Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je m'appelle Frank Beazley, et je suis chef du Service de police régional de Halifax. La municipalité régionale de Halifax compte environ 385 000 personnes, qui représentent environ 42 p. 100 de la population de la Nouvelle-Écosse. Cette région renferme un port maritime international, un aéroport international et abrite des éléments des forces armées du Canada, dont la Marine de la côte Est.
Le crime organisé, dans ses formes multiples, n'est rien de nouveau pour la MRH. Nous avons à faire à des groupes du crime organisé que nous décrivons comme étant structurés et non structurés, dont des groupes organisés du trafic de drogues, des réseaux de prostitution interprovinciaux, des groupes d'importation de drogues, sans oublier le phénomène des gangs de rue des quelques dernières années. L'on retrouve au coeur de ces groupes de l'activité criminelle et les profits que ces activités rapportent à leurs membres. Au sein de la municipalité régionale de Halifax, ces groupes s'intéressent au trafic de la plupart des drogues: le cannabis, l'ecstasy, la cocaïne et le crack sont les drogues de choix dans cette région.
Les membres de ces groupes sont devenus sophistiqués à bien des égards dans le cadre de leurs activités criminelles. Ils utilisent les toutes dernières technologies pour communiquer entre eux, en utilisant des choses comme des téléphones cellulaires jetables, les messages textes, la communication par voix sur IP et les sites Web de médias sociaux. Il a été très difficile pour les services de police de taille moyenne comme la police régionale de Halifax de suivre le rythme de l'évolution de la technologie. Nombre de ces groupes cachent leurs profits illicites grâce à la création de pizzérias, de sociétés numérotées et de biens immobiliers, pour ne citer que quelques exemples. Il faut, pour enquêter sur ces groupes, avoir une formation spécialisée. Par ailleurs, ces genres d'enquêtes durent habituellement très longtemps et sont très coûteuses.
Ce qui a alarmé les citoyens de la municipalité régionale de Halifax a été l'augmentation de la violence qui accompagne ces groupes et les gangs de rue. En 2004, un rapport de Statistique Canada a rapporté que la municipalité régionale de Halifax était la municipalité la plus violente du Canada par tête d'habitant. Des crimes tels des fusillades au volant d'une voiture et des homicides liés aux gangs ont contribué à l'instauration d'une peur du crime dans nos collectivités.
En tant que service de police, nous avons changé notre approche pour lutter contre la criminalité, surtout les crimes violents. Nous continuons d'appuyer et d'épauler des unités intégrées de renseignement policiers, des unités de produits de la criminalité et des unités d'intervention intégrée. Pour combattre la violence dans la rue, nous avons formé des équipes de policiers de rue qui ont des horaires flexibles et font de la surveillance auprès de groupes criminels et de membres actifs connus. Nos équipes sont, dans leurs activités, guidées par des rapports d'analyse de la criminalité qui sont communiqués à tous les membres des équipes de patrouille et des équipes de rue. Nous avons établi un programme de surveillance dans la collectivité de tous les contrevenants connus qui sont présentement devant les tribunaux ou en libération sous condition. Nos divisions policières sont par ailleurs dotées d'agents d'intervention communautaire qui se consacrent à temps plein à des questions de criminalité et de qualité de vie. Ces agents sont spécialisés dans la résolution de problèmes communautaires, oeuvrant aux côtés de groupes de citoyens et d'agences gouvernementales et non gouvernementales.
En 2009, la municipalité régionale de Halifax a créé un poste d'agent de la sécurité publique en vue de combattre la criminalité et ses causes profondes et d'élaborer des stratégies de prévention de la criminalité. Ce poste a été créé suite à la parution d'un rapport très approfondi intitulé « Violence and Public Safety in the Halifax Regional Municipality ». Ce rapport a porté principalement sur des problèmes de criminalité violente relevés partout dans la région.
L'une des approches recommandées dans le rapport a été l'établissement d'une tribune tripartite sur la justice, réunissant des représentants municipaux, provinciaux et fédéraux pour se pencher sur les questions de la violence et de la sécurité du public et des stratégies à mettre en oeuvre pour y faire face. Nous en sommes aux premières étapes de la création de ce comité. En 2006, un comité du nom de Safer and Stronger Communities a été formé par la police régionale de Halifax, le ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse et le ministère des Services communautaires de la Nouvelle-Écosse, ce dans le but de s'attaquer aux problèmes propres aux quartiers à forte activité criminelle. Nous espérons pouvoir élargir ce comité en y intégrant une représentation fédérale.
Nous en sommes également à la deuxième année d'un programme d'intervention auprès des jeunes, qui est un partenariat entre le gouvernement fédéral et la région métropolitaine de Halifax. L'objet de ce programme est de travailler avec les jeunes à risque de devenir membres de gangs de rue. Environ 25 jeunes gens participent en ce moment au programme, et nous avons déjà une liste d'attente.
Nous sommes convaincus que le crime organisé et ses activités violentes doivent être ciblés par le biais de plusieurs stratégies. Il importe d'offrir des services de police ciblés et proactifs, mais si nous nous concentrons sur le seul aspect du maintien de l'ordre sans nous attaquer aux facteurs qui contribuent à la criminalité, nous ne ferons jamais de percées importantes dans la prévention de la criminalité au départ.
L'approche de la municipalité régionale de Halifax est d'aborder ces questions dans le contexte d'un cadre planifié et délibéré, avec des partenaires de tous les paliers de gouvernement et la collectivité elle-même. Cela étant dit, nous applaudissons aux nouvelles lois anticrime vigoureuses. J'aimerais par ailleurs voir adopter des projets de loi traitant de l'accès légal. Je pense qu'il importerait également de revoir les règles en matière de divulgation.
Les dossiers sur la criminalité organisée sont devenus si gros et si complexes qu'il est très difficile de traiter des affaires dans des délais raisonnables dans le cadre du système judiciaire. Les affidavits pour enquêtes en vertu de la partie VI, et les affidavits pour information bancaire ou fiscale pré-inculpation pour les affaires de produits de la criminalité représentent des centaines de pages.
D'autre part, un programme national de protection des témoins financé par le palier fédéral serait d'une grande aide aux services de police. Le coût de la protection des témoins est prohibitif pour de nombreux services de police de taille petite et moyenne.
En conclusion, je suis d'avis que la lutte au crime organisé et au crime en général exige des partenariats à l'intérieur desquels tous les paliers de gouvernement oeuvrent ensemble vers l'objectif commun qu'est la sûreté et la sécurité des collectivités. J'estime que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leader, en adoptant de nouvelles lois, en renforçant les lois existantes et en finançant des programmes qui aident les gouvernements provinciaux et municipaux à s'attaquer aux nombreux problèmes qui contribuent à la criminalité.
Je suis ce matin accompagné de Sharon Martin, de notre programme de défense de la jeunesse. Il s'agit d'un programme très efficace d'intervention auprès des jeunes gens dans les zones à forte criminalité. M'a également accompagné ici le surintendant Don Spicer, qui est aujourd'hui l'agent de sécurité publique de la région municipale de Halifax. Ces deux personnes sont elles aussi à votre disposition pour répondre à vos questions.
Voilà les remarques liminaires que j'avais à vous faire, monsieur le président.
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Bonjour, et merci de nous avoir invités ici aujourd'hui pour parler du crime organisé et de ses répercussions sur la collectivité. Je suis ici à titre de surintendant responsable des services de police fédérale de la GRC en Nouvelle-Écosse.
Le programme de services de police fédérale se concentre sur le niveau le plus élevé du crime organisé qui a le plus de répercussions sur la sécurité de l'ensemble de la population. À ce titre, nous continuons de perturber de façon importante les groupes criminels organisés grâce à des enquêtes intégrées axées sur le renseignement, et cela permet de réduire de façon considérable la criminalité et d'améliorer la sécurité des habitants de la province. Au Canada atlantique, le crime organisé et les gangs ne sont pas aussi présents que dans le reste du pays. Toutefois, en raison de l'étendue de sa région côtière, de sa faible densité de population et de sa proximité relative des États-Unis, le Canada atlantique constitue une porte d'entrée attrayante pour le crime organisé.
Par exemple, en septembre 2008, en Nouvelle-Écosse, la GRC a intercepté un navire dans la Spanish Ship Bay qui contenait environ 750 kilogrammes de résine de cannabis. On a par la suite déterminé qu'un groupe criminel organisé très connu, basé à Hamilton, en Ontario, avait transporté la drogue depuis les Caraïbes. Cette affaire est actuellement devant les tribunaux.
Grâce à une approche intégrée axée sur le renseignement, la GRC et ses partenaires du domaine de l'application de la loi travaillent à réduire la menace et les répercussions du crime organisé en Nouvelle-Écosse. Les efforts concertés des policiers à l'échelle municipale, provinciale, fédérale et internationale, de tous les ordres de gouvernement, de la collectivité ainsi que du secteur privé permettent de réduire les incidences du crime organisé. En Nouvelle-Écosse, nous nous servons de cette approche pour échanger des renseignements. Le comité directeur intégré, composé de cadres supérieurs de la GRC, de chefs de police municipale et de membres de services de renseignement criminel de la Nouvelle-Écosse utilisent les renseignements obtenus par la Section divisionnaire H des analyses criminelles et du SRCNE dans le but de coordonner et d'établir les priorités provinciales liées aux individus et aux groupes criminels organisés.
De plus, le comité d'évaluation tactique du crime organisé, composé de membres de la GRC et de policiers municipaux, se réunit toutes les deux semaines pour assurer le suivi des priorités et des groupes criminels organisés ciblés par le comité directeur. L'évaluation provinciale de la menace potentielle posée par les groupes organisés et des crimes graves est maintenant un processus intégré entre le SRCNE et la Section des analyses criminelles de la Division H de la GRC.
À l'échelle nationale, le nouveau Bureau du dirigeant principal des renseignements criminels (BDPRC) est effectivement aligné au bureau central du Service canadien de renseignements criminels (SCRC), aux Renseignements criminels de la GRC et à la Sous-direction du soutien et de l'élaboration du programme national, au sein du Soutien aux services de police de la GRC.
