soupçonnées d'être, des criminels de guerre et des profiteurs de toutes sortes.
    Sauf les talibans.
    Sauf les talibans. Mais certains talibans ont rejoint le gouvernement Karzai car des offres d'amnistie ont été faites. Beaucoup de personnes dans le sud qui sont aujourd'hui responsables de villages sont des anciens talibans qui n'ont pas pris part aux pires excès du régime. La situation sur le terrain est très difficile, et de ce fait il n'y a pas de réponse facile.
    Le programme du PNUD comprend toujours un élément de reddition de comptes. En plus de l'éradication de la drogue, le gouvernement est tenu de rendre des comptes, si cela peut répondre à certaines de vos questions.
    Très bien. Merci.
    Monsieur Hawn, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus.
    J'aimerais reparler de l'évaluation du progrès, ou du manque de progrès. Vous recevez plusieurs évaluations. J'imagine que vous êtes allés voir ce qui se passait sur le terrain. Ce n'est pas mon cas. Toutefois, j'ai parlé à plusieurs personnes qui sont allées sur le terrain. Les évaluations effectuées par les personnes qui étudient la situation à partir du Canada sont différentes. Je songe notamment au chef d'état-major de la défense et à d'autres, qui estiment que nous progressons de façon marquée sur le terrain.
    Nous disons que la mission est axée presque uniquement sur le volet militaire et pas tellement sur la reconstruction. Je me demande ainsi quelle part de la mission présentée aux Canadiens est vue sous l'angle des médias.

[Français]

    Je vais commencer, mais je dois dire que je ne suis pas allé sur le terrain, en Afghanistan. Je peux cependant parler de la couverture médiatique.
    À mon avis, il est tout à fait compréhensible que les opérations de combat soient davantage médiatisées au Canada, dans la mesure où il s'agit de faits inhabituels. En ce sens, je ne peux pas blâmer les médias de mettre l'accent sur cet aspect. Par contre, on peut critiquer le fait que sur le plan politique, lorsqu'on parle de contribution, on accorde énormément d'importance à la reconstruction. Il faut faire la part des choses. En fait, l'interprétation est tout aussi ambiguë avant la couverture médiatique qu'après, que celle-ci provienne du milieu politique officiel ou d'un réseau indépendant.

[Traduction]

    En ce qui concerne l'amélioration de la situation sur le terrain, je crois qu'il y a très peu de personnes aujourd'hui — et j'ai parlé à plusieurs personnes qui revenaient tout juste d'Afghanistan — qui vous diront que la situation s'améliore. Les émeutes à Kaboul en 2006 n'avaient pas été vues depuis 2001. Il y a des signes évidents. Dimanche dernier, un article est paru dans le New York Times qui indiquait précisément que la situation sur le terrain était extrêmement difficile.
    Est-ce que cela devrait empêcher le Canada d'aller de l'avant avec cet engagement? Non. Je crois que nous avons prôné la bonne approche, en règle générale. Je crois que la prolongation de la FIAS dans le sud est une bonne chose. Ça va probablement améliorer les choses. Est-ce que la situation s'améliore aujourd'hui, en 2006? Je ne le crois pas. Je dois réitérer que je ne suis pas d'accord.
    Le chef d'état-major de la défense n'est pas du même avis.
    Nous avons dit que l'objectif ultime était de parvenir à la paix en Afghanistan. Évidemment, tous veulent un pays stable, paisible et autonome. Mais comment peut-on définir cela? Beaucoup ont dit ceci : « Quelle est notre porte de sortie? Quand allons-nous partir? Dites-moi quand. » À mon avis, on ne peut pas déterminer une date. Il faut d'abord définir un état.
    Comment peut-on donc définir la paix en Afghanistan qui nous permettrait à nous et à nos alliés de nous retirer?

[Français]

    Je dirais qu'aucune stratégie de retrait n'est prévue pour la communauté internationale dans son ensemble. Il faut voir à ce que l'expression « État failli » ne s'applique plus à l'Afghanistan, et que la situation soit rétablie.
    Pour ce qui est des Forces canadiennes, la stratégie de retrait risque d'être moins significative, dans la mesure où la contribution du Canada est fonction de ses capacités. On ne peut pas tout entreprendre. Assurer le contrôle et la sécurité de Kandahar serait pour le Canada un objectif moins considérable que le développement global de l'Afghanistan, mais ce serait réalisable. En ce sens, la prise de contrôle de la FIAS dans cette région et l'accroissement des troupes des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne, si je me m'abuse, constituent un progrès.
(1625)

[Traduction]

    Grâce à nos diverses expériences des années 90, Justin a mentionné que, en règle générale, le maintien de la paix a évolué. Il existe trois facteurs principaux dans toutes opérations de maintien de la paix, soit les forces armées, les civils et la force policière.
    Nous avons vu dans les conflits en Bosnie et en Afrique que cela prend environ 10 ans. Si je ne me trompe, Hillier lui-même, ancien commandant de la FIAS, a dit qu'il fallait s'attendre à environ 10 ans.
    Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Quand les troupes arrivent, elles se trouvent en pleine guerre interne, très intense. Les forces armées sont très importantes, elles prennent presque toute la place. Au fur et à mesure que les choses changent, il y a de moins en moins d'attaques... Qu'est-ce que ça veut dire? En ce moment, à Kandahar, les avant-postes sont attaqués par des centaines de personnes armées, ce qui veut dire que l'ennemi est bien organisé en Afghanistan. Si la violence est réduite à des attaques kamikazes occasionnelles et à des assassinats ciblés occasionnels, à ce moment-là vous pouvez dire que la violence est en baisse, et que l'ennemi n'est plus en mesure d'organiser des unités aussi importantes qu'auparavant.
    Au début, la plupart des responsabilités incombent aux forces armées. Ensuite les responsabilités reviennent à la police, parce que ces guerres civiles entraînent souvent des problèmes de criminalité, comme nous l'avons vu avec le problème du trafic de stupéfiants en Afghanistan. Puis, l'on donne plus de responsabilités aux civils et on passe à des stratégies de développement.
    Alors voilà la stratégie de sortie, mais si le Canada veut réellement s'impliquer en Afghanistan, il doit y rester à long terme.
    J'aimerais revenir à ce que vous disiez. Les talibans seront toujours en Afghanistan. Sera-t-il possible d'assurer une paix durable sans au moins parvenir au point où nous aurons éliminé tellement de talibans que l'armée afghane et les forces policières afghanes pourront prendre la relève et terminer le travail? Tant et aussi longtemps que l'Afghanistan existera, il y aura des problèmes. Est-ce que nous allons pouvoir parvenir à cette transition, vers les forces policières afghanes et les forces armées afghanes, sans se débarrasser des talibans?
    Soyez succinct dans votre réponse, s'il vous plaît.

[Français]

    Je crois que c'est possible, mais qu'il s'agit de gagner l'affection de la population afghane plutôt que d'éliminer les éléments talibans, ce qui est impossible, d'autant plus que ceux-ci sont motivés par la haine.
    Si la population locale réprouve leurs actions, que de façon générale, celles-ci ne suscitent pas d'appui des gens et que la population locale des insurgés se trouve sans refuge, on pourra dire qu'il s'agit d'actions isolées. La police et l'armée afghanes seront alors en mesure d'assurer cette partie du travail.

