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Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir aujourd'hui afin d'appuyer le projet de loi . On appelle communément ce projet de loi le projet de loi sur le prêt sur salaire, car il propose des modifications visant le secteur du prêt sur salaire, un secteur qui a connu un essor rapide au Canada et qui évolue dans un environnement pour ainsi dire non réglementé.
Le projet de loi propose de modifier le Code criminel de manière à corriger le tir à cet égard. Il vise à mieux protéger les quelque deux millions de Canadiens et leurs familles qui recourent aux services des prêteurs sur salaire sur une base annuelle. La mesure reflète la détermination et l'engagement continus du gouvernement à améliorer la vie de tous les Canadiens.
Je suis fier d'offrir un appui solide au projet de loi . J'invite tous les députés à faire comme moi afin que la mesure puisse être adoptée sans tarder.
Le secteur du prêt sur salaire est florissant au Canada. Créé aux États-Unis, ce secteur a fait son apparition au Canada au milieu des années 1990. Il a connu un essor rapide depuis, et on estime à 1 300 le nombre de sociétés de prêt sur salaire aux quatre coins du Canada. Selon l'Association canadienne des prêteurs sur salaire, le principal groupe de pression du secteur, environ deux millions de prêts sur salaire sont consentis au Canada chaque année.
Selon un rapport préparé pour le Centre pour la défense de l'intérêt public , en 2002, il y avait de 1 à 1,4 million de Canadiens qui recouraient aux services de sociétés de prêt sur salaire. Il semble donc que les chiffres soient en augmentation. Nous savons également que, chaque année, les sociétés de prêt sur salaire accordent des prêts avoisinant les 2 milliards de dollars. Franchement, ces chiffres sont renversants. Et pourtant, ce qui est tout à fait surprenant, c'est que ce secteur a connu une croissance rapide sans être assujetti à un cadre réglementaire précis, un cadre qui lui soit propre. Du fait de l'absence d'un tel cadre, les consommateurs se retrouvent vulnérables devant des pratiques commerciales douteuses.
D'aucuns s'interrogeront sur les motifs qui amènent quelqu'un à faire appel aux services d'une société de prêt sur salaire si cela expose cette personne aux activités de prêteurs peu scrupuleux. Les motifs sont nombreux. Certains consommateurs le font parce que c'est un moyen relativement facile et rapide d'emprunter de l'argent, en tout anonymat. D'autres ont indiqué que cette situation tient au fait que les sociétés de prêt sur salaire sont pratiques; elles ont notamment de longues heures d'ouverture et sont implantées en grand nombre dans les collectivités partout au Canada.
Si on ajoute à cela le fait que de nombreuses petites municipalités et villes perdent leur succursale bancaire, on comprend que la société de prêt sur salaire soit perçue comme étant un moyen attrayant d'avoir accès à ses fonds. Or, ce sont justement ces consommateurs qui ont pris l'habitude de faire affaire avec des sociétés de prêt sur salaire pour payer leurs factures, pour avoir les moyens de mettre de la nourriture sur la table, et pour tenir jusqu'au prochain chèque, qui sont le plus vulnérables à des pratiques abusives.
Ce sont précisément ces faits qui aggravent la situation des consommateurs déjà vulnérables, car il se peut qu'ils acceptent les conditions d'un prêt sans poser de question ou parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Voilà pourquoi il est impératif que nous agissions rapidement pour que le projet de loi devienne loi.
En fait, le prêt sur salaire est le sobriquet accrocheur qui a été donné au prêt à court terme, souvent d'un petit montant, qui est accordé sur présentation d'une preuve de revenu. La plupart du temps, il s'agit d'une preuve d'emploi, d'où l'expression prêt sur salaire. Cependant, ce n'est pas toujours le cas. Il peut s'agir, entre autres, d'un revenu de pension.
En général, un prêt sur salaire est de l'ordre de 300 $ et l'échéance est d'environ 10 jours. Pour être admissible, en plus de prouver qu'il a une source de revenu, le consommateur doit avoir un compte bancaire et fournir un chèque postdaté du montant du prêt plus les frais et les intérêts afférents. Ces frais peuvent inclure notamment les frais d'ouverture du dossier, les frais de courtage et les frais administratifs.
Nous savons tous que les prêts sur salaire représentent une façon très coûteuse d'emprunter. Dans certains cas, le taux d'intérêt calculé sur un an peut atteindre jusqu'à 1000 p.100 ou même 10 000 p.100. Avec de tels taux d'intérêt, il n'est pas étonnant que les bénéfices des sociétés de prêt sur salaire ne cessent d'augmenter et que l'industrie continue de prospérer.
Pour le meilleur ou pour le pire, les temps semblent bons pour l'industrie des prêts sur salaire au Canada, mais pas nécessairement pour certains des consommateurs. Lorsque ces derniers éprouvent de la difficulté à rembourser leur prêt, les prêteurs vont parfois reconduire un prêt à court terme et l'ajouter à un autre, et ainsi de suite. Le niveau d'endettement augmente et les consommateurs, qui éprouvent déjà de la difficulté, se retrouvent avec une dette qui monte en flèche.
Certains préoccupations ont été exprimées à propos des pratiques de recouvrement de dettes auxquelles se livrent certaines institutions quand ces consommateurs sont incapables de rembourser leur prêt. Il arrive souvent que l'emprunteur ne soit pas au courant de certaines des modalités du contrat de prêt, modalités dont on peut s'attendre à ce qu'elles soient cachées, écrites en petits caractères.
Le Centre pour la défense de l'intérêt public confirme tout cela dans un rapport intitulé « Fringe Lending and Alternative Banking: the Consumer Experience », qui précise que la plupart des gens qui fréquentent ces institutions financières non traditionnelles, comme les sociétés de prêts sur salaire, ne sont pas conscients du coût associé aux services qu'ils utilisent.
Le gouvernement estime qu'on devrait protéger efficacement les consommateurs contre cette industrie. C'est pourquoi le projet de loi est si important.
De nombreux intervenants, y compris les provinces, les territoires et les groupes de protection des consommateurs, disent que l'article 347 du Code criminel est un obstacle à la réglementation efficace de l'industrie du prêt sur salaire au Canada. Les provinces et les territoires ont affirmé qu'ils ne prendront aucune mesure pour réglementer l'industrie puisque, en vertu de l'article en question, ses activités sont techniquement illégales.
