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Monsieur le Président, j'ai eu toute une surprise car je croyais qu'un orateur me précédait.
Le projet de loi , en pratique, constitue la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange. D'entrée de jeu, le Bloc québécois sera favorable au projet de loi C-55 parce que, principalement, cet accord ne contient pas les mêmes défauts que d'autres accords précédents. Il y a aussi le fait qu'en matière d'agriculture, la gestion de l'offre n'est pas touchée.
Évidemment, un point important touche les chantiers maritimes, mais il faudra aussi revenir sur le fait que le vrai enjeu, c'est l'Union européenne. En outre, je remettrai en contexte la position du Bloc québécois concernant cet accord, c'est-à-dire l'opinion complémentaire qu'a exprimée le Bloc québécois. En conclusion, je procéderai à une certaine mise en garde par rapport aux accords de libre-échange de par la planète.
Le contexte actuel dans l'économie mondiale, c'est l'ère de la mondialisation. Les multinationales et les grandes entreprises font pratiquement une course effrénée pour profiter un peu partout dans le monde de certaines situations. Elles profitent à la limite des conditions de travail, de certaines conditions concernant les droits de la personne et de certaines conditions environnementales dans différents pays.
Si l'on regarde bien, on se rend compte qu'il y a bien sûr les accords multilatéraux. Il y a 152 pays membres de l'OMC, comparativement à 192 pays membres de l'ONU. En 1955, il y avait 89 pays membres de l'OMC et 76 étaient membres de l'ONU. En 1975, vingt ans plus tard, 157 pays étaient membres de l'OMC et 144 étaient membres de l'ONU. Aujourd'hui, l'ONU compte 192 pays membres et l'OMC en compte 152. On s'aperçoit qu'en ce qui concerne l'accord multilatéral, il y a quand même passablement d'adhérents.
Mais voilà que dans le contexte actuel, surtout dans le contexte des négociations de l'OMC — pensons notamment au Cycle de Doha —, on s'aperçoit que de plus en plus de pays participent à cette même course effrénée visant à signer de façon bilatérale des accords de libre-échange. Dès lors, pour près de 200 pays, le principal objectif est de signer des accords de libre-échange, des accords bilatéraux, bien sûr.
À un moment donné, le Canada veut en signer le plus possible. Il veut en signer probablement avec près de 200 pays, et chacun de ces 200 pays veut aussi signer des accords qui se veulent toujours profitables pour chacun d'eux. On sait très bien que, pour qu'une transaction économique soit parfaite, il faut que les deux partenaires soient gagnants. Ce n'est pas toujours le cas, mais la majorité des gens essaient d'être gagnants sur à peu près toute la ligne. Souvent, un pays peut avoir des considérations qui, peut-être, dépassent certaines industries.
C'est dans cet esprit que certains accords sont signés ou font actuellement l'objet de négociations par le Canada. Ces accords nous laissent perplexes. Pensons, entre autres, à cet accord qui se négocie actuellement et que le Canada voudrait voir signer le plus rapidement possible: l'accord avec la Colombie, pays où l'on sait que la situation des droits de l'homme est déplorable.
Revenons à l'Association européenne de libre-échange qui constitue une association de quatre pays: la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande. On considère que c'est effectivement un bon accord, car, dans un premier temps, c'est le Québec qui potentiellement en profitera le plus.
Prenons l'exemple de la Suisse, qui a une industrie pharmaceutique très vigoureuse dans le domaine du médicament d'origine. Les médicaments représentent 40 p. 100 des exportations canadiennes vers la Suisse et 50 p. 100 des importations. Or, pour percer le marché américain, les compagnies pharmaceutiques suisses pourraient être tentées de fabriquer des médicaments ici au Québec, en fait, de l'autre côté de la rivière pour être plus précis.
D'autre part, la mecque du médicament d'origine, avec son bassin de chercheurs compétents et son régime fiscal avantageux, c'est le Québec. Donc, un accord de libre-échange, visant à faciliter le commerce entre une entreprise et ses filiales, serait susceptible d'apporter de nouveaux investissements dans le domaine pharmaceutique chez nous.
Quant à la Norvège, le nickel représente plus de 80 p. 100 de ce qu'on y exporte. Or, la plus importante mine au Canada, classée troisième au monde, se trouve chez nous, dans l'Ungava, propriété de l'entreprise suisse Xstrata. En Islande, c'est l'aluminium qui constitue le premier produit que nous exportons. Or, encore là, la production se concentre chez nous au Québec.
Je disais précédemment que nous étions également favorables à cet accord parce qu'il ne contenait pas les mêmes défauts que d'autres accords que le Canada a précédemment signés. Entre autres, l'ALENA, l'accord avec le Costa-Rica et celui avec le Chili contiennent tous un mauvais chapitre sur les investissements qui donnent aux entreprises le droit de poursuivre directement un gouvernement qui adopterait des mesures diminuant leurs profits.
On ne trouve pas de telles dispositions dans l'accord avec l'Association européenne de libre-échange. L'accord avec cette association ne couvre que les biens, mais pas les services. Ainsi, rien ne nous amènera à ouvrir à la concurrence des services publics, qu'ils soient rendus par l'État ou non, puisqu'ils ne sont pas couverts. De la même façon, les services financiers et les banques ne seront pas exposés à la concurrence de la Suisse, qui a un système bancaire très solide et aussi très discret.
Pour sa part, le Liechtenstein est un véritable paradis pour le monde financier par sa fiscalité et son secret bancaire. Mentionnons que ce pays, avec ses 35 000 habitants, compte pas moins de 74 000 entreprises principalement financières. Le prince du Liechtenstein est d'ailleurs lui-même propriétaire de la plus importante banque du pays.
C'est la même chose pour ce qui est des achats gouvernementaux. Le gouvernement conserve la pleine liberté de privilégier l'achat chez nous, sous réserve de l'accord de l'OMC sur les marchés publics. Il serait évidemment un peu ridicule que le gouvernement se négocie de la marge de manoeuvre et décide ensuite de ne pas s'en servir. Vivement que le gouvernement fédéral, plus important acheteur de biens et de services au Canada, privilégie les fournisseurs d'ici et se préoccupe des retombées de ses achats.
D'entrée de jeu, je mentionnais que nous serions favorables, parce qu'en matière d'agriculture, la gestion de l'offre n'est pas touchée. Le projet de loi permet aussi l'entrée en vigueur des accords agricoles bilatéraux qui s'ajoutent à l'Accord de libre-échange avec l'association européenne. Ces accords, qui ne menacent en rien la gestion de l'offre, n'auront pas un grand impact sur l'agriculture québécoise. Les protéines laitières sont exclues de l'accord. Les contingents tarifaires et les tarifs hors contingent demeurent inchangés. Bref, les produits sous gestion de l'offre demeurent protégés. En fait, c'est surtout à l'Ouest que les accords agricoles profiteront puisqu'ils libéralisent le commerce de certains grains, mais l'impact ne sera pas majeur.
Il y a une inquiétude pour ce qui touche les chantiers maritimes. On sait qu'il faut rapidement une politique de soutien et de développement dans ce domaine. C'est le point principal où on peut émettre plusieurs inquiétudes.
Nous avons bien sûr des inquiétudes quant à l'avenir de nos chantiers maritimes. Actuellement, les navires importés sont frappés d'un tarif de 25 p. 100. En raison de la conclusion de l'accord, ces tarifs vont se mettre à diminuer graduellement dans trois ans, pour être tous éliminés dans quinze ans.
Or, nos chantiers maritimes sont nettement moins modernes que les chantiers norvégiens et sont en bien moins bonne santé. En effet, la Norvège a investi massivement dans la modernisation de ses chantiers, alors que le gouvernement fédéral a complètement abandonné les nôtres. S'il fallait que les frontières soient toutes grandes ouvertes demain matin, nos chantiers risqueraient d'être balayés.
Or, tant pour des raisons économiques que stratégiques ou environnementales, nous ne pouvons pas nous priver de chantiers maritimes. Peut-on imaginer les risques que le Québec encourrait si aucun chantier maritime n'était en mesure de réparer les navires échoués ou en panne dans le Saint-Laurent, la plus importante voie navigable au monde?
Depuis des années, le Bloc réclame une vraie politique maritime et, depuis des années, le gouvernement se traîne les pieds. En raison de la conclusion de l'accord, il n'y a plus de temps à perdre. Une politique de soutien aux chantiers maritimes est nécessaire, et cela presse. D'ailleurs, c'est la seule recommandation qui ressort du rapport du Comité permanent du commerce international sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Association européenne de libre-échange. Le comité a accepté d'y insérer la recommandation proposée par les porte-parole et porte-parole adjoint du Bloc québécois en matière de commerce international. Je la cite:
En conséquence, le gouvernement canadien doit sans tarder mettre en œuvre une vigoureuse stratégie de soutien de l’industrie de la construction navale qui soit par ailleurs conforme aux engagements du Canada à l’OMC.
C'est pratiquement la seule et grande recommandation du rapport. La politique conservatrice qui consiste à laisser les entreprises à elles-mêmes pourrait être funeste dans le cas des chantiers maritimes. Nous nous attendons à ce que le gouvernement abandonne sa mauvaise politique et demandons qu'il dépose, d'ici à la fin de l'année, une vraie politique de soutien et de développement du secteur naval.
Compte tenu de l'urgence, nous ne nous contenterons pas de bonnes paroles — d'ailleurs, le gouvernement en est un spécialiste. Cette fois-ci, comme les fois précédentes, on ne s'en contentera pas. Une vraie politique qui couvre tous les aspects de l'industrie est nécessaire.
Les quatre pays de cette association offrent de belles possibilités pour le Canada et, bien sûr, pour le Québec. Cela représente quand même une population totale d'environ 12 millions d'habitants. Ce sont des pays économiquement solides. Le PIB par habitant est de 60 000 $ pour la Suisse, de 82 000 $ pour la Norvège, de 62 214 $ pour le Liechtenstein et de 60 000 $ pour l'Islande. Celui du Canada est de 44 389 $.
Donc, c'est un bel exercice. On voit poindre quelque part une sorte de lumière au bout du tunnel. Cela démontre-t-il l'intention du gouvernement conservateur de laisser aller cette philosophie qu'il pouvait avoir lors des négociations antérieures? C'est un bel exercice. C'est une belle perspective, mais il y a des enjeux encore beaucoup plus importants pour plusieurs industries au Québec et au Canada. C'est vraiment l'Union européenne.
On voit aller le gouvernement, on le voit mettre de l'énergie dans des accords de libre-échange, comme avec l'Association européenne ou avec la Colombie. Ce dernier accord n'a pas été ratifié par le Congrès américain pour des motifs liés aux droits de la personne, mais le Canada poursuit ses négociations. D'ailleurs, il y a deux semaines, nous sommes allés en Colombie et au Panama.
Nous avons reçu des témoins et rencontré des représentants du gouvernement, des gens d'organisations non gouvernementales, des syndicalistes et des gens d'affaires.
Bien sûr, il y a des améliorations, mais on en ressort avec un certain doute qui persiste. Sans vouloir présumer de la position du Bloc québécois dans ces négociations, il y a quand même des points que l'on doit prendre en considération. Dans le contexte d'aujourd'hui, en ce qui concerne les accords internationaux, qu'ils soient multilatéraux ou bilatéraux, on sent de plus en plus le besoin d'intégrer certains éléments aux différents accords commerciaux.
Dans le contexte de l'Association européenne de libre-échange, il n'y a pas d'exploitation de la personne ni des travailleurs. En matière d'environnement, certains pays sont cités en exemple. Malgré tout, le mouvement économique international manifeste sa volonté d'inclure, dans les accords commerciaux, des éléments tels que les droits de la personnes, les droits du travail et les dimensions environnementales. De plus en plus, ces éléments devront être incorporés dans les accords et devront être évalués selon la situation de chacun des pays.
Un pays a la responsabilité, avec sa propre population, de répartir la richesse. D'ailleurs, le Canada n'est pas le meilleur exemple puisque, en 1989, cette Chambre votait à l'unanimité une motion selon laquelle le Canada se donnait 10 ans pour éradiquer la pauvreté. Cela fera bientôt 20 ans, et il y a plus de pauvreté qu'il n'y en avait à l'époque, et l'écart entre les pauvres et les riches se creuse. Pourtant, c'est une responsabilité des gouvernements.
Sur la scène internationale, les gouvernements devront aussi prendre en considération de plus en plus cette responsabilité internationale envers des pays qui vivent des situations économiques beaucoup plus négatives que celle que l'on vit à l'heure actuelle. Cette responsabilité doit se traduire dans les accords, par les dimensions du droit de la personne, du droit du travail et, évidemment, de l'environnement.
Revenons aux vrais enjeux, c'est-à-dire l'Union européenne. Un accord de libre-échange avec la Suisse, la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein, c'est bien sympathique, mais il faut être conscient des limites de cet accord. Ensemble, ces pays représentent environ 12 millions de personnes et environ 1 p. 100 des exportations canadiennes.
Le véritable enjeu constitue l'Union européenne. Avec ses 495 millions d'habitants générant 31 p. 100 du PIB mondial, l'Union européenne est la première puissance économique au monde.
