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Monsieur le président, membres du comité, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole devant vous cet après-midi. Je le fais avec plaisir.
J'aimerais commencer par vous donner un bref aperçu de mes antécédents. Je suis un chimiste et un ingénieur chimiste bardé de diplômes, et j'ai eu une carrière assez variée dans l'industrie du capital risque en tant qu'entrepreneur. J'ai dirigé un certain nombre d'entreprises de technologie tant au Canada qu'aux États-Unis. J'ai passé assez récemment trois ans à Ottawa à titre de vice-président du soutien technologique et industriel pour le Conseil national de recherches puis comme président par intérim du même conseil. J'ai quitté ces fonctions et je suis de retour à la tête d'EnergyINet. Je peux vous décrire un peu plus en détail le travail d'EnergyINet, mais l'un des thèmes de ma carrière a été le développement, l'innovation technologique et bien sûr leurs aspects commerciaux dans le cadre de l'expérience de l'industrie du capital risque que j'ai eue également.
Je suis sûr que vous avez deviné d'après mon accent que je ne suis pas né ici, mais il vous intéressera d'apprendre que je suis citoyen canadien. J'ai également passé cinq ans aux États-Unis et plus de deux ans en Chine. Dans deux semaines, je pars pour la Chine. Ce sera la cinquantième fois que je m'y rends et ma femme est née là-bas. Si vous avez des questions à propos de la Chine et du pétrole et du pétrole lourd en Chine, je me ferai un plaisir d'y répondre.
Permettez-moi de vous parler brièvement d'EnergyINet, une organisation à but non lucratif financée par un grand nombre de gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral, en particulier le Conseil de recherches du Canada et Environnement Canada, et environ 25 des principales entreprises de l'industrie énergétique du Canada.
Lorsque je parle d'entreprises de l'industrie énergétique, il y a une distinction très importante à faire, à savoir qu'il ne s'agit pas uniquement de pétrole et de gaz. Nous avons des membres qui appartiennent aux secteurs pétrolier et gazier, y compris des entreprises comme EnCana et Shell et ainsi de suite, mais nous avons également des membres de l'industrie des sables bitumineux, Syncrude et Suncor. Nous avons également des membres de B.C. Hydro, de Nova Scotia Power; dans le premier cas, il s'agit d'une entreprise d'énergie hydro-électrique et dans le deuxième cas d'une entreprise qui produit de l'électricité à partir du charbon. Nous avons également Luscar, la plus grande entreprise de charbon qui est membre du réseau. Nous avons également des utilisateurs d'énergie comme Agrium, l'une des plus grandes entreprises d'engrais au pays, et NOVA Chemicals, l'une des plus grandes entreprises pétrochimiques du pays. Nos membres proviennent du gouvernement et de l'industrie, ce qui nous donne une perspective large et inhabituelle de la situation.
Je tiens à préciser dès le départ que notre mandat est axé sur le développement et la technologie et l'accélération des technologies appropriées dans l'industrie énergétique. Nous sommes tout à fait agnostiques sur le plan technologique. Vous ne me verrez jamais ici dans cette ville faire du lobbying au nom d'une entreprise quelconque, ni défendre la position d'une compagnie ou d'une industrie, étant donné que moi-même et EnergyINet ne vous parlerons que de technologie et de ce qu'elle permet de faire et ne permet pas de faire. J'espère que nous serons en mesure de vous présenter la technologie dans une perspective très objective et axée sur le bien public.
Avant de commencer la présentation même, je tiens à m'excuser auprès des députés du Bloc parce qu'une partie de ma présentation n'est pas correctement traduite en français. Cela est attribuable en partie au fait que certaines de mes diapositives utilisent le format PDF qui est prélevé d'autres sources, et qu'il a été impossible d'écraser l'anglais. Je m'en excuse à l'avance, mais j'espère que vous serez en mesure de suivre ma présentation.
Je comprends que le comité s'intéresse particulièrement aux sables bitumineux et aux possibilités qu'offre leur exploitation et à certains des enjeux qu'elle comporte. Je tiens à commencer par situer les sables bitumineux dans un contexte mondial. EnergyINet joue un rôle non seulement au niveau national mais à l'échelle internationale. Nous avons plus de 200 partenaires dans le monde entier qui peuvent nous fournir de l'information sur les développements dans l'industrie énergétique. Je tiens une fois de plus à mettre l'accent sur l'industrie énergétique plutôt que l'industrie pétrolière partout dans le monde.
Aujourd'hui nous sommes ici pour parler des sables bitumineux. Comme je l'ai dit, je tiens à inscrire ce sujet dans le contexte de l'industrie énergétique mondiale.
Sur la première diapositive, vous verrez des chiffres que vous avez sans doute déjà vus, qui indiquent que la demande mondiale d'énergie continuera d'augmenter. Quelles que soient les mesures que nous prenions en matière de conservation et d'efficacité, au cours des 50 à 100 prochaines années, cela n'aura aucune incidence importante sur l'augmentation de la demande d'énergie.
Il ne s'agit pas forcément d'un phénomène canadien; il est provoqué en grande partie par les pays en développement comme la Chine et l'Inde. À titre d'exemple, la Chine met en service toutes les deux semaines une centrale thermique alimentée au charbon de 500 mégawatts — dont les émissions, d'ailleurs, ne sont pas contrôlées. On ne peut pas reprocher à ces pays leur demande d'énergie. Nous profitons de l'énergie et l'énergie a permis à notre société de prospérer et de profiter ainsi d'avantages sociaux. Il est donc normal que d'autres pays veuillent aussi être approvisionnés en énergie.
