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Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la 56
e réunion du Comité permanent des finances.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin deux représentants de la Banque du Canada, soit le gouverneur, Mark Carney — bienvenue à nouveau, M. Carney — et le premier sous–gouverneur, Paul Jenkins.
M. Carney, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité. Je vous remercie d'être venu devant le comité et vous donne tout de suite la parole.
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Merci, monsieur le président. Merci de votre accueil.
[Français]
Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour.
M. Jenkins et moi sommes ravis de nous présenter devant ce comité aujourd'hui pour discuter du point de vue de la Banque du Canada au sujet de l'économie et de l'orientation de la politique monétaire. Bien que les conditions économiques au Canada se soient améliorées depuis que nous vous avons rencontrés en février et en avril, bon nombre des défis fondamentaux demeurent. J'aimerais vous donner un aperçu de la plus récente livraison du Rapport sur la politique monétaire, que nous avons publiée la semaine dernière.
Les indicateurs récents font état du début d'une reprise à l'échelle du globe. L'évolution économique et financière a été un peu plus favorable que la Banque du Canada ne l'entrevoyait en juillet, quoique des vulnérabilités importantes subsistent.
Le Canada, comme prévu, a lui aussi renoué avec la croissance économique, après avoir connu trois trimestres de suite de forte contraction. Cette reprise est soutenue par la détente monétaire et budgétaire, l'augmentation de la richesse des ménages, l'amélioration des conditions financières, le renchérissement des produits de base et le regain de confiance de la part des entreprises et des consommateurs.
Toutefois, la volatilité accrue et la vigueur persistante du dollar canadien ont pour effet de ralentir la croissance et de contenir les pressions inflationnistes. La banque estime qu'avec le temps, la force actuelle du dollar viendra plus que contrebalancer les effets de l'évolution positive observée depuis juillet.
À la lumière de tous ces facteurs, la banque s'attend à présent à ce que, comparativement à ce qui était escompté dans la livraison de juillet du Rapport sur la politique monétaire, la composition de la demande globale continue à se modifier, la demande intérieure finale gagnant en importance au détriment des exportations nettes.
[Traduction]
Nous prévoyons maintenant que le taux de croissance sera légèrement inférieur en moyenne durant le reste de la période de projection. La Banque du Canada estime que l'économie canadienne aura subi une contraction de 2,4 p. 100 cette année et connaîtra ensuite une expansion de 3 p. 100 en 2010 et 3,3 p. 100 en 2011. Nous prévoyons par conséquent une reprise de la croissance un peu plus modeste que lors de la moyenne des cycles précédents.
L'inflation totale mesurée par l'IPC a baissé au troisième trimestre pour atteindre un creux de moins 0,9 p. 100, ce qui s'explique par une baisse importante des prix de l'énergie d'une année sur l'autre.
L'inflation totale mesurée par l'IPC devrait atteindre 1 p. 100 ce trimestre, alors que nous prévoyons que l'inflation fondamentale touchera un creux de 1,4 p. 100 durant la même période.
Comme l'économie se caractérise aujourd'hui par une offre excédentaire importante, la Banque s'attend à ce que l'inflation fondamentale et l'inflation totale retrouvent la cible de 2 p. 100 au troisième trimestre de 2011, soit un trimestre plus tôt que nous l'avions prévu en juillet.
Les principaux risques de poussée inflationniste sont reliés à la possibilité d'une reprise plus forte que prévu de l'économie mondiale et d'un raffermissement plus soutenu de la demande intérieure au Canada.
En ce qui concerne les risques de baisse, la reprise mondiale pourrait être moins ferme que prévu. En outre, un dollar canadien plus fort que prévu, résultant d'une réduction des portefeuilles internationaux libellés en dollars américains, pourrait freiner de manière importante la croissance de l'économie canadienne et exercer d'autres pressions à la baisse sur l'inflation.
Mardi dernier, la Banque a réitéré son engagement conditionnel de maintenir le taux cible du crédit à un jour à son niveau plancher de 0,25 p. 100 jusque fin juin 2010 de façon à atteindre sa cible d'inflation.
La Banque conserve une flexibilité considérable dans la conduite de la politique monétaire dans un contexte de taux d'intérêt bas, conformément au cadre que nous avons énoncé dans le Rapport d'avril.
Notre objectif en matière de politique monétaire est d'atteindre la cible de 2 p. 100 pour l'inflation. Le taux de change doit être envisagé dans ce contexte. C'est un prix relatif important que la Banque surveille attentivement, mais ce qui compte en dernière analyse, c'est l'incidence du taux de change conjugué aux autres facteurs internes et externes qui influent sur la demande globale et l'inflation au Canada. Autrement dit, la Banque analyse toute la situation économique à travers le prisme de son objectif en matière d'inflation.
Sur ce, monsieur le président, membres du comité, Paul et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président, et bienvenue à nos deux témoins.
Permettez-moi de dire d'emblée, monsieur Carney, que vous faites à mon avis un excellent travail. Je sais que je ne suis pas le seul à apprécier la franchise et la clarté de vos messages, surtout quand on les compare à ceux d'autres gouverneurs de banques centrales.
Je voudrais parler d'abord du niveau élevé de notre dollar. Lorsque j'étais étudiant, je me souviens qu'on discutait beaucoup de la question de savoir si une intervention non stérilisée ou une intervention stérilisée était terriblement efficace à moyen terme, surtout dans un monde où chacun semble penser que le dollar américain devrait fléchir. Si tel est le monde dans lequel nous vivons, j'appuie certainement les efforts que vous déployez pour empêcher le dollar canadien de trop monter à cause des dommages que cela pourrait causer, comme vous le dites, à l'emploi et au secteur de la fabrication. Toutefois, s'il est vrai que la partie se joue entre la Banque du Canada et les tendances mondiales, je me demande s'il y a assez de cordes à votre arc.
Voilà ma question.
Tout d'abord, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, ce qui importe en dernière analyse, c'est que nous ayons assez de cordes pour atteindre notre cible en matière d'inflation, et je vous rappelle — même si je sais que vous le savez — que l'objectif de la Banque du Canada est de tirer parti de toute sa panoplie de politiques pour atteindre la cible de 2 p. 100 d'IPC. Dans ce contexte, le taux de change est un facteur important.
Pour vous répondre directement, l'histoire a montré que l'intervention est en soi rarement efficace à longue échéance si elle ne s'appuie pas sur des politiques ou des mesures concordant avec son orientation. Ce que nous avons souligné, au sujet de la situation actuelle du dollar canadien, c'est que, dans le contexte de tous les autres facteurs qui influent sur la demande totale et sur l'inflation au Canada, c'est un risque baissier. Les mouvements récents ont causé un décalage d'un trimestre quant au moment où nous retournerons à notre cible d'inflation et, dans ce contexte, la Banque conserve beaucoup d'options pour offrir plus de stimulation à l'économie, si c'est nécessaire, afin d'atteindre cette cible.
Ma deuxième question porte sur la notion de gestion macroéconomique prudentielle dont vous avez souvent parlé ces derniers temps. Si je comprends bien, vous avez laissé entendre à plusieurs reprises dans le passé que le mandat de la Banque du Canada pourrait être de voir au-delà de l'inflation et inclure une certaine forme de gestion macroéconomique prudentielle pouvant englober une action plus directe vis-à-vis des banques.
J'ai donc une double question à vous poser.
« Lutte de pouvoir » n'est sans doute pas la bonne expression dans ce contexte, mais comment décririez-vous la répartition actuelle des tâches entre le BSIF, la Banque du Canada et le ministère des Finances, y compris le ministre?
