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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons commencer et je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Il me semble que nous n'avons qu'un point à l'ordre du jour, c'est-à-dire entendre d'autres témoins sur les projets de sables bitumineux. Nous avons eu une annulation aujourd'hui. Nous avons donc un témoin, M. Michael Raymont, chef de la direction d'EnergyINet.
    Sans plus tarder, comme j'en ai discuté avec mes collègues, il ne semble pas y avoir d'autres questions dont nous devons traiter d'abord.
    Je vais donc demander à M. Raymont qu'il nous donne un bref aperçu du Energy Innovation Network avant de commencer sa présentation, pour laquelle il disposera de 15 à 20 minutes.
    Il s'agit principalement d'une séance d'information. Nous essayons de préparer un dossier sur les incidences économiques et sociales de l'exploitation des sables bitumineux, avant que notre comité se rende à Fort McMurray et visite les sites d'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta.
    Je vous demanderais de bien vouloir nous brosser un tableau de la situation puis de répondre aux questions du comité pendant environ une heure. Comme nous n'avons pas de deuxième témoin aujourd'hui, nous devrions lever la séance d'ici 17 heures au plus tard.
    Monsieur Raymont, vous avez la parole.
    Monsieur le président, membres du comité, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole devant vous cet après-midi. Je le fais avec plaisir.
    J'aimerais commencer par vous donner un bref aperçu de mes antécédents. Je suis un chimiste et un ingénieur chimiste bardé de diplômes, et j'ai eu une carrière assez variée dans l'industrie du capital risque en tant qu'entrepreneur. J'ai dirigé un certain nombre d'entreprises de technologie tant au Canada qu'aux États-Unis. J'ai passé assez récemment trois ans à Ottawa à titre de vice-président du soutien technologique et industriel pour le Conseil national de recherches puis comme président par intérim du même conseil. J'ai quitté ces fonctions et je suis de retour à la tête d'EnergyINet. Je peux vous décrire un peu plus en détail le travail d'EnergyINet, mais l'un des thèmes de ma carrière a été le développement, l'innovation technologique et bien sûr leurs aspects commerciaux dans le cadre de l'expérience de l'industrie du capital risque que j'ai eue également.
    Je suis sûr que vous avez deviné d'après mon accent que je ne suis pas né ici, mais il vous intéressera d'apprendre que je suis citoyen canadien. J'ai également passé cinq ans aux États-Unis et plus de deux ans en Chine. Dans deux semaines, je pars pour la Chine. Ce sera la cinquantième fois que je m'y rends et ma femme est née là-bas. Si vous avez des questions à propos de la Chine et du pétrole et du pétrole lourd en Chine, je me ferai un plaisir d'y répondre.
    Permettez-moi de vous parler brièvement d'EnergyINet, une organisation à but non lucratif financée par un grand nombre de gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral, en particulier le Conseil de recherches du Canada et Environnement Canada, et environ 25 des principales entreprises de l'industrie énergétique du Canada.
    Lorsque je parle d'entreprises de l'industrie énergétique, il y a une distinction très importante à faire, à savoir qu'il ne s'agit pas uniquement de pétrole et de gaz. Nous avons des membres qui appartiennent aux secteurs pétrolier et gazier, y compris des entreprises comme EnCana et Shell et ainsi de suite, mais nous avons également des membres de l'industrie des sables bitumineux, Syncrude et Suncor. Nous avons également des membres de B.C. Hydro, de Nova Scotia Power; dans le premier cas, il s'agit d'une entreprise d'énergie hydro-électrique et dans le deuxième cas d'une entreprise qui produit de l'électricité à partir du charbon. Nous avons également Luscar, la plus grande entreprise de charbon qui est membre du réseau. Nous avons également des utilisateurs d'énergie comme Agrium, l'une des plus grandes entreprises d'engrais au pays, et NOVA Chemicals, l'une des plus grandes entreprises pétrochimiques du pays. Nos membres proviennent du gouvernement et de l'industrie, ce qui nous donne une perspective large et inhabituelle de la situation.
    Je tiens à préciser dès le départ que notre mandat est axé sur le développement et la technologie et l'accélération des technologies appropriées dans l'industrie énergétique. Nous sommes tout à fait agnostiques sur le plan technologique. Vous ne me verrez jamais ici dans cette ville faire du lobbying au nom d'une entreprise quelconque, ni défendre la position d'une compagnie ou d'une industrie, étant donné que moi-même et EnergyINet ne vous parlerons que de technologie et de ce qu'elle permet de faire et ne permet pas de faire. J'espère que nous serons en mesure de vous présenter la technologie dans une perspective très objective et axée sur le bien public.
    Avant de commencer la présentation même, je tiens à m'excuser auprès des députés du Bloc parce qu'une partie de ma présentation n'est pas correctement traduite en français. Cela est attribuable en partie au fait que certaines de mes diapositives utilisent le format PDF qui est prélevé d'autres sources, et qu'il a été impossible d'écraser l'anglais. Je m'en excuse à l'avance, mais j'espère que vous serez en mesure de suivre ma présentation.
    Je comprends que le comité s'intéresse particulièrement aux sables bitumineux et aux possibilités qu'offre leur exploitation et à certains des enjeux qu'elle comporte. Je tiens à commencer par situer les sables bitumineux dans un contexte mondial. EnergyINet joue un rôle non seulement au niveau national mais à l'échelle internationale. Nous avons plus de 200 partenaires dans le monde entier qui peuvent nous fournir de l'information sur les développements dans l'industrie énergétique. Je tiens une fois de plus à mettre l'accent sur l'industrie énergétique plutôt que l'industrie pétrolière partout dans le monde.
    Aujourd'hui nous sommes ici pour parler des sables bitumineux. Comme je l'ai dit, je tiens à inscrire ce sujet dans le contexte de l'industrie énergétique mondiale.
(1535)
    Sur la première diapositive, vous verrez des chiffres que vous avez sans doute déjà vus, qui indiquent que la demande mondiale d'énergie continuera d'augmenter. Quelles que soient les mesures que nous prenions en matière de conservation et d'efficacité, au cours des 50 à 100 prochaines années, cela n'aura aucune incidence importante sur l'augmentation de la demande d'énergie.
    Il ne s'agit pas forcément d'un phénomène canadien; il est provoqué en grande partie par les pays en développement comme la Chine et l'Inde. À titre d'exemple, la Chine met en service toutes les deux semaines une centrale thermique alimentée au charbon de 500 mégawatts — dont les émissions, d'ailleurs, ne sont pas contrôlées. On ne peut pas reprocher à ces pays leur demande d'énergie. Nous profitons de l'énergie et l'énergie a permis à notre société de prospérer et de profiter ainsi d'avantages sociaux. Il est donc normal que d'autres pays veuillent aussi être approvisionnés en énergie.
    La demande énergétique continuera d'augmenter et en fait on aura besoin d'énergie pour un grand nombre des processus environnementaux que nous mettons sur pied de même que d'autres mesures susceptibles d'aider les pays en développement à se développer. Par exemple, le dessalement exige d'importantes quantités d'énergie. Même des mesures environnementales destinées à atténuer par exemple les gaz à effet de serre exigent d'importantes quantités d'énergie. Nous ne devons pas brouiller les faits en laissant croire que l'énergie est une mauvaise chose. En fait, l'énergie est la solution à un grand nombre de problèmes écologiques, sociaux et économiques qui existent dans le monde aujourd'hui.
    Sur la deuxième diapositive, j'indique que le monde dispose en fait d'importantes réserves énergétiques, et je suis sûr que vous avez déjà vu des tableaux de ce genre. Au haut du tableau se trouve indiquées la consommation mondiale annuelle et en dessous les réserves mondiales de différents types d'énergie. Comme vous pouvez le constater, il n'existe aucun risque que les réserves énergétiques mondiales s'épuisent dans un avenir prochain.
    Mais si vous passez à la diapositive suivante, les nouvelles sont un peu moins bonnes. Bien que le monde dispose de suffisamment de ressources énergétiques pour plusieurs centaines d'années et peut-être indéfiniment, l'emplacement de ces sources d'approvisionnement ne correspond pas aux régions où elles sont consommées, et les technologies d'extraction que nous utilisons aujourd'hui posent un grave problème en raison de leurs incidences environnementales.
    Le deuxième aspect sur lequel j'aimerais insister, c'est qu'il n'existe aucune solution magique aux problèmes énergétiques auxquels fait face le monde aujourd'hui. Nous devrons prendre toutes les mesures de conservation possibles. Chaque plan de conservation est extrêmement utile, mais nous aurons également besoin de chaque source d'énergie que nous pourrons obtenir. Cela comprend toutes les sources d'énergie depuis l'énergie hydro-électrique et l'énergie renouvelable — l'énergie éolienne, solaire et ainsi de suite — jusqu'aux combustibles fossiles et aux sables bitumineux qui font partie des combustibles fossiles.
    La véritable pérennité énergétique ne dépend pas uniquement de l'efficacité de nos ressources énergétiques; elle dépend également de la façon dont nous les exploitons pour nous assurer de ne pas dégrader la planète, dégrader notre environnement par la manière dont nous extrayons ces ressources énergétiques. Le fait est que compte tenu de l'ampleur de la production et de l'utilisation de l'énergie dans le monde aujourd'hui et de l'infrastructure qui existe, les sources d'énergie carbonique, les combustibles fossiles continueront à être utilisés pour répondre à la majorité des besoins mondiaux en énergie dans un avenir prochain, c'est-à-dire les 50 à 100 prochaines années.
    Il s'agira d'une période de transition et c'est pourquoi nous devons accélérer le développement des sources d'énergie renouvelables. On commence à utiliser ces technologies, mais même certaines des prévisions les plus optimistes semblent indiquer qu'elles ne représenteront que 20 p. 100 de la réserve énergétique mondiale en 2050.
    Un peu plus tard, je ferai des commentaires à propos de l'ampleur de l'exploitation des sables bitumineux et de la quantité d'énergie renouvelable, par exemple, l'énergie éolienne, dont on aurait besoin pour la remplacer.
    Ce sur quoi nous devons mettre l'accent en particulier, c'est l'intégration de l'approvisionnement énergétique, de l'infrastructure. Nous avons une vaste infrastructure dans l'ensemble du pays, donc de nouvelles sources d'énergie et de nouveaux emplacements sont d'excellentes choses. Mais comment les faire parvenir aux utilisateurs qui veulent mettre de l'essence dans leur voiture, même s'ils font 50 milles au gallon, et qu'ils veulent chauffer leur maison, etc.? Au cours de la période de transition que représenteront les 50 à 100 ou 200 prochaines années, nous devons surtout utiliser l'infrastructure qui existe déjà.
    La construction de nouvelles lignes de transmission soulève des préoccupations dans de nombreuses parties du monde, y compris dans notre pays.
    Même l'installation d'une centrale éolienne à la baie Georgienne ne réglera pas le problème du remplacement de Nanticoke à l'extérieur de Toronto, auquel fait face M. McGuinty
(1540)
    Nous devons adopter une approche fondée sur des systèmes d'énergie. Il ne faut pas considérer isolément les éléments de ces systèmes. Par le passé, on a toujours examiné l'énergie produite par le pétrole, le gaz, le charbon, de même que l'énergie nucléaire et l'électricité d'une façon compartimentée. Il incombe entre autres à EnergyINet d'examiner l'ensemble du tableau de l'énergie pour voir comment ces différents éléments peuvent s'imbriquer dans un système énergétique. Et l'intégration ne s'arrête pas à l'énergie. Nous devons intégrer notre production et consommation énergétiques à notre économie et à notre société.
    Nous sommes donc confrontés à deux scénarios. Nous pouvons maintenir le statu quo. Il y aura inévitablement un accroissement des tensions géopolitiques à cause de différends à propos de nos réserves de pétrole. On remarque qu'actuellement la Chine, par exemple, essaie de se rapprocher du Soudan, de l'Iran et du Venezuela, parce qu'après avoir échoué dans sa tentative d'acheter Unocal, elle n'a pas été en mesure de s'approvisionner en pétrole auprès de certaines sources. Il y aura des perturbations de la demande. La situation se dégradera sur le plan de l'environnement et du changement climatique. Nous assisterons aussi à une augmentation très nette de l'instabilité des marchés et des prix. Je ne sais pas s'il y aura une escalade ou une chute des prix, mais il y aura instabilité. Voilà ce qui arrivera si nous continuons à fonctionner comme nous le faisons en ce moment.
    Il y a cependant un deuxième scénario possible: nous pouvons opter pour un approvisionnement énergétique responsable et fiable. Il suffit de nous orienter vers la mise en valeur responsable des ressources énergétiques conventionnelles, en tâchant de réduire notre bilan carbone ainsi que notre utilisation de ressources auxiliaires. J'entends par là l'eau et les autres ressources nécessaires à la production d'énergie. Nous devons accélérer le développement de sources d'énergie alternatives ou non conventionnelles, y compris les énergies renouvelables, tout en mettant l'accent sur la mise au point et l'utilisation d'outils technologiques. Nous devons également mettre en place une réglementation adaptée aux nouvelles réalités et, ce qui est tout aussi important, un climat d'affaires plus sûr et stable, ce qui permettra au secteur privé de développer et d'utiliser la technologie nécessaire pour produire et consommer de l'énergie sans nuire à l'environnement.
    Selon un rapport rédigé par quelques professeurs de l'Université de Princeton, nous avons déjà toute la technologie nécessaire pour produire de l'énergie non polluante. Ce qui nous manque, c'est tout simplement les conditions qui inciteraient le secteur privé à investir dans cette technologie.
    Ce qui m'amène au prochain message que je voulais vous transmettre: en soi, la consommation d'énergie, c'est-à-dire l'intensité énergétique, ne pose pas problème. On peut illustrer ce fait à l'aide de certains chiffres. Ainsi, si on convertissait en chaleur chaque joule d'énergie produit dans le monde — et d'après les principes de la thermodynamique, la plupart de cette énergie se convertira en chaleur —, cela ne ferait augmenter la température de la planète que d'un quart de degré tout au plus. Ce sont les sous-produits de la production et de la consommation d'énergie qui causent du tort à l'environnement.
    Permettez-moi de le répéter car c'est d'une extrême importance. La consommation d'énergie et l'intensité énergétique ne posent pas problème. En fait, elles sont nécessaires. Nous ne progresserons pas en tant que société et nous ne réglerons pas nos problèmes environnementaux sans d'importantes quantités supplémentaires d'énergie. De plus, la production et la consommation de cette énergie supplémentaire n'entraîneront pas le réchauffement de la planète. Ce sont les sous-produits de la production et de la consommation d'énergie qui causent le problème.
    Si je peux produire de l'électricité à partir du charbon en capturant tout le mercure, l'oxyde de souffre, l'oxyde d'azote et les gaz à effet de serre, j'aurai de l'énergie électrique qui ne fera pas augmenter la température de la planète. Ce sont les sous-produits de la combustion du charbon qui sont à l'origine des effets néfastes sur l'environnement, effets qui suscitent de plus en plus d'inquiétude dans le monde aujourd'hui.
    Me suis-je exprimé assez clairement? C'est un élément extrêmement important.
    J'estime que le Canada a le besoin, la possibilité et même la responsabilité envers les autres pays du monde de développer plus d'énergie tout en respectant l'environnement.
    Certains d'entre vous sont peut-être au courant que l'organisation que je dirige a lancé une certaine initiative. Je me réjouis d'entendre le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles dire que le Canada est une superpuissance énergétique, parce que nous pouvons vraiment le devenir. Je n'entends pas par superpuissance une entité belligérante mais plutôt un pays avant-gardiste et responsable, capable de montrer au reste du monde comment extraire, transformer et consommer l'énergie d'une façon respectueuse de l'environnement. En transférant cette technologie aux pays qui n'ont aucune réglementation dans ce domaine, nous ferons beaucoup plus pour réduire les GES qu'en nous contentant d'utiliser nos technologies au Canada. Nous aurons d'énormes débouchés pour l'exportation si nous mettons au point les bonnes technologies.
(1545)
    Pourquoi le Canada a-t-il cette responsabilité, à mon avis, et ces possibilités?
    À la page suivante du document que je vous ai remis, j'ai énuméré la plupart — mais pas toutes, puisque je remarque qu'il en manque au moins une — des formes de réserves énergétiques du Canada, allant du pétrole conventionnel jusqu'à la biomasse. J'ai oublié d'inclure l'énergie géothermique qui aurait dû également figurer sur cette liste.
    S'il y avait des Russes dans la salle, ils ne seraient peut-être pas d'accord avec l'affirmation qui figure à droite de la page, selon laquelle le Canada possède plus de ressources énergétiques que n'importe quel autre pays au monde. Toutefois, il ressort des analyses faites jusqu'à maintenant que le Canada a les plus grandes réserves de toutes les formes d'énergie combinées. C'est un patrimoine naturel énorme que nous avons l'obligation envers le reste du monde de mettre en valeur de façon responsable.
    Pour vous donner une idée de l'ampleur de ces réserves, j'ai essayé de les convertir dans la même unité. On parle souvent de barils de pétrole, de pieds cubes standard ou de mètres cubes de gaz, de gigawatts d'électricité et de tonnes d'uranium. Comment convertir toutes ces formes différentes d'énergie en une seule de manière à avoir une idée de leur ampleur relative? J'en ai donné quelques exemples ici.
    J'en arrive à la question des sables bitumineux. En regardant ce tableau, vous voyez que les sables bitumineux l'emportent de très loin sur le pétrole classique, le gaz et même le charbon, combinés, quant au potentiel récupérable d'énergie. Pour vous donner un ordre de grandeur, j'ai utilisé l'exajoule comme unité de mesure; un exajoule équivaut à environ 160 millions de barils de pétrole soit l'énergie produite annuellement par 14 centrales nucléaires de la taille de celle de Pickering.
    Dans le domaine de l'énergie, il est prioritaire de reconnaître et d'accepter que les combustibles fossiles seront la source première d'énergie mondiale pour les 50 à 100 prochaines années. Je serais heureux de vous expliquer les raisons qui justifient cette affirmation, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises. Mais nous devons accélérer le développement et le déploiement de technologies respectueuses de l'environnement pour la combustion des combustibles fossiles. Cela ne fait aucun doute.
    L'Alberta préconise énergiquement l'exploration et l'utilisation de technologies à valeur ajoutée dans le domaine des combustibles fossiles et de l'énergie. Je pense que cela s'applique aussi au reste du pays. Plus nous pourrons ajouter de la valeur à nos exportations d'énergie, qu'il s'agisse d'électricité, de gaz, de pétrole ou même de bois, plus nous créerons d'emplois et de valeur économique au Canada.
