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Monsieur le Président, je vous remercie. Je savais bien que vous ne pouviez pas être à ce point déconnecté.
Je suis donc heureux de pouvoir terminer mon discours. J'en étais rendu à expliquer que le gouvernement avait procédé à la synthèse des cinq projets de loi qu'il avait déposés en matière de justice et que ceux-ci constituaient le nouveau projet de loi , que nous avons étudié avec beaucoup de vigilance en comité parlementaire.
Je mentionnais que le Bloc, même s'il appuie le projet de loi , ne pouvait s'empêcher d'apporter un certain nombre de nuances. Avant d'être interrompu pour la période des questions orales, j'ai indiqué à cette Chambre que, dans son histoire, le Bloc québécois a émis énormément de réserves en ce qui concerne l'imposition de peines minimales obligatoires.
De longue date, les députés du Bloc québécois soutiennent que ce n'est pas un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté. Nous sommes davantage convaincus qu'il nous faut plutôt fournir des moyens aux policiers pour permettre le dénouement des enquêtes. Il est davantage question ici du caractère effectif des lois et de la crainte qu'elles inspirent. Nous croyons que certains contrevenants, certaines personnes qui pourraient se trouver en situation de délit, seront davantage dissuadés par la possibilité effective d'être traduits devant les tribunaux que par les peines minimales obligatoires dont ils risquent d'écoper. En effet, les témoins en comité nous ont expliqué que les gens ne lisent pas nécessairement le Code criminel avant de commettre des infractions. C'est la raison pour laquelle, historiquement, nous avons été extrêmement réticents à l'égard des peines minimales obligatoires.
Nous avons également analysé toute la question de l'âge du consentement, maintenant devenu l'âge de protection. Ce dossier était sous la responsabilité de ma collègue de . Très tôt dans ce débat, le chef du Bloc québécois et député de , en liaison avec son caucus, on s'en rappellera, avait souhaité qu'on inclue une clause d'âge de proximité pour s'assurer que les jeunes en âge de fréquenter des établissements scolaires ayant des relations sexuelles non exploitantes ne seront pas susceptibles d'être arrêtés.
Nous avons également étudié toute la question du renversement du fardeau de la preuve non pas à l'étape du procès, mais à l'étape de la mise en liberté potentielle par voie judiciaire, comme le permet l'article 515 du Code criminel. Le gouvernement proposait un renversement du fardeau de la preuve qui, nous en avons été informés, était déjà la pratique courante. En effet, selon les experts qui sont venus nous parler en comité, les gens qui commettaient des infractions mettant en jeu des armes à feu ne faisaient pas l'objet d'une libération à l'étape de la comparution par voie judiciaire.
Nous avons bien sûr examiné, lors de l'étude du projet de loi de loi en comité, toute la question de la conduite avec facultés affaiblies. Je ne parle pas ici d'une politique ministérielle en particulier, mais bel et bien du projet de loi qui introduit trois grandes innovations.
On rendra obligatoire le fait de s'arrêter et de se soumettre à des tests. C'était autrefois facultatif, en vertu du Code criminel. Il y aura donc deux grands types de tests. La personne pourra, dans un premier temps, se livrer à des tests de sobriété normalisés en bordure de la route, on le conçoit. Ensuite, il y aura la possibilité d'être examiné, au poste de police, par un expert en reconnaissance de drogues. On nous a informés que cette pratique existait dans certains États américains et que des gens au Québec avaient même reçu cette formation.
Évidemment, nous ne minimisons pas l'importance du phénomène de la conduite avec facultés affaiblies. Pas plus tard que ce matin, le Bloc québécois a donné son concours — concours éclairé, faut-il préciser — à une motion présentée par le secrétaire parlementaire pour étudier un certain nombre de questions d'intérêt, puisqu'on sait que nos concitoyens sont préoccupés par celles-ci.
En fait, le projet de loi qui suscitait chez nous le plus d'interrogations, même si nous appuyons le projet de loi , était celui à propos du renversement du fardeau de la preuve pour les délinquants dangereux.
On sait que le Code criminel comporte des dispositions concernant les délinquants dangereux depuis 1947. D'ailleurs, nos personnes âgées utilisaient quelquefois l'expression « repris de justice ». Ma mère disait cela, non pas en s'adressant particulièrement à l'un de ses enfants, évidemment. Elle parlait tout de même des repris de justice de manière générale. J'ai pu faire le lien entre cette expression qui était passée dans le vocabulaire de nos personnes âgées et une disposition du Code criminel.
Nous avions des interrogations. Bien sûr, en droit, c'est toujours sérieux un renversement du fardeau de la preuve. Je vous lis la liste d'infractions primaires: le trafic d'armes, la possession d'armes à feu, l'importation et l'exportation non autorisées, la décharge d'une arme à feu, la tentative de meurtre, l'agression sexuelle armée, l'agression sexuelle grave dont celle qui implique une arme à feu, l'enlèvement, la prise d'otage, le vol qualifié, qui se fait avec violence et arme à feu, et l'extorsion.
Il semble que mon temps de parole soit terminé. Pourriez-vous demander à la Chambre si elle consent à ce que je puisse parler pendant cinq autres minutes, monsieur le Président? Je vous livrerais alors ma conclusion.
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Monsieur le Président, je vous remercie, c'est trop gentil. On a quasiment l'impression qu'il y a des gens qui sont attachés à moi. C'est très gentil. Je remercie mes collègues.
Au Bloc québécois, nous avions pris la mesure du sérieux des infractions primaires. Bien sûr, nous ne prenons pas cela avec désinvolture, mais en même temps, nous nous sommes posé des questions sur le renversement du fardeau de la preuve. Cela signifie que lorsqu'une personne aura commis deux infractions assimilables à cette liste et qu'elle en commettra une troisième — ce qui est quelque chose de préoccupant —, elle devra expliquer pourquoi elle ne doit pas faire l'objet d'une désignation de délinquant dangereux.
Bien sûr, jamais la Couronne n'est mise en obligatoirement en instance de présenter une désignation de délinquant dangereux. Elle doit informer le procureur — parce que cela nécessite le consentement du procureur — et le tribunal si elle entend, oui ou non, présenter une désignation dans les cas dangereux.
Or, le comité a été informé que cela pouvait requérir énormément de travail sur le plan de la preuve et de la constitution du dossier physique. On nous a même avancé le chiffre de 300 heures pour la Couronne et de 300 heures pour la défense, pour un grand total de 600 heures.
Je mets aussi dans la balance qu'il y a déjà dans le Code criminel plusieurs dispositions qui concernent le renversement du fardeau de la preuve. Par exemple, si vous êtes assis dans le siège du conducteur et que vous êtes évidemment dans une situation d'infraction, même si la voiture est arrêtée, vous êtes réputé être le conducteur et propriétaire de la voiture.