La demande énergétique continuera d'augmenter et en fait on aura besoin d'énergie pour un grand nombre des processus environnementaux que nous mettons sur pied de même que d'autres mesures susceptibles d'aider les pays en développement à se développer. Par exemple, le dessalement exige d'importantes quantités d'énergie. Même des mesures environnementales destinées à atténuer par exemple les gaz à effet de serre exigent d'importantes quantités d'énergie. Nous ne devons pas brouiller les faits en laissant croire que l'énergie est une mauvaise chose. En fait, l'énergie est la solution à un grand nombre de problèmes écologiques, sociaux et économiques qui existent dans le monde aujourd'hui.
Sur la deuxième diapositive, j'indique que le monde dispose en fait d'importantes réserves énergétiques, et je suis sûr que vous avez déjà vu des tableaux de ce genre. Au haut du tableau se trouve indiquées la consommation mondiale annuelle et en dessous les réserves mondiales de différents types d'énergie. Comme vous pouvez le constater, il n'existe aucun risque que les réserves énergétiques mondiales s'épuisent dans un avenir prochain.
Mais si vous passez à la diapositive suivante, les nouvelles sont un peu moins bonnes. Bien que le monde dispose de suffisamment de ressources énergétiques pour plusieurs centaines d'années et peut-être indéfiniment, l'emplacement de ces sources d'approvisionnement ne correspond pas aux régions où elles sont consommées, et les technologies d'extraction que nous utilisons aujourd'hui posent un grave problème en raison de leurs incidences environnementales.
Le deuxième aspect sur lequel j'aimerais insister, c'est qu'il n'existe aucune solution magique aux problèmes énergétiques auxquels fait face le monde aujourd'hui. Nous devrons prendre toutes les mesures de conservation possibles. Chaque plan de conservation est extrêmement utile, mais nous aurons également besoin de chaque source d'énergie que nous pourrons obtenir. Cela comprend toutes les sources d'énergie depuis l'énergie hydro-électrique et l'énergie renouvelable — l'énergie éolienne, solaire et ainsi de suite — jusqu'aux combustibles fossiles et aux sables bitumineux qui font partie des combustibles fossiles.
La véritable pérennité énergétique ne dépend pas uniquement de l'efficacité de nos ressources énergétiques; elle dépend également de la façon dont nous les exploitons pour nous assurer de ne pas dégrader la planète, dégrader notre environnement par la manière dont nous extrayons ces ressources énergétiques. Le fait est que compte tenu de l'ampleur de la production et de l'utilisation de l'énergie dans le monde aujourd'hui et de l'infrastructure qui existe, les sources d'énergie carbonique, les combustibles fossiles continueront à être utilisés pour répondre à la majorité des besoins mondiaux en énergie dans un avenir prochain, c'est-à-dire les 50 à 100 prochaines années.
Il s'agira d'une période de transition et c'est pourquoi nous devons accélérer le développement des sources d'énergie renouvelables. On commence à utiliser ces technologies, mais même certaines des prévisions les plus optimistes semblent indiquer qu'elles ne représenteront que 20 p. 100 de la réserve énergétique mondiale en 2050.
Un peu plus tard, je ferai des commentaires à propos de l'ampleur de l'exploitation des sables bitumineux et de la quantité d'énergie renouvelable, par exemple, l'énergie éolienne, dont on aurait besoin pour la remplacer.
Ce sur quoi nous devons mettre l'accent en particulier, c'est l'intégration de l'approvisionnement énergétique, de l'infrastructure. Nous avons une vaste infrastructure dans l'ensemble du pays, donc de nouvelles sources d'énergie et de nouveaux emplacements sont d'excellentes choses. Mais comment les faire parvenir aux utilisateurs qui veulent mettre de l'essence dans leur voiture, même s'ils font 50 milles au gallon, et qu'ils veulent chauffer leur maison, etc.? Au cours de la période de transition que représenteront les 50 à 100 ou 200 prochaines années, nous devons surtout utiliser l'infrastructure qui existe déjà.
La construction de nouvelles lignes de transmission soulève des préoccupations dans de nombreuses parties du monde, y compris dans notre pays.
Même l'installation d'une centrale éolienne à la baie Georgienne ne réglera pas le problème du remplacement de Nanticoke à l'extérieur de Toronto, auquel fait face M. McGuinty
Nous devons adopter une approche fondée sur des systèmes d'énergie. Il ne faut pas considérer isolément les éléments de ces systèmes. Par le passé, on a toujours examiné l'énergie produite par le pétrole, le gaz, le charbon, de même que l'énergie nucléaire et l'électricité d'une façon compartimentée. Il incombe entre autres à EnergyINet d'examiner l'ensemble du tableau de l'énergie pour voir comment ces différents éléments peuvent s'imbriquer dans un système énergétique. Et l'intégration ne s'arrête pas à l'énergie. Nous devons intégrer notre production et consommation énergétiques à notre économie et à notre société.
Nous sommes donc confrontés à deux scénarios. Nous pouvons maintenir le statu quo. Il y aura inévitablement un accroissement des tensions géopolitiques à cause de différends à propos de nos réserves de pétrole. On remarque qu'actuellement la Chine, par exemple, essaie de se rapprocher du Soudan, de l'Iran et du Venezuela, parce qu'après avoir échoué dans sa tentative d'acheter Unocal, elle n'a pas été en mesure de s'approvisionner en pétrole auprès de certaines sources. Il y aura des perturbations de la demande. La situation se dégradera sur le plan de l'environnement et du changement climatique. Nous assisterons aussi à une augmentation très nette de l'instabilité des marchés et des prix. Je ne sais pas s'il y aura une escalade ou une chute des prix, mais il y aura instabilité. Voilà ce qui arrivera si nous continuons à fonctionner comme nous le faisons en ce moment.