Nos services de police ont fait d'importants progrès en utilisant le principe de la répression criminelle intégrée axée sur le renseignement. Par exemple, la mise sur pied des évaluations provinciales et nationales de la menace, la Stratégie canadienne d'application de la loi pour lutter contre le crime organisé de l'Association canadienne des chefs de police, l'élaboration et la mise en oeuvre de la méthode, des listes de surveillance et des évaluations d'alerte stratégique Sentinel du SCRC, et la création du Conseil de la sécurité publique que l'on a renommé Réponse intégrée canadienne au crime organisé, communément connu sous le nom de RICCO.
Le Bureau du dirigeant principal des Renseignements criminels a été structuré afin de garantir le respect des mandats indépendants, mais complémentaires, du SCRC et des Renseignements criminels de la GRC, tout en tirant de nombreux avantages de l'élaboration et de l'appui d'un programme commun. Ainsi, malgré les ressources et les budgets limités, la nouvelle structure organisationnelle du BDPRC garantira l'alignement des services communs, ce qui permettra de consacrer un maximum de ressources et de financement pour des projets importants comme l'élaboration d'un nouveau système canadien de renseignement sur le crime, le Modèle canadien de renseignement criminel, et l'amélioration continue des principaux services et produits du renseignement, y compris les évaluations intégrées de la menace, les évaluations d'alerte stratégique Sentinel, et les évaluations des marchés criminels et des groupes criminels organisés ciblés.
Le BDPRC contribue à créer un bassin de renseignements uniforme à tous les échelons de la collectivité policière au Canada, permettant ainsi une utilisation optimale des ressources humaines, matérielles et financières limitées. Qu'il s'agisse d'un organisme municipal, provincial ou fédéral d'application de la loi, on vise à faire en sorte que chacun ait accès à des renseignements criminels à jour et de grande qualité pour assurer la sécurité dans toutes les régions du Canada. La concrétisation de cette vision sera reconnue mondialement comme une pratique exemplaire de services de police intégrés et axés sur le renseignement.
Dans la lutte contre le crime organisé et les crimes graves au Canada, la communauté du renseignement criminel s'appuie grandement sur les systèmes informatisés pour recueillir, compiler, analyser et disséminer des renseignements criminels. Une des principales responsabilités du SCRC, utilisant les ressources du Secteur du dirigeant principal de l'information, est le soutien continu du Système automatisé de renseignements sur la criminalité, ou SARC. Le SARC constitue la seule base de données nationale sur le crime organisé et les crimes graves dont disposent les organismes d'application de la loi au Canada.
Par l'entremise du SARC, les organismes d'application de la loi de tous les échelons collaborent à la collecte, à l'analyse et à la dissémination de renseignements criminels à l'échelle du pays. Les renseignements contenus dans le SARC sont utilisés pour appuyer les efforts déployés par les organismes d'application de la loi afin de réduire le tort causé par le crime organisé au pays. La quantité de renseignements que doit gérer la communauté du renseignement criminel s'est accrue de façon notable avec la venue d'Internet et des technologies numériques multimédias comme les technologies vocales, visuelles et vidéo. En outre, avec l'évolution du crime organisé, les organismes d'application de la loi doivent avoir davantage recours à des systèmes automatisés de pointe pour recueillir, analyser et disséminer les renseignements criminels.
Le SCRC et la GRC évaluent les besoins actuels de la communauté du renseignement criminel relativement à la gestion de l'information et à la technologie, et sont en train de créer une vision d'avenir pour le SARC. Les nouvelles technologies offrent le potentiel d'accroître de manière conséquente l'efficacité des analystes, des enquêteurs et des agents du renseignement criminel. Le SARC et la GRC ont parrainé cinq ateliers en lien avec la création d'un nouveau système national pour faciliter la mise en commun des renseignements criminels.
Ces ateliers ont donné lieu à une nouvelle vision du SARC et à la formulation de résultats escomptés. Le nouveau SARC consistera en un ensemble intégré d'applications ou d'outils faisant partie d'une seule et unique base de données nationale partagée. Tous les services du renseignement du Canada pourront s'en servir au moyen d'un ordinateur de bureau.
Il existe un urgent besoin de remplacer le SARC par un système moderne pour répondre aux exigences opérationnelles et technologiques de la communauté du renseignement au Canada. Une analyse de rentabilisation pour l'élaboration de la prochaine génération du système national de renseignements criminels a été soumise aux dirigeants du SARC et aux groupes de supervision du SCRC le 23 juillet 2009. L'analyse de rentabilisation a été effectuée par Fujitsu Counsulting en consultation avec des représentants du bureau central du SCRC et des organismes partenaires du SCRC, y compris la GRC.
Pour brosser un tableau de la section de la région de l'Atlantique, le crime organisé y devient de plus en plus complexe, et, conséquemment, les enquêtes sont plus coûteuses en temps et en ressources. Les nouvelles tendances technologiques, comme les téléphones intelligents, les services « payez quand vous vous en servez » et les dispositifs munis de protection par mot de passe ou cryptage, créent des difficultés pour les organismes d'application de la loi. Si un suspect a en sa possession un téléphone qui contient des données vocales et textuelles valables mais que ce dernier est protégé par un mot de passe, l'organisme d'application de la loi n'a aucun recours juridique pour obliger le suspect à lui dévoiler son mot de passe. De plus, par un simple appel au fournisseur de service ou en entrant une série de chiffres, le suspect peut facilement supprimer tous les renseignements de son appareil.
Les lois et les règles actuelles en matière d'interception sont dépassées par les technologies changeantes. Plus de 75 p. 100 des demandes faites conformément à la Partie VI du Code criminel visent les téléphones cellulaires. Dans toutes les interceptions effectuées, on se rend compte que l'envoi de messages textes est en train de devenir un moyen principal de communication. Cependant, il est impossible pour les organismes d'application de la loi de confirmer l'auteur d'un message texte, ce qui crée un obstacle additionnel à la conclusion d'enquêtes dans des délais opportuns. Les téléphones jetables et la conservation de numéro font grimper de façon considérable les coûts liés aux opérations d'interception. Par exemple, lorsqu'on fait une demande conformément à la Partie VI, il faut fournir les numéros de téléphone et les fournisseurs de service de la cible. Si la cible conserve son numéro, mais change de fournisseur de service ou d'appareil, il faut alors présenter une nouvelle demande conformément à la Partie VI. Cela gruge le temps des organismes d'application de la loi. Rien n'oblige le fournisseur original à aviser l'organisme d'application de la loi lorsqu'un client conserve son numéro mais change de fournisseur, et il n'existe aucune base de données unique pour coordonner la conservation des numéros.
Il faut modifier les lois pour que nos processus reflètent davantage les nouvelles technologies. De plus, des ressources technologies sont nécessaires pour que nous puissions continuer de nous adapter au nombre croissant d'outils utilisés par les groupes criminels organisés. Le projet de loi d'initiative parlementaire permettrait aux fournisseurs de service de télécommunications de mettre en place les moyens nécessaires pour que les services d'application de la loi et du renseignement criminel au Canada puissent légalement avoir accès à certains renseignements.
La technologie moderne présente de nombreux défis pour les services d'application de la loi, mais la Section de la criminalité technologique de la Région de l'Atlantique de la GRC est un service qui se spécialise dans la recherche, la saisie et l'analyse de preuves numériques se trouvant dans des ordinateurs, des téléphones cellulaires et des dispositifs électroniques. La section doit toujours être à la fine pointe de la technologie et, pour ce faire, elle établit des partenariats avec des experts du secteur privé. Récemment, la section a commencé à collaborer avec l'Université du Nouveau-Brunswick pour éliminer les réseaux d'ordinateurs zombies. Un réseau d'ordinateurs zombies est une nouvelle technologie qui permet de contrôler un grand réseau d'ordinateurs à partir d'une seule source. Par le passé, les groupes criminels organisés ont utilisé ces réseaux pour extorquer de l'argent aux propriétaires de sites Web partout dans le monde. À notre connaissance, aucun site Web au Canada atlantique n'a jamais fait l'objet d'une attaque par un réseau d'ordinateurs zombies, mais dans de nombreux cas, des ordinateurs dans notre région ont été contrôlés par ces réseaux pour lancer des attaques ailleurs. Notre partenariat avec l'Université du Nouveau-Brunswick a pour but de trouver de nouvelles façon d'éliminer ce genre d'attaques.
Grâce à la technologie moderne, les groupes criminels organisés ont pu rapidement élargir leurs réseaux de trafic de drogues illicites, qui continuent d'être l'élément moteur du crime organisé dans la région de l'Atlantique. Des 109 groupes criminels organisés décrits dans les évaluations provinciales des menaces élaborées par les services de renseignements criminels de chaque province atlantique, 99 se livrent à des activités liées au commerce des drogues illicites. En Nouvelle-Écosse, les groupes criminels organisés sont responsables de 90 p. 100 du commerce des drogues. La plupart des groupes organisés font le trafic de divers produits, et, en Nouvelle-Écosse, les plus fréquents sont la marijuana, la cocaïne, le crack, l'ecstasy, les médicaments sur ordonnance et le tabac de contrebande.
Nous savons qu'au Canada, la plupart de ces produits proviennent du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Par ailleurs, le haschich et l'huile de haschich sont souvent importés du Pérou, de la Colombie et du Moyen-Orient.
En raison de l'immensité du littoral de notre province, on importe des drogues illicites et des cigarettes de contrebande par l'entremise de nos ports pour les transporter ensuite dans les autres provinces. Par exemple, on a récemment effectué une saisie considérable de drogues en collaboration avec l'Agence des services frontaliers du Canada. L'ASFC et l'équipe nationale de la police des ports de la GRC ont découvert et saisi environ 28 kilogrammes d'héroïne à l'intérieur d'un conteneur dans lequel se trouvaient des boîtes de serviettes à destination d'une adresse à Toronto. On croit qu'il s'agit de la plus grosse saisie d'héroïne au Canada atlantique. L'enquête conjointe a mené à l'arrestation de quatre individus de la région du Grand Toronto. Il s'agit d'une saisie très importante, car les saisies d'héroïne sont extrêmement rares dans la région de l'Atlantique.