Deuxièmement, j'ai lu ce matin dans The Globe and Mail un éditorial intéressant disant qu'il conviendrait peut-être d'élargir le mandat de la Banque du Canada — c'est peut-être ce que vous pourriez appeler de la gestion macroéconomique prudentielle — mais, si la Banque du Canada devait avoir un mandat élargi, je pense qu'il devrait y avoir un débat parlementaire à ce sujet car cela pourrait exiger qu'on apporte des modifications à la Loi sur la Banque du Canada.
Voilà donc ma double question: premièrement, quelle est la répartition des tâches actuellement et, deuxièmement, que pensez-vous d'un débat parlementaire sur la possibilité de confier un rôle élargi à la Banque du Canada?
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En ce qui concerne la première question, sur la répartition des tâches, je tiens à souligner ce que j'ai dit hier, et que Paul Jenkins a dit il y a environ un mois lors d'une allocution publique, dans le droit sillage des paroles du ministre des Finances: le ministre des Finances assume la responsabilité globale du système financier. C'est le ministre des Finances qui détient cette responsabilité globale et, par son intermédiaire, le Parlement. C'est parfaitement clair.
Cela dit, la structure de réglementation actuelle au Canada englobe un organisme de réglementation prudentielle, de réglementation des banques, de réglementation des assurances, avec le BSIF, la Banque du Canada — qui détient une responsabilité plus ou moins bien définie, ou imparfaitement définie, de stabilité financière — et d'autres agences. Nous collaborons avec les instances provinciales de réglementation des marchés boursiers, la SADC, le BSIF et le ministère fédéral des Finances pour nous assurer qu'il n'y a pas de faille dans le système. Je pense que ce niveau de coopération et d'interaction, qui est relativement pragmatique, s'est avéré très efficace parce que nous travaillons très efficacement ensemble.
La crise qui a frappé les autres pays les a amenés à se demander quelle est la meilleure manière d'organiser ces micro–responsabilités et macro–responsabilités entre les diverses agences. Évidemment, différents pays auront diverses solutions selon leurs antécédents en matière de réglementation, leurs succès et leurs échecs. Le Canada, c'est évident, a connu des succès. En dernière analyse, c'est au ministre et au Parlement qu'il appartient, tout à fait légitimement, de décider quelle est la meilleure manière de structurer le régime canadien eu égard à nos atouts et à notre passé. La Banque participera comme il convient à ces discussions et à ces décisions. Je tiens à souligner que le système s'est avéré très efficace à la fois durant la crise et durant la sortie de cette crise.
Je termine en disant que nous collaborons très étroitement avec le BSIF, avec le ministère fédéral des Finances et, s'il y a lieu, avec les instances de réglementation provinciales pour redessiner tout l'appareil réglementaire dans le cadre du processus du G-20. La plupart de ces décisions ou de ces consensus sont forgés au niveau international et il est donc important que nous agissions de concert, et c'est ce que nous faisons.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Carney et monsieur Jenkins.
Monsieur Carney, hier, vous étiez devant l'Autorité des marchés financiers, à Montréal, où vous avez prononcé un discours.
Les journaux nous rapportent un résumé de votre discours. Vous avez dit, premièrement, que vous êtes un peu sceptique par rapport aux institutions financières. Vous dites qu'elles doivent changer d'attitude. Deuxièmement, vous dites: « Les institutions financières doivent démontrer qu'elles sont conscientes de leurs responsabilités élargies. »
Quand j'ai lu cette phrase, j'étais un peu étonné. Je m'interroge particulièrement au sujet du mot « élargies ».
Selon vous, en quoi les responsabilités des institutions financières ont-elles été élargies par rapport à celles qu'elles avaient avant la crise? À cet égard, qu'attendez-vous des institutions financières?
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Merci de votre question.
Premièrement, je voudrais souligner que mon discours d'hier, à Montréal, visait davantage l'extérieur de nos frontières que le Canada. Encore une fois, nos institutions financières, pendant la crise, ont travaillé dans un esprit étroit de collaboration, de façon très efficace et qui a profité à notre pays. C'est le premier aspect.
Le second, c'est que dans le cas de toutes les institutions financières — de n'importe quel pays —, l'important, selon moi et selon la Banque du Canada, est de penser au système et pas seulement à elles-mêmes. Par exemple, l'institution financière doit se demander quel sera l'impact de ses actions sur la stabilité financière. C'est nécessaire, parce qu'on peut changer la manière de faire des institutions.
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Il ne s'agit pas de nouvelles responsabilités, puisqu'elles avaient ces responsabilités avant la crise économique. Une institution financière qui est systémique a une responsabilité envers le système.
Je terminerai ma réponse en anglais.
[Traduction]
Ce qui a été clair, au niveau international, c'est que certains établissements ne se sont pas comportés de cette manière. Ils ont pris avantage des filets de sécurité et ont mené leurs affaires en tenant pour acquis qu'ils seraient secourus, ce qui a accru le risque.
Ce qui se fait au G-20 consiste en partie à imprimer des changements à ces attitudes par le truchement de processus tels que les testaments biologiques et une transformation des marchés qui amèneront ces établissements à penser plus au système dans son ensemble et à agir en conséquence.
En ce qui a trait à la reprise économique, vous anticipez, pour l'an prochain, un taux de croissance de 3 p. 100, et d'un peu plus au cours de l'année suivante. Dernièrement, vous avez dit que la montée rapide du dollar canadien mettait en péril la croissance économique.
Selon vous, le Québec est-il plus en péril que les autres provinces canadiennes? Quelles sont les provinces qui seraient le plus touchées si une certaine parité s'installait entre le dollar canadien et le dollar américain?
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Je peux peut-être ajouter quelque chose.
Tout d'abord, on constate que l'économie canadienne connaît plusieurs éléments positifs. Dans toutes les régions, le prix des produits de base est un peu plus élevé. Le niveau de confiance des entreprises et des ménages est aussi plus élevé qu'il y a un an. La richesse, avec l'augmentation et les changements des conditions financières... Dans toutes les régions, il y a des éléments positifs.
Dans le cadre de nos prévisions, nous avons fait remarquer que si le dollar continue à être élevé, cela aura un effet qui pourrait contrebalancer les éléments positifs. Comme l'a mentionné le gouverneur, la politique monétaire porte sur l'économie au complet. Nous nous concentrons sur nos objectifs en termes d'inflation.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'aujourd'hui.
En vous écoutant, je repensais à ce qui s'est passé il y a un an, à peu près. Beaucoup de choses ont changé en un an. Nous ne savions pas comment la situation allait évoluer et j'aimerais parler du rôle qu'a certainement joué notre ministre des Finances. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a nommé ministre des Finances de l'année. Je pense que les gens ne réalisent pas le rôle que vous jouez. Vous aussi, monsieur le gouverneur, allez à ces réunions pour palabrer avec vos homologues internationaux. J'aimerais vous faire parler de cela et je passerai ensuite à certaines des remarques que vous avez faites hier. car je pense qu'elles concordent avec le thème du rôle du Canada pour essayer de faire en sorte que nous maintenions le cap.
J'aimerais que vous me parliez un peu du rôle du Canada dans ce contexte. J'ai le sentiment qu'il est plus large que ne le pensent la plupart des Canadiens. Nous avons joué un rôle important dans la relance parce que c'est nous qui avons insisté continuellement pour qu'on maintienne le cap avec ces dépenses de stimulation économique. C'était la bonne décision et on en a la preuve tous les jours.
Vous dites que notre situation s'est améliorée mais seulement de manière très minime. Pourriez-vous donc nous expliquer le rôle que vous jouez et votre interaction avec les gouverneurs des banques centrales des autres pays, du G-8 et du G-20 par exemple?
