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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mai 2008

[Enregistrement électronique]

(1215)

[Traduction]

    Le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient sa 15 séance en ce 26 mai 2008.
    Nous devions nous rencontrer de midi à 13 heures, mais nous avons été retardés de 15 minutes en grande partie, bien sûr, en raison du discours du président de l'Ukraine, dont nous avons été avisés après avoir fixé l'heure de la réunion. Comte tenu des circonstances, cela risque d'être difficile de poser toutes les questions voulues à nos témoins. Je me demandais donc si nous pouvons convenir de terminer la réunion à 13 h 15 pour disposer d'une heure complète comme prévu.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Bien.
    Je vais présenter nos témoins, dont vous avez la liste devant vous. Nous avons invité le professeur Forcese à venir nous parler de son rapport, ou plutôt celui préparé par ses stagiaires en politique. Il a communiqué avec notre greffier pour lui demander si les étudiants qui ont rédigé le document pouvaient l'accompagner. J'ai accepté en votre nom. Je préciserai que même si c'est une pratique inhabituelle, ce n'est pas un précédent. À trois reprises, le professeur Forcese s'est présenté en compagnie d'un stagiaire pour témoigner devant un comité — celui des affaires étrangères, de la défense et un troisième dont j'ai oublié le nom. Quoi qu'il en soit, comme nous avons déjà autorisé cette pratique, il me semble que rien ne nous empêche de recommencer.
    Nous avons pour règle d'accorder des tours de cinq minutes pour les questions et les réponses. Je vais devoir être très strict à cet égard aujourd'hui pour être sûr que nous puissions effectuer deux tours complets.
    Ceci dit, avant de laisser la parole au professeur Forcese et aux autres témoins, je ferais remarquer que vous avez, ou devriez avoir, devant vous un exemplaire du rapport des stagiaires... Oh, ce n'est que le résumé, je suis désolé.
    Vous devriez également avoir une copie de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue vendredi dernier dans l'affaire Canada c. Khadr.
    Sur ce, je laisse la parole au professeur Forcese.
    Merci beaucoup, monsieur Reid, et merci au comité de nous accueillir.
    Le stage en matière de politique étrangère visait cette année à examiner de deux manières les questions entourant l'affaire Omar Khadr. La première consistait à recueillir aussi clairement, brièvement et complètement que possible des données de fait sur Omar Khadr, le traitement dont il a fait l'objet, les événements qui se sont déroulés en Afghanistan et ce qui s'est passé ensuite à Guantanamo. Cela constitue la première partie du rapport. La deuxième partie, dont il sera question aujourd'hui, concerne la possibilité qu'Omar Khadr, s'il est rapatrié au Canada, puisse réellement être accusé en vertu du droit canadien pour les événements qui auraient eu lieu en Afghanistan en 2002 et pour lesquels il doit maintenant rendre des comptes devant la commission militaire de Guantanamo.
    La conclusion finale, que mes collègues présenteront en tranches de trois minutes en traitant des diverses possibilités d'accusation, est que M. Khadr pourrait effectivement être accusé et condamné, dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés s'avèrent exacts.
    J'aimerais maintenant laisser la parole à mon premier collègue, Sean Richmond, qui examinera la possibilité que l'on porte des accusations contre Omar Khadr en vertu des dispositions sur l'anti-terrorisme du Code criminel.
    Ma collègue Clare Crummey et moi-même avons écrit ensemble cette partie du rapport, où nous concluons que si Omar a réellement commis les actes qui lui sont reprochés, il pourrait être poursuivi au Canada en vertu des dispositions sur l'antiterrorisme du Code criminel.
    Le code comprend deux définitions de l'activité terroriste, et tout geste qui cadre avec l'une d'elle est considéré comme un acte terroriste. Ces deux définitions s'appliquent aussi à des actes commis à l'extérieur du Canada. Mme Crummey traitera plus en profondeur de leur applicabilité à Omar.
    Fait important à souligner, les définitions de l'activité terroriste excluent un acte ou une omission commis au cours d'un conflit armé et qui, au moment et à l'endroit où les faits ont eu lieu, était visé par le droit international applicable. Sont également exclues les activités entreprises par les forces armées d'un État dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Ces deux exclusions semblent s'appliquer aux deux définitions de l'activité terroriste. Autrement dit, si Omar s'est livré à ces activités au cours d'un conflit armé, conformément au droit international ou lorsqu'il faisait partie des forces armées d'un État, il ne peut être accusé de terrorisme en vertu du Code criminel.
    Nous avons cependant conclu que ces exclusions ne devaient pas constituer un obstacle. Même si la poursuite admettrait probablement qu'en juin et juillet 2002, l'Afghanistan étant en proie à un conflit armé qui n'avait rien d'international, on pourrait faire valoir que les actes reprochés à Omar contrevenaient au droit international applicable ou n'étaient pas commis pour les forces armées d'un État. Par exemple, en construisant et en posant des dispositifs explosifs de circonstance, Omar aurait pu blesser ou tuer des gens qui ne prenaient pas part activement aux hostilités, ce qui contrevient premièrement à l'interdiction de commettre un meurtre, prévue à l'article 3 de la Convention de Genève, deuxièmement à l'interdiction d'attaquer des civils, qui figure à l'article 13.2 du protocole additionnel 2 et troisièmement à l'interdiction de mener des attaques aveugles sur des civils, stipulée à l'article 51.4 du protocole additionnel 1. En fin de compte, toute la question est de savoir si les engins explosifs en question ont été activés par les victimes.
    En outre, si l'on se fie à la définition des forces armées d'un État que comprend le Code criminel, Omar n'était pas dans l'armée afghane lorsqu'il a commis ces actes. Premièrement, al-Qaïda n'est pas organisé par un État ou en vertu de ses lois. Deuxièmement, il ne faut pas oublier qu'Omar était sous la coupe des talibans en juin 2002; or, ce régime est tombé en 2001 et ne représentait plus l'État afghan, légalement ou de facto.
    Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme Crummey.
(1220)
    Je traiterai aujourd'hui de trois infractions aux dispositions sur l'antiterrorisme du Code criminel qui, selon moi, pourraient permettre de poursuivre Omar Khadr s'il revenait au Canada.
    Premièrement, Omar aurait posé des engins explosifs improvisés dans des zones où des soldats américains devaient passer. Selon moi, cet acte pourrait constituer une infraction en vertu de l'article 431.2 du Code criminel, qui a été adopté pour mettre en oeuvre la convention internationale visant à réprimer les attentats à la bombe terroristes. Cette infraction consiste essentiellement à placer un engin explosif, comme une bombe artisanale, dans un endroit public dans l'intention de blesser ou de détruire. Il n'est pas nécessaire de prouver que l'engin a explosé ou a causé des blessures.
    Deuxièmement, Omar aurait suivi une formation d'un mois sur le maniement des armes et des mines terrestres dans un camp d'al-Qaïda. Il aurait en outre converti des mines terrestres en dispositifs explosifs de circonstance et mené des missions de reconnaissance et de surveillance contre les forces américaines afin d'appuyer les efforts d'al-Qaïda. Si ces allégations se révèlent fondées, ces actes pourraient constituer une infraction en vertu de l'article 83.18 du Code criminel, qui stipule que le fait de participer ou de contribuer aux activités d'un groupe terroriste constitue une infraction. La définition de « participer » ou de « contribuer » du Code criminel est très large et couvre notamment le fait de suivre un entraînement et d'être disposé à commettre des actes terroristes. En vertu de cette disposition, la poursuite devrait également prouver qu'Omar a été formé et a effectué des missions de reconnaissance afin d'aider al-Qaïda dans ses activités terroristes.
    La définition d'activité terroriste du Code criminel est double. Je n'examinerai pas la question en détail aujourd'hui, mais, dans le document que nous vous avons remis, nous expliquons comment la pose de dispositifs explosifs de circonstance dans un endroit public cadrerait avec cette définition de l'activité terroriste.
    Si la poursuite réussit à prouver qu'Omar a reçu de la formation sur les mines terrestres ou a mené des missions de reconnaissance, elle devra alors démontrer qu'il l'a fait afin d'aider al-Qaïda à commettre des attentats à la bombe en posant des dispositifs explosifs de circonstance.
    Enfin, l'article 83.2 du Code criminel stipule que:
Est coupable d'un acte criminel passible d'un emprisonnement à vie quiconque pose... pour un groupe terroriste... un acte qui constitue une infraction.
