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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 041 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Traduction]

    Je déclare cette réunion ouverte. Il s'agit de la 41e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, le jeudi 22 octobre 2009, nous poursuivons notre étude du crime organisé au Canada.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur comparution. Vous savez peut-être que nous avons amorcé cette étude il y a un certain temps déjà. Nous avons entendu des témoins à Ottawa. Nous nous sommes déjà rendus à Vancouver, où on nous a beaucoup parlé des gangs de rue. J'estime que nous, de la côte ouest, avons beaucoup à apprendre de vous puisque vous avez eu vous aussi vos difficultés au Québec et que vous avez eu des réussites, de sorte que nous sommes impatients de connaître certaines des solutions que vous proposez.
    Quoi qu'il en soit, je vais parcourir la liste de témoins. Nous accueillons Giuseppe Battista et Nicole Dufour, qui représentent le Barreau du Québec. Bienvenue.
    De l'Agence des services frontaliers du Canada, nous accueillons Angelo De Riggi. Est également avec nous M. Pierre-Paul Pichette, du Service canadien de renseignements criminels. Les inspecteurs Sylvain Joyal et Martine Fontaine parleront au nom de la Gendarmerie royale du Canada. Enfin, nous accueillons également l'inspecteur Denis Morin et Francis Brabant, de la Sûreté du Québec.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous.
    Les témoins interviendront selon l'ordre que j'ai donné. Toutefois, nous allons commencer par Angelo De Riggi. Ensuite, nous passerons au Barreau du Québec.
    Je vous prie de commencer.
     Vous avez le choix.

[Français]

    Monsieur le président, honorables membres du comité, merci beaucoup de votre invitation à participer à cette audience.
    Je représente l'Agence des services frontaliers du Canada, Division du renseignement pour la région du Québec. Mon nom est Angelo De Riggi.
    Pour l'Agence des services frontaliers, la région du Québec est la deuxième plus grande région en matière de territoire et a 813 km de frontière avec les États-Unis; c'est la plus longue frontière partagée au Canada.
    L'Agence des services frontaliers du Canada est responsable de la sécurité de la frontière aux points d'entrée au nombre de: 32 terrestres, 25 aéroportuaires — incluant 3 aéroports internationaux —, 9 ports maritimes, 6 gares de train et 5 bureaux de douane intérieurs.
    Environ 2 400 employés travaillent présentement à l'agence dans la région du Québec.
    Chaque année, nous traitons avec 4 millions de passagers aériens, 6 millions de voyageurs routiers et approximativement 2 millions d'entrées commerciales. Nous procédons à environ 600 000 examens par année. L'année dernière, l'ASFC de la région du Québec a pris près de 16 000 mesures d'exécution dans le mode voyageur avec un résultat de 2 451 saisies de stupéfiants.
(1405)

[Traduction]

    Monsieur De Riggi, pourriez-vous ralentir un peu? L'interprète a de la difficulté. Merci.

[Français]

    Le résultat était de 2 451 saisies de stupéfiants et de 378 saisies de devises aux points d'entrée uniquement.
    La Division du renseignement de l'ASFC a le mandat d'identifier les menaces et de communiquer, en temps opportun, du renseignement stratégique, opérationnel et tactique afin de soutenir les activités et les programmes de l'ASFC et de Citoyenneté et Immigration Canada. Nous appliquons aussi ces principes avec tous nos partenaires d'exécution de la loi, c'est-à-dire la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada, le SPVM et tous les autres corps policiers du Québec.
    Pour nous, les priorités nationales sont le terrorisme, l'immigration illégale, les stupéfiants, le blanchiment d'argent et l'exportation stratégique. Ce sont les cibles que nous avons.
    La Division du renseignement est divisée par modes de transport, soit routier, maritime et aéroportuaire. À l'intérieur de ces équipes, nous assignons des agents de renseignement à différents projets conjoints.
    Les différentes opérations conjointes dédiées à la lutte contre le crime organisé sont: l'Équipe intégrée de police des frontières à Valleyfield, Lacolle et Stanstead; l'Équipe nationale d'enquête portuaire — port de Montréal; l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, l'UMECO; l'Unité mixte des produits de la criminalité, l'UMPC; la Section des enquêtes fédérales aéroportuaires, la SEFA — Pierre-Elliott-Trudeau; le Module mixte d'enquête sur le trafic d'armes à feu, munitions et explosifs, mené conjointement par la Sûreté du Québec et d'autres corps policiers — nous faisons partie de cette équipe; la liaison avec nos partenaires d'exécution de la loi; et la liaison avec la Section des stupéfiants de la Gendarmerie royale du Canada.
    Au cours de l'année 2008-2009, la Division du renseignement a aussi donné assistance aux opérations traitant de stupéfiants et de blanchiment d'argent en faisant la collecte, l'analyse et la diffusion de renseignements aux agents de première ligne. Notre premier mandat est de donner de l'information aux agents de première ligne pour qu'ils puissent faire des interceptions aux points d'entrée.
    Nous assignons des agents de renseignement à différents projets qui impliquent le transport international, les opérations portuaires, aéroportuaires et à la frontière terrestre. L'expérience et les connaissances des agents de renseignement ont contribué à faire progresser les enquêtes pour contrer le crime organisé.

[Traduction]

    Merci. Je crois que vous comprenez le processus. Chaque organisation dispose de 10 minutes pour son exposé. Ensuite, nous accueillerons les questions des membres de notre comité.
    Monsieur Battista, la parole est à vous.

[Français]

     Merci, membres du comité, de nous avoir reçus. Je m'adresse à vous en tant que président du Comité consultatif en droit criminel du Barreau du Québec.
    Nous souhaitons profiter de cette occasion importante pour réitérer quelques messages et préoccupations que nous soutenons depuis de nombreuses années en matière de réforme en droit criminel.
    Premièrement, le durcissement des lois criminelles, en augmentant les peines et en éliminant le pouvoir discrétionnaire des poursuivants et des tribunaux, nuit, à notre avis, à l'efficacité du système de justice criminelle.
    Deuxièmement, pour améliorer l'efficacité du système de justice criminelle, dont l'objectif ultime est de rendre justice et non pas de punir, deux choses nous apparaissent évidentes.
    Premièrement, il faut avant tout assurer que les policiers et les procureurs qui travaillent aux dossiers d'enquête sur la criminalité organisée reçoivent les ressources nécessaires sur le plan financier. Les enquêteurs doivent disposer d'un soutien juridique et technique lors des enquêtes, alors que les procureurs doivent avoir la possibilité de mettre sur pied des équipes pour étudier les dossiers et pour les préparer dans le but de les mener à terme de façon adéquate.
    Deuxièmement, la modernisation et la simplification de la procédure criminelle sont également souhaitables. À ce sujet, nous vous référons au Rapport de la Table ronde du Ministre sur le droit criminel, qui faisait suite à une réunion tenue à Toronto le 1er novembre 2002. On peut également faire référence aux délibérations du symposium sur la justice criminelle organisé par l'Association canadienne des chefs de police auquel participent tous les autres acteurs du système de justice.
    Je voudrais vous référer à certains éléments qui ressortent de ce Rapport de la Table ronde du Ministre sur le droit criminel.
    Premièrement, cette rencontre regroupait 26 pénalistes, avocats, et universitaires de tous les coins du pays. Ils étaient réunis à l'initiative du ministère de la Justice pour discuter de la réforme du droit criminel en novembre 2002. Le rapport de ces discussions, bien qu'il ne constitue pas un exposé des points ayant fait l'objet d'un consensus, s'inscrivait plutôt dans un processus permanent de consultation publique du ministère de la Justice dans le but de déterminer quelles devaient être les priorités en droit criminel.
    Il ressort de ce document que la réforme du Code criminel doit s'accompagner d'une intervention économique et sociale appropriée, et du renforcement des ressources locales. Le ministre de l'époque souscrivait à l'idée de la nécessité d'une prédétermination des valeurs devant guider la réforme.
    Quant aux valeurs en matière de droit criminel, si on se fie à un document de politique publié par le ministère de la Justice du Canada en 1982, intitulé « Le droit pénal et la société canadienne », deux grands objectifs sont associés au droit pénal, à savoir: le maintien de l'ordre public, la prévention du crime et la protection du public — l'objectif de sécurité; et l'équité, l'impartialité, la protection des droits et libertés de la personne contre les pouvoirs de l'État et la nécessité d'assurer une réaction appropriée aux méfaits —  l'objectif de justice.
    Il y a une tension inévitable entre ces deux objectifs. Une société libre et démocratique a pour défi de trouver l'équilibre entre ces deux objectifs légitimes. Nous tenons à souligner certaines valeurs tirées du rapport de la table ronde de Toronto, en 2002, auxquelles le droit criminel doit se rattacher.
    L'objet fondamental du droit pénal est la sécurité — maintien de l'ordre public. Le droit pénal doit fournir un moyen adéquat de réagir aux méfaits dans le respect des principes de justice et d’équité, et des droits et libertés des personnes.
    L’imposition d’une peine à un délinquant doit viser à assurer sa réadaptation et à réparer le mal que ledit délinquant a fait à des personnes et à la société, et ce, évidemment, dans la mesure du possible.
(1410)
    La peine imposée à l'égard d'une infraction doit refléter sa gravité ainsi que le degré de responsabilité du délinquant. Le système de justice pénale doit utiliser ses pouvoirs discrétionnaires, je souligne le mot « discrétionnaires » pour voir à ce que l'objectif de réadaptation soit poursuivi et que soit infligée une peine adéquate mais, aussi, la moins contraignante possible.
    Des infractions semblables commises dans des circonstances comparables devraient être sanctionnées par des peines elles aussi semblables.
     Un délinquant pourra être tenu à l'écart de la société au besoin, mais sa réinsertion sociale devra demeurer l'objectif à atteindre.
    Le système de justice pénale doit tenir compte du degré de maturité limité des adolescents et doit aussi voir à ne pas les mettre en contact avec des prévenus adultes ou des délinquants, sauf si cela est permis dans le cadre de la loi.
    Les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect sur le plan de la dignité et de la protection de la vie privée et ne devraient subir que le minimum de désagréments inévitables en raison de leurs rapports avec la justice pénale.
    Le droit pénal doit décrire en termes clairs et accessibles les actes que la société considère comme étant des actes criminels, ainsi que les peines s'y rattachant.
    Je vous rappelle qu'il s'agit là de principes fondamentaux...

[Traduction]

    Un instant. Je vous prie de revenir en arrière de quelques phrases. L'interprète a manqué une phrase.
    D'accord, veuillez m'excuser.