De plus, il y a dans le Code criminel un fardeau de la preuve concernant la prostitution. Si vous fréquentez une personne assimilée aux infractions aux articles 210, 211, 212, 213 du Code criminel, vous êtes réputé vivre des fruits de la prostitution. Il y a six ou sept renversements du fardeau de la preuve qui ont donné lieu à des décisions, comme l'arrêt Downey dans le cas de la prostitution, l'arrêt Smith dans le cas des armes à feu et l'arrêt White concernant la possession et le trafic de stupéfiants. Nous ne pouvons évidemment pas souhaiter que le renversement du fardeau de la preuve fasse l'objet d'une généralisation.
Le Conseil des avocats de la défense, tout comme le Barreau, s'est inquiété que le renversement du fardeau de la preuve pourrait potentiellement être attentatoire concernant un des droits garantis dans la Charte, soit le droit de garder le silence.
Ici, on oblige, c'est la logique même. Si vous êtes dans une situation où vous avez commis deux infractions et que vous en commettez une troisième, il y a une déclaration de désignation de délinquant dangereux. Vous devrez nécessairement vous défendre. Votre avocat peut assurer votre défense sans vous faire témoigner et peut faire témoigner d'autres personnes ou des témoins experts. Cependant, les gens en comité se sont inquiétés du fait que cela pouvait être attentatoire au droit de garder le silence, à la présomption d'innocence. Il y a même des témoins qui se sont inquiétés que cela pouvait aller contre l'article 7 concernant la liberté, les peines cruelles et inusités. Il y a même des témoins qui ont dit que cela pouvait donner lieu à un non-respect de l'article 10 de la Charte concernant la détention arbitraire.
On voit donc pourquoi le Bloc québécois a pris avec énormément de sérieux le projet de loi . D'ailleurs, nous avons eu une très bonne discussion en caucus où les collègues ont pu faire valoir leur point de vue, mais nous en sommes arrivés à la conclusion que dans la balance des avantages et des inconvénients, il était souhaitable d'appuyer le projet de loi . Cependant, je mets en garde le gouvernement contre toute tentative ultérieure de présenter des projets de loi avec le renversement du fardeau de la preuve.
Je félicite tous les collègues députés qui ont travaillé avec sérieux à l'étude du projet de loi en comité.
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Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi omnibus sur la criminalité.
J'aimerais commencer par exprimer notre profonde insatisfaction concernant le retard dans l'adoption des composants du projet de loi. Le gouvernement s'est comporté de façon nettement partisane en ce qui concerne ce projet de loi et ses composants. Il s'en est servi à l'encontre de l'intérêt du pays, qui aurait voulu qu'on adopte certains projets de loi dans les plus brefs délais. Il a retardé le processus législatif pour pouvoir critiquer le Parti libéral, à la Chambre et au Sénat. Il s'est employé à dépeindre les libéraux, les autres partis de l'opposition et quiconque n'adhérait pas à son programme radical de droite en matière de criminalité comme des velléitaires de la lutte contre la criminalité.
Plus de 60 p. 100 du projet de loi était déjà rendu au Sénat. Il y avait trois projets de loi au Sénat lorsque nous sommes partis en congé pour l'été. Si je me fie à l'expérience passée, je dirais qu'au moins un et probablement deux de ces projets de loi auraient déjà été adoptés par le Sénat à l'heure qu'il est. En tout cas, ils l'auraient certainement été avant le congé de la fin de la présente année. Les trois projets de loi auraient même probablement été adoptés d'ici là.
La décision du gouvernement de proroger le Parlement, puis de présenter de nouveau ces cinq projets de loi sous la forme du projet de loi omnibus, a retardé de plusieurs mois l'adoption des trois projets de loi en question et peut-être d'autres projets de loi également. De plus, avec un gouvernement minoritaire, nous risquons évidemment toujours que des élections soient déclenchées subitement en raison d'un manque de confiance envers le gouvernement. Et, bien entendu, il y a de bonnes raisons pour manquer de confiance envers les conservateurs.
Pareille chose pourrait se produire n'importe quand, ce qui nous forcerait à reprendre une nouvelle fois l'étude des projets de loi à partir du début, une fois les élections terminées. L'adoption de ces projets de loi pourrait être reportée d'une ou de deux autres années. Le gouvernement a volontairement causé ce retard pour pouvoir faire de la politique partisane autour de ces projets de loi.
Prenons le temps d'examiner les projets de loi que le Sénat était en train d'étudier. Il y avait parmi eux le projet de loi sur les peines minimales obligatoires, qui constitue un élément important du programme du gouvernement. Je dois dire que les partis de l'opposition, à commencer par mon propre parti, ont pu réduire les peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi pour qu'elles soient conformes aux politiques de détermination de la peine des tribunaux du pays, en particulier des tribunaux supérieurs, et pour qu'elles soient conformes aussi à la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui prévient l'invalidation des dispositions en question.
Ce projet de loi est revenu aux Communes. Sur les cinq projets de loi constituant le projet de loi omnibus, c'était le premier à se rendre au Sénat. Or, le voici de retour dans cette enceinte, et il faudra encore des mois avant qu'il soit adopté.
Encore une fois, tout cela est dû uniquement aux politiques partisanes du Parti conservateur et du gouvernement formé par ce parti. Honnêtement, c'est une honte.
Dans le cas de ce projet de loi, nous l'avons appuyé parce qu'il est nécessaire que nos juges aient des lignes directrices précises en ce qui concerne certains crimes violents. Ce projet de loi fournissait ces lignes directrices. Honnêtement, nous avons défendu ce projet de loi durant la dernière campagne électorale. Lorsque le projet de loi a été rendu conforme à la Charte, nous avons été ravis de l'appuyer.
Passons à l'autre projet de loi dont le Sénat a été saisi, le projet de loi sur l'âge du consentement. Nous avons mené des combats difficiles pendant des années sur l'opportunité de faire passer l'âge du consentement de 14 à 16 ans. Je dirais que cette question a été soumise à la Chambre au moins une demi-douzaine de fois au cours des dix dernières années, sous la forme de projets de loi d'initiative parlementaire. Nous avons tenté de saisir la Chambre de cette question dans un projet de loi d'initiative ministérielle au cours du règne libéral, en 2005, mais en vain. Cependant, la proposition visant à faire passer de 14 à 16 ans l'âge du consentement jouit d'un appui solide au Canada.
