Y a-t-il d'autres candidatures pour ce poste? Sinon, je vais déclarer M. Patry élu par acclamation à la vice-présidence.
Des voix: Bravo.
Le président: Il a de la chance d'être absent. Autrement, il nous aurait servi un de ses discours électoraux, et nous aurions peut-être changé d'idée.
Il a beaucoup d'expérience, ayant été président de notre comité pendant de nombreuses années et également vice-président. Nous l'accueillerons chaleureusement.
Aujourd'hui, nous avons une séance d'information sur la réaction violence récente du régime birman. Ensuite, nous entendrons les représentants d'Oxfam dans le cadre de notre étude sur la mission canadienne en Afghanistan.
Pendant la première heure, nous entendrons Mme Estelle Dricot, professionnel de recherche pour le programme Paix et sécurité internationales de l'Institut québécois des hautes études internationales. Nous entendrons également Mme Lévesque, agent générale pour l'Asie de l'organisme Droits et démocratie, de même que M. Htoo, directeur exécutif des Amis canadiens de la Birmanie.
Bienvenue à tous. Certains d'enter vous ont déjà comparu devant notre comité. D'autres visages nous sont inconnus, et nous sommes très heureux de vous accueillir. Nous avons hâte d'entendre vos déclarations, puis nous passerons aux questions des députés.
Monsieur Htoo, voulez-vous prendre la parole en premier?
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, et observateurs.
Je suis très heureux de pouvoir vous faire part de ce qui s'est passé en Birmanie et aussi de la réaction du gouvernement canadien. Nous avons tous vu ce qui s'est passé en Birmanie l'année dernière, en septembre, et les brutalités de la junte militaire. Nous gardons un vif souvenir de ces images qui rappellent à la communauté internationale qu'il faut appuyer les gens qui se battent pour la démocratie en Birmanie.
Je pense que le Canada a réagi assez énergiquement aux dernières mesures de répression prises par le régime en septembre. On pourrait même dire que de toutes les nations, c'est le Canada qui a réagi le plus vigoureusement en adoptant un train de mesures en novembre dernier. Non seulement le Canada a-t-il imposé les sanctions économiques les plus sévères à l'endroit de la junte militaire birmane, mais en plus, les députés de la Chambre ont adopté à l'unanimité la motion présentée par le premier ministre Stephen Harper conférant le titre de citoyenne d'honneur du Canada à la dirigeante du mouvement démocratique Aung San Suu Kyi.
Le soutien des citoyens canadiens a également été tout à fait remarquable pendant le soulèvement de l'année dernière en Birmanie. Dans plus d'une douzaine de villes du pays, des milliers de Canadiens sont descendus dans les rues pour témoigner leur appui aux manifestations pacifiques dirigées par des moines birmans. Même au Yukon, 150 personnes sont sorties pour manifester malgré un froid sibérien et, à Toronto, plus de 3 000 personnes se sont rassemblées pour protester contre la répression en Birmanie, ce qui en fait le deuxième rassemblement en importance dans le monde, après celui de Londres.
En tant que représentant d'une organisation qui lutte pour la démocratie et les droits de la personne en Birmanie, je suis ravi de cet appui extraordinaire et généralisé de la part du Canada, de ses citoyens, de son gouvernement et de son Parlement. Je suis très fier de voir le Canada défendre les valeurs qui lui sont les plus chères, c'est-à-dire la liberté, la démocratie et les droits de la personne, valeurs que le régime répressif de la Birmanie refusent à 56 millions de personnes.
Tout en exprimant ma profonde reconnaissance au gouvernement canadien pour ce qu'il a fait, surtout depuis septembre dernier, je lui demande de prendre d'autres mesures susceptibles de produire des effets en vue d'améliorer la situation. Premièrement, je l'inviterais à mettre sur pied un groupe veillant à l'application des mesures imposées l'année dernière. Bien entendu, plusieurs de ces mesures ont déjà force de loi, mais nous nous demandons qui les impose et qui veille à leur application. Voilà pourquoi nous prions instamment le gouvernement de mettre sur pied un tel comité.
Je pense entre autres à la liste de personnes devant être visées par ces mesures du Canada; le gouvernement a bien dressé cette liste, mais elle n'inclut que 40 personnes. D'autres noms devraient aussi y figurer. La liste dressée par le gouvernement australien, par exemple, comporte plus de 400 noms. Il faudrait donc voir si on peut accroître le nombre de personnes ayant des liens avec la junte militaire. Voilà une chose que nous préconisons. On pourrait probablement allonger la liste et la comparer au nombre de prisonniers politiques en Birmanie. À l'heure actuelle, il y en a 1 800 qui sont toujours en prison.
C'est une mesure que je préconise vivement. Par ailleurs, toujours au sujet de cette première recommandation, nous devons nous pencher sur certains investissements actuels du Canada. Par exemple, la compagnie minière Ivanhoe, même si elle a vendu 50 p. 100 de sa part d'actifs, touche encore des bénéfices de ses activités en Birmanie et tant qu'une autre entreprise n'achètera pas ses actifs, elle aura le droit de toucher des bénéfices de ses activités en Birmanie.
Notre deuxième recommandation est d'accroître l'aide humanitaire pour les 150 000 réfugiés et le demi-million de personnes déplacées à l'intérieur du pays.
Il y a deux semaines, je me trouvais à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. J'ai visité les camps de réfugiés les plus surpeuplés à cet endroit, où plus de 40 000 personnes s'entassent. On m'a dit que 5 000 d'entre elles ne recevaient pas de rations alimentaires. Les besoins sont criants et les conditions de vie sont absolument épouvantables. Voilà pourquoi j'exhorte le gouvernement à accroître son aide humanitaire à ces gens dans le besoin.
Permettez-moi une autre comparaison. À l'époque du régime socialiste, et avant le soulèvement démocratique de 1988, le Canada accordait une aide colossale à la Birmanie. Le montant de cette aide humanitaire atteignait les 20 millions et parfois même les 50 millions, alors qu'à l'heure actuelle, le gouvernement ne donne que 2 millions de dollars à ces gens. Voilà pourquoi je vous prie d'augmenter l'aide humanitaire destinée à ces personnes.
