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Je déclare cette réunion ouverte. Il s'agit de la 41
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, le jeudi 22 octobre 2009, nous poursuivons notre étude du crime organisé au Canada.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur comparution. Vous savez peut-être que nous avons amorcé cette étude il y a un certain temps déjà. Nous avons entendu des témoins à Ottawa. Nous nous sommes déjà rendus à Vancouver, où on nous a beaucoup parlé des gangs de rue. J'estime que nous, de la côte ouest, avons beaucoup à apprendre de vous puisque vous avez eu vous aussi vos difficultés au Québec et que vous avez eu des réussites, de sorte que nous sommes impatients de connaître certaines des solutions que vous proposez.
Quoi qu'il en soit, je vais parcourir la liste de témoins. Nous accueillons Giuseppe Battista et Nicole Dufour, qui représentent le Barreau du Québec. Bienvenue.
De l'Agence des services frontaliers du Canada, nous accueillons Angelo De Riggi. Est également avec nous M. Pierre-Paul Pichette, du Service canadien de renseignements criminels. Les inspecteurs Sylvain Joyal et Martine Fontaine parleront au nom de la Gendarmerie royale du Canada. Enfin, nous accueillons également l'inspecteur Denis Morin et Francis Brabant, de la Sûreté du Québec.
Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Les témoins interviendront selon l'ordre que j'ai donné. Toutefois, nous allons commencer par Angelo De Riggi. Ensuite, nous passerons au Barreau du Québec.
Je vous prie de commencer.
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Le résultat était de 2 451 saisies de stupéfiants et de 378 saisies de devises aux points d'entrée uniquement.
La Division du renseignement de l'ASFC a le mandat d'identifier les menaces et de communiquer, en temps opportun, du renseignement stratégique, opérationnel et tactique afin de soutenir les activités et les programmes de l'ASFC et de Citoyenneté et Immigration Canada. Nous appliquons aussi ces principes avec tous nos partenaires d'exécution de la loi, c'est-à-dire la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada, le SPVM et tous les autres corps policiers du Québec.
Pour nous, les priorités nationales sont le terrorisme, l'immigration illégale, les stupéfiants, le blanchiment d'argent et l'exportation stratégique. Ce sont les cibles que nous avons.
La Division du renseignement est divisée par modes de transport, soit routier, maritime et aéroportuaire. À l'intérieur de ces équipes, nous assignons des agents de renseignement à différents projets conjoints.
Les différentes opérations conjointes dédiées à la lutte contre le crime organisé sont: l'Équipe intégrée de police des frontières à Valleyfield, Lacolle et Stanstead; l'Équipe nationale d'enquête portuaire — port de Montréal; l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, l'UMECO; l'Unité mixte des produits de la criminalité, l'UMPC; la Section des enquêtes fédérales aéroportuaires, la SEFA — Pierre-Elliott-Trudeau; le Module mixte d'enquête sur le trafic d'armes à feu, munitions et explosifs, mené conjointement par la Sûreté du Québec et d'autres corps policiers — nous faisons partie de cette équipe; la liaison avec nos partenaires d'exécution de la loi; et la liaison avec la Section des stupéfiants de la Gendarmerie royale du Canada.
Au cours de l'année 2008-2009, la Division du renseignement a aussi donné assistance aux opérations traitant de stupéfiants et de blanchiment d'argent en faisant la collecte, l'analyse et la diffusion de renseignements aux agents de première ligne. Notre premier mandat est de donner de l'information aux agents de première ligne pour qu'ils puissent faire des interceptions aux points d'entrée.
Nous assignons des agents de renseignement à différents projets qui impliquent le transport international, les opérations portuaires, aéroportuaires et à la frontière terrestre. L'expérience et les connaissances des agents de renseignement ont contribué à faire progresser les enquêtes pour contrer le crime organisé.
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Merci, monsieur le président.
Merci, membres du comité, de nous avoir reçus. Je m'adresse à vous en tant que président du Comité consultatif en droit criminel du Barreau du Québec.
Nous souhaitons profiter de cette occasion importante pour réitérer quelques messages et préoccupations que nous soutenons depuis de nombreuses années en matière de réforme en droit criminel.
Premièrement, le durcissement des lois criminelles, en augmentant les peines et en éliminant le pouvoir discrétionnaire des poursuivants et des tribunaux, nuit, à notre avis, à l'efficacité du système de justice criminelle.
Deuxièmement, pour améliorer l'efficacité du système de justice criminelle, dont l'objectif ultime est de rendre justice et non pas de punir, deux choses nous apparaissent évidentes.