Il y a cependant un deuxième scénario possible: nous pouvons opter pour un approvisionnement énergétique responsable et fiable. Il suffit de nous orienter vers la mise en valeur responsable des ressources énergétiques conventionnelles, en tâchant de réduire notre bilan carbone ainsi que notre utilisation de ressources auxiliaires. J'entends par là l'eau et les autres ressources nécessaires à la production d'énergie. Nous devons accélérer le développement de sources d'énergie alternatives ou non conventionnelles, y compris les énergies renouvelables, tout en mettant l'accent sur la mise au point et l'utilisation d'outils technologiques. Nous devons également mettre en place une réglementation adaptée aux nouvelles réalités et, ce qui est tout aussi important, un climat d'affaires plus sûr et stable, ce qui permettra au secteur privé de développer et d'utiliser la technologie nécessaire pour produire et consommer de l'énergie sans nuire à l'environnement.
Selon un rapport rédigé par quelques professeurs de l'Université de Princeton, nous avons déjà toute la technologie nécessaire pour produire de l'énergie non polluante. Ce qui nous manque, c'est tout simplement les conditions qui inciteraient le secteur privé à investir dans cette technologie.
Ce qui m'amène au prochain message que je voulais vous transmettre: en soi, la consommation d'énergie, c'est-à-dire l'intensité énergétique, ne pose pas problème. On peut illustrer ce fait à l'aide de certains chiffres. Ainsi, si on convertissait en chaleur chaque joule d'énergie produit dans le monde — et d'après les principes de la thermodynamique, la plupart de cette énergie se convertira en chaleur —, cela ne ferait augmenter la température de la planète que d'un quart de degré tout au plus. Ce sont les sous-produits de la production et de la consommation d'énergie qui causent du tort à l'environnement.
Permettez-moi de le répéter car c'est d'une extrême importance. La consommation d'énergie et l'intensité énergétique ne posent pas problème. En fait, elles sont nécessaires. Nous ne progresserons pas en tant que société et nous ne réglerons pas nos problèmes environnementaux sans d'importantes quantités supplémentaires d'énergie. De plus, la production et la consommation de cette énergie supplémentaire n'entraîneront pas le réchauffement de la planète. Ce sont les sous-produits de la production et de la consommation d'énergie qui causent le problème.
Si je peux produire de l'électricité à partir du charbon en capturant tout le mercure, l'oxyde de souffre, l'oxyde d'azote et les gaz à effet de serre, j'aurai de l'énergie électrique qui ne fera pas augmenter la température de la planète. Ce sont les sous-produits de la combustion du charbon qui sont à l'origine des effets néfastes sur l'environnement, effets qui suscitent de plus en plus d'inquiétude dans le monde aujourd'hui.
Me suis-je exprimé assez clairement? C'est un élément extrêmement important.
J'estime que le Canada a le besoin, la possibilité et même la responsabilité envers les autres pays du monde de développer plus d'énergie tout en respectant l'environnement.
Certains d'entre vous sont peut-être au courant que l'organisation que je dirige a lancé une certaine initiative. Je me réjouis d'entendre le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles dire que le Canada est une superpuissance énergétique, parce que nous pouvons vraiment le devenir. Je n'entends pas par superpuissance une entité belligérante mais plutôt un pays avant-gardiste et responsable, capable de montrer au reste du monde comment extraire, transformer et consommer l'énergie d'une façon respectueuse de l'environnement. En transférant cette technologie aux pays qui n'ont aucune réglementation dans ce domaine, nous ferons beaucoup plus pour réduire les GES qu'en nous contentant d'utiliser nos technologies au Canada. Nous aurons d'énormes débouchés pour l'exportation si nous mettons au point les bonnes technologies.
Pourquoi le Canada a-t-il cette responsabilité, à mon avis, et ces possibilités?
À la page suivante du document que je vous ai remis, j'ai énuméré la plupart — mais pas toutes, puisque je remarque qu'il en manque au moins une — des formes de réserves énergétiques du Canada, allant du pétrole conventionnel jusqu'à la biomasse. J'ai oublié d'inclure l'énergie géothermique qui aurait dû également figurer sur cette liste.
S'il y avait des Russes dans la salle, ils ne seraient peut-être pas d'accord avec l'affirmation qui figure à droite de la page, selon laquelle le Canada possède plus de ressources énergétiques que n'importe quel autre pays au monde. Toutefois, il ressort des analyses faites jusqu'à maintenant que le Canada a les plus grandes réserves de toutes les formes d'énergie combinées. C'est un patrimoine naturel énorme que nous avons l'obligation envers le reste du monde de mettre en valeur de façon responsable.
Pour vous donner une idée de l'ampleur de ces réserves, j'ai essayé de les convertir dans la même unité. On parle souvent de barils de pétrole, de pieds cubes standard ou de mètres cubes de gaz, de gigawatts d'électricité et de tonnes d'uranium. Comment convertir toutes ces formes différentes d'énergie en une seule de manière à avoir une idée de leur ampleur relative? J'en ai donné quelques exemples ici.
J'en arrive à la question des sables bitumineux. En regardant ce tableau, vous voyez que les sables bitumineux l'emportent de très loin sur le pétrole classique, le gaz et même le charbon, combinés, quant au potentiel récupérable d'énergie. Pour vous donner un ordre de grandeur, j'ai utilisé l'exajoule comme unité de mesure; un exajoule équivaut à environ 160 millions de barils de pétrole soit l'énergie produite annuellement par 14 centrales nucléaires de la taille de celle de Pickering.
Dans le domaine de l'énergie, il est prioritaire de reconnaître et d'accepter que les combustibles fossiles seront la source première d'énergie mondiale pour les 50 à 100 prochaines années. Je serais heureux de vous expliquer les raisons qui justifient cette affirmation, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises. Mais nous devons accélérer le développement et le déploiement de technologies respectueuses de l'environnement pour la combustion des combustibles fossiles. Cela ne fait aucun doute.
