Nous tenons aujourd'hui la deuxième séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan conformément à l'ordre de renvoi du 10 février 2009.
Notre réunion consistera aujourd'hui en deux parties. Pendant la première partie, nous accueillerons, du Bureau du Conseil privé, David Mulroney, sous-ministre, groupe de travail sur l'Afghanistan.
Chers collègues, nous devons quitter cette pièce à 13 heures pour faire place à un autre comité. J'aimerais avoir 15 minutes à la fin de la séance pour discuter à huis clos des travaux du comité. Nous allons donc commencer sans plus tarder afin de pouvoir poser le plus de questions possible.
Monsieur Mulroney, merci beaucoup. Comme vous le savez, il y a déjà un moment que notre comité a siégé. Nous sommes donc très intéressés par ce que vous aurez à nous dire sur l'évolution de la situation en Afghanistan.
Monsieur, vous avez la parole.
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Bonjour et merci de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui. Il me fait grand plaisir d'avoir la chance de vous présenter une mise à jour des progrès accomplis depuis la dernière fois que je me suis adressé au comité.
À l'époque, en juin 2008, les nouvelles priorités de la mission canadienne en Afghanistan avaient été établies et les programmes réorientés afin de mettre davantage l'accent sur la diplomatie et le développement. Le premier rapport trimestriel venait aussi tout juste d'être déposé devant le Parlement.
[Traduction]
Au cours des neuf derniers mois, nos ministères et organismes — sous la direction du Comité du cabinet sur l'Afghanistan — se sont efforcés de remplir les engagements pris dans la motion du gouvernement adoptée le 13 mars 2008 et de suivre les recommandations du Groupe d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan.
Les mesures prises ont été les suivantes: une forte augmentation des effectifs civils, à savoir un plus grand nombre de hauts fonctionnaires et de gestionnaires. Alors que nous avions 52 civils travaillant en Afghanistan en juin dernier, nous en avons maintenant près de 100, et leur nombre augmentera encore dans les mois à venir. La majorité de cet effectif supplémentaire se trouve à Kandahar.
Depuis ma dernière comparution, nous avons établi des repères afin de mieux mesurer le progrès. Nous avons accru les pouvoirs délégués sur le terrain. Comme vous le savez, nous avons déployé des hélicoptères et des véhicules aériens sans pilote. Nous avons déposé les deuxième et troisième rapports trimestriels et je crois que nous avons adopté une approche véritablement pangouvernementale, ciblée et connectée, qui est de plus en plus reconnue comme une innovation et un succès typiquement canadien.
En ce qui a trait à la sécurité, et nous l'avons dit franchement, la situation globale en Afghanistan reste dangereuse; elle s'est aggravée au cours des trois derniers mois, malgré les efforts des forces de sécurité nationale afghanes et du contingent international. Les insurgés attaquent aveuglément, tuant à la fois des civils et des militaires. Les incidents qui se produisent à Kandahar et à Kaboul montrent clairement combien il est difficile pour le Canada et ses partenaires d'y travailler. Toutefois, nous poursuivons notre travail et c'est l'un des sujets dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui.
En dépit des défis, les militaires et civils canadiens s'acquittent de la tâche que nous leur avons confiée. J'étais la semaine dernière en Afghanistan avec les ministres Day et Cannon. À cette occasion, ils ont rencontré l'équipe qui s'occupe de la planification et de la mise en oeuvre du barrage Dahla, dans le Sud de l'Afghanistan. Ils ont rencontré ceux qui travaillent sur place; ils ont marché le long du système d'irrigation qui mène du barrage jusqu'à Kandahar et ont même vu le tunnel par lequel l'eau peut traverser la montagne. Ils se sont entretenus avec les autorités locales du barrage et du rôle important que les fonctionnaires, les conseils et les shuras locaux joueront dans le succès de cette entreprise.
Nous avons rencontré des collègues militaires et civils qui s'occupent de former l'Armée nationale afghane, la Police nationale afghane et les agents de correction. Nous avons rencontré des collègues à Kaboul qui mettent en oeuvre notre nouveau bureau d'appui à la gouvernance, qui déploie des Canadiens d'expérience dans divers ministères afghans pour les aider à améliorer leur rendement et à accroître leur capacité.