Premièrement, il faut avant tout assurer que les policiers et les procureurs qui travaillent aux dossiers d'enquête sur la criminalité organisée reçoivent les ressources nécessaires sur le plan financier. Les enquêteurs doivent disposer d'un soutien juridique et technique lors des enquêtes, alors que les procureurs doivent avoir la possibilité de mettre sur pied des équipes pour étudier les dossiers et pour les préparer dans le but de les mener à terme de façon adéquate.
Deuxièmement, la modernisation et la simplification de la procédure criminelle sont également souhaitables. À ce sujet, nous vous référons au Rapport de la Table ronde du Ministre sur le droit criminel, qui faisait suite à une réunion tenue à Toronto le 1er novembre 2002. On peut également faire référence aux délibérations du symposium sur la justice criminelle organisé par l'Association canadienne des chefs de police auquel participent tous les autres acteurs du système de justice.
Je voudrais vous référer à certains éléments qui ressortent de ce Rapport de la Table ronde du Ministre sur le droit criminel.
Premièrement, cette rencontre regroupait 26 pénalistes, avocats, et universitaires de tous les coins du pays. Ils étaient réunis à l'initiative du ministère de la Justice pour discuter de la réforme du droit criminel en novembre 2002. Le rapport de ces discussions, bien qu'il ne constitue pas un exposé des points ayant fait l'objet d'un consensus, s'inscrivait plutôt dans un processus permanent de consultation publique du ministère de la Justice dans le but de déterminer quelles devaient être les priorités en droit criminel.
Il ressort de ce document que la réforme du Code criminel doit s'accompagner d'une intervention économique et sociale appropriée, et du renforcement des ressources locales. Le ministre de l'époque souscrivait à l'idée de la nécessité d'une prédétermination des valeurs devant guider la réforme.
Quant aux valeurs en matière de droit criminel, si on se fie à un document de politique publié par le ministère de la Justice du Canada en 1982, intitulé « Le droit pénal et la société canadienne », deux grands objectifs sont associés au droit pénal, à savoir: le maintien de l'ordre public, la prévention du crime et la protection du public — l'objectif de sécurité; et l'équité, l'impartialité, la protection des droits et libertés de la personne contre les pouvoirs de l'État et la nécessité d'assurer une réaction appropriée aux méfaits — l'objectif de justice.
Il y a une tension inévitable entre ces deux objectifs. Une société libre et démocratique a pour défi de trouver l'équilibre entre ces deux objectifs légitimes. Nous tenons à souligner certaines valeurs tirées du rapport de la table ronde de Toronto, en 2002, auxquelles le droit criminel doit se rattacher.
L'objet fondamental du droit pénal est la sécurité — maintien de l'ordre public. Le droit pénal doit fournir un moyen adéquat de réagir aux méfaits dans le respect des principes de justice et d’équité, et des droits et libertés des personnes.
L’imposition d’une peine à un délinquant doit viser à assurer sa réadaptation et à réparer le mal que ledit délinquant a fait à des personnes et à la société, et ce, évidemment, dans la mesure du possible.
La peine imposée à l'égard d'une infraction doit refléter sa gravité ainsi que le degré de responsabilité du délinquant. Le système de justice pénale doit utiliser ses pouvoirs discrétionnaires, je souligne le mot « discrétionnaires » pour voir à ce que l'objectif de réadaptation soit poursuivi et que soit infligée une peine adéquate mais, aussi, la moins contraignante possible.
Des infractions semblables commises dans des circonstances comparables devraient être sanctionnées par des peines elles aussi semblables.
Un délinquant pourra être tenu à l'écart de la société au besoin, mais sa réinsertion sociale devra demeurer l'objectif à atteindre.
Le système de justice pénale doit tenir compte du degré de maturité limité des adolescents et doit aussi voir à ne pas les mettre en contact avec des prévenus adultes ou des délinquants, sauf si cela est permis dans le cadre de la loi.
Les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect sur le plan de la dignité et de la protection de la vie privée et ne devraient subir que le minimum de désagréments inévitables en raison de leurs rapports avec la justice pénale.
Le droit pénal doit décrire en termes clairs et accessibles les actes que la société considère comme étant des actes criminels, ainsi que les peines s'y rattachant.
Je vous rappelle qu'il s'agit là de principes fondamentaux...
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D'accord, veuillez m'excuser.
[Français]
Les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect sur le plan de la dignité et de la protection de la vie privée et ne devraient subir que le minimum de désagréments inévitables en raison de leurs rapports avec la justice pénale.