L'Alberta préconise énergiquement l'exploration et l'utilisation de technologies à valeur ajoutée dans le domaine des combustibles fossiles et de l'énergie. Je pense que cela s'applique aussi au reste du pays. Plus nous pourrons ajouter de la valeur à nos exportations d'énergie, qu'il s'agisse d'électricité, de gaz, de pétrole ou même de bois, plus nous créerons d'emplois et de valeur économique au Canada.
En même temps, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous amorçons une période de transition et devrons fortement accélérer la mise au point et l'utilisation de nouvelles sources d'énergie renouvelable. Toutefois, il est loin d'être facile de les intégrer aux systèmes énergétiques conventionnels et j'entends par là, les systèmes de distribution. Par exemple, dans le cas de l'énergie éolienne... comme je l'ai mentionné, on pourrait bien installer un parc d'éoliennes dans la péninsule Bruce, mais comment transporter l'énergie jusqu'à Toronto? Il n'y a pas de lignes de transmission permettant de le faire. Et, soit dit en passant, les vents soufflent de façon intermittente. Comment pourra-t-on niveler les courbes de charge étant donné le caractère intermittent de l'énergie éolienne?
Un exemple dans ce domaine c'est le Québec où Hydro Québec travaille actuellement à combiner l'énergie hydroélectrique et l'énergie éolienne, qui peuvent aller très bien ensemble. Cependant, l'énergie éolienne et l'électricité produite par le charbon sont plus difficiles à combiner. On ne peut pas dire « Eh, Georges, le vent souffle fort, alors ôte un peu de charbon de la chaudière » et puis, le lendemain, « Eh, Georges, le vent est tombé; mets un peu plus de charbon dans la chaudière ». Le délai de réaction d'une centrale au charbon ne permet pas de fonctionner de cette façon.
On me cite souvent l'exemple du Danemark, qui a réussi à faire des merveilles avec l'énergie éolienne. Je pourrai répondre à vos questions à ce sujet tout à l'heure, si vous le souhaitez, mais en fait, ce pays a très mal fait les choses et il a des politiques très restrictives. Cela a eu pour effet de faire grimper le coût de l'électricité en réduisant de façon minime les émissions de GES, parce qu'il faut encore se servir de centrales au charbon pour faire tourner les turbines. Il faut donc, encore une fois, reconnaître l'importance capitale d'une bonne intégration.
Nous devons encourager une consommation responsable et judicieuse de l'énergie. Pour cela, il faut favoriser l'efficacité énergétique et par tous les moyens possibles. Mais il ne faut absolument pas penser que cela permettra de régler nos problèmes d'énergie. Il existe en fait un phénomène communément appelé l'effet rebond; plus on créera de produits permettant d'économiser l'énergie, plus les gens utiliseront ces produits.
J'invite chacun d'entre vous à repenser, par exemple, au nombre de téléviseurs qu'il y avait chez vous dans les années 50 lorsque la télévision est apparue. Je me souviens que nous avons eu notre premier téléviseur — et il ne m'appartenait pas, il appartenait à mes parents — en 1957, et il consommait beaucoup d'énergie. Aujourd'hui, j'ai cinq téléviseurs chez moi, ce dont je devrais probablement m'excuser, mais ils sont cinq fois plus économes en énergie. Par conséquent, je consomme la même quantité d'électricité dans l'ensemble qu'auparavant.
Combien d'entre vous ont plus d'un réfrigérateur: un frigo au sous-sol pour la bière, un congélateur, un réfrigérateur à deux portes dans la cuisine?
Londres utilise maintenant des appareils d'éclairage à faible consommation d'énergie et il est fascinant de voir que Londres est plus éclairé qu'auparavant, simplement parce que cet éclairage éconergétique leur permet d'éclairer une plus grande surface. Ainsi, l'efficacité énergétique n'entraîne pas automatiquement une baisse de la consommation d'énergie.
Mais venons-en aux sables bitumineux, car je me rends compte que je parle déjà depuis 10 minutes et je voudrais vous expliquer pourquoi les sables bitumineux et pourquoi à cette échelle.
Premièrement, les sources d'énergie ne sont pas toutes équivalentes. Nous avons besoin des combustibles hydrocarbonés liquides. Les aéronefs ne peuvent voler qu'avec du kérosène. J'ai rencontré des représentants de Boeing il y a environ trois semaines et ils m'ont dit qu'ils auront peut-être de nouveaux engins d'ici 2050, mais qu'il est très peu probable qu'ils soient utilisés dans le secteur commercial. Donc, il nous faut du kérosène. On obtient le kérosène du charbon. Ça coûte très cher, mais on le tire des combustibles fossiles. On ne peut produire du kérosène à partir de l'uranium. On doit utiliser des combustibles fossiles.
Encore une fois, je dis que nous sommes dans une période de transition et que pendant longtemps encore, nous dépendrons des combustibles fossiles.
Les sables bitumineux produisent des hydrocarbures liquides. Il s'agit du moyen le plus économique de fournir de grandes quantités d'énergie au Canada. Nous tirons déjà 1 million de barils par jour des sables bitumineux et nous pourrions en produire beaucoup plus.
Dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien, la production de pétrole classique diminue de plus en plus et notre capacité d'exporter baisse également. Mais les sables bitumineux permettent d'équilibrer cette baisse et de maintenir nos revenus d'exportation et d'assurer notre propre sécurité d'approvisionnement en pétrole.
Il ne fait aucun doute que la mise en valeur des sables bitumineux crée des emplois, des possibilités, des revenus d'exportation, comme je l'ai mentionné, et qu'ils sont en fait un moteur économique à l'échelle du pays. C'est vrai, c'est plus important en Alberta que partout ailleurs, et ça n'a pas toujours été une bonne chose. Je ne peux même plus me faire servir un repas-minute à Calgary à 22 heures car personne ne veut travailler à cette heure-là. Il y a des affiches « Nous embauchons » partout. Ainsi, ce n'est pas toujours une bonne chose de trop stimuler l'économie.