    En même temps, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous amorçons une période de transition et devrons fortement accélérer la mise au point et l'utilisation de nouvelles sources d'énergie renouvelable. Toutefois, il est loin d'être facile de les intégrer aux systèmes énergétiques conventionnels et j'entends par là, les systèmes de distribution. Par exemple, dans le cas de l'énergie éolienne... comme je l'ai mentionné, on pourrait bien installer un parc d'éoliennes dans la péninsule Bruce, mais comment transporter l'énergie jusqu'à Toronto? Il n'y a pas de lignes de transmission permettant de le faire. Et, soit dit en passant, les vents soufflent de façon intermittente. Comment pourra-t-on niveler les courbes de charge étant donné le caractère intermittent de l'énergie éolienne?
    Un exemple dans ce domaine c'est le Québec où Hydro Québec travaille actuellement à combiner l'énergie hydroélectrique et l'énergie éolienne, qui peuvent aller très bien ensemble. Cependant, l'énergie éolienne et l'électricité produite par le charbon sont plus difficiles à combiner. On ne peut pas dire « Eh, Georges, le vent souffle fort, alors ôte un peu de charbon de la chaudière » et puis, le lendemain, « Eh, Georges, le vent est tombé; mets un peu plus de charbon dans la chaudière ». Le délai de réaction d'une centrale au charbon ne permet pas de fonctionner de cette façon.
    On me cite souvent l'exemple du Danemark, qui a réussi à faire des merveilles avec l'énergie éolienne. Je pourrai répondre à vos questions à ce sujet tout à l'heure, si vous le souhaitez, mais en fait, ce pays a très mal fait les choses et il a des politiques très restrictives. Cela a eu pour effet de faire grimper le coût de l'électricité en réduisant de façon minime les émissions de GES, parce qu'il faut encore se servir de centrales au charbon pour faire tourner les turbines. Il faut donc, encore une fois, reconnaître l'importance capitale d'une bonne intégration.
    Nous devons encourager une consommation responsable et judicieuse de l'énergie. Pour cela, il faut favoriser l'efficacité énergétique et par tous les moyens possibles. Mais il ne faut absolument pas penser que cela permettra de régler nos problèmes d'énergie. Il existe en fait un phénomène communément appelé l'effet rebond; plus on créera de produits permettant d'économiser l'énergie, plus les gens utiliseront ces produits.
    J'invite chacun d'entre vous à repenser, par exemple, au nombre de téléviseurs qu'il y avait chez vous dans les années 50 lorsque la télévision est apparue. Je me souviens que nous avons eu notre premier téléviseur — et il ne m'appartenait pas, il appartenait à mes parents — en 1957, et il consommait beaucoup d'énergie. Aujourd'hui, j'ai cinq téléviseurs chez moi, ce dont je devrais probablement m'excuser, mais ils sont cinq fois plus économes en énergie. Par conséquent, je consomme la même quantité d'électricité dans l'ensemble qu'auparavant.
    Combien d'entre vous ont plus d'un réfrigérateur: un frigo au sous-sol pour la bière, un congélateur, un réfrigérateur à deux portes dans la cuisine?
(1550)
    Londres utilise maintenant des appareils d'éclairage à faible consommation d'énergie et il est fascinant de voir que Londres est plus éclairé qu'auparavant, simplement parce que cet éclairage éconergétique leur permet d'éclairer une plus grande surface. Ainsi, l'efficacité énergétique n'entraîne pas automatiquement une baisse de la consommation d'énergie.
    Mais venons-en aux sables bitumineux, car je me rends compte que je parle déjà depuis 10 minutes et je voudrais vous expliquer pourquoi les sables bitumineux et pourquoi à cette échelle.
    Premièrement, les sources d'énergie ne sont pas toutes équivalentes. Nous avons besoin des combustibles hydrocarbonés liquides. Les aéronefs ne peuvent voler qu'avec du kérosène. J'ai rencontré des représentants de Boeing il y a environ trois semaines et ils m'ont dit qu'ils auront peut-être de nouveaux engins d'ici 2050, mais qu'il est très peu probable qu'ils soient utilisés dans le secteur commercial. Donc, il nous faut du kérosène. On obtient le kérosène du charbon. Ça coûte très cher, mais on le tire des combustibles fossiles. On ne peut produire du kérosène à partir de l'uranium. On doit utiliser des combustibles fossiles.
    Encore une fois, je dis que nous sommes dans une période de transition et que pendant longtemps encore, nous dépendrons des combustibles fossiles.
    Les sables bitumineux produisent des hydrocarbures liquides. Il s'agit du moyen le plus économique de fournir de grandes quantités d'énergie au Canada. Nous tirons déjà 1 million de barils par jour des sables bitumineux et nous pourrions en produire beaucoup plus.
    Dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien, la production de pétrole classique diminue de plus en plus et notre capacité d'exporter baisse également. Mais les sables bitumineux permettent d'équilibrer cette baisse et de maintenir nos revenus d'exportation et d'assurer notre propre sécurité d'approvisionnement en pétrole.
    Il ne fait aucun doute que la mise en valeur des sables bitumineux crée des emplois, des possibilités, des revenus d'exportation, comme je l'ai mentionné, et qu'ils sont en fait un moteur économique à l'échelle du pays. C'est vrai, c'est plus important en Alberta que partout ailleurs, et ça n'a pas toujours été une bonne chose. Je ne peux même plus me faire servir un repas-minute à Calgary à 22 heures car personne ne veut travailler à cette heure-là. Il y a des affiches « Nous embauchons » partout. Ainsi, ce n'est pas toujours une bonne chose de trop stimuler l'économie.
    J'aimerais vraiment vous faire saisir l'ampleur de la mise en valeur des sables bitumineux à l'heure actuelle. Le dernier point de la page intitulée « Mais pourquoi les sables bitumineux et pourquoi l'échelle? » vous montre qu'il n'y a tout simplement aucun autre moyen de répondre à nos besoins en énergie pour les 50 prochaines années.
    Je vais vous donner quelques exemples de remplacement. Le million de barils de pétrole que nous tirons à l'heure actuelle des sables bitumineux est équivalent à une centrale électrique de 85 gigawatts fonctionnant à pleine capacité. Cela représente 75 p. 100 de la capacité installée totale de production d'électricité dans l'ensemble du pays. C'est l'équivalent de 20 000 éoliennes, soit 1,25 fois la capacité installée de production d'énergie éolienne dans le monde entier. Comme le délai de livraison de la plupart des fabricants de turbines éoliennes est de quatre à cinq ans, il faudrait cinq ans au rythme actuel de production pour remplacer les sables bitumineux. Il faudrait probablement attendre de quatre à cinq ans seulement pour faire ajouter notre nom à la liste de livraison et il est tout à fait impossible d'avoir l'assurance d'obtenir toutes les turbines éoliennes fabriquées par tous les producteurs du monde entier pour les cinq années suivantes.
    Ainsi, sur le plan pratique, il est tout à fait impossible de remplacer le million de barils de pétrole par jour des sables bitumineux par d'autres sources d'énergie — je pourrais faire le même calcul pour d'autres sources ou d'autres combustibles. Nous avons besoin de ces combustibles et les sables bitumineux restent la seule source, du moins dans un avenir prévisible.
    Je suis sûr que bon nombre d'entre vous ont déjà vu le prochain tableau. Le Canada passera du huitième au quatrième rang des principaux producteurs de pétrole ou d'énergie dans le monde grâce aux sables bitumineux. En effet, sur le plan des réserves d'énergie par pays, nous sommes actuellement au deuxième rang, et certains diront même que nous sommes premiers, car à mesure que la technologie s'améliore, le pourcentage de bitume récupérable dans les sables bitumineux augmente dans une proportion telle que bon nombre des entreprises du secteur vous diront aujourd'hui que le pétrole récupérable s'élève à l'heure actuelle à 320 milliards de barils, ce qui pourrait dépasser toutes les réserves de l'Arabie saoudite — et je dis bien pourrait. Je vous invite à lire le livre Twilight in the Desert de Matt Simmons sur l'existence ou non de ces réserves saoudiennes; ça fait peur.
(1555)
    La diapositive suivante vous montre très clairement l'évolution et le déclin à compter de maintenant du pétrole classique de l'Ouest canadien; la contribution du pétrole en mer, qui restera relativement constante au cours des 20 prochaines années plus ou moins; et la contribution des sables bitumineux, au vu de la réglementation et de la croissance des projets annoncés, etc.
    Bien sûr, les chiffres peuvent varier. Je ne suis pas un expert en prévision de production; mais, manifestement, il va y avoir une énorme croissance.
    Toutefois, la diapositive suivante est à mon sens d'une importance capitale. Je suis convaincu -- et vous m'avez sans doute entendu l'affirmer -- qu'il n'y a pas vraiment d'autres solutions. Nous nous devons d'exploiter les sables pétrolifères dans un souci de préservation de l'environnement. Mais cela ne va pas sans poser de problèmes, surtout environnementaux. J'en ai énuméré quelques-uns dans la diapositive suivante, où il est question d'exploitation à ciel ouvert et d'utilisation des terres. Je dirais que la restauration est possible au bout de 20 à 50 ans. D'ailleurs, je suis sûr que vous avez tous vu des photos de bisons broutant sur des terres que GCOS avait exploitées au départ.
    Je crois que c'est une question qui ne devrait pas trop nous préoccuper, mais c'est cependant un aspect à ne pas oublier.
    La consommation d'eau est un problème majeur. À l'heure actuelle, il faut de deux à cinq barils d'eau pour chaque baril de bitume extrait ou de pétrole brut de synthèse produit. Nous avons de grands bassins de décantation des résidus, mais ils ne semblent pas se déposer comme il faudrait.
    La rivière Athabasca a une quantité d'eau limitée et, même si le Canada a la chance d'avoir d'énormes ressources, elles ne sont pas toujours au bon endroit au bon moment, hélas. L'eau constituera donc un défi.
    Quant à l'usage du gaz naturel comme carburant dans l'exploitation des sables bitumineux, c'est un peu comme de changer l'or en plomb, chose que je ne suis certainement pas la première personne à souligner. En effet, le méthane utilisé comme carburant pour extraire des bitumes et du pétrole brut synthétique de relativement faible qualité est un carburant relativement propre. Si on l'utilise, c'est uniquement pour des raisons historiques parce que ce gaz était prisonnier là, à Fort McMurray, il y a 40 ans. Il était alors tout à fait logique de l'utiliser d'autant que nous en ignorions les répercussions sur le réchauffement climatique, etc.
    Mais il nous faut aujourd'hui trouver une solution de rechange au gaz naturel, d'abord parce qu'il n'y en aura pas assez pour amener les sables pétrolifères à produire de trois à cinq millions de barils par jour, ainsi qu'on l'envisage.
    Les émissions de gaz à effet de serre sont également une préoccupation majeure, cela va sans dire. Il nous faut effectuer un triage entre les combustibles fossiles dans leur ensemble et les sables bitumineux selon leurs émissions de gaz à effet de serre avec le temps.
    Je ne vais pas m'attarder aujourd'hui sur les besoins en matière d'infrastructure, de main-d'oeuvre, ni sur les coûts d'accès aux marchés. Je me contenterai de dire que l'infrastructure est mise à contribution de différentes façons. Il existe indubitablement un manque de main-d'oeuvre criant en Alberta qui fait grimper les coûts. Il nous faut donc un programme robuste permettant l'exploitation continue des sables bitumineux.
    La recherche et le développement visent à permettre l'exploitation des sables bitumineux dans le souci de l'environnement et de la réduction des coûts. D'ailleurs, l'innovation technologique peut libérer de vastes quantités de sources d'énergie.
    La diapositive suivante n'a rien à voir avec les sables bitumineux. Elle montre comment la technologie par elle-même a contribué à tripler les réserves de pétrole de la mer du Nord. Le gisement a été découvert en 1986. La zone sous la première courbe montre le montant des réserves prouvées avec la technologie qui existait en 1986.
    Au cours de la décennie suivante, des percées technologiques ont permis l'exploitation de la seconde tranche et la récupération de tout ce pétrole supplémentaire. Après cinq autres années de recherche et de développement, ainsi que de développement technologique, il a été possible de tirer du même gisement la troisième tranche de réserve.
    Revenons aux sables bitumineux. J'espère être en train de vous convaincre que la technologie peut régler une bonne part des problèmes, si on l'exploite comme il faut. Il existe dans les sables bitumineux un besoin criant de sources de combustible et d'hydrogène susceptibles d'être utilisées au lieu du gaz naturel. Des travaux sont actuellement en cours, depuis des projets pilotes à des installations semi-commerciales, pour gazéifier le coke de pétrole produit là-bas, et produire ainsi du gaz de synthèse, de l'hydrogène et de la chaleur.
    Il est possible également d'utiliser des résidus de bitume, comme les asphaltènes, soit la lie du baril, qui ont le moins de valeur. Il est possible de gazéifier du bitume brut.
(1600)
     Nous pourrions utiliser le charbon qui se trouve là-bas et le gazéifier. Nous pourrions même gazéifier de la biomasse, ou du moins des grumes infestées par le dendoctrone du pin, en combinaison avec d'autres matières. En fait, il a été prouvé que la biomasse était avantageuse à utiliser avec certains autres des éléments dans la cogazéification.
    Une étude effectuée par mon propre organisme se penche sur ces sources de remplacement, du point de vue du génie et de l'économie, afin de fournir au secteur privé certaines des bonnes réponses pour remplacer le gaz naturel comme source de combustible et l'hydrogène. L'énergie nucléaire est une option.
    Je reviens justement d'une visite à un réacteur nucléaire de pointe, en Idaho, mardi dernier. Il relève du Département de l'énergie: un territoire de 800 milles carrés auquel j'ai eu accès seulement après avoir été presque entièrement déshabillé. On y effectue des travaux passionnants auxquels nous commençons à participer, qui feraient du nucléaire une source de chaleur particulièrement intéressante pour le traitement des sables bitumineux, du charbon et d'autres minerais. On peut y avoir recours pour transmuer le charbon en liquides, en gaz, etc. L'énergie géothermique est une autre possibilité que l'on envisage.
    À la page suivante, on constate que les émissions de gaz à effet de serre sont effectivement un problème. Mais l'industrie s'efforce d'y remédier, comme en atteste la courbe où le trait est continu, qui indique que les émissions par baril produit diminuent au fil du temps. Par contre, du fait de l'augmentation de la production, le total des émissions augmente avec le temps. Il nous faut trouver des façons de réduire au minimum les émissions de gaz à effet de serre. Cela se fait grâce à de nouvelles technologies qui sont mises à l'épreuve dans l'exploitation des sables bitumineux à l'heure actuelle.
    J'espère que vous voudrez bien me pardonner le manque de clarté des graphiques. Je me contenterai de mentionner brièvement le processus THAI, qui n'utilise pratiquement pas d'eau. Il fait appel à une combustion souterraine lancée au départ par du gaz de combustion, puis entraînée par une injection d'air, pour améliorer la viscosité des sables bitumineux et permettre de les recueillir dans un tuyau souterrain, avant de les pomper vers la surface.
    On a en dessous de ce graphique un exemple du traitement possible des asphaltènes — la lie du baril de bitume des sables bitumineux. Comme le coke pulvérisé, on peut les mélanger avec des surfactants et un peu d'eau, puis les brûler dans une tuyère de combustion classique.
    Dans l'usine OPTI/Nexen, construite dans un bel esprit de prévoyance, on gazéifie la lie du baril, soit l'une des options de production de chaleur et d'hydrogène que j'ai indiquées.
    La troisième usine d'amélioration prévue à Suncor gazéifiera le coke de pétrole pour produire de la chaleur et de l'hydrogène aussi, si bien que l'on réalise des progrès dans ce domaine.
    La page suivante traite de l'un des problèmes qui entrave l'innovation dans le secteur de l'industrie. Laissez-moi, tout d'abord, faire une remarque un peu cynique: quand les affaires vont bien et que les gens sont occupés, ils sont trop occupés à s'enrichir; quand les affaires font mal, ils n'ont pas d'argent à consacrer à la recherche et au développement. Sans être vraie à 100 p. 100, c'est une affirmation qui comporte un élément de vérité.
    Ce qui est beaucoup plus important, toutefois, c'est l'intensité des capitaux et les investissements à long terme nécessités par les grands projets énergétiques: de 20 à 50 ans et des milliards de dollars. Et jamais des sociétés du secteur privé et leurs actionnaires n'investiront dans ces domaines sans une certaine certitude en matière de réglementation notamment. C'est un contraste marqué avec la situation dans le secteur des technologies de l'information où, si un produit se casse un peu la figure, rien n'empêche de le cannibaliser et de le remplacer en l'espace de six mois.
    Souvent, d'ailleurs, comme vous le constatez, nous avons tous ce genre de choses. Mon appareil, acheté il y a un an seulement, est certainement dépassé. C'est vrai dans le secteur des technologies de l'information; pas dans celui de l'énergie.
    D'autre part, c'est un secteur où il est également très difficile de différencier un produit. Le secteur de l'énergie produit des électrons, de l'essence, du bitume ou du pétrole brut de synthèse; cela revient au même pour un client. Cela étant, si vous investissez beaucoup d'argent dans une technologie à la fine pointe du progrès, comment allez-vous rentrer dans vos frais, alors que votre concurrent peut adopter un processus vraiment bon marché et peut-être moins sensible à l'environnement, pour produire le même produit de base, que le consommateur traitera exactement de la même façon?
    Le secteur de l'énergie, notamment les petites sociétés et celles spécialisées dans le service, sait innover. Mais il n'est pas vraiment reconnu pour l'innovation. Peut-être aussi ces sociétés ont-elles besoin d'un petit coup de pied aux fesses de temps en temps pour être plus innovatrices. Je suis sûr que votre comité et le gouvernement peuvent imaginer deux ou trois choses pour les y inciter. N'empêche que ce qui serait surtout utile, de plus en plus, serait une certaine certitude dans le cycle d'investissement auquel elles sont confrontées.
(1605)
    Les dernières diapositives portent sur l'innovation. Je crois que l'innovation technologique est la clé qui nous permettra d'accroître la production des sables bitumineux, dont nous avons grandement besoin, mais d'une manière responsable.
    Je crois, personnellement, que le système d'innovation de notre pays ne fonctionne pas. Nous investissons des milliards de dollars dans la recherche et le développement en amont, mais nous n'en voyons pas les avantages en aval. Il y a à cela une raison relativement simple. Comme le prochain graphique le montre, l'innovation est une chaîne. Ça ne devrait pas vous surprendre, n'importe quelle autre industrie a une chaîne d'approvisionnement. Il y a d'une part les créateurs d'idées et de connaissances qui travaillent dans les laboratoires universitaires et gouvernementaux. À l'autre bout, il y a le marché, qui produit les avantages économiques. Entre les deux, il y a de nombreuses autres étapes qui sont complexes et difficiles et qui ne peuvent pas être franchies par les mêmes intervenants.
