:
Bonjour, chers collègues.
[Traduction]
Bienvenue à tous. Il s'agit de la 23e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, et c'est le jeudi 10 avril 2008. Aujourd'hui, dans le cadre de notre étude de la mission du Canada en Afghanistan, nous entendrons le chef d'état-major de la défense du Canada. Nous aurons ensuite une séance d'information sur la crise au Soudan et les investissements.
Vers la fin de la séance, nous aurons le temps de discuter des travaux du comité. Je rappelle à tous les députés que les délibérations sont télévisées. Il faut donc éteindre les téléphones portables, les BlackBerry et tous les appareils de communication pour ne pas perturber la séance. Cela s'adresse aux membres du comité et à l'auditoire, et je présume que la présidence doit faire comme tout le monde.
Pendant la première heure, nous poursuivrons l'étude de la mission du Canada en Afghanistan. Pour la troisième fois, je crois, nous accueillons, du ministère de la Défense nationale, le général Hillier, chef d'état-major.
Vous êtes le bienvenu. Lorsque le Comité des affaires étrangères et du développement international a amorcé son étude sur l'Afghanistan, vous avez été le premier témoin, et cette dernière séance mettra fin à l'audition des témoins. Les premiers seront les derniers et vice-versa. Vous êtes le premier et le dernier témoin.
Merci d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Nous avons hâte de vous entendre. Vous avez déjà comparu et vous savez qu'il y aura des questions par la suite.
Je rappelle à mes collègues que le général Hillier doit prendre un avion. Dès 16 h 30, il devra s'interrompre.
De nouveau, je vous souhaite la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire, général.
:
Monsieur le président, merci de cet accueil. Il est certain qu'on m'a déjà dit pire que cela, que j'étais le premier et le dernier. Merci de m'accueillir parmi vous.
[Français]
Bonjour, madame et messieurs. Merci beaucoup de l'invitation à me présenter ici aujourd'hui. Mais il faut vous dire que c'est difficile pour moi de réaliser où je peux rendre un service valable après avoir constaté une évolution de la mission du Canada en Afghanistan depuis le début de l'année. Comme vous le savez très bien, le rapport du groupe de travail indépendant sur la mission a été déposé en janvier et suivi d'un long débat. Par la suite, vous avez voté en faveur du prolongement de notre mission jusqu'en 2011. Cette décision de prolonger la mission établit un calendrier précis qui nous aidera certainement dans notre planification, chez les Forces canadiennes. Votre décision a été suivie par le Sommet de l'OTAN à Bucarest, la semaine passée, où les pays membres se sont engagés à déployer environ 1 000 autres militaires à Kandahar. Cette augmentation permettra certainement d'améliorer la sécurité dans cette province en empêchant les talibans de prendre toute initiative.
[Traduction]
Cela dit, je rentre aussi d'un voyage en Afghanistan, où j'ai passé cinq jours sur le terrain. J'ai pu discuter de la situation avec beaucoup d'acteurs clés et de dirigeants, des hommes et des femmes engagés sur le terrain, et je me suis beaucoup déplacé dans les environs de Kandahar. J'ai pu observer, si on peut dire, ce que nos gens appellent parfois le pays des Talibans et parler avec presque tous nos soldats, marins et aviateurs et presque tous les civils qui participent à la mission.
Permettez-moi de vous faire part de quatre points de vue sur ce que j'ai observé et de mon évaluation du progrès accompli avec le temps par les forces de sécurité nationales afghanes, du développement observable et des principales menaces qui pèsent sur nos troupes. Je terminerai par quelques mots sur les hommes et femmes de la mission.
D'abord, je suis l'une des rares personnes qui ont eu le grand honneur de participer à la mission très tôt. À cause de mes responsabilités, monsieur le président, je suis l'un de ceux qui ont l'occasion de l'observer continuellement, constamment et, sur une certaine période, de voir tous les éléments. Comme vous le savez peut-être, mon premier engagement remonte à 2003. J'ai passé beaucoup de temps en Afghanistan en 2004 comme commandant et, depuis que nous avons rétabli les opérations dans la province de Kandahar, j'y suis allé 20 ou 25 fois depuis août 2005.
Je vais vous dire ce que j'ai vu ces 18 ou 19 derniers mois dans cette province et m'en servir comme point de comparaison. Lorsque je suis allé dans la province de Kandahar, en octobre 2006, c'était presque la fin de l'opération Medusa pendant laquelle les Talibans ont essayé d'isoler la ville de Kandahar. Ils voulaient couper la route 1, la route principale qui sillonne l'Afghanistan, et montrer à l'OTAN et surtout aux Afghans que l'OTAN ne pouvait pas leur résister. L'affrontement a duré sept ou huit semaines et il y a eu des combats intenses avec la participation de nos soldats.
Lorsque je suis arrivé, en octobre 2006, les districts de Panjwai, de Pashmul et de Zhari, à l'extérieur de Kandahar, étaient une zone de combat. Beaucoup de destruction. Des routes en mauvais état. Les Talibans et nos soldats étaient les seuls qui se déplaçaient. Nous n'avions ni soldats ni bataillons de l'Armée nationale afghane; il y avait très peu de policiers avec nous et la plupart nous inspiraient de la méfiance. Il n'y avait presque plus personne dans cette vallée, dans une zone triangulaire où vit normalement une population de 45 000 ou 50 000 habitants. Tous étaient partis.
Je suis retourné à Noël. Il n'y avait pas eu beaucoup de changements, mais nous avions repris l'initiative aux Talibans. Ils se retranchaient ou tentaient de quitter la zone. Des habitants de la région revenaient chez eux le matin, mais ils partaient toujours pour la nuit. Ils revenaient faire quelques réparations, comme un mur ou une canalisation d'irrigation, afin de préparer l'avenir.
Je suis allé encore là-bas plusieurs fois au printemps dernier, pendant l'été et au début de l'automne et encore à Noël. J'y étais encore il y a trois semaines. Voici ce que j'ai vu. Dans la vallée, de 45 000 à 50 000 personnes sont rentrées chez elles. Ces gens ont réparé presque tous les dégâts. Ils ont entrepris de nouvelles constructions, qui semblent plutôt petites, selon nos normes à nous. La construction d'un séchoir à raisins est une grosse entreprise pour une famille qui dépend du séchage des raisins pour gagner sa vie.