Le Canada est beaucoup trop dépendant des États-Unis, pays vers lequel il envoyait plus de 85 p. 100 de ses exportations; ce chiffre se situe aujourd'hui à près de 79 p. 100.
J'ai abordé cette mise en garde que je voulais faire. Je veux qu'on se rappelle les recommandations du comité contenues dans le rapport complémentaire du Bloc québécois. Je mets en garde le gouvernement conservateur de véritablement prendre conscience qu'il doit maintenant prendre la nouvelle orientation qui se dessine — et elle se dessine rapidement — et qui consiste à inclure dans les accords bilatéraux les droits du travail, les droits de la personne, les éléments environnementaux et même, prochainement, la souveraineté alimentaire. Même l'OMC devrait y adhérer.
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Monsieur le Président, je suis ravi de participer au débat d'aujourd'hui sur le projet de loi . C'est en fait un événement heureux. Il s'agit d'un accord commercial et mon parti, le Parti libéral, est d'ordinaire très favorable aux échanges commerciaux. Il l'est depuis les quelque 140 années d'existence de notre pays.
Avant que je formule des observations sur ce projet de loi sur le commerce, j'aimerais parler d'une question connexe, la ratification. Quand le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, je me souviens qu'il avait parlé — je crois même qu'il y avait eu une déclaration à cet égard — de présenter les traités internationaux à la Chambre pour une ratification officieuse. Il n'était certes pas question de ratification officielle prescrite par la loi. Je ne sais trop si le gouvernement a oublié cette idée ni s'il va respecter son engagement.
En l'occurrence, le traité qu'a conclu le Canada exige un projet de loi dont doit être saisie la Chambre de toute façon. On n'a donc pas besoin d'une ratification officieuse ou officielle. J'aimerais dire que l'annonce du gouvernement selon laquelle il appliquerait un mécanisme de ratification représentait tout un changement dans le processus parlementaire.
Je dois en reconnaître le mérite au gouvernement. Nous n’avons pas encore vu les résultats de cette annonce. Les choses ne se sont pas passées comme nous le pensions, mais je rappelle au gouvernement qu’il a pris un engagement. Cet engagement met peut-être les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international mal à l’aise, mais je crois que c’est dans ce sens que la Chambre s’oriente, et le gouvernement a certainement reflété cette orientation dans son annonce. J’exhorte le gouvernement à honorer son engagement.
Revenons-en au projet de loi sur le commerce. Comme d’autres députés l’ont dit, il s’agit d’un nouvel accord commercial que le Canada a conclu avec quatre pays européens. Il est heureux que les planètes de cinq pays s’alignent, et tous ces pays pourront tirer parti du commerce et de l’accès plus libres prévus dans ce traité.
Il est en train de se passer quelque chose de grandiose en Europe. La plupart d’entre nous le savons, et le reste du monde aussi. Après quelques milliers d’années de conflits et de luttes, de tueries, d’incendies et de pillages, de déplacement des frontières et de conflits tribaux et intertribaux, l’Europe a décidé, après la dernière guerre, de former une union, de se donner des mécanismes pour prévenir ces fléaux et de rompre avec cette sordide histoire de guerres et de conflits. Elle réussit au-delà de toutes les espérances de ceux qui ont vécu les horreurs de la première moitié du XXe siècle.
L’Union européenne a adopté des modèles pour le commerce, les relations internationales, les questions monétaires et financières, le droit pénal et l’environnement, et elle a certainement réussi à devenir un nouveau pôle d’attraction dans le monde. J’allais employer le terme « pouvoir », mais c’est plus que cela. L’Union européenne est certainement un pôle d’attraction pour les dirigeants économiques et politiques dans le monde. Récemment, à une réunion, nous avons constaté que l’Europe était aux prises avec ce que nous appelons parfois le multiculturalisme. Il y a en Europe des dizaines et des dizaines de cultures et de langues. On ne peut pas dire qu’elles se fondent, mais elles cohabitent, s’entremêlement, s’adaptent et sont florissantes. Tout cela se passe en Europe comme cela se passe aussi au Canada. J’ai même entendu des Européens se reporter au modèle canadien de multiculturalisme lorsqu’ils cherchaient une sorte de plan pour gérer leurs problèmes internes liés à la culture, à la langue, à la religion, au patrimoine et à leur préservation.
L’Union européenne compte de 20 à 30 pays et constitue un marché d’environ un demi-milliard de personnes. L’UE et les pays dont il est question ici sont une partie du monde où la population est très instruite et très bien nantie. Ce que je veux souligner ici, c’est que les quatre pays en cause ne font pas partie de l’Union européenne. Ils sont dispersés dans son espace, mais ils n’en font pas partie. Pour des motifs qui leur sont propres, ils ne sont pas membres de l’Union européenne. Ces quatre pays sont la Norvège, le Lichtenstein, la Suisse et l’Islande.
Ces pays qui, pris individuellement, semblent petits constituent en fait un groupe assez important pour le commerce avec le Canada. Je le répète, mon parti est habituellement très enthousiaste à l’idée d’appuyer et de promouvoir l’amélioration des relations commerciales dans le monde, et je sais que le gouvernement actuel suit une politique semblable.
Le Canada est un important pays exportateur. Nous aimerions donc avoir accès à autant de marchés mondiaux qu’il nous est possible d’en trouver. Je dois dire que, dans ce cas particulier, tandis que nous signons cet accord commercial et modifions en conséquence nos lois – ce ne sont en fait que des modifications mineures –, nous n’aurons pas à nous soucier d’un problème qui peut se poser en cas de conclusion d’un accord commercial avec un pays ayant une main-d’œuvre à bon marché et des taux de salaire peu élevés. Nous n’avons pas à nous soucier de ce problème parce que les pays en cause ont tous des structures salariales correspondant à la moyenne européenne.
Si nous avions conclu un accord commercial avec un pays ayant des salaires très bas, les syndicats et les travailleurs canadiens auraient pu s’inquiéter. Les ententes de ce genre impliquent souvent d’importants ajustements du marché quand l’une des parties profite de la main-d’œuvre à bon marché de l’autre. Dans ce cas, ces ajustements ne seront pas nécessaires. La structure salariale des pays en question est tout à fait comparable à celle du Canada.
Certains s’interrogeront sur ce que cet accord implique vraiment. Nous pouvons parler de principes et d’argent, mais qu’est-ce que le commerce avec ces pays représentera réellement pour nous?
Dans ce cas particulier, les exportations canadiennes aux quatre pays de l’Association européenne de libre-échange comprennent notamment des produits pharmaceutiques, du cuivre, du nickel, des machines, des pierres précieuses, des métaux, des dispositifs médicaux, de l’aluminium, des produits de l’industrie aérospatiale, des pâtes et papiers, des produits chimiques organiques, des voitures et des pièces automobiles ainsi que des œuvres d’art et des antiquités. C’est là une liste qui couvre de très nombreux secteurs. Qu’achetons-nous dans ces pays? Pas du tout les mêmes genres de produits. Nous leur achetons des types particuliers de combustibles minéraux, des produits pharmaceutiques, des produits chimiques, des machines, des instruments médicaux et optiques, des horloges et toutes ces coûteuses montres que nous voyons dans les bijouteries des centres commerciaux. Beaucoup de ces montres viennent en effet des pays de l’Association européenne de libre-échange.
Nous avons d’excellentes relations commerciales avec ces pays. En 2007, nous leur avons vendu des marchandises d’une valeur de 5,1 milliards de dollars et leur avons acheté des biens valant environ 7,4 milliards. Il y a également beaucoup d’échanges de produits agricoles et de services.
De nombreux investissements sont en outre effectués de part et d’autre. En 2006, le Canada a investi 8,4 milliards de dollars dans ces quatre pays qui ont, à leur tour, investi 15,6 milliards de dollars au Canada. Ces chiffres témoignent d’une activité d’investissement très saine. Je pense que les Canadiens devraient s’en rendre compte. Nos entrepreneurs et nos investisseurs ne sont pas uniquement actifs au Canada. Nous sommes maintenant un pays exportateur de capitaux. Nous faisons des placements dans des entreprises, des affaires et des endroits partout dans le monde. Cela peut en inquiéter certains, mais, comme beaucoup d’entre nous ont des régimes de pension, nous devrions trouver rassurant le fait que les investissements canadiens s’étendent maintenant au monde entier. C’est du moins le cas des investissements particuliers et de nos régimes de pension qui, à l’échelle mondiale, peuvent paraître plutôt importants.
Ce sont quelques points saillants que je tenais à mentionner. L’accord commercial comporte par ailleurs des dispositions spéciales. Ne perdons pas de vue que cet accord a été négocié et qu’il tient donc compte aussi bien de certains intérêts canadiens que de certains intérêts des quatre pays en cause.
Le premier point que j'aimerais souligner porte sur l'agriculture. Comme nous le savons tous, le Canada a un assez bon système de régulation de l'offre qui touche bon nombre de produits agricoles et qui, à notre avis, s'est avéré efficace pour le Canada, tant au niveau national qu'international. Il y a certains aspects de ce système qui soulèvent des discussions ici au pays, mais de façon générale, je crois que la communauté agricole juge qu'il a été profitable.
Lorsque nous adhérons à une entente commerciale comme celle-ci, nous devons prendre des mesures pour protéger notre système de régulation de l'offre parce qu'un tel système n'est pas synonyme de commerce intérieur entièrement libre de toute restriction. C'est un système d'approvisionnement et d'établissement des prix qui est basé sur la gestion de l'offre. Les pays avec lesquels nous avons des échanges commerciaux veulent savoir si nous adhérons réellement à une politique libre-échangiste dans laquelle le marché est totalement souverain ou si nous appliquons un système de régulation de l'offre. Dans le présent traité, nous avons défini, à l'intention des pays qui disposent également de certains mécanismes de régulation de l'offre, le système que nous appliquons au Canada en matière de régulation de l'offre dans le secteur de l'agriculture et les dispositions de cet accord commercial garantiront qu'il restera intact. Ces mesures devraient rendre l'adhésion à ce traité beaucoup plus facile
Mon deuxième point porte sur la construction navale. L'industrie canadienne de la construction navale a beaucoup de mal à joindre les deux bouts depuis plusieurs années déjà. Bon nombre de députés voient à ce que leurs propos et tous les efforts qu'ils font au Parlement visent à appuyer le secteur canadien de la construction navale.
Le présent traité a donc dû être adapté pour assurer un niveau de protection raisonnable pour l'industrie canadienne de la construction navale. Les moyens qui ont été retenus portent sur la tarification, c'est-à-dire l'imposition de droits aux navires qui entrent au Canada en provenance de ces pays. Je suis persuadé que le Liechtenstein, qui est enclavé dans les Alpes européennes, ne dispose pas d'une industrie de la construction navale très forte, mais je sais que la Norvège et l'Islande en ont une.
Nous avons prévu une très longue phase de réduction tarifaire, qui s'étendra sur 10 à 15 ans, pour les différents types de navires. Pendant les 10 à 15 ans suivant la mise en vigueur de ce traité, des tarifs protégeront l'industrie canadienne de la construction navale. À la fin de cette période de 10 ou 15 ans, cependant, ces tarifs auront disparu progressivement. L'industrie canadienne de la construction navale doit se mesurer à la concurrence étrangère, mais elle disposera d'une période d'adaptation de 10 à 15 ans. C'est une bonne nouvelle pour notre industrie de la construction navale.
Le troisième élément qu'on a ajouté se retrouve souvent dans des accords commerciaux comme celui-là. Il s'agit d'une disposition de rétablissement des droits antérieurs. Je crois que la plupart des traités de ce type prévoient qu'elle peut être invoquée unilatéralement. Cette disposition vise à protéger des secteurs du marché national menacés sérieusement par l'importation d'un produit étranger.
En cas de menace, que ce soit parce qu'on pratique des prix d'éviction ou le dumping d'un produit au Canada, cet accord donnerait au Canada la capacité de recourir à la disposition de rétablissement des droits antérieurs. Nous ne devons pas oublier qu'il s'agit d'un accord commercial ne prévoyant pas de droits. S'il arrivait que des pratiques de dumping menacent sérieusement l'industrie canadienne, le Canada pourrait rétablir des droits au taux de la nation la plus favorisée. Ces droits viseraient à protéger l'industrie, pendant une période de temps donnée, contre la menace imprévue posée par le dumping d'un produit, d'une marchandise ou de quoi que ce soit d'autre en provenance de l'extérieur.
Voilà les trois dispositions particulières. En rétrospective, on dirait que cet accord commercial a été plutôt aisé à conclure. Je tiens à préciser, toutefois, qu'il a fallu dix ans pour y arriver. Les négociations entourant cet accord commercial ont débuté en 1998 et se sont terminées en 2007. Nous sommes à l'étape de la mise en oeuvre du traité mené à terme.
Comme mon parti, j'estime qu'il s'agit somme toute d'un bon accord commercial. Il servira bien les intérêts du Canada et ceux des quatre États de l’Association européenne de libre-échange. Il donnera assurément lieu à une augmentation et à une amélioration de nos échanges commerciaux, de même qu'à une amélioration des exportations, de l'emploi et de la prospérité dans tous ces pays.