J'aimerais vraiment vous faire saisir l'ampleur de la mise en valeur des sables bitumineux à l'heure actuelle. Le dernier point de la page intitulée « Mais pourquoi les sables bitumineux et pourquoi l'échelle? » vous montre qu'il n'y a tout simplement aucun autre moyen de répondre à nos besoins en énergie pour les 50 prochaines années.
Je vais vous donner quelques exemples de remplacement. Le million de barils de pétrole que nous tirons à l'heure actuelle des sables bitumineux est équivalent à une centrale électrique de 85 gigawatts fonctionnant à pleine capacité. Cela représente 75 p. 100 de la capacité installée totale de production d'électricité dans l'ensemble du pays. C'est l'équivalent de 20 000 éoliennes, soit 1,25 fois la capacité installée de production d'énergie éolienne dans le monde entier. Comme le délai de livraison de la plupart des fabricants de turbines éoliennes est de quatre à cinq ans, il faudrait cinq ans au rythme actuel de production pour remplacer les sables bitumineux. Il faudrait probablement attendre de quatre à cinq ans seulement pour faire ajouter notre nom à la liste de livraison et il est tout à fait impossible d'avoir l'assurance d'obtenir toutes les turbines éoliennes fabriquées par tous les producteurs du monde entier pour les cinq années suivantes.
Ainsi, sur le plan pratique, il est tout à fait impossible de remplacer le million de barils de pétrole par jour des sables bitumineux par d'autres sources d'énergie — je pourrais faire le même calcul pour d'autres sources ou d'autres combustibles. Nous avons besoin de ces combustibles et les sables bitumineux restent la seule source, du moins dans un avenir prévisible.
Je suis sûr que bon nombre d'entre vous ont déjà vu le prochain tableau. Le Canada passera du huitième au quatrième rang des principaux producteurs de pétrole ou d'énergie dans le monde grâce aux sables bitumineux. En effet, sur le plan des réserves d'énergie par pays, nous sommes actuellement au deuxième rang, et certains diront même que nous sommes premiers, car à mesure que la technologie s'améliore, le pourcentage de bitume récupérable dans les sables bitumineux augmente dans une proportion telle que bon nombre des entreprises du secteur vous diront aujourd'hui que le pétrole récupérable s'élève à l'heure actuelle à 320 milliards de barils, ce qui pourrait dépasser toutes les réserves de l'Arabie saoudite — et je dis bien pourrait. Je vous invite à lire le livre Twilight in the Desert de Matt Simmons sur l'existence ou non de ces réserves saoudiennes; ça fait peur.
La diapositive suivante vous montre très clairement l'évolution et le déclin à compter de maintenant du pétrole classique de l'Ouest canadien; la contribution du pétrole en mer, qui restera relativement constante au cours des 20 prochaines années plus ou moins; et la contribution des sables bitumineux, au vu de la réglementation et de la croissance des projets annoncés, etc.
Bien sûr, les chiffres peuvent varier. Je ne suis pas un expert en prévision de production; mais, manifestement, il va y avoir une énorme croissance.
Toutefois, la diapositive suivante est à mon sens d'une importance capitale. Je suis convaincu -- et vous m'avez sans doute entendu l'affirmer -- qu'il n'y a pas vraiment d'autres solutions. Nous nous devons d'exploiter les sables pétrolifères dans un souci de préservation de l'environnement. Mais cela ne va pas sans poser de problèmes, surtout environnementaux. J'en ai énuméré quelques-uns dans la diapositive suivante, où il est question d'exploitation à ciel ouvert et d'utilisation des terres. Je dirais que la restauration est possible au bout de 20 à 50 ans. D'ailleurs, je suis sûr que vous avez tous vu des photos de bisons broutant sur des terres que GCOS avait exploitées au départ.
Je crois que c'est une question qui ne devrait pas trop nous préoccuper, mais c'est cependant un aspect à ne pas oublier.
La consommation d'eau est un problème majeur. À l'heure actuelle, il faut de deux à cinq barils d'eau pour chaque baril de bitume extrait ou de pétrole brut de synthèse produit. Nous avons de grands bassins de décantation des résidus, mais ils ne semblent pas se déposer comme il faudrait.
La rivière Athabasca a une quantité d'eau limitée et, même si le Canada a la chance d'avoir d'énormes ressources, elles ne sont pas toujours au bon endroit au bon moment, hélas. L'eau constituera donc un défi.
Quant à l'usage du gaz naturel comme carburant dans l'exploitation des sables bitumineux, c'est un peu comme de changer l'or en plomb, chose que je ne suis certainement pas la première personne à souligner. En effet, le méthane utilisé comme carburant pour extraire des bitumes et du pétrole brut synthétique de relativement faible qualité est un carburant relativement propre. Si on l'utilise, c'est uniquement pour des raisons historiques parce que ce gaz était prisonnier là, à Fort McMurray, il y a 40 ans. Il était alors tout à fait logique de l'utiliser d'autant que nous en ignorions les répercussions sur le réchauffement climatique, etc.
Mais il nous faut aujourd'hui trouver une solution de rechange au gaz naturel, d'abord parce qu'il n'y en aura pas assez pour amener les sables pétrolifères à produire de trois à cinq millions de barils par jour, ainsi qu'on l'envisage.
Les émissions de gaz à effet de serre sont également une préoccupation majeure, cela va sans dire. Il nous faut effectuer un triage entre les combustibles fossiles dans leur ensemble et les sables bitumineux selon leurs émissions de gaz à effet de serre avec le temps.
Je ne vais pas m'attarder aujourd'hui sur les besoins en matière d'infrastructure, de main-d'oeuvre, ni sur les coûts d'accès aux marchés. Je me contenterai de dire que l'infrastructure est mise à contribution de différentes façons. Il existe indubitablement un manque de main-d'oeuvre criant en Alberta qui fait grimper les coûts. Il nous faut donc un programme robuste permettant l'exploitation continue des sables bitumineux.