[Français]

    Les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect sur le plan de la dignité et de la protection de la vie privée et ne devraient subir que le minimum de désagréments inévitables en raison de leurs rapports avec la justice pénale.
    Le droit pénal doit décrire en termes clairs et accessibles les actes que la société considère comme étant des actes criminels, ainsi que les peines s'y rattachant.
     Nous soumettons quelques pistes de réflexion traditionnelles. Premièrement, il faut faire confiance aux juges et prévoir des dispositions qui faciliteraient une bonne gestion de l'instance. Cela devrait se faire dans le cadre d'une consultation qui impliquerait aussi et surtout des avocats qui agissent en poursuite et en défense devant l'appareil judiciaire.
    Il faut faire preuve de retenue lorsqu'il est question de réglementation en matière de divulgation de la preuve. La divulgation de la preuve est un droit fondamental qui est lié à un droit à une défense pleine et entière. Limiter de façon excessive les règles de divulgation de la preuve risque d'entraîner des erreurs judiciaires. Nous pouvons dire sans risque de nous tromper que, dans tous les cas recensés à ce jour à divers endroits, les erreurs judiciaires et la divulgation de la preuve sont souvent reliées. Un défaut dans la divulgation de la preuve est souvent source de ces erreurs judiciaires.
    Il faut tenir compte des travaux des différents comités qui traitent notamment des règles de la divulgation de la preuve, de la discrétion judiciaire et de la détermination de la preuve. Il y a notamment le rapport du juge Major, qui va être livré à la suite de la commission d'enquête sur l'affaire Air India. Je crois qu'il y aura des leçons importantes à tirer de ce rapport, et vous devriez, je vous le soumets respectueusement, vous en inspirer dans le cadre de vos travaux. Il serait préférable d'attendre les conclusions de tels comités sur ces questions.
    La simplification des règles en matière de justice pénale ne signifie pas et ne doit pas signifier une diminution de la discrétion judiciaire. À ce titre — je parlais plus tôt de la gestion de l'instance —, il faudrait penser que, dans le cadre de la divulgation si problème il y a, et surtout dans les grands dossiers d'enquête en matière de crime organisé, on a souvent affaire à des enquêtes qui ont duré des années. Les policiers ont, dans le cadre de leur enquête, recueilli des centaines de milliers de documents. Et cela doit être géré de façon adéquate tant par les forces policières, qui enquêtent, que par les procureurs, qui doivent gérer cette documentation et cette information pour pouvoir s'en servir de façon adéquate devant les tribunaux et la présenter de manière intelligible et intelligente, et qui doivent assurer leurs obligations et leur devoir de divulgation pour que les accusés puissent connaître la preuve qui est à charge contre eux, de sorte qu'ils puissent adéquatement se défendre, le cas échéant.
    Enfin, je terminerai en vous disant que la lutte contre la criminalité ne se résume pas à l'augmentation des peines d'emprisonnement. Il faut chercher des solutions qui favorisent la prévention également, et non seulement la réaction aux délits une fois qu'ils sont commis. Merci.
(1415)

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer au Service canadien de renseignements criminels.
    Monsieur Pichette.

[Français]

    Merci, aux membres du comité, de leur invitation.
    Je m'appelle Pierre-Paul Pichette, et j'ai oeuvré pendant près de 33 ans au sein du Service de police de la Ville de Montréal. Depuis le 15 septembre 2008, je suis le directeur général du Service du renseignement criminel du Québec, le SRCQ.
    Le SRCQ a pour mandat de favoriser le partage sécuritaire du renseignement entre les intervenants concernés et d'assurer la collecte de l'information provenant d'organismes publics. Il vise essentiellement la coordination du renseignement criminel entre les partenaires du Québec.
    L'équipe du SRCQ se compose de personnel civil, de policiers provenant de diverses organisations policières et de stagiaires qui proviennent de différents domaines d'études, tels que la criminologie et les communications, et qui participent à la production d'analyses.
    Je suis aussi responsable de la coordination des rencontres avec les différents comités du service, de façon à suivre l'évolution de son mandat et le déroulement de son plan triennal. En créant un organisme autonome et transparent, l'objectif est de favoriser l'échange, le partage, l'accessibilité et le développement du renseignement pour les différents corps policiers.
    Le SRCQ a été créé par décret du gouvernement québécois le 14 février 2001, et son budget provient essentiellement du Québec, à l'exception, pour le moment, d'une personne prêtée par la GRC. Je voudrais seulement préciser, monsieur le président, que le SRCQ fait partie du réseau du Service canadien de renseignements criminels, le SCRC. Cependant, il est vraiment autonome puisqu'il relève du gouvernement québécois.
    Pour ce qui est du plan triennal du SRCQ, les activités et les actions s'appuient sur des activités regroupées en quatre grands axes. Le premier est d'assurer l'intégration et la mise en commun de l'ensemble des renseignements criminels recueillis et détenus par les corps policiers du Québec et de mettre ces renseignements à leur disposition de façon sécuritaire. Le deuxième est de favoriser l'échange du renseignement criminel entre les corps policiers, et l'information entre les organismes publics, ainsi que la collecte de données auprès d'autres organismes internes et externes afin de combattre la criminalité et le crime organisé. Le troisième est d'assurer la qualité des pratiques en matière de renseignement criminel ainsi que leur développement par l'établissement de normes et de méthodes de fonctionnement, et par la promotion de la formation. Le quatrième est de produire des analyses stratégiques pour soutenir la prise de décisions relativement à la lutte contre le crime organisé.
    Au Québec, conscients de l'impact du crime organisé sur la société québécoise ainsi que des contraintes imposées aux organismes publics, les responsables du renseignement criminel des principales organisations policières ont convenu, en 2003, d'échanger leurs informations sur neuf principales souches de crime organisé qui étaient actives au Québec à ce moment. La répartition des responsabilités a permis à chaque organisation de se concentrer sur trois phénomènes majeurs, permettant ainsi d'optimiser les investissements en ressources, tout en assurant un accès intégral aux informations détenues par chacun des services concernés.
    Les échanges d'états de situation provinciaux subséquents ont permis de suivre l'évolution des neufs souches, contribuant ainsi à une lecture globale et commune des tendances. Les rapports produits ayant fait l'objet d'analyses d'impact et de discussions entre les parties, il a été convenu d'apporter certains ajustements, et une nouvelle version du protocole en a reconduit son application en 2008.
    Le protocole prévoit aussi la participation de tous les services de police du Québec. Cette contribution s'inscrit dans l'évidence que les activités du crime organisé se font sentir dans toutes les communautés et que la vigilance et la connaissance sont les meilleures armes pour lutter contre ses manifestations.
    Ainsi, tenant compte des obligations inscrites dans la Loi sur la police concernant l'analyse criminelle et la contribution au renseignement, les corps policiers québécois de tous les niveaux sont conviés à adhérer au processus d'échange afin de bénéficier de la lecture commune générée par leur contribution.
(1420)
    En somme, la mise en oeuvre du protocole génère plusieurs bénéfices significatifs. Elle permet, notamment: d'optimiser la cueillette et la dissémination des renseignements entre les participants; de maximiser l'emploi des ressources humaines, matérielles et financières des organisations policières impliquées; de bonifier la connaissance des nouveaux modus operandi et des nouveaux types de crime associés aux souches de crime organisé. Je tiens à préciser que ce bénéfice de veille stratégique se limite toutefois aux neuf souches ciblées. Elle permet aussi de partager du renseignement criminel sur une base continuelle et d'accroître la confiance entre les intervenants.
    Il est bon de préciser qu'aucune disposition du protocole ne doit être interprétée comme limitant la capacité des services concernés d'enquêter sur toute criminalité, incluant les souches relevant d'autres services. Il s'agit d'un protocole d'échange de renseignements.
    Les objectifs du protocole Minerve sont: d'améliorer la connaissance commune des souches de crime organisé identifiées afin de soutenir la prise de décisions et d'assurer la cohésion des stratégies policières; d'améliorer la collaboration entre les professionnels du renseignement en favorisant les échanges ciblés sur des thèmes stratégiques; d'améliorer la méthodologie des échanges de renseignements en fixant un cadre de fonctionnement; de partager les responsabilités des parties en vue du protocole et de définir les limites de ces responsabilités.
    En conclusion, la répartition des souches de crime organisé s'est faite selon la logique suivante. La Sûreté du Québec assume la responsabilité provinciale pour ce qu'on appelle le crime organisé — motards, du Québec et de l'Est européen. Le Service de police de la Ville de Montréal, pour sa part, assume la responsabilité provinciale pour tout le crime organisé dit « asiatique », gangs de rue, et du Proche et du Moyen-Orient, alors que la Gendarmerie royale du Canada, pour sa part, assume la veille stratégique pour le crime organisé autochtone, italien et latino-américain.
    Monsieur le président, j'ai terminé ma présentation et je suis disponible pour répondre aux questions des membres du comité.
(1425)

[Traduction]

    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Joyal de la Gendarmerie royale du Canada.

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, permettez-moi de me présenter. Je suis l'inspecteur Sylvain Joyal. Je suis l'officier responsable de la Section de lutte antidrogue de la GRC à Montréal. C'est un privilège pour moi et une occasion inespérée pour la Gendarmerie royale du Canada de participer aujourd'hui à cette rencontre. J'aimerais tout d'abord vous mentionner que je suis en présence de l'inspectrice Martine Fontaine. Cette dernière est responsable de l'Unité mixte d'enquête sur les produits de la criminalité à Montréal.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aurai l'occasion, au cours des prochaines minutes, de vous entretenir sur la problématique du crime organisé au Québec. Je profiterai de l'occasion pour discuter avec vous de certaines nuances entre le crime organisé d'aujourd'hui et celui des années 1970. Cela me permettra d'exposer les obstacles contemporains auxquels nous devons faire face pour remplir notre mission, qui est d'assurer la sécurité des citoyens, de leurs foyers et de leurs biens. Cela nous fera plaisir de répondre à vos questions par la suite.
    Dans un premier temps, vous n'êtes pas sans savoir qu'au Québec, la GRC n'occupe pas une fonction primaire de sécurité publique, comme elle le fait ailleurs au pays. Selon la Loi sur la police du Québec, les demandes d'assistance urgentes relatives aux infractions, telles que les cas individuels de vol, de fraude ou de narcotrafic, relèvent des services de police municipaux ou provinciaux. Notre mandat consiste plutôt à fournir des services de police fédéraux et à enquêter sur le crime organisé national et international.

[Traduction]

    Monsieur Joyal, puis-je vous inviter à ralentir un tout petit peu, s'il vous plaît.

[Français]