Bien que nous n'ayons pas hésité à parler franchement des défis auxquels nous faisons face, tout particulièrement dans le domaine de la sécurité, il est aussi important que nous discutions des progrès. À ce sujet, j'aimerais citer quelques éléments tirés de la déclaration faite par Kai Eide, le représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, le 19 mars devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
Premièrement: « Suite à tous les changements survenus pendant les six derniers mois, le gouvernement afghan est aujourd'hui dans une meilleure position et il est plus compétent qu'il ne l'a jamais été. Le niveau de gouvernance dans les provinces est meilleur. »
Deuxièmement: « La coopération entres les éléments clés à l'intérieur du gouvernement s'est améliorée. Cela est surtout vrai des institutions et des ministères chargés de la sécurité. »
Troisièmement: « Cette cohésion interne que nous voyons naître pourrait nous aider à remédier à la fragmentation qui jusqu'alors a gêné la coordination avec la communauté internationale. »
Comme Kai Eide l'a fait remarquer, ces éléments ne sont pour l'instant que des succès à l'état embryonnaire; leur concrétisation dépendra en grande partie de l'aptitude de la communauté internationale à réagir rapidement, mais, surtout, de la volonté du gouvernement afghan de continuer à bien accueillir et appuyer ces réformes.
Je pense que les Canadiens peuvent vraiment être fiers de ce que nous avons accompli pendant l'année qui vient de s'écouler. Nous donnons le ton en ce qui concerne les partenariats civils militaires. De plus en plus, on nous en parle dans les grandes capitales car, comme je l'ai déjà indiqué, notre équipe provinciale de reconstruction compte plus de civils que toutes les autres, et nos civils sont déployés dans des régions difficiles du pays.
Nous sommes résolus à ce que la transparence et la reddition de comptes soient les principes directeurs en ce qui concerne les engagements pris par le gouvernement, et je crois que nos rapports trimestriels en témoignent. Nous nous sommes donné de nouveaux moyens pour communiquer avec les Canadiens afin que le public sache mieux comment le Canada contribue à l'effort international en Afghanistan. Je pourrais vous donner deux autres exemples. Ces dernières semaines et dans les jours à venir, le général Denis Thompson, l'ancien commandant de la force opérationnelle à Kandahar, son bras droit, le colonel Jamie Cade, et Elissa Golberg, la civile la plus haut placée dans le Sud de l'Afghanistan — la représentante du Canada — ont prononcé ou prononceront des discours au Canada et à l'étranger sur ce que fait le Canada dans le Sud de l'Afghanistan.
Deuxièmement, nous avons consacré beaucoup de temps à rassembler les différents sites Web du gouvernement sur l'Afghanistan en un seul qui décrit toute la mission. Hier, certains d'entre vous ont peut-être vu le ministre Cannon expliquer cela aux Canadiens et leur montrer les genres de bandes vidéo et de rapports, ainsi que de fichiers balados qu'on y trouve sur les différents projets de développement que nous avons entrepris en Afghanistan, de même qu'une carte interactive sur laquelle on peut cliquer pour en savoir plus sur différents projets.
[Français]
J'aimerais terminer en disant qu'il est important de ne pas perdre de vue que le Canada travaille avec de nombreux autres pays et organisations internationales pour améliorer la sécurité, faciliter le développement et renforcer la bonne gouvernance en Afghanistan. Nous avons un dessein commun avec les Afghans, avec nos partenaires et avec nos alliés: protéger la paix internationale des dangers qu'engendre la violence des États défaillants.
Les réunions internationales prévues dans les prochaines semaines nous permettront d'oeuvrer pour une plus grande cohérence, de nous concentrer sur des enjeux clés comme la capacité des Forces de sécurité nationale afghanes et de continuer à transférer le pouvoir aux Afghans.
[Traduction]
Faire des progrès en Afghanistan ne sera pas chose facile. Le rétablissement d'un climat de sécurité normal et d'une société stable prendra du temps. Malgré le défi, le Canada continue de concentrer ses efforts sur le renforcement de la capacité des Afghans, tout en s'assurant que le transfert des pouvoirs est de plus en plus planifié et mené par les Afghans eux-mêmes. Nous contribuons, d'une part, à créer un avenir meilleur pour les Afghans d'une manière qui correspond aux valeurs canadiennes et, d'autre part, à renforcer la sécurité du Canada.
Merci, monsieur le président.
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Monsieur le président, je partagerai mon temps avec mes collègues.
Ma question pour M. Mulroney, par votre entremise, monsieur le président, est la suivante. Il a été démontré, et on en a beaucoup discuté, que les institutions publiques sont très faibles et ne sont pas en mesure de contrer l'insurrection; il ne fait aucun doute que cela alimente l'insurrection, que cela aide les insurgés à accroître sa faveur auprès de la population. Les gens sont frustrés, surtout les pauvres, par le manque de véritable gouvernance, le non-respect des lois, l'absence de services essentiels et, surtout, par la corruption, dont nous entendons de plus en plus parler, surtout d'acteurs clés au sein du gouvernement afghan. Que fait le Canada, avec ses alliés, pour contrer ce problème? Manifestement, tant que la population ne fera pas confiance à son gouvernement, nous ne progresserons pas vers l'atteinte des objectifs que vous avez décrits ce matin.