L'article 347 porte sur les prêts à usure. Il prévoit deux infractions distinctes: la première vise quiconque conclut une convention ou une entente pour percevoir des intérêts dont le taux annuel dépasse 60 p. 100; et la deuxième vise quiconque perçoit, même partiellement, des intérêts dont le taux annuel dépasse 60 p. 100.
Bien que ces dispositions aient été adoptées pour lutter contre les usuriers, en réalité, elles s'appliquent aussi à la plupart des prêts au Canada, notamment les prêts sur salaire. Par conséquent, on propose, dans le projet de loi , de modifier l'article 347 du Code criminel afin de permettre aux provinces et aux territoires de réglementer l'industrie du prêt sur salaire.
Les modifications proposées dans le projet de loi ne sont ni longues, ni compliquées. Essentiellement, elles prévoient une exemption des dispositions de l'article 347 pour les sociétés de prêts sur salaire, dans certaines circonstances. En procédant ainsi et en prévoyant une exception très étroite au lieu d'abroger l'article 347 dans sa totalité, le projet de loi C-26 protège les Canadiens contre les pratiques usurières tout en répondant aux besoins des provinces et des territoires relativement à l'industrie du prêt sur salaire.
Cette exemption est prévue à l'article 347.1, que le projet de loi propose d'ajouter au Code criminel. Sont précisées dans ce nouvel article les circonstances exactes dans lesquelles un prêt sur salaire serait exempté de l'application de l'article 347.
Tout d'abord, le projet de loi propose une définition du prêt sur salaire qui serait soustrait de l'application de la loi. Cette définition est importante puisqu'elle garantit l'admissibilité d'une seule catégorie bien définie de conventions de prêt. À cet égard, on définit le « prêt sur salaire » comme suit:
Opération par laquelle une somme d'argent est prêtée en échange d'un chèque postdaté, d'une autorisation de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature et à l'égard de laquelle ne sont fournis aucun cautionnement ni autre sûreté sur des biens ou autorisation pour découvert de compte; sont toutefois exclus les prêts sur gage ou sur marge, les lignes de crédit et les cartes de crédit.
À mon avis, cette définition est appropriée du fait qu'elle correspond au scénario typique du prêt sur salaire que j'ai décrit plus tôt et qu'elle est suffisamment précise pour déterminer quels prêts seront soustraits à l'application de la loi et quels autres, compte tenu de la politique en vigueur, ne le seront pas.
Le projet de loi propose trois exigences nécessaires pour qu'un prêt sur salaire soit soustrait à l'application de l'article 347. Tout d'abord, le montant du prêt ne doit pas dépasser 1 500 $ et il doit être d'une durée inférieure à 62 jours. Les prêts sur salaire ne seront donc pas tous admissibles; seuls le seront ceux qui respectent ces exigences additionnelles qui, comme il se doit, reflètent le fait que les prêts sur salaire concernent des sommes modestes et prêtées à court terme.
En deuxième lieu, le prêteur sur salaire doit être agréé par la province où il exerce ses activités pour pouvoir conclure une convention de prêt sur salaire. Ce volet des modifications que propose le projet de loi est critique, puisque cette exigence garantira qu'une exemption ne s'appliquera que dans la mesure où il existe dans la province des lois qui régissent le prêt sur salaire. En définitive, il reviendra aux provinces et aux territoires de décider s'ils légifèrent et, dans pratiquement tous les cas, de la portée de leurs lois.
La seule exigence imposée par le projet de loi au cadre législatif provincial, pour qu'une convention soit soustraite à l'application de l'article 347, est le plafonnement du coût total du prêt. Une telle disposition est sensée. Les consommateurs sauront alors exactement combien leur coûte un prêt sur salaire.
Enfin, le projet de loi prévoit que les provinces et les territoires souhaitant réglementer le secteur du prêt sur salaire de manière à soustraire les prêteurs sur salaire à l'application de l'article 347 du Code criminel devront être désignés par le gouvernement fédéral
Ce ne sont pas toutes les provinces qui souhaiteront ou devront le faire. Au Québec, par exemple, il est interdit de prêter à un taux supérieur à 35 p. 100, de sorte qu'il n'est pas nécessaire dans cette province de soustraire les prêts à l'application de la loi. Dans d'autres cas, la désignation sera nécessaire.
Il est fort simple d'obtenir cette désignation. Il suffit à la province d'écrire au ministre fédéral de la Justice et d'indiquer qu'elle a mis en place des mesures législatives pour assurer la protection des consommateurs qui contractent des prêts sur salaire, y compris, tel qu'indiqué précédemment, l'imposition d'un plafond au coût total de ce genre de prêt.
Une fois que la province indiquerait que les exigences d'exemption ont été remplies et sur recommandation du ministre fédéral de l'Industrie, le ministre de la Justice recommanderait alors au gouverneur en conseil d'accorder une exemption.
Fait important, le gouvernement fédéral pourrait à n'importe quel moment révoquer cette désignation si la province ne remplissait plus les exigences ou si la province demandait le retrait de la désignation. Voilà une approche pratique et sensée dans un pays aussi vaste et diversifié que le nôtre. Le choix du mode de réglementation de l'industrie des prêts sur salaire incomberait entièrement aux provinces.
En vertu de la Constitution, la protection des consommateurs relève effectivement de la compétence des provinces et des territoires. Les provinces ont déjà des lois sur la protection des consommateurs, lois qui portent sur certains problèmes et réalités propres à leurs territoires, et elles sont les mieux placées pour décider quels éléments sont nécessaires pour assurer efficacement la protection des consommateurs.
L'approche prévue dans le projet de loi complète le cadre législatif provincial. J'appuie cette approche. Elle est sensée et elle favorisera une meilleure réglementation de l'industrie du prêt sur salaire, à l'échelle du Canada.
Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, le projet de loi n'empiète pas sur la compétence des provinces en matière de protection des consommateurs et n'exige pas non plus que les gouvernements provinciaux obtiennent l'approbation du gouvernement fédéral à l'égard des mesures de protection des consommateurs.
En fait, le projet de fait le contraire. Il modifierait le Code criminel pour donner aux provinces et aux territoires la souplesse dont elles ont besoin, et qu'elles ont de toute évidence demandée, pour mettre en application les mesures de protection des consommateurs dans leur territoire pour mieux réglementer l'industrie du prêt sur salaire.