Le droit pénal doit décrire en termes clairs et accessibles les actes que la société considère comme étant des actes criminels, ainsi que les peines s'y rattachant.
Nous soumettons quelques pistes de réflexion traditionnelles. Premièrement, il faut faire confiance aux juges et prévoir des dispositions qui faciliteraient une bonne gestion de l'instance. Cela devrait se faire dans le cadre d'une consultation qui impliquerait aussi et surtout des avocats qui agissent en poursuite et en défense devant l'appareil judiciaire.
Il faut faire preuve de retenue lorsqu'il est question de réglementation en matière de divulgation de la preuve. La divulgation de la preuve est un droit fondamental qui est lié à un droit à une défense pleine et entière. Limiter de façon excessive les règles de divulgation de la preuve risque d'entraîner des erreurs judiciaires. Nous pouvons dire sans risque de nous tromper que, dans tous les cas recensés à ce jour à divers endroits, les erreurs judiciaires et la divulgation de la preuve sont souvent reliées. Un défaut dans la divulgation de la preuve est souvent source de ces erreurs judiciaires.
Il faut tenir compte des travaux des différents comités qui traitent notamment des règles de la divulgation de la preuve, de la discrétion judiciaire et de la détermination de la preuve. Il y a notamment le rapport du juge Major, qui va être livré à la suite de la commission d'enquête sur l'affaire Air India. Je crois qu'il y aura des leçons importantes à tirer de ce rapport, et vous devriez, je vous le soumets respectueusement, vous en inspirer dans le cadre de vos travaux. Il serait préférable d'attendre les conclusions de tels comités sur ces questions.
La simplification des règles en matière de justice pénale ne signifie pas et ne doit pas signifier une diminution de la discrétion judiciaire. À ce titre — je parlais plus tôt de la gestion de l'instance —, il faudrait penser que, dans le cadre de la divulgation si problème il y a, et surtout dans les grands dossiers d'enquête en matière de crime organisé, on a souvent affaire à des enquêtes qui ont duré des années. Les policiers ont, dans le cadre de leur enquête, recueilli des centaines de milliers de documents. Et cela doit être géré de façon adéquate tant par les forces policières, qui enquêtent, que par les procureurs, qui doivent gérer cette documentation et cette information pour pouvoir s'en servir de façon adéquate devant les tribunaux et la présenter de manière intelligible et intelligente, et qui doivent assurer leurs obligations et leur devoir de divulgation pour que les accusés puissent connaître la preuve qui est à charge contre eux, de sorte qu'ils puissent adéquatement se défendre, le cas échéant.
Enfin, je terminerai en vous disant que la lutte contre la criminalité ne se résume pas à l'augmentation des peines d'emprisonnement. Il faut chercher des solutions qui favorisent la prévention également, et non seulement la réaction aux délits une fois qu'ils sont commis. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, aux membres du comité, de leur invitation.
Je m'appelle Pierre-Paul Pichette, et j'ai oeuvré pendant près de 33 ans au sein du Service de police de la Ville de Montréal. Depuis le 15 septembre 2008, je suis le directeur général du Service du renseignement criminel du Québec, le SRCQ.
Le SRCQ a pour mandat de favoriser le partage sécuritaire du renseignement entre les intervenants concernés et d'assurer la collecte de l'information provenant d'organismes publics. Il vise essentiellement la coordination du renseignement criminel entre les partenaires du Québec.
L'équipe du SRCQ se compose de personnel civil, de policiers provenant de diverses organisations policières et de stagiaires qui proviennent de différents domaines d'études, tels que la criminologie et les communications, et qui participent à la production d'analyses.
Je suis aussi responsable de la coordination des rencontres avec les différents comités du service, de façon à suivre l'évolution de son mandat et le déroulement de son plan triennal. En créant un organisme autonome et transparent, l'objectif est de favoriser l'échange, le partage, l'accessibilité et le développement du renseignement pour les différents corps policiers.
Le SRCQ a été créé par décret du gouvernement québécois le 14 février 2001, et son budget provient essentiellement du Québec, à l'exception, pour le moment, d'une personne prêtée par la GRC. Je voudrais seulement préciser, monsieur le président, que le SRCQ fait partie du réseau du Service canadien de renseignements criminels, le SCRC. Cependant, il est vraiment autonome puisqu'il relève du gouvernement québécois.