Comme le révèlent les sondages et comme nous le disent des experts, de 70 à 75 p. 100 des Canadiens sont d'accord pour que cette mesure soit adoptée, pour que le Canada s'adapte à l'ère moderne et se compare à plusieurs autres pays à ce chapitre. Je reconnais que d'aucuns s'opposent à cette mesure, mais la vaste majorité des Canadiens la réclament. Toutefois, les risques que la mesure n'entre pas en vigueur me semblent élevés si la conduite du gouvernement donnait lieu au déclenchement d'élections surprises.
Également, il y a eu un petit projet de loi sur les auteurs présumés d'infractions graves, les individus qui demandent à être libérés sous caution après avoir été accusés d'infractions graves commises avec une arme à feu.Tous les partis de l'opposition ainsi que le parti ministériel, évidemment, ont donné leur appui à cette mesure. Le Sénat en a été saisi. Pourtant, elle risque de ne pas devenir loi avant les prochaines élections.
Je voudrais que la population canadienne comprenne à quel point le gouvernement est prêt à faire de la petite politique sur des questions très graves et, dans certains cas, sur des questions de vie et de mort.
Pour que les conservateurs réussissent à exploiter leur programme à leur avantage, pour montrer qu'ils vont sévir contre le crime, avec toute la virilité que cela implique, ils doivent pouvoir être en mesure de reprocher aux libéraux tout particulièrement d'être complaisants en matière de criminalité et de retarder les choses. Or, ce n'est pas exact. Aucun des partis de l'opposition n'a retardé ces projets de loi.
Le projet de loi omnibus est composé de cinq anciens projets de loi, comme je l'ai déjà dit. Les trois dont j'ai parlé ont trait aux peines minimales obligatoires pour des crimes violents graves, à l'âge du consentement et à la disposition concernant la remise en liberté sous caution. Des deux autres composantes, l'une vise la conduite avec facultés affaiblies par la consommation de drogues, légales ou illégales, et englobe notamment une disposition visant à éliminer, d'une façon raisonnable et vraisemblablement efficace, ce que l'on appelle communément la défense dite des deux bières.
À mon avis, c'est déjà passablement scandaleux qu'une telle défense ait pu être invoquée. Elle dévalorise nettement le recours à l'ivressomètre et à la technologie connexe. J'estime que le libellé est maintenant au point. Il permet de rejeter cette défense lorsqu'elle est inacceptable tout en rendant possible, dans les cas extrêmes où la technologie de l'ivressomètre n'a pas pu être bien appliquée pour une raison ou pour une autre, à l'intimé de se défendre et de prouver que ses facultés n'étaient pas affaiblies par la consommation d'alcool.
L'autre composante, le dernier projet de loi, celui qui, franchement, nous a donné le plus de fil à retordre, portait sur les dispositions concernant les délinquants dangereux. Avant d'en parler, j'aimerais approcher la question dans son ensemble. Comme nous l'avons vu hier dans le vote à l'étape du rapport, le NPD a appuyé le projet de loi, à une exception près. Nous estimons en effet que, en dépit des dispositions concernant les délinquants dangereux, sur lesquelles je vais revenir à l'instant, le reste du projet de loi comportait des dispositions que nous avions nous-mêmes proposées dans notre programme électoral ou que nous étions disposés à appuyer du fait que, selon nous, elles étaient dans le meilleur intérêt des Canadiens. C'était donc une mesure qui avait pour effet de protéger les gens ou qui proposait des modifications du Code criminel qui avaient déjà trop tardé.
J'ai lu hier dans l'Ottawa Citizen le résumé d'un rapport intitulé « Unlocking America » qui a été préparé aux États-Unis. Ce rapport a été rédigé par plusieurs criminologues et sociologues bien connus. C'est un rapport très détaillé dont les données correspondent à bon nombre d'autres données recueillies aux États-Unis sur le déséquilibre que les gouvernements successifs ont créé dans ce pays, principalement au niveau des États, tant au chapitre de la détention que des pratiques de droit pénal.
Quand on parle de système de justice pénale, de libertés civiles et de droits de la personne dans l'optique du système de justice pénale ainsi que de protection de la société, qui est évidemment le premier critère dont il faut tenir compte, il faut toujours s'assurer de pouvoir maintenir un équilibre. Quelle est la meilleure façon de protéger la société?
Nous devons bien sûr avoir recours au système de justice pénale. Nous avons défini des crimes et prévu des punitions, mais ce qui est aussi important, et on pourrait même dire plus important encore, c'est toute la question de la façon dont la société peut empêcher les crimes de se produire. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a deux façons de le faire.
La première, c'est de mettre au point des programmes de prévention qui s'adressent aux jeunes en particulier pour qu'ils n'adoptent jamais un style de vie qui pourrait les amener à commettre des crimes, mineurs ou graves, et la deuxième, c'est de s'assurer que la société dispose de mesures d'application de la loi raisonnablement sévères pour garantir que les lois existent et qu'on les fait respecter dans le but de protéger la société.
Chaque fois qu'une personne est condamnée, j'ai tendance à me dire que c'est un échec de la part de la société qui n'a pas su se doter d'une infrastructure adéquate prévoyant à la fois la prévention et l'application de la loi. Il n'est peut-être pas utopique de croire que nous y arriverons un jour, mais il est certainement utopique de croire que nous pourrions actuellement prévenir tous les crimes. Nous avons donc besoin de ce système qui nous permet d'avoir recours à la détention et à d'autres pénalités.
Il est évident que l'idéal que nous devons rechercher, la perfection que nous devrions nous efforcer d'atteindre, comme législateurs, c'est d'en arriver à pouvoir empêcher qu'un crime soit commis afin qu'il n'y ait pas de victimes et que nous puissions considérer que nous nous acquittons de nos responsabilités à l'égard de la protection de tous les citoyens, de tous ceux qui vivent au Canada.
Le rapport intitulé Unlocking America révèle ce que les Américains ont fait dans un grand nombre d'États, mais pas tous. Certaines comparaisons y sont faites. Les Américains ont décidé du rôle que le gouvernement devrait jouer, un rôle qui consiste en grande partie à incarcérer et à punir. Le rapport montre l'inefficacité de ces méthodes, et ses conclusions concordent avec celles de toutes les études antérieures menées aux États-Unis. Ces méthodes sont inefficaces et très coûteuses.
Certains États ont évolué dans le même sens que le Canada au cours des 20 ou 30 dernières années, et la comparaison permet de constater que le taux d'incarcération est moins élevé dans ces États mais que, à quelques exceptions près, le taux de criminalité y est également moins élevé. Le contraire est vrai également. Les États où le taux d'incarcération est le plus élevé sont aussi ceux où le taux de criminalité est le plus élevé.