    Cette disposition n'introduit par une infraction distincte, elle traite plutôt toutes les autres infractions prévues au Code criminel, comme le meurtre ou la pose de dispositifs explosifs, comme un acte terroriste. La disposition s'applique aux actes commis par des citoyens canadiens à l'étranger. Cette disposition prévoit également une sentence plus sévère, soit l'emprisonnement à perpétuité.
    Normalement, les infractions prévues au Code criminel ne concernent que les actes commis au Canada. En vertu de cette disposition, on pourrait accuser Omar pour les actes commis en Afghanistan si l'on peut prouver qu'ils ont été commandés par al-Qaïda. Par exemple, Omar aurait converti des mines terrestres en dispositifs explosifs de circonstance. En vertu de l'article 83.2, on pourrait l'accuser d'avoir enfreint l'article 81 du Code criminel, qui interdit la fabrication ou la possession d'une substance explosive dans l'intention de mettre la vie d'autrui en danger ou d'endommager sérieusement une propriété.
     Bref, je crois que l'on pourrait porter des accusations criminelles valables contre Omar en vertu de ces dispositions s'il retournait au Canada.
    Je vous remercie de votre attention. Je cède maintenant la parole à mon collègue Miguel.
    Je m'appelle Miguel Mendes et je vous parlerai des dispositions sur la haute trahison qui figurent à l'article 46 du Code criminel.
    De façon générale, les dispositions sur la haute trahison prévues au Code criminel concernent les pires actes de déloyauté qu'un Canadien puisse commettre contre son pays, des actes qui constituent une grave trahison de la confiance nationale. Ces dispositions prévoient rien de moins qu'une sentence d'emprisonnement à vie, en vertu des principes de détermination de la peine dont traitera bientôt l'un de mes collègues.
    Nous avons conclu qu'Omar peut effectivement être poursuivi et que si l'on prouve qu'il est responsable des actes qui lui sont reprochés, il peut être condamné pour haute trahison. L'intérêt de la chose, c'est que les Canadiens peuvent exprimer, de façon non équivoque, leur mécontentement à l'égard de ceux qui trahissent leur confiance et sont déloyaux envers leur pays, tout en respectant les valeurs et les principes des procédures prévues dans la Charte canadienne des droits et libertés.
    Les dispositions sur la haute trahison s'appliquent généralement aux citoyens canadiens qui commettent certains actes cités dans les dispositions de la loi, et ce, même à l'étranger. Omar, qui est citoyen canadien, serait donc assujetti à ces dispositions. Il existe deux types de dispositions pouvant s'appliquer à lui, l'une étant le fait d'être en guerre contre le Canada et l'autre, l'aide apportée à un ennemi qui est en guerre contre le Canada. Laissez-moi vous expliquer brièvement ce qu'il en est.
    Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une déclaration de guerre officielle ou une guerre conventionnelle pour que l'on considère qu'une entité est en guerre contre le Canada. On peut très bien interpréter la disposition de façon très large pour l'adapter aux réalités modernes de la guerre et de la lutte contre le terrorisme mondial.
    Il existe toutefois un obstacle à contourner: le fait que le combat auquel Omar aurait participé visait des troupes américaines. Selon nous, cette distinction est purement rhétorique. Les preuves recueillies sur place montrent que le Canada fait partie intégrante de la mission en Afghanistan et que les opérations d'al-Qaïda contre les forces internationales ciblent l'ensemble des troupes plutôt que les Canadiens ou les Américains. Si tous ces faits étaient prouvés, nous croyons qu'Omar serait visé par les dispositions et pourrait être reconnu coupable.
    Le deuxième type de haute trahison consiste à aider un ennemi qui est en guerre contre le Canada. On peut interpréter cette disposition de multiples façons, mais nous avons conclu qu'il est plus raisonnable de l'interpréter de façon générale. En considérant les termes « ennemi » et « aider » de façon générale, on peut établir une disposition distincte sur l'aide apportée à un ennemi en guerre contre le Canada.
    En interprétant de façon générale cette disposition et les précédentes, nous pouvons adopter une approche globale et souple qui convient aux réalités modernes de la guerre. Nous croyons que les tribunaux privilégieraient probablement une interprétation générale plutôt qu'une approche rigide ne tenant pas compte des réalités contemporaines de la guerre.
    Voilà qui donne une idée très générale des dispositions.
    Je vous laisse aux bons soins de mon collègue.
(1225)
    Merci. Je m'appelle Andrew Harrington et je traiterai de la Loi sur l'enrôlement à l'étranger de 1936.
    Après avoir analysé cette loi, nous avons conclu que si l'on prouve qu'Omar a réellement commis les actes qu'on lui reproche, il pourrait être poursuivi en vertu de la Loi sur l'enrôlement à l'étranger pour avoir accepté de s'enrôler dans al-Qaïda. Cette loi a été adoptée en 1936 en réaction directe à la participation de Canadiens à la guerre civile espagnole afin d'empêcher les gens de s'engager. Comme il s'agit d'une intégration officielle du droit impérial britannique dans le droit canadien, plusieurs définitions que comprend cette loi diffèrent de celles qui existent normalement dans le droit canadien et international, comme l'ont indiqué mes collègues.
    En l'occurence, c'est l'article 3 de cette loi qui est le plus pertinent. Selon cet article, il faut que cinq conditions soient réunies pour que l'on puisse entamer des poursuites: l'intéressé doit être citoyen canadien; il doit avoir accepté volontairement de s'enrôler; il doit faire partie de forces armées; ces forces armées doivent relever d'un État étranger; lequel doit être en guerre avec un autre État ami. Cette loi s'applique à l'étranger, et quiconque est reconnu coupable est passible d'une amende de 2 000 $ et d'une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour ou d'une combinaison des deux. Cette loi n'a jamais été réellement appliquée au Canada jusqu'à présent.
    Reste à savoir si ces éléments s'appliquent à Omar Khadr. Ce dernier est clairement un citoyen canadien et donc un ressortissant canadien en vertu de la définition de 1936; à ce titre, il est visé par la loi. A-t-il accepté de s'enrôler volontairement dans al-Qaïda? Le terme « volontaire » signifie agir sans contrainte, sans que l'on déploie une force physique illégale ou profère des menaces pour pousser quelqu'un à commettre un acte contre sa volonté ou son jugement. Il ne fait aucun doute qu'Omar a fait l'objet de pressions pour joindre les rangs d'al-Qaïda; cependant, même si les allégations se révèlent fondées, cela ne mène à rien puisqu'on ne peut prouver qu'on l'a menacé physiquement pour ne pas s'être enrôlé ou pour avoir opposé un refus.
    Un enrôlement se définit comme un contrat ou une entente prévoyant des promesses mutuelles ou simplement une nomination. Si les allégations des Américains à l'égard d'Omar sont exactes, il a clairement été enrôlé par al-Qaïda. Il a suivi un entraînement sur le maniement de diverses armes et explosifs, a mené des missions de surveillance, a posé des explosifs et a espionné pour le compte d'al-Qaïda. Ces actes prouvent son enrôlement.
    Pour ce qui est du troisième facteur, il faut savoir qu'à l'époque où Omar s'est enrôlé, al-Qaïda constituait bel et bien un groupe armé et faisait partie des forces talibanes, selon la définition de la Loi sur l'enrôlement à l'étranger, qui stipule que des forces armées sont des forces terrestres, navales et aériennes, combattantes ou non. Lorsqu'Omar s'est enrôlé, les forces talibanes comptaient environ 45 000 soldats d'infanterie et avaient déployé 100 tanks et environ 250 véhicules de combat blindés. Comment pourrait-t-on ne pas considérer cela comme une force armée selon la définition de la loi?
    Pour ce qui est d'al-Qaïda, l'Afghanistan a notamment été envahi parce qu'al-Qaïda était si intégré aux forces talibanes que l'on ne pouvait pratiquement plus faire la distinction entre les deux. Les talibans jouaient essentiellement le rôle d'une brigade internationale, du genre de celle que les Canadiens ne devaient pas joindre pendant la guerre civile espagnole.
    À l'époque où Omar est entré dans les rangs des talibans, ces derniers répondaient à la définition d'État étranger prévue à la Loi sur l'enrôlement à l'étranger. Comme je l'ai indiqué, cette définition diffère de celle utilisée par mes collègues. Un État étranger se définit ici comme « une ou des personnes exerçant ou prétendant exercer les pouvoirs d'un gouvernement dans ou sur un pays étranger ou dans ou sur une colonie, province ou partie de province ou population ». Cette définition doit englober ceux qui prétendraient assumer des fonctions gouvernementales dans une région et cible directement les belligérants illégaux ou non reconnus. La définition s'applique clairement aux talibans dans le cas qui nous occupe, puisqu'ils prétendent, jusqu'à présent, assumer des fonctions gouvernementales dans diverses régions de l'Afghanistan.