Pour ce qui est du plan triennal du SRCQ, les activités et les actions s'appuient sur des activités regroupées en quatre grands axes. Le premier est d'assurer l'intégration et la mise en commun de l'ensemble des renseignements criminels recueillis et détenus par les corps policiers du Québec et de mettre ces renseignements à leur disposition de façon sécuritaire. Le deuxième est de favoriser l'échange du renseignement criminel entre les corps policiers, et l'information entre les organismes publics, ainsi que la collecte de données auprès d'autres organismes internes et externes afin de combattre la criminalité et le crime organisé. Le troisième est d'assurer la qualité des pratiques en matière de renseignement criminel ainsi que leur développement par l'établissement de normes et de méthodes de fonctionnement, et par la promotion de la formation. Le quatrième est de produire des analyses stratégiques pour soutenir la prise de décisions relativement à la lutte contre le crime organisé.
Au Québec, conscients de l'impact du crime organisé sur la société québécoise ainsi que des contraintes imposées aux organismes publics, les responsables du renseignement criminel des principales organisations policières ont convenu, en 2003, d'échanger leurs informations sur neuf principales souches de crime organisé qui étaient actives au Québec à ce moment. La répartition des responsabilités a permis à chaque organisation de se concentrer sur trois phénomènes majeurs, permettant ainsi d'optimiser les investissements en ressources, tout en assurant un accès intégral aux informations détenues par chacun des services concernés.
Les échanges d'états de situation provinciaux subséquents ont permis de suivre l'évolution des neufs souches, contribuant ainsi à une lecture globale et commune des tendances. Les rapports produits ayant fait l'objet d'analyses d'impact et de discussions entre les parties, il a été convenu d'apporter certains ajustements, et une nouvelle version du protocole en a reconduit son application en 2008.
Le protocole prévoit aussi la participation de tous les services de police du Québec. Cette contribution s'inscrit dans l'évidence que les activités du crime organisé se font sentir dans toutes les communautés et que la vigilance et la connaissance sont les meilleures armes pour lutter contre ses manifestations.
Ainsi, tenant compte des obligations inscrites dans la Loi sur la police concernant l'analyse criminelle et la contribution au renseignement, les corps policiers québécois de tous les niveaux sont conviés à adhérer au processus d'échange afin de bénéficier de la lecture commune générée par leur contribution.
En somme, la mise en oeuvre du protocole génère plusieurs bénéfices significatifs. Elle permet, notamment: d'optimiser la cueillette et la dissémination des renseignements entre les participants; de maximiser l'emploi des ressources humaines, matérielles et financières des organisations policières impliquées; de bonifier la connaissance des nouveaux modus operandi et des nouveaux types de crime associés aux souches de crime organisé. Je tiens à préciser que ce bénéfice de veille stratégique se limite toutefois aux neuf souches ciblées. Elle permet aussi de partager du renseignement criminel sur une base continuelle et d'accroître la confiance entre les intervenants.
Il est bon de préciser qu'aucune disposition du protocole ne doit être interprétée comme limitant la capacité des services concernés d'enquêter sur toute criminalité, incluant les souches relevant d'autres services. Il s'agit d'un protocole d'échange de renseignements.
Les objectifs du protocole Minerve sont: d'améliorer la connaissance commune des souches de crime organisé identifiées afin de soutenir la prise de décisions et d'assurer la cohésion des stratégies policières; d'améliorer la collaboration entre les professionnels du renseignement en favorisant les échanges ciblés sur des thèmes stratégiques; d'améliorer la méthodologie des échanges de renseignements en fixant un cadre de fonctionnement; de partager les responsabilités des parties en vue du protocole et de définir les limites de ces responsabilités.
En conclusion, la répartition des souches de crime organisé s'est faite selon la logique suivante. La Sûreté du Québec assume la responsabilité provinciale pour ce qu'on appelle le crime organisé — motards, du Québec et de l'Est européen. Le Service de police de la Ville de Montréal, pour sa part, assume la responsabilité provinciale pour tout le crime organisé dit « asiatique », gangs de rue, et du Proche et du Moyen-Orient, alors que la Gendarmerie royale du Canada, pour sa part, assume la veille stratégique pour le crime organisé autochtone, italien et latino-américain.
Monsieur le président, j'ai terminé ma présentation et je suis disponible pour répondre aux questions des membres du comité.
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Partant de ce fait, notre niveau d'intervention doit s'inscrire dans une démarche intégrée.
Nous avons réalisé, avec les années, que nous ne pouvions pas travailler seuls. Il fallait nous regrouper et préconiser une approche unifiée et coordonnée. Cette approche est à la base même de ce qui a mené à la réalisation des projets Borax, SharQc, Machine et Colorie. Ces enquêtes majeures ont largement tapissé les pages des quotidiens du Québec au printemps dernier. Cette intégration des forces policières est également à la base du succès de deux unités multidisciplinaires actives au Québec. Je pense à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé et à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé autochtone qui, de par leur succès et leur impact sur la criminalité, ont témoigné de leur importance pour le mieux-être des Canadiens et des Québécois.