    Partant de ce fait, notre niveau d'intervention doit s'inscrire dans une démarche intégrée.
    Nous avons réalisé, avec les années, que nous ne pouvions pas travailler seuls. Il fallait nous regrouper et préconiser une approche unifiée et coordonnée. Cette approche est à la base même de ce qui a mené à la réalisation des projets Borax, SharQc, Machine et Colorie. Ces enquêtes majeures ont largement tapissé les pages des quotidiens du Québec au printemps dernier. Cette intégration des forces policières est également à la base du succès de deux unités multidisciplinaires actives au Québec. Je pense à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé et à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé autochtone qui, de par leur succès et leur impact sur la criminalité, ont témoigné de leur importance pour le mieux-être des Canadiens et des Québécois.
    Cela dit, tout n'est pas rose dans notre univers policier. À l'instar des organisations policières qui se sont regroupées, le crime organisé a également su motiver ses actions par des alliances entres divers groupes criminels.
    Un constat demeure, le crime organisé est présent là où il y a de l'argent à faire. Il est diversifié et s'immisce dans plusieurs sphères de la société. On le retrouve dans de nombreux crimes qui génèrent des profits. Le projet Colisée réalisé en 2006 par notre Unité mixte d'enquête sur le crime organisé a démontré cette vaste diversité du crime organisé. Récemment, l'une de nos enquêtes a permis de démontrer des liens directs entre un groupe de motards criminels et la contrebande de tabac, entre autres, le projet Château.
    Une des caractéristiques du crime organisé est justement sa volonté d'établir un monopole en fonction du risque pour la production, la distribution et la vente de produits illicites dans un marché donné. Ces criminels modernes pensent en gens d'affaires. Ils ont des produits illicites à vendre et cherchent à maximiser leurs profits. Ce sont des profits faramineux qui permettent au crime organisé de maintenir son influence et d'accroître son avance sur les forces de l'ordre. Ironiquement, il n'est pas rare, lors du dénouement de nos enquêtes, de constater à quel point les accusés sont davantage préoccupés par la perte de leurs avoirs que par la durée des peines.
    Malgré le fait que les fruits du crime et le pouvoir que ceux-ci procurent sont la motivation à commettre ces nombreux crimes, le maximum de la peine découlant de la possession et du recyclage des produits de la criminalité n'est que de 10 ans. L'argent sale, la mondialisation de nos économies, le décloisonnement de nos frontières et l'essor des technologies commerciales ont nourri l'expansion du crime organisé au sein des nations démocratiques.
    Une des forces majeures du crime organisé réside dans sa capacité d'identifier les maillons faibles de nos lois et d'en tirer profit. Au fil des ans, les organisations criminelles ont raffiné leurs activités et soigné leur image. Elles ont exploité les failles et les faiblesses de notre système avec une précision chirurgicale en utilisant des technologies de pointe. Elles ont profité et profitent encore largement de l'essor de la technologie.
    Ainsi, Internet devient de plus en plus accessible, et le nombre d'usagers a maintenant dépassé le cap du milliard. Les logiciels permettent la transmission de données de façon sécuritaire partout dans le monde en moins d'une seconde. L'argent se transige sous sa forme binaire, de façon virtuelle, soit par ordinateur, par cartes de crédit, par débit automatique et même par cartes à puce dites intelligentes. Il n'existe pratiquement aucune ressource pour aider les forces policières à s'adapter à l'émergence des technologies. Le temps passé à trouver des approches adéquates retarde nos actions policières et donne un répit aux criminels.
    Autre point important, dans les années 1970, l'écoute téléphonique fonctionnait très bien pour mener des enquêtes majeures de complot. Au XXIe siècle, cette méthode est devenue un véritable cauchemar. La technologie rend de plus en plus difficile l'interception de conversations téléphoniques. Et même si l'interception de conversations est parfois possible, le fardeau de la preuve qui pèse sur les enquêteurs croît sans cesse.
(1430)
    Il n'est pas rare qu'un corps policier doive présenter des milliers de conversations en preuve pour étayer un complot et satisfaire aux normes édictées par la jurisprudence actuelle. Cela renseigne les criminels sur les techniques novatrices utilisées pour enquêter sur le crime organisé. Dans certains cas, la divulgation nous oblige même à remettre l'argent saisi pour empêcher la divulgation d'une enquête en cours ou pour cacher l'identité d'un témoin.
    L'argent étant légal en soi, les avocats des criminels cherchent constamment à le récupérer dès qu'il est saisi. Qui plus est, les coûts d'interception et de divulgation de la preuve sont devenus faramineux et obligent les corps policiers à limiter drastiquement leurs interventions.
    Plusieurs individus criminels font de leurs activités illégales une réelle profession. C'est un fait! Il est donc très fréquent de retrouver nos sujets d'enquête dans d'autres dossiers majeurs. Pour réaliser notre travail avec diligence, nous devons puiser dans le passé de nos sujets, autant pour leurs crimes antérieurs que pour la valeur de leur patrimoine. Malheureusement, nous sommes limités par le temps de rétention des documents. Nous rencontrons ainsi des obstacles majeurs dans la poursuite de nos enquêtes.
    En ce qui concerne les institutions financières, elles gardent les documents pour une période maximale de cinq ans. Ceci nuit à l'obtention de preuves importantes quant à la provenance des fonds et des transactions financières. L'utilisation des services de juricomptables est devenue essentielle pour la majorité des dossiers, notamment ceux en matière de criminalité économique. Cela démontre à quel point les transactions financières et le suivi de l'argent sont laborieux.
    Les limites quant à l'obtention des renseignements fiscaux en cours d'enquête constituent un point de discussion important. Je pense notamment à l'article 462.48, qui restreint l'accès aux renseignements fiscaux importants pour nos enquêtes.
    Également, lors de confiscation de biens infractionnels, le test de proportionnalité peut résulter en une possession conjointe entre le gouvernement et le criminel (R. c. Ouellette) ou une confiscation partielle de l'équité.
    Monsieur le président, alors que les technologies ont évolué rapidement et que le transport est de plus en plus facile et efficace, nous sommes toujours encadrés par des systèmes juridiques qui pourraient être revus et mieux adaptés à notre réalité. Je fais allusion à toute la notion de collecte de la preuve lorsque le contexte sort du territoire juridique canadien, comme c'est le cas dans la plupart des enquêtes majeures de la Gendarmerie royale du Canada. Notre tâche est ardue, notamment lorsque les criminels voyagent, appellent ou envoient des messages à l'étranger. Les processus d'entraide mutuelle rendent difficile l'obtention rapide d'éléments de preuve.
    Les organisations criminelles les plus difficiles à enquêter sont disciplinées et ont appris des erreurs commises dans le passé. La divulgation massive de preuves qui leur a été faite leur a servi à cerner les limites et l'efficacité des techniques d'enquête policière au Canada et à l'étranger. Les sujets sur qui nous enquêtons ne possèdent plus de biens à leur nom et s'ils en possèdent, ces derniers sont sans équité. Ils louent des véhicules et ils utilisent des prête-noms qui sont difficiles à défaire. Ils possèdent des biens et des comptes bancaires à l'étranger. Ils utilisent des comptes in trust, les fiducies, modifient leur approche quant aux déclarations de revenus pour refléter leur train de vie, etc.
    Que ce soit pour le crime organisé de haut niveau, celui qu'on identifie facilement — motards criminels, mafia, gangs de rue —ou pour la criminalité organisée de moindre importance, un constat demeure: il sait s'organiser et se structurer! L'utilisation de professionnels pour faciliter la commission des crimes est désormais une norme dans le milieu criminel. Si vous le permettez, je laisserai le soin à nos collègues de la Sûreté du Québec d'aborder ce thème avec vous.
    Monsieur le président, j'aimerais prendre quelques secondes pour discuter avec vous d'un point qui me tient à coeur, celui de la sensibilisation sur les méfaits du crime organisé. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous devons adopter une approche plus stratégique et plus « agressive » dans le domaine des communications. Ne serait-ce que pour le blanchiment d'argent, qui est un crime où toute la société est la victime mais dont peu se plaignent, nous devons sensibiliser le public à cette réalité. Plusieurs présentations et formations auprès des commerçants, des institutions financières et des professionnels sont organisées afin de les sensibiliser à la détection du blanchiment d'argent. Toutefois, ces efforts de communication et d'éducation ne doivent pas être limités uniquement aux corps policiers.
(1435)
    En ce qui a trait à la criminalité juvénile, nous reconnaissons également les jeunes personnes comme étant des acteurs clés dans la prévention des crimes dans les communautés. Pour ce faire, nous devons rechercher une diversité d'intervenants qui ajouteront plus de crédibilité à notre message de sensibilisation. Notre Service de sensibilisation aux drogues et au crime organisé valorise cette approche.
    Monsieur le président, le but de ma présentation n'est certes pas de paraître alarmiste, mais plutôt de partager avec vous notre réalité. Cela fait de nombreuses années que j'exerce le métier de policier, et je constate que l'iniquité entre les moyens mis à la disposition du crime organisé par rapport à ceux qui sont octroyés à la lutte contre le crime organisé ne fait que s'élargir, et ce, malheureusement à nos dépens.
    Notre système judiciaire a pris un léger retard sur le contexte actuel qui a émergé de la mondialisation et du développement des technologies. Ses composantes, soit la prévention, l'intervention policière, les processus judiciaire et post-judiciaire devraient être davantage harmonisés.
    Dans ce contexte, je partage l'opinion d'un collègue de la Colombie-Britannique qui s'est adressé à vous en avril dernier. Celui-ci faisait état de l'importance de doter les policiers de meilleurs outils pour les aider à réaliser des dossiers d'enquêtes majeures, en apportant notamment des modifications à certaines lois, par exemple la Loi sur la preuve au Canada.
    Je réitère que ce n'est qu'en attaquant le crime organisé dans sa globalité, c'est-à-dire mondialement, que nous mènerons une lutte efficace contre celui-ci. Il faudra poursuivre notre travail en s'attaquant à la motivation même du crime organisé, soit l'appât du gain. Je suis convaincu que des solutions existent afin de désarmer les organisations criminelles.
    Le fait que vous soyez à l'écoute des gens du terrain comme moi et mes collègues démontre que vous êtes préoccupés par la situation. Permettez-moi d'ailleurs de vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'être ici aujourd'hui.
    Je vous remercie.
(1440)

[Traduction]

    Merci.
    Maintenant, ce sera l'intervention de l'inspecteur Denis Morin, de la Sûreté du Québec.

[Français]