    Dans la dernière section de cet article... les talibans étaient en guerre contre les États-Unis, qui sont de toute évidence un État ami. La définition de guerre était utilisée de façon générale à l'époque, et elle a évolué depuis pour couvrir le concept beaucoup plus large de conflit armé; il ne fait aucun doute qu'il y avait un conflit armé en Afghanistan au moment des faits.
    Si les faits allégués sont exacts, nous considérons qu'Omar pourrait être poursuivi en vertu de la Loi sur l'enrôlement à l'étranger pour avoir enfreint l'article 3.
    Je cède maintenant la parole à Mme Archibald.
(1230)
    Bonjour. Je m'appelle Catherine Archibald et je parlerai d'abord de la possibilité qu'Omar soit poursuivi pour crimes de guerre.
    Les États-Unis ont affirmé qu'Omar a enfreint le droit de la guerre, ce qui constitue un crime de guerre et est interdit en vertu du droit canadien, aux termes de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Selon cette loi, un Canadien qui commet un crime de guerre où que ce soit dans le monde peut être poursuivi au Canada et, s'il est jugé coupable, peut être condamné à la réclusion à perpétuité. Aucune des accusations que les États-Unis ont portées contre Omar ne semble concerner des crimes de guerre. Cependant, si les États-Unis ont raison et qu'il a commis un tel crime, il pourrait être condamné au Canada.
    Je vais maintenant traiter de l'utilisation de la preuve dans un tribunal canadien. Il est probable que les déclarations qu'Omar aurait faites lorsqu'il était détenu par les Américains, que ce soit à Guantanamo ou à la base aérienne de Bagram, ne pourront être utilisées en cour. En effet, le droit canadien comprend plusieurs dispositions interdisant l'utilisation de déclarations obtenues sous la contrainte ou la menace. Il y a d'abord la Convention contre la torture, dont le Canada est signataire, qui indique que toute déclaration faite sous la torture est irrecevable. Le Canada a intégré cette obligation internationale à l'article 269.1 du Code criminel.
    Cependant, ni la Convention contre la torture ni le Code criminel n'interdisent l'utilisation des déclarations recueillies par un autre moyen que la torture. Par exemple, si une déclaration a été extorquée au moyen d'un traitement cruel, inhumain ou dégradant, les dispositions de la convention ou du Code criminel ne pourraient empêcher son utilisation. Le droit canadien comprend toutefois d'autres mesures de protection qui l'empêcheraient.
    Il faut d'abord compter avec la règle des confessions de la common law, qui stipule que toute déclaration ou confession doit être faite volontairement. Comme l'a expliqué la Cour suprême du Canada, cette exigence vise à exclure les déclarations douteuses. La cour a également précisé que les menaces peuvent prendre toutes les formes et qu'une déclaration formulée dans un environnement menaçant pourrait être considérée comme non volontaire.
    Omar, qui s'est retrouvé dans des situations stressantes, a été battu et menacé, a longtemps été maintenu en isolement et a été privé de sommeil, était certainement dans un environnement hostile; les déclarations qu'il a faites seraient donc irrecevable pour un tribunal canadien.
    Enfin, la charte garantit un procès équitable à l'alinéa 11d) et à l'article 7. La Cour suprême a déclaré que toutes les preuves recueillies dans les circonstances qui violent certaines normes minimales, notamment les aveux arrachés sous la torture, ne peuvent être utilisées dans les tribunaux canadiens parce que cela violerait la charte des droits, qui prévoit que tout le monde a droit à un procès équitable.
    Mon collègue Ajmal parlera de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui exclut également les déclarations obtenues sous la menace ou la contrainte.
    Il est peu probable que l'on puisse utiliser devant les tribunaux canadiens les déclarations qu'Omar a faites lorsqu'il était détenu par les Américains, alors qu'elles pourront servir dans le cadre de la commission militaire de Guantanamo. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne peut pas être poursuivi au Canada. On pourrait s'appuyer sur d'autres types de preuves, comme les déclarations de témoins oculaires, pour le faire condamner ici.
    Je laisse maintenant la parole à mon collègue Ajmal.
    Merci.
(1235)
    Bonjour. Je m'appelle Ajmal Pashtoonyar. Comme l'ont indiqué mes collègues qui ont parlé des accusations éventuelles, j'analyserai les répercussions du jeune âge d'Omar sur les poursuites intentées contre lui au Canada.
    Conformément aux obligations du Canada, le système judiciaire canadien prend en compte l'âge de l'accusé lors d'un procès et de la détermination de la peine. Honorables sénateurs, l'âge d'Omar au moment de sa détention aura une incidence sur les poursuites au criminel intentées contre lui au Canada. J'expliquerai brièvement ce point en faisant état des obligations internationales du Canada et de l'applicabilité de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, après quoi je traiterai des peines qui pourraient être infligées.
    Le droit international comprend des normes élémentaires sur le traitement des enfants participant à des conflits armés. Il interdit notamment le recrutement et l'utilisation d'enfants en tant que soldats. Le protocole optionnel de la Convention relative aux droits de l'enfant décourage le recrutement de jeunes de moins de 18 ans dans les forces armées d'un État et interdit également un tel recrutement par des groupes armés qui ne font pas partie des forces armées d'un État. Le Canada et les États-Unis ont tous deux ratifié ce protocole. Cependant, on ne s'est pas vraiment attaqué à la question des poursuites intentées contre les enfants-soldats en vertu du droit international. Le protocole optionnel ne comprend aucune disposition sur l'âge auquel les enfants-soldats peuvent être poursuivis, sur l'étendue de leur responsabilité criminelle et sur les preuves d'intention de crime de guerre. Les États signataires sont toutefois tenus de démobiliser les enfants-soldats et de les aider adéquatement à se rétablir physiquement et psychologiquement. De plus, les enfants-soldats démobilisés sont considérés comme des victimes qu'il faut réhabiliter et réintégrer dans la société plutôt que punir. Les dispositions dont je viens de parler seraient probablement prises en compte dans les poursuites intentées au Canada contre Omar.
    Honorables sénateurs, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoit un régime spécial pour la poursuite d'enfants au Canada. Selon le droit canadien, les normes internationales peuvent être satisfaites en appliquant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en vertu de laquelle un adolescent est considéré comme une personne de moins de 18 ans.
    Les principes de cette loi fournissent un large contexte pour son application. Dans le cas présent, il est important de noter que la loi prévoit les trois principes suivants: premièrement, on reconnaît les obligations du Canada en matière de droits internationaux de la personne, y compris le protocole optionnel; en tant qu'enfant-soldat, Omar doit être réhabilité et réintégré dans la société. Deuxièmement, la loi garantit la participation de la société civile et d'organisations communautaires. Troisièmement, la loi assure la prise en compte des antécédents, de la situation particulière et des besoins spéciaux d'Omar pendant son procès.
    Pour ce qui est des instances compétentes, la loi stipule que les jeunes doivent être traduits en justice devant un tribunal pour adolescents. En effet, ces tribunaux sont les seuls habilités à traiter les infractions commises par des jeunes. Dans le cas d'Omar, même s'il est maintenant âgé de 21 ans, il a commis les infractions présumées lorsqu'il en avait 15; ainsi, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents s'appliquerait dans le cadre de son procès au Canada. Quant aux preuves, la loi limite encore davantage les circonstances dans lesquelles les confessions pourraient être utilisées contre l'accusé.
    Comme l'a déjà indiqué ma collègue Catherine, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents s'appliquerait à la détention initiale d'Omar en Afghanistan en 2002 et à son transfert à la prison de Guantanamo.
    Dans ces deux cas, toutes les déclarations qu'Omar a faites de vive voix ou par écrit ont été obtenues sous la contrainte, en l'absence d'un avocat et dans des circonstances douteuses. Ces preuves seraient donc nulles en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et contreviendraient probablement à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Enfin, le fait d'être considéré comme un adulte ou un enfant aura une incidence sur la sentence. Pour tenter de prévoir la peine qu'encourt Omar s'il est reconnu coupable, il faut envisager deux possibilités. Il faut d'abord voir s'il sera jugé comme un adulte ou un adolescent. Conformément à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, c'est à l'État et au juge de décider ce qui est le plus approprié. S'il reçoit une peine applicable aux adultes, Omar pourrait rester plus longtemps en prison. Selon l'article 62 de la loi, le tribunal doit imposer une peine pour adulte si Omar ne s'est pas prévalu de son droit d'être traité comme un adolescent. De même, la cour doit appliquer une peine pour adulte si elle juge qu'une peine pour adolescent n'est pas assez sévère. En outre, Omar sera probablement incarcéré moins longtemps et recevra davantage de services de réhabilitation s'il est jugé comme un adolescent, comte tenu du fait qu'il est détenu depuis juillet 2002, soit depuis six ans.