La recherche et le développement visent à permettre l'exploitation des sables bitumineux dans le souci de l'environnement et de la réduction des coûts. D'ailleurs, l'innovation technologique peut libérer de vastes quantités de sources d'énergie.
La diapositive suivante n'a rien à voir avec les sables bitumineux. Elle montre comment la technologie par elle-même a contribué à tripler les réserves de pétrole de la mer du Nord. Le gisement a été découvert en 1986. La zone sous la première courbe montre le montant des réserves prouvées avec la technologie qui existait en 1986.
Au cours de la décennie suivante, des percées technologiques ont permis l'exploitation de la seconde tranche et la récupération de tout ce pétrole supplémentaire. Après cinq autres années de recherche et de développement, ainsi que de développement technologique, il a été possible de tirer du même gisement la troisième tranche de réserve.
Revenons aux sables bitumineux. J'espère être en train de vous convaincre que la technologie peut régler une bonne part des problèmes, si on l'exploite comme il faut. Il existe dans les sables bitumineux un besoin criant de sources de combustible et d'hydrogène susceptibles d'être utilisées au lieu du gaz naturel. Des travaux sont actuellement en cours, depuis des projets pilotes à des installations semi-commerciales, pour gazéifier le coke de pétrole produit là-bas, et produire ainsi du gaz de synthèse, de l'hydrogène et de la chaleur.
Il est possible également d'utiliser des résidus de bitume, comme les asphaltènes, soit la lie du baril, qui ont le moins de valeur. Il est possible de gazéifier du bitume brut.
Nous pourrions utiliser le charbon qui se trouve là-bas et le gazéifier. Nous pourrions même gazéifier de la biomasse, ou du moins des grumes infestées par le dendoctrone du pin, en combinaison avec d'autres matières. En fait, il a été prouvé que la biomasse était avantageuse à utiliser avec certains autres des éléments dans la cogazéification.
Une étude effectuée par mon propre organisme se penche sur ces sources de remplacement, du point de vue du génie et de l'économie, afin de fournir au secteur privé certaines des bonnes réponses pour remplacer le gaz naturel comme source de combustible et l'hydrogène. L'énergie nucléaire est une option.
Je reviens justement d'une visite à un réacteur nucléaire de pointe, en Idaho, mardi dernier. Il relève du Département de l'énergie: un territoire de 800 milles carrés auquel j'ai eu accès seulement après avoir été presque entièrement déshabillé. On y effectue des travaux passionnants auxquels nous commençons à participer, qui feraient du nucléaire une source de chaleur particulièrement intéressante pour le traitement des sables bitumineux, du charbon et d'autres minerais. On peut y avoir recours pour transmuer le charbon en liquides, en gaz, etc. L'énergie géothermique est une autre possibilité que l'on envisage.
À la page suivante, on constate que les émissions de gaz à effet de serre sont effectivement un problème. Mais l'industrie s'efforce d'y remédier, comme en atteste la courbe où le trait est continu, qui indique que les émissions par baril produit diminuent au fil du temps. Par contre, du fait de l'augmentation de la production, le total des émissions augmente avec le temps. Il nous faut trouver des façons de réduire au minimum les émissions de gaz à effet de serre. Cela se fait grâce à de nouvelles technologies qui sont mises à l'épreuve dans l'exploitation des sables bitumineux à l'heure actuelle.
J'espère que vous voudrez bien me pardonner le manque de clarté des graphiques. Je me contenterai de mentionner brièvement le processus THAI, qui n'utilise pratiquement pas d'eau. Il fait appel à une combustion souterraine lancée au départ par du gaz de combustion, puis entraînée par une injection d'air, pour améliorer la viscosité des sables bitumineux et permettre de les recueillir dans un tuyau souterrain, avant de les pomper vers la surface.
On a en dessous de ce graphique un exemple du traitement possible des asphaltènes — la lie du baril de bitume des sables bitumineux. Comme le coke pulvérisé, on peut les mélanger avec des surfactants et un peu d'eau, puis les brûler dans une tuyère de combustion classique.
Dans l'usine OPTI/Nexen, construite dans un bel esprit de prévoyance, on gazéifie la lie du baril, soit l'une des options de production de chaleur et d'hydrogène que j'ai indiquées.
La troisième usine d'amélioration prévue à Suncor gazéifiera le coke de pétrole pour produire de la chaleur et de l'hydrogène aussi, si bien que l'on réalise des progrès dans ce domaine.
La page suivante traite de l'un des problèmes qui entrave l'innovation dans le secteur de l'industrie. Laissez-moi, tout d'abord, faire une remarque un peu cynique: quand les affaires vont bien et que les gens sont occupés, ils sont trop occupés à s'enrichir; quand les affaires font mal, ils n'ont pas d'argent à consacrer à la recherche et au développement. Sans être vraie à 100 p. 100, c'est une affirmation qui comporte un élément de vérité.
Ce qui est beaucoup plus important, toutefois, c'est l'intensité des capitaux et les investissements à long terme nécessités par les grands projets énergétiques: de 20 à 50 ans et des milliards de dollars. Et jamais des sociétés du secteur privé et leurs actionnaires n'investiront dans ces domaines sans une certaine certitude en matière de réglementation notamment. C'est un contraste marqué avec la situation dans le secteur des technologies de l'information où, si un produit se casse un peu la figure, rien n'empêche de le cannibaliser et de le remplacer en l'espace de six mois.
Souvent, d'ailleurs, comme vous le constatez, nous avons tous ce genre de choses. Mon appareil, acheté il y a un an seulement, est certainement dépassé. C'est vrai dans le secteur des technologies de l'information; pas dans celui de l'énergie.