La comparaison entre l'État de New York et celui de Californie est un bon exemple. Comme nous le savons tous, la Californie a adopté la politique des trois fautes et plusieurs autres mesures très sévères relativement à l'incarcération et à l'imposition des peines. Son taux de criminalité a toujours été plus élevé que celui de New York au cours des deux dernières décennies. New York a pour sa part pris beaucoup plus de mesures de prévention et d'application de la loi et a beaucoup mieux réussi à réduire le taux de criminalité.
Je veux mentionner quelques statistiques. Le rapport est remonté 30 ans en arrière pour vérifier quels étaient les taux de criminalité aux États-Unis à cette époque par rapport à ce qu'ils sont maintenant. Il a aussi comparé les taux d'incarcération de l'époque à ce qu'ils sont maintenant. Le taux d'incarcération est huit fois plus élevé maintenant qu'il y a 30 ans. Bien sûr, la population a probablement augmenté d'environ 30 p. 100 au cours de la même période. Le taux d'incarcération est plus élevé de 800 p. 100 tandis que la population est peut-être de 35 p. 100 plus nombreuse.
Le taux de criminalité aux États-Unis est presque identique à ce qu'il était en 1973. C'est l'année de comparaison. Le taux n'a presque pas changé. Il a augmenté et a diminué, de beaucoup dans certains États, New York étant un bon exemple, mais le taux d'incarcération, malgré une augmentation de 800 p. 100, n'a eu absolument aucun effet sur le taux de criminalité aux États-Unis.
L’autre constatation, c’est que, alors que cela n’a eu aucun effet sur le taux de criminalité pendant tout ce temps, désormais, toutes ces personnes incarcérées coûtent aux États-Unis 60 milliards de dollars par année. Les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé au monde. Il est même plus élevé que celui de la Chine. La Chine a une population à peu près trois à quatre fois plus nombreuse que celle des États-Unis. Il y a actuellement 2,2 millions de personnes incarcérées aux États-Unis contre 1,5 million pour la Chine.
Le rapport entre le taux d’incarcération aux États-Unis et le taux au Canada est d’environ 7 pour 1. Notre taux de criminalité représente à peu près le quart de celui des États-Unis.
Ce que j’essaie de faire comprendre en mentionnant ces faits, c’est que nous devons aborder avec beaucoup de prudence la façon dont nous nous attaquons à la criminalité au Canada. Comme je l’ai dit, la majorité des dispositions de ce projet de loi sont des dispositions que nous avons examinées et jugées positives. Ce sont des dispositions raisonnables pour établir un système de justice juste et équitable pour protéger notre société.
Nous devons soigneusement nous garder de suivre l’exemple des États-Unis et éviter d'opter pour un recours excessif à l’incarcération et à la punition qui ne produit pas de réduction efficace du taux de criminalité tout en étant extrêmement coûteux pour les contribuables.
Cela m’amène à la partie du projet de loi à propos de laquelle nous avions le plus de réserves. Nous croyons que les dispositions du projet de loi concernant les délinquants dangereux figurent déjà dans le Code criminel et que les modifications proposées par le gouvernement, surtout à l’égard du fardeau de la preuve, sont contraires à la Charte. Nous avons jugé que cela allait trop loin. L’équilibre n’était plus respecté. Nous nous engagions sur la même voie que les États-Unis. Nous allions incarcérer, dans la majorité des cas, pour le reste de leur vie, tous ceux qui étaient désignés comme des délinquants dangereux, ce qui allait largement augmenter notre population carcérale.
En fin de compte, nous devions voir si nous allions appuyer le projet de loi dans son ensemble malgré cette disposition tellement contraire à la Charte, tellement contraire au bon sens qu'elle allait être inapplicable. C’est un outil inutile car les tribunaux finiront par l’invalider.
En même temps, si nous nous y opposions, nous renoncions aux dispositions du projet de loi concernant l’âge du consentement. Les peines minimales obligatoires et certaines des dispositions visant la conduite avec facultés affaiblies sont vraiment nécessaires dans notre société.
Devant ce dilemme et après en avoir longuement débattu au sein de notre caucus, nous nous sommes résignés à appuyer le projet de loi et, malheureusement, à abdiquer notre responsabilité de législateurs d’adopter de bonnes lois, en nous attendant à ce que les tribunaux invalident les dispositions concernant les délinquants dangereux et le renversement du fardeau de la preuve qui sont tellement inacceptables. Cela nous met un peu mal à l’aise, je l’avoue, mais nous sommes ici pour prendre des décisions et telle est la décision que notre caucus a prise.
Je voudrais dire une dernière chose au sujet d’une question que j’ai soulevée avec le Bloc. C’est la façon dont le gouvernement a abordé le problème. L’application de certaines dispositions sera différée, même quand le Sénat aura adopté le projet de loi, car les provinces qui doivent en administrer certains éléments, notamment en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies, ne sont pas prêtes à le faire. Je crois que le gouvernement a commis là une erreur. Il aurait dû préparer la mise en oeuvre avec les provinces. C’est un article du Code criminel qui doit être modifié et cela le plus rapidement possible. Nous n’avons reçu aucune explication quant aux raisons pour lesquelles le gouvernement a retardé les choses.
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Monsieur le Président, je veux féliciter l'intervenant précédent de son discours et de sa compréhension du dossier de la criminalité et de la façon de réduire la criminalité.
J'ose dire que la portée du projet de loi pose un problème. Je suis préoccupé, parce qu'au lieu de traiter d'une mesure législative à la fois, nous en avons plusieurs devant nous, dont certaines sont bonnes, tandis que d'autres sont tout à fait inacceptables. Ce n'est certainement pas de cette façon qu'un gouvernement minoritaire devrait fonctionner, et ce n'est pas non plus de cette façon que, selon les dires du lorsqu'il était le chef de l'opposition officielle, un gouvernement minoritaire devrait fonctionner.
Le député a fait allusion au rapport intitulé « Unlocking America ». À une époque, j'étais actif au sein d'un organisme appelé Youth In Conflict With The Law. Ce nom s'inspirait du titre de la loi proposée sur les jeunes ayant des démêlés avec la justice, qui allait devenir la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai commencé à travaillé avec cet organisme en 1976, après avoir quitté l'université. Nous nous efforcions, entre autres, de nous occuper des contrevenants dans le contexte de la collectivité et de faire notre possible, au niveau de la collectivité, pour créer un environnement sûr et sécuritaire. L'un de nos principes était que la criminalité et la justice sont des responsabilités communautaires.