Nous comptons nous prononcer en faveur du projet de loi.
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le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi , au nom du NPD.
À ce que je comprends des discours livrés par les députés de et de , le NPD pourrait être le seul parti opposé au projet de loi , mesure mettant en oeuvre l’accord entre le Canada et l’Association européenne de libre-échange.
Des raisons impérieuses justifient l’opposition du NPD à ce projet de loi, la plupart ayant été mentionnées par les porte-parole des autres partis de l’opposition, qui semblent pourtant prêts à approuver le projet de loi même s’ils ont exprimé des inquiétudes légitimes à l’égard de ses faiblesses et des risques qu’il pourrait présenter dans le contexte de la construction navale au Canada, ou de ce qu’il en reste, et de l’agriculture.
Comme le député du Bloc l’a souligné, la gestion de l’offre de nos produits agricoles est importante pour la stratégie agricole et industrielle du Canada, et nous ne voulons pas poser un geste qui risque de compromettre, miner ou diminuer, de quelque façon que ce soit, notre engagement à l’égard de la gestion de l’offre.
Je ferai remarquer au député que ce projet de loi particulier a été sévèrement critiqué par M. Terry Pugh, directeur exécutif du Syndicat national des cultivateurs, qui avait remarqué que les dispositions de l’accord en matière d’agriculture s’en remettent aux principes et aux mécanismes de l’Organisation mondiale du commerce en cas d’arbitrage ou de différends.
Nous connaissons la position de l’Organisation mondiale du commerce face à la gestion de l’offre et nous ne faisons pas confiance à son mécanisme de règlement des différends pour préserver la solidité et l’intégrité de la gestion de l’offre canadienne, que ce soit à la Commission canadienne du blé ou dans divers secteurs au Québec. J’aurais cru que cela aurait été une raison suffisante pour que les députés du Bloc s’opposent à l’adoption de cette mesure habilitante.
Tant que la disposition concernant la construction navale n’était pas exclue et que celle prévoyant le recours au mécanisme de règlement des différends de l’OMC n’était pas retirée, le NPD n’était pas disposé à approuver ce projet de loi, et ce principe tient toujours. Nous ne sommes pas seuls à défendre ce principe. Même si certains semblent disposés à prendre la parole aujourd’hui à la Chambre des communes pour défendre l’industrie de la construction navale et la gestion de l’offre, il y a dans la société civile d’importants intervenants qui souscrivent à la position du troisième parti, qui ont exprimé leurs opinions devant le comité et qui ont défendu avec éloquence la position du NPD selon laquelle il nous faut rejeter ce projet de loi dans sa version actuelle.
Je vais traiter en détail du projet de loi dans un moment, mais je tiens à dire mon ahurissement face à la manière dont le Canada a laissé tomber la construction navale, ce secteur industriel capital que nous voulons promouvoir, appuyer et préserver. Quel groupe de chimpanzés a bien pu décider que le Canada devrait se retirer de la construction navale? C’est la décision politique qui me semble avoir été prise.
J'ai été chef du syndicat des charpentiers dans ma province, le Manitoba, et je sais, par l'histoire de mon syndicat, que, dans les années 1940, 1950 et 1960, celui-ci comptait 30 000 membres qui travaillaient dans les cales sèches du chantier naval de Burrard, au centre-ville de Vancouver. Les membres de mon syndicat occupaient à eux seuls 30 000 emplois syndiqués bien rémunérés. Ce chiffre n'inclut pas les travailleurs de la construction navale, les chaudiéristes, les monteurs de charpentes métalliques ou d'autres gens de métier qui participaient à la construction des bateaux en Colombie-Britannique.
Ma collègue, la députée de , a tenté de défendre ce qui reste de l'industrie de la construction navale dans sa ville côtière. Nous avions une industrie de la construction navale florissante au pays. Nous étions des chefs de file dans ce secteur. Aux seules cales sèches de Burrard, où mes confrères de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique travaillaient, on construisait un bateau par semaine pour le convoi de navires de ravitaillement de la marine marchande, qui soutenait la Grande-Bretagne au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les travailleurs aux cales sèches de Burrard établissaient les normes de l'industrie en ce qui a trait à la production massive d'une certaine catégorie de bateaux qui, aujourd'hui, ne peuvent être construits au Canada. Cela se passait il y a 60 ans.
Nous étions à l'avant-garde, mais quelqu'un dans le secteur de l'établissement de politiques et de la prise de décisions au gouvernement fédéral a décidé, en vertu d'une logique tordue, que la construction navale n'était pas réellement une industrie dans laquelle nous, en tant que pays, voulions nous spécialiser. Cette personne avait peut-être d'autres projets grandioses pour nous, elle pensait peut-être que nous allions nous tourner vers des industries de haute technologie ou vers l'industrie du savoir.
Tout cela est bien beau, mais il ne faut croire pour autant que la construction navale est une vieille industrie lourde qui emploie des cols bleus et qui est désuète. Ce n'est pas le cas. Quiconque est allé en Norvège, comme je l'ai fait, sait qu'à Oslo les chantiers navals ont recours à des techniques de pointe, à l'informatique et à la haute technologie pour construire des bateaux qui sont parmi les meilleurs au monde. Cette technologie n'a rien à envier à celle qui est associée au Canadarm dans le secteur de la robotique, non plus que le produit fini.
Je suis allé à Lévis, au Québec, où il y a eu une fabuleuse tradition de construction navale tout au long des XIXe et XXe siècles. Si ce secteur avait été reconnu prioritaire et soutenu comme d'autres secteurs industriels l'ont été, le Canada serait, avec la Norvège, la Corée et le Japon, parmi les premiers pays constructeurs de navires.
Cependant, il y a des années, une décision de principe a été prise et ce secteur a été abandonné. Des gens ont dit: « Nos enfants ne veulent pas de ces métiers salissants, aussi nous nous orienterons vers d'autres secteurs ». Ce fut une erreur tragique.
Personne ne peut alléguer l'ignorance dans ce dossier parce qu'il a été rappelé à maintes reprises que l'abandon de ce secteur était une erreur. Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui aggrave cette erreur. Il enfonce le clou.
Hier, nous avons entendu le président de l'Ukraine nous énumérer ici les nombreux changements audacieux et courageux que vit son pays qui vient tout juste d'acquérir son indépendance et doit se débattre et s'épanouir. Il a notamment insisté dans son discours sur la fierté que l'Ukraine tirait de ses percées dans le monde compétitif de la construction navale.
L'Ukraine dépassera le Canada en termes de capacité en construction navale parce que son gouvernement qui, selon moi fait preuve d'un leadership audacieux dans ce secteur du moins, a ciblé la construction navale comme un des secteurs industriels qu'il entend promouvoir.
Nous avons un littoral maritime beaucoup plus long que l'Ukraine. Nous avons des ports en eau profonde dans trois océans, y compris le port de Churchill, au Manitoba. De tous les pays, c'est le Canada qui devrait être le plus avancé en construction navale. Mais nous sommes loin derrière.
Les députés ont parlé d'éliminer progressivement les droits de douane dans le secteur de la construction navale de manière à faciliter le libre-échange dans ce secteur. Certains ont affirmé que, puisque la Norvège avait éliminé progressivement ses subventions et était prête à renoncer à ses droits de douane, nous avions des rapports commerciaux équitables avec un pays comparable en termes de salaires et le reste. Je suis prêt à admettre que la Norvège est un pays social-démocrate où les salaires et les coûts économiques sont comparables à ce qui existe au Canada. Les deux pays sont donc sur le même pied.
Cependant, là où les deux pays ne sont plus sur le même pied, c'est dans la construction navale parce que la Norvège a subventionné généreusement ce secteur jusqu'en 2000, lorsque les chantiers navals ont été assez solides pour pouvoir se passer de subventions. Nous ne pouvons pas comparer cela avec les chantiers navals du Canada, qui ont été abandonnés et systématiquement démantelés pour n'être plus que l'ombre de ce qu'ils ont déjà été.
Je soutiens que l'industrie navale canadienne n'est pas équipée pour résister en toute équité à la concurrence d'une industrie qui s'est développée et qui a été gavée de subventions pendant de nombreuses années, jusqu'en 2000. C'est aujourd'hui une industrie redoutable par son dynamisme et sa modernité. Ces deux entreprises de deux pays différents, par exemple, ne peuvent aucunement se battre à armes égales. C'est une folie de ne pas l'admettre.
J'ai dit au départ que le NPD n'était pas seul à s'opposer à cet accord de libre-échange, même s'il a, paraît-il, peu d'alliés à la Chambre dans ce dossier et même si nos arguments ne semblent pas avoir convaincu les députés des autres partis d'appuyer notre position. Le NPD n'est pas seul, car il y a d'importants joueurs de la société civile qui confirment la justesse de sa position et qui l'appuient.
Permettez-moi de vous parler de l'un de ces joueurs. On ne sera pas surpris probablement d'apprendre que le président de la fédération des travailleurs des chantiers navals de la Colombie-Britannique, M. George MacPherson, a déclaré ceci:
L’industrie canadienne de la construction navale tourne déjà au tiers environ de sa capacité. La demande canadienne de navires sur les 15 prochaines années est estimée à 9 milliards de dollars en emplois canadiens. Aux termes des accords de libre-échange avec la Norvège, l’Islande et bientôt la Corée, puis le Japon, ces emplois dans les chantiers navals canadiens sont sérieusement menacés. En fait, le projet du gouvernement est pure folie et il est scandaleux.
Les Holloway, qui est directeur de la région de l'Atlantique pour les Travailleurs canadiens de l'automobile et qui est aussi un défenseur infatigable de l'industrie navale, est venu à plusieurs reprises témoigner devant des comités du Parlement. Il a déclaré au Comité du commerce international de la Chambre des communes que celui-ci « ne devrait pas recommander la signature de cet accord de libre-échange sans avoir d'abord recommandé au gouvernement fédéral de s'occuper des problèmes de l'industrie navale, de manière à ce qu'elle puisse concurrencer à armes égales » les industries de ces nouveaux partenaires commerciaux.
Il me semble qu'en soi, cet argument devrait suffire à motiver mes collègues du Bloc pour qu'ils rejettent ce projet de loi tant qu'on ne lui aura pas apporté les modifications nécessaires pour apaiser les craintes bien fondées qui se manifestent.
Andrew McArthur, de l'Association de la construction navale du Canada et des Chantiers Maritimes Irving, a dit ceci devant le Comité permanent du commerce international le 2 avril:
Nous sommes donc d'avis, depuis le premier jour, que la construction navale devrait être exclue de l'accord de libre-échange. Nous nous heurtons à un mur de briques depuis quelques années, et l'on nous dit que ce n'est pas possible. Si les Américains, par la Loi Jones, peuvent soustraire la construction navale de l'ALENA et d'autres accords de libre-échange, comme ils le font aujourd'hui avec la Corée, pourquoi le Canada ne peut-il pas faire de même?
C'est là une question légitime. Les Américains sont de meilleurs négociateurs que nous. Ils sont dans une position de force lorsqu'ils entreprennent des négociations. Ils ont décidé qu'ils protégeraient leur industrie de la construction navale aux termes de la Jones Act. Les Américains ont contesté à onze reprises la Commission canadienne du blé en soutenant qu'elle constituait en quelque sorte une subvention ou un avantage injuste. Nous n'avons jamais contesté la Jones Act même si c'est du protectionnisme dans sa forme la plus pure.
Je me souviens d'être allé à Washington pour discuter de questions commerciales avec des sénateurs américains. Une fois, les discussions portaient sur le lac Devils. Un sénateur que M. Lloyd Axworthy, qui était ministre des Affaires étrangères à l'époque, et moi étions allés rencontrer a su fort bien résumer la situation. Nous étions autour d'une table avec ce sénateur américain, qui nous a regardés droit dans les yeux et a fait la remarque suivante: « Mon garçon, si un jour nous avons à choisir entre ce qui est bon pour vous et ce qui est bon pour nous, nous ferons ce qui est bon pour nous. Merci d'être venus. » Et il nous a montré la sortie.
Voilà la position de négociation des Américains. Celle des Canadiens semble bien faible. Nous sommes chanceux s'il nous reste encore un peu de dignité en sortant de la salle compte tenu de ce que nous laissons sur la table.
Je connais bien les négociations. J'ai passé la plus grande partie de ma vie adulte à négocier des conventions collectives. Je sais que nous n'obtenons pas toujours tout ce que nous voulons à la table de négociation, mais je sais aussi que nous ne devons pas céder lorsque des questions d'une importance cruciale pour nous sont encore sur la table et qu'il reste encore des cartes à jouer.
Je tiens à dire à la Chambre qu'il y a encore des options pour le Canada si nous voulons protéger l'intégrité et la vigueur de notre industrie de la construction navale.