Ces gens sont donc de retour. Ils ont reconstruit, avec notre aide — je veux dire avec l'aide de tout le gouvernement — certaines des écoles de la région qui avaient été complètement détruites. Par exemple, je suis allé en voir une à Ma'sum Ghar. Aujourd'hui, elle est fréquentée par trois groupes d'enfants qui se relaient mais qui vont à l'école tous les jours. C'est ainsi qu'ils font leurs études. Le commerce est de retour dans la région — les échanges économiques, notamment — et a beaucoup augmenté, les enfants saluent dans les rues et les hommes travaillent. En fait, 400 d'entre eux travaillent maintenant pour nous et reconstruisent une route dont ils ont désespérément besoin.
Voici ce que j'ai trouvé le plus frappant, avec le ministre MacKay, lorsque nous étions là-bas à Noël. Il y a un an, si on contemplait la vallée, le soir, c'était l'obscurité totale. Mais maintenant, on peut voir des îlots de lumière. L'électricité n'est pas revenue partout, mais la vallée donne l'image d'une vie normale en Afghanistan. Voilà un changement incroyable qui s'est produit en seulement 18 mois. Les gens sont de retour, ils travaillent, ils cultivent la terre, ils font tout ce qui est nécessaire pour gagner leur vie et ils envoient leurs enfants à l'école parce qu'ils veulent éviter que le même cycle recommence avec leurs enfants.
Voilà ce que j'ai vu. Et je l'ai vu bien des fois au gré de mes allers et retours. Beaucoup d'évaluations vont dans le même sens.
Les forces de sécurité nationales afghanes...
[Français]
Selon moi, l'un des points de repère les plus importants est l'amélioration des forces de sécurité nationales afghanes. En 2006, comme je vous l'ai dit, nos forces ont mené l'opération Méduse sans soutien significatif des forces afghanes. Actuellement, nos forces et l’Armée nationale afghane (ANA) mènent constamment des opérations ensemble dans la province de Kandahar. Les Canadiens travaillent en partenariat avec trois bataillons d'infanterie, c'est-à-dire trois kandaks, un bataillon d'appui tactique et un bataillon de service de soutien, et offrent un service de mentorat à leur quartier général de brigade.
[Traduction]
Nous avons six équipes opérationnelles de mentorat et de liaison avec l'Armée nationale afghane, qui a trois bataillons pour manoeuvrer à Kandahar et aux environs. Elles aident à garantir la sécurité. Nous travaillons avec l'un des bataillons depuis un peu plus d'un an. Nous avons moins travaillé avec les autres. Leur effectif n'est pas complet. Il est certain qu'ils n'ont pas les capacités opérationnelles nécessaires. Ils n'ont pas tout le matériel voulu pour faire l'essentiel, mais ils ont beaucoup progressé depuis presque rien, il y a 17 ou 18 mois dans la province de Kandahar même. Chaque jour, nous travaillons avec eux pour améliorer les opérations dont ils peuvent se charger. L'amélioration a été marquée et il arrive régulièrement qu'ils dirigent des opérations et qu'ils en mènent d'autres avec nous. Les troupes canadiennes ne mènent jamais d'opérations seules.
Quant au développement visible, je peux vous dire qu'il n'y a rien de plus visible ni de plus important que les routes. Nous essayons de faire évoluer l'économie et de remplacer la production de la drogue par des productions légales. Pas besoin de routes pour transporter de la drogue qui vaut des millions de dollars. Des mules suffisent. Si on veut que les agriculteurs produisent du riz, des pastèques ou du blé, il faut un réseau routier qui peut laisser passer des chargements d'une dizaine de milliers de tonnes.
La route Summit traverse les districts situés immédiatement dans l'ouest de l'Afghanistan dans une région très peuplée. Il y a aussi une autre chaussée. Nous avons aidé les Afghans à construire ces deux liaisons pour que la route Summit soit raccordée au réseau de transport principal. J'étais là il y a tout juste trois semaines, à regarder 400 Afghans travailler sous la protection que nous leur assurons avec la police et l'armée afghanes pour construire, reconstruire et asphalter la route Foster. Les trois projets ont été réalisés à la demande des Afghans dans l'intérêt de leurs moyens de subsistance, de leur bien-être, de leur sécurité et de la vitalité de leur économie. J'ai pu voir ces réalisations concrètes dont ils sont fiers et qu'ils protègent. Nous croyons que cela permettra de progresser à long terme s'il est possible de renoncer à l'économie de la drogue, de priver les terroristes de ces sources de financement et, en même temps, d'améliorer la sécurité des habitants.
La menace directe est toujours très réelle. La mission se poursuit dans le bon sens, mais la menace subsiste, surtout dans le sud de l'Afghanistan et particulièrement, à notre point de vue, dans l'ouest et le nord de la ville de Kandahar. Les Talibans ont renoncé à peu près totalement aux engagements directs. À l'occasion, il y a toujours des petites embuscades mais, à cause de leurs pertes et de nos succès, ils préfèrent les offensives indirectes, les attaques au moyen d'engins explosifs artisanaux, les attentats-suicides et les petites embuscades.
Peu leur importe qui ils tuent. Hier, ils ont visé un véhicule des forces internationales à Kandahar et ne l'ont presque pas endommagé. Mais l'attaque a tué huit Afghans et en a blessé 22 autres, parfois grièvement. Nous réagissons à ces menaces de diverses manières. Il n'y a pas de solution magique.
Il faut de l'imagination, de l'ingéniosité, un certain sens tactique, du leadership, du matériel, des renseignements. Il faut conjuguer les opérations en tirant le meilleur parti de nos caractéristiques et de celles des forces de sécurité afghanes.
Pour ce qui est des attaques à la bombe artisanale, par exemple, nous insistons beaucoup sur la période antérieure à l'explosion: prévoir ce qui va se passer grâce à nos renseignements, assurer la surveillance par divers moyens pour empêcher que les engins ne soient mis en place, repérer les signes précurseurs.