Comme je l'ai indiqué, bon nombre de provinces et de territoires ont indiqué que l'article 347 du Code criminel les empêche de mettre en application des mesures législatives sur la protection des consommateurs. Comme il supprime cet obstacle, le projet de loi favorisera la réglementation au niveau provincial et il répondra aux besoins des consommateurs et des groupes qui défendent les intérêts de ces derniers.
Les modifications proposées auraient dû être adoptées depuis longtemps. Comme je le disais, l'industrie du prêt sur salaire est née aux États-Unis. Elle a commencé à s'établir dans l'Ouest du Canada au milieu des années 1990. Aux États-Unis, beaucoup de gouvernements d'État ont pris les mesures nécessaires pour réglementer cette industrie de manière à protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales peu scrupuleuses.
Pour n'en nommer que quelques-uns, la Californie, le Vermont, le Michigan, le Mississippi, l'État de New York et la Virginie ont tous adopté une loi régissant l'industrie du prêt sur salaire. Le contenu exact de ces lois varie d'un endroit à l'autre, mais elles imposent toutes une limite à la somme qui peut être empruntée et au coût associé au prêt.
La même chose se produit ici, au Canada. Le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont déjà adopté une loi provinciale pour assurer une plus grande protection aux utilisateurs des services de prêt sur salaire. Au Manitoba, par exemple, la Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur a reçu la sanction royale le 7 décembre dernier. En Nouvelle-Écosse, la modification à la loi sur la protection du consommateur a reçu la sanction royale le 23 novembre dernier.
Ces deux mesures législatives visent précisément à réglementer l'industrie du prêt sur salaire dans ces provinces. Elles imposent des exigences aux prêteurs et établissent les droits des emprunteurs. Elle fixent aussi un plafond aux frais pouvant être imposés sur un prêt sur salaire. Ces mesures ne sont pas encore appliquées. Il faut que le projet de loi soit adopté avant qu'elles puissent prendre effet.
Les gouvernements du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse surveillent l'étude du projet de loi , parce que son adoption assurera une plus grande protection et des règles plus sévères pour l'industrie, ce qui sera bien sûr à l'avantage des consommateurs de ces provinces. D'autres provinces ont indiqué qu'elles emboîteraient le pas.
Avec l'adoption du projet de loi , les provinces et territoires jouiront d'une plus grande liberté de mouvement dans les mesures qu'elles pourront prendre à l'égard de l'industrie du prêt sur salaire. Notre façon de faire est donc la bonne.
En terminant, la protection des consommateurs canadiens est un objectif que nous pouvons tous appuyer et que le projet de loi nous aidera à atteindre. J'exhorte tous les députés à se joindre à nous pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté rapidement.
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Monsieur le Président, le projet de loi est un exemple flagrant de la façon dont les conservateurs tiennent un discours, mais agissent autrement. On dit qu'on veut utiliser une approche différente avec les provinces et qu'on respectera les compétences, mais pourtant, dans le cas présent, la Loi sur la protection du consommateur du Québec gère la situation des prêts sur salaire depuis des années déjà.
D'ailleurs, au Québec, cette industrie n'existe presque pas, parce qu'on a éliminé les excès: le taux de crédit annuel doit être indiqué sur les contrats de prêt et la jurisprudence a établi qu'un taux d'intérêt annuel supérieur à 35 p. 100 était abusif. Autrement dit, nous avons déjà ce qu'il faut pour légiférer dans ce secteur.
Je comprends très bien que les autres provinces veuillent avoir une législation, mais il s'agit en quelque sorte de régler des pratiques commerciales, ce qui relève de la responsabilité des provinces.
Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il pas simplement dit que là où des lois existent, ces lois s'appliqueront?
La Loi sur la protection du consommateur est en vigueur depuis plus de 2 décennies et fonctionne très bien au Québec. Lors d'une discussion en comité, nous avons proposé que cela soit indiqué dans la loi, ce qui a été refusé de façon systématique par les trois autres partis qui ont complètement ignoré le fait que le Québec avait un passé concluant en la matière.
Pourquoi le gouvernement fédéral n'accepte-t-il pas qu'on indique simplement cela dans la loi, plutôt que le fasse une bénédiction et que le gouvernement en conseil décide si, oui ou non, la loi du Québec est acceptable?
On aurait simplement pu dire que lorsqu'une province a déjà une loi, c'est cette loi qui continuera d'avoir effet, et que là où il y aura de nouvelles lois, ce seront celles dont les provinces auront décidé.
Comment expliquer cet écart entre le discours des conservateurs et le respect des compétences des provinces? Dans le cas très concret des prêts sur salaire, il existe depuis longtemps au Québec une pratique reconnue comme satisfaisante et acceptable.
Le gouvernement conservateur a décidé d'adopter la même attitude que le gouvernement fédéral précédent et que les gouvernements fédéraux en général. Ainsi, le fédéral passera son rouleau compresseur uniformément, et tous auront la même chose, sans tenir compte des initiatives qui ont été développées à divers endroits.
Le gouvernement conservateur ne pourrait-il pas faire preuve de bonne foi et accepter un tel amendement, pour qu'on ait une loi qui pourra servir au Canada de façon correcte et qui respectera la pratique existante depuis des décennies au Québec?
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui à l'appui de la mesure législative dont nous sommes saisis, le projet de loi .
Ce projet de loi modifie l'article 347 du Code criminel du Canada, qui criminalisait l'imposition de taux d'intérêt usuraires. Cet article limite les taux d'intérêt à 60 p. 100 par année.
Quand il a été adopté, cet article du Code criminel devait s'appliquer aux prêts de plus grosses sommes et à plus long terme. Il exige donc que l'intérêt soit calculé annuellement, même si le prêt est à court terme, par exemple pour seulement cinq jours. Les intérêts sont ainsi calculés quotidiennement sur 365 jours, même si la somme en question n'est prêtée que pour quelques jours. Si une somme de 100 $ est prêtée pour cinq jours au coût de 1 $, cela représente un taux d'intérêt composé annuel de 107 p. 100. C'est comme si l'on exigeait que les hôtels affichent le prix annuel de leurs chambres, soit 55 000 $ par année au lieu de 150 $ la nuit. Ce serait comme demander à une agence de location de voitures d'afficher 13 000 $ par année plutôt que 35 $ par jour pour une voiture. Dans la vie courante, il y a bien des choses que nous utilisons à court terme, et nous calculons les prix à court terme également. Nous ne pensons pas au taux annuel, qu'il s'agisse des repas au restaurant ou des courses en taxi.