Cela dit, tout n'est pas rose dans notre univers policier. À l'instar des organisations policières qui se sont regroupées, le crime organisé a également su motiver ses actions par des alliances entres divers groupes criminels.
Un constat demeure, le crime organisé est présent là où il y a de l'argent à faire. Il est diversifié et s'immisce dans plusieurs sphères de la société. On le retrouve dans de nombreux crimes qui génèrent des profits. Le projet Colisée réalisé en 2006 par notre Unité mixte d'enquête sur le crime organisé a démontré cette vaste diversité du crime organisé. Récemment, l'une de nos enquêtes a permis de démontrer des liens directs entre un groupe de motards criminels et la contrebande de tabac, entre autres, le projet Château.
Une des caractéristiques du crime organisé est justement sa volonté d'établir un monopole en fonction du risque pour la production, la distribution et la vente de produits illicites dans un marché donné. Ces criminels modernes pensent en gens d'affaires. Ils ont des produits illicites à vendre et cherchent à maximiser leurs profits. Ce sont des profits faramineux qui permettent au crime organisé de maintenir son influence et d'accroître son avance sur les forces de l'ordre. Ironiquement, il n'est pas rare, lors du dénouement de nos enquêtes, de constater à quel point les accusés sont davantage préoccupés par la perte de leurs avoirs que par la durée des peines.
Malgré le fait que les fruits du crime et le pouvoir que ceux-ci procurent sont la motivation à commettre ces nombreux crimes, le maximum de la peine découlant de la possession et du recyclage des produits de la criminalité n'est que de 10 ans. L'argent sale, la mondialisation de nos économies, le décloisonnement de nos frontières et l'essor des technologies commerciales ont nourri l'expansion du crime organisé au sein des nations démocratiques.
Une des forces majeures du crime organisé réside dans sa capacité d'identifier les maillons faibles de nos lois et d'en tirer profit. Au fil des ans, les organisations criminelles ont raffiné leurs activités et soigné leur image. Elles ont exploité les failles et les faiblesses de notre système avec une précision chirurgicale en utilisant des technologies de pointe. Elles ont profité et profitent encore largement de l'essor de la technologie.
Ainsi, Internet devient de plus en plus accessible, et le nombre d'usagers a maintenant dépassé le cap du milliard. Les logiciels permettent la transmission de données de façon sécuritaire partout dans le monde en moins d'une seconde. L'argent se transige sous sa forme binaire, de façon virtuelle, soit par ordinateur, par cartes de crédit, par débit automatique et même par cartes à puce dites intelligentes. Il n'existe pratiquement aucune ressource pour aider les forces policières à s'adapter à l'émergence des technologies. Le temps passé à trouver des approches adéquates retarde nos actions policières et donne un répit aux criminels.
Autre point important, dans les années 1970, l'écoute téléphonique fonctionnait très bien pour mener des enquêtes majeures de complot. Au XXIe siècle, cette méthode est devenue un véritable cauchemar. La technologie rend de plus en plus difficile l'interception de conversations téléphoniques. Et même si l'interception de conversations est parfois possible, le fardeau de la preuve qui pèse sur les enquêteurs croît sans cesse.
Il n'est pas rare qu'un corps policier doive présenter des milliers de conversations en preuve pour étayer un complot et satisfaire aux normes édictées par la jurisprudence actuelle. Cela renseigne les criminels sur les techniques novatrices utilisées pour enquêter sur le crime organisé. Dans certains cas, la divulgation nous oblige même à remettre l'argent saisi pour empêcher la divulgation d'une enquête en cours ou pour cacher l'identité d'un témoin.
L'argent étant légal en soi, les avocats des criminels cherchent constamment à le récupérer dès qu'il est saisi. Qui plus est, les coûts d'interception et de divulgation de la preuve sont devenus faramineux et obligent les corps policiers à limiter drastiquement leurs interventions.
Plusieurs individus criminels font de leurs activités illégales une réelle profession. C'est un fait! Il est donc très fréquent de retrouver nos sujets d'enquête dans d'autres dossiers majeurs. Pour réaliser notre travail avec diligence, nous devons puiser dans le passé de nos sujets, autant pour leurs crimes antérieurs que pour la valeur de leur patrimoine. Malheureusement, nous sommes limités par le temps de rétention des documents. Nous rencontrons ainsi des obstacles majeurs dans la poursuite de nos enquêtes.