Pendant l'attaque, si nous ne pouvons l'empêcher ou la prévenir, nous insistons énormément sur la protection de nos soldats et des Afghans avec qui nous travaillons: types de véhicules, capacité améliorée d'ouverture d'itinéraire ou améliorations du VBL III. Je sais qu'il y a ici des gens de General Dynamics Land Systems. Je peux vous dire que ce véhicule est impressionnant, et les soldats l'adorent. Nous l'avons amélioré le plus possible.
Après l'explosion, lorsqu'elle a lieu, car cela arrive, nous faisons une analyse fouillée. Dans les deux heures, nous avons une équipe d'évaluation sur place. Nous transmettons les leçons sur le théâtre des opérations et à Ottawa.
Nous empêchons les Talibans de prendre l'initiative. Nous les privons de tout refuge, des lignes de communications sûres et des lieux à partir desquels ils peuvent mener des opérations dans les districts de Zhari, de Panjwai et d'Arghandab. Nous remportons des succès avec l'Armée nationale et la Police nationale afghanes. Tout cela, nous le faisons pour aider les Afghans à reprendre une vie normale et à vivre à l'abri de la peur. Nous agissons dans le cadre d'une approche pangouvernementale. Qu'il s'agisse de renforcer les capacités de la police — nos EMOL collaborent avec la GRC pour aider à améliorer la formation de la Police nationale afghane — ou de travailler avec l'Armée nationale afghane, c'est l'approche que nous adoptons.
Je vais conclure et vous donner l'occasion de me poser des questions sur tout ce qui vous intéressera.
Nos hommes et femmes qui participent à cette mission, sont les plus grands citoyens du Canada, à mon avis. Il est normal que je le dise, puisque je suis leur chef d'état-major de la défense, mais j'en suis convaincu.
Quand on va rencontrer ces 2 500 jeunes hommes et femmes, on trouve une source d'inspiration, de fierté pour notre pays et ces jeunes Canadiens incroyables, dont beaucoup on 20, 21 ou 22 ans, qui portent notre drapeau à l'épaule gauche et représentent notre pays en Afghanistan de façon incroyable, qui font vraiment honneur au Canada.
Ils me représentent, ils vous représentent, ils représentent tous les autres Canadiens lorsqu'ils vont participer à cette mission. Il faut qu'ils puissent compter sur votre appui, sur l'appui de leurs concitoyens de tout le Canada.
Je termine en disant que l'appui généreux qui s'est manifesté ces dernières semaines, ces derniers mois et même depuis plusieurs années, a permis à ces jeunes Canadiens de croire qu'ils ne sont pas seuls. Lorsqu'ils sont à 10 000 kilomètres de chez eux, sur des pistes sales, poussiéreuses, dangereuses et qu'on leur tire dessus, lorsqu'on pourrait comprendre qu'ils puissent penser être seuls, livrés à eux-mêmes, ce généreux appui qui se manifeste de manières diverses, comme ces derniers mois, les convainc que leur pays est à leur côté, que les Canadiens les appuient dans la mission qu'ils leur ont confiée.
Je m'arrête ici. Je me ferai un grand plaisir de répondre aux questions. Merci beaucoup.
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Je vais commencer par la deuxième question, si vous n'avez pas d'objection. Il y a deux missions militaires en Afghanistan: l'OEF et la FIAS. L'essentiel est d'assurer la coordination pour éviter les conflits pendant les opérations.
Nous participons à la mission de la FIAS sous l'égide de l'ONU. Le commandant de la Force opérationnelle interarmées à Kandahar relève directement du Commandement régional Sud, lui-même subordonné au COM FIAS. C'est de là qu'il tient ses ordres,
Pour déconflictualiser les opérations, nous travaillons à la fois à la FIAS, à Kaboul, et au Commandement régional sud. Cela se fait aussi directement avec nos commandants de sorte que, si l'OEF doit mener des opérations dans les zones où nous travaillons, nous sommes au courant et pouvons déconflictualiser. Il n'y a donc pas de risque de confusion et il ne risque pas d'arriver des choses que nous ne contrôlerions pas.
Selon nous, ce système fonctionne très bien depuis environ 18 mois. Je ne peux vous mentionner aucune opération où il y aurait eu un problème faute de synchronisation ou de déconflictualisation entre l'OEF et la FIAS. Nous mettons l'accent sur la mission de la FIAS, dont nous faisons partie, et nous veillons à la déconflictualisation avec l'OEF.
Quant à la FIAS et aux renforts américains, tous les détails de la collaboration ne sont pas arrêtés, mais ces forces seront là pour travailler à la mission de la FIAS. Autrement dit, elles sont déclarées aux forces de l'OTAN, de sorte qu'elles appliquent les règles d'engagement de l'OTAN. Elles sont dirigées par le commandant de l'OTAN aussi bien au quartier général de la FIAS à Kaboul qu'au Commandement régional sud à Kandahar.
Par conséquent, ces forces s'intégreront au plan de campagne de la FIAS pour ce qui est de leurs opérations. Nous avons vu tout cela en détail. Lorsque j'étais là-bas, il y a trois semaines, j'ai pu discuter avec tous ces commandants, et ils souhaitaient avoir le meilleur impact possible avec les marines qui commencent à arriver, mais qui ne sont pas encore opérationnels, et avec les forces qui étaient attendues. C'était avant la réunion de Bucarest. On s'attendait que l'ajout de forces serait annoncé à Bucarest et que ces forces viendraient ensuite. Ces forces ne travaillent pas pour l'OEF, mais pour l'OTAN, et elles relèvent de la même chaîne de commandement, comme nous, et appliquent le même plan de campagne.
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Monsieur le président, merci de ces questions.
J'ai dit à M. Manley et à son groupe que nous avions besoin d'un autre bataillon de manoeuvre dans le Sud et plus précisément dans la province de Kandahar. La première chose qui m'a incité à le dire, c'est que l'OTAN a fait une évaluation il y a près de deux ans et dit que la structure, dans la province de Kandahar, devrait comprendre deux bataillons, et nous en avions un seul. Il s'agissait pour nous de soutenir les efforts de l'OTAN pour qu'elle fournisse la structure qu'elle avait elle-même définie deux ans plus tôt sans pouvoir la mettre en place.