Les prêts sur salaire sont aussi un produit à court terme et les taux annualisés ne sont pas appropriés.
Qu'est-ce qu'un prêt sur salaire? C'est l'opération par laquelle une somme d’argent est prêtée en échange d’un chèque postdaté, d’une autorisation de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature et à l’égard de laquelle ne sont fournis aucun cautionnement ni autre sûreté sur des biens ou autorisation pour découvert de compte; sont toutefois exclus les prêts sur gage ou sur marge, les lignes de crédit et les cartes de crédit.
Pour avoir droit d’emprunter sur son salaire, il faut en général présenter une pièce d’identité, détenir un compte de chèque personnel et présenter un talon de chèque de paie ou une autre preuve de revenu régulier. Généralement, le crédit octroyé est un pourcentage du salaire net de l’emprunteur jusqu’à sa prochaine paie. L’emprunteur fournit au prêteur un chèque postdaté ou autorise le retrait direct d’un montant équivalant à l’emprunt, auquel s’ajoutent les intérêts et frais exigés.
Qui a recours aux prêts sur salaire? Au début de 2005, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a utilisé l’Ipsos-Reid Express canadien – une enquête omnibus nationale auprès des Canadiens adultes – pour interroger les Canadiens sur leur utilisation des services d’encaissement de chèques et de prêt sur salaire et les motifs sous-jacents. Environ 7 p. 100 des répondants ont déclaré avoir eu recours aux services d’une société de prêt sur salaire ou d’encaissement de chèques. L’encaissement de chèques était le service le plus fréquemment utilisé — 57 p. 100 — suivi du service de prêt sur salaire — 25 p. 100 — et des prêts en prévision d’un remboursement d’impôt — 5 p. 100.
Les répondants qui avaient le plus souvent utilisé ces services étaient les hommes, les personnes de 18 à 34 ans, les citadins, les résidants de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, les personnes dont le ménage gagne moins de 30 000 $ par an et les personnes qui avaient une certaine formation postsecondaire. Parmi les raisons citées concernant l'utilisation de ces services, mentionnons que ces derniers sont rapides, efficaces et que les gens avaient besoin d'argent immédiatement, que les heures d'ouverture sont convenables, que les sociétés de prêt sont ouvertes plus tard que les autres institutions financières, que les gens avaient eu des problèmes de carte de crédit, et qu'ils n'avaient pas de carte de crédit ni de compte de chèque.
Bien que je n'aie jamais eu besoin d'un prêt sur salaire, je peux comprendre comment ce service peut se révéler utile. Il existe tellement de situations où on peut avoir besoin d'argent instantanément, par exemple pour faire réparer une voiture lors d'un trajet sur une longue distance, pour donner un dépôt afin d'obtenir l'appartement idéal qu'on vient de dénicher ou pour effectuer un voyage imprévu dans une autre province parce qu'un parent est malade ou est mort.
Les gens qui ont déjà déclaré faillite doivent fonctionner avec de l'argent comptant; ils n'ont pas accès à des cartes de crédit pour les aider entre chaque paie. Manifestement, les prêts sur salaire sont un service essentiel pour de nombreux Canadiens, mais il importe de les réglementer pour protéger les consommateurs.
L'Association canadienne des prêteurs sur salaire indique que ce secteur d'activité est apparu au Canada au milieu des années 1990. En 2004, on comptait près de 1 200 de ces centres, et le secrétaire parlementaire vient de nous dire qu'il y en a maintenant plus de 1 300. Dans ma circonscription, Thunder Bay—Rainy River, j'ai été témoin récemment de l'ouverture de pratiquement une demi-douzaine de bureaux de sociétés de prêt sur salaire, alors qu'il y a tout juste dix ans, il n'y en avait pratiquement pas.
Pourquoi des modifications sont-elles nécessaires?
Comme cela a été dit plus tôt, en vertu de l'article 347, l'imposition de taux d'intérêt dépassant 60 p. 100 par année est un acte criminel. À l'origine, l'article 347 visait à combattre la pratique du prêt usuraire et ses liens avec le crime organisé. Il n'était pas destiné à faire fonction d'outil de protection des consommateurs et de réglementation des prix pratiqués dans un secteur d'activité.
Si on calcule le taux d'intérêt pratiqué dans le cas d'un prêt sur salaire selon les définitions et méthodes énoncées dans le Code criminel, il semble bien que certaines sociétés de prêt sur salaire appliquent des taux d'intérêt dépassant les 1 200 p. 100 par année. Toutefois, il est bien clair que les taux d'intérêt applicables à des prêts à court terme de ce type ne devraient pas être calculés de la même façon que les taux fixés dans le cas de prêts à long terme. De plus, il apparaît à l'évidence que la demande de services de prêt sur salaire s'accroît.
Le problème se pose en raison du partage des compétences fédérales-provinciales. Les institutions financières relèvent d'une réglementation soit fédérale, soit provinciale ou territoriale, selon l'ordre de gouvernement qui les a constituées en personne morale. Le gouvernement fédéral a compétence sur les taux d'intérêt, mais la réglementation des activités courantes des prêteurs sur salaire et la délivrance de permis à ces sociétés relèvent fort probablement des provinces en raison de leur compétence sur la propriété et les droits civils.
En raison de cette confusion des compétences, les prêteurs sur salaire, essentiellement, ne sont assujettis à aucune réglementation. Les provinces ne sont pas en mesure de réglementer le prix d'un prêt, puisque toute tentative en ce sens serait en conflit avec l'article 347 et pourrait donc être contestée. Toutefois, on ne s'est pas servi de l'article 347 pour limiter les activités des prêteurs sur salaire, car il faut avoir le consentement du procureur général d'une province pour intenter des poursuites en cas d'infraction.
Les gouvernements provinciaux sont réticents à poursuivre un prêteur sur salaire, de crainte qu'en l'absence de ces sociétés de prêt, les consommateurs recourent à d'autres solutions qui sont illégales, comme le prêt usuraire. Le secteur du prêt sur salaire est l'un des seuls volets du secteur des services financiers au Canada qui n'est toujours pas réglementé.
Tous les autres pays qui ont connu une croissance rapide dans ce secteur, y compris le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis, ont adopté une réglementation pour protéger les consommateurs. Les États-Unis, par exemple, comptent 22 000 points de service. Quarante États se sont dotés d'une réglementation pour protéger les consommateurs. Jusqu'à maintenant, pas moins de cinq provinces ont ouvertement demandé au gouvernement fédéral de modifier l'article 347 afin de pouvoir adopter une réglementation en matière de prêt sur salaire.