Une tendance récente dans la région de l'Atlantique est le trafic de substances que l'on croit être de la MDMA — communément appelée ecstasy —, mais qui contiennent seulement un petit pourcentage de MDMA. L'ecstasy devient rapidement de plus en plus populaire chez les adolescents et les étudiants universitaires. Les groupes criminels organisés ciblent les jeunes en fabriquant des comprimés de couleurs vives et en y apposant des logos et des noms de marques populaires. Ils utilisent également ces techniques pour se différencier. Les trafiquants en Nouvelle-Écosse achètent de l'ecstasy ou une substance vendue sous le nom d'ecstasy de groupes criminels organisés plus importants du Centre et de l'Ouest du Canada.
En 2007, un échantillon de comprimés saisis a été analysé et on a déterminé que seulement un comprimé sur quatre était de l'ecstasy pure.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup d'avoir invité l'Agence des services frontaliers du Canada à venir participer à l'audience d'aujourd'hui.
L'Agence des services frontaliers du Canada dans la région de l'Atlantique est chargée d'assurer la sécurité des frontières du Canada atlantique à nos points d'entrée, qui incluent 18 postes frontaliers terrestres, 26 aéroports, 11 postes de déclarations pour les navires commerciaux, trois gares maritimes et sept bureaux pour les navires de croisière.
À l'heure actuelle, environ 750 employés travaillent à l'ASFC dans la région, dont 430 agents des services frontaliers. Chaque année, près d'un demi-million de voyageurs aériens, plus de 650 000 conteneurs maritimes, plus de trois millions de véhicules de tourisme et près d'un quart de million de camions commerciaux arrivent au Canada atlantique par nos points d'entrée. De ce nombre, nous en soumettons près de 300 000 à des examens chaque année. En moyenne, l'ASFC prend dans la région de l'Atlantique quelque 8 000 mesures d'exécution de la loi chaque année.
Au cours des 20 dernières années l'ASFC a, dans la région de l'Atlantique, saisi pour plus de 3,2 milliards de drogues; au cours des 18 derniers mois, nous avons procédé à la saisie de drogues d'une valeur de près de 176 millions de dollars. La majorité des drogues saisies au cours des deux dernières années étaient surtout du haschich en provenance d'Asie et d'Afrique et de la cocaïne arrivant d'Amérique du Sud. D'autres drogues saisies dans une moindre mesure incluent l'héroïne, l'huile de haschich et la marijuana.
Bien que la majorité des drogues passent par Halifax pour se rendre ensuite vers les grands centres tels que Montréal et Toronto, des renseignements indiquent que des groupes organisés dans la région d'Halifax facilitent le mouvement des drogues expédiées dans des conteneurs pour le bénéfice du crime organisé dans les grands centres. Les groupes du crime organisé utilisent des compagnies légitimes pour cacher les drogues expédiées et c'est là un des défis que doit relever l'ASFC lorsqu'elle tente de repérer les conteneurs suspects.
Dans la région de l'Atlantique, nous continuons de repérer avec succès les véhicules volés que les criminels tentent d'exporter. En 2008, l'Agence des services frontaliers du Canada et la GRC ont mené un projet conjoint de six mois à Halifax et à Montréal, opération qui a résulté en la saisie de 258 véhicules volés.
Quatre groupes d'agents contribuent à la réalisation du mandat d'exécution de la loi de l'ASFC. La vaste majorité de nos agents, qui travaillent aux points d'entrée et sont coordonnés par l'entremise d'un réseau de quatre bureaux de district, chacun géré par un directeur de district, dans les quatre provinces de l'Atlantique, sont des agents des services frontaliers. Ils sont le visage de l'agence. Lorsque vous revenez d'un voyage chez notre voisin du Sud pour faire vos achats de Noël et que vous rencontrez un agent en uniforme, il s'agit d'un agent des services frontaliers. Ces agents effectuent toutes les inspections de produits, de véhicules et de personnes qui arrivent à nos points d'entrée. Ils constituent notre protection de première ligne aux frontières.
À ce personnel s'ajoutent trois autres groupes d'agents, tous relevant de la division régionale de l'exécution de la loi et du renseignement, qui est ma division. Cette division comprend trois sections: enquêtes criminelles, exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, et renseignement. Outre l'unité centrale à Halifax, chacune de ces fonctions est assumée dans nos bureaux de St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, et de Saint John, Fredericton et Moncton, au Nouveau-Brunswick.
En bref, nos enquêteurs mènent des enquêtes sur des activités impliquant des biens ou des personnes qui échappent à nos contrôles à la frontière, dans le but d'intenter des poursuites. Dans la région de l'Atlantique, nos enquêteurs intentent des poursuites pour un certain nombre d'infractions, dont la contrebande d'armes de poing et d'armes à feu, la pornographie juvénile et des infractions visant des devises. Nos enquêteurs mènent des enquêtes criminelles sur des cas présumés d'évasion et de fraude relatifs à plus de 80 lois fédérales touchant la législation frontalière.
Nos agents d'exécution de la loi des bureaux intérieurs trouvent et renvoient les étrangers qui entrent au pays illégalement et les personnes, y compris les résidents permanents, dont l'admissibilité change après leur arrivée au Canada. Plus de 50 p. 100 des personnes renvoyées de la région de l'Atlantique ont été interdites de territoire parce qu'elles ont été impliquées dans des activités criminelles au Canada ou à l'étranger. Un cas récent portait justement sur un groupe de voyageurs irlandais qui travaillaient et se déplaçaient illégalement au Canada.
Enfin, nos agents et analystes du renseignement sont responsables de déceler les activités illégales qui ne se sont pas encore produites et de fournir des renseignements utilisables à tous les autres secteurs concernés afin d'accroître l'efficacité de nos efforts d'interdiction et d'assurer la protection de nos agents. Bon nombre des indicateurs utilisés par nos ASF, c'est-à-dire les agents des services frontaliers, pour caractériser des comportements suspects ont été élaborés par le secteur du renseignement. En ce qui concerne nos discussions aujourd'hui, le Renseignement est le secteur le plus fréquemment et directement touché par la collecte, l'analyse et le partage d'information relative au crime organisé.
Comme vous le savez, au sein de la famille fédérale, la Gendarmerie royale du Canada voit à la coordination des efforts visant à freiner le crime organisé et à l'investigation des infractions commises par les criminels organisés. La responsabilité de l'ASFC en ce qui concerne les frontières nous place en contact direct avec les éléments transfrontaliers des activités criminelles organisées. L'ASFC est très bien placée pour offrir à ses partenaires de l'exécution de la loi le soutien en matière de renseignement sur les activités criminelles organisées mettant en jeu les frontières. Par conséquent, dans l'exécution de ses fonctions quotidiennes, l'ASFC traite avec de nombreuses personnes et est au fait d'informations qui servent non seulement son propre mandat, mais également celui des autres organismes chargés de combattre le crime organisé.
On sait depuis très longtemps que l'échange complet et en temps opportun d'information et de renseignements entre les organises d'exécution de la loi est essentiel à l'acquisition d'une connaissance approfondie des organisations criminelles et de leurs activités. C'est pourquoi l'ASFC participe depuis longtemps à toute une gamme de projets permanents et spéciaux qui ont pour objet de dissiper les menaces que présente le crime organisé. Je vous donne donc maintenant un bref aperçu de notre collaboration avec les organismes partenaires qui contribuent à ces initiatives.
À l'heure actuelle, des agents du renseignement de l'ASFC sont membres de l'équipe internationale d'enquêtes portuaires, qui a son siège à Halifax. L'unité en question comprend des membres de la GRC, de l'ASFC et du Service de police régional d'Halifax et est chargée d'enquêter sur le crime organisé et les questions de sécurité nationale dans les ports maritimes. De plus, un de nos agents du renseignement fait partie de l'équipe intégrée de la police des frontières, ou EIPF, située à Woodstock, au Nouveau-Brunswick. Nous participons également à l'EIPF à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse. Ces équipes sont composées de membres de la GRC, de l'ASFC, de la Garde côtière des États-Unis, du Service de la douane et de la protection des frontières des États-Unis et du Service de l'immigration et de l'application des règles douanières des États-Unis.
Des agents du renseignement de l'ASFC font aussi partie des groupes du renseignement intégré situés à Saint John, Moncton et Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et nous participons aux unités de Bathurst et d'Edmundston, au Nouveau-Brunswick. Ces unités sont composées de membres de la GRC, de l'ASFC et des services de police locaux.
L'ASFC est membre active du Service canadien de renseignements criminels au bureau provincial de l'Atlantique depuis près de 20 ans. Des membres du personnel de l'ASFC assurent actuellement la présidence des comités directeurs du Service canadien de renseignements criminels en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
Enfin, plusieurs agents et analystes du renseignement de l'ASFC oeuvrent au Centre d'opérations de la sécurité maritime, situé à la BFC d'Halifax. Cette unité soeur du Centre d'opérations de la sécurité maritime situé en Colombie-Britannique est composée de membres de la GRC, du ministère de la Défense nationale, de Transports Canada, de Pêches et Océans, de la Garde côtière du Canada et de l'ASFC. Plus récemment, vous aurez entendu parler de l'intervention du Centre des opérations de la sûreté maritime, ou COSM, en Colombie-Britannique, dans le cas du navire transportant des Sri Lankais.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez me poser.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être ici et d'avoir répondu si vite à l'invitation à comparaître qui vous a été faite par le comité par l'intermédiaire du président, malgré le court préavis.
Nous avons tenu hier des audiences à Montréal. Des audiences ont été tenues ailleurs au pays. Je n'y ai pas participé car je n'étais à l'époque pas membre du comité de la justice. Il est cependant un thème récurrent en ce XXIe siècle, ce troisième millénaire: il se pose de réels défis technologiques et les lois doivent être mises à jour en conséquence.
Surintendant Brennan, vous avez fait état, entre autres, d'accès légitime. Nous avons également entendu parler des règles en matière de divulgation de la preuve et du fait que le système, du fait de son mode de fonctionnement actuel, crée un réel fardeau, une fois des accusations portées, quant à la gestion de cette divulgation.
[Français]
En français, on dit « divulgation de la preuve ».