    Les laboratoires gouvernementaux ne peuvent pas et ne devraient pas commercialiser de produits. Les universités non plus. Le secteur privé ne devrait pas essayer de faire de la R-D fondamentale. C'est pourquoi il faut avoir cette chaîne d'organismes, chacun avec ses propres compétences, pour faire en sorte qu'une idée fasse son chemin jusqu'à devenir un produit économique.
    Pour vous montrer à quel point le Canada s'en tire mal, malheureusement, j'ai travaillé avec des collègues internationaux, y compris Michael Porter — je ne peux pas prétendre qu'il s'agisse uniquement de mon travail, mais je participe à ce groupe — nous avons établi des repères pour la compétitivité internationale sur le plan de l'innovation. Nous avons utilisé deux mesures: l'indice de recherche et développement, et des personnes hautement qualifiées produisant un certain nombre de possibilités par tranche d'investissement de un million de dollars dans la R-D.
    Les pratiques exemplaires sont indiquées dans la rangée supérieure. Vous voyez où se situe la Finlande qui est souvent considérée comme une économie novatrice, et vous voyez où se placent les États-Unis en fonction de ces pratiques exemplaires qui servent de repères. À la dernière ligne, on voit où se place le Canada et ce que l'on constate par dessus tout, c'est que l'indice de R-D s'éloigne horriblement de la pratique exemplaire. Le chiffre du secteur privé est à gauche et celui du secteur public est à droite. Idéalement, il devrait y avoir trois parts d'investissement du secteur privé pour une part d'investissement public. Au Canada, ce rapport est de 1,18 pour 1; nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
    Nous ne pouvons pas simplement critiquer le secteur privé et le pousser à faire davantage de R-D sans encouragement. Nous devons trouver des moyens d'encourager le secteur privé à faire davantage de R-D afin d'améliorer ce rapport. Bien sûr, on pourrait aussi réduire la R-D gouvernementale, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution. Il est important d'avoir un équilibre et voilà les rapports dont nous avons besoin.
    On constate donc un déséquilibre de l'incitation à la connaissance par rapport à l'attraction des marchés. Au Canada, nous avons une politique d'innovation économique de l'offre: « Découvrez-le et ils viendront », plutôt que « J'en ai besoin, inventez-le pour moi ». Nous devons trouver un équilibre entre ces deux pôles. Loin de moi l'idée de critiquer l'argent versé aux universités pour la recherche fondamentale. Nous en avons besoin, mais il nous faut également les éléments qui favorisent le développement technologique à l'autre bout, et on a fait très peu de choses pour améliorer cette partie difficile qui se trouve au milieu.
    Nous devons donc intégrer la chaîne de l'innovation. Nous devons avoir une définition, une vision et des objectifs partagés. Ce n'est certainement pas le cas à l'heure actuelle. Il nous faut des politiques en matière d'innovation. Je ne sais pas s'il serait trop sévère de dire qu'elles n'existent pas, mais elles ne sont certainement pas holistiques.
    Nous avons plus de 200 programmes gouvernementaux, fédéraux et provinciaux, en matière d'innovation. La plupart des entreprises n'ont pas la moindre idée de la manière de présenter une demande ou elles obtiennent si peu d'argent de ces programmes que ça n'en vaut pas la peine. Nous devons condenser ces programmes pour en avoir peut-être 10 ou 12 plutôt qu'un ensemble incroyablement complexe.
    Les organismes qui font de l'innovation sont diffus et ne sont pas coordonnés. Ils ne font pas partie d'une chaîne et, dans la plupart des cas, les mesures et les repères que nous utilisons sont loin d'être ce qu'ils devraient être. Malheureusement, souvent, la quantité est plus importante que la qualité dans les mesures effectuées par le gouvernement. On est récompensé pour le nombre de nouvelles entreprises et non pas pour le nombre d'entre elles qui survivent et génèrent des milliards de dollars dans l'économie. On est récompensé pour les dollars investis mais non pas pour les résultats mesurés. Nous devons penser autrement. Nous devons intégrer et équilibrer la chaîne d'innovation pour produire efficacement des biens.
    Encore une fois, je voudrais parler du dilemme du financement. Dans les prochaines courbes, qui sont peut-être un peu difficiles à suivre, celle qui diminue rapidement à partir de l'axe de gauche représente le financement du secteur public qui va de l'idée au produit. Pour sa part, le financement du secteur privé est très faible au moment de l'idée et augmente rapidement plus on se rapproche d'un produit présentant un avantage économique.
(1610)
    Dans ce contexte, on constate une nette augmentation du risque politique — je suis sûr que tout le monde autour de cette table comprend cela mieux que moi — à mesure que l'on accorde des montants de plus en plus élevés à un nombre décroissant de projets. À mon avis, aucun gouvernement, qu'il soit provincial, fédéral ou autre, ne souhaite consacrer des centaines de millions de dollars à un projet qui va échouer par la suite — c'est certainement à l'opposition de soulever des questions à ce sujet — mais il faut bien que quelqu'un le fasse. On voit le risque financier augmenter à mesure qu'on se rapproche du début du projet à l'étape du développement dans la chaîne d'approvisionnement de l'innovation, tel que la conçoit le secteur privé.
    Il y a un blocage au milieu, avec cet élément, et c'est précisément là qu'EnergyINet a choisi de travailler par pure masochisme. C'est le secteur le plus difficile pour intervenir, car les dépenses publiques y sont minimes, pour les raisons que j'ai indiquées; et les dépenses du secteur privé y sont également minimes pour les autres raisons dont j'ai parlé et les montants nets qui apparaissent ici pour les éléments les plus difficiles — une usine pilote, une usine de démonstration, des activités de commercialisation — composent l'essentiel de la partie sous-financée de la chaîne des approvisionnements en innovation.
    Permettez-moi de conclure en évoquant de nouveau la responsabilité du Canada. À Energy INet, nous bénéficions d'un groupe de collaborateurs très solides. En fait, nous ne sommes qu'un mécanisme de coordination d'un mouvement qui affirme que le Canada a la responsabilité de devenir une superpuissance énergétique responsable. Il en retirera les avantages suivants: des approvisionnements énergétiques responsables au plan environnemental, une pleine utilisation de toutes les ressources énergétiques dont nous sommes richement pourvus, comme je l'ai indiqué, et des progrès vers l'élimination du carbone et des autres émissions délétères. Vous pouvez sans doute voir les raisons qui permettent de l'affirmer.
    En procédant ainsi, comme je l'ai indiqué, nous contribuerons plus que quiconque à la réduction de la contamination de l'environnement et aux émissions de contaminants à l'échelle mondiale, ce qui pourrait nous rapporter gros. Nous pourrions en retirer d'énormes recettes en exportations.
    Cela étant dit, je passe maintenant à mes deux derniers acétates. Le premier explique pourquoi le Canada doit s'intéresser en priorité à l'énergie et aux technologies énergétiques. Les raisons en sont évidentes. Je les ai déjà évoquées.
    Le Canada se trouve déjà dans un environnement où les investisseurs comprennent le domaine énergétique et les technologies énergétiques, et ils sont prêts à y investir. Nous avons des banques et des agents de mobilisation de capitaux qui sont très habiles à trouver de l'argent pour financer les projets énergétiques. Nous avons des universités remarquablement qualifiées pour former des travailleurs hautement spécialisés dans le domaine énergétique. Nous avons une excellente infrastructure de recherche et de développement en énergie ainsi qu'une grande capacité de recherche et de développement en laboratoire, et nous disposons d'une industrie énergétique jouissant d'une excellente réputation à l'échelle mondiale. Si nous mettons l'accent sur une exploitation énergétique responsable, je suis convaincu que nous avons l'occasion de permettre au Canada de contribuer à la durabilité à l'échelle mondiale.
    Mon dernier acétate et mes derniers commentaires sont consacrés au rôle que j'attribue au gouvernement dans l'avenir de l'énergie: il doit montrer l'exemple et adopter la vision du Canada en tant que jalon mondial de la production intégrée d'énergie associée à des émissions minimales de carbone; il doit garantir une plus grande certitude pour les décisions d'investissement, grâce à des structures politiques à long terme plus précises, de façon que le secteur privé puisse aller de l'avant et prendre des décisions d'investissement, comme il peut le faire aujourd'hui; et il doit absolument accélérer la mise en oeuvre d'une réglementation souple, simplifiée et coordonnée, car c'est actuellement un cauchemar pour la plupart des sociétés. Encore une fois, c'est un obstacle pour les sociétés qui veulent mettre en service de nouvelles technologies et qui veulent procéder à des investissements à long terme.
    Je suis personnellement convaincu qu'il incombe au gouvernement de partager les risques de l'innovation et de la mise en oeuvre des technologies nouvelles. Je ne suis pas certain que le gouvernement doive se consacrer lui-même à la fourniture d'informations technologiques. Il devrait plutôt trouver des solutions pour que les risques assumés par le secteur privé soient atténués par certaines interventions gouvernementales.
    Finalement, le gouvernement doit renforcer la chaîne des approvisionnements du Canada en innovation de façon que les extrants proviennent véritablement des intrants et que l'innovation technologique fasse progresser le pays, en particulier dans le secteur énergétique.
    Monsieur le président, vous m'excuserez de ne pas avoir été plus bref. J'apprécie beaucoup votre générosité.
    Je dois également m'excuser auprès des membres du comité pour avoir abordé des sujets fort éloignés des sables bitumineux, mais je pense avoir placé ces derniers dans leur juste contexte.
    Merci beaucoup.
(1615)
     Merci, monsieur Raymont. J'en conviens avec vous, nous avons été un peu longuets, mais cela en valait la peine. Nous apprenons tellement de choses ici, au comité, qu'à mon avis il était fort utile de mettre tout cela ensemble.
    J'ai vu les têtes qui hochaient autour de la table et non, ce n'est pas parce que les membres tombaient endormis, mais plutôt qu'ils commençaient à comprendre comment les éléments du casse-tête venaient à se rassembler pour notre édification. Je pense que vous nous avez fort bien expliqué certains de ces éléments, et je vous remercie pour ce que vous nous avez appris et aussi pour la façon dont vous vous êtes exprimé. C'était fort bien fait, et votre exposé attestait bien de vos vastes connaissances de ces grands dossiers.
    Cela dit, je pense que nous pouvons maintenant passer aux questions et je suis certain que M. Cullen en aura quelques-unes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de cet excellent exposé, monsieur Raymont. Continuez comme cela, parce que je pense que l'innovation en matière énergétique est vraiment une partie de la solution.
    Sur l'une de vos diapositives, vous nous montriez que l'intensité énergétique n'était pas le problème. On pourrait dès lors en conclure que l'approche suivie par le gouvernement dans ce sens est peut-être mal fondée. Alors, je ne pense pas que c'était vraiment ce que vous vouliez dire, parce que si l'on regarde le tableau des émissions de GES, celui qui montre l'intensité descendante — ce qui est une excellente chose — on voit que la quantité totale d'émissions augmente de façon absolue, et qu'il y a toujours un hiatus. Certes, vous nous dites également que, sur le plan de la consommation, du transport et de l'industrie secondaire, il reste encore beaucoup à faire également.
    Je voulais vous poser tout un tas de questions, mais je vais commencer par l'innovation. Le Canada offre à la recherche et développement un régime fiscal extrêmement progressiste, mais il y a toujours lieu de se demander jusqu'à quel point ce régime est suffisamment séduisant. L'État consacre 1,2 et 1,4 milliard de dollars respectivement aux dépenses fiscales destinées aux secteurs du pétrole et du gaz.
    Ce que j'ai toujours fait valoir, c'est que ces deux chiffres, 1,2 et 1,4 milliard de dollars, pourraient plutôt bénéficier à l'innovation en recherche et en développement, parce que si on veut accélérer cette intensité de manière à contrer les émissions de gaz à effet de serre — qui, d'après votre tableau, et toujours de façon absolue, devraient augmenter avec la mise en exploitation des sables bitumineux — cela pourrait se justifier.
    Et j'en profiterai pour greffer à cela deux autres questions, si vous voulez bien. Vous avez évoqué la question de l'utilisation de l'eau, et tout le monde semble s'accorder pour dire que l'utilisation de l'eau est un problème associé à l'exploitation des sables bitumineux. Nous avons entendu l'autre jour que 90 p. 100 de l'eau utilisée est recyclée. D'après mes calculs, cela ne colle pas parce qu'on a également entendu dire que le niveau de la nappe phréatique baisse dans la région de l'Athabasca. J'ignore comment il peut se faire qu'on ait ce problème de nappe phréatique dans le bassin de l'Athabasca si 90 p. 100 de l'eau utilisée est effectivement recyclée. Quoi qu'il en soit, si vous avez d'autres données à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.
    En second lieu, le piégeage et le stockage du carbone vont jouer un rôle essentiel. Où en est-on avec cette technologie, et combien de temps faudra-t-il pour la mettre en oeuvre en situation réelle dans le cas, par exemple, des sables bitumineux?
(1620)
    Pour commencer, je vais vous expliquer ce graphique des émissions potentielles de GES comme si nous maintenions le statu quo. Si nous nous contentons de dire qu'il faut continuer à utiliser les technologies existantes et ajouter davantage d'usines, voilà ce qui va se produire. Il y aura des améliorations modestes au chapitre des émissions de GES, mais les chiffres absolus vont afficher une augmentation d'ensemble.
    Or, comme je vous l'ai dit, l'industrie a déjà commencé à adopter de nouvelles technologies. Ce que je préconise, c'est de trouver le moyen d'accélérer l'information technologique afin de pouvoir véritablement aplatir cette courbe, celle des émissions de GES par baril de pétrole, aussi rapidement que possible. L'industrie fait des progrès, certes, mais je pense qu'il incombe à toutes les parties de trouver le moyen de travailler ensemble — et lorsque je parle de « parties », j'entends tous les ordres de gouvernement ainsi que le secteur privé — afin de faire baisser aussi rapidement que possible les émissions.
    Si on se demande maintenant si le régime fiscal peut être favorable à cela ou non, j'ai vraiment le sentiment de n'être pas le mieux placé pour répondre à cette question. Il faut offrir des incitatifs, et je vous ai d'ailleurs donné des pistes... un genre d'encouragement, dirais-je, plutôt que des incitatifs. Je voudrais qu'on abandonne ce terme « incitatifs ». Ce sont des encouragements qu'il faut prodiguer. Mais je vous dirais qu'il y a des gens qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi en matière financière et fiscale et qui pourraient vous suggérer les mesures les plus efficaces.
    Je pourrais par contre vous dire de façon très générale que certaines des mesures fiscales très généreuses accordées à la recherche et au développement au Canada n'ont pas à elles seules réussi à stimuler le genre de recherche et de développement que nous réclamons. Cela n'est peut-être pas la faute de ce traitement fiscal généreux, d'ailleurs.
    J'en reviens ici à ce que je vous disais, en l'occurence qu'on ne voit pas l'innovation sous un angle holistique. Ce que nous avons fait, c'est dire qu'il faut accorder au Canada, à la recherche et au développement, un bon régime fiscal. Si nous avions un bon régime fiscal, associé à toutes sortes d'autres choses qui renforcent encore la chaîne de l'approvisionnement, la politique pourrait être excellente, mais elle ne le serait que si d'autres politiques viennent s'y greffer.
    En ce qui concerne votre question au sujet de l'eau, ici aussi l'industrie fait des progrès, mais à un rythme qui ne nous permettra pas d'arriver à ces trois à cinq millions de barils de pétrole issus des sable bitumineux par jour dont nous avons besoin pour notre propre consommation intérieure, pour nos recettes d'exportations et pour la sécurité énergétique nécessaire au Canada sans entraîner de graves problèmes pour le bassin de l'Athabaska.
    Par conséquent oui, l'industrie recycle l'eau, mais la différence qu'on constate en regardant certains de ces chiffres tient simplement à ce que soit cette eau est recyclée parce qu'elle est rejetée dans des bassins de décantation, soit qu'elle l'est mais en retournant directement dans l'Athabaska. Ici encore, l'industrie s'efforce de faire mieux, mais seul un changement radical de technologie  — et je vous ai parlé du processus THAI, qui utilise très peu d'eau — nous permettrait d'arriver à produire ces trois à cinq millions de barils par jour et plus à partir des sables bitumineux sans entraîner de graves pénuries d'eau.
    Et si vous me le permettez, combien de temps faudrait-il pour arriver à un niveau de piégeage et de stockage suffisant du carbone?
(1625)
    La technologie existe aujourd'hui. Bon nombre d'entre vous le savent, j'en suis sûr, on se sert du dioxyde de carbone comme agent d'extraction amélioré pour les champs pétrolifères, chez EnCana, dans le sud de la Saskatchewan. Chose intéressante, nous achetons le CO2 des États-Unis alors que nous en avons beaucoup nous-mêmes, mais l'aspect pratique de la situation l'exigeait.
    Il existe diverses propositions visant à bâtir des pipelines de CO2 qui relieraient les sables bitumineux aux champs pétrolifères de l'Alberta, où l'on pourrait s'en servir d'une manière utile pour extraire davantage de pétrole. En vérité, si vous prenez l'ensemble des émissions de CO2 émanant du bassin sédimentaire qu'exploite l'industrie énergétique dans l'Ouest canadien, celles-ci excèdent la capacité qu'a le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien pour l'exploiter à des fins économiques, à savoir l'extraction du pétrole.
    Cela étant dit, la géologie du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien est idéale pour le stockage, soit le stockage permanent dans la couche aquifère, mais il y a un coût à cela. Donc, si je suis du secteur privé, la question est celle-ci, qu'allez-vous faire pour moi si mon voisin ne capte pas le CO2? Je suis prêt à m'en charger moi-même, la technologie pour cela existe, et je peux m'y mettre, mais s'il m'en coûte 15 $ la tonne pour le réinjecter dans le sol et diminuer ainsi les émissions de gaz à effet de serre, qu'allez-vous faire pour moi? Comment vais-je rentrer dans mes frais?
    Il nous faut donc trouver des mécanismes qui permettront au secteur privé d'internaliser ces facteurs externes.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Cullen, je dois ajouter que l'eau figure à notre programme. Dans deux semaines, le 9 novembre, nous entendrons deux témoins qui nous parleront plus longuement de toute la question de l'eau.
    J'aurais aimé aller plus vite, monsieur Tonks. Nous avons débordé, je vais donc céder la parole à Mme DeBellefeuille.