M. McArthur des Chantiers Maritimes Irving a également dit ceci:
Il faut faire quelque chose pour que la construction navale se poursuive. La solution la plus simple consiste à l'exclure de l'accord avec l'AELE. Si vous voulez faire quelque chose, convainquez vos collègues du gouvernement d'élargir l'accès au financement structuré, pour que les armateurs canadiens y aient accès en plus de la déduction pour amortissement accéléré, et l'industrie retrouvera tout son dynamisme.
Nous avons tous entendu parler de la déduction pour amortissement, une formule destinée à promouvoir et à appuyer d'autres secteurs de l'industrie.
Voici deux recommandations simples mais importantes dont l'application constituerait un témoignage de confiance à l'égard de notre industrie que nous abandonnons et qui doit seule affronter les intervenants d'autres pays.
J'ai été surpris de certaines des observations de mon collègue de . Il a notamment dit qu'il faut mettre en place ces accords de libre-échange sans barrières tarifaires, afin de soutenir la concurrence des pays où les salaires et les coûts sont faibles et où il est possible de construire des navires à meilleur marché.
On ne considère plus la Corée comme un pays où les salaires et les coûts sont bas. En Norvège, le salaire industriel moyen est plus élevé qu'au Canada. En réalité, dans ce contexte concurrentiel particulier, ce ne sont pas les pays où les salaires et les coûts sont bas que nous devons concurrencer.
Voyons ce qu'a déclaré M. Karl Risser Jr. qui témoignait devant le Comité permanent du commerce international à titre de président de la section locale 1 de Halifax de la division maritime des Travailleurs canadiens de l'automobile et au nom du Shipbuilding, Waterways and Marine Workers Council. Il a dit ceci:
Je suis ici au nom des travailleurs du secteur maritime de notre syndicat, pour exprimer notre opposition à cet accord. Les constructeurs navals du Canada sont loin de partir du même pied que leurs concurrents pour décrocher des contrats sur les marchés nationaux et internationaux. D'autres gouvernements, dont la Norvège, contrairement au Canada, appuient leur industrie de la construction navale depuis des années et lui ont taillé une place de choix. Nous avons pris très peu de mesures de protection, et ce qu'il nous reste à cet égard, c'est un tarif de 25 p. 100 sur les navires importés au Canada, des tarifs que le gouvernement élimine de jour en jour au moyen d'accords comme celui-ci et d'exemptions négociées avec les entreprises.
Pourquoi renonçons-nous à cela? À quelle fin? Quels intérêts supérieurs sont en jeu? Je suis renversé. Je ne suis ni scientifique, ni professionnel, ni universitaire mais j'ai comme l'impression que nous commettons une erreur tragique. Il m'arrive de perdre confiance. Je me demande où mes enfants vont travailler si le Canada ne construit plus rien du tout, si tout est construit ailleurs. Sommes-nous disposés à abandonner si facilement des pans critiques de notre secteur manufacturier?
Karl Risser Jr. termine son observation en disant ceci:
Cet accord avec l'AELE est donc une mauvaise affaire pour le Canada. Je serais ravi que quelqu'un me dise ce que le Canada va retirer de cet accord. Je sais que nous allons détruire notre industrie de la construction navale, une industrie qui vaut des milliards de dollars au Canada. Elle est maintenant sur le bord de la faillite et a besoin d'une grande tape dans le dos. Nous en avons l'occasion, mais reste à savoir si nous allons la saisir.
Et, pour terminer, il ajoute:
Encore une fois, je me pose une question. Quel avantage le Canada a-t-il à tirer de cet accord? Enfin, j'ai une dernière question: est-ce que cet accord va être soumis au Parlement, comme l'a affirmé [le ministre des Affaires étrangères actuel], pour un débat en profondeur et le vote?
Je suppose que sa question a trouvé réponse. Nous sommes ici pour un débat en profondeur. Le débat ne se fait pas tout à fait dans le contexte qu'on nous avait laissé prévoir pour des accords de libre-échange et pour ce qui est de certains aspects du processus qui soulevaient des inquiétudes.
J'ai tout de même certaines observations à faire à ce sujet. Nous ne sommes pas entièrement satisfaits du pouvoir décisionnel de la Chambre en matière d'accords de libre-échange. Il ne correspond pas à ce qui nous avait été promis au fil des années. Pour ce qui est de la mesure que nous débattons aujourd'hui, le gouvernement n'est pas tenu d'en saisir la Chambre des communes et de la mettre aux voix. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire à ce stade pour nous assurer que les intérêts des Canadiens sont respectés, tout au moins en matière de construction navale.
En deuxième lieu, dans le peu de temps qui me reste, j'aimerais faire valoir à nouveau nos inquiétudes concernant l'intégrité de la gestion de l'offre au Canada, qui est menacée par le mécanisme de règlement des différends que prévoit cet accord de libre-échange. Dans la mesure où le gouvernement a l'intention de soumettre les différends concernant la gestion de l'offre à l'OMC qui, comme nous le savons, n'y est pas particulièrement favorable, le Syndicat national des cultivateurs et ses homologues du Québec auraient de graves inquiétudes.
À elles seules, ces deux raisons justifient notre opposition à ce projet de loi. Nous ne sommes pas contre le libre-échange, surtout avec des pays qui sont essentiellement nos égaux sur le plan économique.
J'estime que nous devons assurer la libre circulation des biens et des services avec des pays social-démocrates comme la Norvège, mais sans jamais brader notre secteur agricole. Nous n'avons pas à faire comme dans Jacques et le haricot magique et échanger la vache de la famille contre trois haricots, qui risquent de ne jamais germer. Sur cette analogie, je mets un terme à mes observations.
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Monsieur le Président, avant de commencer mon intervention, je dois dire à quel point je suis heureux de pouvoir aborder ce sujet. Je crois que tous les députés, peu importe qu'ils soient pour ou contre, sont heureux d'avoir l'occasion d'en débattre à la Chambre.
Il n'y a pas si longtemps, et c'est encore vrai aujourd'hui dans une certaine mesure, les accords de libre-échange et les accords commerciaux relevaient exclusivement du pouvoir exécutif. Selon moi, le fait que le gouvernement saisisse la Chambre de cette initiative est un pas dans la bonne direction. Le projet de loi , qui porte sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États de l'Association européenne de libre-échange, mérite certainement qu'on en débatte à la Chambre et, à mon avis, qu'on l'appuie, car les États visés comptent parmi les meilleurs partenaires commerciaux que nous pourrions avoir.
Visiblement, certains d'entre nous sont préoccupés lorsque nous faisons des échanges commerciaux avec des pays où le respect des droits de la personne est douteux. Ce n'est pas le cas ici. Les pays d'Europe visés par le projet de loi défendent depuis longtemps les droits de la personne en tant que pays démocratiques occidentaux. Leurs valeurs sont les mêmes que celles du Canada et des Canadiens.
Tout au long de son histoire, le Canada a été une nation commerçante. Depuis les commerçants de fourrures du tout début de l'histoire du Canada jusqu'à aujourd'hui, où nous exportons de tout, allant des produits énergétiques aux produits de haute technologie, partout dans le monde, notre prospérité dépend de notre capacité commerciale.
Au début de la Confédération, en 1867, et avant le Traité de Westminster, le principal partenaire commercial du Canada était la Grande-Bretagne. Aujourd'hui, 80 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. La diversification de nos échanges commerciaux sera cruciale au fur et à mesure que la concurrence mondiale s'intensifiera.
Je crois que l'accord visé par le projet de loi, l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États de l'Association européenne de libre-échange, est une excellente occasion pour notre pays d'accroître le nombre de ses partenaires et d'élargir ses accords commerciaux afin de pouvoir profiter d'une relation commerciale avec les pays européens.
Il est important de se souvenir que le Canada, un pays d'environ 34 millions d'habitants, dépend depuis ses débuts du commerce international pour assurer sa prospérité et pour maintenir sa croissance économique et démographique. Le Canada regorge de richesses et est doté d'une main-d'oeuvre sans pareil dans le monde.
Le PIB du Canada dépasse 1,4 billion de dollars. Il est de 38 000 $ par habitant. Le pouvoir d'achat du pays est de plus de 1,2 billion de dollars. Le Canada exporte plus de 2,2 millions de barils de pétrole par jour et plus de 100 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Il exporte aussi des aéronefs, des automobiles, d'autres produits industriels, des plastiques, du bois et de l'aluminium, pour ne nommer que quelques produits.
Aujourd'hui, alors qu'il est question dans cette enceinte du prix de l'essence et du prix du baril de pétrole qui augmentent sans cesse, on s'inquiète des répercussions que pourrait avoir cette augmentation sur l'économie canadienne.
Le Canada regorge certainement de ressources naturelles et fait partie des grandes puissances énergétiques, c'est le moins qu'on puisse dire, car il y a une demande très forte pour l'énergie dans le monde à l'heure actuelle. Le Canada en tire évidemment avantage, comme on peut le voir aujourd'hui en observant la hausse du dollar canadien, qui a tantôt des effets avantageux, tantôt des effets désavantageux pour le pays.
D'autres députés et moi avons déjà parlé des problèmes qui nous préoccupent dans le secteur de la fabrication. Nous nous inquiétons bien entendu des pertes d'emplois dans ce secteur. Hier, les médias rapportaient qu'il y a actuellement davantage de gens qui travaillent dans le secteur des services que dans le secteur de la fabrication.
Certains diront que c'est bon signe, mais d'autres se font beaucoup de souci. Au-delà des pertes d'emplois comme telles dans le secteur de la fabrication, qui m'apparaissent déjà comme un problème crucial pour le pays, on s'inquiète notamment du fait que ces emplois perdus étaient des emplois bien rémunérés.
Le salaire moyen dans le secteur de la fabrication est deux fois plus élevé que dans le secteur des services. De plus, les avantages sociaux sont pratiquement inexistants pour les travailleurs du secteur des services et leurs familles, ce qui nous préoccupe tous beaucoup. Ce sont des problèmes qui méritent une attention spéciale.
Les exportations totalisent plus de 440 milliards de dollars par année. Que signifie tout cela pour nous, les parlementaires, et surtout pour les Canadiens de tout le pays qui recherchent chaque jour par leur travail la prospérité pour eux-mêmes et leurs familles?
En termes simples, la prospérité future du Canada dépend du commerce et de nos relations commerciales tout autant qu'au début de la colonisation de ce pays. La différence la plus grande est que, au début de la colonisation, au Canada, la majeure partie du commerce se faisait à l'échelle locale ou dans le contexte des réalités coloniales. Plus tard, la Grande-Bretagne et le Commonwealth ont constitué les principaux débouchés commerciaux pour notre pays.
Très peu de gens nieraient que le monde a beaucoup changé, non seulement par rapport à l'époque des premiers colons, il y a des siècles, mais aussi par rapport au monde que nous avons connu il y a moins de 50, voire 20 ans. Il y a quelques réalités dont notre pays doit tenir compte et auxquelles il doit s'adapter. Je parle des marchés émergents d'Asie, des économies très dynamiques de la Chine, de l'Inde et du Brésil, qui poursuivront leur croissance et continueront d'influer sur l'économie mondiale.
Comme nous le savons tous, vers la fin des années 1980, le Canada a entamé, avec les États-Unis, des négociations qui ont mené à la création de l'Accord de libre-échange nord-américain. Certaines clauses de l'accord nous causent toujours des soucis, mais la réalité, c'est que nos échanges commerciaux avec les États-Unis représentent plus de 80 p. 100 de notre commerce avec le monde. La réalité, c'est que, en vertu de l'ALENA, le Canada a enregistré un excédent commercial important avec son partenaire commercial, les États-Unis. Les modifications qui pourraient être apportées à l'ALENA pourraient faire l'objet d'un autre débat, mais le fait est que, lors de la négociation de cet accord, il était clair qu'il existe de nouvelles réalités économiques dans le monde et que nous devons être dans la meilleure position possible pour composer avec elles.
L'accord de l'Association européenne de libre-échange dont nous discutons aujourd'hui peut sembler ne pas représenter une part importante de notre économie. En fait, les pays partis à l'accord européen de libre-échange constituent la cinquième destination des exportations canadiennes de marchandises en importance.
Je crois qu'il faut souligner certains éléments clés de ce projet de loi et en discuter. Ce projet de loi éliminerait les droits sur les produits non agricoles et certains produits agricoles sélectionnés, offrant ainsi aux exportations canadiennes un meilleur accès au cinquième marché d'exportation en importance pour le Canada. Il jette les bases d'un accord plus complet sur les services et les investissements avec des pays membres de l'Association européenne de libre-échange, et ouvre la porte à des pourparlers de libre-échange à plus grande échelle avec l'Union européenne.
Ce projet de loi répond à des préoccupations concernant l'industrie de la construction navale en prévoyant l'élimination progressive des droits de douane sur une plus longue période que tout autre accord conclu entre pays industrialisés, soit sur 15 ans pour les navires les plus sensibles, et sur 10 ans pour les autres navires sensibles. Pendant les 3 premières années, il n'y aura aucune réduction des droits. La construction navale bénéficie aussi du renouvellement du Mécanisme de financement structuré d'Industrie Canada, un investissement de 50 millions de dollars.