Tout d'abord, pour l'information des membres du comité, il y a maintenant de fréquentes communications entre les gouverneurs des banques centrales du G-7, du G-10 et du G-20, mais par des rencontres directes très fréquentes, des réunions mensuelles, des rencontres face à face et des rencontres téléphoniques plus fréquentes. Nous avons eu malheureusement des conversations très fréquentes l'an dernier, à cette époque, parce que nous devions discuter de beaucoup de choses, et cela a continué durant l'année.
Je peux vous assurer qu'il s'est établi un niveau de confiance et de franchise très élevé entre les grandes banques centrales au cours des années. Cela s'est maintenu durant la crise et nous en avons bénéficié. Chaque fois qu'une très mauvaise chose allait surgir, nous en étions informés avant que ça devienne public, directement par un gouverneur de la banque centrale concernée. Cela s'est avéré extrêmement utile pour dresser des plans d'urgence de notre côté mais aussi pour avoir une bonne idée de l'ampleur des problèmes.
La deuxième chose au sujet des banques centrales — et je n'irai pas dans tous les détails — concerne la création coordonnée de liquidités par une série de mesures qui ont été prises, d'urgence, malheureusement, pour maintenir le fonctionnement du système. À cette époque, l'an dernier, nous avons participé à une baisse coordonnée des taux d'intérêt des grandes banques centrales et avons aidé à l'appliquer parce que nous pouvions voir la détérioration très rapide de l'économie. Cela est utile. Il faut un certain temps pour en ressentir les effets mais cela a été utile à la marge.
Je crois que là où on commence à voir le rôle plus large du Canada — et j'inclus évidemment là-dedans le rôle du ministre des Finances, du ministère des Finances, et des organismes de réglementation —, c'est lorsqu'on a eu recours à la politique budgétaire pour sauver le système. Lors de la réunion d'octobre du G-7, c'est-à-dire lorsqu'il est malheureusement devenu nécessaire de prendre des mesures très audacieuses et sans précédent, le Canada avait de la crédibilité pour défendre l'idée que l'heure était venue pour chacun d'intervenir vigoureusement pour défendre son institution afin que le système dans son ensemble puisse continuer de fonctionner. Cela n'a été une décision agréable pour personne, mais il était utile qu'il y ait au moins autour de la table quelqu'un pour qui ce n'était pas immédiatement nécessaire, et je pense que cela a contribué à forger ce consensus. Des décisions importantes ont été prises à cette occasion.
Depuis lors, la question importante est de voir comment rebâtir le système. La crise a duré longtemps après ce moment-là mais cette décision a évité la catastrophe. Les décisions prises en octobre dernier donnaient le signal qu'on allait interrompre la dégringolade. La question suivante était de rebâtir le système et c'est ce à quoi s'emploie le G-20 depuis. Je pense que le Canada a joué un rôle important en partie parce qu'il y a des leçons à tirer du fait que notre système n'a pas eu le problème, et nous avons tiré ces leçons. Ce qui a également été important, c'était de jouer un rôle constructif avec les autres, d'être honnêtes et d'admettre que nous aussi avons des leçons à tirer de ce qui s'est passé ailleurs, qu'il y a des choses que nous pouvons améliorer dans notre système, et de participer aux discussions de cette manière.
C'est très utile car je pense que la plupart des gens ne comprennent pas tous les rôles que joue la Banque du Canada.
Si vous me permettez de m'écarter un instant du sujet, je veux rendre hommage à Paul Jenkins pour tous les conseils qu'il m'a donnés sur les pensions de retraite. Je ne pense pas que les gens connaissent le rôle que joue la Banque du Canada dans le domaine des pensions, ni les études que vous y avez consacrées. Je vous remercie de l'aide que vous m'avez accordée à ce sujet, Paul.
Très rapidement, j'ai lu une déclaration de Christian Noyer, si je prononce bien son nom, le gouverneur de la banque centrale de France, qui affirme qu'on voit des signes de résurgence des pratiques à haut risque qui ont provoqué la crise. Parmi les leçons de la crise, j'espère que nous avons appris combien il a été difficile d'y faire face. J'espère que nous avons appris cette leçon et que nous n'allons pas retomber dans les comportements à risque du passé. Je suis sûr que c'est le rôle que vous avez joué.
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Bienvenue, messieurs Carney et Jenkins.
Pendant une période de crise, les réponses claires aident les citoyens à comprendre des questions somme toute assez complexes. La dernière fois qu'on a eu le plaisir de se rencontrer, monsieur Carney, on en était à parler des paradis fiscaux. Vous nous entreteniez de ce que vous appelez en anglais aggressive tax planning.
J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur cette question parce que depuis notre dernière rencontre, l'OCDE a publié un chiffre assez effarant. Il s'agit de 6 billions de dollars qui se trouveraient maintenant dans des paradis fiscaux. Il vaut toujours la peine de rappeler qu'en français, un billion signifie 1 000 milliards. Autrement dit, un billion équivaut à ce qu'on appelle en anglais un trillion. Ça rend les choses un peu difficiles à suivre. On parle donc de 6 000 milliards de dollars.
Un comité d'experts qui a étudié la question en Angleterre a fait une remarque qui est intéressante sur le plan social. Ces gens ont dit que souvent, les sommes d'argent étaient gagnées grâce à des institutions stables comme les banques centrales, les tribunaux, les services de police et les institutions gouvernementales, notamment, mais qu'une fois gagné, cet argent était retiré de l'économie par des gens qui le transférait ailleurs.
Je veux revenir à votre expression, qu'on peut traduire en français par « planification fiscale agressive ». On a toujours dit que l'évitement fiscal n'était pas permis. Par contre, personne ne nous oblige à planifier nos affaires de façon à payer un maximum de taxes. J'aimerais vous demander quelle distinction vous faites.
[Traduction]
L'évitement fiscal est légal. Personne ne vous oblige à organiser vos affaires de manière à payer le maximum d'impôt possible. Par contre, l'évasion fiscale est illégale.
J'aimerais savoir si la Banque s'est penchée sur le chiffre plutôt alarmant de 6 millions de dollars mentionné par l'OCDE au sujet des abris fiscaux. Cela fait-il partie de votre réflexion en ce qui concerne la masse monétaire globale?
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Merci de cette réponse claire.
Comme le temps passe vite, j'aborde tout de suite un autre sujet. Cela peut sembler un peu éloigné du sujet immédiat de l'économie, mais je pense pouvoir vous convaincre que c'est relié à la valeur du dollar canadien. L'un des principes fondamentaux du développement durable est ce qu'on appelle « l'internalisation des coûts ». Quand on veut que les gens comprennent le concept, on leur dit que les trois dollars supplémentaires qu'ils payent pour un pneu sont justifiés si le coût de recyclage du pneu est de trois dollars et que les gens qui conduisent une automobile devraient payer ces trois dollars afin qu'ils ne soient pas prélevés dans les recettes fiscales de l'État. C'est un principe fondamental du développement durable.
En ce qui concerne les sables bitumineux — ou, pour plaire à nos amis de l'Alberta, les sables pétrolifères —, on peut avancer l'argument que nous n'internalisons pas le coût total dans ce qui est vendu, à la fois environnementalement et pour les générations futures. Cet afflux de dollars qui n'a pas été réduit par l'internalisation des coûts est l'un des moteurs de la revalorisation de notre dollar, ce qui a évidemment pour effet secondaire de rendre nos exportations encore plus difficiles et de faire encore plus mal à nos industries manufacturières et forestières.
Considérant la répartition des tâches que vous avez décrite tout à l'heure, examiner ces questions fait-il partie de votre rôle? Je pense que oui. Même si les sables bitumineux peuvent sembler être un sujet très éloigné de vos préoccupations quotidiennes, je crois honnêtement que, si nous voulons adopter une politique de développement durable — autrement dit, chaque fois que le gouvernement a une décision à prendre, tenir compte des aspects environnementaux, sociaux et, bien sûr, économiques pour déterminer quelle est la meilleure voie à prendre...