[Traduction]

    Je suis désolé, vous allez devoir reposer cette question plus tard.
    Nous allons passer au deuxième tour de table, cinq minutes. Voici l'ordre d'intervention, en commençant par l'opposition officielle, le gouvernement, le Bloc, le gouvernement, l'opposition officielle, le gouvernement, l'opposition officielle. Préparez votre question.
    Monsieur McGuire, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de vos exposés fort intéressants.
    Nous, les députés, et la presse continuons à demander au ministre de la Défense nationale si nous sommes en guerre. Est-ce que le Canada est en guerre? J'aimerais que vous répondiez à cette question. Sommes-nous en guerre? Est-ce que le Canada est dans un état de combat, de guerre, en Afghanistan?
    Qu'est-ce qui se passerait si, non seulement le Canada, mais les forces internationales aussi, quittaient l'Afghanistan avant la fin de cette guerre? Avant que le travail soit terminé? Lorsque nous nous sommes engagés dans la Première Guerre mondiale, dans la Deuxième Guerre mondiale et dans la Guerre de Corée, nous n'avions pas fixé de délai. Nous sommes restés sur le terrain jusqu'à ce que le travail soit accompli. Il y a eu des négociations de paix à la fin.
    J'aimerais connaître votre avis sur cette question. Existe-t-il une guerre dans le sens traditionnel du terme? Qu'est-ce qui se passerait si les forces internationales quittaient l'Afghanistan avant de résoudre ce problème?
(1630)
    C'est une question difficile.
    Je ne pense pas qu'on puisse clairement trancher entre la guerre et la paix. Il s'agit d'un continuum. À un moment donné, vous êtes plus en guerre, à un autre, plus en paix.
    Est-ce que le Canada se trouve en guerre à l'échelle qu'il l'était en Corée? Je ne crois pas. Mais il y a de toute évidence certaines choses qui se passent en Afghanistan que l'on peut qualifier de guerre.
    Le Pakistan a joué un rôle fort important et crucial dans beaucoup des problèmes des dernières décennies. Je ne crois pas que l'Afghanistan va se livrer une guerre intestine, ou livrer une guerre au Pakistan ou à ses voisins éternellement. Je crois qu'on va pouvoir conclure une entente, mais cette situation est fort complexe, très difficile.
    Est-ce que le Canada est en guerre dans l'ensemble? Non, mais nous nous rapprochons de l'état de guerre en ce qui concerne le continuum.
    Si les Forces canadiennes quittent l'Afghanistan, qu'est-ce qui se passera? Je ne crois pas que le gouvernement afghan soit prêt à être autonome tout de suite. Voici un exemple pour illustrer cette réalité: environ 58 p. 100 du budget du gouvernement de l'Afghanistan provient de bailleurs de fonds étrangers. Si vous réduisez votre revenu de 58 p. 100, et si vous enlevez les troupes étrangères, ce sera la guerre civile en Afghanistan. À long terme, certains problèmes vont se répercuter dans la région et vraisemblablement dans le reste du monde.
    Il vous reste encore quelques minutes, Joe.
    Connaissez-vous l'attitude de l'Angleterre en ce qui concerne cette force internationale en Afghanistan? Ils sont en Irak, mais ils se sont également engagés à participer à la force internationale en Afghanistan. Quel est le débat en Angleterre sur leur engagement à fournir des troupes? Je crois qu'ils savent très bien ce qui se passe si on ne confronte pas la tyrannie le plus rapidement possible. Les choses peuvent rapidement devenir incontrôlables. Les Britanniques ont vécu deux guerres mondiales pour ces raisons, surtout en ce qui concerne la Deuxième Guerre mondiale.
    Quelle est donc leur attitude? Quelle est l'attitude des Britanniques par rapport à leur intervention en Afghanistan?
    Je sais bien quelle est l'approche de l'armée britannique. Je pense que le général Richards a bien décrit l'enjeu.
    Bien sûr, les Britanniques ont été victimes d'attaques dévastatrices il n'y a pas si longtemps, néanmoins je pense qu'il n'est pas nécessairement juste de comparer ce qui se passe en ce moment en Afghanistan à la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est pas aussi simple. Les terroristes, ce ne sont pas des États, et il faut absolument faire cette distinction. Les terroristes ont recours à la terreur...
    Contrôlent-ils l'Afghanistan?
    Les terroristes ne contrôlent pas l'Afghanistan à ce jour.
    Les talibans contrôlent l'Afghanistan. Ne sont-ils pas considérés comme des terroristes?
    Les Talibans ne contrôlent pas l'Afghanistan.
    Ils terrorisent leurs compatriotes.
    Je pense qu'il faut faire la différence entre les talibans et al-Qaïda. Les talibans permettent à al-Qaïda de s'entraîner et de s'organiser. Il est vrai qu'ils ont permis aux terroristes de se rapprocher d'une structure étatique. Cela dit, il y a une grande différence entre des guerres étatiques, étant donné les ressources et le type d'engagement... C'est très différent.
    Merci.
    Madame Gallant.
    Merci monsieur le président. Je souhaite également remercier les témoins.
    Vous avez indiqué qu'il y avait un décalage entre les opérations canadiennes en Afghanistan et la perception des Canadiens de ces opérations en Afghanistan. Avez-vous des recommandations à faire pour permettre aux Canadiens de mieux comprendre la mission actuelle?
(1635)

[Français]

    C'est un expert en communication qui pourrait faire des recommandations précises à cet égard. À mon avis, c'est à ce niveau que se situe l'enjeu. Si la décision politique est effectivement d'engager le Canada dans une opération telle que celle sous l'égide de  Enduring Freedom  à Kandahar, qui va à l'encontre de la position traditionnelle ou des types d'engagement traditionnels, la question est de savoir si on veut que la population adopte ce nouveau rôle. Veut-on que les Forces canadiennes jouent un tel rôle à long terme et que la population canadienne s'y attache, ou est-ce un rôle momentané? Si c'est le cas, un engagement à long terme amènera le Canada à jouer un rôle traditionnel, et on n'aura plus à justifier la présence des Forces canadiennes sur les théâtres d'opérations de combat plutôt que son engagement dans les efforts de reconstruction.
    Je n'ai aucune recommandation précise quant à la façon de présenter aux Canadiens ce rôle, sinon celle d'utiliser les symboles de l'attachement canadien aux idéaux de droits de la personne et de démocratie, si on veut avoir leur appui pendant une courte période.

[Traduction]

    Allez-y.
    L'une de mes recommandations serait d'ouvrir le débat au Parlement. J'ai trouvé très positif le fait que le Parlement ait débattu de ces questions en avril dernier. Cela a permis à la population canadienne de prendre connaissance des questions relatives à notre politique en Afghanistan. Je pense que c'était une bonne chose. Cela ne devrait pas rester un événement isolé. C'est un bon exemple de la façon dont le gouvernement peut présenter et expliquer sa politique en Afghanistan, et en débattre avec les autres députés.
    Vous ne vous êtes pas rendus en Afghanistan, ni l'un ni l'autre. D'où proviennent vos renseignements? Nous avons parlé du fait que l'information reçue par le public provient principalement des médias qui, comme vous l'avez dit, se concentrent principalement sur les événements percutants, que ce soit pour vendre plus de journaux ou attirer des téléspectateurs. Ce que me disent les civils sur les terrains et les soldats eux-mêmes, c'est qu'ils sont accueillis à bras ouverts par les Afghans, les Afghans non combattants, et que les soldats s'attachent à créer des liens de confiance avec les aînés des villages. Dès qu'ils le peuvent, ils vont prendre le thé et prendre part à tout le rituel qui l'entoure.
    Quelles sont vos sources d'information concernant notre participation là-bas? Vous avez dit à plusieurs reprises que nous étions passés d'une mission d'opération de maintien de la paix à une mission d'opération de combat. Certes, la région de Kandahar est moins stable à cause de la présence d'insurgés. Mais nos soldats ne s'adaptent-ils pas tout simplement aux changements qu'ils rencontrent dans le théâtre d'opération, plutôt que de changer leur rôle à titre de soldats?