Si le secteur du prêt sur salaire n'est pas réglementé, son avenir pourrait bien être déterminé par un certain nombre de recours collectifs dont ont été saisis les tribunaux canadiens. Les requérants font valoir qu'on leur a fait payer des taux d'intérêt dépassant ceux prévus dans le Code criminel et exigent le remboursement de centaines de millions de dollars en intérêts. Si ces requérants ont gain de cause, le secteur du prêt sur salaire risque fort d'être acculé à la faillite.
Il y a eu d'importantes consultations fédérales-provinciales-territoriales au sujet de la réglementation du secteur du prêt sur salaire. Au terme de ces consultations, les parties se sont entendues pour dire que l'article 347 ne constituait pas une mesure appropriée pour les prêts sur salaire et qu'il devrait être modifié pour permettre aux provinces de réglementer ce secteur.
Au mois d'octobre 2005, le ministre fédéral de la Justice a reconnu que l'article 347 est insensé et qu'il ne devrait pas s'appliquer aux prêteurs sur salaire. Le ministre a obtenu l'approbation du Cabinet pour modifier en conséquence l'article 347.
Je me réjouis vivement de constater que le gouvernement conservateur ait choisi de présenter ce projet de loi, qui est le résultat des efforts soutenus des anciens ministres libéraux de la Justice et de l'Industrie. On sait que ces efforts n'ont pas porté fruit en raison de l'émission du décret de convocation des électeurs et des élections.
Qu'est-ce qui a changé avec le projet de loi ?
Le projet de loi ajoute une définition du prêt sur salaire. C'est un ajout important puisqu'il définit clairement un deuxième type de prêt alors que précédemment il n'y avait pas de différence et que tous les prêts étaient mis sur le même pied.
L'article 2 du projet de loi crée le paragraphe 347.1(2) qui dispose qu’une personne qui consent un prêt sur salaire ne peut faire l’objet de poursuites au criminel si le prêt est d’au plus 1 500 $ et que la durée de la convention est ...
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi .
Le rapport du comité sur ce projet de loi a été présenté à la Chambre le 13 décembre. Il arrive très rarement qu'aucun amendement ne soit apporté à un projet de loi par le comité qui l'étudie. Dans ce cas, nous avons la preuve de ce que peut donner une solide coopération entre les partis. Il s'agit de l'un des six projets de loi sur lesquels l'opposition officielle a invité le gouvernement à collaborer avec les autres partis, pour qu'il soit adopté dès que possible.
S'il y avait un peu plus de coopération, en particulier de la part du gouvernement, nous croyons qu'en plus du projet de loi , les comités pourraient terminer l'étude des projets de loi suivants et les renvoyer à la Chambre: le projet de loi , qui limiterait le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis; le projet de loi , qui améliorerait la banque de données génétiques; le projet de loi , qui intégrerait au Code criminel des dispositions sur les courses de rue; le projet de loi , qui apporterait des modifications au Code criminel concernant la procédure pénale, la langue de l'accusé et la détermination de la peine, autrement dit qui mettrait à jour le Code criminel du Canada; le projet de loi , qui modifierait le Code criminel concernant l'âge de protection, compte tenu de l'importance de protéger les enfants. Nous croyons que, si le gouvernement voulait coopérer un peu plus, la Chambre pourrait bel et bien adopter ces six projets de loi.
En résumé, le projet de loi modifie le Code criminel du Canada afin d'exempter les sociétés qui font des prêts sur salaire dans les provinces et les territoires de devoir prévoir des mesures visant à protéger les emprunteurs des dispositions de l'article 347 du Code criminel du Canada et il oblige les responsables de la réglementation de cette industrie à fixer un plafond au coût total des prêts.
Une bonne partie du travail lié à ce projet de loi a été accompli par les ministres de l'Industrie et de la Justice précédents. Bon nombre de mesures ont été prises en collaboration avec les provinces et les territoires pour obtenir le genre de collaboration nécessaire pour présenter ce projet de loi à la Chambre des communes. Je félicite tous les députés, y compris les ministériels, qui ont participé à ces discussions et qui nous ont permis d'en arriver là où nous en sommes aujourd'hui.
Il est essentiel de faire savoir aux consommateurs que nous n'accepterons pas que des taux usuraires soient imposés au Canada. Il est bien évident que le Code criminel du Canada contient déjà plusieurs dispositions, dans le cadre de l'article 347, qui permettent de porter des accusations criminelles pour taux d'intérêt usuraires. L'article 347 érige en infraction le fait d'exiger des intérêts de plus de 60 p. 100 par année.
Comme nous le savons tous, certaines sociétés de prêts sur salaire ont exigé beaucoup plus que cela. Nous avons même entendu parler de taux d'intérêt exorbitants, atteignant plus de 1 200 p. 100 par année, compte tenu des frais et des intérêts composés, sans qu'aucune accusation n'ait été portée, aux termes de l'article 347 du Code criminel, contre une société de prêts sur salaire.
Ces préoccupations sont bien sûr réelles, mais le commerce des prêts sur salaire est un peu plus complexe sur le plan des compétences, et j'ajouterais des besoins individuels. Du point de vue des compétences, les sociétés de prêts sur salaire sont considérées comme des entreprises commerciales. Ce ne sont pas des banques, quoique bon nombre de personnes le croient. En tant qu'entreprises commerciales, elles relèvent en grande partie de la compétence de la province.
Mon collègue, le député de , l'a bien expliqué et j'aimerais reprendre l'explication qu'il a présentée à la Chambre à cet égard. Il a dit:
Une disposition continuera d'exister au Code criminel, mais nous allons prévoir une exemption pour une entreprise légale qui prête de l'argent de cette manière. L'exemption est fondée sur le fait que la province ou le territoire réglementera ce commerce.
Il a ajouté:
En modifiant ainsi l'article 347, nous permettons aux provinces d'exercer leur compétence sur la réglementation des affaires commerciales de leurs citoyens. Parallèlement, toutefois, nous maintenons l'interdiction d'imposition d'un taux criminel, c'est-à-dire plus de 60 p. 100 par année, là où il n'y a pas de réglementation provinciale. Nous présumons qu'une province adopterait un règlement qui assurerait essentiellement le même niveau de protection aux consommateurs.