À l'heure actuelle, nous dépensons 60 milliards de plus cette année sur le dos des générations futures, mais nous ne leur laissons rien en termes d'avenir énergétique durable vert renouvelable, comme nous aurions pu le faire avec cet argent et comme le font les Américains. Nous leur laissons un héritage qui les obligera à dépenser encore plus pour réparer les dégâts.
J'aimerais vous faire parler un peu de cette notion de développement durable, d'internalisation des coûts, et des sables bitumineux qui sont l'un des moteurs de la montée du dollar canadien, et vous demander si cela fait partie de votre réflexion dans votre répartition des tâches.
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Je suis tenté de vous dire non, ça ne fait pas partie de la répartition des tâches mais, bien sûr, le secteur de l'énergie est très important pour l'économie canadienne. Il nous incombe de comprendre les moteurs à court, moyen et long terme de l'investissement dans ce secteur. De fait, dans notre rapport de la semaine dernière, nous avons mis en relief certains développements et certains changements structurels des marchés de gaz naturel, qui sont importants du point de vue des perspectives d'investissement dans le gaz naturel au Canada. C'est quelque chose que nous avons pris en compte, c'est-à-dire une rupture structurelle potentielle de l'investissement dans le gaz naturel à cause des développements dans le secteur des schistes gazeux américains, facteur important pour le Canada. Donc, oui, nous examinons les divers secteurs et ces diverses forces.
Je constate que les décisions d'investissement transfrontalier en énergie sont en partie influencées par les attentes concernant la tarification du carbone, à terme, dans différentes juridictions. Les échéanciers à cet égard, ainsi que le niveau de la tarification, sont également influencés par les perspectives d'entente dans les divers processus UNCC, notamment ceux qui mènent à Copenhague. Ce sont des dossiers séparés mais il y a eu des discussions à ce sujet dans le cadre du G-20.
En tant que banque centrale, nous prenons évidemment note de ces décisions afin d'en analyser les répercussions sur l'investissement et l'activité au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Carney et monsieur Jenkins, de votre présence.
J'aime beaucoup votre franchise. J'ai constaté dans le journal de ce matin que vous n'hésitez pas à vous élever contre l'orgueil de certaines banques centrales. Je vous souhaite bonne chance! Ce sera peut-être un nouveau péché originel la semaine prochaine.
Dans la catégorie guerre contre les moulins à vent dont votre récente conversation sur le dollar canadien nous a donné un exemple, je vous félicite des efforts que vous déployez pour contrer la hausse de notre dollar, mais j'ai le sentiment que nous souffrons au Canada d'une sorte de mal hollandais dans la mesure où ce sont nos ressources naturelles qui propulsent notre dollar. Nous n'avons pas choisi la solution norvégienne consistant à isoler les ressources naturelles de leur incidence économique. Par défaut, ou pour une autre raison, nous avons choisi le modèle hollandais. Nous avons appauvri pour toujours certaines régions du pays qui n'ont pas de ressources naturelles tout en aidant celles qui en ont à s'enrichir.
Les décisions que nous n'avons pas prises finiront par faire de nous des coupeurs de bois et des tireurs d'eau jusqu'à la fin des temps, sans perspective réaliste, malgré les meilleurs efforts de la Banque du Canada, de voir le dollar canadien retourner à un niveau qui permettrait à un vrai secteur manufacturier d'avoir du succès dans notre pays.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs Carney et Jenkins.
Je vous écoutais répondre tout à l'heure à mon collègue M. Laforest que les institutions financières doivent faire preuve de civisme financier parce qu'elles ont des responsabilités élargies. C'était l'essence de votre commentaire. La majorité des observateurs constatent actuellement que, dès qu'il y a eu une reprise, les institutions financières américaines, particulièrement, ont recommencé à agir de la même façon.
Est-ce trop espérer que de penser que les institutions financières pourraient faire preuve de civisme sur le plan de leurs activités? La crise économique actuelle a été créée par le fait que les institutions financières, particulièrement américaines, ont pris des risques absolument énormes sans avoir les réserves nécessaires pour y faire face.
On peut dire la même chose des grandes entreprises. On peut parler de GM, de Chrysler et de beaucoup d'autres entreprises qui, finalement, n'ont pas pu faire face à la crise parce qu'elles n'avaient pas suffisamment de réserves et qu'elles n'avaient pas réussi à planifier de façon raisonnable leurs activités. Ford, au contraire, avait les réserves nécessaires et a été capable de faire face à la crise.
À l'heure actuelle, les observateurs nous disent que le système n'a pas changé, mais pas du tout. On songe, particulièrement en Europe, à imposer une taxe sur le capital des institutions financières. On pourrait faire la même chose dans le cas des entreprises, afin de créer une espèce d'assurance afin que les gouvernements — comme cela a été fait aux États-Unis — ne soient pas obligés d'investir massivement des centaines de milliards de dollars dans une crise provoquée par l'irresponsabilité des dirigeants d'entreprises et d'institutions financières. Je pense qu'on devrait créer une espèce d'assurance.
Je voudrais savoir, monsieur Carney, si vous avez des discussions à l'heure actuelle avec le ministère des Finances pour la création d'une espèce de taxe sur le capital qui ferait en sorte qu'on ait un fonds pour faire face à l'irresponsabilité de certains dans le secteur financier?
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Je vais d'abord répondre à la dernière partie de votre question.
Non, nous ne sommes pas en discussion avec le ministère des Finances en ce qui concerne un nouvel impôt sur les transactions ou un impôt sur le capital. Au Canada, il y a environ cinq ans dans certaines provinces, et une dizaine d'années au palier fédéral, nous avions cette taxe sur le capital. Selon moi, l'idée d'une taxe sur le capital est très mauvaise. Par contre, la question de la réglementation du capital est très importante.
La Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières, notre régulateur, et le ministère des Finances travaillons en étroite collaboration à l'échelle globale pour augmenter les règles de capital pour toutes les institutions financières, mais en ce qui concerne les institutions européennes et américaines...
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, gouverneur Carney, et merci de votre déclaration et de votre rapport.
J'ai lu avec intérêt la page 15 de votre rapport où vous faites l'analyse du rétablissement de notre économie au deuxième et au troisième trimestres. Vous dites que l'économie a commencé à se rétablir au deuxième trimestre, grâce à un certain nombre de facteurs, notamment de nouveaux achats de produits de consommation durables et d'une relance de l'investissement domiciliaire. Vous dites aussi que les stimulants budgétaires ont contribué à stimuler la rénovation.
Voulez-vous parler du crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire?
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Bonjour, monsieur Carney. Je vous remercie de votre présence.
Les journaux ont rapporté à plusieurs reprises, la semaine dernière, que vous n'hésiteriez pas à intervenir si notre dollar augmentait trop par rapport au dollar américain. En lisant les propos rapportés dans La Presse, on a l'impression que la force d'une devise n'a que des conséquences négatives pour les industries exportatrices et pour la croissance à court terme de l'économie canadienne.
Toutefois, une monnaie forte a également des conséquences positives. Cela permet aux consommateurs de bénéficier de prix réduits, à cause des importations. Cela permet aux voyageurs vers les États-Unis de voyager avec une monnaie forte. Cela profite aussi aux entreprises qui importent de la machinerie, comme vous le savez, des États-Unis ou d'ailleurs dans le monde. Finalement, cela permet aux investisseurs canadiens investissant à l'étranger d'avoir un meilleur rendement sur leurs investissements.