[Traduction]
La législation en matière de divulgation peut rendre le processus d'une instruction pénale très long et très lourd.
Le gouvernement a en fait déposé en la matière un projet de loi, la Loi sur la modernisation des techniques d'enquête, dont mon parti et moi sommes très heureux. Lorsque nous étions au pouvoir, nous avons déposé ce projet de loi, mais il n'a pas pu être adopté, et nous sommes donc très reconnaissants et très heureux que le gouvernement du jour l'ait finalement déposé. Je devine que vous tous qui vous occupez de l'application de la loi y voient une mesure positive et quelque chose qui vous aidera.
Il nous a été suggéré hier par l'Association du Barreau du Québec, qui est le pendant de vos sociétés du barreau, qu'en matière de règles de divulgation de la preuve, le gouvernement voudrait peut-être également modifier le Code criminel et les procédures de manière à permettre qu'un juge soit désigné avant même qu'un procès ne débute. Le juge serait désigné dès que la personne serait accusée d'un acte criminel lié au gangstérisme ou au crime organisé. Le juge gérerait et rendrait les décisions en matière de divulgation de preuves. Cela accélérerait le processus de telle sorte que lorsque débuterait véritablement le procès, la plupart des décisions auraient déjà été prises. J'aimerais savoir si vous avez déjà entendu parler de cette idée et, dans l'affirmative, ce que vous en pensez.
J'aurais deux autres questions. En ce qui concerne la modernisation du SARC, vous avez dit que l'analyse de rentabilisation a été présentée ou finalisée le 23 juillet 2009. Savez-vous combien il en coûtera ou combien de temps il faudra en vérité pour mettre la chose en place, advenant que les fonds requis soient disponibles?
Enfin, en ce qui concerne le programme de défense de la jeunesse dont a traité le chef Beazley, j'aimerais en savoir plus sur son financement. Quel est son budget et quelles sont les sources de financement? Ce me semble bien fonctionner, en dépit du fait que son établissement soit plutôt récent. Savez-vous s'il existe des programmes semblables ailleurs au Canada?
Je vais laisser au président le soin de décider qui va commencer.
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Il me faudra un peu de plus de temps pour répondre à la question que vous venez de poser, si cela ne vous ennuie pas.
La municipalité régionale de Halifax compte malheureusement un certain nombre de quartiers qui seraient considérés comme des communautés à risque. Nous avons dans la région plusieurs projets de logements publics — je pense en avoir vu sept. Il y a également ce que l'on appelle des quartiers à « logements abordables » comme on les appelle, et il y a dans la région des pâtés de maisons qui en comptent un nombre important. Ce sont des quartiers caractérisés par des problèmes historiques de pauvreté, de relations interraciales difficiles, d'analphabétisme et de difficultés scolaires.
Il y a plusieurs années, il était raconté un peu partout dans la MRH que le taux de scolarité moyen au sein de la communauté afro-néo-écossaise était la neuvième année. Lorsque vous avez des personnes qui ont été isolées et placées dans ces logements sociaux et qui sont confrontées à toutes ces choses que la plupart d'entre nous ne vivons pas à chaque jour, alors il finit par y avoir une certaine criminalité. Les gens vont tout naturellement vouloir avoir les mêmes choses que tout le monde.
En 2004, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, notre collectivité était la ville la plus violente par tête d'habitant au Canada, selon Statistique Canada. C'est à cette époque-là que nous avons, dans la MRH, changé notre approche policière — et le changement a été tout un revirement. J'avais rencontré les personnes dont je pensais à l'époque qu'elles étaient les ministres clés au sein du gouvernement provincial avec lesquels je souhaitais créer des partenariats. Y ont compté les ministres de la Justice, des Affaires afro-néo-écossaises, du développement communautaire et des ressources communautaires. Ces ministères exercent une influence énorme dans les volets qui m'occupaient.
Nous avons fait une analyse de la criminalité dans la MRH. La criminalité n'y ressemble pas à celle de la plupart des villes; elle n'existe pas partout. Il y a des nids de criminalité. Les gens parlent de « quartiers chauds », mais il y a au sein de la région des zones qui comptent un ratio de criminalité très élevé. Nous avons par exemple relevé dans nos études que 56 p. 100 de tous les vols de rue étaient commis par des jeunes afro-néo-écossais.
Un autre constat choquant qui est ressorti de nos études est que notre centre de détention provincial pour jeunes contrevenants comptait plus de 30 p. 100 de jeunes afro-néo-écossais et que 12 p. 100 de la population fédérale sont des jeunes adultes afro-néo-écossais. Nous parlons beaucoup des jeunes, mais les jeunes adultes sont très impliqués. Lorsque je dis « jeunes adultes », je parle de personnes âgées de 15 à 27 ans. Encore une fois, il y a une très forte population d'Afro-néo-écossais.
Notre stratégie doit changer. La première chose que nous avons faite a été de créer un comité appelé Safer and Stronger Communities, constitué d'intervenants des ministères de la Justice et des Services communautaires. Ceux-ci m'ont fourni des bureaux dans les quartiers à forte criminalité, et j'y ai installé des policiers. Nous nous rencontrions régulièrement et discutions des problèmes des quartiers défavorisés.
Certaines de ces communautés étaient si violentes que nous ne pouvions même pas obtenir que s'y rende l'Armée du Salut. Nous ne pouvions pas obtenir des autres services sociaux qu'ils y aillent. Les chauffeurs de taxi de la ville déposaient les gens et leurs sacs de provisions à deux rues de ces quartiers et obligeaient ces femmes et leurs enfants à rentrer à pied avec leur épicerie. Les choses en étaient arrivées là à cette époque.
Nous sommes intervenus. Nous avons créé un partenariat avec le gouvernement provincial et avons travaillé très étroitement avec lui. Nous élargissons aujourd'hui ce partenariat. Sur les sept quartiers à logements sociaux que compte aujourd'hui la région, j'ai aujourd'hui six bureaux dans six de ces zones. J'affecte à ces bureaux ce que j'appelle des agents d'intervention communautaire, et ceux-ci ne se limitent pas à faire du travail de police; ils font du travail de police, mais ils oeuvrent également aux côtés des agences sociales, des services d'éducation et des écoles. Nous tenons des réunions régulières avec les autorités responsables du logement, de la santé et de l'éducation. Nous oeuvrons en vue de prendre en main ces enfants et d'essayer de les diriger sur une autre voie, ou en tout cas d'au moins leur donner l'occasion d'en choisir une autre.
Par exemple, dans le cas d'une unité, nous avons investi 200 000 $ et nettoyé la communauté. Les gens me demandent si cela fonctionne. Au début, il se trouvait dans ce quartier 75 maisons vides. Aujourd'hui, il y a une liste d'attente pour y habiter. Le taux de criminalité dans certains quartiers de la ville a baissé de 60 et quelque pour cent.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être des nôtres.
J'ai une ou deux questions. Chef Beazley, vous avez comparu devant le comité dans le cadre de notre étude du projet de loi , traitant du crime organisé. C'est un projet de loi qu'avait déposé notre gouvernement. Je suis certain que vous tous savez que le projet de loi est devenu loi. Nous avons maintenant plusieurs autres initiatives.
Le projet de loi traitait des fusillades au volant d'une voiture, du déchargement intentionnel d'une arme à feu dans un lieu public sans se soucier de la vie ou de la sécurité d'autrui et de l'utilisation d'armes à feu par des criminels à des fins d'intimidation. Le projet de loi visait la violence des gangs organisés, la violence des gangs de rue — certains des scénarios typiques dont nous entendons parler dans certains des importants centres urbains du Canada. Vous en avez fait état dans vos remarques, même dans le contexte de Halifax.
En même temps, vous avez souligné la nécessité pour nous d'améliorer les outils d'interception à la disposition de la police du fait de la complexité des enquêtes criminelles. Je sais qu'il a été demandé au ministre de la Justice si nous essayons de devancer les criminels et il a dit que, non, nous ne faisons que les rattraper pour ce qui est de la technologie.
Vous étiez là-bas en avril. Puis, en juin de cette année, nous avons déposé deux projets de loi. L'un traite des pouvoirs d'enquête au XXIe siècle. Il s'agit du projet de loi . L'autre est le projet de loi , loi sur l'assistance technique au contrôle d'application des lois au XXIe siècle. Sans entrer dans le détail des deux projets de loi, ceux-ci traitent des pouvoirs d'interception de la police face à la criminalité organisée.
J'aimerais que le chef ou que le surintendant Brennan nous livre ses commentaires sur la façon dont il prévoit que les choses vont évoluer à partir de maintenant. Pensez-vous qu'il est important que nous surveillions constamment ces choses pour rester au moins à la hauteur de ces gars-là, voire les devancer, vu que la technologie semble évoluer très rapidement?
Quelles sont certaines des limites que vous voyez quant à votre capacité, surtout face à la criminalité organisée? C'est cela que nous étudions aujourd'hui. Quelles sont certaines des techniques que vous voyez utiliser dans le milieu et qui vous causent des difficultés?
Pour me situer, sachez que j'ai travaillé dans la police, ayant passé 30 années à la Police provinciale de l'Ontario.
En ce qui concerne le financement, je sais que les services de police municipaux ont toujours des problèmes à cet égard. Bien sûr, l'Ontario a vécu quelques traumatismes, comme d'autres provinces, du fait de la modification des modes de financement. L'argent manque toujours.
Nous voulons toujours créer quelque chose de nouveau et je suis persuadé qu'au lieu de toujours vouloir faire du neuf il vaudrait peut-être mieux élargir une organisation existante, de façon à ne pas toujours accumuler les fardeaux administratifs qui, en soi, occasionnent des coûts supplémentaires. Au niveau fédéral, chaque fois qu'il y a un problème, nous nous défaussons sur la GRC et lui disons de s'en occuper.
Du point de vue de la Police provinciale de l'Ontario, selon mon expérience, lorsque vous êtes mal pris, lorsque le chef se fait dire tout d'un coup par la commission des services policiers qu'il faut faire quelque chose dans tel domaine, on ne lui donne pas des effectifs supplémentaires; il doit réorganiser les effectifs dans son service et déplacer des agents. Très souvent, cela se traduit par un ou deux agents de moins dans les rues pour faire le travail de routine. C'est pourquoi je pense, avant de créer quelque chose de nouveau, qu'il vaudrait voir s'il n'existe pas déjà quelque chose.