Ma troisième recommandation est de créer un fonds pour aider les organisations de la société civile tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Birmanie, car nous devons appuyer le mouvement prodémocratie et renforcer les organismes de la société civile qui travaillent en Birmanie. Sans eux, le mouvement en faveur de la démocratie en Birmanie ne pourra se poursuivre.
Quand j'étais à Chiang Mai, Mae Sot en Thaïlande, j'ai rencontré des membres d'organisations démocratiques qui demandaient que le gouvernement canadien agisse dans ce sens.
Ma quatrième recommandation a trait à la désignation d'un haut fonctionnaire canadien en tant que représentant spécial pour la Birmanie. Je crois que c'est nécessaire pour qu'on puisse discuter de politiques et de mesures gouvernementales. Cette personne pourrait être chargée de rencontrer ses homologues dans d'autres gouvernements, par exemple en Europe, aux États-Unis, en Asie, en Chine et en Inde. Je recommande vivement au gouvernement de songer à nommer un représentant spécial pour la Birmanie.
En terminant, j'aimerais remercier le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de m'avoir invité à cette réunion. J'espère que les membres du comité voudront bien étudier les recommandations que je viens d'énoncer.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Je vais faire ma présentation en français.
Suite aux événements de septembre 2007 et à la répression violente des manifestations pacifiques en Birmanie, l'ONU a essayé activement de trouver une solution. On a essayé d'adopter des résolutions, qui sont difficilement applicables pour le moment, y compris des résolutions prises par le Conseil de sécurité. Il y a eu aussi diverses actions nationales, des sanctions ont été adoptées, comme les sanctions imposées par le Canada qui ont été largement acceptées et qui comptent parmi les plus sévères, au niveau international. J'ai participé à la conférence qui a eu lieu il y a deux semaines, où se trouvaient des experts de la Birmanie. Il en est ressorti que ces sanctions économiques étaient nécessaires et bien accueillies, mais qu'il fallait de plus en plus penser à cibler ces sanctions. Il faut qu'on envisage de cibler directement certains individus ou certaines familles des militaires parce que, pour le moment, la population birmane souffre beaucoup trop. Elle vit ces sanctions depuis 20 ans et beaucoup pensent qu'elle ne pourra plus les supporter. Il est vrai que c'est une bonne façon d'exercer de la pression sur le gouvernement en place, mais il faut envisager d'imposer des sanctions ciblées.
De plus, il en est aussi ressorti qu'il fallait, de façon parallèle, augmenter l'aide humanitaire et l'aide à toute réforme pour une transition démocratique. J'en arrive à ce sur quoi je veux vraiment mettre l'accent, l'éducation. La plupart des Birmans qui sont partis à la suite de la révolution de 1988 sont aujourd'hui en exil ou en prison dans le pays. La classe intellectuelle qui vit en Birmanie diminue et est quasiment éliminée. Celle qui vit en exil peine à se faire entendre, elle manque de fonds ou disons qu'elle manque d'appuis. Elle se fait un peu entendre, mais elle manque d'appuis de la part des gouvernements de la communauté internationale. Par conséquent, s'il y a une chose que l'on doit envisager de faire, c'est augmenter cette aide à la fois sur le plan financier et sur le plan technique.
Je dis souvent qu'il y a une manière musclée de réagir à ce qui se passe en Birmanie, c'est-à-dire les résolutions ou les sanctions. Il y a aussi une manière plus subtile, c'est-à-dire le dialogue. Malheureusement, le dialogue pose problème. On n'arrive pas à établir un dialogue avec le gouvernement en place. Il est impossible pour le moment de réunir autour d'une table les gens du gouvernement et ceux qui représentent le parti démocratique ou les groupes ethniques.
J'aimerais d'ailleurs faire une petite remarque à titre personnel. On devrait de plus en plus, ici au Canada, cesser d'utiliser les termes « opposants » ou « dissidents » et parler de ceux qui représentent le parti démocratique qui a été démocratiquement élu en 1989. Cela démontrerait un appui clair du Canada aux Birmans qui combattent pour la démocratie. Il faut arrêter de les considérer comme des dissidents.
Parmi ces manières subtiles de réagir, il y a le dialogue et les rencontres officielles. Nous nous entendons tous sur le fait qu'il faut augmenter la représentation officielle de la communauté internationale en Birmanie, et même que quelqu'un du Canada aille là-bas et essaie de rencontrer la junte, le parti au pouvoir.
Le Canada et la communauté internationale doivent créer ensemble un fonds de transition pour renforcer l'éducation.
Il y a un potentiel assez grand à exploiter dans la population birmane en exil partout dans le monde, mais qui est aussi très présente le long des frontières internationales et même à l'intérieur du pays. Je sais très bien que ce sera plus difficile, mais il y a là un potentiel à exploiter. Cette société civile doit être prête à prendre en main le pays quand ce sera le temps. Il est vrai qu'il faut des sanctions et des résolutions, mais il faut préparer la société civile à prendre le pays en main. On en parle, mais trop peu. Il y a toujours eu de l'aide, je veux que ce soit clair, mais elle n'est pas suffisante. Il faut augmenter cette aide sous forme de bourses, par exemple. Il faut faciliter l'accueil de certains étudiants dans des universités thaïes, australiennes et possiblement canadiennes, comme le Canada l'a fait à l'époque pour l'Afrique du Sud. Il y a aussi moyen d'aider cette société civile en soutenant les médias. Il faut aussi reconnaître diverses associations.
Il faut aider tous les secteurs de la population sur le plan de l'éducation. Il faut atteindre la société intellectuelle, les jeunes, les femmes et les minorités ethniques, et aider ces gens de manière qu'ils puissent se structurer. En ce moment, un manque d'éducation a été forcé, et ces gens ne sont plus aptes à se défendre ou à s'organiser. Il est vrai que le régime de terreur fait que les gens ont peur et réagissent moins, mais le manque d'éducation est un facteur très important qu'il faut considérer. À mon avis, le Canada pourrait se concentrer de façon spécifique sur ce facteur, en plus de fournir de l'aide humanitaire.