Nous faisons de très bonnes choses et accomplissons d'excellents progrès. Si nous obtenons plus de soldats, nous pourrons progresser plus rapidement et peut-être avec des risques moindres pour les soldats et les autres forces de sécurité, y compris les Afghans qui participent à la mission. Plus il y aura de soldats dans la province de Kandahar à court terme, plus la situation s'améliorera et plus il y aura d'espace pour le développement comme l'aménagement de routes et l'électrification. Puis, il sera possible de gagner la population de façon irréversible à l'approche non violente, à un régime de gouvernement démocratiquement élu dans leur pays.
Ce millier de soldats, chiffre fondé sur l'évaluation de l'OTAN, mais aussi sur nos évaluations à nous, nous donneraient une capacité bien supérieure et permettraient des progrès rapides.
On prend de plus en plus conscience que, plus il y aura de soldats, même au-delà de ce millier, mieux les choses pourront se faire. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous essayons de constituer une brigade de l'Armée nationale afghane avec des Afghans du Sud. Je l'ai déjà dit, il n'y avait pas de soldats afghans sur place il y a 18 mois. Pendant l'opération Medusa, nous n'en avions aucun, malgré notre volonté de commencer à constituer cette capacité.
Nous avons maintenant trois bataillons. Nous avons ce que nous appelons un bataillon d'appui au combat, qui comprend de l'artillerie et des ingénieurs, par exemple. Nous avons aussi un bataillon de soutien logistique, qui s'occupe de l'alimentation, des munitions et de l'aide médicale. Et puis il y a le quartier général. Ces bataillons n'ont pas encore leur plein effectif, ni tout le matériel nécessaire. Il y a aussi des difficultés diverses au plan de la formation et du leadership, puisque ces hommes en sont au début de leur développement. Dans les Forces canadiennes, nous savons qu'il faut beaucoup de temps pour rebâtir une brigade ou un bataillon lorsqu'ils ont été saccagés ou pour les changer lorsqu'ils existent déjà. Il est très long de former des dirigeants du niveau du brigadier-général David Fraser, par exemple. Il faut 20 ans. Il y a des chefs de cet acabit là-bas. Comment peut-on leur donner les moyens d'agir à assez court terme?
Je vais vous dire ceci. Ces deux dernières années, nous avons eu une équipe de formation à Kaboul. Elle travaillait au centre de formation aux manoeuvres de cette ville. Elle a pris tous les bataillons qui sont arrivés pendant cette période et leur ont fait subir un exercice final de trois semaines. Elle a formé plus de 30 000 soldats avec des officiers et sous-officiers canadiens. C'était plus ou moins un exercice de diplomation. Ces soldats ont été affectés aux bataillons et, au cours des 18 derniers mois, cette brigade s'est présentée à Kandahar.
Nous avons maintenant une équipe EMOL de 25 ou 27 personnes, selon la taille de chaque bataillon. Nous avons aidé à les équiper de fusils C7, ce qui est une nette amélioration. Nous les avons aidés à constituer un cycle qui comprend opérations, formation et récupération, car ces mêmes soldats sont au combat depuis maintenant 18 mois. On peut comprendre qu'ils ont besoin de s'éloigner un peu des opérations intenses. Beaucoup de ces soldats ont leur famille un peu partout en Afghanistan. Si on les sépare de leur famille continuellement, on les détruit. À la première occasion, ils partent. Ils font savoir qu'ils en ont assez en retournant dans leur famille. Nous les avons aidés à beaucoup se rapprocher d'un cycle durable, ce qui a fait diminuer le nombre des départs et accru la capacité au point que, lorsque nous avons mené des opérations à Arghandab, juste avant Noël, ce bataillon, que nous avions placé dans la région, a fait la majeure partie de la planification — avec notre aide, bien sûr — et a dirigé l'essentiel des opérations.
Un deuxième élément nous donne une bonne idée de ce dont les Afghans sont capables. Dans le district de Zhari, nous avons retiré une importante équipe de combat et nous l'avons affectée à Arghandab. Nous avons confié la sécurité du district de Zhari, dans l'ensemble, au bataillon de l'Armée nationale afghane et à la Police nationale afghane. Leur formation a atteint un niveau convenable. Oui, nous les appuyons de différentes manières. Oui, nous sommes prêts à revenir s'il y a des difficultés qui dépassent leurs capacités, mais nous les avons tout de même aidés à atteindre ce niveau.
La troisième étape, qui s'amorce maintenant, est une initiative qui vient de l'OTAN et du SACEUR, le Commandement suprême des Forces alliées en Europe. Ils veulent à l'avenir mettre l'accent non seulement sur les équipes EMOL qui se greffent aux bataillons afghans, mais aussi sur des partenariats associant nos unités, nos compagnies de carabiniers, par exemple, avec leurs bataillons dans des opérations communes. Nous leur donnons un coup de pouce pour les amener à faire les choses, à aller au-delà de ce qu'ils font normalement, afin qu'ils aient la confiance voulue pour agir sur le terrain et croire qu'ils ont ce qu'il faut pour le faire.
Voilà vers quoi nous évoluons maintenant. Et cela fera partie du travail de l'unité des marines.
Nous avons bien progressé, mais il reste beaucoup à faire. Il faut beaucoup de temps pour bâtir une armée. Nous sommes en train de créer une brigade de cette armée. Nous ne contrôlons pas tous les éléments. Si les Afghans n'arrivent pas à recruter et si les Américains retirent un bataillon, tout changera, mais grâce à ce que nous faisons, nous progressons très bien dans la création de l'armée.
En vérité, les progrès accomplis ces six derniers mois ont été étonnants. Mais je ne peux pas dire quand les Afghans pourront se charger eux-mêmes de toute la sécurité. L'un de leurs bataillons a progressé au point d'atteindre un certain niveau de validation, et nous continuons de travailler fort.
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Merci de cette question.
Vous pouvez dire que, de temps à autre, tous les pays qui participent à la mission de l'OTAN agissent à leur guise. Cela dépend de la façon d'envisager les choses.
En fait, je me sens très à l'aise. Je vous dirai simplement que ces soldats vont travailler pour le commandant de l'OTAN, dans le cadre de la mission de l'OTAN, c'est-à-dire que les règles d'engagement de l'OTAN s'appliquent et qu'une norme a été établie.