Je vous prierais d'être aussi bref que possible pour que mes collègues puissent aussi poser leurs questions.
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Nous agissons sur plusieurs fronts.
Premièrement, comme notre priorité est de renforcer les forces de sécurité nationale afghanes, des mentors des Forces canadiennes travaillent avec l'armée nationale afghane. Cette initiative fait l'objet de rapports trimestriels, qui indiquent que l'armée nationale afghane a fait des progrès et peut maintenant lancer des opérations de sécurité là où il le faut.
Il y a encore beaucoup à faire avec la police, bien que nous ayons déjà établi un centre de formation de la police au sein de notre ERP; nous connaissons déjà certains succès au niveau local. De plus, d'autres formateurs civils et de la GRC seront bientôt envoyés.
J'ai touché quelques mots de notre bureau d'appui à la gouvernance qui dépêche des Canadiens dans des institutions telles que le ministère de l'Intérieur, qui gère la police. L'une des premières décisions qu'a prise le nouveau ministre de l'Intérieur a été de congédier des chefs de police dans différentes régions du pays. Nous estimons donc qu'un changement est à l'horizon, mais je ne voudrais pas vous faire croire que le défi n'est pas considérable, au contraire, et nous continuons d'y consacrer une bonne part de notre attention.
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Je peux vous dire deux ou trois choses sur les élections, monsieur Rae.
Nous sommes relativement satisfaits de la façon dont s'est fait l'enregistrement des électeurs. Outre les 12 millions de personnes qui figuraient déjà au registre, 4 millions d'électeurs se sont inscrits. Nous suivons la situation de près et nous croyons que d'ici le mois d'août, quand se tiendront les élections, les forces de sécurité nationale afghanes seront en mesure de bien assumer leur responsabilité.
Nous avons contribué au processus de l'ONU d'appui aux élections. Le programme ELECT du PNUD affectera des fonds additionnels à la sensibilisation des électeurs pour faire comprendre aux citoyens ce que sont les élections et les droits et responsabilités des électeurs.
Pour ce qui est de la possibilité pour le président Karzai de rester en poste après le 22 mai, c'est au gouvernement afghan et aux partis d'opposition d'en décider à l'issue de décisions politiques. Je crois savoir que ces discussions sont en cours. Je ne peux présumer du résultat, mais c'est en effet au niveau politique que cette décision doit être prise et je crois qu'on respecte la constitution.
S'agissant du Pakistan et de la dimension régionale, de plus en plus, comme nous l'avons vu, la communauté internationale s'intéresse à cette région. Il est vrai que la situation est difficile en l'absence d'institutions régionales. Au cours des 12 derniers mois, avec nos deux missions et nos deux chefs de mission, nous avons coordonné la formulation de recommandations conjointes en matière d'orientation politique. Nous avons abordé des sujets tels que le soutien au programme au Baloutchistan, région voisine de Kandahar, où nous pourrions renforcer ce que nous faisons à Kandahar. Lors de leur visite à Kaboul la semaine dernière, les ministres Day et Cannon ont rencontré notre ambassadeur en Afghanistan et notre haut commissaire au Pakistan qui ont fait rapport aux ministres sur notre collaboration.
Nous continuons d'encourager la reprise de ce que nous appelons le processus de Dubaï aux termes duquel des représentants des autorités frontalières des deux pays se réunissaient. Ces rencontres ont été interrompues l'an dernier quand l'Afghanistan a suspendu ses relations directes avec le Pakistan. Nous et d'autres encourageons les deux pays à reprendre ces discussions, et je crois que l'attention qu'accorde depuis un certain temps la communauté internationale à cette région est une bonne chose.
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Il est vrai que les conditions de sécurité se sont détériorées au cours des derniers mois.
[Traduction]
Il est vrai que, selon de nombreux indicateurs, la sécurité s'est détériorée. Ce fait se mesure grâce aux statistiques et peut être démontré, par exemple, par la complexité des embuscades qui sont préparées. On ne peut toutefois pas nécessairement conclure que cela signifie que l'Afghanistan a atteint l'étape du chaos. Si, par exemple, nous prenons la capacité des forces de sécurité nationale afghanes de gérer l'inscription électorale... La dernière élection était dirigée par la FIAS; celle-ci est dirigée par les Afghans.