En résumé, lorsqu'on parle d'éducation, il y a des lignes programmatiques: apprendre aux différents groupes à mieux comprendre leurs différences pour mieux travailler ensemble; renforcer leur capacité de négociation, car, on le sait, les solutions durables n'émergent pas par de purs affrontements mais plutôt par des approches négociées; améliorer les capacités de gestion et de direction des groupes de population qui souffrent.
Si on atteint cela, on arrive à comprendre tous les segments de la population. Je pense que l'on vient de voir une solution à long terme.
Lorsqu'on parle d'éducation, il ne faut pas oublier les écoles monastiques, qui sont les seules pour le moment en Birmanie à recevoir la population civile. Les universités y ont été fermées, et elles sont seulement ouvertes pour les enfants des familles militaires. Mais ça fait 20 ans que la population là-bas n'a plus d'université.
Je souhaiterais voir un appui clair et important dans cette aide. Je sais que lorsqu'on s'engage là-dedans, on s'engage dans un long parcours qui demande des fonds importants. Lorsqu'on s'engage dans cette voie, on ne peut s'attendre à des solutions à court terme, mais il faut considérer cela parallèlement à tout ce qui a été entrepris par le gouvernement du Canada jusqu'à maintenant.
Sur ce, je vous remercie.
Bonjour à tous. Je me sens un peu chez moi, ici. En effet, Droits et Démocratie définit la démocratie comme étant la participation de la société civile au monde politique. Je crois que pour les citoyens canadiens, c'est au sein des comités que les choses se passent. Je dois vraiment remercier ce comité et le Sous-comité des droits de la personne. Sans votre aide, je ne crois pas que la motion sur la Birmanie aurait pu être adoptée par le Parlement canadien en mai 2005. Il s'agit vraiment d'un travail de collaboration entre les membres de la société civile partout au Canada et les parlementaires de tous les partis politiques. Merci beaucoup. L'organisme Amis canadiens de la Birmanie est présent aujourd'hui. Cette motion a beaucoup encouragé les parlementaires à s'impliquer davantage dans ce dossier.
Comme vous le savez, Droits et Démocratie a été créé par le Parlement canadien. C'est bizarre, mais la Birmanie et notre institution ont une histoire commune. La loi a été adoptée en 1988. Si vous vous souvenez, c'était l'année de ce qu'on a appelé en anglais la 8.8.88 uprising, soit la révolution du 8 août 1988. La population est descendue dans la rue pour réclamer des élections, et les militaires ont répondu très violemment. Au Canada, la loi a été adoptée en 1988, et en 1990, nous avons ouvert notre bureau à Montréal. En 1990, des élections démocratiques ont eu lieu en Birmanie. Notre mandat consistait à faire la promotion de la Charte internationale des droits de l'homme ainsi que de la démocratie. C'était nos débuts. Nous avions un budget mais pas encore de programmation. Il nous a donc été très facile de commencer à nous impliquer en Birmanie.
Les élections ont eu lieu en mai 1990, et la réaction des militaires a été d'arrêter les députés. Si vous étiez en Birmanie, messieurs et mesdames les députés, on vous considérerait comme des criminels. On a commencé à arrêter les députés et interdit au parlement de se réunir. Les députés ont tenu une réunion secrète et ont décidé que quelques-uns d'entre eux devaient quitter le pays. En 1988, le pays était complètement fermé; personne ne connaissait la Birmanie. En 1990, Aung San Suu Kyi n'avait pas encore gagné le prix Nobel de la paix. Huit députés allaient donc quitter le pays pour former le gouvernement en exil. En 1990, Droits et Démocratie a été la première institution au monde à appuyer ce gouvernement en exil. Aujourd'hui, plusieurs gouvernements le font, mais à l'époque, nous étions les seuls. C'est au Parlement canadien que nous devons la création de notre institution, grâce à laquelle nous avons pu fournir cet appui.
Pour ce qui est de la façon de régler le problème de la Birmanie, c'est très clair: tout le monde sait que la réponse réside dans le dialogue tripartite. Les Nations Unies ont émis 28 résolutions demandant qu'un dialogue tripartite soit entamé, c'est-à-dire entre le régime militaire, la Ligue Nationale pour la Démocratie, qui a obtenu plus de 82 p. 100 des sièges, et les représentants des groupes ethniques. Le problème vient du fait que les militaires ne veulent pas négocier. À maintes reprises, Aung San Suu Kyi, la Ligue Nationale pour la Démocratie et les groupes ethniques ont demandé — et ils continuent de le faire — aux diverses formes de régime militaire de s'asseoir à la table de négociation. Or, les militaires n'ont aucune raison d'accepter de négocier: ils ont tout. C'est pourquoi nous croyons qu'avec ces sanctions, les militaires vont finir par négocier, et ce, quand ils vont réaliser qu'ils sont en train de perdre le pouvoir, que ça ne peut plus continuer. Alors, ils vont s'asseoir à la table.
Nous croyons que la politique de la junte militaire a toujours été de gagner du temps, de dire à la communauté internationale de ne pas s'inquiéter, que des négociations auraient lieu, mais qu'il fallait d'abord faire une telle chose, puis une telle autre, et ainsi de suite. En fait, ces gens ne sont pas intéressés à dialoguer, et ils vont le faire uniquement s'ils n'ont plus le choix. Pour cette raison, nous croyons que les sanctions canadiennes seraient une façon d'appuyer le dialogue tripartite en Birmanie.
J'aimerais revenir sur la motion que le Parlement canadien a adoptée en 2005, donc que vous avez adoptée également. On y dit que le comité est d'avis que le gouvernement doit :
c) démontrer concrètement son soutien politique aux autorités légitimes de la Birmanie, notamment au gouvernement en exil (National Coalition Government for the Union of Burma) et au Comité représentant le Parlement du Peuple;
J'aimerais prendre quelques minutes pour expliquer le mandat du gouvernement en exil et du CRPP parce que ce n'est pas clair pour tout le monde, je crois.