    Monsieur le président, honorables membres du comité, je m'appelle Denis Morin, je suis inspecteur et chef du Service des enquêtes sur la criminalité financière organisée. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Francis Brabant, conseiller juridique du Directeur général adjoint aux enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec, M. Steven Chabot.
    Je tiens d'abord à remercier le comité de permettre à la communauté policière de s'exprimer sur un sujet qui nous préoccupe tous, soit le crime organisé.
    Permettez-moi de débuter, comme l'a fait mon collègue de la Gendarmerie royale du Canada précédemment, par quelques précisions sur l'organisation policière au Québec et le rôle de chacun au regard de la lutte contre le crime organisé.
    L'ensemble des activités policières est réparti selon six niveaux de services, de complexité croissante. La desserte policière est assurée par différents corps de police municipaux, chacun devant fournir un certain niveau de services, selon la population qu'il dessert ou sa localisation géographique, ainsi que par la Sûreté du Québec. Suivant la loi, cette dernière assure de plus les services de niveau supérieur à ceux requis des corps de police municipaux.
    Bien que tous les niveaux de services soient concernés par les activités criminelles du crime organisé, sa coordination provinciale relève de la Sûreté du Québec. Cette organisation favorise la collaboration entre les différents corps de police, ce qui constitue un élément stratégique indispensable à une lutte efficace contre le crime organisé. D'ailleurs, les ententes de partenariat établies dans ce domaine se multiplient et intègrent des partenaires de plus en plus nombreux et diversifiés. Le protocole Minerve est un bon exemple de partenariat en matière de lutte contre le crime organisé.
    L'excellent portrait du crime organisé dressé par l'inspecteur Joyal plus tôt a révélé que l'appât du gain constitue la principale, sinon la seule motivation des membres du crime organisé. Comme les sommes engendrées par les activités criminelles sont de plus en plus importantes, l'implication de facilitateurs et de prête-noms prend de l'ampleur, et c'est de cette problématique que j'aimerais vous entretenir aujourd'hui.
    La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes impose des obligations de tenue de documents et de déclarations obligatoires aux fournisseurs de services financiers et aux autres personnes qui se livrent à l'exploitation d'une entreprise ou à l'exercice d'une profession susceptible d'être utilisée pour le recyclage des produits de la criminalité. Le Parlement répondait ainsi à la préoccupation engendrée par l'utilisation croissante par le crime organisé d'entités légitimes aux fins du blanchiment d'argent.
    Nos enquêtes relèvent toutefois l'émergence d'un nouveau type de complices oeuvrant au profit d'organisations criminelles. Communément appelés « facilitateurs », les particularités de ce nouveau genre de criminels sont les suivantes. Ils ne possèdent généralement aucun antécédent judiciaire. Ils possèdent une formation spécialisée, sont membres d'un ordre professionnel ou exercent une profession libérale. Ils n'oeuvrent pas en exclusivité pour une organisation criminelle. Ils peuvent avoir une clientèle dite légitime. Leur association avec l'organisation criminelle n'est pas imposée. Elle est généralement sur une base volontaire. Ils sont rémunérés pour leurs implications.
    Les services des professionnels, notamment, sont particulièrement recherchés en raison de leur expertise particulière, leur statut ainsi que des règles de confidentialité qui s'attachent à leur travail. Les exemples qui suivent ne visent qu'à illustrer des faits constatés et ne visent en aucun temps un ordre ou une profession particulière. Voici donc quelques exemples.
    Dans le cas d'un projet d'enquête récent, visant le démantèlement d'une organisation criminelle impliquée dans des activités de fraude, de contrebande de cigarettes et de blanchiment d'argent, les enquêteurs ont découvert qu'un avocat spécialisé dans l'obtention de crédits avait été joint et recruté par les principaux acteurs de l'organisation pour participer à un stratagème d'obtention frauduleuse de prêts aux petites entreprises. L'enquête a effectivement révélé que le facilitateur avait produit de faux documents afin d'obtenir un prêt auprès d'une institution financière, de l'ordre de 250 000 $.
(1445)
     Dans un autre dossier portant sur une enquête de fraude en matière de TPS et de TVQ dans le domaine des métaux précieux, de nombreuses compagnies sans activités légitimes, dites « compagnies coquilles », étaient utilisées afin de faciliter l'émission de fausses factures en soutien aux réclamations frauduleuses. Afin de faciliter le travail de l'organisation et de compliquer le travail des policiers, des comptables et syndics de faillite prenaient charge de l'incorporation et de la faillite à répétition de ces compagnies « coquilles » .
    Aussi, dans un projet d'enquête en matière de fraude envers l'État, nous avons établi la participation de plusieurs avocats facilitateurs dans un stratagème de fausse réclamation de TPS et de TVQ. Leur rôle constituait à recruter des prête-noms, à voir à l'incorporation de compagnies qu'on appelle « coquilles » et à l'ouverture de comptes bancaires.
    Finalement, une enquête récente en matière de fraude a permis l'arrestation de deux experts-comptables, membres d'une association professionnelle, ainsi que d'un notaire. Ce dernier utilisait notamment son compte en fidéicommis pour l'encaissement de chèques associés à la fausse facturation et ainsi faciliter le travail de l'organisation.
    On constate donc la valeur ajoutée qu'ont certains professionnels pour les organisations criminelles, à titre de facilitateurs. Malgré le fait qu'ils jouent un rôle généralement de soutien, leur implication reste quand même essentielle dans l'atteinte des objectifs de ces organisations.
    Pourtant, leur implication est difficile à sanctionner. La principale embûche concerne la démonstration, à savoir que le facilitateur sait que ces organisations se livrent à des activités criminelles. Procéder à l'incorporation d'une compagnie, à l'ouverture d'un compte bancaire ou à la mise en faillite d'un individu ne sont pas des activités illicites en soi.
    D'ailleurs, plusieurs compagnies ou incorporations appartenant à des organisations criminelles se retrouvent sous l'adresse d'un professionnel.
    De plus, dans le cas des facilitateurs ayant le statut de notaire ou d'avocat, l'application de mesures prévues par le Code criminel ou la jurisprudence pour assurer le secret professionnel, notamment en matière d'écoute électronique ou de perquisition, complexifie passablement le travail policier. Ces difficultés sont inhérentes à leur statut dans la société et à l'importance que l'on accorde à juste titre à la confidentialité des services professionnels.
    Les lois actuelles en matière criminelle ne prévoient aucune mesure visant à dissuader de façon spécifique les personnes qui bénéficient d'un statut privilégié en raison de leur profession et qui en abusent afin de faciliter le recyclage des produits de la criminalité ou autres stratagèmes frauduleux.
    Dans le cadre de nos enquêtes visant les organisations criminelles, notamment en matière de stupéfiants, on constate aussi l'usage fréquent de prête-noms. Par « prête-noms », je sous-entends une personne qui s'engage sur un acte de propriété ou enregistre un bien à son nom alors qu'il n'est pas le réel propriétaire du bien en question. Dans le langage populaire, on utilise le terme « poteau » ou bien « homme de paille ».
    Dans le cadre de nos enquêtes, nous constatons deux types de prête-noms utilisés afin, premièrement, de mener des activités plus secrètement et ainsi être à l'abri d'enquêtes policières, et deuxièmement, d'accroître un patrimoine personnel et de minimiser le risque de confiscation. Dans le premier cas, il peut s'agir notamment d'une personne complice, souvent un subalterne de l'organisation criminelle en question, qui aura à son nom une propriété dans laquelle l'organisation opérerait une plantation de cannabis, par exemple. Dans le second cas, il peut s'agir de personnes, souvent des membres de la famille du sujet qui fait l'objet d'une enquête, qui accepteront d'enregistrer à leur nom plusieurs biens, tels que des propriétés, des véhicules de luxe, des bateaux ou tout autre véhicule dont l'utilisateur restera le suspect de l'enquête. Cela lui permet donc d'accroître son patrimoine.
    Cette technique de camouflage semble sûrement simpliste, mais force est de constater sa grande efficacité pour rendre les enquêtes policières plus longues et ardues. Tout comme pour les facilitateurs, la principale problématique se loge dans la démonstration, à savoir que le prête-nom connaît les activités criminelles du sujet faisant l'objet d'une enquête.
(1450)
    Le phénomène des fonctionnaires publics qui utilisent les privilèges de leur charge afin de faciliter le recyclage des produits de la criminalité ou les fraudes envers l'État est également préoccupant. Mieux connu sous le nom de malversation ou corruption, les actes reprochés sont habituellement assujettis aux articles 121 à 125 du Code criminel.
    Les organisations criminelles facilitent le recyclage du produit de leurs activités criminelles par l'entremise d'activités légitimes, c'est bien connu. Lorsque, pour ce faire, elles utilisent des compagnies qui réalisent des contrats pour des administrations publiques, ces organisations approchent des fonctionnaires publics et les convainquent parfois d'agir à titre de facilitateurs.
    En conclusion, toutes ces formes de facilitation contribuent non seulement à l'enrichissement du crime organisé, mais également, de façon plus générale, au blanchiment d'argent et à la conclusion d'affaires illégitimes. Du point de vue social, le statut légal dont bénéficient ces personnes est un attrait pour le crime organisé mais une difficulté pour les corps policiers, qui doivent souvent avoir recours à des procédures extraordinaires lorsqu'ils font face à de telles situations.
    Nous suggérons que, dans le cadre des lois, la gravité de ces situations soit prise en compte à sa juste valeur.
    Je remercie le comité de son attention.

[Traduction]

    Je vous remercie tous. Vos témoignages nous ont été très utiles.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par Mme Jennings.

[Français]

    Je pensais qu'on entendrait également Me Brabant, mais si on passe tout de suite aux questions, c'est parfait.
    J'aimerais d'abord remercier tous les témoins.
    Maître Battista, vous avez dit qu'en 2002, une table ronde avait étudié tout le système de justice pénale. J'imagine qu'un rapport et une série de recommandations en ont découlé. Qu'est-il advenu de ces recommandations?
    Par ailleurs, il n'y a pas eu de commission sur la réforme du droit criminel depuis quelques décennies. Je n'en dirai pas le nombre parce que ça révélerait mon âge, mais je pense, compte tenu de tous les points soulevés par les représentants des services de police, des nouvelles technologies, de la mondialisation, et ainsi de suite, que l'heure est venue pour le gouvernement de considérer sérieusement la mise sur pied d'une telle commission. À mon avis, une modernisation de notre système de justice s'impose, mais toujours avec les valeurs qui le sous-tendent. Celles-ci n'ont pas changé, à mon avis. J'aimerais entendre l'opinion du Barreau du Québec à ce sujet.
    Inspecteur Joyal, vous dites ceci à la page 3 de votre présentation: « II n'existe pratiquement aucune ressource pour aider les forces policières à s'adapter. »
    Parlez-vous du projet de loi sur la modernisation des techniques d'enquête, qui existait à l'époque du gouvernement libéral précédent, qui a finalement été repris par le gouvernement conservateur et qui a été déposé au mois de juin dernier? Ça devait permettre la modernisation du Code criminel concernant l'écoute électronique, les moyens de communication, Internet, etc. Quand vous parliez de ressources, s'agissait-il de cela?
(1455)
    En effet.
    Vous avez parlé des limites quant à l'obtention des renseignements fiscaux au cours de l'enquête. Vous avez mentionné l'article 462.48 du Code criminel. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur cette question. Toutefois, je vais d'abord demander à Me Battista de répondre.
    Merci, madame Jennings.
    Pour ce qui est de votre première question, j'ai fait allusion à des points importants qui ont été soulignés, mais ce rapport ne comportait pas de recommandations. Il faisait plutôt état de ce que les intervenants avaient fait valoir. À ma connaissance, il n'y a pas eu de suite à cela.
    En ce qui concerne la mise à jour du Code criminel, je pense que c'est une idée louable et que bien des gens, qu'il s'agisse de policiers, d'avocats ou de juges, ne s'y opposeraient pas. Il faut quand même être réaliste. Pour ma part, je dis parfois à la blague que le Code criminel est amendé régulièrement. On fait un sondage pour vérifier si tous les avocats, juges et policiers connaissent bien les articles, puis on les change. Or on ne fait que des ajouts. Pour certains articles, on est rendu à « .72 », et on continue. Il y a beaucoup de lourdeur, et elle est parfois inutile.
    Le Barreau est souvent intervenu non pas pour s'opposer, mais pour rappeler qu'on adopte parfois un projet de loi pour sanctionner un événement particulier et amender le Code criminel, mais que ce dernier, dans certains cas, couvre l'infraction en question. Il n'est peut-être pas nécessaire de l'alourdir.
    L'approche suivante tiendrait compte aussi bien de l'ensemble des infractions fondamentales que de la procédure. Il s'agirait de mettre à jour ce dont je parlais plus tôt concernant la divulgation des preuves, par exemple. Aujourd'hui, la situation est difficile tant pour les procureurs que pour les avocats de la défense et les juges, parce que c'est le juge du procès qui a juridiction quant au contrôle du processus. Or c'est entre le moment de l'accusation et la date du procès que se fait la divulgation de la preuve. Quand les problèmes se manifestent, c'est à ce moment-là. Les juges ne disposent pas nécessairement des outils nécessaires. En effet, il faut que le juge du procès soit désigné. Par exemple, on pourrait prévoir des pouvoirs permettant à un juge d'agir. Les parties seraient ensuite liées par ce genre de jugement.
    C'est un exemple de réforme procédurale qui serait fort utile. Évidemment, cette réforme est un idéal. Je pense qu'il faut aussi être réaliste. Je ne sais pas si c'est dans les cartes, mais c'est certainement un objectif. Au Québec, on a refait le Code civil. C'est donc possible de le faire. Ce serait souhaitable, en fait.
    Merci.
    Inspecteur Joyal.
    Je vais céder la parole à ma collègue Mme Fontaine.
    Comme vous le savez, l'article 462.48 du Code criminel nous permet d'obtenir des renseignements fiscaux reliés à des individus. Par contre, il s'agit uniquement d'exceptions très contrôlées. On parle ici d'infractions reliées à la drogue, d'infractions de terrorisme, d'organisations criminelles ou de blanchiment d'argent relié à la drogue. Ça concerne la corruption et la fraude, de même que tous les autres crimes qui génèrent des profits et sur lesquels nous voulons enquêter, notamment pour établir le train de vie d'une personne en rapport avec l'acquisition de biens découlant d'autres infractions. En cours d'enquête, nous ne disposons pas des outils nécessaires pour obtenir ces renseignements fiscaux fédéraux.
    En outre, c'est une demande ex parte que fait le procureur. Notre fardeau est donc beaucoup plus élevé. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, les gens doivent déclarer leurs revenus, et dans ce sens, c'est contrôlé. Par contre, obtenir ces renseignements fiscaux est beaucoup plus exigeant. Nous ne pouvons pas tenter de les obtenir dès le début d'une enquête. Nous devons avoir accompli beaucoup de travail avant d'être en mesure d'obtenir l'autorisation de chercher ces renseignements. Ceux-ci sont maintenant essentiels dans le cadre de toutes nos enquêtes qui impliquent le blanchiment d'argent, la corruption, la fraude, les stupéfiants et les organisations criminelles.
(1500)
    Merci beaucoup.
     Est-ce qu'il me reste encore du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Ce sera pour le deuxième tour.