[Français]

    Votre exposé a été d'une clarté intéressante. J'avais lu vos diapositives, qui étaient en français, soit dit en passant. Les documents avaient été traduits.
    La question que je vais vous poser, monsieur Raymont, peut vous sembler assez simple, mais elle me revient toujours à l'esprit depuis le début de l'étude sur les sables bitumineux. La semaine dernière, ou mardi de cette semaine, on a reçu un chercheur qui nous disait que le développement et la croissance de l'exploration des sables bitumineux étaient tellement rapides que l'innovation et la technologie ne pouvaient pas en suivre le rythme. Face à cette situation, même si on accordait beaucoup d'argent au secteur de l'innovation et de la technologie, ceux-ci ne seraient pas capables de suivre le rythme et, donc, de contribuer, par leurs recherches, à diminuer les gaz à effet de serre. Plusieurs intervenants disent qu'il faudrait imposer un moratoire le temps que l'exploration des sables bitumineux, la recherche et l'innovation ainsi que la technologie trouvent des moyens pour poursuivre l'exploration tout en réduisant les gaz à effet de serre.
    J'ai rencontré beaucoup de lobbyistes depuis mon élection, surtout dans le domaine de la science et de la technologie. Depuis neuf mois, j'en suis venue à la conclusion que le gouvernement en place semble ne pas vouloir investir et accorder une importance suffisante à la science et à la technologie. Je lis le document que la Bibliothèque du Parlement nous a remis. On note un déclin dans la recherche et le développement. On y investissait 1,3 milliard de dollars en 1983, mais seulement 900 millions de dollars en 2001.
    Si j'étais à la tête d'une riche pétrolière et que j'avais intérêt à ce que tout aille vite pour faire beaucoup d'argent, quel intérêt aurais-je à diminuer mes profits pour investir dans des technologies qui vont contribuer à la réduction des gaz à effet de serre?
    Si je comprends bien, le système de recherche et de développement d'innovations est basé sur le financement des industries. Ces industries sont des industries pétrolières, et leur but est de faire beaucoup de profits, ce qui est légitime. Elles n'ont pas intérêt à agir autrement, et il faut les contraindre à investir dans des projets comme le vôtre qui auront pour but de réduire les gaz à effet de serre. Je ne sais pas ce que vous en pensez. C'est un cul-de-sac. Il y a urgence et on parle, on discute de la technologie comme si cela devait arriver un jour, alors que je crois que la situation est urgente.
(1630)