Les insurgés ont, entre autres, pour objectif de fragiliser l'opinion publique, et ça fonctionne, mais ça ne cause pas le chaos, en raison de la réaction déterminée du gouvernement national afghan.
Je pense que les Forces canadiennes sont, sinon les mieux équipées en Afghanistan, à tout le moins parmi les forces les mieux équipées en Afghanistan. Le drame, c'est qu'au moment-même où nous armons, équipons et protégeons nos gens, les insurgés continuent de créer des dispositifs explosifs de circonstance plus insidieux. Ils sont plus grands et plus complexes du point de vue du nombre de gens requis pour les amorcer.
Je pense que nous avons quelques points en notre faveur. Par exemple, l'augmentation du nombre de troupes en Afghanistan, l'augmentation du nombre de troupes américaines. Deuxièmement, l'utilisation d'hélicoptères et de véhicules aériens sans pilote afin de pouvoir mieux surveiller l'endroit où les Canadiens travaillent sera un élément positif. Mais nous continuerons à faire face à des problèmes. Cette insurrection est très résolue.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Mulroney. Votre présentation est dans la lignée des présentations qu'on nous fait en général. Je n'en veux pas à votre nature optimiste, parce qu'il est important de l'être; je suis moi-même un optimiste. Mais à un certain point, l'optimisme frôle l'inexactitude. On laisse de côté des éléments importants qui démontrent qu'on est en train de perdre le conflit en Afghanistan.
J'ai en main des statistiques très inquiétantes. Entre autres, il y a eu 983 attentats en août 2008, ce qui représente une hausse de 47 p. 100 par rapport à août 2007. Les objectifs de contrôle et de sécurité n'ont pas été atteints. Les travailleurs humanitaires ont fait l'objet de 120 attentats et de 92 enlèvements, chiffres qui sont aussi en progression. Il y a eu 1 523 victimes civiles en 2007 et 2 118 en 2008, ce qui est une autre augmentation.
De 40 à 50 p. 100 du territoire est inaccessible aux travailleurs humanitaires. Les coûts sont aussi en forte progression. De 2001 à 2008, le conflit a coûté 10,5 milliards de dollars, et de 2008 à 2011, on prévoit qu'il coûtera 7 milliards de dollars. Ce conflit coûte de plus en plus cher. Les pertes de vies humaines au sein des troupes canadiennes et américaines sont également en progression depuis 2001. On perd de plus en plus de soldats.
Nous disons depuis longtemps qu'il faut changer la mission. Le plan américain pourrait être dévoilé demain. Il faudra voir comment on peut être complémentaires des Américains. Dans votre dernier résumé sur l'Afghanistan, c'est-à-dire le rapport interministériel des cinq ministres, vous avez dit que dans une certaine mesure, la situation s'est aggravée pendant le trimestre. À mon avis, c'est de plus en plus grave.
Est-on arrivé à un carrefour où il faut absolument changer la mission en Afghanistan? Tout le monde dit qu'on ne pourra pas gagner sur le plan militaire; pourtant, on augmente le nombre de soldats. La solution n'est-elle pas de demander aux soldats d'établir des périmètres de sécurité afin de construire des écoles, des cliniques et des systèmes d'irrigation? Au train où vont les choses, il est évident qu'on ne contrôlera pas cette insurrection et qu'on ne pourra pas gagner. D'ici 2011, je ne pense pas qu'on pourra corriger la situation.
Suis-je trop pessimiste ou êtes-vous trop optimiste?
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Chaque rapport trimestriel parle très franchement de la sécurité. Nous avons souligné que la sécurité s'était détériorée au cours des derniers mois. C'est un fait et nous avons été très clairs à ce sujet. Cependant, on doit aussi savoir comment le Canada et les autres pays peuvent remédier à cette situation.
[Traduction]
Nous avons parlé de la nature de l'insurrection de façon très honnête; nous avons indiqué que l'insurrection avait changé, que les insurgés tentent désespérément d'affaiblir la confiance des civils et des impacts concrets de tout cela. Cela rend notre travail très difficile. Mais ça ne s'arrête pas là. Nous n'avons pas arrêté notre travail. Nous passons beaucoup de temps à travailler avec les Forces canadiennes et les forces de sécurité nationale afghanes, afin de trouver des façons de réagir. L'objectif même de l'insurrection est de nous faire cesser le travail.
Dans chacun de nos rapports trimestriels, nous indiquons à quel point la situation est difficile du point de vue de la sécurité, mais nous soulignons également que nous avons construit trois écoles et que nous en construisons actuellement 22 de plus. Nous continuons de planifier la mise en oeuvre du barrage de Dahla. Nous travaillons de concert avec l'Organisation mondiale de la santé afin d'immuniser les gens dans le Sud de l'Afghanistan.