[Français]

    Je suis d'accord sur le fait que la nature des conflits a changé et que les Forces canadiennes s'y adaptent. L'information sur laquelle je me base pour dire ce que je dis reflète l'information que possède la population canadienne. Je constate une incompréhension, et celle-ci se constate également dans les médias et dans le type de couverture qu'on y fait. Si on nous dit que tout va bien sur le terrain, pourquoi ne le sait-on pas?
    Je tiens également mon information personnelle d'autres personnes qui sont allées sur le terrain et que j'ai rencontrées. Je n'ai pas personnellement eu d'échos d'une situation progressivement meilleure au cours des derniers mois. En tant que citoyen, je demande qu'on me donne cette information afin d'avoir une meilleure compréhension de ce que font les Forces canadiennes en Afghanistan.

[Traduction]

    Votre temps de parole est pratiquement écoulé.
    M. Bouchard, puis ce sera au tour du parti ministériel.
(1640)

[Français]

    Merci de vos présentations. Vous nous faites voir les choses de façon différente.
    Ma question s'adresse à M. Boivin. La situation ne s'améliore pas, même si on est là depuis cinq ans. On observe une hausse de la violence, une croissance illicite du commerce de la drogue et le gouvernement a perdu le contrôle de la situation. Ensuite, des mesures correctives, si mesures il y a, seront prises à long terme. Selon quels critères le Canada pourrait-il mesurer les progrès accomplis en Afghanistan et en fonction de quel échéancier?
    On a constaté une hausse de la violence, mais uniquement dans certaines régions. Le bilan n'est pas totalement négatif. Il est contrasté. On a fait des avancées non négligeables. Un gouvernement a été élu, dont certains éléments posent problème, mais globalement, il s'agit d'un processus légitime et reconnu par les différentes institutions internationales. Bien sûr, on peut se concentrer sur les problèmes qui affectent l'Afghanistan — la hausse de la violence dans certaines régions, le commerce illicite de la drogue —, mais on ne doit pas tout peindre en noir. Certaines régions sont touchées par ces problèmes, particulièrement la région dont il est question ici, où sont déployés les soldats canadiens. Cette situation est préoccupante.
     Pour ce qui est des mesures correctives, il s'agit tout simplement de s'investir davantage dans les programmes axés sur le développement et la stabilisation politique. Un des principaux problèmes de l'opération Enduring Freedom, c'est qu'elle est strictement axée sur les actions militaires. Avec le déploiement de la FIAS dans le sud et avec l'Afghanistan Compact, qui a été présenté, on fait un pas dans cette direction.
    Quant à la mesure des progrès accomplis, l'Afghanistan Compact contient toute une série de mesures sur l'évolution, les niveaux de corruption, les services fournis à la population afghane, etc. Les outils existent. Pour le Canada, il s'agit tout simplement de profiter de ces instruments qui ont déjà été élaborés.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Massie. Vous avez dit que, historiquement, lorsque le Canada menait une mission de maintien de la paix, il était perçu comme tel par la population. Vous souhaiteriez que le Canada intervienne ou soit présent en Haïti et au Darfour. Il a consacré beaucoup de ressources à la mission en Afghanistan et il n'aurait peut-être pas les ressources pour intervenir dans d'autres missions comme le Darfour. Est-ce que la force militaire du Canada manque d'effectifs ou si c'est parce qu'on a consacré trop d'effectifs militaires à la mission en Afghanistan?
    Je voudrais préciser que mon opinion repose sur une perception. Je me base sur la perception des Canadiens, et celle-ci ne reflète pas nécessairement la réalité. Au cours de la guerre froide, le maintien de la paix n'était pas l'élément le plus important des activités des Forces canadiennes. Je n'ai pas dit personnellement qu'on devrait ou non intervenir davantage en Haïti ou au Darfour, mais plutôt que ces missions reflètent davantage l'image du Canada qui a été entretenue au fil du temps et que si on était intervenus dans ces missions, les perturbations internes n'auraient pas l'ampleur qu'elles ont aujourd'hui.
    Par ailleurs, je pense que l'engagement des Forces canadiennes en Afghanistan est assez substantiel pour réduire notre capacité d'intervenir ailleurs. Si on intervient pour une longue période, compte tenu des besoins de rotation et des difficultés de recrutement, on aura de la difficulté à intervenir ailleurs de façon aussi significative pour jouer un rôle effectif en termes militaires et non policiers.
(1645)

[Traduction]

    Monsieur Calkins.
    Messieurs, encore une fois merci de votre présence. J'ai trouvé vos témoignages fort intéressants.
    Je souhaiterais vous parler de l'influence des Nations Unies. Je pense qu'on pourrait dire que cette influence est à la baisse. Vous avez déclaré que les Canadiens ne comprennent pas bien notre rôle en Afghanistan, cependant je pense que les Canadiens ne comprennent pas non plus très bien la pertinence des Nations Unies dans le monde d'aujourd'hui.
    À votre avis, les Nations Unies représentent-elles un symbole du passé? L'OTAN, quant à elle, semble être un peu plus efficace lorsqu'il s'agit de gérer certaines questions internationales, notamment en Europe au cours de l'histoire récente. N'est-ce pas un des aspects que nous devrions examiner: sensibiliser la population à certaines de ces nouvelles réalités?
    Personnellement, je ne dirais pas que les Nations Unies sont un symbole du passé. Cela ne veut pas dire que les Nations Unies n'ont pas des problèmes. Il y a eu une tentative de profond remaniement cet automne, mais il n'a pas été accepté comme tel par la majorité. Certains aspects de ce remaniement ont été acceptés cependant et ont été instaurés.
    Les Nations Unies ne sont pas un symbole du passé en ce sens qu'en République démocratique du Congo, elles mènent une mission, MONUC, qui, de bien des façons, est semblable à la mission en Afghanistan. Les Nations Unies ont pris une position très courageuse en République démocratique du Congo, menant des opérations offensives dans l'Est, et elles dirigent les combats vers les différents groupes impliqués dans des activités horribles dans le cadre de conflit de l'Est.
    Est-ce que les Nations Unies sont un symbole du passé? Elles semblent être un symbole du passé si nous tenons compte des dix dernières années de politique étrangère canadienne. Depuis le milieu des années 90, la plupart des déploiements canadiens se sont fait par l'intermédiaire de l'OTAN et ainsi ce n'est pas une nouvelle réalité, mais une réalité de dix ans. L'OTAN a certainement des avantages et les pays occidentaux se sont retirés, depuis les catastrophes en Somalie, au Rwanda et à Srebrenica. Ce n'est pas seulement le Canada, tous les pays occidentaux se sont retirés des Nations Unies et ont plutôt utilisé des outils qui leur étaient plus proches, comme l'OTAN.
    Maintenant, il ne s'agit pas forcé ment d'une mauvaise évolution. Les Africains ont fait la même chose avec l'Union africaine et nous l'avons fait avec l'OTAN. Mais il faut faire attention, je ne pense pas que le Canada devrait se désengager des Nations Unies, parce que certains du travail fait par les Nations Unies est pertinent, positif et tout à fait actuel.

[Français]

    L'ONU demeure la seule instance internationale légitime réellement mondiale, et le Canada doit participer activement aux efforts de réforme de ses instances de décision. L'OTAN peut encadrer davantage les opérations canadiennes, mais la sanction et la légitimité internationales nécessaires doivent être données par le Conseil de sécurité.