[Traduction]

    Je vous remercie de ces commentaires à propos de l'exposé. Vous avez soulevé de très bonnes questions, mais j'aimerais dépeindre un portrait plus optimiste que celui que vous avez.
    Oui, vous avez raison. On se précipite pour exploiter les sables bitumineux, mais je ne crois pas que toutes les propositions visant à exploiter les sables bitumineux qui ont été mises de l'avant vont atteindre l'étape de la réalisation, et ce, pour diverses raisons. Cela devrait apaiser certaines préoccupations.
    De même, la planification et la réalisation de ces projets prennent beaucoup de temps. Comme je l'ai dit, strictement pour des raisons économiques, on constate qu'on s'éloigne des processus exigeant l'emploi de grandes quantités d'eau et d'énergie, et que l'on se dirige vers certaines des nouvelles technologies que j'ai expliquées aujourd'hui. Ces technologies sont en fait à l'étape commerciale de l'usine pilote. Si vous prenez quelque chose comme le processus Nexen/OPTI, à l'heure où nous nous parlons, tout est achevé sauf l'usine de traitement. Son processus d'extraction est à peu près aux trois quarts achevé, mais seulement 20 p. 100 de l'usine de traitement a été bâtie.
    Il y a donc de nouvelles technologies qui émergent. Je pense qu'il serait prudent d'autoriser une croissance dans les sables bitumineux, en s'en tenant aux capacités existantes de la région, et d'accélérer le développement de nouvelles technologies. Il faut faire les deux en même temps. Et comme je dis, ce qui est primordial dans tout cela, c'est l'accélération du développement technologique parce qu'il y a en fait toute une série de bonnes technologies que l'on met au point en ce moment dans les universités et les laboratoires des gouvernements. Cependant, on ne va pas plus loin que cela à cause de cet écart incroyable que l'on constate dans le milieu du cycle d'innovation dont j'ai parlé.
    Il est sûr qu'il y a des technologies qui s'apprêtent à passer à la phase de la construction. Si vous nous donnez plus de certitude sur le plan de la réglementation, si vous permettez au secteur privé de faire les investissements voulus pour opérer une extraction responsable, le secteur va se servir de ces technologies.
    Je ne connais pas un seul cadre de l'industrie pétrolière de Calgary qui dit qu'il veut salir la planète. Personne ne veut salir la planète. Il est sûr qu'ils veulent tous gagner de l'argent, comme vous dites, mais le fait est que s'ils en ont la possibilité — et je crois que bon nombre de ces entreprises sont toutes plus ou moins très responsables lorsqu'il s'agit de l'environnement — et nous devons les encourager. Ce n'est pas moi qui peux vous dire quelle combinaison de mesures il faut, mais celles-ci doivent être mises en place.

[Français]

    Pouvez-vous me dire comment le Canada pourrait s'assurer que ses politiques énergétiques soient à la fois responsables, durables et fiables?

[Traduction]

    Je répondrais que c'est en partie pour cette raison qu'on tient des audiences comme celle-ci: pour que vous puissiez entendre diverses opinions et former ainsi votre jugement; pour résumer ce que je dis, et j'espère que vous y verrez l'expression absolument neutre de l'intérêt public supérieur, il faut établir un équilibre entre la durabilité économique et la durabilité environnementale. Vous allez sûrement entendre des responsables de l'industrie dont le point de vue pèse plus lourd d'un certain côté, j'en suis sûr, et vous allez entendre des écologistes qui vont plaider très vigoureusement dans l'autre sens.
    Je vous invite à interroger particulièrement les écologistes sur l'aspect pratique des solutions de rechange dont ils font état. C'est bien beau de dire que nous devons ralentir et mettre fin à l'exploitation des sables bitumineux, mais voulez-vous que le Canada devienne un importateur de pétrole? Si oui, avec quoi allons-nous payer ce pétrole, et quels sacrifices allons-nous devoir faire dans nos hôpitaux et nos écoles, dans nos garderies, et dans tous les autres domaines pour payer notre facture pétrolière? La question n'est pas facile. Il n'y a pas de réponse simple, mais je peux vous dire que si nous n'exploitons pas les sables bitumineux à un rythme bien mesuré, comme je l'ai dit plus tôt, en introduisant de nouvelles technologies à tous les niveaux et en encourageant le secteur privé à faire cela, je pense que notre pays ne sera jamais un exportateur de pétrole. Les tableaux le démontrent abondamment.

[Français]

    Me reste-t-il un peu de temps?
    Avez-vous déjà évalué combien d'argent il faudrait investir dans la science et la technologie? Vous avez parlé d'intensité et d'accélération. Avez-vous calculé combien le gouvernement et l'industrie devraient investir d'argent pour pouvoir suivre la croissance et pour que la recherche permette une réduction des gaz à effet de serre? Avez-vous cette donnée?
(1635)

[Traduction]