Nous ne voulons pas dire que c'est facile ou que nous ne faisons face à aucune difficulté. Nous disons que nous sommes déterminés à faire notre travail et à vous faire rapport honnêtement à chaque trimestre sur ce que nous faisons.
Qu'est-ce qui est plus positif? Je pense qu'une présence accrue des États-Unis dans le Sud de l'Afghanistan est un élément positif. Cette présence nous permettra de régler certains des problèmes auxquels nous faisons face pour être en mesure de couvrir du territoire et de conserver ce territoire à long terme. Mais plus important encore, je pense que nous commençons à voir des compétences et une capacité accrue de la part de l'Armée nationale afghane et de certains éléments du gouvernement afghan. Il ne s'agit pas du gouvernement entier — ce travail reste à compléter — mais nous voyons, dans certains ministères importants, une participation que nous n'avions jamais vue auparavant.
Je vous donnerai un très court exemple. Lorsque la ministre Oda était en Afghanistan en janvier, j'étais avec elle. Nous avons discuté du barrage de Dahla avec Kai Eide ainsi qu'avec le ministre de l'Agriculture et de l'Irrigation. Nous avons parlé de l'irrigation qui serait possible grâce au barrage de Dahla et du lien entre cette irrigation et la progression de l'agriculture dans le Sud de l'Afghanistan. Le district d'Arghandab était le grenier du Sud de l'Afghanistan. Les systèmes d'irrigation se sont effondrés. L'agriculture elle-même s'est effondrée. Nous commençons à changer la situation. Il s'agit maintenant d'une industrie d'une valeur de 20 millions de dollars, tout près de Kandahar. Elle continuera de progresser si notre réponse demeure ciblée et résolue.
Merci, David, de comparaître à nouveau.
Je veux poursuivre la discussion sur ce qu'il y a de nouveau. Conformément à la motion, vous avez remis vos rapports trimestriels au Parlement. Ces rapports indiquent ce que le Canada fait et donnent une idée des progrès que nous avons réalisés. Mais il y a quelques faits nouveaux. Vous venez de parler de la Conférence de La Haye, aux Pays-Bas, à laquelle participent les intervenants régionaux. Je viens de remarquer que l'Iran a accepté l'invitation. L'administration Obama profitera de cette occasion pour énoncer sa politique sur l'Afghanistan, qui semble être axée sur de nombreux efforts de développement, la diplomatie, etc. Le Pakistan aussi participera à la conférence. J'aimerais savoir ce que pense le gouvernement de notre présence là-bas. Qu'est-ce que cela va faire pour accroître notre présence là-bas?
Vous pourriez répondre en même temps à une autre question. Aujourd'hui, ou hier peut-être, il y a eu relève de la garde aux Nations Unies. Notre ambassadeur a été remplacé par M. Galbraith pour seconder M. Eide. Ces développements démontrent une présence plus active à l'échelle internationale. Ils ne devraient pas être considérés comme négatifs; ils devraient être considérés comme une entrée sur la scène internationale, en particulier l'administration Obama, qui reprend du service là-bas après avoir concentré ses efforts en Irak.
Je n'ai mentionné que quelques points qui apparaissent à l'horizon. Pourriez-vous parler de ces développements aux membres du comité et aux Canadiens qui écoutent la séance d'aujourd'hui?
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Les réunions internationales de la semaine prochaine — c'est-à-dire la réunion à La Haye, présidée par le représentant spécial des Nations Unies, Kai Eide, et la réunion de l'OTAN — ont des objectifs communs. Ce sont les objectifs adoptés par le gouvernement canadien depuis que le premier ministre a assisté au Sommet de l'OTAN à Riga, il y a plus de deux ans.
Tout d'abord, le Canada cherche à accroître l'effort international, et je pense que c'est ce que nous voyons à l'heure actuelle. Il s'agit d'un effort, non seulement du point de vue du nombre de troupes envoyées, ce que nous voyons de la part des Américains, des Français et d'autres pays dans le Sud de l'Afghanistan, mais également du nombre de partenaires qui joignent leurs efforts aux nôtres. Vous en avez parlé un peu. Étant donné qu'il est important de partager le fardeau du financement, de l'entraînement et de l'accroissement des capacités, la rencontre de La Haye est appelée en anglais « The big tent meeting ». C'est un de nos objectifs.