[Traduction]

    Passons maintenant à M. Ménard.

[Français]

    Je voudrais passer une semaine avec vous. Je sens que j'obtiendrais toutes les informations dont nous avons besoin pour faire un rapport complet et utile. Malheureusement, on a très peu de temps. Je vous félicite d'être aussi précis dans vos présentations et de ne pas vous recouper, les uns et les autres. Puisqu'on a si peu de temps, je vais vous poser des questions qui appellent des réponses courtes et qui pourraient franchement nous aider à préparer notre rapport.
    Je m'adresserai d'abord à M. Pierre-Paul Pichette, à cause justement du poste qu'il occupe. Si vous deviez informer votre ministre sur l'état des gangs criminels à Montréal et au Québec, vos relevés et analyses d'ensemble ne comporteraient sûrement pas tous des secrets ou des choses ne devant pas être divulguées au grand public. Nous avons constaté déjà qu'à Montréal, il y a les Hells Angels, la mafia, les gangs de rue et certains groupes. Vous avez ajouté, à juste titre, les responsabilités concernant les bandes asiatiques et les anciennes bandes des pays de l'Est.
    Pourriez-vous nous envoyer un résumé par écrit de la situation du crime organisé au Québec et à Montréal en particulier?
    Vous comprendrez, monsieur Ménard, que je dois en référer à des autorités supérieures. Par contre, soyez assuré qu'au Québec, les autorités gouvernementales sont au fait de ce qu'on peut démontrer en matière de renseignements. Il faut que ce soit clair pour tout le monde. De l'information devient du renseignement, mais du renseignement, ce n'est pas de l'enquête. On est en mesure de dresser un portrait global pour les autorités gouvernementales et les organisations policières.
    Avec l'influx et les intrants de toutes les organisations, on dresse un portrait sous la forme d'un rapport global. Cela se fait sur une base annuelle. Selon les problématiques particulières dont on nous fait part ou qu'on relève nous-mêmes, des rapports thématiques sont produits, selon la fréquence.
    Y a-t-il quelque chose qui pourrait être donné à des députés pour étude?
    Je vous en laisse juge, mais soyez sûr que ce serait très apprécié; au fond, c'est ce qu'on recherche ici.
    Monsieur Battista, je comprends parfaitement votre position sur les peines minimales; tout le monde sait ici que je la partage. Cependant, quand j'ai regardé les documents du ministère fédéral de la Justice, je me suis aperçu qu'il avait déjà fait une étude sur les peines d'emprisonnement obligatoires dans les pays de common law. J'ai découvert alors une forme de peine obligatoire que je ne connaissais pas. Encore là, hélas, le vocabulaire n'est pas assez précis.
    Quoi qu'il en soit, il y a deux sortes de peines obligatoires. Concernant les peines minimales comme celles qu'on a au Canada, le juge n'a pas le choix, il doit les donner quand il trouve l'accusé coupable d'une infraction. Il y a aussi des cas où la peine est obligatoire plutôt que minimale. À ce moment, les juges peuvent ne pas infliger la peine obligatoire dans des cas qu'ils estiment exceptionnels, mais ils doivent donner une justification écrite, dans certains pays. Dans d'autres pays, ils doivent mettre cette justification dans le dossier ou la donner en cour ouverte, comme en Écosse.
    Dans notre société, il y a un large éventail d'opinions. Ne serait-ce pas une voie de compromis que le Barreau accepte ce deuxième type de peines obligatoires?
(1505)
    Merci de la question, monsieur Ménard.
    C'est une prise de position importante. Le Barreau a toujours soutenu le pouvoir discrétionnaire des juges et le pouvoir discrétionnaire des poursuivants, également très important. Il ne s'agit pas simplement du pouvoir discrétionnaire des juges. Pour une justice efficace et pour être justes, ceux qui poursuivent, y compris les policiers, doivent aussi avoir un pouvoir discrétionnaire. Tous les intervenants doivent avoir la capacité d'utiliser leur bon jugement dans les circonstances.
    Ce que vous dites est certainement une piste à évaluer, surtout s'il faut toujours absolument penser en fonction de sanctions automatiques. Le problème, c'est que la sanction automatique élimine la discrétion de tous les intervenants. Par exemple, même aux États-Unis, on a élaboré des guidelines qui ont été fortement critiqués par tous les intervenants du milieu, même le milieu judiciaire. Il s'est développé une jurisprudence voulant que lorsque les partis y consentent, le juge peut s'écarter des lignes imposées.
    Si je peux me rabattre sur un principe, ce serait celui de la discrétion, que nous avons toujours favorisé.
    Je comprends les nuances. Comprenez le peu de temps que j'ai.
    Je voudrais m'adresser maintenant à M. Joyal.
    Vous avez parlé du rôle des juricomptables. Est-ce vous ou quelqu'un d'autre qui en a parlé?
    Oui, c'est moi.
    Est-ce qu'effectivement on en utilise? Y en a-t-il qui sont permanents? Peuvent-ils être intégrés à des escouades policières en matière de poursuites en cas de fraude?
    Je sais qu'il y en a une cinquantaine au gouvernement fédéral et, très étrangement, ils sont au ministère des Travaux publics.
    Je peux répondre en partie, monsieur Ménard.
    Effectivement, on adopte une démarche intégrée.
    Comme vous le savez, on n'a pas toute l'expertise dans tous les domaines. On va chercher à avoir accès à des personnes qui ont effectivement étudié dans le domaine. Par exemple, dans le domaine de ma collègue, soit l'Unité mixte des produits de la criminalité, c'est certain que la complexité nous force à avoir accès à ces gens. D'une façon intégrée, ils font effectivement partie de nos équipes. S'ils ne sont pas intégrés, on va avoir accès à eux.

[Traduction]

    C'est maintenant à M. Comartin d'intervenir.

[Français]

    Est-ce que je pourrais compléter la réponse?
    Depuis 1994, depuis la formation des UMPC, les Unités mixtes des produits de la criminalité, nous avons des juricomptables à part entière au sein de l'équipe et il y en a dans toutes les unités au Canada. Ils travaillent avec nous. C'est entendu qu'ils sont juricomptables-experts. Ils doivent garder une distance par rapport à nous parce qu'ils donnent des opinions d'experts.
    Par contre, ils font partie intégrante de notre unité et de nos enquêtes. Nous travaillons en partenariat. Ils sont de Travaux publics, mais ils sont là à part entière. Par exemple, à Montréal, nous en avons sept.

[Traduction]

    Merci.
    M. Comartin disposera maintenant de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins présents.
    Je me posais une question ce matin et je vais vous la poser.
    Quelques-uns d'entre vous croient qu'il est très important de saisir les biens des membres du crime organisé. Cependant, on a passé une loi en 2005 — je pense — qui a pris force de loi en 2006. On a renversé le fardeau de la preuve. Pourtant, on appris ce matin qu'elle n'était pas utilisée, et la seule raison qu'on a apportée, c'est que les avocats de la Couronne et de la défense s'entendent pour quelle ne soit pas utilisée.
    Si c'est si important de saisir ces biens, pourquoi n'utilise-t-on pas la loi davantage?
(1510)
    La loi prévoyant le renversement du fardeau de la preuve a été adoptée le 25 novembre 2005. Nous avons utilisé certaines dispositions de cette loi pour aller chercher des ordonnances de blocage dans quelques dossiers, dont le dossier de l'opération Colisée. Par contre, à la suite du règlement, cette loi n'a pas encore été contestée. Il faut que vous réalisiez que le renversement du fardeau de la preuve nous aide, mais ne change pas grand-chose dans la vie de tous les jours des policiers. En effet, ainsi que la loi est formulée, on doit démontrer hors de tout doute raisonnable que l'individu est propriétaire du bien. Donc, que ce soit par comportement criminel répété ou par acquisition de patrimoine, on doit être en mesure de démontrer que ces biens appartiennent à l'individu.
    Comme mon confrère l'inspecteur Denis Morin l'a dit, et comme nous-mêmes l'avons dit, les gens ont appris et se départissent des biens à leur nom. Alors la complexité des enquêtes tient au fait qu'il faut démontrer que l'individu possède des biens alors que, selon le registre foncier, la propriété appartient à sa femme, à sa fille, à son frère, à son père ou à sa défunte mère ou que, la voiture est une voiture de location. Les comptes bancaires sont cachés derrière des compagnies, des fiducies, parce que les criminels ont appris à se mettre à l'abri derrière des fiducies. Oui, c'est une bonne loi, sauf que les individus ont réussi à la contourner.
    Avez-vous des recommandations, à savoir comment on pourrait la changer afin qu'elle soit efficace? Je le demande, parce que je suis avocat et que dans les cours civiles, en cas de mariage suivi de divorce, on peut réclamer les biens même s'ils sont cachés, s'ils sont placés sous d'autres noms, sous celui d'autres personnes, par exemple le père d'une des personnes. C'est possible de le faire dans les cours civiles.
    Dans le Code criminel, comme vous le savez, on ne peut pas forcer les gens à nous parler, et les individus ne sont pas portés à dire qu'ils sont les propriétaires des biens ou qu'ils ont des propriétés. Ils ont appris à mettre une distance entre eux et les biens en question.
    Je comprends cela, madame.
    Monsieur Brabant, pouvez-vous nous aider? Vous êtes un avocat.
    Avez-vous étudié cela? Avez-vous des recommandations, à savoir comment on peut changer la loi pour qu'il soit plus facile de l'utiliser?
    Je sais qu'il y a eu des discussions. Il serait intéressant de revoir les travaux qui ont été faits lors de la discussion du projet de loi et les travaux préparatoires également. Des choix ont été faits à ce moment-là concernant le fardeau de la preuve. Je crois qu'on n'a pas retenu la version la plus libérale.
    Je suis d'accord avec l'inspecteur Fontaine sur le fait que ce que nous constatons — et l'inspecteur Morin pourra vous le dire aussi —, c'est que le renversement du fardeau de la preuve, au Québec en tout cas, n'est tout simplement pas utilisé. C'est donc qu'il y a un problème du côté, fort probablement, des conditions qui vous ont été mentionnées. Cela mériterait peut-être qu'on revoie les choix qui ont été faits justement quand on a voulu que soit renversé le fardeau de la preuve.
     Il y a différents moyens qu'on peut utiliser qui demeureraient, à mon sens, constitutionnels: par exemple, si on parlait d'un fardeau de persuasion plutôt que d'un fardeau hors de tout doute raisonnable. Vous savez, c'est ce genre de fardeau qui existe déjà dans le Code criminel, à d'autres égards. Ce sont des choses qui peuvent être envisagées.
    Vous savez, le fardeau civil dont vous parliez, c'est aussi une piste. Comme je vous le dis, des choix ont été faits. À l'heure actuelle, ce n'est pas utilisé.
    Il existe un problème au sujet de la divulgation d'informations, entre la défense et les procureurs. Cela continue d'être un problème.
    Monsieur Battista, sommes-nous en période de transition? Aurons-nous assez de juges pour gérer tous les dossiers à ce sujet? Il y a parfois des centaines et des milliers de pages, au sujet desquelles les juges devront décider. C'est aussi un problème pour la défense, mais y a-t-il une autre manière de procéder?
     Lorsque j'étais avocat, on a entrepris, à l'aide d'ordinateurs — une technologie nouvelle —, de gérer les documents de cette manière quand on avait de grandes enquêtes. Ne serait-il pas possible de faciliter la démarche?
(1515)
    Je pense qu'il y a un élément relativement nouveau. Au Québec, au cours des dernières années, on a vécu ce qu'on a commencé à appeler les mégaprocès. C'est là une façon nouvelle de gérer et d'organiser le travail des gens qui s'occupent des poursuites criminelles.
    La gestion de cette information et de cette documentation requiert une certaine expertise, que la pratique fera évoluer. Sur le plan procédural, la difficulté est que lorsque des problèmes se posent, ils ne peuvent pas toujours être réglés de façon simple. On ne peut pas aller tout simplement devant un juge. Il faut se présenter devant le juge qui est saisi de l'affaire. Aujourd'hui, le procès de ces affaires ne peut pas commencer le lendemain, ni pour la poursuite ni pour l'accusé; c'est impossible et inconcevable. La personne vient d'apprendre qu'elle est accusée et qu'elle a fait l'objet d'une enquête de quatre ans. Il faut en tenir compte et que le système s'y ajuste. Il y a un élément d'apprentissage et d'organisation.
    D'ailleurs, il y a deux semaines, à Montréal, il y a eu une conférence organisée par les juges de la Cour supérieure et de la Cour du Québec pour sensibiliser les avocats, tant de la poursuite que de la défense, et pour qu'on échange sur ces questions. Effectivement, il y a des difficultés surtout dans les grands dossiers, ceux qui nous occupent ici. Les dossiers quotidiens ne posent pas de problèmes. Les grands dossiers posent des problèmes également aux poursuivants parce que de l'information importante leur est fournie, qu'ils doivent analyser et organiser, pour ensuite la divulguer. Ceux qui la reçoivent doivent être en mesure de réagir face à cela.
    Il y a un phénomène double. D'une part, plus la divulgation de la preuve est faite de manière cohérente et structurée, plus elle facilite le règlement des dossiers. Il y a des causes qui vont à procès, et des procès de longue durée, mais il y a eu aussi énormément de dossiers qui se sont réglés par des plaidoyers de culpabilité parce que le travail policier...