    Je ne peux pas vous donner de chiffres absolus là-dessus, non, mais je peux vous donner une idée. Je répète que je plaide en faveur de l'innovation technologique et non en faveur de la science et de la technologie. Il y a une légère différence.
    David Keith est l'un des plus éminents spécialistes de la question des gaz à effet de serre au Canada, à mon avis. Votre comité l'a peut-être déjà entendu. Sinon, je vous recommande de l'entendre. Il est à l'Université de Calgary, et il s'intéresse davantage à l'aspect contrôle du CO2. Il vous dira qu'il en a assez des sarraus blancs et des laboratoires, et que l'heure est venue de construire des usines pilotes et de faire des démonstrations.
    Pour répondre plus précisément à votre question, le fait est qu'au moment où l'on entre dans ce stade intermédiaire de la chaîne d'approvisionnement que je vous ai montrée, ça commence à coûter cher. On parle d'usines pilotes qui coûtent de 10 millions de dollars et d'usines laboratoires qui coûtent 100 millions de dollars. À mon avis, la seule façon de faire ici, c'est de partager le risque entre tous les niveaux de gouvernement et le secteur privé. Personne ne peut y arriver seul.
    Nous devons inventer un nouveau paradigme quelconque pour combler ce stade intermédiaire de la commercialisation. La technologie existe, mais le secteur privé n'est pas incité à s'en servir, et au stade intermédiaire, on n'a pas l'argent voulu pour la développer, dans la plupart des cas.
    Merci.
    C'était une très bonne question, et j'ai aimé la réponse. Je pense qu'elle va se situer au coeur même de notre rapport, monsieur Raymont.
    Monsieur Bevington.
    Merci, monsieur le président.
    Moi aussi, j'ai beaucoup apprécié vos commentaires, monsieur Raymont. Vous nous avez donné un aperçu très complet sur divers sujets. Mais j'aimerais que l'on revienne un peu sur la question des sables bitumineux.
    Vous avez parlé du problème du gaz naturel. L'exploitation des sables bitumineux risque de nous obliger à importer du gaz naturel au Canada pour approvisionner les foyers canadiens. Il va falloir faire du remue-ménage si nous voulons équilibrer notre secteur énergétique. On en revient au problème du gaz naturel. Le gaz naturel pose des problèmes thermiques, mais il y a aussi la production d'hydrogène, qui est essentiel à l'exploitation des sables bitumineux. Il n'est pas facile de remplacer l'hydrogène par d'autres éléments et je ne pense pas qu'il soit facile de le remplacer sans augmenter la production de carbone.
    Vous avez proposé un certain nombre d'options. Vous avez parlé tout à l'heure du nucléaire, qui est neutre quant à l'équilibre du carbone. Mais pour produire suffisamment d'hydrogène pour une usine de sables bitumineux produisant 60 000 barils par jour, il faut une centrale nucléaire de 600 mégawatts. Ce sont les chiffres qu'Alberta Energy diffuse sur le Web. Vous pouvez les consulter.
    Essentiellement, si nous exploitons un gisement d'un million de barils, il va falloir construire un grand nombre de réacteurs si on veut avoir suffisamment d'énergie pour produire l'hydrogène nécessaire par électrolyse. Ce n'est pas une solution acceptable.
    Il y a dans ce domaine des problèmes qu'il va falloir étudier soigneusement, sans se contenter de la boule de cristal. Il va falloir étudier tous les problèmes de la transformation exprimée en chiffres réels.
    Sur la question de la séquestration du dioxyde de carbone, les gens qui sont venus ici hier ont parlé de 60 dollars la tonne pour isoler le carbone. Ensuite, il faut le transporter là où on va pouvoir le stocker, et enfin, procéder au stockage. Voilà les trois phases de cette séquestration.
    Une excellente étude du MIT a calculé le coût de la conversion des meilleures centrales au charbon du monde à la séquestration du carbone. On arrive essentiellement à un coût deux fois plus élevés du kilowatt-heure produit par ces centrales. Ce doublement des coûts met les centrales en question en concurrence avec, disons, l'énergie éolienne.
    Vous dites que cette énergie n'est pas très bonne parce qu'elle est intermittente. Vous avez aussi signalé que le Québec s'y intéresse. Il se trouve que le Manitoba s'y intéresse également beaucoup, car il peut stocker la ressource hydraulique. L'Alberta a imposé une limite de 900 mégawatts à son industrie éolienne, bien que celle-ci ait fait des demandes pour la production de 3 000 mégawatts. Pourtant, l'Alberta se trouve juste à côté de la Colombie-Britannique, qui peut stocker l'énergie produite, quelle que soit la quantité de vent disponible. L'éolien pose donc davantage un problème d'organisation et d'accord qu'un problème d'ordre technologique.
    Il existe donc d'autres réponses, et j'aimerais avoir vos commentaires sur ce que je viens de dire.
(1640)
    J'en serais ravi. Je suis parfaitement d'accord avec vous: l'emploi du gaz naturel de méthane comme carburant dans l'exploitation des sables bitumineux est à présent un problème majeur. Il faut l'étudier et le résoudre. Toutefois, on ne peut pas prendre une installation de sables bitumineux construite il y a cinq ans et légitimement dotée de son propre approvisionnement en gaz naturel et lui interdire de s'en servir. Ce qu'il faut, c'est faire notre possible pour arriver à un stade technologique où il existe des solutions de rechange au gaz naturel. Je vous ai présenté bon nombre de ces solutions de rechange: d'autres carburants que le gaz naturel.
    Je suis étonné par le chiffre de 600 mégawatts cité comme besoin en hydrogène pour la production de 60 000 barils par jour. Ce n'est pas un chiffre que je peux confirmer; je doute qu'il soit exact.
    Comme je l'ai dit, je reviens d'une visite du réacteur nucléaire expérimental de pointe du Département de l'énergie, au laboratoire national de l'Idaho. Et nous travaillons avec eux à l'application de l'énergie nucléaire comme source de chaleur pour la coproduction de combustible fossile. Ce pourrait être un moyen de fournir la chaleur permettant de gazéifier le charbon, de cuire le charbon et de produire des liquides. Ce pourrait être une source de chaleur possible pour les sables bitumineux.
    L'un des problèmes est que les centrales nucléaires classiques sont trop grosses pour l'exploitation des sables bitumineux. Il nous faut plus de centrales nucléaires plus petites, d'une taille adaptée à l'industrie, fiables, sûres, aptes à produire, mettons, 100 mégawatts d'électricité, afin de correspondre aux besoins pour la production de 100 000 barils par jour à partir des sables bitumineux.
    On ne peut pas installer une grande centrale nucléaire sur le gisement de sables pétrolifères, parce qu'on ne peut pas acheminer la vapeur sur de longues distances. Jamais vous ne pourrez amener dix détenteurs de domaine à bail à s'entendre pour adopter un même fournisseur de vapeur, d'hydrogène, d'électricité — pour une installation qui le fait à cette fin? Pourquoi n'auraient-ils pas leur propre réacteur adapté à leur projet?
    Des réacteurs sont mis au point à l'heure actuelle à cette fin. Cela fait partie de l'étude que nous effectuons avec le Département de l'énergie pour examiner tout ce concept de coproduction, d'utilisation de l'énergie nucléaire à cette fin.
    Ce chiffre de 600 mégawatts se fonde sur 1,4 gig par baril. Il faut convertir 1,4 gigajoule de gaz naturel en hydrogène pour enrichir le baril de brut.
    Le gigajoule est une mesure de la capacité électrique...
    Il s'agirait de 1,4 milliers de pieds cubiques standards. C'est donc la quantité de gaz naturel qu'il faudrait convertir pour faire de l'hydrogène que l'on injecte dans un baril d'huile de sables bitumineux. C'est ainsi que l'on obtient le chiffre de 600 mégawatts pour l'électrolyse de l'eau afin de produire...
    Et il y a d'autres solutions à l'électrolyse. Il y a l'électrolyse à haute température. Il y a le cycle combiné ou les procédés thermochimiques iode-soufre de production d'hydrogène à partir d'énergie thermique nucléaire. Il existe de nombreuses autres solutions de rechange.
    Comme je l'ai déjà dit, le problème c'est que nous ne consacrons pas suffisamment de temps à la technologie. Il existe des réacteurs de 20 mégawatts qui permettent d'exploiter cette technologie, mais nous n'avons pas l'argent nous permettant de l'utiliser à grande échelle.
    Vous avez dit que cela coûterait le double en ce qui concerne le captage de CO2. Cela revient au commentaire que j'ai fait à propos de l'établissement d'un régime qui permettrait au secteur privé de justifier l'investissement de telles sommes. Je ne crois pas que cela représente le double. Je suis au courant d'une proposition de centrale thermique alimentée au charbon en Saskatchewan. Cela représente 450 mégawatts bruts, 300 mégawatts nets, avec l'intégralité de la capture, du stockage et de la compression du dioxyde de carbone. Cela représenterait un coût plus élevé d'environ 50 p. 100.
    Laissons de côté les chiffres. Ce que vous êtes en train de dire, c'est que nous devrions passer du gaz naturel comme carburant à d'autres sources de combustibles. Je suis d'accord. Tout à fait. Nous devons le faire. Et je dirais qu'il existe de nombreux candidats sur la liste. Je considère que l'énergie nucléaire est une possibilité. Ne nous tournons pas uniquement vers le secteur énergétique de l'Alberta. Regardons certaines des autres innovations qui se font partout dans le monde et qui pourraient être plus sûres et meilleur marché. Elles ne sont peut-être pas canadiennes, j'en suis désolé. Je vous l'ai dit, sur le plan technologique je suis agnostique. Je vous apporterai la meilleure technologie qui existe au monde pour exploiter nos ressources énergétiques. Si cette technologie est canadienne, tant mieux. Si la meilleure technologie se trouve en Allemagne, en France ou en Chine, c'est à cette technologie qu'il faudra faire appel. Faisons les choses correctement. Je crois que nous le pouvons.
    En ce qui concerne l'autre commentaire que vous avez fait à propos de l'énergie éolienne, la question, c'est que l'énergie éolienne produit de l'électricité. L'énergie éolienne ne remplace pas le pétrole provenant des sables bitumineux, qui est acheminé par des pipelines. Il existe déjà sur ce continent toutes ces infrastructures de tuyaux et de pipelines. Comparativement au coût des énergies renouvelables, il sera plus coûteux d'installer de nouveaux systèmes et de nouvelles lignes de transmission et autres, mais à long terme...
    Je me rappelle d'une discussion très intéressante que j'ai eue en Alberta avec certains écologistes. On leur a demandé quelle serait à leur avis la situation idéale de l'Alberta à l'avenir. Ils ont répondu que ce serait une province productrice d'énergie, jouissant d'une sécurité et d'une autonomie énergétiques, sans qu'une seule molécule de CO2 soit émise et sans qu'un gramme de combustible fossile soit utilisé. Puis, nous avons attendu le point de vue de l'industrie. J'ai répondu à la personne qui a fait cette déclaration que j'étais tout simplement d'accord avec elle. Si l'on parle de 500 ans ou de 1 000 ans, c'est le genre de transitions que nous devons opérer. Mais si l'on parle de 10 ans, cela donnera lieu à une lutte à finir entre l'industrie et les écologistes. Nous devons nous assurer que cette transition se fasse aussi rapidement que possible grâce à la technologie.
(1645)
    Ne s'agit-il pas de faire les choix appropriés qui sont les plus susceptibles de favoriser le succès dès maintenant? Jusqu'à présent, nous n'avons pas entendu dire que le stockage du carbone ait été un gage de succès.
    Tout à fait. Le stockage du carbone peut se faire avec beaucoup de succès. On en a fait la preuve. Ce procédé est utilisé commercialement à l'heure actuelle dans les champs pétroliers de Wascana.
    Il s'agit d'un projet. Cinq projets ont été financés; un projet a été mis en opération. L'industrie n'a pas participé à cette initiative dans la mesure où l'on s'y attendait.
    Et c'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut créer un environnement propice aux affaires. Mais ce n'est pas à moi de dire à quoi cet environnement devrait ressembler.
    Ce que je veux dire, c'est que c'est faisable sur le plan technologique. Si l'on citait l'énergie éolienne comme énergie de remplacement — je peux vous fournir les chiffres dont vous avez besoin. Il est impossible d'imaginer les milliers et les milliers d'acres qui seraient nécessaires à l'installation de parcs éoliens simplement pour produire l'équivalent d'un million de barils. Si nous voulons atteindre cinq millions de barils, il est absolument...
    Je suis tout à fait partisan de l'utilisation de ressources de remplacement et de ressources renouvelables. Nous devons y recourir le plus rapidement possible. Mais il est impossible de remplacer l'équivalent d'un million de barils par jour au moyen d'un parc éolien au cours des 20 prochaines années. Il existe des obstacles à ce genre de mesures sur le plan commercial. On n'achètera pas les turbines. Il faudrait reproduire la totalité de la production mondiale d'énergie éolienne pour le faire. Sur quelle période de temps? Entretemps, qu'allons-nous faire avec les réserves pétrolières à la baisse?
    Il faudra donc doser les choses et prévoir des transitions. La production de sable bitumineux diminuera graduellement au fur et à mesure que nous approchons de 2050 et au-delà, au moment où l'énergie éolienne et les énergies renouvelables prendront la relève. C'est une évolution à laquelle je suis tout à fait favorable, et je crois...
    Mais le fait est, que faites-vous...
    Monsieur Bevington, nous devons passer au prochain intervenant. Mais je pense que nous avons compris ce que vous voulez dire.
    Monsieur Paradis.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Raymont. Votre exposé était très intéressant. Vous nous avez donné une vision d'ensemble. Je tenterai de condenser ma question, bien que j'aie, moi aussi, une panoplie de questions à vous poser.
    J'ai en main votre dernière diapositive, dont le titre est: « Pourquoi le Canada doit-il se concentrer sur l’énergie et les technologies ». Sous ce titre, on peut lire la phrase suivante:
Si le Canada se concentre sur le développement énergétique responsable, nous avons une grande occasion de contribuer à la durabilité de la planète.
    Pouvez-vous expliquer plus en détail les responsabilités que le Canada devrait prendre pour devenir une super puissance dans le domaine de l'énergie, comme vous l'avez indiqué?
    J'ai deux exemples qui me viennent à l'esprit pour mieux illustrer mon propos et m'assurer que vous me suivez bien.
    J'ai la diapositive que vous avez exhibée relativement à la mer du Nord. On y voit les perspectives de 1986 par opposition à celles de 1986-1995, qui augmentaient, et à celles de 1995-1999. Aussi, lorsqu'il y avait de nouvelles technologies, on remarque que le « gisement » était de plus en plus accessible et qu'on pouvait donc l'optimaliser.
    Est-ce le cas avec nos ressources ici, au Canada, compte tenu du fait qu'en 2050, pour les raisons pratiques que vous avez développées, 20 p. 100 des réserves énergétiques seront de l'énergie renouvelable, selon vous?
     J'espère que vous me suivez bien, parce que, comme je vous l'ai dit, j'ai une panoplie d'idées, mais c'est dans ce sens que je vous pose ma question.

[Traduction]