Pour toutes les raisons mentionnées par l'intervenant précédent et étayées dans le rapport « Unlocking America », le recours à des mesures répressives ne fonctionne pas. Dans ce rapport, neuf grands criminologues et sociologues américains, qui ont consacré leur vie à étudier la criminalité et les peines, présentent une étude exhaustive. Ils soulignent que le recours à des mesures répressives, la construction d'un plus grand nombre de prisons et l'incarcération d'un plus grand nombre de contrevenants ne fonctionnent tout simplement pas. Ces mesures peuvent faire de belles manchettes à la télé et dans les journaux, mais elles ne donnent tout simplement pas les résultats souhaités. Elles coûtent très cher à la longue, mais, ce qui est plus grave encore, c'est qu'elles finissent par avoir un effet très négatif.
Le projet de loi est une mesure, mais il y en a une autre qui s'en vient, à savoir le projet de loi , qui porte sur la justice pénale pour les adolescents. Je trouve très inquiétant de constater que, en vertu de cette mesure, les jeunes qui sont arrêtés à titre de jeunes contrevenants peuvent se retrouver au pénitencier, non pas parce qu'ils ont commis un grand nombre de crimes dans la collectivité, mais bien parce qu'ils ont commis un crime dans l'établissement même.
De nombreuses personnes ont comparu devant le comité chargé d'étudier le projet de loi. Il y a eu, entre autres, M. Anthony Doob, criminologue de l’Université de Toronto, qui a expliqué très clairement que la perception de la criminalité est, de bien des façons, influencée par les médias et les politiciens qui cherchent à tirer profit de la crainte que suscite le crime, mais qu’elle n’a pas beaucoup de fondement dans la réalité.
Au cours de ses travaux, M. Doob a demandé aux membres d’un groupe témoin quelles étaient leurs réactions face aux grands titres des tabloïdes. M. Doob a remis à un autre groupe témoin le compte rendu du procès en question. M. Doob a constaté que les membres du groupe qui possédaient les renseignements, qui avaient lu le compte rendu et compris le raisonnement du juge, approuvaient la peine infligée ou étaient d’avis qu'elle était trop rigoureuse. Ce qui était totalement à l’opposé des réactions des membres de l’autre groupe, qui avaient appris les détails du crime par l'intermédiaire des médias, des tabloïdes ou de programmes télévisés.
Les médias aiment parler des crimes les plus sanglants qui se produisent dans la collectivité, voire dans le pays. S’ils n’en trouvent pas au Canada, ils vont aux États-Unis, et s’ils n’en trouvent pas là, ils fouillent tous les continents pour alimenter leur faim d’activités criminelles. Leurs reportages effraient les gens, qui en prennent habituellement connaissance le soir, juste avant d’aller au lit.
J’ai souvent pensé que les médias et les politiciens qui s’adonnent à ces campagnes de peur font un grand nombre de victimes. Les gens commencent à croire que leur collectivité relativement sûre est beaucoup plus dangereuse qu’elle ne l’est en réalité. Ce n’est pas bien. Les parlementaires et les partis politiques ne devraient pas mener de telles campagnes de peur.
Le comité a aussi entendu Kim Pate, de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Malheureusement, Kim n’a pas eu suffisamment de temps pour présenter son témoignage, mais elle a parlé longuement des difficultés auxquelles sont confrontés, dans des établissements fédéraux, les détenus qui souffrent de problèmes de santé mentale. Elle a aussi parlé de la surreprésentation de certains groupes minoritaires dans les prisons. Au Canada, il y a un nombre disproportionné d’Autochtones qui sont incarcérés. Cela soulève de troublantes questions. Mlle Pate a aussi parlé du nombre de mesures disciplinaires qui seront prises contre une personne qui entre dans le système, au point où, peu importe ce qu’elle a fait pendant son incarcération, elle pourrait être déclarée délinquant dangereux.
J’ai parlé aujourd’hui d’Ashley Smith, une jeune femme qui devait sortir de prison aujourd’hui. À l’âge de 15 ans, elle avait été condamnée comme jeune délinquante, au Nouveau-Brunswick. Elle s’est enlevé la vie le 19 octobre dans une cellule d’isolement de l’établissement fédéral Grand Valley, à Kitchener, après une longue période d’isolement cellulaire. Quatre membres du personnel de correction de Grand Valley ont été accusés de négligence criminelle causant la mort. Un membre du personnel de correction de la prison psychiatrique de la région de Saskatoon a aussi été accusé de voies de fait.
La mort tragique d’Ashley a soulevé un certain nombre de questions troublantes auxquelles il faut répondre. Comment se fait-il qu’une jeune fille aux prises avec des troubles mentaux, incarcérée comme jeune délinquante, se soit retrouvée, suite à des mesures disciplinaires excessives, dans un établissement correctionnel fédéral situé à des milliers de kilomètres de chez elle? Que pouvons-nous faire pour améliorer la façon dont nous traitons les contrevenants de façon à éviter que ce genre de tragédie ne se reproduise? Quand notre société comprendra-t-elle qu’il est plus logique d’investir dans des programmes de sécurité communautaire et de prévention de la criminalité que dans des lois draconiennes qui emprisonnent de plus en plus de gens aux dépens de la sécurité publique? Je souligne que c’est aux dépens de la sécurité publique.
Selon le rapport intitulé Unlocking America, le renforcement des lois aux États-Unis n’a absolument rien fait pour abaisser le taux de criminalité. Il a tout fait pour détruire les familles et les collectivités et pour perpétuer la discrimination. Cela dure depuis beaucoup trop longtemps.
Pour ce qui est de la prévention de la criminalité, je prendrai encore l’exemple de ma région de Waterloo. Nous y travaillons à des programmes communautaires de prévention de la criminalité depuis 1978. L’année prochaine, nous serons les hôtes du 30e dîner annuel sur la justice. Nous inviterons des conférenciers à parler des moyens d’améliorer la sécurité publique grâce au développement social de la collectivité.
Nous ne sommes pas les seuls à dire que telle est la solution. L’Association canadienne des chefs de police parle d’améliorer la sécurité publique et de réduire la criminalité non pas en recrutant davantage de policiers, en construisant davantage de prisons ou en embauchant davantage de gardiens de prison, mais grâce à des programmes de développement social qui s’attaquent aux causes profondes de la criminalité.
En 1993, à la suite de l’excellent travail réalisé par un gouvernement progressiste conservateur, le Comité de la justice présidé par M. Horner a publié ce qui est devenu le rapport Horner. Ce rapport demandait au gouvernement de combattre la criminalité grâce au développement social.
Ma collectivité a relevé ce défi et nous avons créé un conseil de la sécurité communautaire et de la prévention de la criminalité pour la région de Waterloo. Le premier président de ce conseil était Larry Gravill, le chef de police.