Comme je vous l'ai dit déjà, le gouvernement en exil a été créé en 1990. Il s'agissait de huit députés qui avaient quitté la Birmanie et dont le mandat était très clair: dès que la Birmanie deviendrait un pays démocratique et que les parlementaires pourraient reprendre leurs sièges au Parlement, le gouvernement en exil serait dissous. À l'époque, ils étaient huit députés en exil, mais ils sont aujourd'hui environ 34. Ils forment ce qu'on appelle la Members of Parliament Union. La responsabilité d'élire le gouvernement en exil leur incombe une fois tous les quatre ans. Le gouvernement en exil est vraiment constitué de représentants d'Aung San Suu Kyi, soit du Parlement élu en 1990. Ces gens ont été élus par la population birmane, ce qui n'est pas le cas du gouvernement en exil du Tibet, par exemple, qui a été élu par la diaspora, donc par les Tibétains en exil.
Le Comité représentant le Parlement du Peuple, ou CRPP, a été créé en 1998 et est constitué de 10 membres. Les militaires refusent constamment de dire qu'ils ne veulent pas négocier. Pour sa part, le Comité représentant le Parlement du Peuple a mis sur pied 10 comités qui forment une sorte de petit Parlement. En effet, ces 10 comités étudient déjà les lois, les décrets, la constitution, bref des choses qu'ils voudront améliorer lorsque la démocratie prévaudra au pays. Naturellement, les membres du Comité représentant le Parlement du Peuple ont beaucoup souffert. Certains ont déjà été emprisonnés, notamment. Ils ont demandé l'appui de parlementaires partout dans le monde, et plusieurs parlements ont adopté des motions reconnaissant l'importance du travail du CRPP. Le gouvernement en exil et le CRPP sont tous deux issus des élections de 1990.
À ce jour, le gouvernement canadien n'a jamais appuyé le gouvernement en exil ou le CRPP. Je travaille à Droits et Démocratie depuis 13 ans, et pendant toutes ces années, le représentant d'Aung San Suu Kyi, soit le premier ministre Sein Win du gouvernement en exil — c'est son cousin —, n'a jamais pu lors de ses visites au Canada, rencontrer le ministre des Affaires étrangères. Le père du premier ministre Sein Win est le frère du général Aung San, qui est le père d'Aung San Suu Kyi, qui a mené le pays à l'indépendance. Les deux ont été tués en même temps.
La société civile est majoritairement favorable aux motions. En effet, on croit sincèrement que ça va affaiblir le régime militaire. D'un côté, il faut affaiblir le régime militaire et de l'autre, il faut appuyer les forces démocratiques, les forces légitimes, la société civile. Le problème au Canada est avant tout, comme le disait plus tôt Tin Maung Htoo, l'absence de fonds alloués à la Birmanie. Les autres pays ont arrêté l'aide publique au développement en 1988, ce qui est bien, mais ils ont alloué cet argent au gouvernement en exil ou à l'aide humanitaire. De notre côté, nous devons constamment cogner à une porte ou à une autre, que ce soit pour essayer d'offrir de l'aide humanitaire, de l'éducation, des bourses, etc. Nous savons que les fonctionnaires sont sensibles à la situation. Ils essaient de voir comment procéder, selon leurs fonds et leurs règlements, mais entre-temps la Birmanie ne va nulle part. Il est très rare, en effet, qu'un régime militaire permette des élections démocratiques. Il nous est très difficile d'appuyer nos partenaires sur le terrain et de faire ce qu'on aimerait accomplir.
Je tiens à dire que j'appuie mes deux collègues. Je pense que l'éducation est d'une importance cruciale. Je crois me souvenir que pendant le régime de l'apartheid en Afrique du Sud, le Canada avait un fonds destiné à l'éducation. Il serait probablement beaucoup plus facile de gérer ce fonds à partir de la frontière. Qu'il s'agisse d'aide humanitaire ou du gouvernement en exil, il est important de renforcer ces institutions.
Merci.
Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui.
Comme vous le savez, je suis le président des amis parlementaires de la Birmanie. Nous avons environ 40 membres de tous les partis de la Chambre et du Sénat. Je sais à quel point la situation est grave parce que je reviens tout juste de Birmanie. Un des dirigeants que j'ai rencontrés pendant que j'y étais a été assassiné quelques semaines plus tard dans la salle même où nous nous étions entretenus.
Ma première question s'adresse à Micheline et à Tin. Êtes-vous d'accord avec les mesures que nous prenons? Vous avez dit que le gouvernement du Canada avait pris d'excellentes mesures — aussi bien en matière d'aide humanitaire que de sanctions —, mais nous voulons maintenant demander au gouvernement de prendre d'autres mesures et j'aimerais savoir si vous êtes d'accord.
Ainsi, nous avons récemment tenu une conférence de presse pour demander que les prisonniers politiques soient libérés et que cela soit surveillé par un organisme indépendant. Nous envisageons également de dénoncer le référendum bidon et les élections qui commenceront en mai, ce sur quoi les moines Zaw d'Ontario et nous travaillons en ce moment; nous songeons également à faire pression, en coulisse, sur la Chine, l'Inde et, bien entendu, la Thaïlande pour les inciter à prendre certaines mesures, puisque ce sont eux qui entretiennent le plus de relations économiques avec la Birmanie. Nous pourrions aider l'Union fédérale parlementaire de la Birmanie en exil à élaborer sa constitution, ce qu'on m'a demandé quand j'ai visité le pays, ce qui ne coûterait pas très cher. Et enfin, nous pourrions appuyer leur demande d'une présence politique de l'ONU à Rangoon.
Évidemment, nous espérons comme vous une augmentation de l'aide internationale. Le Canada donne des centaines de millions de dollars pour le Darfour, la Palestine et l'Afghanistan, mais seulement 2 millions de dollars par année à la Birmanie. Le prix du riz a doublé depuis le dépôt du budget. Il faut absolument accroître l'aide, car les gens meurent littéralement de faim.