(1650)
    Je vous remercie de votre question.
    Tout d'abord, permettez-moi d'essayer d'expliquer de façon un peu plus détaillée ce que je veux dire par le Canada se concentre sur le développement énergétique responsable. Nous avons une grande occasion de contribuer à la durabilité de la planète.
    Le fait est que nous sommes une société de combustible fossile au Canada à l'heure actuelle, dans l'ensemble, et ce que j'essaie d'indiquer ici, c'est qu'en développant les technologies qui pourraient atténuer les effets nuisibles pour l'environnement, toute l'utilisation que nous faisons de la production énergétique, nous pourrions non seulement assainir notre propre environnement mais faire du même coup de l'argent, parce que ces technologies peuvent être vendues aux pays où elles permettraient vraiment d'améliorer la situation.
    Permettez-moi de vous en donner un exemple. Si nous faisions tout ce que nous pourrions pour réduire le taux des émissions de CO2 au Canada — indépendamment du fait que cela nous pénalise ou non sur le plan économique, supposons simplement que nous prenons cette mesure — nous contribuerions à une réduction des gaz à effet de serre de moins de 2 p. 100 dans le monde, ce qui franchement ne changera pas grand chose.
    Le rôle du Canada consiste à montrer la voie et à développer des technologies que nous pourrons vendre à des pays comme la Chine et l'Inde — la Chine est responsable de 22 p. 100 des émissions des gaz à effet de serre du monde et c'est la situation qui existe à l'heure actuelle. Nous pouvons vendre et transférer ces technologies à la Chine, ce qui nous permettra a) de faire de l'argent et b) de contribuer véritablement à une réduction des émissions de GES dans le monde. Si nous tenons véritablement à réduire les émissions de GES partout dans le monde, et la seule façon d'atténuer le réchauffement de la planète consiste à réduire les émissions de GES à l'échelle mondiale, pas juste au Canada... En fait, comme je l'ai indiqué, les GES émis par le Canada n'en représentent qu'une infime proportion. Nous pouvons montrer la voie en disant que nous avons réussi; une telle démonstration offre d'énormes possibilités au niveau de l'exportation et nous pourrions alors transférer ces technologies à d'autres régions du monde.
    Ce qui est intéressant, c'est que la Chine et l'Inde dépendront considérablement du charbon. Que cela nous plaise ou non, ce sont les réserves dont ils disposent, et ils voudront devenir des économies du 21e siècle. Ils dépendent énormément du charbon, et notre charbon dans l'Ouest canadien, la houille brune et le charbon sub-bitumineux sont assez semblables au charbon utilisé en Chine et en Inde. Par conséquent, les technologies que nous pourrions développer pourraient être tout à fait applicables là-bas comparativement au projet FutureGen entrepris par les États-Unis, qui met l'accent sur le charbon bitumineux qui n'a aucune application dans l'Ouest pas plus qu'en Chine et en Inde. Cela ferait de nous un chef de file en matière de responsabilité énergétique.
    Nous devons être mesure de montrer que nous pouvons produire et utiliser l'énergie d'une façon responsable et que la production et l'utilisation responsables de l'énergie est une bonne chose pour la société. Nous pouvons ainsi faire progresser et prospérer notre société, et nous pouvons aider d'autres pays à le faire. C'est une déclaration assez générale.
    Lorsque vous parlez de déploiement rapide de la technologie — est-ce que je crois que nous pourrions atteindre 20 p. 100 des énergies renouvelables d'ici 2050? La réponse est oui, je pense que nous le pourrions, mais uniquement si nous mettons réellement l'accent pas autant sur l'aspect recherche en laboratoire, bien que nous devons continuer de le faire... De grâce, ne dites jamais que Michael Raymont pense que nous devrions réduire le financement destiné aux universités et à la recherche fondamentale; bien sûr que non. Il faudrait insister pour que l'on s'assure qu'une partie de la recherche appliquée qui est financée corresponde tout à fait aux besoins de l'industrie, et il faudrait consacrer de l'argent à des mesures incitatives pour s'assurer que nous traitons des questions appropriées dans ce contexte.
    La réponse est oui, nous pourrions atteindre ces niveaux d'ici 2050, mais pour éviter entre temps de traverser une période très difficile, il est préférable que nous nous concentrions sur l'exploitation responsable des sables bitumineux pour permettre de combler cet écart et bien au delà de cela parce qu'à 20 p. 100, cela ne nous sera pas vraiment utile.
    Les plus importants enjeux concernant les ressources renouvelables portent probablement sur les technologies mêmes, mais certaines d'entre elles, comme d'autres membres du comité l'ont signalé, sont assez bien développées, comme l'énergie éolienne; il s'agit surtout d'intégrer l'énergie éolienne au mécanisme de transmission actuel pour livrer le type approprié de combustibles aux clients qui l'exigent dans le cadre de l'infrastructure existante. Poser de nouvelles canalisations partout au pays et enfouir et installer de nouveaux pipelines partout au pays est une tâche que personne n'envisage.
    Car la question de l'énergie éolienne est une question d'intégration. Comme le vent souffle de façon intermittente, il est idéal de l'associer à l'hydroélectricité. C'est une possibilité d'exploitation idéale pour le Québec. La raison pour laquelle l'Alberta a imposé des limites à cet égard, c'est tout simplement parce que le reste de l'électricité de l'Alberta est produite à partir du charbon, et il est impossible, comme l'a montré le Danemark...
(1655)
    À ce propos, après avoir fait figure de chef de file dans le domaine de l'énergie éolienne, le Danemark a récemment plafonné la quantité d'énergie éolienne qu'il peut produire, car il s'est enfin rendu compte que du point de vue d'un système holistique intégré, il n'est pas possible, en général, d'intégrer plus de 10 à 20 p. 100 d'énergie éolienne dans un système fondé sur le charbon. Les centrales à charbon ne peuvent pas réagir assez rapidement aux caprices du vent et il faut donc qu'elles continuent à tourner à faible régime.
    Au Danemark, 20 p. 100 de l'électricité est produite par le vent, mais la réduction des gaz à effet de serre n'est que de 3 à 4 p. 100, précisément parce que leurs centrales au charbon doivent continuer à fonctionner, les turbines doivent tourner afin de pouvoir prendre rapidement le relais lorsque le vent se calme.
    Une centrale hydroélectrique peut être mise en marche et être arrêtée très rapidement. On peut mettre en marche la turbine, puis l'arrêter lorsque le vent souffle et préserver la charge hydraulique. En outre — et c'est encore mieux — lorsque le vent souffle la nuit et que la centrale produit beaucoup d'électricité dont personne n'a besoin, on peut utiliser cette électricité et remonter l'eau dans un réservoir alimenté par une station de pompage. Ainsi, l'eau et le vent font un couple parfait.
    Ce que je dis, c'est qu'il faut choisir les bonnes combinaisons et la bonne intégration compte tenu du réseau de distribution existant. C'est ça qui déterminera si nous pourrons utiliser 20 p. 100 d'énergie renouvelable d'ici l'an 2050.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Paradis.
    Il est 17 heures mais le dernier tour de questions a été plus long que d'habitude. Je pense, en toute justice, qu'il faudrait accélérer, si nous le pouvons, mesdames et messieurs.
    On va commencer par M. St. Amand puis M. Ouellet et enfin M. Harris ou M. Trost.
    Merci, monsieur le président.
    Vous nous avez fait un exposé très convaincant, monsieur Raymond.
    Vous avez dit, et ce sont vos mots, pas les miens, que nous avons pratiquement une obligation morale en tant que pays pourvu de ressources aussi extraordinaires, de les distribuer dans le monde entier. Ce sont vos mots, pas les miens. Mais je pense vous avoir paraphrasé assez fidèlement.
    C'est exact.
    J'aimerais vous poser deux questions, si vous le voulez bien. Selon certains, nous avons un secteur pétrolier extrêmement bien développé. Essentiellement, les secteurs de l'extraction et de l'exportation du pétrole sont très bien développés mais on ne peut pas en dire autant du raffinage. Je me demande s'il y a des obstacles évidents qui nous empêchent de raffiner le pétrole.
    Deuxièmement, et sur un tout autre sujet, je suppose d'après certaines de vos réponses que vous êtes absolument convaincu que le réchauffement planétaire est un problème urgent et bien réel pour tous les Canadiens et pour le monde entier.
    Ce sont d'excellentes questions, des questions très profondes.
    Si vous le voulez bien, je vais répondre d'abord à la question sur la valorisation du pétrole. Les obstacles à la valorisation dépendent de nos clients et de l'emplacement de la capacité de raffinage dans le reste du pays. L'Alberta dit: « Nous voulons ajouter autant de valeur que possible en Alberta. » L'ennui est qu'il y a des raffineries aux États-Unis qui disent: « Mais moi je veux du pétrole sous n'importe quelle forme. » Certains disent même, comme vous le voyez dans l'annonce de EnCana: « Je l'accepte même sous forme de bitume », ce qui a moins de valeur pour le Canada. D'après certaines estimations, 15 p. 100 du bitume extrait des sables bitumineux pendant la durée de vie des réserves entraîneront une perte d'activité économique de 500 milliards de dollars au Canada. Nous devons donc valoriser le pétrole au Canada si c'est possible. Mais nos clients nous disent: « Je ne veux pas acheter d'essence et de diésel, car j'ai la capacité de valorisation ici. »
    C'est donc une force du marché qui entre en jeu. Il n'y a rien à faire contre cela. En Alberta, on construit des usines de valorisation qui transformeront le bitume, le produit ayant le moins de valeur en pétrole synthétique, soit la prochaine étape. Il n'y aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas raffiner ce pétrole synthétique pour produire de l'essence, du diésel et des produits pétrochimiques. Nous pourrions et devrions continuer à développer ce genre d'industries.
    Je pense que vous constaterez qu'une tension constante entre les bonnes intentions du gouvernement — et en tant que Canadien, je suis d'accord avec l'intention d'accroître la valeur ajoutée et l'activité économique au Canada — et le marché planétaire qui dit: « Je veux acheter le produit brut le moins cher possible, parce que je veux le raffiner et créer de l'activité économique dans mon pays. » Voilà en quelques mots la réponse à cette question.
    En réponse à votre question sur le réchauffement planétaire, je vous dirai ceci. Il y a cinq ans, je n'étais pas convaincu. Aujourd'hui, je pense qu'on a prouvé de manière concluante que la planète est en train de se réchauffer. Nous ne savons pas encore quelles sont les causes de ce réchauffement. Est-il d'origine anthropique; es-ce le résultat de cycles naturels? Est-ce les deux à la fois? Nous ne le savons vraiment pas, et nous ne pourrons probablement pas répondre à cette question avant plusieurs décennies. La question est de savoir si nous avons les moyens d'attendre d'avoir la réponse alors qu'il y a des choses que nous pourrions faire dès maintenant.
    L'atmosphère contient maintenant 300 ppm de CO2. Si la tendance se maintient, nous allons atteindre 450. Cette concentration aura sans aucun doute des conséquences, d'après les meilleurs scientifiques du monde. Or, il peut s'agir d'un phénomène naturel ou d'un phénomène anthropique, ou les deux à la fois. Nous ne pouvons pas contrôler la nature. Nous pouvons seulement contrôler la contribution des hommes.
    C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner au sujet du réchauffement planétaire. Mais n'allons pas croire que c'est l'homme qui cause le réchauffement planétaire, car la nature produit davantage de gaz à effet de serre que les hommes. C'est la nature et les hommes ensemble qui causent le réchauffement. L'homme est le seul qui puisse contrôler ce qu'il fait. La nature a tendance à évoluer un peu plus lentement en cycle de quelque millions d'années. Pour vous donner une idée, la nature produit de vastes quantités de méthane lors de la décomposition des hydrates de gaz, des marais et des tourbières, etc. et en tant que gaz à effet de serre, le méthane est de 13 à 15 fois pire que le gaz carbonique.
(1700)
    Merci.
    Merci, monsieur St. Amand. C'était une bonne réponse et vous avez obtenu la réponse distillée. Très bien.
    Monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'ai tellement de questions à vous poser, que je ne sais plus par où commencer.

[Français]

    Je constate une chose, et je suis certain que vous serez d'accord avec moi, car vous l'avez dit dans votre exposé un peu plus tôt.
    Les réserves en Arabie Saoudite ne sont certainement pas ce qu'on dit qu'elles sont. Ce n'est certainement pas ce que vous avez sur votre page détaillant les réserves d'énergie par pays.
    Soit dit en passant, j'ai le goût de vous dire ceci: puisque vous êtes un homme intelligent et habile, j'aimerais tellement vous voir travailler dans le domaine d'autres énergies qu'uniquement celle des sables bitumineux, par exemple le grand domaine de l'énergie solaire. Ce serait extraordinaire que de bénéficier de vos services à cet égard.
    Revenons à ce que je voulais vous dire. Vous savez comme moi que depuis 1975, 1983, il n'y a plus de découvertes importantes. On découvre de petits gisements. Même parmi les neuf gisements découverts dans la mer Caspienne, six sont taris.
    Additionnons les chiffres. J'ai fait le calcul . En 2005, on dit que 30 milliards de barils de mazout sont utilisés par année dans le monde. Il y aura des augmentations. Toutefois, cela pourrait ne pas augmenter. Je n'arrive pas à comprendre que vous parliez toujours de 2050, dans 50 ans, dans 100 ans. Néanmoins, lorsqu'on fait le calcul en tenant compte de vos chiffres, on constate qu'il y a une réserve de 975 milliards de barils de mazout sur la Terre actuellement. C'est un peu exagéré, mais c'est un calcul sur la base de vos chiffres. Divisions cela par 30 milliards. Cela ne peut pas durer, car dans trois ou quatre ans, ce seront 33, 35, 36 milliards par année. Nous avons donc des réserves pour encore 30 ans.
    J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous pouvez parler de 2050, alors que je constate qu'il y en aura tout au plus jusqu'en 2036; il serait même plus précis de dire 2030.
(1705)

[Traduction]

    D'accord. Nous avons fait quelques calculs et j'essaie d'inclure d'autres chiffres. Je ne suis pas convaincu que la production mondiale de pétrole s'élève à 30 milliards de barils par jour, mais encore...
    Pas par jour, par année, 30 milliards par année...

[Français]

    Milliard correspond à billion, en anglais.

[Traduction]

    30 milliards par année...
    Très bien, cela fait 18 millions de barils par jour.
    Je m'excuse, je n'ai pas de calculatrice.
    Je pense que c'est ce qui est généralement accepté.
    Très bien, c'est possible.
    Ce sont les réserves connues à l'heure actuelle. En fait, il y a un pays qui n'est pas bien représenté, et je m'en excuse, et c'est le Venezuela.
    Pour ma part, cela indique, comme je le disais ailleurs dans mon exposé, que nous avons besoin de toutes les sources d'énergie que nous puissions trouver. En fait, nous allons peut-être constater que nous allons devoir commencer à affecter certains types d'énergie à certaines utilisations finales. Comme je le disais au début, les avions utilisent uniquement le kérosène. Si nous manquons de pétrole et que nous avons de l'électricité — des tas d'électricité peut-être, parce que nous aurons disons développé la fusion nucléaire — formidable, nous aurons beaucoup d'électricité, mais comment allons-nous faire voler les avions? Nous n'aurons pas de kérosène.
    Il est peut-être temps de commencer à se poser ces questions stratégiques. L'affectation des sources d'énergie en fonction des utilisations finales est une question à long terme, du genre qu'on pose à des groupes de réflexion.
    Les réserves mondiales d'hydrocarbure ne sont pas infinies, vous avez parfaitement raison de le dire. Je referai le calcul et je vous informerai plus tard de la réponse. Les réserves ne sont pas infinies.
    Et ce qui est le plus important, c'est que la capacité du Canada d'exploiter les sables bitumineux d'une manière responsable et de fournir ces combustibles liquides sera importante pour le monde et pour le Canada, pour ce qui est de notre propre approvisionnement et pour notre situation d'exportateur également. Entre temps, nous pouvons développer ces autres sources d'énergie et d'autres technologies, comme la conversion du charbon en liquide, qui nous aideront également.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous, monsieur Raymont, que les 16 000 avions commerciaux qui circulent dans le ciel actuellement et les 700 à 800 qui s'ajouteront chaque année ne pourront jamais fonctionner à l'électricité.
     Par contre, 40 p. 100 de l'énergie au Canada est dépensée à réchauffer et à refroidir les bâtiments. En ce qui concerne l'éclairage, même ici, à Ottawa, on vient de faire des découvertes extraordinaires: on ne dépensera plus d'énergie en éclairage.
    Cependant, votre liste n'inclut pas la géothermie, qui utilise l'électricité. Selon moi, il existe dans les profondeurs de la Terre, partout au Canada, une énergie de froid et de chaleur, ce que les sables bitumineux n'offriront jamais. En effet, c'est une énergie extraordinaire. On pourrait climatiser les bâtiments dans chacune des villes du pays. Je connais bien les villes de Montréal et de Québec — peut-être y en a-t-il d'autres ailleurs —, qui sont bâties sur du roc. La géothermie offre une source d'énergie non seulement pour 30 ou 50 ans, mais pour 200 ans, et vous n'en parlez pas. Cela me surprend.
    Votre liste inclut l'énergie éolienne, l'énergie solaire, la biomasse. Ce ne sont pas des formes d'énergie nécessairement supérieures; mais la géothermie est une forme d'énergie considérable convenant bien aux grands bâtiments. Et elle utilise l'électricité, de sorte que 40 p. 100 des besoins des bâtiments en électricité pourraient être abaissés à 10 p. 100, car c'est la part d'électricité nécessaire à une géothermie efficace.