Je dis cela parce que notre comité cherche toujours de nouvelles façons de combattre le crime organisé, etc. J'ai entendu un membre, qui malheureusement n'est plus dans la salle, mais je suis sûr qu'elle va lire cela dans la transcription, dire que le gouvernement fédéral devrait absorber tel coût et absorber tel autre coût. Chef, sans vouloir offenser personne, bien entendu, vous allez dire oui, quelqu'un d'autre devrait payer la facture, car vous devez sans cesse vous battre avec votre conseil pour obtenir votre budget.
J'entends par-là que nous sommes tous confrontés à la criminalité. Peu importe à quel niveau de gouvernement on se place. Il y a des façons nouvelles et novatrices de faire les choses, mais nous avons ce nouveau problème qui s'appelle la technologie. Mon observation personnelle, surtout lorsque nous parlons de crime organisé et des méthodes financières ingénieuses qu'il utilise, est qu'il vaut mieux engager des spécialistes à contrat plutôt que d'embaucher des agents pour ce travail spécialisé. Il y a différentes façons de s'y prendre.
Je sais qu'à la PPO notre gouvernement provincial nous demandait constamment... Nous voulions pouvoir établir que notre niveau de service est jugé acceptable par la collectivité et on est allé recruter quelqu'un à l'université avec un diplôme en sondages, en sondages scientifiques, et nous avons donc un agent qui ne fait que cela.
Ensuite on s'intéresse aux aspects socioéconomiques et l'on attend de nos policiers qu'ils soient travailleurs sociaux, alors que ce n'est pas nécessairement le rôle des agents, mais nous avons comme responsabilité d'agir sur le plan social dans nos collectivités.
L'un des aspects dont j'aimerais voir le chef traiter c'est, bien entendu, la police de proximité. Ce semble être le modèle que suivent la plupart des services de police et je me demande s'il en est de même ici à Halifax.
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Monsieur le président, je crois que c'est le projet de loi C-47 qui traite de la question de l'accessibilité et de l'obligation pour les fournisseurs de service de conserver ces données.
J'aimerais juste faire une remarque avant de poser une question sur le programme de protection des témoins. Chef, ceci est le premier groupe de témoins à aborder cela et c'est probablement un oubli. Nous devrions nous pencher là-dessus. J'ai pris l'initiative de cette étude au Comité de la sécurité publique à cause des préoccupations que je nourris concernant ce programme.
Vous êtes excessivement généreux lorsque vous parlez du financement. Ce programme est largement sous-financé. Les gouvernements municipaux et provinciaux ont dû mettre de leur poche des sommes importantes. Il se pose également des problèmes du point de vue de certains programmes, et là encore je me sépare de vous.
Monsieur le président, sur ce sujet, je pense que nous devrions aller chercher quelques renseignements — peut-être nos analystes pourraient-ils le faire — car nous n'avions jamais terminé cette étude. Je ne crois pas qu'un rapport ait jamais été déposé. Je crois qu'une élection est intervenue, et ensuite je n'ai plus siégé à ce comité. Ce n'est donc pas de ma faute; c'est de la faute des élections.
Des voix: Oh, oh!
M. Joe Comartin: Et j'en fais porter le blâme au gouvernement.
Si l'on regarde le programme américain, l'un des témoins les plus impressionnants que j'aie jamais vus était l'un des commissaires qui dirigent le programme; c'était un témoin extrêmement impressionnant. Leur programme est de loin le meilleur au monde. Nous avons examiné celui du Royaume-Uni et de l'Australie, et celui de l'Australie a beaucoup progressé et ce pays a aussi adopté une nouvelle loi.
Après toutes ces remarques, j'ai une question... Le nombre des gangs — vous avez cité le chiffre de 109, surintendant — est-ce pour les quatre provinces Atlantiques ou juste pour la Nouvelle-Écosse? Je n'ai pas très bien compris et ce n'est pas clair dans vos notes non plus.
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Merci beaucoup. C'est un honneur de vous parler aujourd'hui de ce sujet manifestement très important.
Mon exposé comporte trois parties. Dans la première je fais un tour d'horizon historique de la criminalité organisée dans notre pays; dans la deuxième je me pense sur certaines leçons tirées de cette histoire et sur les tendances actuelles; et dans la troisième je suggère des orientations pour la politique future.
Je pense qu'il est admis que nous pouvons apprendre beaucoup sur nous-mêmes et nos problèmes sociétaux en étudiant l'histoire, et cela vaut également pour la criminalité organisée. Je suis particulièrement sensibilisé à cette histoire, ne serait-ce que parce que mon dernier ouvrage est une histoire du crime organisé — et si j'ai l'air de faire une publicité éhontée pour le livre, c'est le cas... On peut en fait retracer l'origine de la criminalité organisée aux pirates qui écumaient la côte Atlantique au XVIIe et XVIIIe siècle, mais surtout on trouve beaucoup de précédents de la criminalité organisée d'aujourd'hui au cours du XIXe siècle. À l'époque c'était principalement une affaire de contrebande.
La contrebande est probablement la plus grande constante dans l'histoire du crime organisé au Canada. Au cours des XVIIIe et XIXe siècle, le thé était la marchandise de contrebande la plus populaire. Pourquoi? Parce que les politiques commerciales britanniques taxaient le thé à des taux exorbitants. On estime que dans les Maritimes, 90 p. 100 de tout le thé consommé provenait de la contrebande.
La contrebande d'alcool ciblait les Autochtones et les travailleurs du chemin de fer.
Le passage de migrants clandestins était omniprésent à la fin du XIXe siècle, un peu comme aujourd'hui, des Chinois étant introduits clandestinement au Canada à destination des États-Unis, en raison des politiques d'immigration américaines restrictives de l'époque.
Il y avait de la contrebande de cigarettes à grande échelle à la fin du XIXe siècle à cause des taxes frappant les cigarettes canadiennes, et la contrebande d'opium a grippé en flèche après que le gouvernement britannique a imposé une forte taxe d'accise sur l'opium importé dans la colonie de Colombie-Britannique en 1875. Peu de temps après, la Colombie-Britannique est même devenue le plus gros fabricant d'opium fumable du Commonwealth, encore une fois un précédent peut-être de l'industrie de la marijuana qui fleurit aujourd'hui en C.-B..
Le Québec est devenu un grand centre de faux monnayage au XIXe siècle, et le Canada a également été accusé de piraterie de marchandises à grande échelle à la fin du XIXe siècle, notamment le piratage d'objets, de livres et de partitions musicales protégés par droit d'auteur.
Au début du XXe siècle, les deux nouveautés les plus importantes ayant contribué à l'expansion, la prolifération, la montée en puissance et la modernisation de la criminalité organisée ont été, premièrement, la criminalisation de l'opium en 1908 et, deuxièmement, la prohibition de l'alcool aux États-Unis. On peut dire que dans ces deux cas ce sont les politiques gouvernementales qui ont donné l'impulsion majeure au crime organisé.
Pendant la plus grande partie du XXe siècle, la criminalité organisée canadienne était une filiale du crime organisé italo-américain. À cette fin, le Canada était un grand point de passage vers les États-Unis du trafic d'opium et d'héroïne.
En ce qui concerne les tendances récentes, l'une des plus récentes au cours des 20 ou 30 dernières années est la prolifération des groupes criminels. Dans son rapport annuel de 2007, le Service canadien de renseignements criminels a estimé à 950 le nombre de groupes criminels organisés au Canada, soit une hausse de presque 20 p. 100 par rapport à l'année précédente. La vaste majorité de ces groupes trafiquaient de la drogue. Rien qu'en Colombie-Britannique, on estime que le nombre de gangs organisés a plus que doublé, passant de 52 en 2003 à 108 en 2005.
Une autre tendance récente a été l'accroissement de la coordination et de la coopération. Cela a toujours existé, surtout dans le trafic de drogue international, car jamais un seul groupe n'a-t-il pu maîtriser tous les maillons de la chaîne depuis la production jusqu'à la vente au détail, mais il s'est produit une réelle intensification ces dernières années. On constate un accroissement de la coopération entre groupes criminels différents et criminels professionnels différents.
Parallèlement à cette coopération accrue on constate une différenciation de la structure des groupes criminels contemporains. Cela se caractérise par un recul de la structure pyramidale hiérarchisée au profit d'une coopération plus horizontale, beaucoup plus éphémère et plus souple entre criminels professionnels. C'est pourquoi je mets toujours en doute ces chiffres du nombre de groupes criminels que nous amène la police, car elle-même reconnaît qu'il n'existe plus réellement aujourd'hui de groupes criminels. Ce sont plutôt des criminels qui se rassemblent de manière très ponctuelle pour mener à bien différents coups. Il est donc particulièrement difficile d'essayer d'identifier un groupe bien délimité.
On assiste à un accroissement des types d'activités criminelles entreprises. La criminalité organisée fait aujourd'hui profit de pratiquement tout. Il y a un retour au crime de prédation. Après la prohibition, ce qui dominait, c'était les crimes consensuels: drogues, jeu et prostitution. Aujourd'hui on constate un réel retour au crime de prédation, dont la fraude. La sophistication est plus grande, alors qu'historiquement la plupart des groupes criminels étaient très rudimentaires.
La dernière tendance est la diminution régulière des ressources policières nécessaires pour tenir le rythme de la prolifération de la criminalité organisée.
Au début du siècle nous réussissions assez bien à cibler et démanteler certains des plus gros réseaux de trafic de drogue dans le monde. Aujourd'hui, le terrain de jeu est devenu moins égal et la criminalité organisée a distancé les ressources gouvernementales. C'est réellement sans précédent.
Le Canada fournit actuellement un foisonnement d'une richesse embarrassante de marchandises illégales et de contrebande. À la fin des années 90, le Canada est devenu le premier fournisseur de marijuana à haute teneur du continent, de méthamphétamines et d'ecstasy. Il est devenu un centre international du télémarketing frauduleux ainsi que du faux monnayage, de la contrefaçon de cartes bancaires et de produits de divertissement numériques. Aujourd'hui, le Canada est une succursale, et parfois le quartier général, de certaines des plus grandes conspirations criminelles du monde, qu'il s'agisse de ce que l'on appelle la mafia italienne, des Hells Angels ou de la criminalité organisée chinoise.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'histoire du crime organisé contemporain?