[Traduction]

    Merci.
    Je voudrais changer l'orientation des questions et revenir au débat sur la position des opérations en Afghanistan et les problèmes avec la frontière pakistanaise tels qu'ils sont perçus.
    Vous dites dans votre exposé, qu'al-Qaïda et les terroristes, par exemple, les Talibans, ont eu l'occasion de se réorganiser au Pakistan. Le terrain est très difficile là-bas et je sais que le gouvernement pakistanais a déployé 70 000 ou 80 000 hommes. Ce gouvernement subit une pression politique considérable de la part des États-Unis et de ses alliés, dans cette guerre contre le terrorisme, et dans ses efforts par le biais de l'opération Enduring Freedom pour déraciner ce mal.
    Je ne pense pas que le nord du Pakistan soit le terrain le plus propice, d'un point de vue national, pour que le président Musharraf exerce son pouvoir. Il est ainsi tiraillé entre son effort d'apaisement des alliés internationaux sur ce front et son effort de maintien de la paix national, là où il n'a pas le commandement et le contrôle qu'il souhaiterait.
    Je me demande simplement si cela est vrai, si vous pouvez donner des précisions sur certaines difficultés. Sans pouvoir éradiquer ou même arrêter le mouvement des personnes, des armes et autres choses semblables à la frontière, si nous voulons gagner, est-ce que nous ne devrions pas envisager un rôle plus important pour le gouvernement du Pakistan?
(1650)
    Manifestement, le Pakistan jouera un rôle très essentiel si nous arrivons à conclure une paix quelconque dans la partie sud de l'Afghanistan. Barnett Reuben, un éminent spécialiste de l'Afghanistan, qui s'y est rendu à plusieurs reprises et qui ne fait pas partie des médias, a dit que pour que le Pakistan puisse contrôler cette région, ou du moins pour que nous puissions aider le Pakistan à avoir un contrôle à long terme, nous devons parler de démocratie. À l'heure actuelle, il s'agit d'une dictature militaire, qui en soi est à sa limite en termes de ce qu'elle peut faire sur le terrain avec sa stabilité et ses nécessités internes.
    Le Pakistan est un problème très épineux. Vous piquez d'un côté et un autre problème sort. Le gouvernement canadien devrait faire très attention à ce qui se passe au Pakistan et essayer de mieux comprendre la dynamique interne du pays, tout en continuant de faire pression pour obtenir des résultats en Afghanistan.
    Le rôle du Pakistan n'est pas uniquement négatif, car il existe un commerce florissant et légitime entre Kandahar et le Pakistan, puisqu'il s'agit de la même ethnie pachtoune.
    C'est un problème épineux, et il faut le surveiller de très près.
    Merci.
    Nous allons donner la parole à M. Hubbard, puis nous reviendrons au parti ministériel.
    Merci, monsieur le président.
    L'exposé est des plus intéressants.
    [Note de la rédaction : Difficultés techniques ]
    J'ai aussi de la difficulté à comprendre ce qui se passe avec nos efforts en Afghanistan. Bien entendu, nous parlons également de notre politique étrangère, nous parlons de notre politique en matière de défense ainsi que des efforts en termes de politique nationale, non seulement au Canada, mais également pour que nos alliés puissent... [Note de la rédaction : Difficultés techniques]
    La situation semble plutôt difficile; en termes de défense, nous avons plus de 60 000 soldats dans ce pays, et les efforts déployés en Afghanistan paralysent complètement notre politique en matière de défense pour ce qui est du maintien de la paix dans d'autres régions du monde. [Note de la rédaction : Difficultés techniques]...par notre ministère de la Défense. Ce point de vue est difficile à comprendre.
    L'histoire de l'Afghanistan est plus difficile à comprendre. J'aimerais poser une question pour ce qui est des Russes, qui ont été là avant nous, de l'attitude des Afghans vis-à-vis de l'intervention étrangère. Peut-être pouvez-vous nous donner des exemples des efforts déployés par les Russes. Ils ont passé beaucoup de temps en Afghanistan et ont déployé des efforts immenses afin de tenter de soumettre l'Afghanistan, et ils y ont perdu des milliers de soldats. Que faisons-nous différemment pour mériter le respect, l'espoir, l'amour et le réconfort dont nous aurions besoin pour établir de meilleures relations, afin de faire de l'Afghanistan un État conforme aux valeurs de l'Occident qui aimera la démocratie et acceptera le principe de la primauté du droit et la règle du gouvernement que nous, comme Canadiens, percevons comme faisant partie de notre effort?
    Ma question est longue, mais que faisons-nous de différent par rapport aux Russes qui pourrait nous permettre de sortir de l'Afghanistan en étant amis du peuple afghan et en ayant remporté une victoire du point de vue de nos efforts pour tenter de transmettre les valeurs de l'Occident et de la démocratie à l'État afghan?

[Français]

    Je crois que la démocratie ne s'impose pas, que la prise en considération des cultures différentes est nécessaire et que tenter d'amener les Afghans à aimer la démocratie est une chose plutôt absurde. À mon point de vue, la stratégie devrait reposer davantage sur la façon de faire bénéficier l'Afghan moyen de la présence de troupes étrangères et de la volonté de la communauté internationale de s'engager en Afghanistan. Il s'agit de donner à l'Afghan des moyens concrets de vivre ces progrès et ces avancées en lui offrant, par exemple, la possibilité de passer de la culture du pavot à une autre culture qui lui rapporte autant de revenus et qui fera en sorte qu'il ne sera plus contrôlé par des forces comme celles de la milice, des insurgés ou autres.
    En ce qui concerne la difficulté de déployer davantage de soldats, parmi les 60 000 soldats canadiens, je crois qu'il faut considérer que la plupart des soldats ne sont pas nécessairement déployables dans des opérations de combat. Il faut également considérer tout le soutien logistique et le commandement qui doivent exister lors de tout déploiement, de même que les difficultés sur le plan des rotations et le besoin qu'ont les soldats canadiens, au bout de six mois et parfois même un an, de revenir au pays et d'avoir une période de repos, et de ne pas être automatiquement sollicités pour y retourner.
    En ce qui a trait au recrutement, la plus grande difficulté réside dans le manque d'instructeurs. À ma connaissance et selon mon information, plusieurs Canadiens souhaitent entrer dans les Forces canadiennes, mais leur dossier n'est pas traité rapidement parce qu'il n'y a pas assez d'instructeurs pour les former. Dans cette mesure, on ne peut pas former des soldats assez rapidement pour véritablement intégrer l'armée et offrir davantage de repos aux soldats qui sont déployés.
(1655)

[Traduction]

    C'est 2 500. J'ai discuté avec le commandant de la région du Québec et il m'a expliqué certains de ces chiffres, qui peuvent parfois être incompréhensibles pour nous, civils. En réalité, il y a un peu plus de 60 000 soldats. Il faut les diviser entre les unités navales, aériennes et terrestres, ce qui signifie que, au départ, nous parlons par exemple d'environ 20 000 soldats, et non 60 000. Si je comprends bien la logistique, pour chaque fantassin, il faut sept soldats en appui, ce qui fait que ce facteur doit être pris en considération.
    Le général m'a dit que les chiffres de 2 000 à 3 000 portent sur la durabilité de la présence à long terme. Avec nos effectifs actuels, nous pourrions aller jusqu'à 5 000. Est-ce que ça signifie que l'Afghanistan nous paralyse? Je crois que le terme est un peu trop fort. Selon l'énoncé de politique internationale du gouvernement libéral, nous devrions nous concentrer sur certaines crises, au lieu de tenter de disséminer notre présence un peu partout. Je crois que c'est ce que le gouvernement précédent a fait et ce que le gouvernement actuel fait, et je crois que c'est une approche adéquate.
    Nous devrions augmenter la taille de nos forces armées. C'est une bonne initiative entreprise par le gouvernement libéral et reprise par le gouvernement conservateur. C'est un pas dans la bonne direction.
    Ces 2 500 soldats sont-ils paralysés? Je crois que le mot choisi est quelque peu exagéré.
    Merci beaucoup.
    Poursuivons avec M. Hiebert, s'il vous plaîNote de la rédaction: Difficultés techniquest.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'être venus aujourd'hui.
    Je suis heureux de votre dernière réponse. En fait, c'est l'information que j'ai reçue également.
    Les récents événements indiquent que la guerre contre le terrorisme va au-delà de l'Afghanistan et du Moyen-Orient, comme nous avons pu le voir récemment ici, à Toronto.
    J'ai constaté, monsieur Massie, que vous avez travaillé avec votre collègue Stéphane Roussel pour rédiger un document portant sur la question des périmètres de sécurité nord-américains. Pourriez-vous décrire, pour le comité, les avantages pour le Canada de ce concept de périmètre de sécurité nord-américain et indiquer si vous croyez que le Canada est en mesure de profiter de ce concept?