En ce qui concerne les institutions financières, elles gardent les documents pour une période maximale de cinq ans. Ceci nuit à l'obtention de preuves importantes quant à la provenance des fonds et des transactions financières. L'utilisation des services de juricomptables est devenue essentielle pour la majorité des dossiers, notamment ceux en matière de criminalité économique. Cela démontre à quel point les transactions financières et le suivi de l'argent sont laborieux.
Les limites quant à l'obtention des renseignements fiscaux en cours d'enquête constituent un point de discussion important. Je pense notamment à l'article 462.48, qui restreint l'accès aux renseignements fiscaux importants pour nos enquêtes.
Également, lors de confiscation de biens infractionnels, le test de proportionnalité peut résulter en une possession conjointe entre le gouvernement et le criminel (R. c. Ouellette) ou une confiscation partielle de l'équité.
Monsieur le président, alors que les technologies ont évolué rapidement et que le transport est de plus en plus facile et efficace, nous sommes toujours encadrés par des systèmes juridiques qui pourraient être revus et mieux adaptés à notre réalité. Je fais allusion à toute la notion de collecte de la preuve lorsque le contexte sort du territoire juridique canadien, comme c'est le cas dans la plupart des enquêtes majeures de la Gendarmerie royale du Canada. Notre tâche est ardue, notamment lorsque les criminels voyagent, appellent ou envoient des messages à l'étranger. Les processus d'entraide mutuelle rendent difficile l'obtention rapide d'éléments de preuve.
Les organisations criminelles les plus difficiles à enquêter sont disciplinées et ont appris des erreurs commises dans le passé. La divulgation massive de preuves qui leur a été faite leur a servi à cerner les limites et l'efficacité des techniques d'enquête policière au Canada et à l'étranger. Les sujets sur qui nous enquêtons ne possèdent plus de biens à leur nom et s'ils en possèdent, ces derniers sont sans équité. Ils louent des véhicules et ils utilisent des prête-noms qui sont difficiles à défaire. Ils possèdent des biens et des comptes bancaires à l'étranger. Ils utilisent des comptes in trust, les fiducies, modifient leur approche quant aux déclarations de revenus pour refléter leur train de vie, etc.
Que ce soit pour le crime organisé de haut niveau, celui qu'on identifie facilement — motards criminels, mafia, gangs de rue —ou pour la criminalité organisée de moindre importance, un constat demeure: il sait s'organiser et se structurer! L'utilisation de professionnels pour faciliter la commission des crimes est désormais une norme dans le milieu criminel. Si vous le permettez, je laisserai le soin à nos collègues de la Sûreté du Québec d'aborder ce thème avec vous.
Monsieur le président, j'aimerais prendre quelques secondes pour discuter avec vous d'un point qui me tient à coeur, celui de la sensibilisation sur les méfaits du crime organisé. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous devons adopter une approche plus stratégique et plus « agressive » dans le domaine des communications. Ne serait-ce que pour le blanchiment d'argent, qui est un crime où toute la société est la victime mais dont peu se plaignent, nous devons sensibiliser le public à cette réalité. Plusieurs présentations et formations auprès des commerçants, des institutions financières et des professionnels sont organisées afin de les sensibiliser à la détection du blanchiment d'argent. Toutefois, ces efforts de communication et d'éducation ne doivent pas être limités uniquement aux corps policiers.
En ce qui a trait à la criminalité juvénile, nous reconnaissons également les jeunes personnes comme étant des acteurs clés dans la prévention des crimes dans les communautés. Pour ce faire, nous devons rechercher une diversité d'intervenants qui ajouteront plus de crédibilité à notre message de sensibilisation. Notre Service de sensibilisation aux drogues et au crime organisé valorise cette approche.
Monsieur le président, le but de ma présentation n'est certes pas de paraître alarmiste, mais plutôt de partager avec vous notre réalité. Cela fait de nombreuses années que j'exerce le métier de policier, et je constate que l'iniquité entre les moyens mis à la disposition du crime organisé par rapport à ceux qui sont octroyés à la lutte contre le crime organisé ne fait que s'élargir, et ce, malheureusement à nos dépens.
Notre système judiciaire a pris un léger retard sur le contexte actuel qui a émergé de la mondialisation et du développement des technologies. Ses composantes, soit la prévention, l'intervention policière, les processus judiciaire et post-judiciaire devraient être davantage harmonisés.