Les membres de ce conseil comprennent tous les organismes de service social, les municipalités, les organismes non gouvernementaux du domaine de la justice pénale, le bureau du procureur général et la police. Nous avons cherché ensemble des moyens de nous attaquer aux causes profondes de la criminalité.
Au fil des années, le conseil a été présidé par bien d’autres personnes venant de la commission scolaire, du milieu municipal ou de la Société d’aide à l’enfance. Notre dernier président a été Matt Torigian, qui vient d'être nommé chef de police de Baden.
Cette solution est certainement largement préférable à celle que propose le projet de loi, surtout en ce qui concerne les peines minimums obligatoires et la désignation des délinquants dangereux.
Dans mon questionnaire, j’ai demandé si nous devrions adopter l’approche conservatrice ou néo-conservatrice traditionnelle pour combattre la criminalité ou si nous devions opter pour le développement social. J’ai le plaisir de dire qu’à deux contre un, les citoyens de ma circonscription voulaient combattre la criminalité grâce au développement social.
J’ai mentionné que les néo-conservateurs aiment faire de la mésinformation. Je vais vous en donner un exemple. Le député de a publié un bulletin parlementaire dans lequel il dit, et je suis prêt à le déposer...
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole sur le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Cela me fait plaisir d'apporter au bien-être des hommes et des femmes qui nous écoutent un peu de clarté par rapport à un projet de loi omnibus. Un projet de loi omnibus est un projet de loi qui regroupe plusieurs autres projets de loi qui n'avaient pas pu être adoptés à la session précédente compte tenu du fait que le gouvernement avait décidé de proroger la Chambre et de mettre fin à ces projets de loi à l'étape où ils étaient rendus. C'est le choix du Parti conservateur, et c'est la raison sous-jacente au projet de loi dont nous sommes saisis. Si le gouvernement n'avait pas décidé de proroger la Chambre, une bonne partie de ces projets de loi auraient déjà été adoptés.
Avant d'entrer dans le coeur du projet de loi , je ferais un rappel à l'intention des personnes qui nous écoutent. Lorsqu'on adopte un projet de loi qui modifie le Code criminel, il faut avoir en mémoire l'état de la criminalité. C'est facile, entre autres, pour les personnes assises devant le téléviseur qui regardent les nouvelles. Vous savez que les médias électroniques et écrits veulent attirer la clientèle et montent souvent en épingle certaines situations en essayant de poser des questions à des victimes ou à leurs parents afin de faire vendre des copies.
Évidemment, on est au coeur d'une société menée par les médias. C'est plus difficile quand les médias oublient de donner la contrepartie. En effet, c'est beau d'essayer de monter en épingle des situations criminelles, de trouver que certaines peines ne sont pas suffisantes ou autre et d'essayer d'avoir des témoignages qui prouvent que le système de justice ne fonctionne pas, mais lorsqu'on oublie de mentionner la contrepartie, notamment l'état de la criminalité, les médias ne font alors pas leur travail.
C'est à ce sujet que j'aimerais attirer votre attention, ainsi que celle des hommes et des femmes qui nous écoutent. Il faut équilibrer les choses. C'est d'abord notre objectif en tant que législateurs. Et ce sont mes collègues ici, en cette Chambre, comme ceux de , de , de et comme tous les députés du Bloc québécois, qui ont la lourde tâche d'essayer d'équilibrer les choses.
Les conservateurs n'ont qu'un objectif en tête, et c'est de tout faire pour avoir le pouvoir. Je dis souvent à la blague — mais je le pense parfois sérieusement —, que le pouvoir rend fou. On a juste à voir aller le et certains de ses ministres pour comprendre ce que cela peut donner que d'avoir été dans l'opposition alors qu'on est aujourd'hui au pouvoir. Il y a tout un état de fait qui me fait dire mi-figue, mi-raisin que le pouvoir a cet effet sur certaines personnes qui les rend plus fous qu'autre chose.
Je fais cet historique parce que l'état de la criminalité est en constante baisse au Québec, comme au Canada, depuis une quinzaine d'années. Le Bloc québécois ou les souverainistes que nous sommes ne l'ont pas inventé; Statistique Canada confirmait récemment que, pour l'année 2006, le taux global de criminalité au pays a atteint son plus bas niveau en plus de 25 ans. Plus encore, le Québec a connu son plus faible taux d'homicides enregistré depuis 1962.
Oui, ça va. Je vous explique cela parce que, vous avez peut-être entendu des personnes sondées. Le Parti conservateur, par l'intermédiaire du gouvernement, a fait un vaste sondage parmi plus de 2 000 personnes au Canada pour savoir comment il pourrait essayer de gagner ses élections en étant à l'écoute des gens par rapport aux peines et au crime. Sauf que, dans les questions — j'ai eu la chance qu'une de mes adjointes soit sondée — personne ne mentionnait l'état de la situation de la criminalité. Lorsqu'on consulte les médias écrits ou électroniques, on a l'impression que la criminalité est effrayante. Toutefois, lorsqu'on étudie les statistiques et qu'on s'aperçoit qu'on a moins de criminalité, soit le plus bas taux de criminalité depuis 25 ans, on relativise.
C'est évidemment l'objectif du Bloc québécois. Celui-ci a toujours été très conscient et a toujours essayé de chercher l'équilibre.
Ce n'est pas facile de trouver l'équilibre entre les conservateurs, les libéraux et le NPD. Je peux dire franchement qu'ils sont tous à peu près du pareil au même. Quand on regarde les enquêtes qui sortent de tous les cotés, on constate qu'il est important qu'il y ait un parti qui représente la majorité des Québécois et des Québécoises et qui essaie d'apporter un certain équilibre en cette Chambre.
Le Bloc a essayé d'apporter cet équilibre tout au long des discussions sur le projet de loi tout en ayant en tête les statistiques, comme je mentionnais. Pour l'année 2006, le taux global de criminalité au pays a atteint son plus bas niveau en 25 ans. Le Québec a connu pour sa part son plus faible taux d'homicides depuis 1962.
Est-ce que tout va bien? Non, tout ne va pas bien. On sait qu'il y a encore de la criminalité. Cela est triste à dire, mais dans nos société industrialisées où la richesse côtoie la pauvreté, il y aura toujours de la criminalité. Notre objectif est d'essayer de réduire ce taux au minimum, et c'est ce à quoi s'attaquent tous les jours les députés du Bloc québécois.
Toutefois, il faut aussi relativiser toute cette criminalité. Je donnerai une autre statistique. Pour les crimes violents, le Québec se classe meilleur deuxième, tout juste derrière l'Île-du-Prince-Édouard. Le Québec a même enregistré une baisse de 4 p. 100 du taux de criminalité chez les jeunes en 2006, faisant mieux que toutes les autres provinces.