D'autre part, c'est un secteur où il est également très difficile de différencier un produit. Le secteur de l'énergie produit des électrons, de l'essence, du bitume ou du pétrole brut de synthèse; cela revient au même pour un client. Cela étant, si vous investissez beaucoup d'argent dans une technologie à la fine pointe du progrès, comment allez-vous rentrer dans vos frais, alors que votre concurrent peut adopter un processus vraiment bon marché et peut-être moins sensible à l'environnement, pour produire le même produit de base, que le consommateur traitera exactement de la même façon?
Le secteur de l'énergie, notamment les petites sociétés et celles spécialisées dans le service, sait innover. Mais il n'est pas vraiment reconnu pour l'innovation. Peut-être aussi ces sociétés ont-elles besoin d'un petit coup de pied aux fesses de temps en temps pour être plus innovatrices. Je suis sûr que votre comité et le gouvernement peuvent imaginer deux ou trois choses pour les y inciter. N'empêche que ce qui serait surtout utile, de plus en plus, serait une certaine certitude dans le cycle d'investissement auquel elles sont confrontées.
Les dernières diapositives portent sur l'innovation. Je crois que l'innovation technologique est la clé qui nous permettra d'accroître la production des sables bitumineux, dont nous avons grandement besoin, mais d'une manière responsable.
Je crois, personnellement, que le système d'innovation de notre pays ne fonctionne pas. Nous investissons des milliards de dollars dans la recherche et le développement en amont, mais nous n'en voyons pas les avantages en aval. Il y a à cela une raison relativement simple. Comme le prochain graphique le montre, l'innovation est une chaîne. Ça ne devrait pas vous surprendre, n'importe quelle autre industrie a une chaîne d'approvisionnement. Il y a d'une part les créateurs d'idées et de connaissances qui travaillent dans les laboratoires universitaires et gouvernementaux. À l'autre bout, il y a le marché, qui produit les avantages économiques. Entre les deux, il y a de nombreuses autres étapes qui sont complexes et difficiles et qui ne peuvent pas être franchies par les mêmes intervenants.
Les laboratoires gouvernementaux ne peuvent pas et ne devraient pas commercialiser de produits. Les universités non plus. Le secteur privé ne devrait pas essayer de faire de la R-D fondamentale. C'est pourquoi il faut avoir cette chaîne d'organismes, chacun avec ses propres compétences, pour faire en sorte qu'une idée fasse son chemin jusqu'à devenir un produit économique.
Pour vous montrer à quel point le Canada s'en tire mal, malheureusement, j'ai travaillé avec des collègues internationaux, y compris Michael Porter — je ne peux pas prétendre qu'il s'agisse uniquement de mon travail, mais je participe à ce groupe — nous avons établi des repères pour la compétitivité internationale sur le plan de l'innovation. Nous avons utilisé deux mesures: l'indice de recherche et développement, et des personnes hautement qualifiées produisant un certain nombre de possibilités par tranche d'investissement de un million de dollars dans la R-D.
Les pratiques exemplaires sont indiquées dans la rangée supérieure. Vous voyez où se situe la Finlande qui est souvent considérée comme une économie novatrice, et vous voyez où se placent les États-Unis en fonction de ces pratiques exemplaires qui servent de repères. À la dernière ligne, on voit où se place le Canada et ce que l'on constate par dessus tout, c'est que l'indice de R-D s'éloigne horriblement de la pratique exemplaire. Le chiffre du secteur privé est à gauche et celui du secteur public est à droite. Idéalement, il devrait y avoir trois parts d'investissement du secteur privé pour une part d'investissement public. Au Canada, ce rapport est de 1,18 pour 1; nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Nous ne pouvons pas simplement critiquer le secteur privé et le pousser à faire davantage de R-D sans encouragement. Nous devons trouver des moyens d'encourager le secteur privé à faire davantage de R-D afin d'améliorer ce rapport. Bien sûr, on pourrait aussi réduire la R-D gouvernementale, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution. Il est important d'avoir un équilibre et voilà les rapports dont nous avons besoin.
On constate donc un déséquilibre de l'incitation à la connaissance par rapport à l'attraction des marchés. Au Canada, nous avons une politique d'innovation économique de l'offre: « Découvrez-le et ils viendront », plutôt que « J'en ai besoin, inventez-le pour moi ». Nous devons trouver un équilibre entre ces deux pôles. Loin de moi l'idée de critiquer l'argent versé aux universités pour la recherche fondamentale. Nous en avons besoin, mais il nous faut également les éléments qui favorisent le développement technologique à l'autre bout, et on a fait très peu de choses pour améliorer cette partie difficile qui se trouve au milieu.
Nous devons donc intégrer la chaîne de l'innovation. Nous devons avoir une définition, une vision et des objectifs partagés. Ce n'est certainement pas le cas à l'heure actuelle. Il nous faut des politiques en matière d'innovation. Je ne sais pas s'il serait trop sévère de dire qu'elles n'existent pas, mais elles ne sont certainement pas holistiques.
Nous avons plus de 200 programmes gouvernementaux, fédéraux et provinciaux, en matière d'innovation. La plupart des entreprises n'ont pas la moindre idée de la manière de présenter une demande ou elles obtiennent si peu d'argent de ces programmes que ça n'en vaut pas la peine. Nous devons condenser ces programmes pour en avoir peut-être 10 ou 12 plutôt qu'un ensemble incroyablement complexe.
Les organismes qui font de l'innovation sont diffus et ne sont pas coordonnés. Ils ne font pas partie d'une chaîne et, dans la plupart des cas, les mesures et les repères que nous utilisons sont loin d'être ce qu'ils devraient être. Malheureusement, souvent, la quantité est plus importante que la qualité dans les mesures effectuées par le gouvernement. On est récompensé pour le nombre de nouvelles entreprises et non pas pour le nombre d'entre elles qui survivent et génèrent des milliards de dollars dans l'économie. On est récompensé pour les dollars investis mais non pas pour les résultats mesurés. Nous devons penser autrement. Nous devons intégrer et équilibrer la chaîne d'innovation pour produire efficacement des biens.