[Français]

    Je crois qu'il est déjà en train de le faire. Le terme « périmètre de sécurité » n'est pas employé, mais dans les faits, il y a une collaboration entre les forces de sécurité et les autorités politiques canadiennes et américaines justement pour parler d'un  périmètre de sécurité.
    Maintenant, la lutte contre le terrorisme intérieur ne passe pas, à mon point de vue, par la force militaire. Donc, ce n'est pas au niveau de la coopération en matière de défense qu'il faut trouver les solutions ou les réponses au dilemme qu'on doit affronter, mais plutôt au niveau de la coopération entre les forces policières et les organismes de renseignement. Dans cette mesure, les avancées faites en vue du nouvel accord sur le NORAD, avec l'alerte maritime, sont des pas vers une plus grande coopération, un meilleur partage des renseignements et une lutte plus efficace. Ce n'est pas nécessairement à la frontière qu'il y a menace, mais à l'intérieur, dans la mesure où la haine n'a pas de frontière. La dissémination de l'idéologie est facilitée par les moyens de communication d'aujourd'hui, et les moyens de défense militaire dont on dispose, quels qu'ils soient, ne permettent pas de contrer le terrorisme efficacement.
(1700)

[Traduction]

    Je partagerai le reste de mon temps de parole avec Mme Gallant.
    Merci.
    Parlez-nous du type d'intervention que vous recommanderiez, pour combattre les groupes violents de type mafia qui tentent de contrôler la région.
    À l'heure actuelle, nous pouvons faire appel à des soldats, ainsi qu'à la GRC avec les équipes provinciales de reconstruction, mais croyez-vous que les soldats sont le groupe adéquat pour faire face à cette faction?
    Personnellement, je crois que oui, bien entendu.

[Français]

    En Afghanistan, il s'agit d'opérations de combat. La situation n'y est pas du tout la même qu'à l'intérieur de notre pays ou aux États-Unis. Tant que la sécurité de la population là-bas n'est pas assurée, cela doit passer par les militaires. La police peut ensuite exercer le contrôle interne. Les opérations du type de celles effectuées par les insurgés là-bas, avec l'artillerie ou d'autres moyens comme des armes soviétiques des décennies passées, doivent être contrées par la force militaire. En ce sens, les efforts canadiens vont dans la bonne direction.

[Traduction]

    J'ai autre chose à dire à ce sujet.
    Comme je l'ai dit plus tôt, chaque opération de paix comporte trois aspects ou piliers principaux: la société civile, la police et les forces armées. Plus il y a de violence, plus les forces armées ont un rôle important à jouer. Étant donné que la situation à Kandahar s'améliore, nous verrons de plus en plus de surveillance policière puis, si tout va bien, strictement des activités de développement. Mais les trois piliers doivent être utilisés de façon simultanée. Leur importance relative évolue, mais les trois aspects sont présents aux différentes étapes dans cette activité.
    À l'heure actuelle, les forces armées jouent le rôle principal, ce qui est important, mais il faut tout de même commencer à préparer le terrain en vue d'un éventuel remplacement de ces troupes. Nous avons des civils là-bas, provenant principalement de l'ACDI, nous avons également du personnel policier... À l'heure actuelle, je crois que l'équipe provinciale de reconstruction à Kandahar est en majeure partie composée de personnel militaire, mais elle comprend aussi quelques policiers. Toutes ces personnes doivent travailler ensemble afin de planifier, au moyen d'une approche à long terme, la façon d'améliorer la situation.
    Pour améliorer la situation, il ne s'agit pas que de tuer les méchants; il faut également s'assurer que la population nous voit comme des héros. C'est pourquoi je crois que la principale différence entre l'effort russe et l'effort actuel réside dans le fait que pour les Afghans moyens, il est évident qu'ils voient l'effort international comme étant beaucoup moins intéressé que les interventions précédentes.
    D'accord, voilà qui met fin à cette partie.
    C'est maintenant au tour de l'opposition officielle de poser une question. Si personne n'en a, nous revenons au gouvernement. Y a-t-il d'autres questions?
    Allez-y.
    Vous avez dit que vous croyiez qu'au cours des quatre, cinq ou six derniers mois votre position était différente de celle du chef d'état-major de la défense en ce qui a trait aux progrès réalisés sur le terrain en Afghanistan. Je me demande si ça a trait à la taille du contingent là-bas. Je sais qu'il y a environ 2 500 Canadiens sur place. Je crois que l'ensemble du contingent international, du point de vue militaire, compte environ 6 000 personnes.
    Afin d'assurer la paix et la sécurité nécessaires pour mener à bien la reconstruction provinciale, de combien de soldats aurons-nous besoin de la communauté internationale pour obtenir les résultats escomptés, c'est-à-dire déployer les efforts de reconstruction, d'aide humanitaire et de sécurité?
    J'en ai assez qu'on me parle de soldats canadiens qui se rendent dans un village une journée, offrent leur aide, font du bon travail, se rendent au prochain village puis découvrent que les talibans et al-Qaïda sont descendus des montagnes pour voler toutes les couvertures et la nourriture et toutes les autres fournitures. De combien de personnes avons-nous besoin pour être réellement efficaces?
    Pour ce qui est du reste, je crois que la tâche revient aux Afghans eux-mêmes. Je crois que c'est l'objectif, c'est-à-dire former les Afghans pour qu'ils puissent travailler en collaboration avec nous. Dans combien de temps aurons-nous assez d'Afghans qui sont déjà sur place et de troupes internationales pour assurer la paix, la reconstruction et la stabilité de façon efficace dans la région?
    Premièrement, je crois qu'il faut souligner que le Canada a fait preuve d'initiative et a été à la hauteur en Afghanistan. Cependant, si nous voulons comparer notre participation et notre engagement à ceux de nos partenaires en Afghanistan, ils feraient piètre figure.
    Le Canada doit-il envoyer d'autres soldats en Afghanistan? Je crois que nous avons assez bien répondu à l'appel et affecté des effectifs considérables en Afghanistan. Nous devons être soucieux et garder une certaine marge de manoeuvre pour d'autres engagements internationaux.
    Combien de soldats? Pour ce qui est du Canada, je crois que nous avons atteint les niveaux voulus. On ne peut pas en dire autant des partenaires du Canada, qui devraient certainement, à tout le moins, redoubler d'efforts.
    Ceci m'amène à une autre question, parce qu'il y a un nombre important de forces militaires qui participent actuellement à l'opération Enduring Freedom, qui est distincte de la mission de la FIAS. Sur le terrain, cette distinction a causé toutes sortes de difficultés. On se retrouve, par exemple, avec deux séries de règles d'engagement; certains soldats français font partie de la FIAS, tandis que d'autres participent à l'opération Enduring Freedom. Les gens ne savent plus qui fait quoi, quelles troupes participent à quoi. Le Canada devrait tenter de promouvoir une entente visant la fusion des deux missions, et c'est ce qu'il devrait faire. Ainsi, les gens auraient une vision commune quant à la façon d'assurer la sécurité en Afghanistan.
    Il y a eu des développements inquiétants concernant l'armée nationale afghane. Ce programme, un pilier pour la reconstruction, est toujours supervisé par les États-Unis. Les États-Unis ont une armée professionnelle et avancée au plan technique. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que, pour chaque soldat, ça coûte beaucoup d'argent. Il s'agit de l'Afghanistan ici; le gouvernement ne peut pas se permettre de payer ses soldats comme les Américains paient les leurs.
    À l'origine, 70 000 soldats afghans devaient être formés. Dans son dernier rapport, le secrétaire général a indiqué que nous en avions formé 30 000 jusqu'à maintenant. Les Américains viennent d'annoncer qu'ils veulent faire passer ce nombre à 50 000, parce qu'il est devenu difficile et coûteux de former ces soldats, qui doivent ensuite être soutenus par le gouvernement afghan.
    Si on examinait les données régionales, l'Afghanistan devrait pouvoir compter sur une armée de 140 000 soldats. Donc, je crois que nous devons tenir compte des circonstances et des conditions locales. Si la plupart des pays présents dans la région ont fait appel à des armées qui coûtent moins cher, mais que nos troupes sur le terrain sont présentes et assurent la sécurité, alors le temps est peut-être venu de trouver des solutions afghanes aux problèmes afghans.
(1705)
     Monsieur Calkins, votre temps est presque écoulé.
    Un dernier commentaire si vous me le permettez.
    J'aimerais connaître votre opinion pour la suite des choses une fois que nous aurons établi un État vraiment démocratique et indépendant là-bas. Puisqu'il s'agit d'un État islamique, le concept de la Sharia entre en jeu. Selon vous, quelle devrait être notre stratégie de retraite? Voulons-nous un État occidental démocratique, ou devrions-nous laisser aux Afghans la tâche de décider? S'il n'y a pas d'ordre, il n'y a pas lieu de se retirer. Quelle est votre opinion là-dessus?