C'est important que les députés des autres provinces en cette Chambre comprennent que cela fait longtemps que le Québec a choisi la réinsertion sociale plutôt que d'y aller par la répression et l'augmentation des peines, l'établissement de peines minimales ou quoi que ce soit d'autre. C'est donc un choix qu'a fait la province de Québec.
Je ne veux pas reprendre les statistiques mentionnées par d'autres collègues en cette Chambre, mais quand on compare les États américains qui ont choisi comme le Québec d'y aller avec la réinsertion plutôt que la répression, le taux de criminalité est à la baisse, entre autres, dans l'État de New York par rapport à d'autres États. C'est le genre de statistiques qui nous intéressent.
En effet, en tant que parlementaires, il nous faut être capables de contrer cette influence très néfaste qu'ont les médias pour le sensationnalisme. C'est normal, ils vendent leurs journaux ou le meilleur bulletin de nouvelles à la télévision. Ils vont donc essayer de chercher le caractère sensationnel d'un événement en mettant de côté véritablement tout l'équilibre que peut avoir une société.
Pour nous, c'est important que le reste du Canada comprenne qu'au Québec, on a fait les choses différemment. De plus, les résultats sur les taux de criminalité sont très importants, d'où le positionnement du Bloc québécois au sein du comité qui discutait du projet de loi . On a eu un positionnement diffèrent des autres partis en cette Chambre. On ne leur en veut pas. C'est tout simplement qu'entre le Québec et le reste du Canada, il y a une grande différence. On ne pense pas de la même façon.
Un jour, les Québécois le feront comprendre au reste du Canada. On décidera d'avoir notre propre pays, avec nos propres lois et ainsi de suite. En attendant, on participe et on essaie de faire évoluer la société canadienne à la même hauteur et au même niveau que la société québécoise. Et ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile.
Je vais citer quelques exemples de ce que le Bloc québécois a proposé en comité et qui n'a pas été retenu.
On a proposé des amendements au projet de loi , soit d'abolir la libération conditionnelle quasi automatique au sixième de la peine. Donc, pour nous qui avons au Québec la réinsertion, nous sommes pris avec un problème. La libération conditionnelle automatique au sixième de la peine fait en sorte que lorsqu'on veut instaurer des programmes et forcer ceux qui ont commis des crimes à suivre des thérapies, quand ils savent qu'au sixième de leur peine ils sont automatiquement éligibles à une libération conditionnelle, on a constaté que ces gens participaient moins.
Encore une fois, tout le monde dira que cela n'a aucun sens que les criminels soient éligibles à une libération conditionnelle automatique au sixième de leur peine. C'est une constante connue à travers le Québec, sauf que nous avons voulu modifier cela dans un comité de la Chambre des communes. En comité, notre proposition a été rejetée par le Parti conservateur et les autres partis.
Encore une fois, la société québécoise est beaucoup plus évoluée que la société canadienne.
On a suggéré aussi de mettre fin au quasi- automatisme de la libération d'office qui survient après que le détenu ait purgé les deux tiers de sa sentence en instaurant une évaluation formelle des détenus par un professionnel quant au risque global de récidive qu'il représente pour la communauté.
En ce qui a trait à la réinsertion sociale, à notre avis, le fameux quasi-automatisme de libération d'office aux deux tiers de la peine n'est plus acceptable dans notre société québécoise. Avant que cela se fasse quasi automatiquement, nous voulons que les personnes soient véritablement évaluées par des professionnels. Nous avons fait cette suggestion en comité, mais, encore une fois, cela n'a pas été retenu par les autres partis.
Nous avons proposé de renverser le fardeau de la preuve à l'égard des criminels reconnus coupables d'une infraction de prêt usuraire, de proxénétisme, de vol qualifié, de fraude de plus de 5 000 $ ainsi que de contrefaçon de monnaie, pour faciliter la saisie des biens qui sont le fruit de la criminalité.
C'était d'ailleurs nous, du Bloc québécois, qui avions proposé à la Chambre des communes le renversement du fardeau de la preuve pour ce qui est des biens du produit de la criminalité dans le cas des groupes organisés. Comme certains s'en souviennent, c'est le Bloc québécois qui a mené cette lutte, cette bataille contre les groupes criminels organisés en proposant le renversement du fardeau de la preuve afin que ce ne soit plus la Couronne qui doive prouver d'où provient l'argent qui a servi à acquérir les biens. C'est maintenant le contraire. Le fardeau de la preuve incombe alors automatiquement aux membres d'un groupe criminel organisé, qui doivent prouver avoir acquis leurs biens avec de l'argent dûment et honnêtement gagné. Cela est très difficile, donc on saisit automatiquement les biens.
Ce projet de loi déposé à l'époque et appuyé par les autres partis en cette Chambre touchait les groupes criminels organisés. Nous avons donc proposé de faire de même pour la question dont nous débattons aujourd'hui. En effet, pourquoi ne pas procéder au renversement du fardeau de la preuve à l'égard de criminels reconnus coupables d'une infraction de prêt usuraire, de proxénétisme, de vol qualifié ou de fraude? On ne s'adresse donc pas aux groupes criminels organisés, mais à des criminels bien organisés. Dans les cas de fraude de plus de 5 000 $, ces criminels auront l'obligation de prouver que les biens qu'ils ont acquis l'ont été avec de l'argent honnêtement gagné, à défaut de quoi on pourrait les saisir.
Or, qu'on le croie ou non, les autres partis n'ont pas accepté les amendements proposés par le Bloc québécois à l'endroit du projet de loi .
Nous avons proposé qu'on s'attaque au phénomène des gangs de rue en outillant mieux les policiers, notamment par la prolongation des mandats obtenus pour les enquêtes effectuées au moyen de filature par GPS. Évidemment, comme je le disais, la société québécoise est plus évoluée. Eh oui, la technologie GPS fait partie intégrante de la lutte contre la criminalité au Québec. Encore une fois, cette suggestion du Bloc québécois n'a pas été retenue parmi les amendements proposés.
Nous avons proposé d'interdire le port du symbole, du signe ou de tout autre représentation définissant les individus comme membres d'organisations criminelles reconnues comme telles par des tribunaux.