Nous pourrions aussi faire des recommandations relatives aux conditions de travail horribles qui ont cours en Birmanie et intervenir aussi dans le dossier des immenses barrages et pipelines qui pourraient être financés par la Chine ou la Thaïlande. La réalisation de ces projets procurerait beaucoup d'argent à la dictature.
Et enfin, nous pourrions faire pression auprès des pays de l'ANASE pour qu'ils portent secours à la Birmanie, qui est membre de cette organisation.
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Merci de vos questions, monsieur Bagnell. Vous en avez posé beaucoup. Je peux probablement répondre entre autres à celle qui porte sur les prisonniers politiques.
D'après nos renseignements, il y aurait plus de 1 800 prisonniers politiques et quelque 700 personnes ont été arrêtées lors du soulèvement de septembre. Certaines meurent en prison par suite de tortures ou d'autres formes de brutalité et surtout pendant l'interrogation. Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme, M. Pinheiro, a signalé que plus de 80 personnes ont été tuées pendant le dernier soulèvement, même si le gouvernement n'a confirmé qu'un peu plus de 30 décès.
J'ai récemment appris qu'environ 1 000 moines manquent toujours à l'appel en Birmanie. Un de leurs dirigeants qui a assisté à la conférence québécoise sur la Birmanie, qui a eu lieu à Québec, a dit que 1 000 moines sont encore portés disparus en Birmanie.
La question des prisonniers politiques est très importante. Il y a deux semaines, une organisation basée en Thaïlande a lancé une campagne pour faire libérer les prisonniers politiques en Birmanie. Ils veulent recueillir plus de 800 000 signatures dans le monde pour demander la libération de tous ces prisonniers politiques.
Le référendum est une autre question fort importante...
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Le peuple de Birmanie souffre de la dictature militaire. Souvent, les sanctions s'appliquent aux nouveaux investissements et non pas aux anciens. Pensez à Total Elf Fina, notamment, pensez à toutes ces entreprises étrangères qui sont toujours en Birmanie. Il n'y a pas d'entreprise entièrement indépendante du régime militaire en Birmanie. La plupart des investissements étrangers sont faits sous forme de coentreprises avec le régime militaire.
J'ai parlé à des Birmans qui me disaient que les sanctions avaient du bon parce qu'au moins, cela faisait en sorte qu'ils avaient de la nourriture. On m'a expliqué que depuis qu'il y a des sanctions sur les importations et exportations, ils peuvent acheter du poisson et des crevettes. Auparavant, le régime militaire exportait tout. Au moins maintenant ça coûte moins cher et ils sont en mesure de manger du poisson.
Si j'ai bien compris ce qu'Estelle voulait dire lorsqu'elle parlait de sanctions ciblées, c'était pour des individus. Cela ne voulait pas dire de continuer à imposer des sanctions comme celles qui ont été approuvées par le gouvernement canadien. C'est très bien, on trouve même que ça devrait aller plus loin.
D'autre part, le secteur manufacturier est très limité en Birmanie. La population se trouve surtout à la campagne. Le régime militaire critique les sanctions, ce qui est, selon moi, la meilleure preuve que cela les touche directement. Pensez-vous qu'ils défendraient la population alors qu'ils tuent les moines dans la rue?
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En ce qui a trait à la possibilité qu'il y ait des militaires plus flexibles, pensons à Khin Nyunt qui était, à l'époque, vu et perçu comme étant plus démocrate. Il est maintenant sous résidence surveillée, lui aussi. Je crois que même les militaires sont malheureux. Beaucoup de militaires sont pris dans le système et on sait que plusieurs d'entre eux changeraient de côté s'ils étaient déterminés et s'ils savaient que les forces démocratiques allaient gagner. En 1988, certains militaires ont laissé les armes et se sont joints aux manifestants. Vous savez ce qui est arrivé après. C'est la torture, c'est peut-être même pire. Quand on est militaire et qu'on a joint les forces démocratiques, on est un traître.
Des choses se sont passées dernièrement, dont le déménagement de la capitale. Le régime militaire a décidé de déménager la capitale dans la forêt, à Pyinmana. On sait que les militaires hauts placés en sont très mécontents, car leurs familles se trouvent à Rangoon. Ils doivent voyager, c'est compliqué, ils sont très mécontents. Les membres de l'armée ne sont pas contents de tirer sur les moines, ce sont des bouddhistes, eux aussi. Ils n'aiment pas ça.
Il y a eu des manifestations parce que les militaires ont décidé, du jour au lendemain, d'augmenter le prix du carburant, du pétrole, de l'essence et de l'huile. Le prix a doublé, triplé, quadruplé du jour au lendemain. Ils ont fait ça parce qu'ils ont de la difficulté. La fille du général Than Shwe s'est mariée; je ne sais pas si vous avez vu les images, mais il y avait des diamants. Le train de vie des militaires est très élevé. Il est difficile pour eux de le maintenir pour tous les hauts placés.
Les gens en Birmanie croient que la révolution n'est pas terminée, que les gens vont retourner dans la rue et que cette fois, les militaires vont se joindre à leur effort. C'est leur espoir. Même les militaires sont malheureux, et le jour où ils vont croire qu'ils sont capables de se joindre aux forces démocratiques, ils vont le faire.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités d'être des nôtres aujourd'hui et pour le travail que vous avez fait dans ce dossier.
Je suis d'accord avec vous sur le rôle capital que joue la société civile en nous informant de ce qui se passe en Birmanie, parce qu'il était très difficile de savoir ce qui s'est passé après la répression. Juste avant la répression de septembre, nous avons même tenu une réunion ici à Ottawa sur ce qui risquait de se passer en Birmanie.