Malgré la violence causée par les Talibans dans les zones très peuplées, la chaîne de commandement de l'OTAN, à tous les niveaux, depuis l'échelon le plus élevé jusqu'à celui du jeune soldat, quelle que soit sa nationalité, veut que les frappes aient la précision du laser pour prévenir les dommages collatéraux, si possible, et sinon, pour les réduire au minimum.
Cela vaut aussi pour les marines. Ils comprennent que leur mission ne réussira pas s'il y a des dommages collatéraux importants et si la population locale se retourne contre eux et appuie davantage les Talibans. Ils vont suivre les mêmes règles d'engagement. Il s'agit d'une organisation d'un professionnalisme exceptionnel. Nous avons pu établir la liaison. Les règles d'engagement de l'OTAN seront respectées. Ce sont des soldats professionnels. Nous le savons, de notre point de vue. Je ne crois pas nécessairement qu'ils feront plus de frappes aériennes, à moins qu'elles ne soient justifiées, et ils n'y auront certainement pas recours dans des situations où ce serait injustifié, pas plus que ne le feraient d'autres troupes sur le terrain.
J'ai confiance parce que j'ai déjà été associé au travail de certaines forces armées américaines par le passé et aussi à cause de la structure de commandement et de contrôle en place en Afghanistan, celle de l'OTAN.
Nous savons ce que nous faisons, je peux vous le dire, car nous connaissons les conditions gagnantes. Cela n'a pas fait partie... Il faut éviter les dommages collatéraux énormes, qui nous feraient perdre l'appui de la population. Nous faisons de très grands efforts pour que toutes les bonnes méthodes soient en place.
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Oui, je vais me faire un plaisir d'en parler. Il y a deux aspects à la mission pour lesquels les hélicoptères facilitent le succès, globalement. C'est une question de souplesse.
Le premier aspect est la protection des forces. Nous avons des soldats, des marins, des aviateurs, et pas seulement de nos nationalités, à divers endroits dans la province de Kandahar, dans des bases opérationnelles avancées, des bases de patrouille, des postes de police secondaires. Comme je l'ai déjà dit, le réseau routier est très limité. Les déplacements sur le terrain deviennent prévisibles. La plupart des routes sont en gravier et nous essayons de les asphalter, ce qui atténuera quelque peu les risques. Il est très facile de creuser dans une route de gravier pour y enfouir un engin explosif artisanal et effacer ensuite toutes les traces pour que nous ne puissions rien voir.
Bien sûr, nous prenons beaucoup de mesures de prévention, mais la première chose que nous pouvons faire, surtout avec les hélicoptères loués, ce sont les corvées courantes comme le transport des denrées alimentaires, des munitions, de l'eau et des pièces de rechange entre l'aérodrome de Kandahar et les bases opérationnelles avancées, les bases de patrouille, les postes de police. Nous pourrions éviter les routes, avoir des déplacements moins prévisibles, échapper aux contraintes de la route. Nous ne serions plus aussi vulnérables aux attentats très probables aux engins explosifs artisanaux.
Voilà un rôle pour les hélicoptères: alléger les déplacements pour soutien logistique. Cela permettrait de réduire le nombre des victimes et de faciliter d'autres activités.
Deuxièmement, étant donné nos forces de manoeuvre, les hélicoptères amélioreraient notre mobilité, nous pourrions enlever l'initiative aux Talibans et aller là où ils préparent leurs attaques et lancer des offensives avant qu'ils ne s'attaquent à Kandahar ou à Panjwai.
Un appareil comme le Chinook nous donne une mobilité aérienne. Tout à coup, nous sommes perçus comme présents dans la région. On ne nous voit pas venir de loin, sur la route, soulevant des nuages de poussière, ce qui facilite les embuscades ou la fuite. Nous aurions donc plus de souplesse, une mobilité qui réduit notre vulnérabilité et nous aurions une excellente chance d'enlever l'initiative aux Talibans. Nous réussirions mieux à améliorer la sécurité à Kandahar et dans les districts environnants. Nous aurions plus d'espace pour mener à bien d'autres activités: la mise en place de l'armée et de la police et la réalisation de projets de développement, par exemple.
La crise qui continue de sévir au Soudan est l'un des plus grands défis qui soient pour la région de la Corne de l'Afrique et la communauté internationale à l'heure actuelle. Malgré une attention internationale et un engagement de haut niveau qui se manifestent depuis plusieurs années, nous sommes toujours loin d'une paix durable dans un pays où il y a encore plusieurs régions de conflit ouvert ou larvé et qui joue un rôle dans des conflits régionaux notamment au Tchad, en République centrafricaine et dans le nord de l'Ouganda.
Des progrès sont possibles, mais il faudra une approche mieux coordonnée et plus cohérente de la communauté internationale et peut-être un changement radical dans la façon d'aborder l'élaboration de la politique au Soudan. Nous avons fait un travail louable pour éviter la catastrophe et aider des populations à survivre grâce à une aide humanitaire au Darfour et ailleurs, et à un soutien aux diverses opérations de maintien de la paix au Soudan, mais cela ne suffit pas. Nous ne traitons que les symptômes au lieu de nous attaquer aux causes des multiples guerres qui déchirent le Soudan.
Il y a aujourd'hui au Soudan une guerre ouverte dans les provinces occidentales du Darfour; une paix fragile — l'Accord de paix global — dans le sud et le centre du Soudan, où il y a eu ces trois derniers mois des affrontements militaires plus nombreux dans la zone contestée d'Abyei; un accord de paix faible et peu respecté dans l'est du Soudan; et le potentiel de nouveaux conflits dans la région centrale de Kordofan ainsi que dans l'extrême-nord éloigné, où des collectivités locales, mécontentes de la construction des barrages de Merowe et de Kajbar, menacent de prendre les armes contre le gouvernement.
Cette dynamique de guerre civile qui dure depuis plus de 50 ans dans le cas du sud du Soudan et qui est nouvelle dans des régions tout aussi sous-développées comme Kordofan, dans l'extrême-nord, découle d'un ensemble de problèmes liés à une gouvernance médiocre, à une prise de décisions centralisée et peu transparente et au contrôle des ressources et du pouvoir par une petite élite dirigeante, au détriment de l'ensemble de la population.