[Traduction]

    Monsieur Battista, je vais devoir vous interrompre.
    Je suis désolé.
    Nous allons passer à M. Petit. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour tout le monde. Je connais plusieurs d'entre vous, car vous avez déjà témoigné devant nous.
    Je vais vous faire un petit résumé parce qu'on essaie de synthétiser ce qu'on appelle le problème du crime organisé. On voyage à différents endroits, dont à Montréal, notre point de chute dans la province de Québec. Ma question s'adresse à MM. Morin et Battista.
    Si vous avez un certain âge, vous êtes au courant de la Commission d'enquête sur le crime organisé au Québec, la CECO, ainsi que de la Commission Cliche. Vous avez connu les guerres de gangs avec des bombes et les dernières arrestations de mafiosi. Actuellement, il y a environ 36 gangs de rue identifiées à Montréal. Il y a aussi les journaux qui nous fournissent de l'information; je parle de journaux que tout le monde connaît. Il y a un problème au port de Montréal, où la drogue entre par container, comme on le dit. Il y a aussi des problèmes à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Tout cela met en cause le crime organisé. En plus, l'ONU vient de déclarer que le Canada est la plaque tournante pour l'ecstasy; c'est nous qui avons besoin le plus d'ecstasy. Tout cela se passe au Québec. Je ne parle pas des autres provinces. C'est pour cela que je m'adresse à vous.
    Je suis avocat au Québec et membre du même Barreau que M. Battista; je suis encore membre, soit dit en passant. Vous avez insisté sur un point important: les facilitateurs. Je suis à la fois curieux et très prudent à ce sujet. Le Barreau s'est déjà prononcé là-dessus. Vous savez qu'il y a une guerre de mots entre le Barreau du Québec et votre organisation. Ils disent qu'on veut leur faire trahir leur secret professionnel.
    On doit faire des recommandations. Il y a les fiducies d'avocats ou de notaires, les banques et les banquiers qui relèvent aussi du fédéral, les comptables et les syndics de faillite, de même que les fonctionnaires véreux. Il s'agit tous de professionnels ayant un titre.
    Notre ordre professionnel est pas mal plus vieux que la Sûreté du Québec, et on a des pouvoirs et des privilèges. Je voudrais savoir ce que vous voulez.
(1520)
    Tout d'abord, on ne parle pas de secret professionnel. On ne s'attaque pas aux professionnels. Ce dont on parle dans l'allocution que nous avons présentée, c'est du fait que présentement, les membres de certains ordres professionnels sous soumis au secret professionnel. Cela fait en sorte de nous compliquer beaucoup la vie lorsqu'on veut mener des enquêtes et que certaines personnes, visées par l'enquête, ont droit au secret professionnel. On ne veut pas dire que cela ne devrait pas exister. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait peut-être revoir les normes, lorsqu'on doit viser des personnes par des mandats, des mandats de perquisition ou des affidavits d'écoute électronique, entre autres.
    J'ai une deuxième question. Si vous êtes capables de faire ce dont M. Brabant parlait tout à l'heure — et qui représente un problème —, c'est-à-dire la preuve inversée, le renversement du fardeau de la preuve, et de persuader le juge au procès que le professionnel a, ou aurait, reçu des fonds à un certain moment, etc., le juge pourrait-il ordonner la levée du secret professionnel dans ce cas? Seriez-vous prêts à aller jusque-là?
    Cela se fait dans le cadre d'enquêtes. Par contre, pour en arriver là, la tâche est vraiment très compliquée et ardue et on perd beaucoup de temps d'enquête lorsqu'on entreprend ces processus.
    Monsieur Battista, je suis avocat aussi. J'ai un compte en fiducie, alors j'aimerais vous entendre en parler.
    Je voudrais peut-être saisir la portée de votre question à cet égard. En effet, j'ai compris, dans les propos qui ont été tenus, une certaine nuance, c'est-à-dire qu'on ne remet pas en question l'idée même du secret professionnel ce qui, à mon sens, toucherait tout le système de justice et les droit de tous les citoyens. Ce qu'il y a de particulier, ce qu'on dit, c'est que c'est peut-être plus difficile et que cela requiert peut-être des enquêtes plus approfondies.
    Je vous dirais qu'il y a une certaine rationalisation derrière cela. Il faut présumer de la bonne foi des gens et présumer que la majorité des professionnels agissent de manière convenable et correcte. Lorsqu'on croit qu'un professionnel agit de manière criminelle — car c'est de cela qu'il s'agit —, le secret professionnel ne s'applique pas à ce genre de transactions.
    Cependant, cela peut être difficile. En effet, à première vue, il peut s'agir d'un professionnel qui a un cabinet, s'il est avocat par exemple. Alors, en apparence, tout semble légitime. J'ai compris à partir des propos échangés que parfois, des professionnels qui s'adonnent à ce type de pratique ne s'adonnent pas uniquement à ce type de pratique. C'est plus facile pour nous si un avocat ne commet que des actes illégaux, c'est plus simple. Lorsque c'est mêlé à des mandats légitimes, c'est plus délicat. De là l'importance de la protection, des sauvegardes que notre système a mises en place. La protection du secret professionnel vaut pour les autres clients, elle vaut pour les autres personnes que ce professionnel représente. Donc, quand il y a des raisons de croire qu'un professionnel agit dans des dossiers particuliers de manière criminelle, soit volontairement soit à son insu, il est possible d'obtenir des mandats de perquisition ou d'enquêter sur ces cas, sauf qu'il faut faire valoir des motifs raisonnables de le croire, évidemment.
    Je comprends que cela peut être difficile. Je ne mets pas cela en doute, d'où le premier élément de mon intervention. Je ne crois pas que nous soyons devant pareilles situations. J'ai bien écouté les présentations qui ont été faites, et je crois que c'est parfois une question de ressources et de moyens. Il est difficile de regrouper et de retrouver des éléments suffisants pour convaincre un tribunal, pour convaincre une cour et des personnes, et j'en suis. C'est une question de ressources et de moyens. Cela ne se résout pas par des amendements au Code criminel, à mon avis.
(1525)

[Traduction]

    Merci.
    Passons de nouveau à Mme Jennings.

[Français]

    Je me limiterai à une période de cinq minutes.
    Inspecteur Morin, pour revenir justement sur un sujet, je vous poserai la même question que j'ai posée à l'inspecteur Joyal et à l'inspecteur Fontaine. Cela concerne la modernisation des moyens ou des techniques d'enquête, par le projet de loi du gouvernement.
     Avez-vous eu l'occasion d'en prendre connaissance? C'est plus ou moins identique au projet de loi que le gouvernement libéral avait déposé à la Chambre en 2005, et que j'ai moi-même déposé en tant que projet de loi privé, en 2006-2007 et, de nouveau, en 2008.
    Croyez-vous que, si ce projet de loi était adopté, cela faciliterait le travail d'enquête que vous avez à faire, surtout en ce qui concerne les questions de blanchiment d'argent, de prête-noms, et en ce qui concerne les gens liés au crime organisé? Certains ne font pas nécessairement partie du crime organisé, mais ils sont en train de commettre des fraudes de grande ampleur. Ils sont capables de cacher leurs avoirs et de les mettre justement à l'abri des dispositions du Code criminel, de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Croyez-vous que, si cette loi était adoptée, elle pourrait être utile?
    Je vous remercie de la question, madame Jennings.
    La Sûreté du Québec et, bien sûr, ses officiers supérieurs sont membres de l'Association canadienne des chefs de police. Celle-ci fait valoir depuis plusieurs années — une dizaine d'années, sauf erreur  — l'importance de moderniser les techniques d'interception des communications et de faire en sorte que les fournisseurs de services de télécommunication aient la possibilité ou la capacité de permettre aux policiers d'intercepter les communications, lorsqu'ils disposent d'une autorisation judiciaire.
    Pour répondre à votre question, je dirais il existe à l'heure actuelle certaines technologies de communication au sujet desquelles nous devons faire du rattrapage, parce que les communications sont difficiles à intercepter. Le projet de loi C-47, dont vous parlez et qui a eu un prédécesseur — le projet de loi C-74 qui a été repris par la suite —, vient régler un vieux problème qui a d'ailleurs été mentionné dans la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité —, de Budapest. Nous appuyons sans réserve ce projet de loi.
    Excellent.
    Toutefois, est-ce que...
    La réponse est oui. De fait, s'il existe des safe havens, des sanctuaires, où les communications ne peuvent pas être interceptées, il est certain que des activités criminelles ne peuvent pas être détectées, incluant celles qui consistent à recycler de l'argent.
    Merci.
    À présent, j'ai une question pour M. De Riggi.
    Il y a eu la mise sur pied des Équipes intégrées de la police des frontières, les EIPF, concernant la border enforcement. Cela existe-t-il toujours?
    Cela existe toujours. C'est toujours en vigueur, et nous avons du personnel prêté et placé dans ces équipes intégrées, qui travaillent conjointement avec la Gendarmerie royale du Canada et d'autres partenaires. Les agents travaillent ensemble dans les endroits que j'ai mentionnés: Valleyfield, Sherbrooke et Stanstead. Ce sont les trois endroits principaux au Québec.
    Est-ce que le CANAFE, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, en fait partie?
    Non, pas à ma connaissance.
    Le CANAFE est plutôt lié aux Unités mixtes des produits de la criminalité, avec qui il travaille conjointement.
    À ces endroits, le travail consiste plutôt de recueillir conjointement des renseignements afin d'évaluer la contrebande et la criminalité présentes le long de la frontière.
    À un certain moment, il pourrait y avoir des cas où le CANAFE devrait avoir une certaine...
    Au moment où il y a interception de devises par un agent des services frontaliers, dans un poste communément appelé « de douane » ou « de frontière », un accord est déjà signé avec l'Unité mixte des produits de la criminalité. Un enquêteur de cette unité se déplace, à tout moment, avec un de nos agents de renseignements, se saisit du dossier et procède à un interrogatoire des sujets interceptés avec des devises dissimulées, soit dans le véhicule ou sur leur personne. Ce n'est pas les EIPF qui sont en charge de ce type d'affaires.
(1530)

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Ménard.