Je suis content que vous ayez parlé de la motion qui a été adoptée en 2005 par le Parlement de l'époque. Nous voulions entre autres appuyer le mouvement prodémocratie. J'ai parlé à des gens qui ont assisté aux réunions à Ottawa. À leur avis, le Canada était bien placé pour héberger et financer le mouvement des partisans de la démocratie. Je tenais à le répéter pour que les gens sachent que le Canada peut le faire. Nous pouvons accueillir les différents groupes, les ramener ici au Canada et leur fournir des locaux.
Je pense que tout le monde sait qu'il y a un problème en Birmanie, mais nous espérons que la démocratie sera rétablie un jour et que les personnes élues pourront reprendre la place qui leur revient de droit.
J'aimerais parler un peu de la Loi sur les mesures économiques spéciales que nous avons tous exhorté le gouvernement du Canada à adopter, ce qu'il a fait. Les fonctionnaires qui ont comparu devant le comité n'ont pas été en mesure de nous dire combien de compagnies étaient touchées par cette loi. Ils nous ont dit — et je ne leur en jette pas le blâme, c'est simplement que les choses fonctionnent ainsi — qu'elle n'allait s'appliquer qu'aux investissements futurs et que les investissements déjà existants ne seraient pas touchés.
Pouvez-vous dire au comité ce que vous savez des investissements canadiens qui existent à l'heure actuelle? J'aimerais vraiment en savoir davantage au sujet du Régime de pensions du Canada et si vous êtes au courant que le Canada a des investissements qui se font par le biais du Régime de pensions du Canada, parce que cela touche les Canadiens ordinaires et que la plupart des Canadiens seraient choqués d'apprendre qu'ils continuent d'investir en Birmanie par le biais de leur régime de pension.
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Il y a certaines entreprises canadiennes qui continuent leurs activités en Birmanie — notamment la compagnie canadienne d'hélicoptères CHC. Cette compagnie fournit des services d'hélicoptère à Total et à Unocal, les deux entreprises chinoises qui fournissent toutes les compétences techniques et autres pour les gazoducs. À l'heure actuelle, on expédie le gaz naturel en Thaïlande. Dans le cadre de cette opération, la compagnie canadienne CHC, qui a son siège à Vancouver, fournit des services d'hélicoptère.
Il y a également, naturellement, Ivanhoe Mines. Bien que l'entreprise dise qu'elle s'est départie de ses actifs depuis le début de l'année dernière, nous croyons qu'elle touche toujours des profits de l'exploitation des mines, car elles sont toujours actives.
Il y a quelques autres petites entreprises. Par exemple, TransCanada, une entreprise de Calgary. Cette entreprise s'est montrée intéressée à offrir son expertise technique pour le transport du gaz naturel de la Birmanie en Inde, mais nous travaillons toujours sur ce dossier. Nous ne sommes pas certains si cette entreprise a une exploitation dans cette région ou si elle fait du travail technique.
Naturellement, le RPC est le plus gros problème. Selon une étude que nous avons effectuée, le RPC détiendrait pour plus de 1 milliard de dollars d'actions dans des entreprises qui ont un lien avec la Birmanie. J'ai apporté des documents à cet effet, mais comme ils n'étaient pas traduits, je n'ai pas pu vous les remettre.
Par exemple, le RPC détient des parts d'une valeur de 67 millions de dollars dans Ivanhoe Mines. Le RPC a par ailleurs des investissements de 152 millions de dollars dans TransCanada et de 17 millions de dollars dans la Canadian Helicopter Corporation, CHC. Il détient 263 millions de dollars dans Unocal, à l'heure actuelle sous le nom de Chevron — Chevron a acheté Unocal il y a un an, je crois — 254 millions de dollars dans Power Corporation et 304 millions de dollars dans Total, une société d'énergie française. J'ai lu aujourd'hui dans les journaux que les activités gazières de Total et de Chevron-Unocal avaient rapporté 2,7 milliards de dollars à la junte militaire l'an dernier.
En ce sens, l'investissement du conseil d'investissement du RPC n'est pas socialement responsable. Le gouvernement et le comité permanent devraient étudier ce que... Vous pouvez prendre un règlement. Nous savons que tout le monde cotise au RPC. Il y a 17 millions de Canadiens — de travailleurs, notamment des députés — qui versent une cotisation au RPC, mais d'une certaine façon, nous appuyons indirectement l'oppression, une répression en Birmanie, en versant nos cotisations.
Cette situation est tout à fait navrante. Je suggère fortement au comité d'examiner cette question.
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Je vais m'exprimer en anglais, si vous le permettez.
J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité. Je ne vais parler que quelques minutes, d'abord, sur le contexte de la situation en Afghanistan, puis j'aborderai brièvement trois questions — le développement rural, l'efficacité de l'aide et la consolidation de la paix à l'échelle locale.
Je crois qu'il est clair qu'il y a eu des progrès en Afghanistan en matière de développement, mais il faut reconnaître que ces progrès sont lents et qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir. Les niveaux actuels de développement en Afghanistan sont comparables à ceux de l'Afrique subsaharienne, et les progrès ont été compromis par l'insécurité accrue. L'année dernière, 8 000 décès étaient attribuables au conflit, ce qui est le double de l'année précédente. Les incidents violents étaient en hausse de 30 à 35 p. 100.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation? Eh bien, je crois que la communauté internationale n'avait pas bien compris l'étendue de la destruction causée par deux décennies de guerre. Avant les guerres, l'Afghanistan était l'un des pays les plus pauvres au monde. Depuis, la pauvreté est généralisée et extrême.
L'objectif après les interventions internationales de 2001 était d'offrir une aide discrète relativement limité comparativement à d'autres pays qui avaient vécu une période de conflit, et d'adopter une approche descendante pour la création d'institutions nationales, mais on a procédé de façon descendante. Ce n'est que récemment que les collectivités ont vu les résultats de l'intervention internationale dans l'ensemble du pays.
J'aimerais vous parler de la question clé du développement rural. Nous croyons qu'il s'agit de l'aspect prioritaire en Afghanistan aujourd'hui. Il est clair que la situation dans les collectivités rurales est encore très difficile comparativement à celle des régions urbaines, qui ont vu certains progrès. Dans une collectivité de 260 familles où je suis allé récemment, 45 enfants sont décédés au cours de l'hiver, de causes évitables; 12 femmes sont décédées pendant la grossesse ou à l'accouchement.