[Traduction]

    Monsieur Ouellet, je suis tout à fait d'accord avec vous. La seule raison pour laquelle l'électricité ne fait pas partie de cette liste de ressources, c'est parce qu'il s'agit d'un intermédiaire entre des matières brutes. Donc, vous voyez l'énergie hydroélectrique et l'énergie éolienne sur cette liste. En fait, toutes celles qui se trouvent au bas de la liste -- l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'énergie marémotrice, l'énergie hydroélectrique et l'uranium -- produisent de l'électricité.
    La production d'électricité au Canada est un aspect important dont nous devons nous occuper également, cela ne fait absolument aucun doute. Je ne préconise pas le recours aux sables bitumineux uniquement. Je ne préconiserais jamais l'exploitation des sables bitumineux à l'exclusion d'autres formes d'énergie. Comme je l'ai déjà dit, il n'existe pas de solution magique.
    Il est essentiel que nous développions... et en fait, le Québec serait une région remarquable à cet égard. Je pense ne pas me tromper en disant que le Québec a annoncé des plans concernant d'importants projets de développement hydroélectriques. J'en suis vraiment heureux. Comme je l'ai déjà dit, je tiens absolument à ce que le Canada et le monde soient en mesure de produire et d'utiliser plus d'énergie, et nous créerons ainsi un monde meilleur.
    L'hydroélectricité est une merveilleuse forme d'énergie propre. Elle n'est pas entièrement propre parce qu'il faut de l'énergie pour produire le ciment qui entre dans la construction des barrages. Je sais que vous êtes conscient de la chose.
(1710)
    On peut utiliser de l'énergie propre.

[Français]

    Monsieur le président, j'ai encore une petite question qui vous va vous intéresser.
    Vous avez parlé de sécurité, un peu plus tôt. C'était très intéressant.
    Dans le quotidien Calgary Herald de ce matin, voici ce que M. Charles Frank dit, dans un long article que je ne vous lirai pas en entier; je m'en tiendrai à trois petits paragraphes:

[Traduction]

En fait, Stanislaw soutient que nous nous dirigeons vers une période où l'expression sécurité énergétique prendra un tout nouveau sens, plus complexe. Cette expression ne signifiera plus simplement la sécurité des approvisionnements. La sécurité énergétique ira au-delà de cette notion pour englober la notion de sécurité sur le plan politique, environnemental, de l'infrastructure et englobera même la notion de terrorisme, ainsi que les nouvelles préoccupations concernant le développement durable et le changement climatique.

[Français]

    J'ai soulevé le sujet du terrorisme auparavant devant ce comité, et on a été incapable de me répondre; vous êtes sûrement en mesure de le faire.

[Traduction]

    Je vous remercie de cette observation intéressante, mais nous en traiterons peut-être dans le cadre d'un autre comité. Peut-être que nous demanderons à Stockwell Day de répondre à cette question pour vous.
    Monsieur Trost.
    Je vous remercie de vous être joint à nous. Nous nous sommes déjà rencontrés, et j'ai trouvé votre exposé d'aujourd'hui intéressant.
    Un des membres de mon personnel a un rapport d'une personne qui parlait de l'intégration énergétique canado-américaine, et cela m'a amené à réfléchir. Nous essayons d'utiliser l'ensemble de nos ressources internes, mais quelles sont les ressources qui existent à l'extérieur du Canada qui permettraient d'exploiter les sables bitumineux et dont nous ne nous servons pas ici? Est-ce que ces ressources existent, et où se trouvent-elles?
    Si elles existent, qu'allons-nous faire pour les promouvoir, et quels sont les obstacles, selon la perspective canadienne, qui ralentissent le recours à des ressources de l'extérieur qui pourraient nous aider à développer nos propres ressources ici?
    Pourriez-vous nous donner plus de précision à ce sujet?
    Je vais essayer de répondre à cette question. Il ne fait aucun doute à mon avis que d'autres pays pourraient nous aider directement à mettre en valeur nos sables bitumineux et qu'ils seraient très intéressés à le faire.
    Je peux vous donner trois exemples auxquels je pense tout de suite, lorsqu'il s'agit de trouver une solution de rechange à l'utilisation du méthane comme combustible. J'ai appris beaucoup de choses au cours de ces quelques jours que j'ai passés avec des gens du Département de l'énergie des États-Unis. Nous avons jusqu'à maintenant travaillé en parallèle, chacun de notre côté, mais je crois que nous allons maintenant commencer à travailler beaucoup plus ensemble. Je reviendrai à la question de l'utilisation de l'énergie nucléaire, ou plutôt de l'utilisation potentielle de cette source d'énergie. En fait, je parlerai du potentiel du nucléaire en tant que source de chaleur et d'hydrogène pour la transformation des sables bitumineux. En une journée de visite et en une journée d'ateliers, le mot « sables bitumineux » a été mentionné 20 fois. Ils ont un important programme d'énergie nucléaire combiné aux combustibles fossiles, pour leur propre ressource — le schiste bitumineux, le charbon, etc. — mais ils évaluent la possibilité de l'appliquer aux sables bitumineux.
    L'Allemagne est un autre exemple. Les Allemands sont probablement le pays le plus avancé dans certains domaines du génie, simplement pour les processus de gazéification, etc. Vous seriez étonnés des technologies fascinantes que d'autres pays du monde ont mises au point. À cause de l'apartheid, l'Afrique du Sud a mis au point des méthodes de gazéification du charbon. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne, bien sûr, a fait de même avec son procédé de conversion du charbon en carburant liquide. La Chine s'est dotée de réacteurs nucléaires qui pourraient convenir à des centrales de taille industrielle plutôt qu'aux centrales de très grandes capacités dont nous discutons ici. Elle fait également des travaux dans le domaine du pétrole lourd. Dans quelques semaines, il y aura un congrès conjoint Canada-Chine sur le pétrole lourd, auquel j'assisterai.
    Outre la technologie, nous avons besoin du plus d'investissements possibles, de n'importe quelle source. Les investissements nous sont toujours utiles, que ce soit dans l'électricité ou autre chose, nous en avons besoin. L'électricité est une merveilleuse ressource que nous avons la chance de pouvoir exploiter au Canada. Mais en Chine, la plus importante ressource, c'est la main-d'oeuvre. La pénurie de main-d'oeuvre nous limite énormément. En ce moment même, je travaille avec quelques groupes de l'Alberta et je crois que le gouvernement a instauré des programmes permettant aux travailleurs qualifiés d'autres pays d'immigrer temporairement vers les régions qui connaissent de véritables pénuries. Ainsi, je peux demander 100 tuyauteurs et 60 soudeurs et les faire venir au Canada pour deux ans. Si nous pouvions simplifier les formalités pour ce genre de choses, je crois que cela nous permettrait d'accélérer la construction de certaines installations, qu'il s'agisse de barrages au Québec pour développer l'électricité dans cette province, ou d'autres installations permettant de produire de l'hydroélectricité en Colombie-Britannique ou de mettre en valeur les sables bitumineux en Alberta.
(1715)
    J'ai aussi une question sur la politique actuelle, car les politiciens peuvent agir sur les politiques, sur la politique gouvernementale. Avez-vous des recommandations sur la façon de simplifier les choses ou sur ce que nous pourrions faire pour y arriver? En ce qui concerne la technologie, le problème tient souvent à un manque de communication, mais il peut aussi y avoir d'autres types de problèmes. Qu'en pensez-vous?
    Pour répondre à votre question, je vous dirai que j'ai eu l'occasion de travailler avec nos ambassades quand j'étais au Conseil national de recherche — où j'ai occupé différents postes — et elles font un excellent travail. Le personnel de nos ambassades a peut-être du mal à comprendre tous les nouveaux outils technologiques et à savoir lesquels sont disponibles. Et il a peut-être également du mal à faire le rapport entre la technologie et le secteur privé. Il vous faudrait peut-être un organisme qui centraliserait l'information afin de pouvoir travailler sur ces deux aspects.
    Nous devons absolument faciliter la coopération, sur le plan de la technologie, entre le Canada et les États-Unis, mais également entre le Canada et d'autres pays. Je crois que les bureaucrates d'Ottawa sont peut-être un peu frileux lorsqu'il s'agit de conclure de telles ententes. Sous le gouvernement de M. Martin, j'ai essayé de faire en sorte que le Canada signe avec la Chine une entente en matière de science et de technologie, entente déjà signée par 60 autres pays. M. Martin et Hu Jintao se sont dits favorables à cette idée. Que je sache, cette entente n'a pas encore été signée. La Chine agit très rapidement, si bien que nous devrons accélérer le pas. Nous devons simplifier les choses.
    Si l'on tient le procès-verbal de cette réunion, je veux bien que mes propos y figurent, mais je tiens à préciser à l'avance qu'il s'agit d'information que l'on m'a donnée, d'information de troisième main: on m'a également dit que le Canada aurait pu faire partie du partenariat Asie-Pacifique, ce qui me semble un projet intéressant; il s'agit du partenariat Asie-Pacifique sur le développement non polluant et le climat, aux côtés de la Chine, de l'Inde, de la Corée, des États-Unis, de l'Australie et du Japon. Le Japon est le seul pays qui se soit ajouté plus tard parce qu'il est signataire de Kyoto. Le Canada — tout comme l'Allemagne — a été envisagé comme un remplacement du Japon. L'Allemagne a été écartée pour une raison quelconque. Le Canada a été écarté  — et encore une fois, c'est ce que l'on m'a dit — parce qu'il aurait fallu attendre trois ans pour que nous prenions une décision et que nous aurions voulu apporter pleins de petits changements. Le Japon a signé le PAP à peine six semaines après avoir été invité officiellement à le faire.
    Nous devons absolument accélérer nos façons de faire pour nous intégrer plus vite à la communauté mondiale des sciences et des technologies. Toutes mesures qui simplifieraient les formalités nous aideraient à le faire surtout si elles ne comportent pas d'engagement quant aux ressources. Ces initiatives sont très souvent conjointes. Je pourrais dire au ministère des Sciences et de la Technologie de la Chine de mettre un million de dollars et que nous ferions de même, et nous pourrons tous les deux utiliser ces fonds dans le même objectif. Nous avons leurs cerveaux; nous avons la moitié de leur argent, la moitié de leur cerveau et qu'aurions-nous à donner en échange? Nous avancerions plus vite. Je pense que nous perdons des possibilités de coopération internationale sur ce plan.
    En ce qui concerne la main d'oeuvre et les autres facteurs, outre la technologie, je ne suis pas tout à fait qualifié pour en parler.
    Très bien.
    Merci beaucoup de votre exposé. Je voudrais revenir rapidement sur l'innovation et le rôle du gouvernement dans l'économie. Je serai bref.
    Vous avez dit qu'en matière de recherche et développement, le ration des meilleures pratiques est de trois pour un, secteur privé par rapport au secteur public. J'essaie de faire le lien entre cette affirmation et le rôle que le gouvernement doit jouer dans l'avenir. Si nous offrons aux entreprises l'assurance que la réglementation ne changera pas, je me demande quel est leur délai de prise de décision. Si l'on examine leur bilan passé, illustré dans ce document, les investissements en recherche et développement n'ont pas été énormes jusqu'ici. Nous aurons des investissements de 125 milliards de dollars jusqu'en 2015, même avec cette réglementation. Comment peut-on avoir l'assurance que les entreprises vont faire de la recherche et développement pour trouver des solutions durables?
(1720)
    Je ne sais pas. Je ne représente pas l'industrie. Je crois que vous devrez consulter l'industrie, par exemple l'organisation de Perrin Beatty ou, plus particulièrement, l'Association canadienne des producteurs de pétrole et les gens du secteur du charbon; je pense aussi à l'Energy dialogue group; tous ces gens font partie d'organismes de pression — et je ne donne aucune connotation péjorative à ce terme  —  seraient beaucoup plus en mesure que moi d'exprimer directement le point de vue de l'industrie.
    Cependant, je crois à la libre entreprise et je crois que si l'on met en place les conditions propices, les entreprises réagiront assez vite pour profiter des occasions qui s'offrent. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le secteur privé augmente ses investissements dans la recherche et développement au point d'atteindre ce rapport de trois contre un en cinq ans — et probablement pas en dix. Ce que je préconise, c'est que le gouvernement finance davantage de projets de recherche et développement qui profiteraient de l'influence et de la gouvernance du secteur privé. Parce qu'en toute franchise, et je ne vais pas nommer qui que ce soit, je sais que l'industrie affirme que beaucoup de laboratoires gouvernementaux fonctionnent comme les universités. Ils prennent l'argent et travaillent sur ce qui leur chante. Dans certains cas, ces recherches peuvent effectivement contribuer à trouver une solution à un problème vécu dans l'industrie, mais dans d'autres cas, elles ont très peu de pertinence. Les chercheurs publient leurs articles dans des revues scientifiques et c'est sur cette base qu'ils obtiennent des promotions.
    C'est une opinion purement personnelle, mais je trouve que le gouvernement ne devrait pas faire cela. Vous devriez partager les risques avec le secteur privé. Pour le faire, vous pourriez augmenter le financement de la recherche et développement et même si les fonds ne viennent pas dès le départ du secteur privé, ils serviraient à peu près à la même chose parce que le secteur privé administrerait l'argent, qui serait consacré à trouver des solutions aux problèmes du secteur privé.
    Ce serait une solution de transition pour lancer le processus. Si vous constatiez que le gouvernement partageait les coûts — et il incombera aux gens du ministère des Finances de le déterminer, puisqu'ils sont bien plus savants que moi dans le domaine des politiques — vous pourriez exiger que le secteur privé fasse plus de recherche et développement, ce qu'il ferait si le climat était propice et s'il ne voyait pas le gouvernement éparpillé les fonds ici et là. Ils accepteraient alors de mettre l'argent en commun.
    Malheureusement, à l'heure actuelle, le gouvernement dépense de l'argent de son côté, le secteur privé fait de même et il n'y a pas assez de fonds mis en commun.
    Merci, monsieur Allen.
    Je vous remercie encore une fois, monsieur Raymont, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. La séance a été extrêmement instructive.
    Merci à vous.
    L'ordre du jour est épuisé. La séance est levée.