Par conséquent, une intervention de votre part aurait aussi des conséquences négatives. Cela signifierait créer des dollars canadiens pour dévaluer notre monnaie aussi vite que le dollar américain est dévalué par la Réserve fédérale américaine. Il est également reconnu que, durant la dernière Grande Dépression, les dévaluations compétitives ont aggravé la crise.
J'aimerais donc vous demander si vous trouvez aussi qu'il y a des effets à la fois positifs et négatifs à la hausse du dollar. Si oui, comment ferez-vous pour prendre une décision équilibrée qui tienne compte de tous ces effets?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence, monsieur Carney et monsieur Jenkins. Je ne suis pas sûr que vous aurez besoin de cinq minutes pour répondre à cette question.
J'ai aussi quelques questions à poser sur les monnaies, mais je pense que nous en avons déjà parlé.
J'aimerais avoir votre avis sur l'annonce récente, vendredi, que le gouvernement américain a fermé sept autres banques régionales. Cette décision n'a pas été abordée, mais je pense qu'elle aura une influence sur l'activité de nos propres banques.
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Oui, il y a des risques des deux côtés, absolument. Il y a incontestablement des risques importants provenant de l'étranger, des deux côtés, et des risques provenant des États-Unis. Il risque donc d'y avoir des hauts et des bas.
Ce que nous avons dit au sujet du marché du travail, et nous sommes encore au tout début de la reprise, c'est que nous percevons des signes préliminaires de stabilisation du marché du travail canadien. Cela dit, comme chacun sait, le chômage a fortement augmenté et le nombre d'heures travaillées est très bas. La moyenne des heures travaillées est très basse. Je n'aime pas employer de jargon économique mais il y a beaucoup de jeu à l'heure actuelle dans le marché du travail canadien. Si vous me permettez une remarque d'ordre général, ce jeu des circuits économiques, ce jeu dans l'activité des entreprises et dans l'utilisation des capacités, signifie que nous connaissons un gros manque à produire, ce qui affecte les pressions ultimes sur l'inflation. C'est en partie pour cette raison que notre politique est telle que vous la connaissez, parce qu'il faudra un certain temps pour éliminer ce jeu.
Nous avons à peu près quatre minutes en ce moment.
Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, monsieur Carney, au sujet de la restructuration des règles à l'échelle internationale. Dans votre discours de Montréal, vous avez parlé du programme de réforme du G-20 et, en parlant de « Protéger le cycle contre les banques », vous avez dit trois choses intéressantes.
Vous avez dit qu'il faut « édifier un système qui soit capable de résister à la défaillance de n'importe laquelle des institutions financières ». Cela fait évidemment penser à Lehman Brothers.
Vous avez dit aussi qu'il y a « une ferme conviction parmi les décideurs publics que, dans les crises à venir, les pertes devront être assumées par les institutions elles-mêmes ». Cela fait évidemment penser à AIG.
Ensuite, vous avez dit qu'il faut « créer un système où l'accent porte moins sur les institutions financières individuelles et davantage sur les marchés ». C'est très intéressant.
Dans ce contexte, vous avez mentionné quatre mesures, dans ce discours. Je voudrais que vous en parliez.
Nous avons évidemment connu une période difficile. Le 15 septembre dernier, Lehman Brothers était sur la sellette, c'était le point focal de la crise financière. Ensuite, il y a eu, et je pense que chacun en conviendra, une réaction excessive au sujet de AIG. On a eu tellement peur que d'autres banques s'effondrent qu'on a réagi de manière excessive.
Quand vous parlez de créer un système où l'on attache moins d'importance aux institutions financières elles-mêmes et davantage aux marchés, que voulez-vous dire exactement, et comment cela pourrait-il se faire?
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Je vous remercie de cette question, monsieur le président.
Très brièvement, l'un des problèmes de la crise était qu'il y avait une série d'établissements à sauver. Le jugement des autorités compétentes a été qu'ils devaient être sauvés parce que leur faillite aurait entraîné une paralysie de marchés déjà fragilisés et aurait provoqué la chute d'autres établissements car tous sont tellement interconnectés.
Très franchement, c'était une situation inacceptable, c'est-à-dire que la survie des marchés soit devenue tributaire d'établissements individuels. Ce qui est aussi inacceptable, c'est qu'après que cette situation ait été révélée, on continue à gérer le système de la même manière. En effet, si l'on sait que les établissements seront « sauvés », cela change les comportements.
Que peut-on y faire? Notre très ferme conviction est qu'il faut changer dans plusieurs pays, dont le nôtre, certains aspects de l'infrastructure des marchés de façon à ce qu'ils puissent continuer à fonctionner même si un établissement s'effondre. Autrement dit, et c'est expliqué en détail dans le discours que vous avez cité, nous nous sommes penchés sur les marchés du crédit au Canada. Je veux parler des marchés des opérations de pension contre valeurs et des marchés interbancaires. Nous travaillons avec les acteurs de ce secteur pour voir s'il serait sensé — ça reste à déterminer — de les transférer sur une plate-forme de compensation centralisée. Il y a beaucoup de jargon là-dedans. En bref, les transactions passent par une chambre de compensation qui est une sorte d'organisme de service public bien capitalisé et très robuste existant dans tous les pays. Si l'un des établissements exécutant ces transactions par le truchement de cette chambre de compensation devait faire faillite, pour une raison quelconque, la chambre de compensation serait protégée. Tout ne serait pas perdu et le système, dans son ensemble, serait protégé.
Je suis désolé de prendre autant de temps pour vous répondre, mais c'est important. Si vous examinez les problèmes qu'avait Bear Stearns, l'un d'entre eux était qu'elle opérait sur ce marché à très court terme. C'était un acteur clé du marché des opérations de pension contre valeurs, et tout le marché, selon le jugement de la Réserve fédérale, et c'était à mon avis le bon jugement, aurait cessé de fonctionner. Si Bear Stearns n'avait pas ouvert ses portes le lundi suivant, cela aurait paralysé le marché des obligations et les autres marchés. Voilà le genre de situation que nous voulons éviter. Cela exigera des changements assez profonds à l'infrastructure des marchés.
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L'un des problèmes posés par Lehman Brothers, Bear Stearns et les autres grandes institutions, quand elles font faillite, c'est que les institutions ne savent pas, parmi celles qui faisaient des transactions avec Lehman Brothers, par exemple, quelles sont celles qui ont perdu de l'argent parce que Lehman s'est effondrée. Par conséquent, tout le monde a commencé à se méfier de tout le monde et cela a paralysé le système.
Si les transactions d'un marché donné se faisaient par le truchement d'une contrepartie centrale, la seule chose qui compterait serait la faillite de la contrepartie centrale. L'institution pourrait bien faire faillite, et ce serait dommage pour elle mais, en ce qui concerne le marché des opérations de pension contre valeurs dans son ensemble, dans mon exemple, comme la contrepartie centrale serait toujours là, personne n'aurait perdu d'argent, y compris la contrepartie centrale, parce que ce serait un système avec garantie. Évidemment, quelqu'un devrait surveiller la contrepartie et s'assurer qu'elle est robuste, mais c'est faisable. Ça se fait pour d'autres marchés et c"est ce qu'on devrait faire.
La grande question, qui fait l'objet de vifs débats — elle concerne plus les autres pays que le Canada — est de savoir ce qui se passe sur le marché des produits de crédit dérivés qui, selon certaines estimations, représente des dizaines de billions de dollars et dépend totalement de relations bilatérales.
Je vais maintenant vous poser une question moins politique. Je suis sûr que vous n'allez pas nous dire jusqu'où le dollar devrait avoir monté avant de vous inquiéter mais permettez-moi de vous poser deux questions à ce sujet.