Tout d'abord, le crime organisé est un reflet de la société qui l'abrite. Un vieux dicton en criminologie veut que les sociétés ont la criminalité qu'elles méritent. C'est très applicable au crime organisé. Ce dernier existe grâce à une interaction complexe entre les politiques gouvernementales, les caractères socioculturels, la demande de biens et services illégaux et les conditions sociales qui donnent naissance ou aggravent les facteurs exposant les individus au risque de commettre des délits. Les pouvoirs publics sont un acteur crucial dans la création et la persistance du crime organisé en interdisant certains biens et services réclamés par le public. Comme on l'a vu tout au long de l'histoire, les politiques gouvernementales ont été le plus grand moteur de la criminalité organisée.
Une autre leçon que nous avons apprise est que plus les choses changent et plus elles restent pareilles. Ce qui se passe aujourd'hui est un reflet fidèle des types d'activités criminelles prévalentes au XIXe et au début du XXe siècle, sauf que les criminels modernes ont accès à de meilleures technologies et emploient des méthodes plus sophistiquées.
Enfin, nous avons appris que le système de justice pénale a généralement échoué à combattre ou même à contrôler le crime organisé. Le modèle prohibition/répression est défectueux et peut même produire des coûts supérieurs aux avantages. Pour ce qui est des orientations politiques futures, il nous faut réévaluer le modèle prohibition/répression de lutte contre la criminalité organisée. Je ne prône pas son remplacement, je dis simplement qu'il nous faut tenir un débat scientifique sérieux sur ce modèle.
Nous devons mettre davantage l'accent sur la réduction de la demande. Il nous faut davantage de ressources pour les centres de désintoxication et de traitement. Il nous faut davantage de ressources pour les programmes de prévention, davantage pour les enfants à risque, surtout sur le plan de l'éducation antidrogue. Il nous faut davantage de ressources pour les programmes de santé mentale, car il existe une relation causale forte entre les problèmes de santé mentale et la consommation de drogue.
Nous devons chercher des solutions de remplacement au modèle prohibition/répression. Oui, cela comprend la légalisation et la réglementation. Il nous faut une politique de lutte contre le crime organisé fondée sur la science, sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. Le modèle prohibition/répression n'est pas fondé sur la science. La plupart des recherches montrent son inefficacité.
Nous devons effectuer une analyse coût-bénéfice scientifique des différentes approches. Quels sont les coûts? Toute politique publique va chercher à maximiser les avantages et à minimiser les coûts. Pour contrôler le problème, nous devons appliquer ce genre de grille de lecture scientifique à différents modèles. Quels sont les coûts et bénéfices de la prohibition/répression? Quels sont-ils pour le modèle de décriminalisation? Quels sont-ils pour le modèle de la légalisation et réglementation? Dans un contexte plus large, nous devons adopter une politique relative au crime organisé qui soit fondée sur les faits et scientifiquement éclairée.
À plus long terme, pour s'attaquer à la criminalité en général, nous devons transférer les ressources du système de justice pénale à une approche préventive fondée sur la science, ayant fait ses preuves et proactive.
Le système de justice pénale souffre d'un vice inhérent pour au moins deux raisons. Premièrement, il est principalement réactif. Il ne fait que réagir aux problèmes. Deuxièmement, il ne s'attaque qu'aux symptômes, négligeant les causes profondes des problèmes. Qui plus est, il souffre de maints problèmes opérationnels, tels qu'une insuffisance de ressources.
Il nous faut consacrer plus de ressources à la prévention et au travail proactif, ciblant spécialement les collectivités à risque et les enfants à risque. Cela a fait ses preuves. Tous les articles scientifiques notables sur ces approches du développement des enfants à risque démontrent qu'elles donnent des résultats si elles sont correctement mises en oeuvre. Cela s'étend aussi au crime organisé, car non seulement ces approches agissent-elles sur la demande — une bonne prévention de la drogue donne les meilleurs résultats dans les écoles — mais aussi sur les facteurs qui exposent les enfants au risque de délinquance future, soit à titre organisé soit à titre non organisé, c'est-à-dire que les programmes de prévention pour les enfants à risque s'attaquent aussi bien à l'offre qu'à la demande.
À cette fin, il nous faut construire davantage d'écoles, de centres récréatifs, de patinoires de hockey, de centres de santé — et non pas plus de prisons. Nous aurons aussi toujours besoin de la répression. Même avec la légalisation de toutes les drogues, nous aurons quand même un problème de criminalité organisée, si bien qu'il nous faut une répression plus efficace, axée sur le renseignement — les unités intégrées sont très efficaces. Mais surtout, nous devons mieux collaborer à l'échelle internationale, car les groupes criminels connaissent les frontières et les barrières à l'application de la loi au niveau international et savent en tirer parti.
Merci beaucoup de votre attention. Je m'arrête là.
Juste une autre précision: si j'ai effectivement été avocat de la province de Nouvelle-Écosse, je suis maintenant le directeur exécutif de la Division de la sécurité publique du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse.
Je vous remercie de l'invitation à comparaître et à traiter au nom du ministère de ce sujet très grave. Je viens aujourd'hui vous faire part de nos vues sur l'état de la criminalité organisée et formuler quelques suggestions que vous pourriez prendre en considération aux fins de vos recommandations à la Chambre des communes.
Je sais que le temps nous est compté et je suis donc heureux de faire mon exposé après le panel des policiers. Sur cette toile de fond, je peux commencer par dire que la Nouvelle-Écosse n'est pas à l'abri du crime organisé. Pour placer les choses en contexte, le crime organisé, de par sa nature même, n'est pas exclusivement celui que dépeint Hollywood, et pour cette raison il n'est pas surprenant qu'il ait le potentiel de toucher chaque collectivité du Canada et de la Nouvelle-Écosse.
Comme vous le savez, la définition du crime organisé est la suivante: trois personnes ou plus agissant de concert et ayant comme l'un des objectifs ou activités principaux, la commission d'une infraction grave dont elles bénéficient directement ou indirectement. En d'autres termes, dans cette province, nous ne parlons pas seulement des gangs de motards hors-la-loi ou de groupes mafieux, mais plutôt de groupes beaucoup plus restreints ou gangs de rue qui trafiquent à des fins lucratives des drogues illicites et des biens volés et participent à d'autres activités criminelles.
Nos collègues de la police vous ont indiqué que la Nouvelle-Écosse connaît sa part de crimes violents, délits qu'eux-mêmes et notre service de renseignement commun considèrent être directement reliés à la criminalité organisée. Comme vous le savez, et vous avez entendu le chef Beazley le dire ce matin, la MRH a été considérée en 2004, selon l'enquête sociale générale de Statistique Canada, comme la ville canadienne ayant le plus fort taux de criminalité violente.
L'une des façons dont le ministère de la Justice combat cela est au moyen du Service de renseignement criminel de la Nouvelle-Écosse que je désignerai par son sigle SRCNE. Pour reprendre son slogan « Le crime organisé n'existe pas seulement à la télévision. Il existe en Nouvelle-Écosse. Et votre vie s'en ressent chaque jour ». Nous savons également que des groupes criminels organisés ont été identifiés en dehors de Halifax. Ce n'est par conséquent pas exclusivement un phénomène de grande agglomération.
En quoi la situation peut-elle différer en Nouvelle-Écosse? Ailleurs au Canada, la scène criminelle est marquée par des groupes organisés à haute visibilité ayant des liens à l'échelle mondiale. Par contraste, le SRCNE indique que le trafic de drogue de la Nouvelle-Écosse compte principalement des réseaux de trafic indépendants, principalement locaux. Comme nous l'avons entendu aujourd'hui, et selon mes 25 années d'expérience, dont presque 20 passées ici en Nouvelle-Écosse — nous savons que les organisations internationales et nationales ont tous leurs pattes en Nouvelle-Écosse. C'est dû notamment à l'étendue de nos côtes et au fort volume de conteneurs manutentionnés dans nos ports. Les drogues, la cybercriminalité, les gangs de rue, les installations de culture, le trafic d'armes à feu, l'exploitation d'enfants et la vente illégale de tabac, ce sont toutes là des activités auxquelles nous sommes confrontés en Nouvelle-Écosse.
Quelle a été notre action dans la province et qu'allons-nous faire? Permettez-moi de dire tout d'abord que notre réponse doit reconnaître, comme je l'ai indiqué, que le crime organisé n'est pas seulement un phénomène de grande agglomération et que nos efforts collectifs doivent être conçus de manière à promouvoir la sûreté et la sécurité de tous les Néo-Écossais.
Le ministère de la Justice prend la situation très au sérieux et nous y avons réagi par une action à plusieurs volets. Nous pensons que la lutte contre le crime organisé passe par la collaboration entre nos organismes d'exécution de la loi et nos partenaires. Nous savons que nous allons devoir continuer à travailler fort, mais aussi que nous allons devoir travailler de manière plus intelligente, stratégique et adaptable.
En 2005, la province a octroyé des fonds supplémentaires au SRCNE. À l'époque c'était pour sept postes; nous avons augmenté les crédits pour porter l'effectif à 26 postes d'analystes et d'agents de renseignement locaux disséminés à travers toute la Nouvelle-Écosse.
Je répète que nos efforts doivent assurer la sûreté et la sécurité de tous les Néo-Écossais. Cela est conforme à la volonté provinciale de relever les défis du crime organisé.
Le SRCNE permet aux services de police d'organiser des interventions stratégiques axées sur le renseignement. En outre, en 2007, à l'occasion de consultations menées par le ministère de la Justice dans toute la Nouvelle-Écosse, l'on nous a fait savoir qu'il faudra intensifier l'effort de répression et que des effectifs policiers accrus seront requis en Nouvelle-Écosse.