Il existe une disposition de rétablissement automatique des droits au taux de la nation la plus favorisée pendant une période pouvant atteindre trois ans si l'accord finit par constituer une menace sérieuse pour l'industrie d'un pays. Il existe aussi un processus d'arbitrage exécutoire. Les programmes de gestion de l'offre des produits agricoles et d'achat de produits canadiens ne seront pas menacés.
Comme je l'ai dit plus tôt, les pays de l'Association européenne de libre-échange constituent le 14e négociant en marchandises en importance au monde et le cinquième marché d'exportation en importance de produits canadiens. Les échanges commerciaux bilatéraux de produits non agricoles entre le Canada et les pays membres de l'AELE se sont élevés à 12,6 milliards de dollars en 2007. Les exportations canadiennes vers les pays membres de l'Association européenne de libre-échange se sont pour leur part élevées à 5,1 milliards de dollars en 2007 et comprenaient des produits très importants comme le nickel, le cuivre, des produits pharmaceutiques, de la machinerie, des pierres et des métaux précieux, des appareils médicaux, de l'aluminium, des produits destinés à l'industrie aérospatiale, des pâtes et papiers, des produits chimiques organiques, des véhicules et des pièces automobiles, ainsi que des oeuvres d'art et des antiquités. Nos échanges commerciaux actuels avec l'Europe sont déjà très variés et nous prévoyons que cela va s'accroître grâce à cet accord.
Le Canada a importé des produits d'une valeur d'environ 7,4 milliards de dollars en provenance de pays membres de l'Association européenne de libre-échange en 2007. Parmi les produits importés, on retrouve des combustibles minéraux, des produits pharmaceutiques, des produits chimiques organiques, de la machinerie, des instruments médicaux et optiques, des horloges et des montres. En 2006, l'investissement étranger direct du Canada sur le marché de l'AELE a été d'environ 8,4 milliards de dollars et l'investissement direct des pays membres de l'AELE au Canada a été d'environ 15,6 milliards de dollars. Ce sont de grosses sommes d'argent.
Il est également important de souligner les réactions de certains des intervenants dans ce dossier. Des préoccupations ont été soulevées et les propos de certains de ces intervenants doivent être pris en compte. Malgré les protections qui ont été prévues dans l'entente, on continue de craindre que l'industrie de la construction navale soit incapable de soutenir la concurrence dans de telles conditions, ce qui pourrait entraîner d'importantes pertes d'emplois. C'est un problème sur lequel nous devons nous pencher.
Certaines dispositions ont été prévues à cet égard, mais le gouvernement doit prendre ces questions au sérieux. Il doit voir à ce que l'industrie de la construction navale soit bien protégée, non seulement dans le cadre de ces ententes, mais aussi grâce à des incitatifs financiers qui sont essentiels pour la survie de ce secteur clé de notre économie. Nous devons accorder une attention toute particulière au secteur manufacturier et à l'industrie de la construction navale.
Le Syndicat national des cultivateurs a émis l'opinion que cette entente aura des répercussions négatives sur la régulation de l'offre en affaiblissant la position du Canada devant l'Organisation mondiale du commerce. Aucun des groupes soumis à la régulation de l'offre n'a soulevé quelque préoccupation que ce soit. L'industrie laitière fait partie des secteurs qui risquent d'être les plus touchés. Toutefois, les Producteurs laitiers du Canada ont été consultés et ils n'ont fait part d'aucune préoccupation à cet égard. Ces questions doivent faire l'objet d'une discussion.
Comme je l'ai mentionné précédemment, il s'agit d'une entente dont on parle depuis 1998, au moment où le gouvernement libéral dirigé par Jean Chrétien a entrepris les négociations. L'entente a été signée le 26 janvier 2008 en Suisse. Elle a été déposée à la Chambre le 14 février 2008. Un comité s'est penché sur le document et a transmis son rapport à la Chambre le 7 avril et nous discutons actuellement de ce projet de loi que le gouvernement a présenté et espère promulguer.
De toutes les ententes dont nous avons parlé par le passé, celle-ci vise des pays dont nous partageons les vues, des pays pour lesquels nous avons beaucoup de respect et avec lesquels nous avons conclu des alliances depuis bon nombre d'années. Un grand nombre de liens tant historiques que culturels unissent le Canada et ces pays européens.
Nous avons également assisté à la naissance du marché commun européen, qui a connu un énorme succès. Grâce à celui-ci, des pays qui à une époque étaient pauvres sont maintenant au premier rang mondial, et la qualité de vie de tous les habitants de ces pays a augmenté. L'Union européenne a admirablement réussi à accroître le niveau de vie de tous les Européens, et a entraîné la création d'un marché commun qui connaît un succès énorme.
Tous les jours, j'apprends dans les journaux ce qui se passe en Europe. Une importante réunion a eu lieu pour signer le traité de Lisbonne. Dès que les Parlements européens l'auront adopté officiellement et que celui-ci sera mis en oeuvre, il solidifiera ces remarquables nations unies de l'Europe, si on peut les appeler ainsi.
Il a fallu un grand acte de foi de la part de tous ces pays pour travailler ensemble. Ceux-ci ont compris que c'était nécessaire non seulement à cause des guerres et des querelles qui ont eu lieu par le passé, mais aussi parce qu'ils se sont rendu compte que c'était la chose qui s'imposait pour le XXIe siècle.
Ici, au Canada, nous sommes très heureux des développements qui ont lieu en Europe. Nous souhaitons certainement consolider nos liens sociaux et économiques. L'accord proposé contribuera grandement à cette consolidation.
Je suis heureux de l'appuyer, malgré le fait que certaines préoccupations demeurent. Je les comprends certainement. Il faut en tenir compte. Différents mécanismes peuvent être mis en place. Il incombe au gouvernement de le faire et de veiller à la protection de nos divers secteurs et industries.
Au bout du compte, nous voulons veiller au bien-être de tous les Canadiens en faisant en sorte qu'ils puissent travailler et gagner un salaire décent. Nous voulons des échanges commerciaux équitables, comme nous en avons discuté. Le commerce équitable est l'élément important qui permettra à ces accords de résister à l'épreuve du temps et de produire des résultats positifs pour tous les Canadiens.
Encore une fois, je suis très heureux que la Chambre ait été saisie de ce projet de loi et que l'exécutif ait permis au Parlement de tenir un débat sur cet accord commercial.
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Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi , qui permettait l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange. Cette association comprend quatre pays, en l'occurrence la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein et la Suisse.
D'entrée de jeu, je tiens à réitérer que le Bloc québécois, après une démarche responsable et d'analyse, appuiera ce projet de loi qui, nous estimons, offre globalement des perspectives économiques commerciales intéressantes pour le Québec qui méritent d'être soulignées. Cependant, il y a également certaines inquiétudes que mes collègues ont mentionnées et que nous partageons.
Nous savons tous que le Québec est une nation commerçante. Plusieurs de nos entreprises, particulièrement celles qui oeuvrent dans les secteurs de pointe, dépendent des exportations pour assurer leur croissance. Cela est important. Les exportations internationales représentent près du tiers du PIB du Québec. Si on y ajoute le commerce avec les provinces canadiennes, les exportations du Québec représentaient environ 50 p. 100 de son produit intérieur brut en 2006.
Le Québec est, sur le plan commercial, beaucoup trop dépendant du marché des États-Unis. En effet, près de 85 p. 100 de nos exportations actuelles sont dirigées vers les États-Unis. Or, avec le ralentissement de l'économie américaine que nous voyons présentement, la montée du dollar canadien et l'offensive importante des pays émergents comme la Chine et l'Inde sur le marché américain, nous avons de plus en plus de difficultés à maintenir notre part de marché chez nos voisins du Sud. Le résultat pour le Québec a été significatif car plus de 150 000 emplois manufacturiers ont été perdus dans les cinq dernières années, dont plus de 80 000 depuis l'arrivée des conservateurs avec leur doctrine du laisser-aller.
La circonscription que je représente, Berthier—Maskinongé, a été fortement touchée par les pertes d'emplois dans le secteur du meuble et du textile. Ainsi, si nos échanges commerciaux étaient plus diversifiés et que nous étions moins dépendants des États-Unis, notre secteur manufacturier serait beaucoup moins secoué. C'est dans cet esprit que cet Accord de libre-échange avec l'Association européenne est une initiative qui mérite d'être explorée et même appuyée.
Par exemple, comme au Québec, l'industrie pharmaceutique de médicaments d'origine est très vigoureuse en Suisse. Au Canada, le Québec est le leader dans le domaine du médicament d'origine en raison de son bassin de chercheurs qualifiés et de son régime fiscal avantageux. On peut donc facilement imaginer, et nous osons même espérer et nous allons fortement encourager cela, que pour pénétrer plus facilement le marché des États-Unis, les entreprises pharmaceutiques suisses pourraient être tentées de fabriquer des médicaments au Québec et, par conséquent, apporter de nouveaux investissements chez nous. Cela constitue l'une des raisons importantes pour laquelle nous appuyons ce projet de loi.
Regardons le cas de la Norvège. Le nickel représente plus de 80 p. 100 des exportations canadiennes vers ce pays. Or, la plus importante mine au Canada et la troisième plus importante au monde se trouve chez nous, dans l'Ungava, propriété d'une entreprise suisse. Cet accord peut donc représenter un avantage intéressant pour le Québec.
C'est une autre raison pour laquelle nous appuyons cet accord.
Comme je l'ai déjà mentionné, si nous appuyons cet accord, c'est qu'il offre des possibilités intéressantes pour le Québec, et le Bloc québécois est là pour défendre principalement les intérêts du Québec.
Cet accord a également l'avantage de ne pas présenter des défauts que d'autres accords précédents possédaient. Par exemple, contrairement à l'accord de l'ALENA, les accords avec le Costa Rica ou avec le Chili contiennent tous un mauvais chapitre — que nous connaissons très bien — sur les investissements qui donne aux entreprises le droit de poursuivre un gouvernement qui adopterait des mesures qui diminueraient leurs profits. On ne trouve pas de telles dispositions dans l'accord avec l'Association européenne de libre-échange. Bien sûr, le Bloc québécois s'en réjouit. Ces pays respectent fondamentalement les droits de la personne et les droits des travailleurs, et cela est une autre raison pour laquelle nous appuyons cet accord.
De plus, l'accord avec l'Association européenne de libre-échange ne couvre que les biens, pas les services. Ainsi, rien ne nous amènera à ouvrir à la concurrence les services publics, qu'ils soient offerts par l'État ou non, puisqu'ils ne sont pas couverts par cet accord.
De la même façon, les services financiers et les banques ne seront pas exposés à la concurrence de la Suisse qui possède un système bancaire très solide, comme on le sait très bien.
Pour les achats gouvernementaux, c'est la même chose. Le gouvernement conserve sa pleine liberté de privilégier l'achat chez nous, sous réserve de l'accord de l'OMC sur les marchés publics. C'est un élément indispensable à toute forme d'accord commercial.
J'aimerais également parler d'agriculture. Nos collègues du NPD semblent avoir quelques préoccupations à cet égard. Je parlerai plus particulièrement de la gestion de l'offre, dossier très important pour le Québec et pour la circonscription que j'ai l'honneur de représenter, soit Berthier—Maskinongé.
On se souviendra que c'est le Bloc québécois qui a fait adopter une motion, en 2005, demandant le maintien intégral de la gestion de l'offre. Nous nous sommes assurés auprès des instances de l'agriculture au Québec que cet accord ne nuisait pas à la gestion de l'offre, qu'il ne la contredisait pas et qu'il ne la remettait pas en question.
Nous sommes très fiers de cette motion et nous allons continuer de la défendre, car nous croyons que ce système permet aux agriculteurs et aux consommateurs d'être mieux desservis. Nous sommes satisfaits des accords bilatéraux agricoles de cette entente, car les produits sous la gestion de l'offre demeurent protégés.
Certes, l'abolition du tarif intra-contingent est prévue dans l'accord agricole avec la Suisse, mais il ne concerne que le segment de marché qui est déjà couvert par les importations, soit 5 p. 100. Donc, l'abolition n'aura qu'un effet marginal sur nos producteurs laitiers, car les contingents tarifaires et les tarifs hors contingent demeurent inchangés. Il est important que cela demeure ainsi, d'autant plus que les protéines laitières sont exclues de l'accord. C'est une autre disposition essentielle pour maintenir la pleine vitalité de notre agriculture.
Cependant, l'abolition du tarif de 7 p. 100 que le présent accord prévoit rend encore plus nécessaire une position ferme du gouvernement fédéral à l'OMC, c'est-à-dire que la gestion de l'offre n'est tout simplement pas négociable, et le Bloc québécois continuera à exiger la défense intégrale de la gestion de l'offre à l'OMC.
Cela dit, cet accord soulève chez nous une inquiétude qui concerne l'avenir de nos chantiers maritimes. Actuellement, les navires importés sont frappés d'un tarif de 25 p. 100. Avec la conclusion de cet accord, ces tarifs vont diminuer graduellement dans trois ans pour être éliminés dans 15 ans. J'ai entendu le se vanter du fait que son gouvernement avait réussi à négocier cette période d'adaptation de 15 ans.