[Français]

    Je voudrais de nouveau vous poser une question, monsieur Pichette. Je sais que votre service existe depuis 2001. Y a-t-il un formulaire d'évaluation de vos services? Dans certaines entreprises, cela existe. On a certains questionnaires que l'on diffuse auprès du personnel ou des gens qu'on dessert. Y en a-t-il chez vous?
    Oui, le service, par l'entremise du service d'inspection du ministère de la Sécurité publique, le Service du renseignement criminel du Québec a eu un processus d'audit, en 2005 ou 2006. Vous me permettrez le manque de précision. Dans le cadre des orientations 2009-2011 du service, qui viennent d'être adoptées, un processus d'évaluation continue a été proposé et a déjà été entrepris.
    Quels sont les résultats?
    En 2005 et 2006 — parce que je ne peux pas vous parler de l'avenir —, l'enjeu principal, monsieur Ménard, allait au-delà des systèmes. Il s'agissait des individus, de la capacité des individus de maintenir des relations avec le citoyen, de recueillir l'information et de l'envoyer au bon endroit pour qu'elle soit interprétée. C'est dans ce domaine qu'on travaille de façon continue avec les organisations policières. On tente d'inculquer une culture du renseignement au sein des organisations. On appuie les organisations dans la mesure de nos capacités.
     Il ne faut pas que vous perdiez de vue qu'au Québec, comme M. Morin l'a expliqué, les services de niveau supérieur ont déjà des structures de renseignement très élaborées qui fonctionnent bien. Le SRCQ appuie principalement les organisations de niveaux 1 et 2.
    Vous serez heureux de savoir qu'un témoin, ce matin, nous a dit que la collaboration entre les différentes forces policières du Québec faisait exemple au Canada. Personnellement, je pense que c'est un exemple dans le monde. J'en suis extrêmement heureux.
    À présent, au cours des techniques d'enquête, quand vous suivez quelqu'un pendant des mois — je ne sais pas qui peut répondre à cela —, est-ce qu'effectivement, il est systématique de noter quelle automobile cette personne utilise, où elle couche, où elle mange, dans quel restaurant elle va?
     De cette façon, on pourrait évaluer, le jour où on la fera condamner, quel est son train de vie et, par conséquent, quels sont les biens qu'elle utilise et qu'on pourrait saisir. On pourrait demander aux gens qui prétendent être propriétaires de ces biens de démontrer qu'ils ne le sont pas. Est-ce qu'on fait cela systématiquement ou est-ce qu'on se contente seulement des observations nécessaires à la poursuite de l'enquête en cours?
    Voici la façon dont on procède dans le moment, lorsqu'on fait une filature ou tout genre de surveillance d'individus: toutes les informations sont envoyées à nos banques de renseignements et placées dans nos tableaux de preuve pour gérer la preuve. Nous avons aussi des tableaux de preuve. Elles sont donc envoyées aux deux endroits pour qu'ainsi on s'assure d'avoir le portrait global lorsque vient le temps d'accuser quelqu'un, de bloquer des activités ou de saisir des biens.
    Prenons le cas, par exemple, d'une personne qui conduit une automobile, un beau VUS ou un 4x4. Ne pensez-vous pas que le fait qu'elle utilise régulièrement ce véhicule soit une preuve devant le juge que, probablement, le vrai propriétaire est un prête-nom?
    Dans les dossiers, c'est effectivement inscrit, mais c'est toujours au juge de décider. Ce qui arrive souvent, c'est que lorsqu'un suspect se promène avec un véhicule qui est à sa femme ou à un de ses amis, on va aller démontrer en cour qu'effectivement, le véhicule appartient à l'accusé. On va démontrer, entre autres, qu'il l'utilise toujours, que c'est lui qui l'emmène au garage pour les réparations, qu'il paie l'entretien. Cela sera fait, mais ce n'est pas toujours aussi facile dans tous les cas.
    C'est vrai que le véhicule pourrait aussi être loué.
    Effectivement.
    Monsieur Battista, on doit beaucoup discuter entre nous si on veut améliorer la formule. On se demande si on doit faire désigner des organisations comme étant criminelles. En effet, c'est très compliqué de faire cela dans chaque cause. Il y a toutes sortes de problèmes. De toute façon, vous semblez en être parfaitement conscient.
    Le fait d'utiliser des déclarations selon lesquelles une organisation est criminelle, déclarations qui ont été faites devant un tribunal, et de se servir de cela dans d'autres causes, contrevient-il à des principes auxquels le Barreau tient particulièrement, ou qu'il juge essentiels pour le bien de la société en général?
(1535)
    C'est une bonne question, monsieur Ménard. Je vais être franc avec vous. J'ai peut-être une opinion personnelle à ce sujet, mais je ne l'exprimerai pas. C'est quelque chose qui devrait probablement faire l'objet d'une discussion au sein de notre comité, auquel siègent également des procureurs de la Couronne, des avocats, dont Me Brabant, et d'autres. Évidemment, ces comités du Barreau fonctionnent par consensus, et on partage les points de vue. Certainement, c'est une question qui peut faire l'objet d'une discussion, mais je n'oserais pas me prononcer maintenant.
    Vous savez, monsieur Battista, nous sommes heureux...
    C'est fini?

[Traduction]

    Le temps est écoulé. Oui, c'est bien terminé.

[Français]

    Bon, d'accord.

[Traduction]

    Nous débattons justement de cette question en comité, soit toute la question de la désignation d'organisation criminelle. Nous n'avons pas encore présenté notre rapport, mais ce ne sera pas long.

[Français]

    Monsieur le président, nous serions heureux d'entendre son opinion personnelle, qui aurait une certaine valeur.

[Traduction]

    Ce pourrait être risqué pour lui de s'aventurer.
    Passons à M. Norlock.
    En fait, c'est au tour de M. Rathgeber.
    Vraiment? D'accord.
    Monsieur Rathgeber.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, mesdames et messieurs. Je vais m'adresser à vous en anglais.

[Traduction]

    Monsieur Brabant, je suis en désaccord avec vous concernant votre opposition aux peines minimales obligatoires. J'espère avoir bien compris, par l'interprète, que votre opposition à ce concept découle de la réduction conséquente du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Vous favorisez un pouvoir discrétionnaire absolu. Ai-je bien compris?
    Vous pouvez parler de pouvoir judiciaire discrétionnaire absolu, c'est une façon de voir les choses. J'ai toujours favorisé le pouvoir judiciaire discrétionnaire. En d'autres mots, la détermination de la peine est un processus qui permet aux tribunaux de sanctionner un particulier, pas une momie, mais une personne. Les juges ont besoin de toute la latitude possible. Si le Code criminel prévoit une peine allant de la non-incarcération à la peine d'emprisonnement à vie pour une infraction donnée, c'est la marge de manoeuvre dont devrait disposer le juge pour ce type d'infraction. Même chose si la loi prévoit de zéro à dix ans d'incarcération. Le juge peut en imposer dix, comme il pourrait ne pas en imposer du tout.
    Dans les cas où il serait approprié de ne pas incarcérer quelqu'un, les peines minimales obligatoires forcent les juges à imposer une peine d'emprisonnement, et c'est ce à quoi je me suis toujours opposé.
    Je comprends.
    Nous y sommes tous opposés.
    Vous opposez-vous également aux peines maximales qui réduisent le pouvoir discrétionnaire du juge au moment de rendre sa sentence? Si vous défendez un pouvoir discrétionnaire absolu, vous ne devriez pas non plus permettre le maximum. C'est l'argument que j'invoque, et c'est pourquoi je pense que votre raisonnement ne tient pas la route.
    Rappel au Règlement.
    Mme Jennings invoque le Règlement.
    Je tiens à vous rappeler, par l'entremise du président, que Me Battista représente le Barreau du Québec, et par conséquent, la position qu'il défend est celle à laquelle le Barreau a souscrit au sein de son comité sur le droit pénal. Il a signalé qu'il pouvait avoir une opinion personnelle sur divers sujets ayant été abordés ici, mais que la position qu'il défend est celle du Barreau du Québec. Je veux que cela soit clair.
    Lorsque M. Rathgeber dit « vous », je ne sais pas s'il fait référence au Barreau du Québec ou à Me Battista.
    Un instant. On a invoqué le Règlement à cet égard. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un véritable rappel au Règlement, mais puisque M. Battista est avocat, il comprendra que lorsqu'il répond à M. Rathgeber, il doit lui laisser savoir s'il parle en son nom personnel, ou au nom du Barreau.
    Monsieur Rathgeber, veuillez continuer.
(1540)
    Je comprends que le témoin représente le Barreau, mais j'attends toujours sa réponse.
    En droit pénal, des peines maximales sont imposées par le législateur pour insister sur la gravité d'une infraction particulière. C'est la raison d'être des peines maximales. Elles permettent de différencier les infractions, les crimes. Par exemple, il y a toujours eu des seuils. Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit, il se situait à 200 $, puis il est passé à 1 000 $. Il se situe maintenant à 5 000 $, parce que la société évolue. Le législateur avait établi qu'on devait traiter l'infraction différemment selon qu'elle dépassait ou non le seuil des 200 $.
    Dans le cas de voies de fait causant des lésions corporelles...
    Dans ce cas, pourquoi le législateur ne pourrait-il pas aussi imposer une peine minimale appropriée? Pourquoi serait-ce différent pour une peine maximale?
    Ce qui me trouble dans votre raisonnement, c'est que ce n'est pas le pouvoir judiciaire discrétionnaire qui vous inquiète, mais l'impression, qu'au bout du compte, les peines seraient trop sévères. Je pense qu'il est hypocrite de dire le contraire.
    Évidemment, vous avez droit à votre position sur la question, et je me battrai pour que vous ayez le droit de l'exposer et de la maintenir. Toutefois, traditionnellement, je pense qu'il y a une distinction très nette qui a été établie entre les peines maximales qui qualifient les infractions et les peines minimales qui limitent le pouvoir judiciaire discrétionnaire. C'est bien là l'objectif des peines minimales: ne pas laisser au juge d'autre choix.
    C'est l'objection que nous faisons valoir à cet égard.
    J'imagine que, étant donné l'intervention de Mme Jennings, mes cinq minutes sont écoulées.
    Il vous reste une minute.
    Inspecteur Morin, pourriez-vous parler rapidement des organisations professionnelles qui favorisent le crime organisé?
    Hier, le gouvernement a déposé une mesure législative pour que dans les poursuites intentées contre des criminels à cravate, on considère comme facteur aggravant le fait que le contrevenant a négligé de se conformer aux règles d'attribution des permis prévus par les normes professionnelles de son organisation. Je ne sais pas si vous saviez que cela devient un facteur aggravant dans la détermination de la peine. Croyez-vous que cet outil supplémentaire sera utile aux policiers?
    Évidemment, comme le disait M. Morin, les organisations criminelles ont recours à ces professionnels justement parce qu'ils sont liés par le secret professionnel et par d'autres particularités. Or, s'ils sont liés par le secret professionnel, c'est qu'ils doivent assumer des responsabilités particulières à l'égard de la société; s'ils en abusent, je pense que des mesures devraient être prises. Nous ne sommes pas législateurs, mais des dispositions devraient être ajoutées au code pour reconnaître la gravité de ces actes.
    Merci beaucoup.
    Passons à Mme Jennings.
    Merci.
    Sachez que nous avons un excellent président qui ne tient pas compte des rappels au Règlement dans le calcul du temps qui vous est alloué. Je suis prête à prendre une partie des cinq minutes qui me sont attribuées pour l'expliquer aux membres du comité, afin qu'ils ne craignent pas que j'invoque le Règlement pour accaparer leur temps de parole.
    J'aimerais revenir à la question du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Je pense que je le comprends et je l'appuie tout à fait. Toutefois, je sais que — et certaines études le démontrent —, dans certains cas tout à fait exceptionnels, les peines minimales obligatoires peuvent avoir un effet dissuasif et des résultats positifs. Or, ces cas sont très peu nombreux et de portée extrêmement réduite, et c'est pourquoi mon ancien patron, l'ancien ministre de la Sécurité publique du Québec, lorsqu'il parle des deux forums dans les pays du Commonwealth...
(1545)

[Français]

    On peut régler ça.