Dans ce contexte, je partage l'opinion d'un collègue de la Colombie-Britannique qui s'est adressé à vous en avril dernier. Celui-ci faisait état de l'importance de doter les policiers de meilleurs outils pour les aider à réaliser des dossiers d'enquêtes majeures, en apportant notamment des modifications à certaines lois, par exemple la Loi sur la preuve au Canada.
Je réitère que ce n'est qu'en attaquant le crime organisé dans sa globalité, c'est-à-dire mondialement, que nous mènerons une lutte efficace contre celui-ci. Il faudra poursuivre notre travail en s'attaquant à la motivation même du crime organisé, soit l'appât du gain. Je suis convaincu que des solutions existent afin de désarmer les organisations criminelles.
Le fait que vous soyez à l'écoute des gens du terrain comme moi et mes collègues démontre que vous êtes préoccupés par la situation. Permettez-moi d'ailleurs de vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'être ici aujourd'hui.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, honorables membres du comité, je m'appelle Denis Morin, je suis inspecteur et chef du Service des enquêtes sur la criminalité financière organisée. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Francis Brabant, conseiller juridique du Directeur général adjoint aux enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec, M. Steven Chabot.
Je tiens d'abord à remercier le comité de permettre à la communauté policière de s'exprimer sur un sujet qui nous préoccupe tous, soit le crime organisé.
Permettez-moi de débuter, comme l'a fait mon collègue de la Gendarmerie royale du Canada précédemment, par quelques précisions sur l'organisation policière au Québec et le rôle de chacun au regard de la lutte contre le crime organisé.
L'ensemble des activités policières est réparti selon six niveaux de services, de complexité croissante. La desserte policière est assurée par différents corps de police municipaux, chacun devant fournir un certain niveau de services, selon la population qu'il dessert ou sa localisation géographique, ainsi que par la Sûreté du Québec. Suivant la loi, cette dernière assure de plus les services de niveau supérieur à ceux requis des corps de police municipaux.
Bien que tous les niveaux de services soient concernés par les activités criminelles du crime organisé, sa coordination provinciale relève de la Sûreté du Québec. Cette organisation favorise la collaboration entre les différents corps de police, ce qui constitue un élément stratégique indispensable à une lutte efficace contre le crime organisé. D'ailleurs, les ententes de partenariat établies dans ce domaine se multiplient et intègrent des partenaires de plus en plus nombreux et diversifiés. Le protocole Minerve est un bon exemple de partenariat en matière de lutte contre le crime organisé.
L'excellent portrait du crime organisé dressé par l'inspecteur Joyal plus tôt a révélé que l'appât du gain constitue la principale, sinon la seule motivation des membres du crime organisé. Comme les sommes engendrées par les activités criminelles sont de plus en plus importantes, l'implication de facilitateurs et de prête-noms prend de l'ampleur, et c'est de cette problématique que j'aimerais vous entretenir aujourd'hui.
La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes impose des obligations de tenue de documents et de déclarations obligatoires aux fournisseurs de services financiers et aux autres personnes qui se livrent à l'exploitation d'une entreprise ou à l'exercice d'une profession susceptible d'être utilisée pour le recyclage des produits de la criminalité. Le Parlement répondait ainsi à la préoccupation engendrée par l'utilisation croissante par le crime organisé d'entités légitimes aux fins du blanchiment d'argent.
Nos enquêtes relèvent toutefois l'émergence d'un nouveau type de complices oeuvrant au profit d'organisations criminelles. Communément appelés « facilitateurs », les particularités de ce nouveau genre de criminels sont les suivantes. Ils ne possèdent généralement aucun antécédent judiciaire. Ils possèdent une formation spécialisée, sont membres d'un ordre professionnel ou exercent une profession libérale. Ils n'oeuvrent pas en exclusivité pour une organisation criminelle. Ils peuvent avoir une clientèle dite légitime. Leur association avec l'organisation criminelle n'est pas imposée. Elle est généralement sur une base volontaire. Ils sont rémunérés pour leurs implications.
Les services des professionnels, notamment, sont particulièrement recherchés en raison de leur expertise particulière, leur statut ainsi que des règles de confidentialité qui s'attachent à leur travail. Les exemples qui suivent ne visent qu'à illustrer des faits constatés et ne visent en aucun temps un ordre ou une profession particulière. Voici donc quelques exemples.