(1240)
    Sur ce, je cède la parole à M. Forcese.
    Cela conclut donc nos observations. Je crois que notre rapport démontre qu'il existe différents moyens pour rapatrier Omar et porter des accusations contre lui en vertu des lois canadiennes. Sa longue et pénible incarcération ainsi que son jeune âge au moment où il aurait commis les gestes qu'on lui reproche influeraient certainement sur les poursuites intentées contre lui et sa condamnation, le cas échéant. Ce sont là des considérations tout à fait correctes et raisonnables dans tout régime judiciaire qui respecte la primauté du droit et les normes constitutionnelles et légales internationales. Nous concluons donc que les lois canadiennes sont adéquates et les tribunaux canadiens compétents pour examiner le cas d'Omar et, s'il y a lieu, prononcer une déclaration de culpabilité.
    Merci.
    Merci beaucoup pour ces observations.
    Je dois vous dire que j'aimerais que tous les membres professionnels des milieux juridique et universitaire qui font des présentations devant les divers comités soient aussi concis que vous.
    Ceci étant dit, je demanderais aux membres d'être brefs. Chaque ronde de questions et réponses sera de cinq minutes, et ce laps de temps doit inclure la réponse. C'est la règle que nous avons adoptée. Il arrive parfois que l'on excède le temps alloué; j'aviserai donc les membres qui posent des questions quand ils auront parlé pendant 60 ou 90 secondes, pour donner le temps aux témoins de bien répondre. Il n'est pas approprié d'interrompre les gens qui tentent de nous donner une réponse complète, mais je veillerai à ce que la prochaine personne à poser une question pour son parti soit concise pour que tout le monde ait la chance de parler.
    Aussi, M. Forcese et moi avons discuté avant la réunion. Il serait préférable, afin de gagner du temps, que seule la personne ayant traité au cours de la présentation des points sur lesquels porte la question prenne la parole. Si M. Forcese veut intervenir, il pourra le faire; cela devrait nous permettre d'avoir des questions et des réponses d'une durée raisonnable.
    Voilà pour les précisions. Monsieur Sweet, nous vous écoutons.
    J'aimerais préciser un point, si vous me le permettez. Est-ce qu'on nous a remis ce mémoire par écrit avant la réunion aujourd'hui?
    Pas les observations qui ont été faites aujourd'hui...
    D'accord. On nous a donné beaucoup de détails, alors il aurait été utile de les avoir au préalable pour tout bien comprendre.
    Le résumé du rapport a été distribué il y a quelques semaines.
    Pour clarifier un peu les choses, notez que le résumé a été soumis. Nos règlements ne nous permettent pas de faire circuler des documents qui ne sont pas rédigés dans les deux langues officielles. Le rapport intégral est disponible sur Internet. Il n'est malheureusement offert qu'en anglais, mais l'information a été rendue publique.
    Je tenais simplement à préciser cette information en vue des questions que je poserai plus tard, en raison de la complexité des arguments juridiques. Certains semblent se contredire quant aux raisons justifiant l'arrestation, la mise en accusation et la condamnation. Il aurait été bien d'avoir tous ces documents l'un à la suite de l'autre pour que nous puissions les étudier, mais cela n'a pas été fait. Je voulais simplement m'assurer que ce n'était pas une erreur administrative de mon bureau. Nous pouvons poursuivre.
(1245)
    D'accord.
    Monsieur Silva, c'est à vous.
    Si nous avions les documents devant nous, nous n'aurions pas le temps de les analyser et de poser des questions pertinentes.
    J'aimerais remercier le professeur et ses étudiants de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa; ils ont fait un excellent travail. Je formulerai quelques commentaires avant de poser ma question.
    L'affaire d'Omar Khadr nous préoccupe depuis le premier jour, d'autant plus que la commission militaire à laquelle il est assujetti est un affront à la primauté du droit, telle que nous la connaissons. La plupart des spécialistes en matière de droits de la personne ont condamné ce qui se passe à Guantanamo Bay et sont extrêmement inquiets quant au risque qu'on y ait recours à la torture.
    Nous savons que le Canada a des obligations légales nationales et internationales en vertu des conventions qu'il a signées — la Convention de Genève, mais aussi la Convention contre la torture. Il y a un élément qui nous inquiète particulièrement: le gouvernement canadien n'a pas fourni à Omar l'assistance consulaire qu'on offre normalement aux Canadiens emprisonnés à l'étranger, et il s'est largement appuyé sur la garantie que lui ont donnée les États-Unis, qui lui ont assuré qu'Omar était traité humainement.
    Nous savons également des Nations Unies, notamment de leur rapporteur spécial, Theo van Boven, que les garanties ne suffisent pas et que les pays ne doivent pas s'y fier dans les cas présumés de torture. Nous pouvons donc nous appuyer sur cette prise de position.
    Nous avons également le jugement rendu récemment par la Cour suprême, qui indique essentiellement que les droits reconnus par la Charte sont applicables et pertinents, et qu'il est important qu'ils soient maintenus pour la primauté du droit, même dans le cas de décisions extraterritoriales.
    Nous sommes très inquiets et nous voulons ramener Omar au pays pour qu'il y soit traduit en justice; il devra bien sûr répondre de ses actes, mais nous voulons qu'il bénéficie d'un traitement équitable. Je crois que la présentation d'aujourd'hui met en lumière des arguments juridiques valides pour justifier que sa cause soit entendue au Canada. C'est ici, selon moi, qu'il devrait subir son procès.
    Nous avons des obligations nationales et internationales à remplir et nous devons les assumer de façon humaine et juste.
    Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre. Que doit faire le Canada pour s'acquitter de ses obligations et se conformer à la primauté du droit?
    Monsieur Forcese, voulez-vous répondre à la question vous-même ou pouvez-vous nous dire qui pourrait le faire?
    Je vais tenter d'y répondre. La première chose à noter, c'est la comparaison entre la réaction du Canada à la détention d'un citoyen canadien à Guantanamo et celle de nos alliés. Omar Khadr est le seul ressortissant occidental encore détenu à Guantanamo Bay, comme vous le savez. Dans la première partie du rapport, nous étudions les nationalités de ceux qui ont été relâchés et tentons de documenter le mieux possible ce qui leur est arrivé par la suite.
    Dans des circonstances tout à fait inhabituelles, le Royaume-Uni a, par exemple, réussi à rapatrier non seulement ses propres citoyens, mais aussi ses résidents permanents, tout comme l'Australie et d'autres alliés. Le Canada est le seul à n'avoir rien fait.
    Nous estimons que le gouvernement a manqué de volonté politique. Je n'irai pas jusqu'à dire que le Canada a l'obligation légale ferme d'exiger le rapatriement d'Omar en raison de son âge, ou peu importe le motif. Le gouvernement a par contre la forte obligation morale d'être plus catégorique dans ses démarches de rapatriement, surtout si on pense que nos alliés ont réussi à rapatrier leurs citoyens.
    L'autre point à considérer, évidemment, ce sont les très sérieuses allégations, plus nombreuses chaque jour, concernant la façon dont il est traité. Bien sûr, la situation dans laquelle se trouvent les détenus à Bagram et à Guantanamo est maintenant extrêmement bien documentée. Le simple fait que l'on craigne que les détenus soient victimes de mauvais traitements devrait à tout le moins inciter le gouvernement du Canada à réagir promptement et à intervenir avec force. Je ne crois pas cependant que ce soit le cas.
    Les obligations extraterritoriales qui, selon la Cour suprême, constituent un droit en vertu de la Charte ne devraient-elles pas, en quelque sorte, presser encore davantage le gouvernement à le ramener au pays pour le traduire en justice? Il n'obtiendra pas justice devant cette commission militaire. En fait, même s'il est déclaré innocent, les États-Unis peuvent le garder en détention comme combattant ennemi illicite; il ne quittera peut-être donc pas cette prison, malgré le système judiciaire qu'on a établi là-bas.