Encore une fois, on revenait contre les groupes criminels organisés. C'est une bataille qu'a livrée le Québec et cela s'est très bien passé. Nous avons la chance d'avoir parmi nous, en cette Chambre, l'ancien ministre de la Sécurité publique du Québec, soit le député de , qui a fait un excellent travail lorsqu'il occupait cette fonction. Il s'est attaqué directement aux groupes criminels organisés, avec l'appui du Bloc québécois, en modifiant le Code criminel justement pour permettre le renversement du fardeau de la preuve. Nous avons réussi un très bel exercice. Or, nous voulions maintenant interdire le port de signes associés aux groupes criminels, groupes de motards organisés et autres, mais cet amendement au projet de loi a été refusé.
Nous voulions mettre fin à la règle qui veut que le temps passé en détention avant procès soit considéré en double lors du calcul de la peine. La peine commencerait dès le début de la détention plutôt qu'au moment où la peine est imposée, cela afin d'abroger une pratique excessive qui déconsidère l'administration de la justice.
On s'est aperçu que lorsque cette règle est établie, quand un individu est détenu avant procès, le temps est déduit en double du calcul de la peine. Telle est la norme. Les criminels ont évidemment compris cela. Ainsi, ils retardent le plus possible leur procès, parce que lorsqu'ils sont détenus avant procès, ils obtiennent une prime qui double le temps qui sera déduit de leur peine.
En raison de la lutte contre le crime organisé et tout cela, la société québécoise avait bien compris ce stratagème. Nous avons donc proposé ces amendements, mais, malheureusement, aucun d'entre eux n'a été retenu, bien que certains fassent l'unanimité auprès des ministres de la Sécurité publique du Québec et des autres provinces.
C'est la preuve que ce gouvernement conservateur ferme sa visière et ses oreillettes, mène des sondages dans des intentions bien précises et indique, après avoir décrété un projet de loi, qu'il n'y aura aucune modification et qu'on en fait un vote de confiance.
Donc, le Bloc québécois votera en faveur des conclusions du projet de loi , sauf qu'on aurait voulu bonifier ce projet de loi. Cependant, encore une fois, la façon dont le pouvoir saisit ces hommes et ces femmes conservateurs fait qu'ils sont refermés sur eux-mêmes. Ils ne font preuve d'aucune ouverture pour bonifier les projets de loi. Ils pensent que ce sont eux qui ont raison, qu'ils disposent de la vérité et de la vie. Finalement, ils sont fermés à toute idée de bonification.
Le pouvoir les a rendus ainsi. On verra ce qui se passera lors des prochaines élections. Parce que je suis organisateur en chef du Bloc québécois, je tiens à redire qu'on votera en faveur de ce projet de loi non pas parce que nous sommes effrayés à la possibilité d'un vote de confiance, mais parce qu'on pense qu'il fera évoluer la lutte contre la criminalité, même si ce n'est pas de la façon qu'on aurait souhaitée.
Je vous donne un exemple. J'arrive au coeur du projet de loi . Il regroupe cinq projets de loi, dont un qui vise à renforcer les infractions impliquant une arme à feu. C'est parfait. À l'origine, on reprenait le projet de loi . Ce dernier modifiait le Code criminel pour prévoir des peines minimales de cinq, sept ou dix ans, selon qu'il s'agit ou non d'une récidive, pour huit infractions impliquant l'usage d'une arme à feu, si l'arme utilisée n'est pas une arme de chasse. Encore une fois, on voit la vision conservatrice. C'est une arme, mais pas une arme de chasse.
Pour ceux et celles qui suivent un peu cela, les armes de chasse ont bien évolué depuis les 30 dernières années. D'abord, elles ne sont plus faites dans les mêmes matières et elles sont très légères. Cela entraîne un effet très difficile pour l'application de la loi. Je veux bien qu'on pense que tous les chasseurs n'utiliseront pas leurs armes, sauf qu'on ne tient plus de registre. En effet, l'objectif des conservateurs est d'abolir le registre des armes à feu en disant que ce sont uniquement des chasseurs qui vont acquérir des armes. Or, en raison des nouvelles technologies, de plus en plus de criminels utiliseront les armes longues — comme ils aiment les appeler — parce que, justement, elles sont maintenant plus légères grâce aux nouvelles technologies et à tout cela. La philosophie des conservateurs est de protéger les armes longues. Évidemment, pour cela, on ne tient pas de registre. Finalement, tout ceux qui ont des armes longues ne sont pas des criminels.
Je regrette, mais il y a une foule de chalets qui se font dévaliser, et les armes des chasseurs se retrouvent ainsi dans le réseau de la criminalité. Or cette modification législative ne s'appliquera pas à ceux qui ont des armes à feu. Et je le répète bien, en ce qui a trait à ces infractions qui concernent les armes à feu, par exemple, on dit: « si l'arme utilisée n'est pas une arme de chasse. » Par conséquent, ce projet de loi porte sur toutes les armes, sauf les armes de chasse.
J'ai beaucoup de difficulté à comprendre cela, mais je peux comprendre la philosophie sous-jacente des conservateurs. Pour eux, tout est permis avec la détention d'une arme de chasse. Ce n'est pas plus difficile que ça. C'est un peu cela qu'on peut comprendre. Ce n'est pas pour rien qu'ils veulent l'abolition du registre des armes à feu.
J'en profite pour faire un aparté. Au Québec, 95 p. 100 des chasseurs ont enregistré leurs armes. Ce n'est pas un problème parce qu'il n'y a plus de frais. Nous avons d'ailleurs appuyé la modification pour qu'il n'y ait plus de somme à défrayer pour le renouvellement. Étant donné que c'est déjà fait, personne n'a attrapé de boutons à cause de cela, sauf dans l'Ouest où on a la proportion inverse, évidemment. Ils ont été contre dès le début et ont décidé de ne pas enregistrer leurs armes. Aujourd'hui, pour plaire à l'Ouest canadien, une fois de plus, les conservateurs ont décidé d'abolir le registre des armes à feu, même si les chasseurs pouvaient s'en accommoder dans le reste du pays. C'est cette façon conservatrice de gouverner qui se réalise avec ce projet de loi.
Une fois de plus, tout ce que nous voulons dire aux personnes qui nous écoutent, c'est que oui, il faut faire évoluer les projets de loi. C'est vrai, mais il faut faire attention. Il ne faut pas tomber dans le sensationnalisme des médias qui, pour vendre des copies de journaux, ou pour vendre leurs bulletins de nouvelles à leur clientèle, n'hésiteront pas à monter en épingle n'importe quel accident ou crime. Pourtant, les statistiques prouvent notamment que la façon dont le Québec a décidé de réinsérer les criminels en leur donnant toutes les chances possibles de réintégrer la société s'avère beaucoup plus efficace en ce qui a trait au taux de criminalité que la façon de faire des sociétés qui ont décidé, elles, d'y aller par répression, comme le voudraient les conservateurs.