La province a appuyé et continue d'appuyer financement l'effort policier supplémentaire. Au cours des deux dernières années, depuis la mise en place du programme de renforcement des effectifs, la province a financé des postes de policiers dans toutes les municipalités de Nouvelle-Écosse. Cela signifie qu'au moins 150 agents de police de plus circulent dans les rues de la Nouvelle-Écosse qu'il y a deux ans. Cet investissement s'inscrit dans notre stratégie de la prévention de la criminalité, dont je me ferai un plaisir de traiter ultérieurement car elle comprend non seulement des mesures répressives mais aussi d'intervention et de prévention de façon à s'attaquer aux causes premières de la criminalité.
Pour vous donner une idée, les deux plus grandes municipalités de la Nouvelle-Écosse, la municipalité régionale de Halifax et la municipalité régionale du Cap-Breton, ont bénéficié des crédits les plus importants. Par exemple, dans la municipalité régionale de Halifax, le chef Beazley a reçu 50 agents par an, pour un total de 50 agents par an, ce qui représente plus de 5 millions de dollars par an. De fait, le surintendant Donnie Spicer, qui l'accompagnait ce matin, occupe l'un des postes que nous finançons dans le cadre du programme de sécurité publique.
Avec davantage de ressources disséminées à travers la province, notre voeu et notre défi est maintenant que ces effectifs supplémentaires puissent collaborer étroitement avec notre service de police provincial de façon à cibler stratégiquement les priorités provinciales et les priorités locales mutuelles, ce qui englobe clairement les groupes criminels organisés.
Aujourd'hui, nous avons plus de 60 agents placés stratégiquement à travers la Nouvelle-Écosse qui travaillent au premier chef au sein d'équipes intégrées avec la police provinciale; ils forment ce que l'on appelle les équipes mobiles de répression criminelle. Ces unités ciblent les problèmes locaux de manière intégrée, car la criminalité ne respecte aucune frontière.
D'autres agents sont affectés aux services de sécurité scolaire, des produits de la criminalité, de la lutte intégrée contre l'exploitation des enfants et au SRCNE. Par conséquent, à notre sens, nous avons en place les ressources provinciales voulues pour nous attaquer stratégiquement à la criminalité organisée, grâce à notre programme de renforcement des effectifs et notre service de police provincial. Notre objectif est de continuer à structurer stratégiquement notre action autour du renseignement. Cela nous permettra de répliquer à l'activité criminelle organisée.
Au cours de l'année qui vient, nous appellerons nos partenaires municipaux, qui disposent en leur sein de postes financés par la province, à collaborer dans la lutte contre le crime organisé. Nous estimons qu'il est temps maintenant de concentrer notre attention sur des cibles émergentes et nouvelles, dont la criminalité organisée et d'autres priorités. Nous compterons pour cela sur les agents que j'ai mentionnés, disséminés à travers la Nouvelle-Écosse. La difficulté sera d'assurer une flexibilité suffisante pour que nous puissions faire appel à eux pour des projets particuliers — dans le jargon de la police, opérationnaliser ou agir tactiquement. Si nous agissons séparément, nous n'allons pas réussir. Nous considérons que tous les paliers de gouvernement doivent agir de concert pour assurer la sûreté et la sécurité dans nos collectivités.
Et l'avenir? Nous ne doutons pas que le programme de renforcement des effectifs ait permis de franchir une étape et créé un cadre pour la collaboration des services de police municipaux et la police provinciale. Nous allons continuer à travailler en ce sens.
Je conclurais par deux suggestions à votre intention. J'ai dit plus tôt que la Nouvelle-Écosse jouit d'un long littoral et d'une intense activité portuaire, mais ces mêmes merveilles naturelles et moteurs économiques représentent également des opportunités pour les criminels organisés. Nous devons, comme je l'ai dit, travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral pour assurer la sécurité dans nos ports, et ce au moyen d'un effort intégré, et je pense qu'il nous faut poursuivre les pourparlers en ce sens avec le gouvernement fédéral. On nous a beaucoup parlé ce matin des projets axés sur le renseignement, mais il s'agit ensuite de les opérationnaliser et d'effectuer des interventions tactiques.
Le programme fédéral des 2 500 agents de police est un bon début sur le plan de l'accroissement de la collaboration, mais il faut le rendre durable. Il avait une date d'expiration de cinq ans. Nous aimerions ouvrir des pourparlers avec le gouvernement fédéral pour voir si le programme pourrait être étendu au-delà de cinq ans.
J'aimerais terminer sur une note positive. Nos taux de criminalité sont en baisse en Nouvelle-Écosse depuis 2006. De concert avec nos partenaires, nous avons travaillé très fort pour parvenir à ce résultat. Je suis optimiste et ne doute pas que nous pourrons combattre efficacement de la même manière la criminalité organisée.
Merci de l'invitation à comparaître aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Des voix: Oh, oh!
M. Robert Purcell: En ce qui concerne les défis technologiques, je dois vous dire que je siège à un comité de coordination nationale sur le crime organisé, ou CCN, au niveau fédéral, et mon collègue Fred Sanford, qui est là aujourd'hui, siège au comité de coordination régional.
L'accès légal est la grande priorité citée ces dernières années par les forces de l'ordre dans toutes les tribunes sur la criminalité organisée. Le sujet a été évoqué au CCN; il a été évoqué ces dernières années lors des conférences fédérales-provinciales-territoriales des ministres de la Justice, qui vont se réunir de nouveau dans quelques semaines à Fredericton et je soupçonne que cela y sera un sujet de discussion.
Tout ce que je peux vous dire c'est que je connais les arguments avancés par les services de police. Je crois savoir que c'est l'une de leurs préoccupations premières, car la mise sur écoute est une méthode indispensable pour eux et ils ont besoin de cette modification de la loi pour les aider.
Pour ce qui est du SARC, à l'occasion de nombreuses enquêtes il a été dit que les services de police ont besoin d'une base de données unique à partir de laquelle travailler. Encore une fois, au comité de coordination nationale sur la criminalité organisée, le SARC a été retenu comme l'outil de demain. L'analyse de rentabilité a été faite et nous attendons maintenant que le comité de gouvernance nous fournisse le devis et l'échéancier.
En ce qui concerne la divulgation, je ne peux ajouter que quelques petites choses à ce qui a été dit ce matin par les témoins précédents. La notion d'un juge chargé des questions de divulgation avant un procès était déjà d'actualité lorsque je travaillais dans le domaine de la politique du droit pénal, dans le contexte des méga procès qui souvent mettent en jeu le crime organisé. C'est une idée qui mérite certainement que l'on y réfléchisse plus avant.
Je ne veux pas prendre tout le temps de M. Schneider, et je vais donc m'arrêter là.
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J'ajoute seulement que je suis d'accord avec tout ce que Robert a dit.
La question de la technologie est à mes yeux presque corollaire du problème plus large, celui des ressources policières, en particulier les effectifs. L'outil le plus efficace dans la lutte contre le crime organisé n'est pas la technologie, et même pas la législation; c'est les forces de police. Ce sont les pratiques exemplaires intégrées, fondées sur l'expérience, qui donnent le meilleur résultat.
Bob a travaillé pendant des années à la GRC. J'ai travaillé pour la GRC pendant des années moi-même et j'ai travaillé dans le secteur privé avec un certain nombre de retraités de la GRC. Le secteur privé embauchait généralement les agents les meilleurs et les plus brillants de la GRC. Et j'étais étonné de voir la différence une fois qu'ils arrivaient dans le secteur privé, de voir ce que ce noyau d'enquêteurs d'élite était capable de faire.
Un autre enjeu est la coopération entre services de police. Le SARC s'est avéré généralement défaillant. Nous y avons englouti des millions de dollars, mais les services de police ne sont pas disposés à entrer les données dans cette base. C'est similaire à Statistique Canada, qui effectue des enquêtes, et bien sûr à la Déclaration uniforme de la criminalité. On y a ajouté un nouvel élément où la police est censé déclarer les accusations portées en vertu de l'article 467 — l'accusation d'être membre d'une organisation criminelle — et cela a été un échec car la police n'entre pas les données.
Historiquement, l'un des gros problèmes au Canada a été le manque de coopération entre services de police, comme aux États-Unis et comme dans beaucoup d'autres pays. Nous avons surmonté un peu cet obstacle. La coopération est aujourd'hui excellente, mais il reste toujours beaucoup de chemin à faire sur le plan du partage de l'information. La police garde jalousement l'information, pour de bonnes raisons. En partie cela tient à une lutte d'influence et en partie à des problèmes de divulgation.
Donc, le problème à mes yeux n'est pas la technologie. Ce n'est même pas le droit pénal. C'est plutôt de doter les services de police des ressources, de la formation et du savoir-faire qui leur permettra de cibler adéquatement ces groupes criminels organisés très sophistiqués.
Pour ce qui est de la deuxième question qui s'adressait spécifiquement à moi... Conceptuellement, on peut envisager quatre modèles différents de lutte contre la criminalité, et en particulier la criminalité organisée. Le premier est celui que j'appelle le modèle prohibition/répression...
Monsieur Schneider, vous avez replacé le problème du crime organisé dans un contexte historique, et c'était très intéressant. Vous avez entièrement raison: il n'y a pas d'organisation criminelle plus typique qu'un bateau de pirates avec un capitaine, des officiers et des marins qui obéissent plus ou moins volontairement et qui sont tenus, eux aussi, par la menace et l'appât du gain.
Je vous remercie de nous rappeler les diverses interdictions qu'ont suscitées les organisations criminelles. Je suis d'accord avec vous pour dire que le crime organisé est l'indice d'un mal social qui ne peut être géré que par le droit criminel. Vous devez savoir que c'est ce dont nous nous occupons ici. Nous voulons nous doter des outils légaux les plus appropriés et qui ne nuisent pas aux... Votre exposé était très intéressant.
J'ai également trouvé l'exposé de M. Purcell très intéressant, mais ce que le comité cherche à savoir, ce ne sont pas les différentes formes de complicité qui existent. Je pense que vous pouvez faire la différence entre complicité et crime organisé. Par exemple, si quelques membres d'une famille s'entendent pour exploiter leurs parents âgés et les priver de leur fortune, il y a sûrement là une organisation, mais ce n'est pas ce qu'on considère du crime organisé.