Il est important de le mentionner parce que cela explique le problème lié au domaine de compétence et la différence entre une banque et une entreprise commerciale.
Par conséquent, le projet de loi couvre la question du domaine de compétence à l'article 2 en précisant que ce sont les provinces qui émettent les licences permettant d'exercer l'activité visée et, deuxièmement, les provinces sont désignées par le gouverneur en conseil ou le Cabinet en vertu du nouvel article 347.1.3 proposé.
Le total des sommes en jeu dans les transactions, qui est estimé à 1,3 milliard de dollars, et pourrait atteindre les 2 milliards selon le secrétaire parlementaire, ainsi que l'augmentation du nombre d'entreprises qui font du prêt sur salaire, qui dépasserait les 1 300, démontrent qu'il existe un besoin. Ces chiffres renversants démontrent qu'il est évident que les Canadiens ont un besoin urgent de comptant rapidement, peu importe pour quelles raisons.
Je reconnais que les sommes ne dépassent pas quelques centaines de dollars, mais comme d'autres l'ont souligné avant moi, les frais sont extrêmement élevés.
M. Jenkin, du ministère de l'Industrie, a déclaré ceci devant le comité:
Le prêt sur salaire est un prêt à court terme, qui permet au consommateur d'emprunter plusieurs centaines de dollars pour une période de 10 jours à deux semaines. Le coût d'emprunt est très élevé, comme vous le savez probablement, en général de l'ordre de 40 à 75 $ pour un prêt de 300 $ pour deux semaines ou moins.
Je dois affirmer que je soutiens le projet de loi, car il constitue un moyen d'améliorer la situation des gens qui ont besoin rapidement de comptant, mais je reste préoccupé par les pressions financières sur les personnes. À mon sens, il ne fait aucun doute que les gens qui sont contraints de recourir à ces services sont ceux qui peuvent le moins se permettre de payer ces lourdes charges. Ces gens ont peut-être besoin de l'argent pour payer l'épicerie de leur famille, peut-être est-ce pour payer des frais médicaux ou peut-être est-ce pour faire un paiement minimum sur une carte de crédit à laquelle sont rattachés des taux d'intérêt élevés.
Peu importe la raison, il est clair qu'il existe un problème plus vaste que celui auquel s'attaque le projet de loi. Je ferai valoir au gouvernement et à d'autres que le pays tout entier, autant les provinces que le gouvernement fédéral, doit s'intéresser aux raisons sociales et économiques qui font que les gens se sentent obligés d'utiliser ces services pour obtenir de l'argent. Ceux qui les utilisent sont ceux qui peuvent le moins se le permettre, et j'estime qu'il faut que nous travaillions là-dessus.
En bref, nous appuyons le projet de loi. Nous pensons qu'il est un pas dans la bonne direction. Cependant, il faut reconnaître les causes sociales et économiques sous-jacentes et les problèmes auxquels sont confrontés ces personnes au quotidien et qui les poussent à utiliser ces services. C'est là l'aspect inquiétant de la question.
C'est un bon projet de loi, mais j'estime que la Chambre et le gouvernement devraient se pencher davantage sur les causes sous-jacentes qui expliquent pourquoi les gens utilisent ces services.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je prends la parole au sujet du projet de loi . Après avoir traité de cette question en comité parlementaire, je croyais qu'elle recevrait un accueil très favorable puisque le gouvernement du Québec a, depuis déjà deux décennies, une législation qui, par l'entremise de l'Office de la protection du consommateur, gère la question des prêts sur salaire.
Les Québécois et les Québécoises qui écoutent le débat d'aujourd'hui doivent se demander pourquoi cette question n'est pas déjà réglée. « N'y a-t-il pas une législation qui permette d'encadrer cette question? », doivent-ils se demander. La réponse est non. Dans le reste du Canada, ce n'est pas le cas.
Je l'ai bien senti en comité. Les représentants des trois partis fédéralistes se sont liés et se sont opposés systématiquement et très fermement à ce qu'il y ait un petit amendement voulant que dans le cas où une province — comme le Québec — a déjà une loi qui régit déjà adéquatement cette question, aucune étude approfondie ne serait effectuée. Le champ de compétence de la province serait respecté. Les autorités provinciales ont décidé qu'il s'agissait de la bonne façon de faire. À ce moment-là, on enregistrerait tout simplement que la loi et la mécanique existent déjà. C'est cette loi qui aurait préséance.
La question des prêts sur salaire est importante parce qu'elle touche souvent les gens à très faible revenu ou les gens qui ont soudainement besoin de prêts financiers. Dans le reste du Canada, une industrie très florissante s'est développée avec toutes sortes de comportements. Certains font le travail de façon très correcte et d'autres le font moins correctement. Je comprends très bien le fait de vouloir encadrer cette question. Jamais le Bloc ne s'est opposé au fait qu'une telle loi soit appliquée dans les provinces où il n'y a pas déjà une législation à cet égard et où les provinces décideront d'en appliquer une.
Notre opposition au projet de loi vient du fait qu'il existe déjà une loi au Québec. Mon collègue disait plus tôt qu'il avait de la difficulté avec l'approche bloquiste et qu'il avait besoin de preuves. Ce n'est pas l'approche bloquiste, c'est l'approche québécoise.
Le gouvernement libéral fédéraliste actuel à Québec pense la même chose que le Bloc à ce sujet. On a fait les vérifications auprès du cabinet du ministre. Le cabinet du ministre souhaitait que, par l'entremise d'un avis au gouvernement fédéral, le Québec puisse dire: « Nous avons déjà une législation qui encadre cette question du prêt sur salaire et donc, en conséquence, c'est cette législation qui s'appliquera chez nous. »
Dans la pratique, ce n'est pas la réponse que nous avons eue. Le gouvernement provincial devra soumettre sa loi au gouvernement fédéral. Il y aura analyse de la pertinence du projet de loi, de la façon dont on touche à ce problème. Ensuite, il y aura référence jusqu'au gouverneur en conseil. Ce n'est pas une mince affaire.
Bien que ce soit un champ de compétence provincial, soit un champ qui relève de la responsabilité du Québec, que le Québec a une expérience de 20 ans sur cette question et qu'il n'y a pas de problème d'application de la loi, il faut tout de même demander la bénédiction du grand frère à Ottawa.