Encore une fois, je voudrais parler du dilemme du financement. Dans les prochaines courbes, qui sont peut-être un peu difficiles à suivre, celle qui diminue rapidement à partir de l'axe de gauche représente le financement du secteur public qui va de l'idée au produit. Pour sa part, le financement du secteur privé est très faible au moment de l'idée et augmente rapidement plus on se rapproche d'un produit présentant un avantage économique.
Dans ce contexte, on constate une nette augmentation du risque politique — je suis sûr que tout le monde autour de cette table comprend cela mieux que moi — à mesure que l'on accorde des montants de plus en plus élevés à un nombre décroissant de projets. À mon avis, aucun gouvernement, qu'il soit provincial, fédéral ou autre, ne souhaite consacrer des centaines de millions de dollars à un projet qui va échouer par la suite — c'est certainement à l'opposition de soulever des questions à ce sujet — mais il faut bien que quelqu'un le fasse. On voit le risque financier augmenter à mesure qu'on se rapproche du début du projet à l'étape du développement dans la chaîne d'approvisionnement de l'innovation, tel que la conçoit le secteur privé.
Il y a un blocage au milieu, avec cet élément, et c'est précisément là qu'EnergyINet a choisi de travailler par pure masochisme. C'est le secteur le plus difficile pour intervenir, car les dépenses publiques y sont minimes, pour les raisons que j'ai indiquées; et les dépenses du secteur privé y sont également minimes pour les autres raisons dont j'ai parlé et les montants nets qui apparaissent ici pour les éléments les plus difficiles — une usine pilote, une usine de démonstration, des activités de commercialisation — composent l'essentiel de la partie sous-financée de la chaîne des approvisionnements en innovation.
Permettez-moi de conclure en évoquant de nouveau la responsabilité du Canada. À Energy INet, nous bénéficions d'un groupe de collaborateurs très solides. En fait, nous ne sommes qu'un mécanisme de coordination d'un mouvement qui affirme que le Canada a la responsabilité de devenir une superpuissance énergétique responsable. Il en retirera les avantages suivants: des approvisionnements énergétiques responsables au plan environnemental, une pleine utilisation de toutes les ressources énergétiques dont nous sommes richement pourvus, comme je l'ai indiqué, et des progrès vers l'élimination du carbone et des autres émissions délétères. Vous pouvez sans doute voir les raisons qui permettent de l'affirmer.
En procédant ainsi, comme je l'ai indiqué, nous contribuerons plus que quiconque à la réduction de la contamination de l'environnement et aux émissions de contaminants à l'échelle mondiale, ce qui pourrait nous rapporter gros. Nous pourrions en retirer d'énormes recettes en exportations.
Cela étant dit, je passe maintenant à mes deux derniers acétates. Le premier explique pourquoi le Canada doit s'intéresser en priorité à l'énergie et aux technologies énergétiques. Les raisons en sont évidentes. Je les ai déjà évoquées.
Le Canada se trouve déjà dans un environnement où les investisseurs comprennent le domaine énergétique et les technologies énergétiques, et ils sont prêts à y investir. Nous avons des banques et des agents de mobilisation de capitaux qui sont très habiles à trouver de l'argent pour financer les projets énergétiques. Nous avons des universités remarquablement qualifiées pour former des travailleurs hautement spécialisés dans le domaine énergétique. Nous avons une excellente infrastructure de recherche et de développement en énergie ainsi qu'une grande capacité de recherche et de développement en laboratoire, et nous disposons d'une industrie énergétique jouissant d'une excellente réputation à l'échelle mondiale. Si nous mettons l'accent sur une exploitation énergétique responsable, je suis convaincu que nous avons l'occasion de permettre au Canada de contribuer à la durabilité à l'échelle mondiale.
Mon dernier acétate et mes derniers commentaires sont consacrés au rôle que j'attribue au gouvernement dans l'avenir de l'énergie: il doit montrer l'exemple et adopter la vision du Canada en tant que jalon mondial de la production intégrée d'énergie associée à des émissions minimales de carbone; il doit garantir une plus grande certitude pour les décisions d'investissement, grâce à des structures politiques à long terme plus précises, de façon que le secteur privé puisse aller de l'avant et prendre des décisions d'investissement, comme il peut le faire aujourd'hui; et il doit absolument accélérer la mise en oeuvre d'une réglementation souple, simplifiée et coordonnée, car c'est actuellement un cauchemar pour la plupart des sociétés. Encore une fois, c'est un obstacle pour les sociétés qui veulent mettre en service de nouvelles technologies et qui veulent procéder à des investissements à long terme.
Je suis personnellement convaincu qu'il incombe au gouvernement de partager les risques de l'innovation et de la mise en oeuvre des technologies nouvelles. Je ne suis pas certain que le gouvernement doive se consacrer lui-même à la fourniture d'informations technologiques. Il devrait plutôt trouver des solutions pour que les risques assumés par le secteur privé soient atténués par certaines interventions gouvernementales.
Finalement, le gouvernement doit renforcer la chaîne des approvisionnements du Canada en innovation de façon que les extrants proviennent véritablement des intrants et que l'innovation technologique fasse progresser le pays, en particulier dans le secteur énergétique.
Monsieur le président, vous m'excuserez de ne pas avoir été plus bref. J'apprécie beaucoup votre générosité.
Je dois également m'excuser auprès des membres du comité pour avoir abordé des sujets fort éloignés des sables bitumineux, mais je pense avoir placé ces derniers dans leur juste contexte.
Merci beaucoup.