La deuxième question touche la cohérence. Comment réunir tous ces éléments de façon à obtenir des résultats positifs? Voilà un des objectifs du Canada. L'an dernier, à Bucharest, nous avons réussi à cibler les efforts de l'OTAN. Cette année, nous travaillerons très fort pour veiller à ce que l'arrivée de ces joueurs sur la scène se fasse de façon cohérente. La direction de l'ONU et Kai Eide sont extrêmement importants.
Comme vous l'avez dit, le bras droit de Kai pour les affaires politiques était un Canadien, Chris Alexander, qui était auparavant notre ambassadeur à Kaboul. Il sera remplacé par M. Galbraith, qui est lui aussi de descendance canadienne, John Kenneth Galbraith. De ce point de vue, nous continuons d'appuyer le leadership des Nations Unies.
Le troisième objectif est d'avoir la possibilité d'échanger des pratiques exemplaires. Différents joueurs font différentes choses en Afghanistan. Il est très important que nous prenions le temps de nous renseigner sur ce qui fonctionne. Là-bas, tant à La Haye qu'au Sommet de l'OTAN, le Canada aura une bonne histoire à raconter. Les autres pays se montrent de plus en plus intéressés à déployer des civils. Si on veut assurer la gouvernance et le développement à grande échelle, il faut des civils spécialisés dans le domaine, et nous répondons à de nombreuses questions sur la façon dont nous avons procédé dans le Sud de l'Afghanistan.
Il y a également de nombreuses questions sur les pratiques optimales. Les Nations Unies commencent même à en parler.
Enfin, il y a des questions sur la façon de mettre sur pied les forces de sécurité nationale afghanes. Les Forces canadiennes, plus particulièrement, ont une très bonne histoire à raconter. Nos militaires sont parmi les meilleurs en ce qui concerne l'entraînement de l'armée nationale afghane. On fera le point, et le Canada pourra raconter de réelles expériences réussies.
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Ma dernière visite était la dixième en deux ans. Au départ, nous avions très peu de civils à Kandahar. Selon le groupe de travail Manley, la surveillance que nous effectuions n'était pas suffisante et nous ne nous appropriions pas suffisamment nos efforts de gouvernance et de développement; ces efforts étaient déployés à Kaboul ou ailleurs, et nous n'obtenions pas les résultats souhaités.
Je vois maintenant de jeunes agents du service extérieur et de l'ACDI dans les bases avancées qui travaillent avec les capitaines, créent les conseils locaux et les shuras, et travaillent ensemble de façon vraiment créative. C'est très inspirant. Je vois des agents du Service correctionnel, de la GRC et du MAECI dans des prisons afghanes qui font de la surveillance, donnent des formations et supervisent les améliorations aux infrastructures.
Je peux voir beaucoup d'efforts déployés. Par exemple, j'ai parlé du barrage de Dahla. La clé du succès du barrage de Dahla ne résidera pas seulement dans les améliorations que nous apporterons aux infrastructures d'ici 2011, mais aussi dans la capacité que nous laisserons derrière nous pour que les Afghans puissent gérer le projet. Je vois donc des civils dans les collectivités locales qui sont responsables de la gestion de l'eau dans leur région et qui parlent de ce que le barrage permettra d'obtenir et de la participation que l'on attend d'eux.
Il y a eu un réel changement. Cela touche en partie les chiffres. Nous envoyons également davantage de civils de haut niveau là-bas. L'homologue civil du brigadier-général, que l'on appelle le représentant du Canada à Kandahar, ou RCK, est actuellement Ken Lewis. Dans l'équipe de reconstruction provinciale, il y a un civil de haut niveau, homologue du colonel, et nous avons également des représentants de haut niveau dans chaque ministère important. Ils font une différence.
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Merci, monsieur Mulroney, de votre exposé et du travail que vous accomplissez.
J'aimerais commencer par revenir sur votre réponse à M. Obhrai sur les prochaines étapes pour le Canada.
L'une des questions qui nous préoccupent touche le rapprochement. Vous n'en avez pas parlé, mais, par souci d'équité envers vous, cette question figure dans les rapports. Pour que les efforts de paix et de réconciliation permettent d'enrayer la violence qui, comme vous le savez, augmente, je pense que les initiatives militaires doivent s'accompagner d'une stratégie politique et d'une initiative diplomatique. Pouvez-vous nous aider? Dix-sept mille soldats américains supplémentaires seront envoyés. Il faut reconnaître qu'il y aura une montée de la violence. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question controversée; c'est un fait qui a été prouvé. Si c'est ce qui arrive, je pense que nous avons également besoin d'une stratégie politique claire ou d'une stratégie diplomatique. Quelles recommandations concrètes et quelles initiatives le Canada offrira-t-il à la conférence, mardi prochain?