Selon moi, il est aberrant qu'un gouvernement conservateur comme celui qui est devant nous, qui a prétendu qu'il serait plus ouvert au respect des champs de compétence des provinces, agisse ainsi. On entend même parler d'un projet de loi qui encadrerait le droit de dépenser du fédéral.
On dit que le Québec est une nation. Le lui-même a déposé une motion en cette Chambre. Pourtant, à la première occasion, lorsqu'on a enfin une chance de démontrer une différente façon de faire, le bulldozer est là, prêt à démarrer. La locomotive est là également. On va uniformiser le tout à travers le Canada
Toutes les provinces auront à justifier leurs législations. Même une expérience de 20 ans dans ce domaine n'est pas pertinente. Selon le fédéral, ce n'est pas ainsi qu'on réglera la question.
Il est important de savoir qu'au Québec, la pratique développée au fil des ans fait en sorte que les taux maximums qui existent actuellement au Québec sont de 35 p. 100. C'est très différent de ce que l'on voit dans le reste du Canada. Grâce à l'Office de la protection du consommateur, les rôles sont bien définis et encadrés. Aujourd'hui, cette industrie ne rencontre pas de problème. Pour le peu qu'elle existe, une pratique a été acceptée et les excès ont été interdits. On a droit à un taux maximum d'environ 35 p. 100 à cause de la jurisprudence.
Les gens qui veulent faire rapidement un gros coup d'argent sur le dos des personnes qui ont peu de moyens financiers en offrant ce type de services sont moins intéressés de le faire.
Dans le Code criminel, on parle d'un taux de 60 p. 100. Maintenant, on veut que chacune des provinces puisse adopter des lois dans ce secteur si elles le jugent pertinent alors que, au Québec, on a déjà cette responsabilité.
On dit dans la loi que le fédéral va désigner des provinces. Donc, il se donne un droit de véto sur les mesures prises par la province qui fait la demande de dérogation. Ce n'est pas une lettre qu'on envoie pour dire qu'on a déjà une législation chez nous. Il faut que la province, qui a une loi comme celle qui s'applique au Québec depuis 20 ans, demande une dérogation, se plie à dire à un gouvernement qu'il n'a pas réussi à encadrer ce problème depuis 25 ans. C'est comme dire: « Nous avons une loi, allez-vous nous donner l'autorisation de l'appliquer? » Cela reste dans la ligne traditionnelle de comportement du gouvernement fédéral, particulièrement de la haute bureaucratie fédérale, qui veut absolument que le One Canada, One Nation se développe ici, à Ottawa.
Dans la pratique, la réalité de ce que les gens vivent est autre chose. Évidemment, ce n'est pas la législation au niveau des champs de compétence qui révolutionnera la planète, mais c'est un exemple concret où, au cours de cette année où on a dit ici que le Québec était une nation et que c'est reconnu par le gouvernement fédéral, en même temps, on lui dit: « Vous êtes une nation mais, dans le fond, pour ce qui est du prêt sur salaire, on ne reconnaît pas votre pratique et on veut avoir le droit de la bénir ». On voit bien là qu'il y a deux poids, deux mesures, qu'il y a deux façons d'évaluer la situation.
Dans les déclarations de principes et ensuite dans le comportement quotidien, on revient avec les vieilles pratiques qui ont souvent été dénoncées par les Québécois et les Québécoises sur le comportement de l'appareil fédéral. On va souhaiter que le prêt sur salaire puisse continuer d'être régi comme il l'a été au niveau du gouvernement du Québec, que le gouvernement fédéral, en bout de ligne, donnera sa bénédiction très rapidement. Il n'en reste pas moins que c'est écrit dans la loi. C'est quelque chose qui n'est pas conforme au partage des compétences et qui, surtout, ne respecte pas l'expertise développée au cours des années.
Il est bien certain que, dans le reste du Canada, il est important qu'il y ait une façon d'encadrer cette situation. On l'a vu par ce qu'on a reçu comme lettres de la part des gens qui nous ont informés de la réalité vécue dans le reste du Canada. Il y a vraiment des comportements qui ont besoin d'être harnachés. On a besoin d'un encadrement de ce côté-là. Le Québec s'est déjà donné cet encadrement depuis 20 ans. D'ailleurs, si les provinces veulent voir comment cela fonctionne, je pense qu'elles peuvent bien communiquer avec le gouvernement du Québec et voir quelle méthode a été développée. Si elles veulent s'en servir, c'est tant mieux. Si elles décident de le faire autrement, c'est leur choix. Il n'y a pas de problème, on va respecter leurs compétences.
La position que le Bloc québécois défend ici n'est pas celle des « souverainistes », c'est celle du gouvernement du Québec, le gouvernement fédéraliste actuel et les précédents gouvernements du Québec. Ce sont des gouvernements et des gens qui ont vu le rôle de l'Office de la protection du consommateur. Si je ne m'abuse, on parle de gens qui représentaient des opinions très différentes au plan national, comme Mme Bacon, qui est dans l'autre Chambre, et Mme Payette, qui a été une ministre du Québec pour le Parti québécois. Elle a fait évoluer notre société de façon importante et continue de le faire aujourd'hui par ses écrits. C'étaient des personnes avec des opinions très différentes, mais là-dessus, on s'est donné un cadre de référence à l'Office de la protection du consommateur qui est un exemple et qui est un modèle intéressant à suivre. Aujourd'hui, le Québec reçoit un message assez décourageant de la part du gouvernement fédéral.
J'ai été encore plus surpris par l'attitude en comité. Au Comité de l'industrie, on déposera demain un rapport sur le secteur manufacturier et, sans dévoiler le contenu du rapport, il sera assez unanime sur les actions qu'on doit prendre dans ce secteur.
Maintenant, lorsqu'on a une question de champs de compétence et qu'on a besoin d'un tout petit changement dans une loi pour permettre que les compétences du Québec soient respectées, les trois partis fédéralistes se lèvent et disent: « Non, on ne peut pas consacrer du temps à trouver un petit amendement. On ne trouvera pas la façon de satisfaire le Québec à ce sujet. Il faudra que le Québec passe à travers le même moule que les autres ». C'est un exemple de ce qu'on a vu au cours des années passées. Il y en a une multitude. On ne pensait pas le retrouver aujourd'hui dans un projet de loi comme celui qui est devant nous.
Au sujet de cette industrie des prêts sur salaire, on nous dit qu'elle s'est développée au Canada surtout au cours des années 1990. Selon moi, l'Office de la protection du consommateur avait antérieurement déjà encadré un peu le secteur du prêt. Cela a probablement fait qu'il ne s'est pas développé d'excès dans ce secteur au Québec.