Il faut comprendre que le régime soudanais actuel profite du statu quo, malgré l'indignation de la communauté internationale au sujet du Darfour, conflit que le régime a attisé et continue d'attiser. Le Parti du Congrès national, au pouvoir, vend le pétrole sur le marché libre; il a toujours joui de la protection de la Chine, de la Russie et d'autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU; et il considère les réformes politiques qui portent sur les problèmes centraux de gouvernance au Soudan comme une menace à sa survie.
Même si, dans l'Accord global de paix de 2005, le gouvernement s'est engagé à apporter un grand nombre de ces réformes et à les intégrer à la constitution nationale provisoire, il a résisté à la codification de ces réformes dans de nouvelles lois. Ainsi, pour s'attaquer aux causes profondes des conflits au Soudan, il faut non seulement s'intéresser à des problèmes d'ordre technique comme la mise en place d'un État fédéral qui fonctionne et est ouvert à tous, ou à des enjeux complexes au Darfour concernant les régimes traditionnels d'occupation des terres et de droits de pâturage, mais il faut aussi le faire dans un contexte où le Parti du Congrès national au pouvoir résiste aux progrès à toutes les étapes s'il estime que sa survie politique est menacée.
La crise du Darfour demeure celle qui est la plus urgente et la plus tragique au Soudan. Malgré l'attention et l'engagement de la communauté internationale depuis quatre ans, les perspectives ne sont toujours pas favorables pour les civils et ne laissent pas présager la fin du conflit. Les civils font toujours l'objet d'une multitude de menaces au quotidien.
Le Parti du Congrès national demeure la principale cause du conflit au Darfour, mais la situation est encore aggravée par d'importantes dissensions parmi les rebelles, la prolifération des groupes armés et une guerre par procuration qui s'aggrave entre le Soudan et le Tchad. La MINUAD se déploie lentement, entravée par l'obstruction gouvernementale, la bureaucratie de l'ONU et le peu d'empressement des pays qui fournissent des troupes. Bien plus important encore, le processus politique est complètement bloqué, car il n'y a nulle part un sentiment d'urgence sur la scène internationale.
S'il n'y a pas de progrès au plan politique, la mission de maintien de la paix, même si elle est complètement équipée et déployée, pourra au mieux assurer une meilleure protection civile aux populations immobilisées dans des camps pour personnes déplacées dans leur propre pays et garantir un meilleur accès pour l'aide humanitaire. Mais ce ne sont là que les symptômes d'un problème plus vaste.
La reprise des pourparlers de paix au Darfour exigera probablement beaucoup de temps pour les préparatifs, et il faudra mettre l'accent sur l'unification des rebelles et l'élargissement de la participation, si on veut que les pourparlers aient la moindre chance de succès. Il ne se fait rien, et ce n'est pas une priorité. L'équipe de médiation commune de l'Union africaine et de l'ONU est enlisée. L'attention se tourne donc de nouveau vers les forces de maintien de la paix, au détriment d'un processus plus difficile, mais en fin de compte plus important, le processus politique.
L'Accord global de paix de 2005 est une assise solide sur laquelle la paix et la réforme nationale peuvent prendre appui. Ses dispositions comprennent un important programme de réforme gouvernementale et un processus de démocratisation qui doit aboutir à des élections en 2009. Mais depuis trois ans que l'accord a été signé, la mise en oeuvre se caractérise par un travail de sape systématique des dispositions au niveau national par le parti au pouvoir, et le SPLM implanté dans le Sud n'applique l'accord que de façon inégale.
En octobre, le SPLM a suspendu sa participation au gouvernement parce que le Parti du Congrès national viole l'accord, et les deux parties ont été sur le point de reprendre les hostilités à plusieurs occasions en novembre et en décembre. Bien que le problème ait été résolu pacifiquement par les parties sans intervention de l'extérieur et que le SPLM ait réintégré le gouvernement vers la fin de décembre, les difficultés fondamentales subsistent.
La clique dirigeante du Parti du Congrès national estime que la mise en oeuvre menace sa survie et le SPLM est aux prises avec des dissensions internes et des problèmes de capacité. L'enjeu le plus explosif, soit la zone contestée d'Abyei, n'est toujours pas réglé et il y a eu une série d'affrontements mortels dans les environs depuis la fin de décembre.
Ce n'est pas la façon de parvenir à une paix durable. Il est plutôt hautement probable que l'accord de paix finira par s'effondrer et que la guerre reprendra, à moins que quelque chose ne change. L'effondrement de l'accord aurait des conséquences catastrophiques pour tout le Soudan et torpillerait tout effort de maintien de la paix au Darfour. Il y aurait d'importantes conséquences négatives pour chacun des neuf pays limitrophes du Soudan.
Qu'est-ce qui doit changer si nous voulons que s'améliorent les chances d'une paix durable au Soudan? La réponse, ou au moins un élément de réponse, se trouve dans l'approche adoptée par la communauté internationale. Pour que la réaction internationale soit plus efficace, il faut trois choses.
D'abord, la communauté internationale doit lancer un message cohérent et bien coordonné au gouvernement soudanais et aux autres acteurs, ce qui exige une stratégie internationale commune à l'égard du Soudan. Elle n'existe pas pour l'instant, et il est difficile de l'élaborer, étant donné que les membres du Conseil de sécurité de l'ONU sont profondément divisés.
Deuxièmement, cette stratégie doit être globale et traiter le Soudan comme un pays unique qui est en proie à des conflits multiples en raison d'un ensemble commun de causes. Il nous faut comprendre les liens entre le Darfour, l'Accord global de paix et la région étendue, et adapter nos politiques en conséquence. Depuis trois ans, la plupart des acteurs internationaux considèrent le Darfour et la région visée par l'Accord global de paix ont élaboré deux ensembles distincts de politiques et, en essayant de concilier les deux, et ils ont fini par nuire dans les deux cas. Par exemple, l'accord contient des éléments qui permettraient de commencer à s'attaquer à certains problèmes structurels, mais cela n'est pas passionnant et ne fait pas la manchette, et on en a souvent fait abstraction.