[Français]

    Si nous sommes cohérents avec notre volonté d'instaurer une démocratie, il faut laisser les gens élus décider ce qui est le meilleur pour leur propre pays, à moins que cela ne mine la sécurité de leurs voisins ou de la communauté internationale. Il y a des pays dont le gouvernement n'applique pas les lois que l'on souhaiterait, mais on les respecte tout de même parce qu'ils ont un gouvernement légitimement élu.
    Il serait très mal vu d'imposer un type de lois à être votées ou même un type de constitution qui refléterait les principes occidentaux à un pays dont la culture est différente. Il faut respecter la volonté populaire et les forces en présence ou les majorités idéologiques qui sont élues à la majorité des voix dans tout autre pays.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Il y a une différence entre ce qui se passe aujourd'hui et la guerre d'occupation que les Russes avaient conduite, une guerre un peu impérialiste. Ils étaient perçus dans tout le pays comme des gens qui venaient dominer, prendre les ressources naturelles, etc. J'ai constaté là-bas que les Afghans donnent encore le bénéfice du doute à la communauté internationale. Ils saisissent qu'il ne s'agit pas d'une guerre d'occupation. Par contre, je me suis rendu compte qu'ils voulaient qu'il y ait des changements rapides à leur régime de vie actuel, qui est intolérable. Les émeutes de Kaboul me portent à croire que c'est le problème. Les Afghans sentent que des gens veulent les aider, mais ils ne voient aucun changement dans leur régime de vie. C'est aussi délabré qu'auparavant, ils ne sont pas mieux nourris qu'auparavant, ils ont toujours des problèmes d'eau, et ils se demandent ce que fait la communauté internationale fait pour eux.
    Je me rends également compte qu'en ce qui concerne la sécurité, cela se joue au moment où on se parle. Ces gens veulent vivre la vie paisible qu'ils n'ont jamais connue. Dans certains villages, ils se demandent s'ils doivent s'en aller avec les talibans pour être assurés de leur protection, ou avec les forces de la coalition pour assurer leur sécurité. Des résultats probants devront être livrés le plus rapidement possible.
    C'est l'état lamentable du gouvernement actuel qui m'inquiète le plus. On dit de Karzaï qu'il est le maire de Kaboul, et c'est tout. Il n'a aucune crédibilité à Kandahar ou ailleurs. À l'OTAN, où on suit la situation du pays, on semble se tourner vers l'idée d'une espèce de tutorat pour les élus. Leur parlement est très rudimentaire, et j'en ai été très surpris. Remarquez que j'ai été très impressionné — madame Black, vous serez heureuse de l'apprendre — par les femmes. Parmi les députés là-bas, il y a 27 p. 100 de femmes. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer deux ou trois. Je tiens à vous dire qu'elles savent où elles s'en vont. Elles auront cependant besoin du troisième D, soit la diplomatie, et aussi du tutorat.
    J'ai été surpris quand M. Karzaï m'a dit que, quand il voulait écrire une lettre à un chef d'État, il devait le faire lui-même, parce que personne autour de lui n'était capable de le faire. C'est grave. Il commence à y avoir des discussions sur le tutorat. Il ne s'agit pas de leur imposer quoi que ce soit. Je fais partie de ceux qui prendraient contact avec l'un des députés du parlement de ce pays et qui lui offriraient leurs conseils. Il s'agit d'une belle veine à explorer pour le gouvernement canadien. Il pourrait s'assurer que l'ensemble des députés de ce pays puissent accomplir leur tâche et ainsi sauver la crédibilité du gouvernement. Ces gens viennent d'être élus démocratiquement. Si tous perdent confiance en leur gouvernement, on va devoir recommencer à zéro. Que pensez-vous de l'idée d'un tutorat, dont on entend parler par les temps qui courent en Europe ou ailleurs?
(1710)
    Je crois que la présence d'un conseiller politique du Canada ou d'ailleurs est toujours favorable à l'instauration d'une démocratie, parce que cela ne va pas de soi. Nous pouvons le comprendre, parce que nous y baignons depuis notre enfance. Le problème de l'Afghanistan est une volonté d'engagement, mais sans attestation d'engagement de la part de la communauté internationale, notamment sur le plan financier. Le gouvernement Karzaï manque de ressources pour atteindre les objectifs qu'il vise, et la plus grande partie de son budget vient de cette source. On comprend l'importance de cela.
     Deuxièmement, il y a le déploiement de troupes étrangères. Le passage de la FIAS vers le sud de l'Afghanistan est favorable, parce qu'il va signifier un accroissement du nombre de troupes, si on le fait assez rapidement. La difficulté, entre les pays occidentaux, est présentement de savoir qui fera quoi, qui fera les opérations de combat, qui fera les opérations de reconstruction ou d'aide humanitaire, etc. La grande majorité des troupes canadiennes sont engagées dans des opérations de combat à l'extérieur ou dans des points un peu reculés, pour contrer les insurgés là où ils se logent.    Lorsqu'il y aura davantage de troupes sur le terrain, une partie du contingent pourra demeurer là, et l'autre partie devra assurer la protection de certains villages. Un accroissement des troupes permettra peut-être d'apporter une plus grande sécurité.
(1715)

[Traduction]

    Nous allons devoir passer à la prochaine intervention.
    Madame Gallant.

[Français]

    Nous avons deux motions à examiner. Comme la cloche se mettra à sonner à 17 h 30 pour un vote, je ne voudrais pas qu'on nous dise qu'on ne peut pas les examiner. À quelle heure va-t-on examiner les motions?

[Traduction]

    Nous espérons pouvoir terminer ce tour de table, et nous passerons aux motions s'il nous reste quelques minutes à la fin.
    Allez-y, madame Gallant.
    En tenant compte du fait que les civils pacifiques sont difficiles à distinguer des kamikazes, qu'est-ce que vous proposez pour favoriser un rapprochement entre les soldats canadiens et les citoyens afghans pacifiques?
    Je crois que nous avons acquis beaucoup d'expérience ces dernières années. Je crois que la façon dont le contingent canadien forme ses soldats a été perfectionnée et a évolué. J'ai certainement été témoin d'une certaine évolution par rapport à la formation offerte.
     C'est toujours une notion difficile. On a des jeunes de 20 ans qui doivent quitter un pays comme le Canada pour aller loin de chez eux, et qui doivent prendre des décisions très difficiles. Mais il est essentiel d'adopter une approche humaine, de ne pas avoir la gâchette facile, et de faire en sorte que la sécurité ne nuise pas à la sécurité à long terme. par exemple, si on tire sur tous les véhicules qui viennent à proximité sans poser des questions, évidemment, il va y avoir des conséquences à long terme. Voilà le compromis à faire pour assurer la sécurité de nos troupes.
    Donc je crois que nous avons adopté la bonne approche. Je crois qu'on a récemment apporté des changements à la formation afin de tenir compte de certaines des leçons tirées, notamment par les Américains et les Britanniques en Irak et en Afghanistan. Je crois que les Forces canadiennes examinent ces questions de très près et de façon très professionnelle.