    Les politiques en place sont vraiment aberrantes. C'est un affront aux lois internationales. Nous avons bel et bien des obligations légales, en vertu de la Convention contre la torture et des droits prévus par la Charte, envers nos citoyens canadiens qui sont à l'étranger.
(1250)
    Nous avons atteint les cinq minutes exactement, monsieur Forcese, mais si vous voulez répondre à la question, vous pouvez y aller.
    Je ne demanderais pas mieux que d'aller devant les tribunaux pour faire valoir que cette inaction — c'est-à-dire, l'absence d'intervention dans ces circonstances — constitue une violation à la Charte des droits.
    Monsieur Bachand, vous avez la parole.
    Vous aurez peut-être besoin de l'interprétation, parce que je parlerai en français.

[Français]

    D'abord, je tiens à vous féliciter de vos travaux et surtout de vos plaidoyers.
    J'aimerais que vous vous imaginiez en cour. Je n'ai pas de formation en droit, mais imaginez que je suis un juge et que je viens entendre vos plaidoyers. Si je ne suis pas satisfait, je dois vous mettre à l'épreuve, et c'est ce que j'ai l'intention de faire.
    La préparation de vos travaux peut dater de quelques semaines. Vous n'êtes pas sans savoir que la Cour suprême du Canada vient de rendre une décision très importante dont vous devez tenir compte dans vos plaidoyers. Elle vient de statuer que le Canada avait violé les droits d'Omar Khadr. Le Canada a partagé le contenu de l'entretien avec les autorités américaines, alors qu'il n'était pas censé le faire. Selon la Cour suprême, cela n'aurait pas dû être permis.
    Toujours selon la Cour suprême, les représentants du Canada à l'étranger sont liés par la Charte canadienne des droits et libertés. Cela veut dire que si les obligations internationales sont contraires à la Charte des droits et libertés, celle-ci devrait avoir préséance, selon les juges.
    Dans votre plaidoyer, vous devez tenir compte de ce que la Cour suprême des États-Unis a dit au sujet de Guantanamo Bay, soit qu'il était illégal d'interdire aux détenus de contester leur détention devant une cour régulière américaine. Je trouve ces données importantes. La Cour suprême des États-Unis a aussi dit que les commissions militaires enfreignaient les Conventions de Genève. Ce détail est aussi très important.
    J'aimerais que vous parliez de la position de mon parti politique, à savoir qu'Omar Khadr devrait avoir des services consulaires allant dans le sens de la décision de la Cour suprême: le rapatriement au Canada d'Omar Khadr pour qu'il subisse un procès juste et équitable. De plus, pour faire le lien avec ce qu'a dit M. Pashtoonyar, il devrait être traduit devant un tribunal pour mineurs. En effet, il n'avait que 15 ans au moment où il a posé les gestes qui lui sont reprochés.
    Il est important que je mette vos plaidoyers à l'épreuve.
    Monsieur Bachand, vous avez eu la parole pendant plus de deux minutes.
    J'ai terminé. Je demande maintenant aux avocats de convaincre le juge de la justesse de leurs plaidoyers.

[Traduction]

    Me permettez-vous de répondre en anglais?
    J'aimerais que ces personnes répondent. Ce sont elles qui ont fait valoir ces positions. Je veux entendre ce qu'elles ont à dire avant de trancher ou de décider ce qui doit être fait.
    Sean, voulez-vous répondre à la question?
    J'aimerais que l'on clarifie la question s'il vous plaît.
    Je crois qu'il aimerait que vous énonciez la question clairement.
    Oui, pourriez-vous préciser la question?

[Français]

    Je vais le dire en français. Omar Khadr devrait obtenir des services consulaires qui tiennent compte de la décision de la Cour suprême dont j'ai parlé. Selon les motifs que j'ai invoqués, il devrait être rapatrié au Canada pour subir un procès juste et équitable. Il devrait aussi être traduit en justice devant une cour pour mineurs parce qu'il avait 15 ans au moment où il a commis les faits qui lui sont reprochés.
     Êtes-vous d'accord là-dessus?

[Traduction]

    Les pratiques nationales permettaient à Omar Khadr d'obtenir des services consulaires; un juge de la Cour fédérale a statué qu'on avait violé ces droits et a ordonné une injonction interdisant tout nouvel interrogatoire. C'est ce qui a été décidé à cet égard.
    Pour ce qui est des mesures que pourrait prendre le gouvernement canadien et de savoir si celles-ci sont soutenues par la décision rendue récemment par la Cour suprême, que ce soit en vertu de la Charte des droits ou des obligations légales internationales du Canada, je crois que vous avez raison. Bien des gens conviendraient en effet qu'il serait justifié de réclamer l'intervention du Canada sur la base de ses obligations formelles. M. Forcese a indiqué que certains pourraient s'opposer à cette idée du point de vue des lois internationales, mais sur les plans politique et moral, tous nos alliés ont établi des précédents à cet égard.
    On débattra sans doute de la décision rendue vendredi, mais au moins, la Cour suprême soutient à l'unanimité que la preuve doit lui être divulguée pour qu'il puisse être en mesure d'assurer sa défense. Je crois que les Canadiens estiment que ce genre de droit serait exercé bien plus adéquatement dans le cadre du système judiciaire du Canada, un système conforme aux normes établies et reconnu par l'ensemble des citoyens, peu importe leur idéologie politique.
(1255)
    Monsieur Marston, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier pour tout le travail que vous avez fait, car je crois qu'il s'agit d'un cas très important qui sera déterminant, si on y réfléchit bien, pour l'avenir juridique de ce pays.
    En fait, il y a deux semaines, ce comité a assisté à un moment mémorable lors du passage du sénateur Roméo Dallaire, qui nous a fait valoir son point de vue sur la primauté du droit. Ses propos ont provoqué quelques réactions négatives; c'était très intéressant. Il a déclaré que lorsqu'un État commence à choisir qui mérite d'être protégé en vertu des conventions établies par les organismes internationaux des droits de la personne, il ne vaut pas mieux que les groupes qui n'ont aucun respect pour la primauté du droit ou pour la protection des droits de la personne. Je crois que cet énoncé a en soi d'énormes ramifications, si on s'arrête quelques instants pour y penser, relativement au cas de Khadr.
    Les preuves sont claires. Omar Khadr avait 15 ans lorsqu'il a été blessé et capturé.
    J'aimerais adresser ma question à M. Forcese. Avez-vous une idée de la raison qui pousse le gouvernement du Canada, six ans plus tard, à refuser de reconnaître Omar Khadr comme un enfant soldat? Est-ce parce que cela l'obligerait à suivre le protocole des Nations Unies qui vise à assurer le rapatriement, la réadaptation et la réinsertion sociale de ces enfants au sein de la société?
    C'est inexplicable. Ceux d'entre nous qui sont assis de ce côté de la table et qui entendent les réponses du côté du gouvernement ont beaucoup de difficulté à comprendre ce point précis.
    Je ne peux prétendre avoir le privilège de savoir ce qui motive le gouvernement du Canada à adopter cette attitude. Je peux cependant vous dire qu'un certain investissement a été fait dans la politique actuelle. Les choses sont demeurées immobiles pendant des années, une inertie qui semble perdurer par le simple effet de la continuité.
    Je conviens que le cas d'Omar Khadr pourrait bien avoir des implications extrêmement importantes. Le gouvernement estime que les accusations portées contre Khadr sont graves et que le procès doit ainsi avoir lieu aux États-Unis, même si c'est devant une commission qui, selon la plupart des observateurs étrangers, contrevient aux lois internationales.
    Il est très inquiétant selon moi, et il faut voir plus loin que l'affaire Omar Khadr, qu'on décide de ne pas intervenir avec force lorsqu'il s'agit d'accusations graves. Déterminer l'ampleur de nos interventions en fonction de la gravité des accusations portées contre une personne, c'est inviter les gouvernements étrangers à concocter les plus graves accusations imaginables pour pouvoir maltraiter un Canadien sans que le Canada n'intervienne. Je crois que ce n'est pas le message à envoyer, en partie parce que nous savons tous que des Canadiens se sont trouvés dans des situations très délicates avec des autorités étrangères. J'estime donc que nous devons établir un solide précédent démontrant que le gouvernement canadien interviendra avec vigueur pour défendre les intérêts des Canadiens outre-mer.