Je suppose que si l'appréciation du dollar s'expliquait par la hausse des prix du pétrole et des ressources naturelles, cela vous préoccuperait moins que si c'était à cause de... la spéculation, si je peux dire. En outre, je suppose que ce n'est pas seulement le niveau de la hausse qui vous préoccupe, c'est aussi sa rapidité. Mes deux hypothèses sont-elles exactes, c'est-à-dire que vous seriez moins préoccupé si la hausse du dollar résultait des cours des denrées, et que vous êtes particulièrement préoccupé par une hausse très rapide?
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à vous tous.
Je suis heureux de voir, d'après vos réponses, que la Banque du Canada n'agit pas en fonction d'hypothèses mais en fonction de faits concrets. Toutefois, je vais vous poser une question un peu hypothétique, mais dans un contexte différent, au sujet de la situation aux États-Unis plutôt qu'au Canada. Évidemment, nous savons que la relation est très bien cimentée: on dit souvent qu'il suffit que l'un éternue pour que l'autre prenne froid, et on parle aussi de la souris et de l'éléphant. Quand on examine la situation financière actuelle des institutions américaines, il est clair que cela a des conséquences sérieuses et sévères sur les politiques de la Banque du Canada et sur l'économie canadienne en général. Pourriez-vous nous dire où en est actuellement le secteur américain des services financiers, d'après votre analyse, et quelles sont les perspectives de croissance de l'économie américaine, à long terme et à court terme?
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En ce qui concerne les établissements financiers américains, comme vous le savez sans doute, la Réserve fédérale, de concert avec les instances de réglementation, a appliqué un test de stress exhaustif aux 19 plus grands établissements, plus tôt cette année, ce qui a révélé des besoins de capitalisation concordant avec une récession encore sévère jusqu'à la fin de 2010. Ces établissements ont maintenant tous étés recapitalisés et, dans bien des cas, plus que recapitalisés, ce qui veut dire qu'ils ont maintenant plus de capital que ce qui était nécessaire au titre du SCPA, le programme américain de surveillance de la capitalisation. Ces établissements représentent plus de 80 p. 100 de tous les actifs bancaires aux États-Unis. Donc, pour revenir à la question de M. Pacetti, nous verrons que des petites institutions sont en difficulté mais les 19 représentent le coeur même du système américain.
Cela dit, les gouverneurs et les instances de réglementation du G-7 estiment que les établissements mondiaux de l'extérieur du Canada, qui ont retrouvé la rentabilité, ont maintenant l'occasion de gonfler leurs coussins de capital de façon à fournir les crédits dont a besoin l'économie, et l'on estime qu'ils devraient tenir compte de cela lorsqu'ils envisagent de rémunérer leurs actionnaires et leur personnel, étant donné les perspectives mondiales. Cela vaut autant pour les États-Unis que pour les autres pays.
En ce qui concerne les perspectives à court terme et à long terme aux États-Unis, l'histoire nous a montré — et nous en parlons dans le rapport — que les pays subissant une crise financière enregistrent souvent une baisse de leur potentiel de croissance et qu'il leur faut longtemps pour se rétablir. Autrement dit, le niveau absolu d'activité économique, la capacité de l'économie, est réduit et, pour ce qui est de la vitesse avec laquelle ils peuvent se rétablir, ça prend du temps. Ce sera certainement le cas aussi pour les États-Unis et c'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles nous prévoyons dans leur cas une reprise inférieure à la norme. De fait, il y a un graphique à la page 11 du rapport qui montre toutes les reprises économiques aux États-Unis depuis la Grande Dépression, et celle-ci sera plus molle.
Le potentiel à long terme des États-Unis dépendra toujours de l'esprit d'invention et des ressources du peuple américain. Il dépend maintenant aussi des décisions du gouvernement, de la banque centrale dans une moindre mesure, parce qu'il s'agit de décisions à longue échéance, et des citoyens eux-mêmes, et c'est quelque chose que nous allons tous devoir surveiller.
Ma dernière remarque à ce sujet est que nous estimons que cette crise marque un tournant décisif à bien des égards dans la mesure où il aura un ajustement de la demande aux États-Unis, moins de consommation, et plus d'exportations nettes, et où une plus grande part de la croissance mondiale émanera des grands marchés émergents plutôt que de nos marchés historiques. Donc, à moyen terme, les entreprises canadiennes auraient intérêt à s'implanter sur ces marchés et à développer ces liens.
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Monsieur Carney, dans vos remarques sur la situation aux États-Unis, vous nous avez présenté certaines leçons de l'année passée, certaines des choses que nous avons apprises et certaines des choses qu'on essaie de corriger, du moins peut-on l'espérer.
Vous avez mentionné l'insistance du gouverneur de la Banque de France sur le fait que nous devons renoncer à certaines des pratiques à haut risque du passé car, selon lui, elles sont en train de revenir en catimini. Il n'est pas exagéré de dire que le président Sarkozy a pris une position de pointe sur la question des abris fiscaux et sur cette question des pratiques du passé. Il était très satisfait de sa première rencontre avec le président Obama lors du G-20 car la question des abris fiscaux, dont vous avez fort justement parlé, avait été soulevée.
L'une des choses que nous voyons ici, au gouvernement, si tout cet exercice doit avoir un sens... Vous avez aussi légitimement mentionné la différence entre votre rôle comme gouverneur de la banque centrale et le rôle du ministre et de son ministère, ainsi que notre rôle à nous, parlementaires, qui sommes censés donner une forme législative à toutes ces belles idées. Sur quelles autres choses devrions-nous nous pencher?
M. Menzies a mentionné le travail de M. Jenkins sur les pensions de retraite. Je pense qu'il y a une chose qui transcende les allégeances politiques, c'est l'idée que nous pouvons faire mieux pour protéger les pensions de retraite, et que le long terme a beaucoup à voir avec la stabilité de notre économie et la qualité de vie dans notre société. Quelles sont cependant les autres choses sur lesquelles nous pourrions et devrions nous pencher?
Par exemple, est-il possible de réfléchir au simple fait objectif que le salaire de bon nombre de cadres supérieurs est aujourd'hui égal à 250 ou 300 fois le salaire moyen d'un salarié? Les membres des conseils d'administration des grandes entreprises ne devraient-ils pas avoir la responsabilité fiduciaire, lorsqu'ils fixent les rémunérations, tous éléments compris, de s'assurer qu'elles reposent sur la valeur vraiment ajoutée à l'entreprise et non pas sur de la spéculation pure et simple sur l'avenir? Y a-t-il quelque chose que nous, législateurs, pourrions faire par voie législative pour mieux protéger les générations futures en ce qui concerne les institutions qui, dans bien des cas, se sont révélées très fragiles?
En ce qui concerne les rémunérations, des principes très soigneusement et attentivement formulés — avec l'appui direct du président Sarkozy — ont été approuvés par le G-20 à Pittsburgh. Ils correspondent à bien des égards aux remarques que vous avez formulées et vont au-delà de la rémunération reliée à la performance à long terme, à la rémunération acquise dans le futur, de façon à s'assurer qu'il y a bien eu une performance à long terme; il y a la possibilité de reprendre la rémunération si la performance s'est avérée éphémère, des réformes de gouvernance qui permettent aux actionnaires, par le truchement des conseils d'administration, et des principes de divulgation permettant aux gens de prendre des décisions éclairées à ce sujet. Tous ces principes ont été approuvés. L'objectif est de les mettre en application très rapidement, au cours des prochains mois. Les organismes de réglementation vérifieront si les pratiques réelles sont conformes à ces principes. Cela sera un critère de l'efficacité du processus car il y a au niveau du G-20 quelque chose qui s'appelle le Conseil de stabilité financière — réunissant les organismes de réglementation, des banques centrales et des trésors publics — qui analysera les divers programmes des différents pays pour voir s'ils sont conformes. Autrement dit, il y aura un examen par les pairs qui permettra d'intervenir auprès des pays dont les pratiques ne concordent pas avec ces principes, ce qui est pertinent dans un...