[Français]

    L'élément majeur est la nécessité d'obtenir de l'information de la population locale qui n'est pas contre les troupes canadiennes. Dans ce contexte, si on peut obtenir cette information, on pourra mieux agir de façon préventive, sans appuyer sur la gâchette.

[Traduction]

    J'ai deux questions qui ne sont pas liées à ce qui précède. Je vais les poser afin que nous puissions respecter le temps alloué, et vous pourrez répondre selon votre bon jugement.
    Il est intéressant de vous entendre dire aujourd'hui que nous sommes au stade militaire et que nous devrions jouer un rôle important dans la région jusqu'à ce que celle-ci soit davantage stabilisée. Nous avons entendu certaines ONG dire qu'elles sont préoccupées par le bouillonnement des rôles, qui selon elles, survient lorsque les soldats offrent de l'aide humanitaire.
    D'un côté, on nous dit que les soldats doivent gagner la faveur des citoyens afghans; toutefois, les ONG disent que c'est dangereux pour les ONG. Selon vous, les soldats devraient-ils offrir de l'aide humanitaire lorsqu'ils sont en mission de maintien de la paix?
    Dans un autre ordre d'idées, le rôle du Pakistan a été soulevé. Vous avez dit que la stabilité en Afghanistan aurait des avantages économiques du point de vue du commerce et des échanges. Pouvez-vous nous expliquer comment le Pakistan bénéficierait de l'instabilité prolongée en Afghanistan?

[Français]

    À moins que la sécurité ne soit effective sur le terrain, la présence d'ONG n'est pas conseillée. Ce sont les soldats, les forces militaires qui devraient assurer l'aide humanitaire essentielle.
    Une fois qu'une sorte de périmètre de sécurité a été établi autour d'un village ou d'une région, on peut commencer à accepter la présence de civils étrangers. Autrement, cela risquerait d'accroître l'insécurité de la population et exigerait davantage de troupes des Forces canadiennes pour assurer la sécurité des ONG, alors que leurs efforts sont nécessaires ailleurs pour assurer la sécurité ou atteindre leur objectif sur le terrain.
    Tout dépend de la phase de sécurité ou du niveau de contrôle qui existe sur le territoire, à savoir si ce sont les forces militaires ou civiles qui doivent fournir l'aide humanitaire.

[Traduction]

    Personnellement, je crois que c'est tout simplement une mauvaise idée de demander à des militaires d'offrir de l'aide humanitaire. Les ONG étaient présentes en Afghanistan bien avant tout personnel militaire étranger, et la préoccupation qu'ont les ONG de voir leurs efforts politisés est grave, parce que s'ils sont perçus comme étant biaisés, les talibans ou les insurgés diront, eh bien, les céréales que vous offrez s'inscrivent dans le cadre de l'effort international, donc nous allons vous tirer dessus. Et ça s'arrête là. On ne sera plus en mesure d'offrir d'aide du tout.
    Donc je crois que oui, les forces armées devraient s'occuper de l'aspect militaire. Pour pouvoir offrir de l'aide, il faut d'abord pouvoir assurer la sécurité; je suis d'accord sur ce point. Mais de brouiller la distinction entre les missions militaires ou politiques et l'aide est en soi dangereux pour les ONG.
    Je vais prendre une minute pour parler du Pakistan. Au Pakistan, là aussi, la question est très complexe. Le régime militaire est en partie soutenu par des partis islamistes, et ces partis, de toute évidence, ont des intérêts en Afghanistan. Mais ils sont aussi très utiles pour le conflit au Cachemire, pour faire passer des terroristes du côté indien de la frontière. Toutes ces questions sont reliées et sont très difficiles à maîtriser.
    Il est aussi très important de noter que le Pakistan a joué un rôle clé dans l'organisation et le financement des talibans dans les années 90, et ce, avec le consentement des Américains, il va sans dire. Ces affinités existent toujours dans certains secteurs de l'appareil militaire; donc, évidemment, cela cause aussi des difficultés.
(1720)
    Je vous remercie.
    La prochaine question revient aux libéraux, et puisqu'il n'y a pas de question, je reviens de ce côté, s'il y a une question.
    Comme j'ai le soutien de mes collègues de l'opposition, je vais continuer à poser des questions.
    J'aimerais revenir au commentaire que vous avez fait durant votre exposé.
    Durant votre exposé, vous avez dit que les tentatives visant à permettre aux sondages d'opinion d'orienter la politique étrangère du gouvernement sont peu judicieuses. C'est l'impression que j'ai eue en écoutant votre déclaration.
    Vous avez parlé de la baisse de l'opposition, ou en fait, du soutien accru pour notre présence en Afghanistan. Vous avez souligné qu'en mars, 62 p. 100 des Canadiens étaient opposés à la mission, et qu'en mai, ce nombre avait chuté à 54 p. 100. Et le plus récent sondage, celui du 8 juin, révélait que ce taux avait baissé à 44 p. 100. Je trouve ces statistiques très encourageantes.
    Comment expliqueriez-vous ce niveau de volatilité au sein de la population relativement au soutien pour notre mission en Afghanistan, et dans quelle mesure ces statistiques doivent-elles jouer un rôle dans l'orientation de la politique étrangère du gouvernement?

[Français]

    On ne doit pas se laisser influencer par la hausse ou par la baisse de l'appui populaire à la mission. Si quelques soldats canadiens mouraient de façon tragique la semaine prochaine, l'appui public à la mission baisserait probablement. Donc, on ne doit pas prendre de décisions politiques en fonction de l'opinion publique ou de la couverture médiatique.
    Si j'ai abordé cet aspect dans ma présentation, c'est plus pour illustrer la confusion qui règne au sujet de la mission que pour démontrer l'opposition publique. Il peut y avoir des divergences d'opinion quant au rôle, mais lorsqu'il y a confusion sur la pertinence et la nature même d'une mission, c'est dangereux sur le plan politique. On doit alors redoubler d'efforts pour obtenir un consensus. Si on démontre clairement les intérêts et le bien-fondé d'une mission à la population et qu'elle continue à s'y opposer, il faut en tenir compte à long terme, à moins que l'on ne considère que ce n'est pas important.