Je crois que le ministre doit être conscient que cette période d'adaptation prévue à l'accord n'aura d'utilité que si elle est accompagnée de programmes d'adaptation et de modernisation vigoureux pour les chantiers maritimes.
Autrement, elle ne ferait que ralentir le déclin de notre industrie. D'ailleurs, la Norvège l'a très bien compris.
Au Canada, le gouvernement fédéral, libéral ou conservateur, n'a rien fait pour soutenir notre industrie navale. Il ne subventionne plus son industrie maritime depuis 1988. C'est une vraie honte, étant donné toutes les subventions actuellement accordées à des industries pétrolières qui font des profits exorbitants.
De plus, non seulement les quelques mesures d'aide encore disponibles sont très mal adaptées à l'industrie de la construction navale, mais le gouvernement fédéral a même pénalisé les provinces qui ont mis sur pied des mesures novatrices, comme le crédit d'impôt remboursable du Québec, considéré pendant plusieurs années comme un revenu imposable par Ottawa en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cela lui permettait de récupérer de 20 p. 100 à 25 p. 100 de l'aide versée par le Québec à la construction navale. C'est incroyable mais vrai!
Ainsi, aujourd'hui, plusieurs de nos chantiers maritimes éprouvent des difficultés et sont peu concurrentiels. Ce type de politique doit être mis de côté. On doit soutenir davantage notre industrie maritime.
Grâce à l'appui de son gouvernement, l'industrie norvégienne pour sa part est aujourd'hui performante et concurrentielle. Et maintenant, le gouvernement norvégien travaille à lui ouvrir de nouveaux marchés étrangers.
La politique des conservateurs, qui consiste à laisser les entreprises à elles-mêmes, pourrait être très dommageable pour notre industrie navale. Nous disposons de 10 à 15 ans pour nous retourner et mettre en place des programmes visant à soutenir notre industrie.
Dans le cas du secteur manufacturier, nous pouvons constater comment l'inaction des conservateurs provoque des milliers de pertes d'emplois. Il faudrait que cette leçon serve pour l'industrie navale. Ainsi, nous demandons que le gouvernement fédéral abandonne sa politique du laisser-faire et qu'il présente rapidement une politique de soutien et de développement du secteur naval. Le Bloc québécois demande cela depuis déjà plusieurs années.
D'ailleurs, voici la motion que j'ai déposée au Comité permanent du commerce international au nom du Bloc québécois, et pour laquelle nous avons obtenu un appui:
[...] le gouvernement canadien doit sans tarder mettre en œuvre une vigoureuse stratégie de soutien de l'industrie de la construction navale qui soit par ailleurs conforme aux engagements du Canada à l'OMC.
Cette motion a été appuyée par l'ensemble des membres du comité, mais après plusieurs débats et plusieurs réticences. Je crois qu'elle est importante dans ce contexte.
Nous devons soutenir notre industrie. Nous avons de 10 à 15 ans, selon le type de bateau, pour soutenir cette industrie maritime. Il est donc temps d'agir.
Par cette motion, nous indiquons à ce gouvernement qu'il se doit d'agir et de présenter une stratégie globale de soutien de l'industrie navale, car il ne faudrait pas que la mauvaise politique industrielle des conservateurs se traduise également par une mauvaise politique commerciale.
Le laisser-faire n'a rien donné depuis ces dernières années, et il est temps d'agir. Ce gouvernement en a les moyens. Cette stratégie devrait notamment faciliter l'accès au capital pour l'industrie, stimuler l'investissement, privilégier les fournisseurs locaux dans les marchés publics et, évidemment, encourager les armateurs à acheter leurs navires chez nous.
En effet, lors de leur comparution en comité, les représentants des chantiers maritimes ont répété qu'ils souhaitaient un programme qui facilite l'amortissement accéléré, dont pourraient se prévaloir les acheteurs de navires canadiens, et la mise en place d'un mécanisme de financement structuré.
En matière de soutien aux secteurs industriels en difficulté, le gouvernement conservateur pratique la politique du laisser-aller, du laisser-faire, comme je l'ai dit auparavant, de la libre entreprise: le libre-échange réglera tout par lui-même. Ce n'est pas vrai.
Dans le cas des chantiers maritimes, comme pour le secteur manufacturier où nous avons perdu de nombreux emplois, nous croyons que cette politique est carrément irresponsable.
Nous savons comment les Américains et les Européens soutiennent leurs industries. C'est à nous de prendre notre place à cet égard pour être plus concurrentiels. C'est pour cette raison que le Bloc québécois insistera pour que le gouvernement présente rapidement une série de mesures qui pourront favoriser le développement de notre industrie maritime. Je demande aux partis de l'opposition ici présents de nous appuyer dans cette démarche.
Je terminerai en soulignant le fait que, bien que nous appuyions cet accord, il faut être conscient que l'impact de ce dernier demeure limité. En effet, les quatre pays membres de l'association représentent près de 12 millions de personnes et environ 1 p. 100 des exportations canadiennes. Le véritable enjeu commercial est l'Union européenne. Avec ses 495 millions d'habitants et générant 31 p. 100 du produit intérieur brut mondial, l'Union européenne est la première puissance économique. Nous croyons qu'un accord de libre-échange avec l'Union européenne doit être l'objectif à privilégier.
Comme nous le savons, le pétrodollar canadien a beaucoup augmenté face au dollar américain, ce qui a provoqué une importante crise dans le secteur manufacturier. Ce que l'on sait moins est qu'il a beaucoup moins augmenté face à l'euro. Comme je l'ai déjà indiqué, si nos échanges commerciaux étaient plus diversifiés et que nos exportations étaient moins orientées vers les États-Unis, notre secteur manufacturier serait beaucoup moins ébranlé et en bien meilleure santé. Dans ce contexte, l'Union européenne devient un partenaire incontournable.
De plus, un accord de libre-échange avec l'Union européenne comporterait des avantages au niveau des investissements. En effet, jumelé à l'ALENA, les entreprises européennes jouiraient des conditions les incitant à faire du Québec et du Canada leur porte d'entrée vers le marché nord-américain et, donc, à y effectuer une partie de leur production. Pour ce qui est de cet accord de libre-échange, nous allons l'appuyer. Comme près de 40 p. 100 des investissements européens au Canada se retrouvent déjà au Québec, celui-ci serait sûrement un endroit privilégié pour les entreprises européennes qui désirent investir en Amérique du Nord.
Ainsi, nous souhaitons que le gouvernement fédéral en arrive rapidement à une entente avec l'Union européenne, car il s'agirait de la meilleure façon de diversifier notre économie et de diminuer notre grande dépendance face au marché des États-Unis.
Je suis disposé à répondre aux questions des députés de la Chambre.
:
Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi de parler de cette question importante.
Les accords commerciaux comportent un grand nombre de facettes. Le principe fondamental de tout accord devrait être, pour des raisons évidentes, de favoriser des relations commerciales équitables et fondées sur des principes, afin de stimuler le développement économique et la prospérité sociale dans notre pays. En outre, tout accord commercial devrait permettre de multiplier les relations avec d'autres pays et de favoriser en contrepartie leurs échanges commerciaux et leur prospérité.
Cependant, dans ce débat, il est essentiel de prévoir un équilibre et une indemnisation en cas de modifications de fond susceptibles d'avoir un impact sur les travailleurs de tout le pays, du Québec, de la Colombie-Britannique ou de ma province d'origine, l'Ontario. Des changements très importants sont déjà survenus dans la vie des travailleurs lorsque le gouvernement a mis en place un accord commercial. En fait, bien que nous soyons en train d'en discuter à la Chambre, nous ignorons encore si nous passerons aux actes.
Dès le début, nous avons exprimé certaines réserves en ce qui concerne l'industrie de la construction navale et la régulation de l'offre pour l'industrie agricole. Nous avons tenté de trouver des solutions à ces problèmes importants parce que les travailleurs risquent d'être exposés à des pratiques et méthodes déloyales. Nous nous opposerons donc à cet accord commercial tant que ces questions n'auront pas été réglées.
Je trouve un peu naïfs les autres partis qui soulèvent des préoccupations et espèrent aveuglément que les conservateurs prendront des mesures ultérieurement. Il faut inscrire ces éléments dans la structure de l'accord dès maintenant, car, si nous nous mettons à prendre d'autres mesures plus tard, si nous agissons différemment plus tard, les autres gouvernements vont lancer des contestations. Ils vont remettre en question notre bonne foi au moment de signer l'accord. Nous allons engendrer une autre situation compliquée.
Nous devons nous assurer que les autres parties à l'accord commercial comprennent que certains éléments nous préoccupent et qu'il faut des règles différentes.
Dans le cas de l'industrie de la construction navale, on s'inquiète de l'équité. La Norvège, particulièrement, cherche à s'emparer de ce joyau canadien. Notre industrie se trouve devant de belles possibilités. Nous avons discuté de l'érosion de l'industrie, mais aussi de l'occasion incroyable que nous avons de rebâtir nos capacités en matière de construction navale. Je vais en parler brièvement tout à l'heure. Quoi qu'il en soit, c'est une occasion excitante pour les fabricants canadiens. Nous avons la possibilité d'ajouter de la valeur à ce que nous pouvons faire dans nos ports.
Nous l'avons fait par le passé. Voilà une occasion que nous laisserons filer si nous concluons l'accord, car la période d'élimination progressive, de 10 à 15 ans, selon les circonstances, n'est pas suffisante pour mettre en place la politique appropriée. Je le répète, si nous prenons des mesures en ce sens après avoir signé l'accord, je suis sûr que nous nous exposons à des contestations. Il faut corriger cela avant d'aller de l'avant.
Le deuxième aspect qui nous préoccupe de plus en plus, c'est la gestion de l'offre. Avec l'accord, nous abandonnerions notre indépendance agricole à bien des égards. Certains éléments seraient assujettis à l'OMC et il y aurait des mécanismes liés aux différends commerciaux. J'y reviendrai tout à l'heure. Nous abandonnerions notre souveraineté.
Je viens d'une collectivité qui dépendait des emplois dans le secteur automobile et qui en dépend encore étant donné que nous essayons d'opérer une transition dans une certaine mesure et de regagner certains emplois. Ma collectivité a vu directement les effets catastrophiques des accords commerciaux et de l'OMC.
Cela s'observe tout particulièrement dans le secteur manufacturier d'un bout à l'autre du pays. Il y a actuellement plus d'emplois dans le secteur des services que dans le secteur manufacturier, secteur dans lequel on a perdu au cours des cinq dernières années quelque 250 000 emplois, dont 60 000 depuis janvier. Cela est inacceptable. Ce phénomène tient essentiellement à une économie faussée par une forte exportation de matières premières, surtout dans le secteur des hydrocarbures, ce qui ne peut pas durer. Nous avons fait grimper notre devise si vite et si haut que, dans bien des cas, nous n'avons pas eu le temps de nous adapter à l'escalade qui s'en est suivie.
L'occasion ne nous a pas été donnée de nous préparer. On omet souvent de signaler dans le cadre du débat sur cette question que, si l'on n'a pas fait un effort adéquat de recherche, de développement et d'acquisition de nouvel équipement à l'égard de beaucoup d'activités de montage et de fabrication, c'est parce qu'il n'y avait pas de programme pertinent de déduction pour amortissement pour faire augmenter la productivité. Cela a été oublié.
Dans une économie de succursales, même les emplois non spécialisés finissent par être éliminés au Canada au profit de la Chine, du Mexique et des États-Unis. Un grand nombre d'emplois disparaissent ces temps-ci dans ma circonscription, et cela s'explique par le déménagement aux États-Unis d'usines soeurs ou subsidiaires en raison de la devise élevée. Le gouvernement n'a tout simplement rien fait pour remédier à la situation.
La nouvelle stratégie du gouvernement pour le secteur de l'automobile est bien vague, et son budget bien modeste. L'ironie de la chose, c'est que l'argent nécessaire provient d'une nouvelle taxe sur le secteur de l'automobile. Cela fait rager les gens du milieu. La bonne volonté fait défaut au gouvernement quand il s'agit d'intervenir dans ce dossier.
Je ne vois pas très bien ce qui fait croire aux autres partis que les conservateurs vont finir par comprendre, puis poser un geste politique en prenant des mesures visant à protéger l'industrie de la construction navale. Je crois qu'ils se leurrent. Une fois les décisions prises, on pourra modifier des éléments importants de l'économie canadienne. La construction navale ne connaît peut-être pas une période de pointe comme celle qu'elle a connue dans le passé, mais elle est peut néanmoins faire son petit bonhomme de chemin.
J'aimerais rappeler ce qui s'est produit avec un autre accord commercial. Le Pacte de l'automobile était un des meilleurs accords commerciaux qui soient. C'est un bel exemple d'adaptation à une situation donnée. Essentiellement, il obligeait les producteurs qui voulaient faire pénétrer des voitures au Canada à construire ces voitures au Canada. Il a ouvert le marché nord-américain entre le Canada et les États-Unis et a permis de créer d'innombrables emplois à valeur ajoutée dans l'économie canadienne. Ce fut une réussite.