Enfin, nous devons nous donner une influence auprès des parties en cause. Dans certains cas, il s'agit simplement de donner suite aux menaces déjà faites dans des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU pour pousser les parties dans une voie qui mènera à la paix. Cela ne veut pas dire qu'il faut changer de régime, mais nous devons être plus efficaces en exigeant le respect des engagements pris dans l'Accord global de paix et au Darfour. Ainsi, nous appuierons la transition politique et le programme de réforme déjà prévu dans l'accord. En assortissant de conséquences politiques et économiques le non-respect des engagements, la communauté internationale peut faire d'une transition pacifique la meilleure option politique à la disposition des parties et atténuer considérablement le risque d'une relance du conflit ou se préparer à mieux gérer les nouvelles hostilités.
Le Canada a un rôle important à jouer. Outre le soutien essentiel qu'il assure au Darfour sur le plan humanitaire et par son appui à la MINUAD, sans oublier son aide dans les zones de transition dans le sud du Soudan, le Canada suscite des consensus sur la scène internationale. Dans le dossier soudanais, il faut un leadership et une vision pour élaborer une stratégie complète et dégager un consensus international autour de cette stratégie, si nous voulons progresser dans la consolidation de la paix au Soudan.
Merci de votre attention.
Lorsque vient le temps de prendre des sanctions contre un pays, les sanctions d'ordre économique sont souvent ce qui vient d'abord à l'esprit. Nous sommes l'une des seules compagnies à avoir des activités au Soudan présentement. Dans le document qui vous a été distribué, nous tentons de vous présenter la vision d'un opérateur minier au Soudan. J'aimerais vous dire, à titre de première mise en garde, qu'il est important de prendre en compte que les remarques contenues dans cette présentation sont faites selon l'angle d'un opérateur de ressources. Évidemment, il est possible que les diverses sanctions économiques pouvant être retenues abordent la question sous divers angles selon qu'il s'agisse d'opérateurs miniers, d'opérateurs de l'industrie pétrolière et gazière ou d'autres opérateurs.
Je vais maintenant faire une rapide mise en contexte. Présentement, il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande en matière de ressources naturelles. C'est pratiquement vrai pour tous les types de minéraux, et ça l'est pour le pétrole. Comme on le montre dans la diapositive 3, c'est d'ailleurs ce qui explique la hausse importante du cours de l'or au cours des dernières années. Cette hausse, selon les économistes de la Banque de Montréal et plusieurs autres, va durer un certain temps en raison du temps que met la production à s'ajuster à ce nouveau choc de la demande. Ce choc, comme vous le savez, est souvent attribué à la progression rapide des économies chinoise et indienne, entre autres. Il risque donc de se maintenir encore un certain temps.
Un fait un peu moins connu est qu'auparavant, les opérateurs et producteurs de ressources naturelles, surtout dans le monde minier, provenaient essentiellement de ces quatre grands pays que sont l'Australie, le Canada, les États-Unis et l'Afrique du Sud. Tout récemment, la donne a changé. Qu'il s'agisse de l'industrie minière ou de l'industrie pétrolière et gazière, ces producteurs sont de plus en plus de nouveaux joueurs, que nous avons identifiés à la diapositive 4. Il s'agit de la Chine, de l'Indonésie et de la Russie. Ces gens sont de plus en plus actifs dans le domaine de la production de ressources naturelles. Ils hébergent des compagnies en croissance qui ont de plus en plus d'importance sur l'échiquier mondial. Il est important de garder cela en tête. En effet, tout gel des activités au Soudan de compagnies canadiennes, par exemple, aussi bien dans l'industrie minière que pétrolière et gazière, pourrait profiter à ces joueurs émergents que sont les Chinois, les Russes et les Indonésiens.
Maintenant que cette mise en contexte est terminée, j'aimerais vous présenter rapidement la compagnie La Mancha Resources Inc., que je représente aujourd'hui. La Mancha est une compagnie canadienne dont le siège social est situé à Montréal. Elle est inscrite à la Bourse de Toronto, soit au TSX, a une capitalisation boursière de 61 millions de dollars — ce chiffre date du 31 mars dernier — et exploite actuellement deux mines, une en Côte d'Ivoire et une autre au Soudan, en l'occurrence la mine Hassaï, qui est située à 150 km au nord-est de Khartoum.
La mine Hassaï est exploitée depuis 1992 et a produit à ce jour 2 millions d'onces d'or. On prévoit qu'elle va produire en 2008 environ 100 000 onces d'or. Chacune de ces onces d'or, une fois produite, est acheminée au Canada où elle est raffinée et vendue sur le marché international. Nous employons présentement 850 personnes, et de ce nombre, 20 sont des expatriés et 830 sont des employés engagés et formés sur place, donc des Soudanais d'origine. Cependant, c'est présentement la seule mine en activité dans le pays. Il faut garder à l'esprit qu'il y a présentement beaucoup d'exploration et que, malheureusement, celle-ci ne se fait pas par des compagnies canadiennes mais exclusivement par des compagnies chinoises ou indonésiennes.
L'histoire de La Mancha, en tant que producteur, est relativement récente. Nous avons commencé nos activités de production après avoir acquis ces actifs de la compagnie AREVA, qui est basée en France. Quelques mois après l'acquisition des actifs soudanais, l'organisation Sudan Divestment Task Force (SDTF), qui a d'ailleurs comparu devant ce comité il y a quelques semaines, a inscrit la compagnie La Mancha sur sa highest offenders list en raison des opérations de la compagnie au Soudan. Sudan Divestment Task Force a comme mission d'informer les marchés financiers des opérations de diverses compagnies publiques qui ont des activités au Soudan.
Leur recommandation initiale, fondée sur des informations disponibles dans le public, a été plutôt néfaste. En effet, cet organisme nous a inscrit d'emblée sur sa highest offenders list en raison de notre présence au Soudan.
Cependant, les discussions qui ont suivi août 2007 ont permis de présenter les effets bénéfiques de la présence de La Mancha au Soudan, le type d'opérations qu'elle menait là-bas, l'influence positive qu'elle avait sur les populations locales par l'entremise de l'entraînement et de la formation, les conditions de travail qui étaient respectées sur place, la politique environnementale de la compagnie, etc. En conséquence, le Sudan Divestment Task Force a revu sa position au mois d'octobre et a retiré La Mancha de sa highest offenders list.