[Traduction]

    Je voudrais poser une question.
    Il y a eu la semaine dernière une réunion de l'OTAN à Bruxelles et les membres se sont dits intéressés à doubler les effectifs en Afghanistan. Je voudrais savoir si vous savez pourquoi ils souhaitent le faire.
    Les effectifs n'étaient-ils pas suffisants au départ, ou bien est-ce un effort pour accélérer le processus, sachant qu'il y a suffisamment de troupes, mais que d'en doubler le nombre permettra d'abréger la présence en Afghanistan? Comment expliquez-vous leur intérêt pour doubler les effectifs en Afghanistan?
(1725)
    La décision de doubler les effectifs a été prise il y a longtemps et non la semaine dernière. Cela fait partie d'un élargissement graduel mais en sens inverse de la mission de la FIAS en Afghanistan en général. Au départ, la FIAS a été créée par les Nations Unies, mais uniquement pour assurer la sécurité à Kaboul. À la suite d'une résolution du Conseil de sécurité, les Nations Unies ont décidé d'étendre le mandat de la FIAS à l'ensemble de l'Afghanistan, mais cela devait se faire de façon progressive. Comme vous l'avez mentionné, ils ont commencé par l'EPR dans le nord, qui était l'une des régions les plus stables. Puis, ils se sont étendus vers l'ouest jusqu'à Herat, qui était également une région plutôt stable. Maintenant, ils ont pris une mesure audacieuse dans le sud.
    Tout bien considéré, je ne dirais pas que cet effort s'est fait rapidement. Cet élargissement a été décidé en 2003, nous sommes en 2006 et nous n'avons toujours pas couvert les dernières régions de l'est avec des missions de la FIAS. Et je pense que cela a peut-être rapport avec les difficultés à composer avec les deux missions, Enduring Freedom d'un côté et la FIAS de l'autre.
    Merci. Votre temps s'est écoulé. Il nous reste deux places pour le troisième tour. L'une des places est pour les libéraux et ils ont terminé.
    Madame Black, si vous voulez utiliser votre temps de parole pour poser des questions sur ce sujet ou d'autres.
    J'ai proposé deux motions et il nous reste six minutes.
    Merci aux témoins d'être venus, j'ai aimé vos exposés.
    Merci, messieurs. Vous avez bien fait cela. J'ai l'impression que vous avez répondu aux questions aussi franchement que possible, et nous vous en savons gré.
    Comme il nous reste peu de temps, passons à la suite.
    Nous avons deux motions proposées par Mme Black. J'aimerais que nous passions à l'une, une motion usuelle pour que le président n’accepte aucune motion dilatoire lorsque le comité entend des témoins.
    Madame Black, voudriez-vous parler de cette motion, puisque vous la proposez?
    Oui. J'ai été choquée quand on m'a appelée à Vancouver vendredi pour me dire que la séance avait été ajournée, alors que des témoins s'étaient présentés, prêts à participer à la séance et à répondre à des questions du parti ministériel, et que le parti ministériel avait choisi d'interrompre la séance. Pour moi, cela a été très choquant, d'autant plus que nous savions que Care Canada et le Conseil canadien pour la coopération internationale y participaient. Ce sont les gens qui dirigent des projets visant à éliminer la pauvreté.
    Je présente cette motion en espérant que les députés n'utiliseront pas de motions dilatoires à l'avenir pour ajourner les débats et pour empêcher la révélation d'information au comité.
    D'autres commentaires en ce qui concerne les motions dilatoires?
    En lisant cette motion, il m'a semblé que l'une de ses conséquences, si on l'acceptait, serait de fermer la porte aux opérations futures du comité. On ne peut pas prévoir les conséquences, dans la mesure où il peut parfois être nécessaire de disposer de ce type de liberté pour que notre comité décide de lui-même sans préavis s'il veut ou non procéder et proposer une motion dilatoire.
    Je suggère aux membres de tenir compte du fait qu'il peut y avoir des conséquences non intentionnelles à l'adoption de cette motion.
    De plus, selon les procédures de la Chambre des communes, ce type de motion nécessite un consentement unanime. Je pense, monsieur le président, qu'il n'y aura pas de consentement unanime pour cette motion-ci.
    Eh bien, s'il n'y a pas de consentement unanime, je suis prête à retirer ma motion.
    Eh bien, si vous souhaitez la retirer, c'est votre décision.
    La motion a été retirée par la motionnaire.
    La deuxième motion est également proposée par Mme Black.
    C'est vous qui la présentez, n'est-ce pas? Avez-vous des commentaires à faire?
    Il s'agit encore du débat de jeudi dernier. Le comité avait invité des personnes précises de la société canadienne à comparaître et à faire des exposés, à faire part de leurs points de vue, de leurs connaissances spécialisées et de la position des Canadiens sur le sujet que nous étudions, c'est-à-dire la mission en Afghanistan, interrompre cette séance avant la fin, sans tenir compte du fait qu'on avait demandé à ces gens — au dernier moment — de faire des exposés parce que nous n'avions pu faire venir d'autres témoins, constitue, selon moi, le summum de l'arrogance et de l'impolitesse. J'étais outrée que l'on m'appelle jeudi au moment où j'atterrissais à Vancouver pour me dire que cela s'était passé.
    Et c'est de cela dont il s'agit dans cette motion, il s'agit de demander à notre comité de s'excuser auprès de ces témoins. Ceci dit, j'aimerais qu'on passe à la mise aux voix.
(1730)
    Y a-t-il d'autres questions?
    Monsieur Bachand, avez-vous un commentaire à faire.
    Non, je voulais simplement qu'on passe à la mise aux voix.
    Monsieur le président, je fais un rappel au Règlement. Il me semble, et avec tout le respect sincère que je dois à Mme Black, que s'il y a quelqu'un qui devrait s'excuser auprès des groupes de témoins qui ont comparu devant notre comité jeudi dernier, ce devrait être elle et son parti car ce sont eux qui ont demandé à ces groupes de comparaître et qui n'ont pas eu la politesse de se présenter eux-mêmes à cette séance. D'ailleurs, vous avez peut-être une bonne explication que vous pouvez donner au comité au sujet de votre absence, après avoir invité ces groupes.
    De plus...
    Non, nous n'allons pas nous engager dans ce débat.
    Mon parti politique n'était pas absent.
    Il vous faudra vous adresser à la présidence, si vous voulez parler de tout cela.
    Il me semble évident que ces motions sont simplement un jeu politique qui nous distrait de nos objectifs premiers. Si elle était véritablement inquiète à propos de ces exposés, elle aurait pu sans doute travailler avec ses collègues de l'opposition pour s'assurer qu'il y avait le soutien nécessaire pour que les exposés puissent se poursuivre. Mais cela n'a pas été le cas. Peut-être qu'elle cherche l'erreur du mauvais côté et qu'elle devrait chercher de son propre côté de la table.
    Enfin, monsieur le président, si vous avez consulté les règlements qui régissent les comités, vous verriez que, selon Marleau et Montpetit, cette motion est irrecevable, et je cite Marleau et Montpetit : « La règle bien établie selon laquelle une question, » — et je fais référence à la question de lever la séance d'un comité, comme jeudi dernier — « lorsqu'elle a été mise aux voix, ne peut pas être posée de nouveau, que la motion ait été adoptée ou rejetée. »
    Je pense que la motion n'est pas recevable.
    Y a-t-il d'autres commentaires pendant que nous essayons de démêler tout ça?
    Madame Black, avez-vous autre chose à dire? On se demande si effectivement votre motion est recevable.
    Pendant qu'il vérifie, je voudrais juste signaler que le Nouveau Parti démocratique était là pendant toute la durée de la séance, jusqu'à la fin. Mon parti n'a qu'un député au sein du comité et un député du NPD est resté là pendant toute la durée de la séance. Nous n'étions point absents, comme M. Hiebert le laisse entendre.
    En ce qui concerne les observations de M. Hiebert, le greffier a effectué une recherche et me dit qu'il existe une différence entre le traitement réel et la question. C'est ainsi qu'il l'a dit. À son avis, la motion est recevable.
    Nous avons un point de vue contraire, à savoir que la motion n'est pas recevable. Je ne sais pas si c'est à moi de décider si elle est recevable ou non.
    D'accord, donc c'est à moi de décider si la motion est recevable ou non et j'imagine que c'est pour cela que nous avons un salaire si énorme.
    C'est conformément au Règlement de la Chambre et bien sûr les travaux de la Chambre et les travaux des comités sont quelque peu distincts. Je statue que la motion n'est pas recevable. Cela nous laisse quelques options. C'est ce que j'ai décidé et cela nous permettra de passer au vote. Si vous avez des...
    Monsieur le président, si la motion n'est pas recevable, comment peut-il y avoir un vote?
    C'est pour nous permettre d'aller voter à la Chambre.
    C'est la décision que j'ai rendue. Comme il n'y a plus de temps, nous devons nous rendre à la Chambre.
    La séance est levée.