Que faire pour favoriser le développement rural? Il faut qu'il y ait une réforme de la gouvernance infranationale. Il faut bâtir l'État à l'échelle locale, parce que l'État a une présence très limitée, si présence il y a, à l'échelle locale. Il faut que davantage de ressources soient affectées aux collectivités, lesquelles peuvent ensuite mener le processus de développement, et nous pouvons bâtir la société civile à l'échelle locale également.
Permettez-moi de vous parler très brièvement de l'efficacité de l'aide. Pour ce qui est du volume, l'aide est insuffisante. Selon le gouvernement afghan, le pays devait recevoir 25 milliards de dollars d'aide, mais n'en a obtenu que 15. Lorsqu'on compare les dépenses militaires aux dépenses en développement, on constate que les forces armées américaines à elles seules dépensent plus de 100 millions de dollars par jour, tandis que les dépenses d'aide sont en moyenne d'environ 7 millions de dollars par jour. Une trop grande partie de l'aide est prescriptive et fondée sur l'approvisionnement. L'aide devrait plutôt être fondée sur les besoins et la demande. L'aide est centralisée dans les centres urbains et n'a pas été distribuée également. Enfin, nous croyons que c'est pour ces raisons que l'insécurité s'est généralisée. L'aide accordée à la création du gouvernement, surtout à l'échelle locale, a été insuffisante. Trop de bailleurs de fonds importants investissent une grande partie de leur aide autour du gouvernement, plutôt que de tenter de créer le gouvernement, surtout à l'échelle locale. Évidemment, il y a des problèmes de corruption, mais il y a des façons de les régler.
L'efficience est un autre problème important. Une bonne partie de l'argent consacré à l'aide est versé à de grands entrepreneurs et à des consultants. Nous reconnaissons que des entrepreneurs et des consultants sont nécessaires au processus de reconstruction, mais cela n'empêche pas une évaluation rigoureuse de ce qu'ils offrent comme valeur contre cet argent.
Finalement, pour ce qui est de la transparence et de la responsabilité, il n'y a pas assez de transparence. Si c'était le cas, nous pourrions clairement cerner les mauvaises pratiques et les corriger, et c'est pourquoi nous demandons une transparence complète — des indicateurs de l'efficacité de l'aide qui s'appliquent à tous les bailleurs de fonds et mesurent tous les aspects clés de l'aide, comme les répercussions, l'efficience, la pertinence, la durabilité, la responsabilité et l'utilisation des ressources afghanes. Il est également clair qu'il faut améliorer la coordination. Finalement, nous croyons qu'une commission devrait être mise sur pied pour mesurer l'efficacité de l'aide.
Passons maintenant à la dernière question clé, la consolidation de la paix à l'échelle locale. La plupart des mesures prises pour assurer la paix en Afghanistan ont été militaires, de haut niveau ou limitées à des cibles. Nous croyons que la paix ne peut pas être imposée de façon descendante. Il est essentiel de consolider la paix de façon ascendante.
L'insécurité en Afghanistan est souvent attribuable à des causes locales. En effet, l'Afghanistan est une société incroyablement locale, et très souvent, la sécurité du développement dépend du changement des circonstances à l'échelle locale. Nous croyons que la consolidation de la paix dans la communauté est une condition essentielle à l'établissement de la paix à l'échelle nationale, et là où cette approche a été adoptée en Afghanistan, on peut constater une différence importante dans les niveaux de la sécurité.
Cela met fin à ma courte présentation. Je crois qu'il serait peut-être plus productif pour nous de discuter des questions que vous voulez aborder.
J'ai lu votre long rapport, pas en entier, mais une bonne partie. J'ai deux questions.
Je crois que le développement rural est très important. Comme vous l'avez dit, il est surtout question ici des environs de Kaboul. Je suis allé en Allemagne, et j'ai discuté avec mes homologues allemands, et ils offrent leur aide de façon totalement différente. L'aide commence à l'échelle locale, en discutant avec les chefs tribaux. Ensuite, l'aide est accordée au gouvernement locaux, puis aux provinces. Ils obtiennent de bien meilleurs résultats que nous en ce moment. Les problèmes auxquels nous devons faire face actuellement à Kandahar sont attribuables à l'insécurité. La région dont s'occupent les Allemands est beaucoup plus sécuritaire, cette région est située dans le nord-est, près de Tajik.
À Kandahar, est-il actuellement possible de mettre sur pied une équipe provinciale de reconstruction? Compte tenu de la nouvelle motion adoptée à la Chambre des communes le 13 mars, nous sommes censés mettre fin à la mission de combat de notre armée en février 2009, mais nous devons mettre sur pied une équipe provinciale de reconstruction. Est-ce possible? Est-ce un objectif réalisable, soit d'apporter de l'aide dans la région de Kandahar après février 2009?
Je suis heureux d'entendre que certains bailleurs de fonds cherchent à promouvoir le développement de façon ascendante à partir de l'échelle locale. Je crois que cette approche est la bonne. Je dirais que l'ACDI fait du bon travail en Afghanistan. Évidemment, il y aurait des changements à apporter, mais en fait le rôle le plus important de l'ACDI est probablement celui d'influencer d'autres bailleurs de fonds.
Je crois que les EPR, les équipes provinciales de reconstruction, ont été mal utilisées. Le mandat des EPR est très clair, et c'est de créer un environnement stable et sécuritaire favorable au développement. Nous croyons que les EPR devraient respecter ce mandat autant que possible. Nous reconnaissons que, compte tenu qu'au cours des dernières années les EPR ont participé à des activités de développement en offrant de l'aide, il peut être nécessaire pour elles de continuer dans cette voie dans une certaine mesure. Mais nous croyons que la priorité urgente est de soutenir les processus de développement menés par les civils, et c'est pourquoi nous sommes heureux que les programmes de solidarité nationale à Kandahar aient obtenu du soutien. Et évidemment, si possible, du soutien devrait également être accordé à l'édification du gouvernement à l'échelle locale. C'est pourquoi les réformes de gouvernance infranationale sont également importantes, afin que les entités de l'État à ce niveau sachent ce qu'elles font.