On a ouvert plusieurs nouvelles usines et des secteurs d'activités connexes se sont implantés. On a établi des sièges sociaux et des centres de recherche et développement au Canada. À plusieurs égards cela a favorisé l'évolution du secteur de l'automobile. C'est à Windsor qu'on a produit la première automobile au Canada. Néanmoins, la progression en flèche que nous souhaitions n'était pas au rendez-vous.
C'est la mise en oeuvre du Pacte de l'automobile qui a donné lieu à une formidable réussite. La situation de l'emploi dans ce secteur n'était pas la même que dans le secteur manufacturier et celui des services. Ce dernier est important aussi, mais ses emplois n'offrent pas les types de revenus nécessaires à la famille canadienne moyenne. Les statistiques le montrent, et des électeurs qui ont maintenant de la difficulté à joindre les deux bouts et à régler leurs factures en ont témoigné. Les emplois dans le secteur manufacturier sont devenus le fondement de plusieurs valeurs progressistes dans le système canadien.
Cet accord a aussi donné lieu à la création, à Windsor, du premier programme prévoyant le paiement des médicaments d'ordonnance dans le cadre des régimes d'assurance-maladie collectifs. Ce programme a été créé dans la foulée de l'accord commercial et de la politique de l'automobile. Plus tard, ce programme est devenu un point de négociation du côté des TCA et d'autres organisations syndicales. Le régime existe maintenant au sein d'autres entreprises aux quatre coins du Canada. Le paiement partiel des médicaments est somme toute une forme de rémunération.
Nous avons signé l’ALENA avec les États-Unis et nous avons ensuite été soumis aux règles de l’OMC, qui s’est prononcé contre le Canada à propos du Pacte de l’automobile. Ce qui était le moyen de créer un contexte favorable est devenu ensuite un moyen de le détruire. Résultat, nous qui étions au quatrième rang des assembleurs de véhicules au monde sommes maintenant au dixième, et nous continuons de glisser au classement. C’est ce que nous observons.
C’est dommage. À un moment où l’industrie commence à changer profondément grâce aux nouvelles technologies et où l’avenir s’annonce passionnant, nous sommes en touche. Certains projets se sont réalisés au Canada et ont été constructifs, mais, en général, nous ratons de meilleures occasions dans le développement de véhicules. Pour une foule de raisons, ce sont d’autres pays qui en profitent. Cela tient en grande partie à la politique.
Je vois le même genre de situation à l’OMC dans le cas de la régulation de l’offre que celle qui nous attend du ait de cet accord commercial. Je suis très inquiet. Quand on considère l’OMC et la façon dont elle tranche, on a pu dire que, dans certains cas, il s’agissait d’un tribunal irrégulier, car les entités qui entendent les plaintes sont souvent contrôlées par des sociétés et des intérêts commerciaux, et les décisions de l’OMC peuvent l’emporter sur les lois intérieures et les questions de souveraineté.
Il est très important d’admettre que le secteur de la production laitière et quelques autres secteurs agricoles renonceront à des conditions qui pourraient être favorables aux Canadiens parce que d’autres fixent les règles que nous avons à suivre. Cela ne me rassure pas particulièrement, étant donné l’expérience que nous avons eue dans le secteur de l’automobile.
Je voudrais me tourner maintenant vers l’accord à l’étude et l’industrie des chantiers navals. En ce moment, il y a des droits tarifaires de 25 p. 100, et la Norvège a excellé. Chose curieuse, le Canada, même s’il a les côtes les plus longues du monde n’a pas l’industrie navale qu’il devrait avoir et qu’il a eue pendant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Ce qui importe, c’est que l’association et les syndicats de ce secteur ont tenté de soustraire la construction navale à l’accord.
Les gens diront peut-être: très bien, mais ils ne peuvent pas imposer leurs vues et nous devrions aller de l'avant avec l’accord de toute façon, quitte à voir ce qui se produira, c’est ainsi que les choses se passent. Eh bien non. Aux États-Unis, les Américains ont adopté la Jones Act. Cette loi protège leur industrie, et non seulement pour les navires militaires, mais aussi pour les autres navires. Ces navires sont non seulement construits aux États-Unis, mais ils y sont aussi réparés et entretenus. Les Américains protègent cette industrie.
Les Américains ne pensent pas seulement à protéger les emplois. Ils pensent aussi, et je crois que c’est important et que nous sommes passés à côté de cet élément dans le débat, à protéger leur souveraineté en matière de défense nationale et de sécurité nationale.
Si l'industrie de la construction navale au Canada continue de s'affaiblir, nous allons perdre une partie de la capacité qui, récemment, nous a permis de connaître une embellie en raison du fait que la flotte a vieilli et qu'il est nécessaire de construire de nouveaux bateaux à un rythme sensiblement accéléré. Nous deviendrons alors dépendants des autres. Je ne peux comprendre qu'un pays qui a des côtes aussi longues, qui a une tradition si solidement établie en matière de construction navale et qui a toujours été à l'avant-garde sur le plan technologique, puisse laisser passer cette occasion.
Par exemple, dans la région des Grands Lacs, la dernière grande période de construction navale date d'environ 30 à 40 ans — en fait plus que cela. Collingwood a connu une évolution à titre de centre de construction navale, et une grande partie de l'industrie de la navigation à cet endroit a été remplacée. Il se trouve que l'industrie doit maintenant remplacer ses bateaux ou prolonger leur durée de vie, et un nombre important de bâtiments doivent être remplacés dans les années à venir.
Cette situation pose un défi sur les plans de l'environnement et de la fabrication, mais fournit par ailleurs une excellente occasion, à une époque où nous constatons la perte d'autres types d'emplois dans le secteur manufacturier au Canada.
Pourquoi ne pas profiter de cette occasion unique pour redéfinir le point de vue canadien sur la construction navale, et aussi sur le secteur manufacturier? Nous savons que le travail doit être fait. L'association le reconnaît. Elle fait des démarches parce qu'elle a besoin de remplacer sa flotte, mais en même temps une occasion unique s'offre à nous.
Or, en signant cet accord, nous allons être comme la Norvège. Nous allons être assujettis à des règles différentes et ce pays pourra plus facilement venir chercher des emplois qui sont actuellement au Canada, de sorte que nous allons y perdre au change.
Nous pouvons voir très clairement les comparaisons usuelles avec le secteur de l'automobile. Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon et la Corée ont adopté des stratégies très précises pour s'imposer dans le secteur automobile et le secteur manufacturier afin de reconstruire leur économie. Ils ont adopté des stratégies nationales axées sur l'efficience et propres à soutenir le développement du secteur parce qu'ils savaient qu'il offrirait beaucoup de bons emplois et offrait la stabilité nécessaire au développement économique.
C'est ce qu'ils ont fait. Tout ce qui venait de Kia Motors, en Corée du Sud et au Japon était soutenu avec enthousiasme par le secteur industriel américain à l'époque. Ils ont mis sur pied un secteur qui exporte sur nos marchés avec un très bon rendement, mais nous ne pouvons rien exporter sur leur marché.
C'est la même chose avec la Norvège. Ce pays a édifié son industrie avec énergie et c'est très bien pour elle. La Norvège a pris la décision stratégique de foncer. Maintenant, elle a éliminé progressivement ses subventions, mais elle l'a fait une fois qu'elle était en position de force. Il nous sera très difficile de pénétrer ce marché. Par conséquent, nous perdrons des emplois, ce qui est malheureux. Encore une fois, le Canada a clairement une occasion de développement économique à saisir.
Le témoignage n'est pas venu des syndicats qui craignent la perte d'emplois. Des membres des associations de constructeurs navals sont aussi venus se faire entendre. Il est important de le reconnaître parce que, encore une fois, on a tenté d'affirmer: « Faisons cet accord et assurons-nous d'avoir la politique qu'il faut. Parallèlement, l'accord pourra être accepté s'il y a les changements demandés. »
Donc, avant de prendre une décision, nous devons nous poser les questions fondamentales et nous demander si nous voulons, oui ou non, conclure cet accord maintenant. Le gouvernement a le temps d'examiner la question avant de signer ou de soumettre l'accord à la Chambre pour un vote.
Je dirai que, si les autres partis sont vraiment préoccupés par la construction navale et la gestion de l'offre, ils ne devraient pas appuyer le projet de loi tant que nous n'aurons pas obtenu des indications claires de la part du ministre et aussi du gouvernement. C'est la stratégie que nous devrions adopter. Rien ne nous oblige en ce moment à laisser passer l'occasion qui nous est offerte.
Nous devrions nous servir de notre poids en tant que partis politiques. Nous avons un gouvernement minoritaire. Certains problèmes ont été soulevés à l'égard de ce projet de loi. Nous y voyons aussi des éléments positifs, mais nous croyons que ces deux questions doivent être examinées et réglées. C'est la façon responsable d'agir lorsqu'on conclut des accords avec d'autres pays.
Nous nous leurrons si nous et les autres partis pensons que, encore une fois, il nous suffira essentiellement d'essayer, dans deux ans, de mettre en oeuvre une grande politique qui réorientera les possibilités d'investissement dont d'autres auront déjà tenté de profiter ou qui changera les conditions de cet accord et que cela passera sans problème.
Le Canada fera l'objet de contestations. Nous avons vu cela avec la capitulation dans le dossier du bois d'oeuvre. Il existe un accord signé. Même si c'était une capitulation, un mauvais accord, les États-Unis contestent actuellement ce que font les provinces. Nous devons donc être très ouverts et transparents à cet égard.
Nous avons au moins l'occasion maintenant de dire non à cette mesure et de demander au gouvernement de régler les problèmes. Nous pouvons aller voir les partenaires qui ont dit avoir certaines conditions. Ils ont des suggestions en matière de financement, certaines suggestions concernant les liquidités et quelques autres mesures de moindre envergure dont ils seraient prêts à se servir pour négocier afin de trouver une solution. Allons discuter avec eux pour élaborer ce genre de stratégie.
L'élément de cet accord commercial qui touche la construction navale ne concerne en fait que la Norvège. Nous sommes donc dans une bonne position à bien des égards étant donné qu'un seul autre pays s'intéresse vraiment à cette industrie.
Nous devons régler la question de la gestion de l'offre également, mais je crois que cela peut se faire. À mon avis, nous pourrions aller de l'avant dans ce contexte. D'ici là, nous, les néo-démocrates, ne sommes pas prêts à abandonner cette industrie à son sort. Il y a trop de travailleurs en cause.
C'est intéressant. J'ai eu l'occasion d'aller aux chantiers navals et de m'entretenir avec les travailleurs et avec la direction. Les gens là-bas sont très fiers. De plus, ils sont vraiment disposés à travailler et à faire ce qu'il faut. Certains ouvriers spécialisés qui ont été mis à pied vont travailler dans d'autres localités et rentrent ensuite chez eux.
Ils sont disposés à se déplacer pour être productifs, pour le Canada, et essentiellement pour nourrir leur famille, en dépit du fait qu'ils ne peuvent déduire leurs frais de déplacement. Voilà un sujet connexe intéressant. Ces gens de métier spécialisés ne peuvent déduire leurs coûts de déplacement pour le travail alors qu'un vendeur de draperies peut le faire. Il est tout simplement incroyable d'avoir des règles pour les gens qui travaillent dans la vente et d'autres règles pour les Canadiens qui sont des gens de métier qualifiés. C'est insensé.
Je sais que le gouvernement a brièvement abordé la question et qu'il n'a pas fermé la discussion, mais il doit vraiment agir immédiatement à cet égard. Il faut se pencher sur la question de la mobilité des gens qui sont appelés à s'éloigner de leur famille pour le travail. J'ai discuté avec ces travailleurs et ils sont prêts à se déplacer lorsqu'ils participent à différents projets, que ce soit à Halifax, en Colombie-Britannique ou même en Alberta.
Comme mon temps de parole est écoulé, simplement pour résumer, je signale que compte tenu des accords commerciaux, dans une circonscription comme la mienne, on assiste au déclin de l'industrie automobile à cause de la perte des accords commerciaux et des interventions devant l'OMC. L'occasion est belle, puisque la relance de l'industrie de la construction navale représente non seulement des défis, mais de nouveaux marchés. Étant donné la perte massive d'emplois dans le secteur manufacturier à l'heure actuelle, les partis d'opposition doivent vigoureusement dire au gouvernement qu'ils rejettent cet accord. Saisissons l'occasion de relancer la construction navale au Canada et faisons-le bien. Nous pouvons le faire et nous pouvons aller de l'avant. D'ici là, nous n'appuierons pas cette entente.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de parler de ce projet de loi et de dire que le Bloc québécois est en faveur de cet accord de libre-échange avec l'AELÉ, c'est-à-dire l'Association européenne de libre-échange. L'Association européenne de libre-échange renvoie à l'Europe, mais en réalité, l'AELÉ ne représente pas cette Europe que nous connaissons. Ce sont quatre petits pays, soit la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande, qui représentent un peu plus de 12 millions de personnes et un petit pourcentage, soit 1 p. 100 du PIB généré par l'Europe.