    Nous avons vu d'autres cas, par exemple celui d'Husein Celil en Chine en ce moment. Nous venons aussi d'entendre parler du cas de Brenda Martin. Si l'on se fie à la version des faits des autorités mexicaines, le Canada aurait renoncé à l'aider presque immédiatement. Croyez-vous que d'autres citoyens canadiens, outre Omar Khadr, seraient traités de la sorte dans les mêmes circonstances? La culpabilité, pour ainsi dire, des membres de sa famille entre certainement en jeu.
    La notoriété de sa famille a sans aucun doute terni le dossier de Khadr, à un point tel que ce dernier est très impopulaire auprès du grand public et son cas est des plus controversés. Il suffit de lire les commentaires formulés par les lecteurs chaque fois qu'un article paraît dans le Globe and Mail, par exemple, pour s'en rendre compte. C'est un débat très acrimonieux.
    C'est aussi le cas, cependant, chaque fois que quelqu'un est accusé de terrorisme ou d'affiliation à un groupe terroriste. Les gens sont prompts à porter un jugement, je crois, notamment quand cette personne est emprisonnée à l'étranger par un de nos alliés dans le cadre de la campagne antiterrorisme. Je pense qu'il faut faire très attention de ne pas porter de jugement hâtif et que nous devons offrir toute la protection diplomatique et les services consulaires qui s'imposent, sans égard à la nature des accusations portées contre l'individu ou la famille de ce dernier.
(1300)
    Merci, monsieur Marston. Merci, monsieur Forcese.
    La parole est maintenant à M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci pour tout le travail que vous avez fait.
    M. Khadr fait face à de très graves accusations. On l'accuse en effet d'avoir tué un infirmier, Christopher James Speer, et d'avoir causé la cécité partielle du sergent de première classe Layne Morris. Maintenant, j'aimerais poser quelques questions sur les observations qu'on nous a présentées aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Archibald, mais M. Forcese pourra certainement intervenir s'il le désire. N'est-il pas vrai, à la lumière des différentes variables que l'on nous a présentées et des complications que posent les lois internationales et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qu'il serait beaucoup plus difficile d'intenter des poursuites de ce genre au Canada?
    Je suis désolée, pourriez-vous répéter la question?
    N'est-il pas vrai qu'il serait beaucoup plus difficile d'intenter ce genre de poursuites au Canada?
    Il est vrai que nous ne connaissons pas à l'heure actuelle tous les faits que détiennent les États-Unis, alors nous avons fondé notre rapport sur les informations qui ont été rendues publiques. En effet, il s'agit d'accusations très complexes.
    Dans ma présentation, j'ai surtout insisté sur le fait que les éléments de preuve et les aveux soutirés de Khadr à Guantanamo Bay ou à la base aérienne de Bagram sont peu susceptibles d'être admis en preuve au Canada, parce qu'il est très probable qu'ils aient été obtenus par la coercition ou même par la torture.
    Des témoins nous en ont déjà parlé, et vous avez fait allusion aux enfants soldats aujourd'hui. La plupart d'entre nous connaissent le livre qu'a écrit Ishmael Beah sur sa vie en Sierra Leone. Croyez-vous que le cas de Khadr soit bien différent de ceux des enfants soldats de la Sierra Leone? Ces enfants sont enlevés de façon violente, et on les force même parfois à assassiner leur propre famille pour les terroriser, pour installer un régime de peur. On les drogue de force pour qu'ils aient moins conscience de ce qui se passe, pour en faire des esclaves. Omar a suivi son père quelque part et a lancé une grenade en direction de deux soldats qui participaient à des activités antiterroristes. Pensez-vous que le cas de ce garçon soit unique?
    Est-ce que je peux revenir à la question de la complexité avant de répondre à la question sur les enfants soldats?
    Si vous mesurez la complexité des poursuites au Canada en fonction des variables qu'a énoncées mon équipe par rapport à ce qui se passe dans une commission militaire, il est évident que ce sera plus difficile ici, car le régime des commissions militaires fait fi de la question des enfants soldats en admettant des preuves obtenues par le biais de traitements cruels, inhumains et dégradants. Ce sera évidemment plus complexe, puisque nous adhérons à la primauté du droit, tant nationale qu'internationale.
    Pour ce qui est de comparer la gravité de la situation des enfants soldats, et de savoir si le cas de Khadr est unique, ce qui insinue que celui-ci doit être traité différemment, ma réponse est « non ». Du point de vue juridique, un enfant soldat est un enfant soldat. Bien sûr, les conditions en Sierra Leone et ailleurs, comme en Ouganda, sont horribles. Les circonstances dans lesquelles s'est trouvé Khadr l'étaient aussi, même si la situation était différente.
    L'idée de la variabilité quant à la notion de culpabilité est prévue par nos lois, c'est-à-dire que les sentences ne sont pas les mêmes en vertu du système pénal pour les adolescents. On peut être jugé comme un adulte, ou être jugé comme un adolescent. Les tribunaux peuvent donc examiner différents degrés de culpabilité et prendre en compte ces variations. C'est le point que nous voulons faire valoir. Cela apporte une certaine complexité et, par le fait même, la possibilité d'être plus nuancés.
    Dans son exposé, M. Harrington nous a dit qu'Al-Qaïda serait reconnu comme un État, tandis que M. Richmond et Mme Crummey nous ont dit le contraire. Alors, même dans vos propres observations... Cela n'a rien à voir avec le fait que le procès doive avoir lieu ici ou là-bas. Vos plaidoyers sont très ambigus quant à la façon dont le cas de Khadr serait traité quand on aura rapatrié ce dernier.
(1305)
    Voulez-vous répondre à cette question, Andrew?
    Comme j'ai tenté de le souligner, les définitions que je puise dans la Loi sur l'enrôlement à l'étranger sont tirées de la loi britannique qui l'a précédée, qui a été adoptée vers 1812. Elle a été revue dans les années 1870 et promulguée au Canada en 1936. Ce sont donc des termes et des définitions qui datent des années 1800; ils sont ainsi très loin de nos systèmes juridiques modernes et des normes internationales actuelles. Par exemple, lorsqu'on parle d'« État étranger », on ne fait pas référence à la définition technique reconnue par les lois internationales actuelles, qui est inscrite dans la Loi antiterroriste du Canada. Essentiellement, nous devons composer avec des réalités et des termes juridiques qui diffèrent selon les époques.
    Cela peut sembler quelque peu bizarre, et ça l'est peut-être, mais ces définitions sont contenues dans la loi et ne sont pas applicables en dehors de celle-ci, alors que celles données par Mme Crummey et M. Richmond... C'est tout à fait cohérent.
    J'aimerais apporter quelques précisions. Les définitions varient. La Loi sur l'enrôlement à l'étranger utilise une définition beaucoup plus vaste du terme « État » par rapport à la signification plus intuitive employée dans le Code criminel. Nous nous conformons donc entièrement à la loi. Cela ne paraît peut-être pas très logique, mais nous suivons les définitions données dans ces lois. Pour nous, il n'y a donc rien d'incohérent dans notre discours.
    Merci, monsieur Sweet.
    Nous avons un problème de temps. Nous avions prévu terminer la deuxième ronde de questions à 13 h 15, mais comme me l'a fait remarquer M. Silva, tout le monde n'aura pas le temps de poser sa deuxième question d'ici là. Il me suggère que je pose une question avant de lever la séance, mais ce n'est pas ce que j'ai l'intention de faire, à moins que ce ne soit le voeu du comité.
    Nous avons le choix de prolonger la séance pour être en mesure de terminer la deuxième ronde ou de nous arrêter ici. Qu'est-ce que décide le comité? J'ai entendu qu'une personne aimerait qu'on prolonge la séance. Quelqu'un d'autre?
    M. Wayne Marston: Si vous voulez prolonger...
    Le président: D'accord. On dirait que c'est ce que nous allons faire. Nous entamons donc la seconde ronde de questions. Monsieur Silva, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président...
    Monsieur Silva, je suis désolé. C'est mon erreur. J'ai oublié de mentionner quelque chose aux membres du comité.
    Nous avons un problème de calendrier que j'aimerais que l'on règle à la fin de la séance, si vous le permettez. Nous devons déterminer s'il est nécessaire de nous réunir mercredi pour examiner les témoignages entendus sur l'affaire Khadr. Nous ne nous sommes pas encore concertés à ce sujet. Êtes-vous d'accord pour qu'on règle ce point à huis clos à la fin de la séance? Sinon, nous pouvons toujours remettre ça à demain, mais nous aurons un problème d'horaire. Est-ce que cela vous convient d'examiner le tout à la fin de la séance?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Très bien, merci.