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Merci, monsieur le président.
Merci encore, monsieur Carney.
Je voudrais revenir sur cette question d'une reprise économique qui n'y ressemble pas. D'aucuns parlent à ce sujet de reprise sans emplois. Quand je regarde le graphique 14 de votre rapport, je vois qu'il reste une offre excédentaire dans l'économie canadienne. Cela concorde avec l'expérience de ma famille puisque j'ai un neveu récemment diplômé d'une école de génie qui avait un emploi et qui a été mis à pied. Un autre était diplômé d'une école de commerce, avait un emploi et a été mis à pied. Les deux ont du mal à retrouver du travail aujourd'hui, et c'est aussi ce que je constate généralement dans ma circonscription.
Ce matin, les journaux nous ont appris que les statistiques de l'assurance-emploi sont décalées dans le temps. Aux États-Unis, le taux de chômage, à 9 ou 10 p. 100, est deux fois plus élevé que normalement. C'est la même chose chez nous.
Je me demande donc si nous allons devoir nous habituer à une sorte de chômage structurel à court terme et à moyen terme. En effet, selon vos propres informations et celles qui nous viennent de l'étranger, il semble que la nouvelle normalité sera un taux de chômage de 8 à 10 p. 100 au Canada, soit sensiblement le même qu'aux États-Unis. Qu'en pensez-vous?
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Je vais prendre cette question, si vous me le permettez.
À mon avis, l'une des caractéristiques très impressionnantes de l'économie canadienne, au cours des 5 à 10 dernières années, a été sa flexibilité, notamment sur le marché du travail, car nous avons été en mesure de réagir aux chocs. Cela ne veut pas dire que c'était facile mais nous avons réussi.
Si je repense à la question de M. Mulcair, je crois que nous devons maintenir des politiques qui vont nous aider à continuer d'améliorer ce que j'appellerai l'efficience économique du Canada, notre capacité d'adaptation. La plupart des chocs que nous avons connus au cours des 15 ou 20 dernières années provenaient de l'étranger. J'ai été très impressionné par la flexibilité du marché du travail canadien et je ne souscris donc pas à la thèse que vous venez de présenter concernant un ajustement structurel, un chômage structurel.
Pour l'avenir, il ne fait aucun doute que nous devrons continuer à nous concentrer sur une certaine restructuration de l'économie canadienne en réaction aux événements récents. J'ai la ferme conviction que nous serons capables de le faire mais cela exigera des efforts soutenus.
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Je suis très impressionné par l'aptitude des Canadiens à s'adapter à l'évolution du marché du travail et je ne conteste donc pas ce que vous dites à ce sujet. Je suis par contre moins impressionné par la réaction du gouvernement au changement de situation et à sa réticence apparente à s'engager dans les nouvelles économies, à encourager les nouvelles économies et les choses de cette nature.
Il me semble que les Canadiens sont à certains égards laissés à eux-mêmes et qu'ils vont devoir s'adapter tout seuls, qu'ils vont devoir accepter une réduction des heures de travail pendant un certain temps. Ils vont devoir chercher d'autres formes d'emploi, peut-être en acceptant un petit boulot par-ci, un petit boulot par-là, de façon à pouvoir payer leurs factures.
Pouvez-vous me dire quelle serait la politique la plus efficace à mener, selon vous, pour lutter contre ce risque de chômage irréductible?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Carney, je reviens sur votre discours d'hier. Vous avez dit que pour éviter une nouvelle crise financière, la Banque du Canada veut miser davantage sur une réglementation qui se fonde sur des principes et sur la confiance dans le jugement des personnes.
De façon très terre à terre, on vient de traverser une crise financière qui n'est peut-être pas complètement finie. La Caisse de dépôt et placement du Québec a subi des pertes de 40 milliards de dollars, et une partie importante de ces pertes sont attribuables à l'achat de papiers commerciaux de façon massive. Les réponses qu'on a entendues étaient beaucoup en lien avec le fait qu'on faisait confiance au jugement de certaines personnes. Or, j'ai l'impression que leur jugement n'était pas très bon.
Quand vous dites que vous voulez éviter une nouvelle crise financière en faisant davantage confiance au jugement des personnes, je me pose beaucoup de questions.
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Non, ce n'est pas la traduction.
La Banque du Canada a une nette préférence pour une réglementation qui se fonde sur des principes et sur la confiance dans le jugement des personnes plutôt que sur une foi aveugle en la sécurité de la surcapitalisation, mais dans le contexte d'un nouveau cadre de réglementation des institutions, d'une augmentation de fonds propres de catégorie un et de la création d'un buffer — pardonnez mon anglicisme — macroprudentiel pour les banques.
La création d'un nouveau buffer macroprudentiel ou contracyclique sera très importante pour éviter les crises futures et pour réduire les bulles. C'est l'un des aspects très importants du travail du BSIF. Il y a plusieurs facteurs, mais dans le contexte d'un nouveau cadre de réglementation, le cadre du G20, il faut faire confiance au jugement des individus, des régulateurs et des sociétés.
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Je remercie le gouverneur et le sous-gouverneur de s'être joints à nous à l'occasion de cette visite semestrielle devant notre comité. J'apprécie les réponses que vous nous donnez depuis une heure et demie.
Je n'ai pas beaucoup de sujets à aborder et je le ferai sans sectarisme, j'espère.
Votre estimation du taux de croissance de 3 p. 100 l'an prochain et 3,3 p. 100, je crois, l'année suivante, repose-t-elle strictement sur vos modèles économiques? Cette semaine, un autre organisme nous a dit qu'il y a beaucoup d'opinions différentes à ce sujet. Certains organismes font la moyenne des nombreuses prévisions qui sont publiées.
Vous fondez-vous donc uniquement sur votre propre modélisation, sans tenir beaucoup compte de ce que font les autres?
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Merci, monsieur Pacetti.
C'est une question très importante. Il est crucial que les diverses réformes dont nous avons parlé ce matin soient conformes à l'accord du G-20 et qu'elles soient acceptées au niveau international. La crise est venue de l'étranger et a durement frappé le Canada. Il faut que les autres mettent de l'ordre chez eux, c'est la première chose.
Un facteur connexe est que nous ne voulons pas désavantager notre système en adoptant des règles que les autres n'appliquent pas. Disons qu'il s'agit là d'une décision appartenant totalement aux autorités canadiennes compétentes mais qu'il serait de loin préférable que les nouvelles règles soient acceptées et mises en oeuvre au niveau international.
Il y a une longue liste de réformes à mettre en oeuvre. Pour vous en donner une idée, une question-clé concerne le capital des banques: quel sera le nouveau minimum? À quoi ressemblera ce coussin anticyclique? Les dirigeants et le comité pertinent de Bâle s'entendront-ils sur un ratio de levier commun? Quel sera-t-il?
Les minimums sont plus élevés au Canada. Le Canada a un ratio de levier du capital. Nous partons d'une bonne position à ce sujet mais il faut que les autres acceptent de réduire le risque.
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Merci. C'est une question très importante. Je sais que vous êtes à l'origine de certaines recherches importantes à ce sujet.
La première fois que je me suis présenté devant le comité, c'était à l'automne, il y a environ deux ans, et nous avions brièvement discuté de cette question mais nous n'avons certainement rien vu depuis lors, pendant le déroulement de la crise, qui modifie notre opinion que le Canada est bien servi par cette double politique de taux de change flottants et de cible sur l'inflation. En fait, ce que nous avons vu a renforcé notre opinion.