Cependant, nous sommes d'accord parce qu'il y a des avantages importants pour le Québec. L'accord de libre-échange va libéraliser le commerce entre le Canada et ces quatre pays d'Europe. On parle du commerce de l'ensemble des biens non agricoles. En fait, c'est une entente qui porte seulement sur les biens. Elle ne porte pas sur les investissements ni sur les services.
Pourquoi sommes-nous d'accord? Pourquoi disons-nous que cela avantage le Québec? Par exemple, on sait que la Suisse a une industrie pharmaceutique très vigoureuse dans le domaine du médicament d'origine. Les médicaments représentent 40 p. 100 des exportations canadiennes vers la Suisse et 50 p. 100 des importations. Donc, c'est un gros trafic commercial. Or, pour percer le marché américain, les compagnies pharmaceutiques suisses pourraient être tentées de fabriquer des médicaments ici. La mecque du médicament d'origine, avec son bassin de chercheurs compétents et son régime fiscal avantageux, c'est le Québec. Un accord de libre-échange, parce qu'il facilite le commerce entre une entreprise et ses filiales, est susceptible d'apporter de nouveaux investissements chez nous dans le domaine pharmaceutique. Cela nous sourit.
Quant à la Norvège, le nickel représente plus de 80 p. 100 de ce qu'on y exporte. Or, la plus grande mine au Canada et la troisième au monde se trouve chez nous, dans l'Ungava, propriété de l'entreprise suisse Xtrata.
En Islande, c'est l'aluminium qui est le premier produit qu'on exporte. Cependant, là encore, la production se concentre chez nous au Québec.
Il y a donc un accord dans les faits au chapitre de la production faite en Suisse et au Québec.
Je dois dire qu'un des éléments extrêmement important pour le Bloc québécois est que cette entente ne comporte pas le même chapitre que des accords précédents avec lesquels nous n'étions pas d'accord, comme ceux avec le Costa Rica, le Chili et celui qui est négocié avec la Colombie. On parle de ce fameux chapitre sur les investissements qui donne aux entreprises le droit de poursuivre directement un gouvernement qui adopterait des mesures qui feraient diminuer ses profits.
Nous nous sommes battus contre ses dispositions qui existent dans plusieurs des ententes bilatérales du Canada avec les pays que j'ai nommés. Or, on ne retrouve pas de telles dispositions dans l'accord avec l'AELÉ, sans doute parce que ce n'est pas le cadre où le Canada peut imposer ces dispositions alors qu'il peut le faire avec des pays sous-développés. Nous y reviendrons à d'autres moments.
Comme je l'ai dit, l'accord ne couvre que les biens, pas les services. Ainsi, rien ne nous amènera à ouvrir à la concurrence les services publics, qu'ils soient rendus par l'État ou non, puisqu'ils ne sont pas couverts. De la même façon, les services financiers et les banques ne seront pas exposés à la concurrence de la Suisse, au système bancaire très solide et très discret du Liechtenstein, véritable paradis — nous le dirons à voix basse — pour le monde financier, par sa fiscalité et son secret bancaire.
Il en va de même en ce qui a trait aux achats gouvernementaux. Le gouvernement conserve la pleine liberté de privilégier l'achat chez nous, sous réserve de l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale de commerce. Évidemment, il serait un peu ridicule que le gouvernement se négocie de la marge de manœuvre, puis décide ensuite de ne pas s'en servir. Vivement que le gouvernement fédéral, le plus important acheteur de biens et de services au Canada, privilégie les fournisseurs d'ici et se préoccupe des retombées de ces achats!
Il est certain que plusieurs se sont préoccupés des dispositions sur l'agriculture. Or, ce qui est important pour nous et les producteurs du Québec, c'est que la gestion de l'offre n'est pas touchée. Le projet de loi permet l'entrée en vigueur des accords agricoles bilatéraux, qui s'ajoutent à l'Accord de libre-échange avec l'AELÉ. Alors, il y a des accords bilatéraux qui ne menacent en rien la gestion de l'offre et qui n'auront pas un grand impact sur l'agriculture québécoise. Je peux dire que les protéines laitières, par exemple, sont exclues de l'accord.
En fait, c'est surtout à l'Ouest que les accords agricoles profiteront puisqu'ils libéralisent le commerce de certains grains. Mais là encore, l'impact ne sera pas majeur. Là où il y a des problèmes, cependant, et il faut le dire — j'ai entendu mon collègue du NPD en parler aussi avec vigueur parce qu'il connaît bien les problèmes des travailleurs des chantiers maritimes au Canada —, c'est dans le domaine des chantiers maritimes.
Je dis d'emblée que les problèmes qu'ils posent, nous allons essayer d'y remédier en faisant pression — je suis certaine que nous serons nombreux à le faire en cette Chambre — pour qu'il y ait ici une politique de soutien et de développement des chantiers maritimes. Par ailleurs, nous avons des inquiétudes quant à l'avenir de nos chantiers maritimes.
Actuellement, les navires importés sont frappés d'un tarif de 25 p. 100. En raison de la conclusion de l'accord, ces tarifs vont se mettre à diminuer graduellement dans trois ans, pour être éliminés complètement dans quinze ans. Or, nos chantiers maritimes sont nettement moins modernes que les chantiers norvégiens et sont en moins bonne santé. En effet, la Norvège a investi massivement dans la modernisation de ses chantiers, alors que le gouvernement fédéral — il faut le dire avec force — a complètement abandonné les nôtres, et ce, depuis longtemps.
S'il fallait que les frontières soient toutes grandes ouvertes, demain matin, nos chantiers risqueraient d'être balayés comme fétu au vent ou, devrais-je dire, par la marée. Or, tant pour des raisons économiques que stratégiques ou environnementales, nous ne pouvons nous priver de chantiers maritimes.
Peut-on imaginer les risques que le Québec encourrait si aucun chantier maritime n'était en mesure de réparer les navires échoués ou en panne dans le Saint-Laurent, la plus importante voie navigable au monde? C'est impensable, et nous n'abandonnerons pas notre conviction — c'est plus qu'une idée en l'air — de la nécessité d'avoir des chantiers maritimes bien développés au point de vue technologique, forts et capables de supporter la concurrence. Nous verrons un peu plus tard que plusieurs conditions sont requises pour que les chantiers maritimes puissent vraiment se développer.
Depuis des années, le Bloc réclame une vraie politique.
Depuis des années, le gouvernement se traîne les pieds. Avec la conclusion de l'accord, il n'y aura plus de temps à perdre; ça presse.
D'ailleurs, c'est la seule recommandation qui ressort du rapport du Comité permanent du commerce international sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'AELÉ. Le comité a accepté d'y insérer la recommandation proposée par le porte-parole du Bloc québécois et son adjoint en matière de commerce international:
[...] le gouvernement canadien doit sans tarder mettre en oeuvre une vigoureuse stratégie de soutien de l’industrie de la construction navale qui soit par ailleurs conforme aux engagements du Canada à l’[Organisation mondiale du commerce].
C'est la seule recommandation du rapport. Or, la politique conservatrice qui consiste à laisser les entreprises à elles-mêmes est funeste — elle entraîne la mort — dans le cas des chantiers maritimes. Nous nous attendons à ce que le gouvernement abandonne sa mauvaise politique et nous lui demandons de déposer, d'ici à la fin de l'année, une vraie politique de soutien et de développement du secteur naval. Compte tenu de l'urgence, nous ne nous contenterons pas de bonnes paroles. Il faut une vraie politique couvrant tous les aspects de l'industrie, et j'y reviendrai à la fin de mon propos.
Je veux tout de suite dire qu'en matière de libre-échange, le véritable enjeu est l'Union européenne. Un accord de libre-échange avec la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, c'est sympathique, mais il faut être conscient — et tout le monde l'est — que c'est limité. Comme je l'ai dit, cela représente un peu plus de 12 millions de personnes et environ 1 p. 100 des exportations canadiennes.
Le vrai enjeu est l'Union européenne, avec ses 495 millions d'habitants générant 31 p. 100 du produit intérieur brut mondial. L'Union européenne est en fait la première puissance économique au monde.
Le Canada est beaucoup trop dépendant des États-Unis, pays vers lequel il envoie plus de 85 p. 100 de ses exportations. Le ralentissement de l'économie américaine, couplé à l'explosion du pétrodollar canadien face au billet vert, nous rappelle que cette dépendance fragilise notre économie. Le Québec a perdu plus de 150 000 emplois manufacturiers en cinq ans, dont plus de 80 000 depuis l'arrivée des conservateurs et leur doctrine de laisser-aller et de laisser-faire.
Ce n'est pas avec la Chine ou l'Inde, pays d'où nous importons respectivement huit et six fois plus que ce que nous y exportons, qu'il faut effectuer cette nécessaire diversification. L'Union européenne est absolument incontournable si l'on veut diversifier nos marchés et diminuer notre dépendance envers les États-Unis.
Le fait que le Canada n'a pas conclu d'accord de libre-échange avec l'Union européenne diminue considérablement la compétitivité de nos entreprises sur le marché européen. D'une part, avec la montée du pétrodollar, les entreprises européennes tendent à ouvrir leurs filiales directement aux États-Unis et à délaisser le Canada. La part canadienne des investissements directs européens en Amérique du Nord est passée de 3 p. 100 en 1992 à 1 p. 100 en 2004.
À cela, il faut ajouter qu'un accord de libre-échange lie l'Union européenne au Mexique depuis 2000. Les Européens nous disent, lorsqu'on le leur fait remarquer, qu'ils peuvent négocier une véritable réduction tarifaire avec le Mexique, alors que ce n'est pas vraiment possible avec le Canada. Ils nous disent que ce qu'il faut avec le Canada, c'est une réduction des obstacles non tarifaires.
Du temps où Pierre Pettigrew était ministre du Commerce international, M. Pascal Lamy, commissaire au commerce à l'Union européenne, avait dit qu'il négocierait une entente d'un autre type.
Cette négociation, si elle se tient, n'est pas connue et je pense qu'elle n'a pas eu lieu parce que c'est difficile. On n'a qu'à penser au fait que l'Europe exige l'identification des OGM dans les produits alors que, au Canada, on le sait, encore récemment, le gouvernement a refusé cette mesure.
Donc, un accord de libre-échange lie l'Union européenne au Mexique. C'est un avantage pour le Mexique, un avantage qui entraîne des entreprises du Québec à investir davantage dans leurs propres entreprises au Mexique étant donné que cela leur donne accès à la fois au marché européen et au marché américain.
Je répète que le Québec serait bénéficiaire d'un accord de libre-échange avec l'Europe. Il serait en fait probablement le premier bénéficiaire. Je me permets de rappeler que la part québécoise de l'emploi canadien dans les succursales de la France est de 77 p. 100. Elle est de 37 p. 100 pour les entreprises du Royaume-Uni et de 35 p. 100 pour celles de l'Allemagne, contre 20 p. 100 seulement dans le cas des entreprises américaines, d'où l'intérêt encore plus grand pour le Québec pour une entente de libre-échange avec l'Europe.
Le rôle de partenaire des entreprises que le gouvernement du Québec joue depuis la Révolution tranquille est un atout quand vient le temps de prospecter des investissements européens. Nous avons tout ce qu'il faut pour devenir la tête de pont des investissements européens en Amérique.
Je vais profiter des dernières minutes qui me restent pour plaider pour une véritable politique maritime. Cela comprend plusieurs éléments parce qu'on ne peut pas, autrement, arriver à revivifier cette industrie qui est une industrie complexe. Rappelons que le gouvernement fédéral l'a abandonnée depuis 1988. Cela prend un financement, des assurances et des garanties de prêts liés aux contrats de vente. Dans ce cas, l'accès au crédit à un taux intéressant est un important déterminant pour l'acheteur. Cela prend des prêts et des garanties de prêts à l'intention des chantiers qui doivent investir ou déposer une garantie financière pour soumissionner pour de nouveaux contrats. Cela prend une amélioration des règles fiscales pour le crédit-bail et cela prend un crédit d'impôt remboursable pour les armateurs. Ce sont là des mesures axées sur l'industrie.
Cela prend aussi des mesures axées sur le transport maritime au Canada. Par exemple, il faut éliminer les frais imposés aux transporteurs maritimes pratiquant le cabotage. Les employeurs des camionneurs ne payent pas pour les inconvénients causés aux routes — et Dieu sait qu'ils sont nombreux —, alors que ceux qui font du cabotage paient les frais de déglacement et autres. C'est une concurrence qui n'a pas de bon sens.
Deuxièmement, le gouvernement devrait mettre en place un important programme d'investissement dans les infrastructures portuaires. Il devrait aussi remettre à niveau les ports qu'il laisse tomber en décrépitude et resserrer la Loi sur le cabotage. Il devrait également lutter contre les pavillons de complaisance et les bateaux poubelles. C'est au gouvernement fédéral de faire cela. Il faut chercher un accord du type Pacte de l'automobile et, finalement, éliminer toutes les subventions aux chantiers maritimes. Les travailleurs des chantiers maritimes méritent que cette Chambre adopte une véritable loi qui permettrait aux chantiers maritimes de fleurir de nouveau.