Monsieur Purcell, vous avez dit qu'en Nouvelle-Écosse, il y a 99 organisations criminelles. J'ai l'impression qu'il n'y a pas un gros problème de crime organisé. Quand on parle de crime organisé, on pense à quelque chose qui a une certaine ampleur. On pense à des organisations bien structurées regroupant plusieurs personnes qui en tirent de très gros profits et avantages. Ces organisations entretiennent une discipline de fer et ont les moyens d'établir des monopoles par l'utilisation bien ciblée de la violence, etc.
Il est étrange de se faire dire ici, en Nouvelle-Écosse, qu'il y a 99 groupes de crime organisé, alors qu'on revient de Montréal, où l'on s'est fait dire qu'il y en avait deux: les Hells Angels et la mafia. Ce sont ces deux organisations qui nous préoccupent. Quelles que soient les raisons sociologiques, je suis bien d'accord avec vous pour dire que le trafic de stupéfiants va nécessairement faire naître des organisations. Supprimons le trafic de stupéfiants et il y aura autre chose, que ce soit l'alcool, le thé, les cigarettes illégales. Pourtant, l'interdiction des cigarettes est faite dans un but de santé publique.
Pourriez-vous nous parler de la situation en Nouvelle-Écosse? Je sais que les Hells Angels ont déjà été dans cette province, mais il semble qu'ils n'y soient plus. Personne ne m'a parlé de la mafia. Vous parlez tous de petits groupes et de gangs de rue, et aucun ne semble parler de l'importance qu'ont eue les organisations comparables aux Hells Angels. Au fond, le crime organisé est à peu près inexistant en Nouvelle-Écosse, bien que des organisations criminelles d'ailleurs, du centre du Canada, du Québec ou de l'Ontario viennent parfois ici. Ai-je raison de penser cela?
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Les causes de la délinquance et de la violence sont très complexes. Il n'existe pas un seul facteur causal, mais ce que vous avez vu ces dernières années, non seulement en Nouvelle-Écosse, mais aussi en Colombie-Britannique ou en Ontario, est la convergence de plusieurs facteurs.
Premièrement, vous avez une compétition accrue entre petits groupes. En effet, lorsque le Québec s'est attaqué aux Hells Angels, il a vraiment démantelé un important grossiste de drogue. Cela a libéré la voie à nombre de groupes voulant se substituer à eux comme grossistes. Vous aviez donc une concurrence accrue. Je n'aime pas le dire, mais la seule bonne chose que l'on pouvait mettre au compte des Hells Angels était que, nonobstant la guerre sanglante qu'ils ont menée au Québec, lorsqu'ils en ont émergé, ils tendaient à contrôler les bandes plus petites et à les empêcher de se battre.
La deuxième raison est que l'on a une sous-classe croissante de jeunes hommes qui vivent dans la pauvreté, qui vivent dans des conditions terribles. À Halifax, nous parlons là de quartiers comme East Preston, Mulgrave Park, une partie de Spryfield. Je travaille dans ces quartiers avec des jeunes à risque, et les conditions y sont absolument horribles.
Pendant des années, le Canada considérait les États-Unis et disait: « Oh nous n'avons pas ce type de ghetto urbain et de concentration de la pauvreté que connaissent les États-Unis ». Eh bien, devinez quoi? C'est ce que nous avons aujourd'hui, et il serait naïf de l'ignorer.
Je fais valoir que l'un des grands facteurs à l'origine de cette montée de la violence — et de fait nous voyons un accroissement de la violence, une augmentation du nombre des gangs — réside dans cette sous-classe croissante de jeunes hommes, de jeunes hommes racialisés. En Nouvelle-Écosse, ce sont principalement les Néo-Écossais africains, et à son tour cela est dû au fait que les Néo-Écossais africains vivent en nombre disproportionné dans la pauvreté, dans des communautés horribles. Allez voir dans les logements sociaux — et je vous emmènerai à Mulgrave Park à quelques rues d'ici, vous verrez que les habitants en sont à 80 p. 100 des Afro-néo-écossais. C'est le produit d'un racisme institutionnalisé qui sévit de longue date dans cette province.
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Merci beaucoup, et merci aux témoins.
Monsieur Purcell, puisque nous avons des antécédents similaires, l'une des choses que nous faisions comme jeunes cadres à la police provinciale de l'Ontario, lorsque nous cherchions des moyens de lutter contre la criminalité — et j'ai remarqué que vous avez fait état des gangs de rue dans votre témoignage... Dans les brigades spéciales, nous appelions cela la criminalité de rue. Le recours au renseignement... nous faisions cela. Mais l'un des aspects qui nous intéressait — c'est un peu le volet sociologique — est que l'un des secteurs connaissant la plus forte criminalité en Amérique du Nord dans les années 70 et les années 80 étaient les quartiers à logements sociaux de New York.
L'un des dénominateurs communs de l'activité criminelle, surtout s'agissant des délits contre les biens, était que les auteurs de ces délits étaient des gens qui ne possédaient rien et donc n'appréciaient pas la propriété. Et, bien entendu, l'autre dénominateur commun était la littéracie — autrement dit, le niveau d'instruction.
On a analysé les zones d'activité criminelle — et l'on retrouve la même chose dans la municipalité régionale de Halifax — et le quartier chaud était le Bronx, qui aujourd'hui se trouve être l'un des quartiers les plus agréables de New York. On s'est penché sur le logement social. Les occupants des logements sociaux étaient moins instruits et n'avaient pas de métier.
Vous allez voir à quoi je veux en venir.
Nous nous sommes penchés sur les auteurs des délits. Les auteurs des crimes graves étaient aussi ceux qui commettaient les petits délits. Les gens que l'on arrêtait parce qu'ils traversaient la rue en dehors des passages réservés ou ne payaient pas leurs amendes pour stationnement illégal s'avéraient être aussi ceux qui commettaient les meurtres et ces autres crimes graves. On critiquait la police en lui disant « Eh bien, pourquoi ne vous en prenez-vous pas plutôt aux gros poissons? Vous vous attaquez aux petits ». Eh bien, il se trouve que les petits étaient aussi les auteurs des gros crimes.
À quoi veux-je en venir? Je veux en venir au fait que si les pouvoirs publics se penchaient sur le logement social...? C'est ce que l'on a fait à New York où l'on a dit: « Eh bien, regardons un peu cette population. Comment pouvons-nous la mener à changer de mode de vie? » Donc on a appris des métiers à ces gens-là, et l'on a reconverti les logements sociaux en logements coopératifs de façon à faire de ces gens-là des propriétaires.
Ensuite on a eu besoin de corps de métier, et au lieu d'embaucher quelqu'un pour réparer les logements sociaux, ils formaient les habitants à devenir peintres, à devenir plombiers, électriciens et à tous ces autres métiers. Les gens devenaient propriétaires de leur logement et bien sûr ne voulaient pas que d'autres viennent endommager leur bien ou le défigurent par des graffitis, et ils s'appropriaient le logement.
Donc, si je vous disais que le gouvernement du Canada aujourd'hui, par le biais de l'assurance-emploi, a accru de manière exponentielle la formation dispensée aux chômeurs pour améliorer leurs qualifications... Et ensuite nous sommes sortis du cadre de l'assurance-emploi et avons dit que même ceux qui ne sont pas prestataires de l'assurance-emploi auront l'occasion d'acquérir une formation.
Ensuite nous avons examiné le maintien de l'ordre et dit que les provinces et municipalités ont besoin d'effectifs policiers supplémentaires, tout comme la police fédérale, la GRC — 1 500 agents supplémentaires à la GRC. Et dans votre cas particulier, dans cette province, vous avez ajouté près de 250 agents — et j'imagine qu'une partie des fonds consacrés à ces agents supplémentaires provenaient de la contribution fédérale à l'accroissement des effectifs policiers à travers le pays.
Je vous demande ceci, monsieur Purcell, car j'ai travaillé dans la police pendant si longtemps. Je sais que lorsque nous parlions de télémarketing...
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J'aimerais revenir sur la question de la nature de la criminalité organisée en Nouvelle-Écosse.
Les organisations criminelles vont là où se trouve l'argent et où se trouvent leurs marchés — Montréal, Toronto, Vancouver et Fort McMurray, lorsque l'argent allait là-bas. La Nouvelle-Écosse a attiré le crime organisé, comme Bob l'a mentionné, du fait de notre littoral.
Nous avons fermé ici le chapitre des Hells Angels et c'est une étude de cas intéressante. Pourquoi nous, en tant que société ou service de police, avons-nous pu fermer ce chapitre, ce qui arrive très rarement dans ce pays? Cela pourrait être une bonne étude de cas à analyser.
L'une des raisons est que les Hells Angels du Québec, qui contrôlaient le chapitre de Halifax, ont dit qu'ils n'avaient plus besoin d'avoir un chapitre ici parce qu'ils pouvaient contrôler les ports à partir de Sherbrooke. Ils ont jugé le chapitre de Halifax inutile parce que Sherbrooke a pris en main les opérations de contrebande du port de Halifax. La mafia italienne considérait également la Nouvelle-Écosse comme très intéressante pour la contrebande de haschich et de cocaïne à partir de la province.
En général, on trouve les principales organisations criminelles dans les grandes villes, mais elles vont aussi s'établir dans d'autres provinces pour des raisons stratégiques. La raison pour lesquelles les Hells Angels se sont installés en Colombie-Britannique, à Halifax et à Montréal est très évidente. Ce sont toutes des villes portuaires et sont de ce fait d'un grand intérêt stratégique.
Pour répondre à votre question, Halifax est très intéressante comme route de contrebande de la cocaïne et du haschich. C'est également un grand débouché pour les véhicules volés à Montréal. Le port sert à exporter des voitures qui sont volées principalement à Montréal. Tout revient à notre port et notre littoral. Nous ne sommes pas un marché de drogue assez important pour que les organisations criminelles aient intérêt à s'établir ici pour l'approvisionner. Nous sommes plutôt un point de passage de la drogue importée et exportée. Tant la famille Rizzuto de Montréal que les Hells Angels ont toujours une présence dans la province et utilisent le port pour la contrebande d'exportation et d'importation.