J'allais vous demander ce que vous pensez du remplacement de M. Alexander par M. Galbraith, en soulignant que M. Galbraith est également un Américain, de par ses points de vue. Vous avez sans aucun doute travaillé avec M. Holbrooke. Je me préoccupe de savoir où se trouvent l'influence et la confluence canadienne, à une époque où les Canadiens souhaitent que nous mettions l'accent sur l'aspect diplomatique. Ils veulent que nous nous occupions d'une poussée diplomatique. Les Américains ont parlé d'une poussée diplomatique. C'est ce que fait le Canada. C'est dans notre histoire. C'est ce que nous voulons voir.
Voici donc ma question. Où se trouve notre poussée diplomatique? Où se trouve notre plan diplomatique? Qu'allons-nous offrir mardi?
Tout d'abord, au sujet du personnel des Nations Unies, de nombreux postes haut placés aux Nations Unies ont tendance à être occupés par des Canadiens parce qu'ils agissent comme des représentants de l'ONU, en se montrant objectifs à l'égard du Canada. C'est pour cette raison que Chris Alexander a vu son travail reconnu. Nous ne considérons pas Kai Eide comme un Norvégien, même s'il en est un très distingué; nous le considérons comme un représentant des Nations Unies. Nous nous attendrons à ce que M. Galbraith agisse au nom des Nations Unies. C'est un objectif fondamental.
Deuxièmement, nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos partenaires, y compris les États-Unis, pour veiller à nous doter d'un plan logique et pratique pour le Sud de l'Afghanistan. Au bout du compte, notre objectif est le même que celui des États-Unis et, sans aucun doute, des Afghans. L'objectif est la réussite. À leur arrivée, les Américains se sont rendu compte qu'ils allaient devoir en apprendre beaucoup dans le Sud. J'ai passé beaucoup de temps à Washington, à Kaboul et à Kandahar à discuter avec eux. Je peux vous donner un exemple précis.
À la suite de l'adoption de la motion par le Parlement, le gouvernement s'est consacré à la transformation de la mission. Cela représentait tout un changement de la façon de faire les choses, parce que nous nous consacrions dorénavant au développement et à la reconstruction de l'Afghanistan; nous avons pris au sérieux les échéanciers qui avaient été établis, car nous devons travailler dans le Sud de l'Afghanistan jusqu'à 2011. Tout ce que nous faisons est fondé sur ce mandat et cette nouvelle mission. Vous noterez que nos repères sur des objectifs particuliers qui nous permettent d'accomplir les diverses choses abordées dans cette motion. Le simple fait que nous établissons des points repères et que nous présentions des rapports découle également des paramètres imposés par la motion. Nous avons recruté du personnel, nous avons affecté des employés à ce dossier pour nous assurer que nos respectons le plus possible tout ce qui nous a été confié dans cette motion. Je rencontre à tous les trimestres les principaux intervenants du quartier général à Ottawa et en région, je rencontre les intervenants civils et militaires; nous discutons alors de la façon dont les choses évoluent de mois en mois, de trimestre en trimestre, tout cela vers la date de 2011. C'est là-dessus que tous nos efforts portent.
J'aimerais également signaler que nous avons des membres de la police militaire qui assurent la formation de la police nationale afghane. Nous avons actuellement dans la région environ 40 membres de la police militaire. De plus nous comptons plus de 30 policiers canadiens dans la région. Ce chiffre passera à 50 vers le milieu de l'année en cours. Ils s'occupent de deux grands thèmes. Tout d'abord ils offrent un cours élémentaire de survie destiné aux policiers pour leur apprendre comment faire leur travail en toute sécurité. Deuxièmement — et c'est ce que le ministre a vu la semaine dernière —, ils leur enseignent comment procéder à une enquête sur les lieux d'un crime, comment faire leur travail de façon professionnelle. C'était très impressionnant de les voir faire leur travail. Les ministres ont annoncé la semaine dernière notre nouvelle contribution au Fonds en fiducie pour le maintien de la loi et de l'ordre en Afghanistan, ce qui permettra d'assurer que des salaires seront versés aux membres de la police nationale afghane dans le Sud de l'Afghanistan pour les deux prochaines années. Nous multiplions également nos efforts pour nous assurer que ces policiers recevront leur salaire. Nous avons également organisé la mise sur pied d'un système de paiement électronique de sorte que ces policiers peuvent en fait obtenir eux-mêmes cet argent à tous les mois.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous assurer non seulement que nous donnons la formation mais que les autres modalités et conditions de services des policiers sont appropriées.