La compétence est un peu partagée là-dessus, puisque le Québec et les provinces sont responsables en matière de commerce local et de droit civil. On a aussi la responsabilité en termes de contrats et de protection des consommateurs au sein de chaque champs de compétence.
Le gouvernement fédéral estime que cette industrie compterait maintenant plus de 1 300 points de vente. Leur répartition est inégale et le Québec en compte très peu. En pratique, les gens qui écoutent le débat aujourd'hui au Québec doivent penser que la question est déjà plus ou moins réglée et ils doivent se demander pourquoi un nouveau projet de loi est déposé sur cette question. Il faut leur expliquer qu'il y a eu une vitesse de croisière très différente au Québec et au Canada.
Si au Québec on n'entend pas parler de cette question, c'est parce qu'on s'en est déjà occupé depuis plusieurs années, depuis des décennies en fait. La nouvelle réalité vécue dans le reste du Canada, mérite d'être corrigée. On est d'accord avec le fond de la question relative à ce projet de loi. Toutefois, en ce qui concerne le respect des compétences, le projet de loi ne satisfait d'aucune façon ce que pourraient être les exigences du Québec.
Lorsque je travaillais en comité sur cette question, grâce aux merveilleux instruments de communication qu'on a aujourd'hui, je recevais des avis du gouvernement du Québec qui voulait la tenue d'un débat pour que l'amendement que nous avions proposé soit agréé.
En même temps, les membres des différents partis disaient que ce n'était pas une question importante. Le sous-ministre en titre du ministère, le haut fonctionnaire, venait nous dire que non, qu'il n'y aurait aucune implication pour le Québec et qu'il était faux de croire que cela prendrait une bénédiction du fédéral. Au même moment, sur mon BlackBerry, je recevais un mémo du cabinet du ministre de la Justice du Québec disant exactement le contraire.
Un exemple flagrant comme celui-là nous montre qu'il y a encore trop de choses à changer dans ce système pour qu'on puisse vraiment être respectés. Si on ne l'est pas pour des mesures de cet ordre, même si cette question-là est très importante, imaginez-vous ce que cela peut être pour des choses d'une plus large envergure.
Des gens sont obligés d'emprunter de l'argent sur leur salaire et font face à des gens qui leur imposent des taux qui n'ont pas de bon sens. Il est certain qu'il faut un encadrement en cette matière.
Sur ce sujet, je serais d'accord avec mon collègue libéral de l'Île-du-Prince-Édouard qui est intervenu avant moi. Il faut aussi regarder cela au niveau de l'ensemble des implications et des gestes qui doivent être posés. Ce n'est pas vrai qu'on va régler cette question tout simplement en tapant sur les doigts des gens qui n'agissent pas correctement. Il faut mettre en place une partie coercitive, mais il y a aussi toute la question de l'environnement dans lequel les gens travaillent, de même que ce qu'on exige des institutions bancaires.
Mon collègue du NPD disait que ce sont les banques qui n'ont pas fait leur travail. Je pense en effet que, quelque part, c'est vrai. Au Québec, nous avons le Mouvement Desjardins. Ces dernières années, il est beaucoup influencé par la question de la rentabilité, mais il a quand même développé une pratique au niveau de l'aide aux gens qui sont un peu plus mal pris. Il a permis d'éviter le développement d'une industrie qui aurait été malsaine.
Dans ma circonscription, les caisses populaires ont un comité particulier qui s'occupe de régler des questions comme celles-là lorsqu'il y a une urgence. Cela a permis un traitement plus humain de ces réalités. C'est ce qui devra, de toute façon, être mis en place par les provinces qui vont avoir à développer une législation. Avec le projet de loi devant nous, elles devront aller chercher la bénédiction du gouvernement fédéral lors du dépôt de cette législation. Peut-être que cela ne dérange pas les autres provinces et qu'elles sont d'accord avec cette façon de faire.
On aurait dû respecter les vitesses de croisière différentes à l'intérieur du Canada. Si on avait voulu respecter les champs de compétence en cette matière, on aurait retrouvé dans ce projet de loi un amendement qui aurait fait qu'on aurait pu l'adopter dans la même journée. J'avais transmis des amendements à tous les membres du comité. Leur adoption aurait indiqué un changement d'attitude du gouvernement qui aurait permis que le Québec soit reconnu pour l'expertise qu'il a développée dans le secteur, ce qui n'est pas le cas présentement. En même temps, la législation aurait été adoptée plus rapidement pour que la situation puisse être régie correctement dans toutes les provinces du Canada.
Donc, devant l'ensemble de ces constats, je crois que vous comprendrez que le Bloc québécois sera incapable de voter en faveur de ce projet de loi, dans sa forme actuelle, car il ne respecte pas les compétences du Québec. Il est encore temps pour le gouvernement fédéral de modifier le projet de loi. On pourrait facilement en arriver à un compromis. Je demande au gouvernement de vérifier sa source d'information au gouvernement du Québec car il a la même position que le Bloc québécois sur ce sujet. La loi serait beaucoup plus acceptable si elle était modifiée pour tenir compte de l'expertise du Québec et respecter ses champs de compétence. En conséquence, nous aurions la chance d'adopter un projet de loi fonctionnel et opérationnel le plus tôt possible, mais respectueux aussi des compétences des provinces, respectueux de celles du Québec en cette matière et surtout de l'expertise que nous avons développée.
En effet, aujourd'hui, après une visite éclair dans tout le Canada, on constatera qu'il existe une province où les prêts sur salaire ne posent aucun problème, soit le Québec. Les autres provinces ont un problème aigu. On l'a vu en raison de l'appétit des députés à adopter ce projet de loi, quitte à empiéter sur le domaine de compétence du Québec en comité.
Aujourd'hui, le débat en cette Chambre vise à bien démontrer cette situation à l'opinion publique. D'une manière, le Québec est traité comme un enfant en ce qui a trait à cette pratique. Le Québec possède l'expertise, la compétence et le champ d'application, mais le fédéral lui impose et lui dicte la façon de gérer cette question des prêts sur salaire.
J'espère que nous serons bien entendus en cette Chambre. Je serai disponible pour répondre aux questions et commentaires qui suivront et qui pourront être soulevées par mes collègues qui ne siègent pas au comité et qui souhaiteraient pouvoir intervenir.