Permettez-moi de parler brièvement des avantages d'un taux de change flottant. Premièrement, je pense qu'il faut convenir qu'il y aura des chocs dans l'économie réelle — au Canada, internationalement, les cours des denrées, etc. — et que notre économie devra s'y adapter d'une manière ou d'une autre. Le taux de change constitue d'abord un pare-chocs qui s'ajuste rapidement en temps réel à ces chocs, ce qui aide notre économie à avancer dans la bonne direction. L'autre solution consisterait à apporter des changements massifs aux salaires et aux prix, ce qui est beaucoup plus pénible et beaucoup plus lent que les ajustements pouvant résulter du taux de change, comme vous le savez.
Nous avons pu le constater lors de la crise asiatique, du fléchissement causé par la crise asiatique. La valeur de notre dollar a changé en prévision d'un fléchissement qui allait finalement toucher les cours des denrées, facteur important, ce qui allait aider notre économie. Plus récemment, la valeur du dollar a changé en prévision d'un raffermissement des denrées, du point de vue des termes de l'échange et des avantages relatifs, ce qui a encore une fois aidé notre économie à s'adapter.
Avec un taux de change fixe, l'adaptation est encore nécessaire mais elle se fait plus péniblement. On le constate dans les effets régionaux de la crise aux États-Unis et en Europe où le besoin d'adaptation est très réel mais beaucoup plus pénible à cause d'un taux de change fixe. Il est bien préférable d'avoir un taux de change flottant ou d'avoir effectivement la même composition industrielle, la même composition de l'économie, dans les différents pays faisant partie de la même zone monétaire.
Un autre facteur que nous voulons souligner est que les avantages des taux de change fixes sont en grande mesure microéconomiques — le passage au taux de change fixe, des coûts de transaction plus bas, moins d'incertitude et, dans certains cas, des coûts d'emprunt plus bas et une plus grande crédibilité des politiques. Eh bien, le gouvernement du Canada — et cela vient juste d'être renforcé par la souscription en dollars américains faite par le gouvernement au cours des trois derniers mois — a l'un des taux d'emprunt les plus bas au monde; c'est l'une des meilleures cotes de crédit au monde. Il nous serait bien difficile d'améliorer nos coûts d'emprunt, comme beaucoup de pays européens l'ont fait et, du point de vue de la crédibilité de nos politiques, je pense que nous n'avons rien à envier à personne tant sur le plan monétaire que sur le plan budgétaire.
Il est donc difficile de voir les avantages, mais il est facile de voir les inconvénients.
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Nous lui disons d'abord que nous mènerons notre politique de façon à produire le maximum de certitude sur l'inflation. Cette cohérence politique réduit l'incertitude globale pour l'entreprise. Elle réduit les coûts d'emprunt, le coût du capital, ce qui l'aide.
En outre, nous lui disons que les mouvements du taux de change donnent des informations importantes sur l'évolution future des forces économiques et constituent des signaux importants. Ils offrent également, comme le disait M. Bernier, certains avantages en matière d'investissement, entre autres choses.
Du point de vue de l'économie dans son ensemble, et c'est de cela que nous et vous devons tenir compte, il est parfaitement clair à nos yeux que les avantages d'un taux de change flottant, conjugués à une politique monétaire crédible — c'est crucial — sont largement supérieurs aux avantages apparents d'un taux de change fixe.
Comme nous arrivons à la fin de cette séance, j'aimerais profiter de cette occasion, en mon nom propre et au nom du gouvernement du Canada ainsi que, je suppose, de la grande majorité des personnes rassemblées ici et d'un très grand nombre de Canadiens, pour vous remercier et vous dire que nous apprécions la diligence avec laquelle vous avez réagi à cette situation inédite et largement imprévue. Nous vous en remercions mais je me permets d'ajouter aussi qu'il y a des préoccupations. J'aimerais savoir combien d'essence il restait dans le réservoir avant de tomber à sec?
Autrement dit, M. McCallum et d'autres ont dit que vous aviez divers instruments à votre disposition pour faire face aux difficultés que nous avons rencontrées, qu'il s'agisse des taux d'intérêt ou de la détente quantitative dont vous avez parlé. En bon joueur de poker, avez-vous encore un as dans votre manche? Aviez-vous encore des cartes à jouer si la situation avait empiré, et en auriez-vous encore si elle devait ressurgir?
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Merci de votre question.
Oui. Nous n'avons cessé de souligner que la Banque du Canada conserve beaucoup de souplesse dans la conduite de la politique monétaire. Vous vous souviendrez que nous avons constamment rappelé les principes fondant notre politique de taux d'intérêt très bas — notre politique dite non conventionnelle. Nous avons dû employer ces instruments au-delà de l'engagement conditionnel avec lequel vous êtes familier mais nous avons certainement réservé toutes nos autres options. Je souligne à nouveau notre détermination à avoir recours à ces options si la situation l'exige afin d'atteindre notre cible sur l'inflation mais nous ne le ferons que dans la mesure où c'est nécessaire pour atteindre la cible de l'inflation.
Pour reprendre votre analogie, le réservoir est plein. C'est comme les camionnettes qui avaient deux réservoirs: le réservoir des taux d'intérêt est vide et nous sommes maintenant passés au réservoir plein des mesures non conventionnelles. Nous ne l'avons pas encore utilisé.
Pour l'information des membres du comité, je confirme que nous estimons que notre politique est adéquate pour atteindre la cible, en restant à 0,25 %. Nous prévoyons rester là jusqu'à la fin de juin 2010, eu égard aux perspectives actuelles de l'économie mondiale et de l'économie canadienne, afin d'atteindre cette cible d'inflation.
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Merci, monsieur le président.
Je suis sûr que le ministre apprécie votre sollicitude, mais il reste qu'une des raisons d'être de ces rencontres est justement de pouvoir profiter de votre situation unique. Comme d'autres collègues l'ont dit déjà — et je le dis moi-même très sincèrement —, nous avons confiance en vous, en votre capacité d'analyser les faits et de nous faire des recommandations, le cas échéant, non seulement pour réagir à ce que nous avons déjà fait mais aussi, possiblement, pour nous guider face à l'avenir.
Je veux revenir sur la première question que je vous ai posée, la première fois que nous nous sommes rencontrés, et qui demeure pour moi une préoccupation. Même si vous regardez tout à travers le prisme d'une inflation de 2 p. 100, êtes-vous préoccupé à l'idée qu'en changeant de réservoir d'essence et en imprimant plus d'argent, on puisse nous-mêmes générer de l'inflation? Avec les dollars qui entrent, le Canada est devenu une « puissance pétrolière ». Va-t-on subir le même genre d'instabilité qu'ont connue les Pays-Bas lorsque, dans les années 1950, ils ont généré énormément de richesse à partir du pétrole, mais ont anéanti des pans entiers de leur économie, notamment leur secteur manufacturier?
Y a-t-il des questions qui vous causent de l'insomnie et que nous devrions étudier?
La grande inquiétude de la Banque du Canada, à moyen terme, est la restructuration profonde de l'économie mondiale. Nous venons de sortir d'une grande récession, à l'échelle mondiale. Pour le Canada, ça implique que les sources, en matière de demande, vont changer. Il est et il sera nécessaire à l'avenir d'apporter plusieurs changements à nos stratégies de commerce et à nos marchés, ce qui va avoir des conséquences sur les pouvoirs législatifs.
À la Banque du Canada, nous ciblons l'inflation, mais nous travaillons aussi en étroite collaboration avec le Bureau du surintendant des institutions financières, le ministère des Finances et nos homologues à l'échelle mondiale. Il faut que nous réglions toutes ces questions concernant le système financier. C'est absolument nécessaire.