    Monsieur Silva, nous vous écoutons.
    J'ai parlé plus tôt, et c'est peut-être dans le mémoire, de l'importance d'assurer le rapatriement de M. Khadr au Canada, chose que nous avons l'obligation de faire, tant au niveau national qu'international.
    J'ai d'énormes réserves — et je crois en avoir fait part plusieurs fois à ce comité — par rapport à ce qui se passe à Guantanamo et à la question des commissions militaires, qui ont été établies sur ordre présidentiel et que bien des membres du Congrès américain remettent en question à l'heure actuelle. Beaucoup d'avocats spécialisés dans la protection des droits de la personne de partout dans le monde se sont demandé s'il existait des précédents juridiques à cet égard. Certains soutiennent, bien sûr, que les ordres présidentiels donnés en temps de conflit militaire ont préséance sur ces ententes internationales ayant force exécutoire. Toutefois, ce sont des propos tenus par un petit nombre de personnes qui gravitent autour de la Maison-Blanche de M. Bush. Ce n'est certainement pas l'opinion de l'ensemble de la communauté internationale.
    Bon nombre d'instances judiciaires internationales reconnues ont rendu des décisions soutenant que l'on s'inquiétait sérieusement des risques de recours à la torture par les autorités de Guantanamo. Toute cette affaire de procès secrets et d'éléments de preuve confidentiels est très troublante, et c'est une des raisons, à mon avis, pour lesquelles on est si inquiet.
    Nous sommes, comme on l'a mentionné plus tôt, le seul pays occidental à avoir un de ses citoyens encore détenus là-bas. J'estime donc que nous avons plus qu'une obligation morale; nous avons en fait l'obligation légale de ramener Omar Khadr au pays pour qu'il subisse son procès ici. C'est le point à souligner, car beaucoup font circuler la fausse rumeur à l'effet que nous voulons le ramener au pays pour le dégager de toute responsabilité. Nous craignons grandement toutefois que les actions des États-Unis — de l'administration Bush, plus précisément — entraînent une grande injustice. Même les candidats actuels à la présidence, comme Barack Obama et Hillary Clinton, ont exprimé des réserves par rapport à Guantanamo et ont d'ailleurs promis de fermer l'établissement, parce qu'ils comprennent très bien que celui-ci ne respecte pas les normes juridiques ni les pratiques judiciaires.
    Je crois que vous avez bien expliqué ce qui attendrait Khadr à son retour, et j'estime qu'il est nécessaire de le répéter. Si vous avez quelque chose à ajouter par rapport aux mesures qui pourraient être prises, j'aimerais bien l'entendre.
(1310)
    Puis-je faire une autre observation?
    Nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour dire que rapatriement n'égale pas impunité. Nous ne demandons pas que M. Khadr soit rapatrié pour qu'aucune accusation criminelle ne soit portée contre lui ni qu'aucune autre mesure ne soit prise. Je sais que des rumeurs circulent. Nous avons produit ce rapport en vue d'examiner et d'évaluer cette hypothèse, et nous avons constaté qu'elle était tout simplement fausse.
    J'ajouterai qu'outre les poursuites criminelles, il existe d'autres dispositions pénales sou forme d'engagements à ne pas troubler l'ordre public. L'article 810.01 du Code criminel prévoit justement une disposition de ce genre relativement aux actes terroristes. Elle permet à un tribunal d'imposer des conditions pour régir le comportement d'un individu lorsque le gouvernement a des motifs raisonnables de croire qu'il est susceptible de commettre des actes de terrorisme. De telles dispositions ont été appliquées dans le cas de certains des membres du groupe des 18 de Toronto, qui ont été relâchés après avoir contracté un tel engagement. Ils doivent ainsi respecter certaines conditions restreignant leur comportement et leurs fréquentations et leur imposant un couvre-feu, etc. S'il devait décider de ne pas intenter de poursuites contre M. Khadr après son rapatriement, le gouvernement disposerait ainsi d'autres mesures pour régir le comportement de celui-ci.
    Je le mentionne simplement pour que vous le sachiez.
    Merci, monsieur Silva.

[Français]

    Monsieur Bachand, s'il vous plaît, c'est votre tour.
    Je ne sais pas si vous avez pris le temps de lire la décision de la Cour suprême. Cette fois-ci, mes questions seront un peu plus précises. D'abord, pensez-vous que la décision de la Cour suprême laisse supposer que le gouvernement devrait aller plus loin et ne pas se contenter de produire des documents à l'appui de la défense d'Omar Khadr? Selon vous, cette décision de la cour donne-t-elle plus de droits à Omar Khadr que la seule production des documents de ces entretiens pour se défendre?
    D'autre part, j'aimerais savoir comment vous considérez les commissions militaires américaines. Je vous ai dit plus tôt que la Cour suprême américaine avait statué sur différents aspects juridiques et légaux des commissions militaires. Pensez-vous qu'elles soient conformes aux normes juridiques internationales en termes de détention, de poursuite et de procès?
    Selon vous, la Cour suprême a-t-elle précisé suffisamment les moyens qui permettraient de garantir la conformité aux normes juridiques internationales normalement applicables? Autrement dit, croyez-vous que le pouvoir politique doive se conformer immédiatement à l'ensemble des données avancées? J'imagine que vous allez dire qu'il vous faudra lire attentivement la décision et que vous réserverez vos commentaires pour plus tard. Si c'est le cas, je vais comprendre. Mais peut-être que spontanément, à la lecture de la décision, vous pourriez dire que vous pensez que cela peut aller plus loin que la production de documents. Vous pourriez dire beaucoup de choses.
     Essayez de sortir des sentiers battus de l'éducation juridique traditionnelle. Vous êtes devant un comité parlementaire. Je ne suis plus juge maintenant. Dites-moi si vous voyez autre chose dans la décision de la Cour suprême que la production de documents.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Il est important de noter que la Cour suprême a fondé la totalité de sa décision sur le jugement rendu en juillet 2006 par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Hamdan c. Rumsfeld. Avant 2006, le centre de Guantanamo était carrément illégal selon les Cours suprêmes du Canada et des États-Unis.
    En 2006, le Congrès américain s'est dépêché de faire adopter la Military Commissions Act avant les élections de mi-mandat, élections que l'administration en place a perdues. Nous savons que cette loi permet encore de soutirer de l'information à des détenus par différents moyens. Nous savons qu'elle autorise l'utilisation de preuves obtenues par ouï-dire. Et en février dernier, après la publication de nos recherches, plus de 34 sociétés du barreau des quatre coins du monde ont qualifié le processus employé à Guantanamo d'affront à la primauté du droit et ont empressé le premier ministre d'obtenir le rapatriement d'Omar Khadr.
    La Cour suprême a ainsi décidé d'imposer le fardeau de la preuve au gouvernement, sur la base que le détenu était traité humainement; examinons donc un peu le processus juridique. Il est évident qu'il force le gouvernement à fournir les motifs légaux qui justifie de maintenir la détention de Khadr et de laisser le procès avoir lieu.
(1315)
     Quelqu'un d'autre aimerait réagir?
    Je me demandais si je pouvais répondre à votre deuxième question à propos du processus des commissions militaires. Ajmal a fait mention de certains détails.
    Même après les modifications qui ont été apportées en 2006, une grande partie des principes fondamentaux du nouveau processus des commissions militaires contreviennent toujours à l'idée générale que l'on se fait de la primauté du droit. Ajmal a donné un exemple, c'est-à-dire la recevabilité des preuves par ouï-dire, que n'admettent généralement pas les tribunaux canadiens et américains, mis à part quelques exceptions, mais que l'on utilise largement dans le cadre des commissions militaires.
    Un autre exemple assez troublant, selon moi, c'est qu'avant les changements, les avocats de la défense n'avaient pas accès aux preuves détenues contre Omar ni aux faits qu'on lui reprochait, etc. Ils y ont maintenant accès, mais seulement au moment du procès. Ils ne sont pas autorisés à consulter les documents au préalable ni à vérifier l'information de quelque façon que ce soit. Les documents qu'on leur permet de voir lors du procès ont déjà été censurés pour des motifs de sécurité nationale.
    De plus, le juge aura quant à lui accès aux versions non censurées des documents, ce qui pose évidemment problème. Alors, la personne qui aura le mandat de décider du sort d'Omar verra les versions non révisées des documents, qui seront ensuite censurés et remis à la défense.
    M. Silva a soulevé un point semblable un peu plus tôt, c'est-à-dire la possibilité qu'Omar soit détenu pour une durée indéterminée même s'il est trouvé innocent.