Évidemment, les organismes de la société civile ont également un rôle à jouer, et il est important d'accroître leur contribution. Pour répondre à votre question, oui, je crois qu'il existe certainement de nouvelles façons de faire la promotion du développement à Kandahar. C'est toujours difficile, mais l'objectif ultime devrait être de tenter de favoriser et de renforcer les moyens civils de promouvoir le développement.
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Merci beaucoup de vos questions.
La consolidation de la paix tient compte de la nature de la société afghane. Je crois qu'il s'agit de l'une des sociétés les plus communales et tribales du monde, et la consolidation de la paix fonctionne à ce niveau. Elle fonctionne avec les familles et avec les collectivités.
Selon notre expérience, j'estime qu'il est clair que les organismes de consolidation de la paix ont un effet important, des répercussions importantes sur les collectivités avec lesquelles ils travaillent, et je crois qu'il est aussi important de reconnaître que parfois les frictions et les conflits qui existent au niveau local mènent à de plus gros conflits qui sont parfois exploités à leur avantage par ceux qui participent à ces conflits — groupes criminels et groupes militants —, mais évidemment il y a aussi des avantages, comme l'avancement de la paix dans ces collectivités.
Comme vous l'avez dit, et avec raison, nous demandons une stratégie nationale, parce que, même si une douzaine d'organismes participant au travail de consolidation de la paix ont approuvé notre rapport, leurs ressources sont limitées et ne touchent évidemment qu'un nombre limité de collectivités. Les gens qui travaillent au sein de ces organismes me demandent pourquoi cela n'a pas été fait il y a cinq ans, pourquoi il n'y a pas eu un plan détaillé en vue de travailler au niveau local. Ils comprennent la nature de la société afghane et à quel point il est important d'avoir la paix à ce niveau.
Nous demandons une stratégie nationale, et nous espérons et croyons que le gouvernement canadien pourrait donner un soutien important. Évidemment, il faut avoir un certain soutien financier; si l'ACDI contribuait, elle montrerait l'exemple et encouragerait d'autres bailleurs de fonds à en faire autant. Je crois que nous avons vraiment la possibilité d'avoir un programme très positif qui procurerait de réels avantages aux collectivités qui, dans certains cas, font face à des degrés d'insécurité et de violence élevés.
Voilà ce que je dirais sur le programme de consolidation de la paix.
Pour ce qui est de la transparence, certains bailleurs de fonds sont meilleurs que d'autres, mais ce que nous voulons voir, c'est une transparence globale. En fait, le Pacte de l'Afghanistan demande aux bailleurs de fonds d'être transparents en ce qui a trait à toute l'information sur l'aide offerte. Ceux-ci n'ont pas encore répondu aux attentes; nous croyons que la création d'une commission qui surveillerait cette aide pourrait encourager les bailleurs de fonds à respecter cette demande et à veiller à ce que cette information soit compilée, analysée et évaluée; ainsi, nous aurions des indicateurs sur les résultats des différents bailleurs de fonds. Si nous ne pouvons pas cerner clairement les mauvaises pratiques, nous ne pourrons pas les corriger.
Je crois qu'il est dans l'intérêt de tous de mettre sur pied une commission du genre pour évaluer ce qui ne va pas et comment nous pouvons améliorer la prestation de l'aide.
Monsieur Waldman, il est indiqué au début du résumé que les mesures actuelles pour faire la promotion de la paix en Afghanistan ne réussissent pas. Vous avez dit que les États-Unis investissent 100 millions de dollars par jour dans les forces armées et 7 millions de dollars par jour dans les efforts d'aide. Je vais me servir d'Haïti comme exemple, parce que j'espère que nous pourrons envisager un renversement en partie de la situation. Nous dépensions 100 millions de dollars par année à Haïti pour 500 soldats et tout le matériel militaire, mais il était absolument essentiel d'assurer la sécurité. Aujourd'hui, le premier ministre a visité le pays, et il est tellement sécuritaire qu'il peut visiter Cité Soleil dans des véhicules non blindés. Cent millions de dollars par année sont maintenant alloués à l'aide du pays, avec de bons résultats.
J'examine les résultats en Afghanistan, et malgré le déploiement militaire important, il y a 19 000 projets de développement communautaire et 530 conseils élus. Il y a vraiment de nombreux exemples, et 700 000 enfants vont à l'école y compris des millions de filles. On dirait que d'importants progrès ont été réalisés, même s'il faut reconnaître qu'il y a toujours plus à faire.
Si on regarde avec optimisme l'avenir, ne pensez-vous pas qu'une fois la région en sécurité, cet argent pourra être utilisé plus efficacement pour améliorer plus rapidement le gouvernement et la démocratie?
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Merci beaucoup, monsieur Waldman. Je vous invite à soumettre tout autre commentaire que vous pourriez avoir.
J'ai une petite anecdote à vous raconter. J'ai trois employés dans mes bureaux, un à Ottawa et deux dans ma circonscription. Ils m'ont tous appelé pour me demander si je voulais une copie imprimée du rapport d'Oxfam, et j'ai répondu oui. Pour une raison ou une autre, ils l'ont tous les trois imprimé et je crois que chaque exemplaire est assez volumineux. J'ai trois exemplaires du rapport, mais non je ne l'ai lu qu'une seule fois. Il est très détaillé, nous en sommes gré.
Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je sais que je vous ai interrompu, et je m'en excuse. Si vous avez quelque chose à ajouter, nous en tiendrons compte. Nous vous en saurions gré, et nous vous encourageons à le faire. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pour une minute. Nous allons passer aux travaux du comité. Nous avons un certain nombre de questions à examiner rapidement. M. Dewar aimerait présenter une motion sur Radarsat, et nous allons ensuite planifier quelques séances.
La séance est suspendue pour une minute.