Cette position a d'ailleurs été confirmée au mois de novembre lorsque des consultants mandatés par le Sudan Divestment Task Force sont venus visiter nos opérations au Soudan afin de confirmer les dires qui avaient été présentés au comité du Sudan Divestment Task Force.
D'un point de vue un peu plus pratique, le fait de ne pas empêcher des compagnies comme La Mancha ou des producteurs canadiens d'avoir des opérations dans un pays comme le Soudan présente de nombreux avantages. Je les résume dans quelques diapositives. D'abord, cela crée des conditions de travail favorables. Je pense à la non-discrimination à l'emploi ou à la promotion, à la formation de la main-d'oeuvre, au respect des droits humains des travailleurs, au respect des religions, etc. La plupart des compagnies canadiennes adhèrent à ces politiques et continuent de les appliquer lorsqu'elles sont à l'extérieur du pays. C'est notre cas au Soudan.
La même question doit se poser pour les politiques environnementales. Il est important de savoir que les gens qui vont exploiter les ressources du pays le font d'une façon responsable. Encore une fois, limiter l'accès à des compagnies canadiennes risque d'ouvrir la porte à des compagnies dont les politiques environnementales sont moins dynamiques que ce qui est l'usage chez les compagnies publiques inscrites en bourse au Canada.
Sur le plan du développement régional, de nombreuses compagnies canadiennes ont encore des politiques très sociales dans leurs actions et dans leurs opérations à l'étranger, comme c'est le cas de La Mancha. Cela mérite d'être souligné puisque, par exemple, plusieurs écoles et hôpitaux ont été bâtis grâce au financement fourni par notre compagnie. Celle-ci a également assuré la fourniture d'eau et d'électricité à certains endroits.
Voici, en quelques mots, notre position. Si des restrictions économiques devaient être imposées pour limiter les transactions commerciales entre le Canada et le Soudan, il serait alors important d'exclure de ces restrictions les compagnies qui oeuvrent dans le domaine des ressources naturelles. Encore une fois, la très grande demande actuelle pour les ressources naturelles fait en sorte que l'espace laissé vacant par les compagnies canadiennes serait immédiatement occupé par des compagnies chinoises, indonésiennes ou russes.
Comme l'exemple de Talisman Energy l'a démontré dans un passé très récent, ce n'est pas nécessairement bénéfique pour les populations locales. Dans la pochette qui vous a été distribuée, vous trouverez d'ailleurs un article qui relate ce qui s'est passé à la suite du départ de Talisman Energy du Soudan, il y a de cela quelques années. Évidemment, ce cas d'espèce n'est pas nécessairement représentatif de tout ce qui peut arriver dans de telles situations, mais c'est tout de même important de garder cet exemple en tête.
Nous sommes évidemment disponibles pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je dois vous informer que ma fille a travaillé pour Talisman dans le service chargé de la responsabilité sociale. C'est un excellent service. J'avoue que je suis en situation de conflit d'intérêts.
David, sauf votre respect, je dois dire que je ne suis pas du tout d'accord sur votre analyse. À regarder votre... Je rentre tout juste du Soudan. Avec le ministre, je suis allé au Darfour. Nous sommes allés dans le sud du pays et nous avons rencontré des représentants du gouvernement. Bien que l'analyse générale de l'attitude du gouvernement soudanais soit intéressante, il y a aussi beaucoup d'autres facteurs. Votre analyse est très négative. Je dirais qu'il faut regarder le côté positif. Je viens d'aller dans le sud du Soudan, et la situation y est étonnante. Une nation est en train de naître dans cette région, une petite nation qui est partie de rien et sait se débrouiller. Ce que nous avons constaté, même si on envisage la possibilité que l'Accord global de paix s'effondre, c'est qu'on prend conscience que le sud du Soudan sera probablement un pays indépendant, le moment venu, avec son propre président et tout l'appareil d'un État. Bien sûr, la politique joue toujours. Il y a toujours des luttes, mais c'est inévitable.
Un facteur important au Soudan, ce sont les revenus pétroliers. Même s'ils doivent être partagés également, il y a là de quoi bâtir une économie à partir de rien dans le sud du Soudan, bien que, pour le gouvernement... Au Darfour, la situation est fort différente. Le gouverneur de cette région nous a rencontrés et nous a dit qu'il était très reconnaissant de la présence des ONG et de tous ceux qui luttent contre la crise humanitaire, mais qu'en est-il du développement de cette région? Les responsables du développement ne se manifestent pas. Dans ces camps de réfugiés, les gens peuvent trouver de la nourriture et tout le reste. Il y a donc de plus en plus de gens qui y viennent, mais seulement pour des raisons économiques.
Nous avons adopté une motion sur l'investissement au Soudan, et mes collègues ont été intraitables. Nous en sommes venus à revoir cette question et à dire qu'on ne peut pas pénaliser les régions maintenant en croissance, comme le sud du Soudan. Appliquer des sanctions générales au Soudan pour sévir contre le gouvernement de Khartoum, c'est sévir contre le gouvernement de Juba également. Sur place, nous avons vu que les sanctions font mal. Impossible d'utiliser des visas, par exemple. Chose curieuse, le gouvernement de Khartoum utilise le gouvernement du Soudan pour s'adresser à d'autres pays et se débrouiller malgré les sanctions.
Je ne vais rien dire pour l'instant de la question minière ni de votre entreprise, mais je crois que, pour ce qui est de la crise internationale, vous allez devoir modifier votre analyse et avouer qu'il y a beaucoup de progrès, qu'il se passe de bonnes choses, bien qu'à un rythme très lent. La communauté internationale doit aider le sud du Soudan et soutenir tous les progrès au lieu de considérer que la situation est désespérée, parce qu'il est possible, comme au Darfour, de lutter contre la crise humanitaire provoquée par la guerre.
À long terme, comment le développement économique du Darfour va-t-il se faire? Si vous n'assurez pas ce développement, je peux vous dire que ces camps de personnes déplacées dans leur propre pays ne vont jamais disparaître du Darfour.