    Finalement, la Military Commissions Act de 2006 stipule que les détenus ne peuvent invoquer les droits que leur confère la Convention de Genève. Nous estimons que ces quatre exemples montrent bien que le régime des commissions militaires constitue un grave affront à la primauté du droit, et je crois qu'il commence à y avoir consensus à cet égard.
    Merci. Voilà qui termine cette intervention.
    Monsieur Poilievre, vous êtes le suivant.
    À quel moment M. Khadr s'est-il rendu en Afghanistan? Quand a-t-il quitté le Canada? Qui peut me répondre?
    Je pense pouvoir répondre à cette question. Voulez-vous seulement savoir à quel moment Omar s'est rendu en Afghanistan la première fois? Certains faits indiquent que la famille a fait des allers-retours.
    Quand y est-il allé la dernière fois? Pas besoin d'être très précis, je veux seulement savoir en quelle année.
    C'était en 2002. Il était là en 1996...
    Je m'intéresse seulement à la dernière fois où il a quitté le Canada pour se rendre là-bas. C'était donc en 2002.
    Tout à fait, pour autant que je sache.
(1320)
    D'accord. Selon votre témoignage, il était là pour combattre aux côtés d'al-Qaïda et des talibans.
    Il était là avant 2002. Tout cela n'est pas très clair. On n'a pas indiqué publiquement où il se trouvait dans la période allant de 2001 à l'été 2002. Une chose est toutefois sûre; il s'est retrouvé là-bas avant 2002.
    Quand a-t-il quitté le Canada pour s'y rendre? C'est tout ce que je veux savoir.
    Je ne sais pas si nous avons ce renseignement.
    Désolé; c'était en 1996.
    Alors il ne serait pas revenu au Canada...? Quand est-il parti du Canada pour la dernière fois pour aller prendre part à ces combats?
    Nous n'avons pas de renseignements à ce sujet. Il faudrait peut-être vous adresser au bureau des passeports pour voir s'il y a un dossier de renouvellement ou des données semblables. Nous savons par contre que de 1996 jusqu'à 2001, la famille Khadr aurait parcouru l'Afghanistan et le Pakistan, tout en effectuant de fréquentes visites au complexe d'Oussama ben Laden.
    Vous ne pouvez pas nous indiquer la dernière fois où il s'est trouvé au Canada?
    Je ne crois pas que nous ayons de l'information au sujet de ses déplacements ni aucune donnée de cette nature. Il est possible que ces renseignements soient du domaine public, mais on ne les retrouve pas dans notre rapport. Je ne pourrais pas non plus vous répondre de mémoire.
    Est-ce que ses parents lui ont permis de participer à ces combats?
    Il s'agit là de questions de fait que vous devriez plutôt poser aux autorités américaines qui semblent disposer de renseignements de toutes sortes que nous n'avons pas.
    Nos informations nous viennent entièrement du domaine public. C'est une source relativement limitée qui est surtout concentrée dans le secteur des médias. Il serait sans doute préférable que vous posiez ces questions aux fonctionnaires ministériels qui peuvent être au courant de faits qui ne sont pas connus du public.
    Suivant l'argumentation étayée publiquement par les défenseurs de M. Khadr, ses parents l'auraient envoyé au combat alors qu'il était trop jeune pour décider par lui-même. Si cette argumentation est fondée, je serais simplement curieux de savoir pour quelle raison il n'y a pas eu de poursuite à l'encontre de sa mère pour avoir participé au recrutement d'un enfant-soldat.
    Encore là, ce n'est pas une question qui est de notre ressort. Il faudrait plutôt la poser au Service des poursuites pénales du Canada.
    Il faut se rappeler que la Loi sur l'antiterrorisme est entrée en vigueur en décembre 2001. Tout acte pouvant faire l'objet de poursuites en application de cette loi doit donc avoir été commis après décembre 2001. Il y aurait un problème de rétroactivité pour tout événement antérieur à cette date.
    C'est peut-être l'une des raisons. Il y a aussi le fait qu'il est possible que la poursuite ne dispose pas d'éléments suffisants pour avoir une chance raisonnable d'obtenir une inculpation.
    Mais nous savons qu'il combattait aux côtés d'al-Qaïda et des talibans. Nous ne connaissons pas exactement le rôle qu'il remplissait à ce titre, mais il est établi qu'il combattait effectivement à leurs côtés.
    Nous savons qu'il a été recruté. À la lumière de certains documents vidéos qui ont été diffusés, nous le soupçonnons d'avoir participé à la confection d'engins explosifs artisanaux. Des allégations ont été soulevées par les États-Unis quant à son degré de participation. Il y a un acte d'accusation qui a été rendu public. Une de ces allégations porte bien évidemment sur l'échange de coups de feu qui a eu lieu en 2002; il s'agit d'établir qui a lancé une grenade et dans quelles circonstances. Nous avons des raisons de croire que certaines des allégations soulevées sont fausses...
    Merci beaucoup. Le fait demeure que nous savons qu'il a participé au conflit aux côtés d'al-Qaïda de même qu'avec les talibans. Nos soldats livrent maintenant combat à ces groupes. Vous avez reconnu qu'il pouvait s'agir des motifs de poursuite contre M. Khadr.
    J'en reviens à cette contradiction mise au jour tout à l'heure par M. Sweet. Lorsqu'il s'agit de savoir s'il fera l'objet d'une exemption dans l'application de la Loi antiterroriste, vous aviez indiqué que les talibans ne seraient pas considérés comme un État, mais voilà qu'aux fins de l'application d'autres lois, vous disiez qu'ils seraient réputés en être un.
    On a l'impression que vous avez monté un dossier en vous livrant à toutes sortes de contorsions dans un effort délibéré pour nous convaincre qu'il doit être jugé au Canada. Mais je note effectivement des contradictions dans votre présentation de la cause.
    Comme je vous l'ai déjà expliqué, il n'y a pas de contradiction. On retrouve dans la Loi sur l'enrôlement à l'étranger une définition extrêmement large du terme « État ». Elle vise notamment les entités se présentant comme l'autorité gouvernante non seulement d'un pays,mais aussi d'une région donnée. C'est donc une définition qui englobe énormément de choses. Elle diffère beaucoup de la compréhension moderne de ce qu'est un État, telle qu'établie notamment dans le Code criminel.
    Nous sommes donc confrontés à deux conceptions distinctes, et pas nécessairement à des contradictions à l'intérieur d'une même perspective.
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Pendant que la discussion se poursuivait, l'attaché de recherche, le greffier et moi-même avons fébrilement parcouru le livre de Michelle Shephard à la recherche de références. Nous avons trouvé à la page 79, la mention d'un voyage au Canada en prévision du retour des enfants au Pakistan au début de 2001. C'est la référence la plus récente que nous ayons pu dénicher. Mais tout cela n'est guère probant; c'est le simple résultat de nos recherches dans cette source-ci.
    Monsieur Marston, vous avez droit à la prochaine question.
(1325)
    C'est une question que je souhaite adresser à tous nos témoins.
    À l'écoute de votre exposé, j'ai cru déceler une prise de position en faveur du rapatriement de cet individu au Canada. Vous avez fait valoir que 34 sociétés du barreau considèrent que Guantanamo fonctionne à l'extérieur du processus judiciaire normalement reconnu et y voient en quelque sorte un affront.
    J'aimerais que chacun de vous m'indique — par oui ou par un non — s'il estime qu'Omar Khadr devrait être rapatrié pour être jugé au Canada.
    Je crois qu'il devrait être ici depuis le moment où il a été capturé et emmené à Guantanamo. Nous n'avons pas eu gain de cause, et nous avons gardé le silence depuis.
    Ce que je voulais en fait, c'est que chacun me réponde par un oui ou par un non.
    Je pense qu'il est assez évident que nous allons tous vous répondre par l'affirmative. C'est la motivation même de notre rapport.
    Merci.
    Vous aviez quelque chose à ajouter, monsieur Marston?
    Cette réponse me satisfait pleinement, merci.
    Alors, je tiens à remercier tous nos témoins. Vous avez fait montre d'une grande générosité en nous fournissant beaucoup d'information malgré les contraintes qui vous ont été imposées. Nous vous sommes reconnaissants pour votre comparution.
    Nous devons maintenant vous demander de quitter la salle sans tarder — et ce message s'adresse aussi à nos amis des médias — parce que nous allons poursuivre nos travaux à huis clos...
    Non, nous n'avons plus le quorum.
    La séance est levée.