[Traduction]

    Votre comité s'est-il penché là-dessus?
    Malheureusement, non.
    Est-ce que nous pourrions vous demander de faire la recherche et de nous fournir ces renseignements? Je pense que c'est une question qui mérite d'être examinée. Si jamais nous pouvions convaincre le gouvernement de faire une véritable réforme de notre système pénal, ce qui suppose un remaniement en profondeur du Code criminel pour le faire entrer dans le XXIe siècle, on pourrait peut-être disposer d'un outil qui pourrait nous servir pendant quelques décennies avant d'avoir besoin de modifications importantes. Ce serait intéressant de vérifier cela.
    Je suis certainement prêt à faire cela.
    Merci.
    D'ailleurs, pour les fins du compte rendu, je vous signale que n'importe quel témoin peut envoyer de l'information complémentaire à la greffière qui la fera traduire avant de la distribuer à tous les membres.
    Monsieur Comartin.
    À ce sujet, on a mentionné à quelques reprises le rapport de la table ronde de 2002 et j'aimerais demander à M. Battista de nous en fournir un exemplaire. Je ne sais pas comment nous pourrions le trouver autrement.
    Est-ce que nous l'avons? Est-ce que c'est traduit? Probablement pas.
    Nous passons maintenant à M. Norlock. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie infiniment nos témoins d'être venus aujourd'hui. C'est très instructif.
    Je pense que je dois adresser ma question à M. Brabant. J'aimerais revenir à la question des outils que vous croyez que les enquêteurs doivent avoir, compte tenu surtout de la complexité du crime organisé. Je pense que vous parliez notamment du secret professionnel de l'avocat — eh bien, pas nécessairement de l'avocat; il pourrait s'agir d'un comptable agréé ou d'un autre professionnel. En ce qui concerne ce genre de profession — il pourrait s'agir d'une société ou d'une personne qui sert à blanchir les produits de la criminalité — je pense que c'est vers cela que nous nous dirigeons.
    Je ne crois pas que quiconque ait l'intention de réduire la capacité des professionnels à protéger leurs clients, mais je pense que vous faisiez allusion aux outils, particulièrement aux outils législatifs, qui permettraient à la police d'obtenir des preuves. Or, en même temps, je me demande si vous parlez d'une décision judiciaire sur la question de savoir si un élément de preuve enfreint ce genre de privilège. Est-ce cela que vous voulez dire? J'imagine qu'il faudrait nous donner plus de précisions à ce sujet afin que nous puissions formuler une recommandation plus complète en ce qui concerne un outil que les enquêteurs pourraient utiliser, tout en respectant ces privilèges dont nous dépendons en tant que société.
    Eh bien, tout d'abord, cela demande mûre réflexion. Tout à l'heure, en réponse à une question de Mme Jennings, j'ai parlé d'un outil qui permettrait d'améliorer nos capacités d'interception.
    Ce que je voulais dire, c'est que nous devrons envoyer un message car trop souvent, lors d'importantes enquêtes sur le blanchiment d'argent, nous avons affaire, tôt ou tard, à un professionnel ou à une personne spécialisée ou très qualifiée et les criminels recherchent ces personnes. Nous pensons que ces personnes ont une responsabilité spéciale envers la société. Lorsque nous déterminons qu'elles ont participé à de tels crimes, je pense qu'il faut dire à l'ensemble de la collectivité que c'est pire lorsque de telles personnes participent à ces activités.
    Maintenant pour ce qui est des outils relatifs aux secrets professionnels, nous allons devoir y réfléchir car à l'heure actuelle, comme vous le savez, les règles sont assez rigides.
(1550)
    La plupart du temps, il s'agit de professions qui s'autoréglementent. En d'autres mots, les médecins, les avocats et les comptables agréés créent en général ces règles, ces codes de déontologie — je pense que c'est le mot qu'il faut utiliser. C'est donc très difficile pour les législateurs, c'est un terrain semé d'embûches.
    Je suppose que ce que j'essaie de dire c'est que si vous vous adressez à nous, nous de notre côté, nous vous demandons de nous donner les idées que nous pouvons intégrer. C'est bien beau de réprimander les professionnels, mais il faut faire un peu plus que cela.
    L'un des éléments de preuve, ou l'une des déclarations... je crois que c'était M. De Riggi qui a parlé du lien entre la vente illégale de tabac et le crime organisé. Est-ce que c'était l'ASFC? Quelqu'un l'a mentionné. Excusez-moi, c'était l'inspecteur Joyal. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet car, honnêtement, dans plusieurs régions du pays et, en particulier, dans ma circonscription, ça commence à devenir un grave problème. Je ne pense pas que les gens qui participent à ce trafic comprennent réellement que le crime organisé se sert d'eux et qu'un jour ou l'autre, ce sont leurs fils et leurs filles qui vont en payer le prix.
    Je me demande si vous pourriez étoffer cela un peu plus, si vous pourriez nous expliquer la piste, où elle commence, et quel est le rôle du crime organisé dans cette affaire.
    Il vous reste 30 secondes.
    Comme je le disais, je faisais allusion à un projet donné, le projet Machine. Les membres de bandes de motards, comme les Hells Angels, se sont lancés dans la production, la distribution et l'exportation de tabac. Cela prouve qu'ils ne s'occupent pas simplement de drogues. On les retrouve là où il y a de l'argent à faire. Ils embauchent des gens et leur versent des salaires pour produire des quantités immenses de tabac tout en sachant qu'il sera distribué, un peu partout sans que les taxes soient payées.
    Une partie de cet argent sert également à financer d'autres activités criminelles. Par exemple, la production et le trafic de marijuana n'est pas une fin en soi. La plupart du temps, l'argent tiré de cette activité criminelle, la production de marijuana, est investi dans l'organisation d'importations massives de cocaïne ou d'autres drogues.
    Tout est interrelié. Comme nous le disions tous, on les retrouve partout où il y a de l'argent à faire.
    Il nous reste juste assez de temps pour une dernière question. Monsieur Woodworth, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Comme M. Ménard, j'aimerais que cette discussion dure toute la journée, mais je ne dispose que de quatre minutes et demie.

[Traduction]

    Je vais prendre 30 secondes pour répondre à M. Rathgeber, monsieur le président, pour lui dire que je pense qu'en plus de la dissuasion, il est tout à fait raisonnable que le législateur fasse une distinction entre la gravité des infractions en prévoyant des peines minimales pour susciter la confiance envers le système de justice et reconnaître les préoccupations des victimes. Je pense que ces raisons, en plus de la dissuasion, donnent au législateur le droit de faire des distinctions entre la gravité des infractions.
    Cependant, mes questions s'adressent aux inspecteurs Joyal et Morin. J'ai pris note des préoccupations que vous avez tous les deux exprimées au sujet des facilitateurs. Je ne suis pas sûr si j'ai bien noté l'expression, mais vous avez parlé des hommes de paille.
    Vous vous rappellerez peut-être que le projet de loi S-4, dont le Parlement est actuellement saisi, traite de certaines questions concernant les fausses identités — c'est-à-dire l'obtention et la possession d'information sur une personne dans l'intention de l'utiliser d'une manière trompeuse, malhonnête ou frauduleuse; la possession ou le trafic illégal de documents d'identité émis par un gouvernement et la fabrication de faux documents.
    J'ai deux questions. Premièrement, est-ce que ces dispositions sur l'usurpation d'identité commencent à avoir un peu d'effet en ce qui concerne ces facilitateurs ou hommes de paille? Deuxièmement, mise à part la facilitation au moyen de fausses identités, pouvez-vous nous suggérer des dispositions législatives qui pourraient vous aider dans votre lutte contre des personnes qui utilisent leur propre identité pour blanchir de l'argent ou pour faciliter autrement le crime organisé?
    Je m'adresse d'abord à l'inspecteur Morin et je demanderais ensuite à l'inspecteur Joyal de répondre.
(1555)
    Nous avons certainement accueilli favorablement le projet de loi S-4 portant sur le vol d'identité. Je ne pense pas que nous soyons les seuls. Je pense que le commissaire à la protection de la vie privée...
    Encore une fois, oui, les fausses identités causent problème, mais les facilitateurs utilisent habituellement leur véritable identité.
    Que pouvons-nous faire pour contrer ce phénomène?
    C'est difficile. Comme nous l'avons dit auparavant, nous envisagions d'employer les peines, et nous sommes assez favorables à l'idée de M. Battista qui souhaite donner à tout le monde les moyens d'atteindre ces buts.
    Puis-je ajouter quelque chose?
    Les prête-noms constituent un problème majeur parce qu'ils utilisent leur vraie identité pour inscrire des actifs à leur dossier. J'aime la solution qu'a proposée un peu plus tôt M. Ménard. Peut-être devrions-nous inverser le fardeau pour qu'une personne explique aux tribunaux comment elle a acquis ces actifs. C'est ce qu'il a proposé, et c'est une solution intéressante en fait. Les prête-noms sont de bonnes personnes. Ce sont des pères, ou comme je l'ai dit, des mères. Ils existent pour vrai. Ils ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes. Ces gens n'ont pas de casier judiciaire. Mais s'ils doivent expliquer comment ils ont acquis un bien, peut-être cela pourra-t-il constituer une solution. Je n'ai pas soumis cette proposition, c'est M. Ménard qui l'a fait, mais elle est intéressante.
    Peut-être devriez-vous aussi changer la partie où on dit: « Nous sommes chargés de prouver hors de tout doute raisonnable »...
    Il s'agit d'inverser le fardeau de la preuve.
    Oui, et le fardeau revient à la personne en question. Peut-être devrions-nous changer le seuil de preuve et passer à une prépondérance de preuve sans nécessairement imposer le plus lourd fardeau aux criminels, parce que c'est connu. Je travaille dans le domaine des produits de la criminalité depuis 1992, et les choses empirent. Ils ne possèdent plus rien de nos jours. Ce sont des compagnies de location. Ils n'ont pratiquement rien à leur nom. S'ils possèdent des biens à leur nom, ils sont hypothéqués au maximum.
(1600)
    Monsieur Joyal, vous pouvez répondre si vous le voulez.
    C'est moi qui suis responsable des produits de la criminalité.
    Moi j'oeuvre du côté civil; elle, elle est responsable des produits de la criminalité.
    Eh bien, merci beaucoup.
    Merci à tous nos témoins.
    Notre journée a été chargée. Dans un certain sens, elle nous a montré une autre perspective. Nous avons connu la perspective du Québec. Vous avez eu vos propres difficultés, voilà pourquoi nous allons songer à tout cela et probablement préparer un rapport. Celui-ci ne sera sans doute pas prêt avant le début du printemps, mais je suis certain que vous allez recevoir un exemplaire de ce rapport pour votre usage personnel.
    Encore une fois, merci beaucoup d'être venus.
    La séance est levée.
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