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Si on pense à d'autres pays où la narco-économie a été florissante, l'Asie du Sud-Est ou la Turquie, on comprend qu'il faudra beaucoup de temps pour éliminer le narco-trafic en Afghanistan.
Le Canada n'est pas inactif. Premièrement, nous avons consacré 30 millions de dollars à un programme qui prévoit notamment le versement de sommes d'argent pour encourager les agriculteurs à délaisser la culture du pavot pour une autre, ainsi que des sommes pour améliorer les procédures policières et judiciaires pour que soient condamnés non seulement les agriculteurs, mais surtout les dirigeants des réseaux de narco-trafic.
De plus, nous travaillons au développement économique à long terme à Kandahar. Le pavot pousse au bout de la route, là où commence une insurrection, mais aussi là où il y a peu d'eau car, malheureusement, le pavot est une plante rustique. Le Sud de l'Afghanistan étant très sec, les agriculteurs se tournent souvent vers la culture du pavot en dernier recours. Avec la construction du barrage de Dahla, nous pourrons irriguer cette région et rendre possible la culture du blé. Les agriculteurs afghans ne veulent pas prendre le risque de cultiver du pavot. De plus, c'est contre leur religion. Ils doivent faire affaire avec des hommes méchants qui leur font peur et qui leur soutirent tout leur argent. Ils ne peuvent non plus rien faire pousser pour nourrir leur bétail. Les agriculteurs ont bien des raisons de ne pas vouloir cultiver le pavot.
D'autres perspectives économiques les dissuaderont de se lancer dans le narco-trafic. Nous avons pris diverses mesures mais il est certain qu'il faudra du temps pour éradiquer ce problème.
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La sécurité et le développement, la sécurité et la gouvernance sont étroitement reliés. Tout ce que nous faisons dans le Sud de l'Afghanistan se fait dans le cadre d'une étroite collaboration entre les autorités civiles et militaires. D'ailleurs, on est de plus en plus nombreux à remarquer le degré d'intégration du plan canadien qui a été dressé conjointement par les autorités civiles et militaires.
Toutefois, selon moi, le facteur le plus important reste une augmentation de la présence militaire afghane. À ma dernière comparution, je crois vous avoir raconté brièvement comment, l'été dernier, les talibans, comme les étés précédents, avaient infiltré la région d'Arghandab, au nord-ouest de la ville de Kandahar, qui est une région vitale. Les années précédentes, c'est la FIAS qui avait repoussé les talibans de cette région. L'an dernier, les Forces canadiennes, sous le commandement du général Thompson, ont guidé les Afghans qui ont eux-mêmes dirigé la mission. On a même fait venir des troupes par avion de Kaboul, et ce n'est pas une mince tâche que de faire venir des troupes à court préavis pendant une bataille, et les talibans ont été chassés par les troupes afghanes.
Chaque fois que les forces de sécurité afghanes assument un peu plus de responsabilités à l'égard de la sécurité du pays, nous savons que nous nous approchons de notre objectif. Nous continuons toutefois de collaborer étroitement avec les forces de sécurité afghanes car c'est encore grâce à la présence des Forces canadiennes que les autres volets de la mission sont possible.
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J'aimerais vous parler de M. Karzaï parce que les élections vont se tenir à la fin août. Je sens une certaine impatience de la part des Américains à l'endroit de M. Karzaï. Tout le monde est au courant de la prise de bec qu'il a eue avec M. Biden. Dans les cercles de l'OTAN qu'on fréquente, on entend souvent mentionner, au sein de la délégation américaine, l'espoir d'une candidature potentielle contre M. Karzaï.
Personnellement, vous côtoyez continuellement les cinq ministres qui forment le comité interministériel, dont on a le rapport ici, qui est très bien bâti. D'ailleurs, il y a une disposition, ou un chapitre, où on parle beaucoup de gouvernance. Est-ce que, du côté canadien, on tend aussi à manquer de patience à l'endroit de M. Karzaï? Je ne veux pas faire d'ingérence dans la démocratie afghane, mais on doit admettre que depuis qu'il est président, la situation n'a pas beaucoup évolué et que beaucoup de gens ont perdu confiance en lui. D'ailleurs, on continue de l'appeler le maire de Kaboul parce qu'il a beaucoup de difficulté à étendre son autorité en dehors de Kaboul.
Selon vous, le gouvernement canadien verrait-il d'un bon oeil une candidature éventuelle contre M. Karzaï? Le gouvernement canadien perd-il patience à l'endroit de M. Karzaï, comme c'est le cas pour les Américains?