Dans le cas d'un projet d'enquête récent, visant le démantèlement d'une organisation criminelle impliquée dans des activités de fraude, de contrebande de cigarettes et de blanchiment d'argent, les enquêteurs ont découvert qu'un avocat spécialisé dans l'obtention de crédits avait été joint et recruté par les principaux acteurs de l'organisation pour participer à un stratagème d'obtention frauduleuse de prêts aux petites entreprises. L'enquête a effectivement révélé que le facilitateur avait produit de faux documents afin d'obtenir un prêt auprès d'une institution financière, de l'ordre de 250 000 $.
Dans un autre dossier portant sur une enquête de fraude en matière de TPS et de TVQ dans le domaine des métaux précieux, de nombreuses compagnies sans activités légitimes, dites « compagnies coquilles », étaient utilisées afin de faciliter l'émission de fausses factures en soutien aux réclamations frauduleuses. Afin de faciliter le travail de l'organisation et de compliquer le travail des policiers, des comptables et syndics de faillite prenaient charge de l'incorporation et de la faillite à répétition de ces compagnies « coquilles » .
Aussi, dans un projet d'enquête en matière de fraude envers l'État, nous avons établi la participation de plusieurs avocats facilitateurs dans un stratagème de fausse réclamation de TPS et de TVQ. Leur rôle constituait à recruter des prête-noms, à voir à l'incorporation de compagnies qu'on appelle « coquilles » et à l'ouverture de comptes bancaires.
Finalement, une enquête récente en matière de fraude a permis l'arrestation de deux experts-comptables, membres d'une association professionnelle, ainsi que d'un notaire. Ce dernier utilisait notamment son compte en fidéicommis pour l'encaissement de chèques associés à la fausse facturation et ainsi faciliter le travail de l'organisation.
On constate donc la valeur ajoutée qu'ont certains professionnels pour les organisations criminelles, à titre de facilitateurs. Malgré le fait qu'ils jouent un rôle généralement de soutien, leur implication reste quand même essentielle dans l'atteinte des objectifs de ces organisations.
Pourtant, leur implication est difficile à sanctionner. La principale embûche concerne la démonstration, à savoir que le facilitateur sait que ces organisations se livrent à des activités criminelles. Procéder à l'incorporation d'une compagnie, à l'ouverture d'un compte bancaire ou à la mise en faillite d'un individu ne sont pas des activités illicites en soi.
D'ailleurs, plusieurs compagnies ou incorporations appartenant à des organisations criminelles se retrouvent sous l'adresse d'un professionnel.
De plus, dans le cas des facilitateurs ayant le statut de notaire ou d'avocat, l'application de mesures prévues par le Code criminel ou la jurisprudence pour assurer le secret professionnel, notamment en matière d'écoute électronique ou de perquisition, complexifie passablement le travail policier. Ces difficultés sont inhérentes à leur statut dans la société et à l'importance que l'on accorde à juste titre à la confidentialité des services professionnels.
Les lois actuelles en matière criminelle ne prévoient aucune mesure visant à dissuader de façon spécifique les personnes qui bénéficient d'un statut privilégié en raison de leur profession et qui en abusent afin de faciliter le recyclage des produits de la criminalité ou autres stratagèmes frauduleux.
Dans le cadre de nos enquêtes visant les organisations criminelles, notamment en matière de stupéfiants, on constate aussi l'usage fréquent de prête-noms. Par « prête-noms », je sous-entends une personne qui s'engage sur un acte de propriété ou enregistre un bien à son nom alors qu'il n'est pas le réel propriétaire du bien en question. Dans le langage populaire, on utilise le terme « poteau » ou bien « homme de paille ».
Dans le cadre de nos enquêtes, nous constatons deux types de prête-noms utilisés afin, premièrement, de mener des activités plus secrètement et ainsi être à l'abri d'enquêtes policières, et deuxièmement, d'accroître un patrimoine personnel et de minimiser le risque de confiscation. Dans le premier cas, il peut s'agir notamment d'une personne complice, souvent un subalterne de l'organisation criminelle en question, qui aura à son nom une propriété dans laquelle l'organisation opérerait une plantation de cannabis, par exemple. Dans le second cas, il peut s'agir de personnes, souvent des membres de la famille du sujet qui fait l'objet d'une enquête, qui accepteront d'enregistrer à leur nom plusieurs biens, tels que des propriétés, des véhicules de luxe, des bateaux ou tout autre véhicule dont l'utilisateur restera le suspect de l'enquête. Cela lui permet donc d'accroître son patrimoine.
Cette technique de camouflage semble sûrement simpliste, mais force est de constater sa grande efficacité pour rendre les enquêtes policières plus longues et ardues. Tout comme pour les facilitateurs, la principale problématique se loge dans la démonstration, à savoir que le prête-nom connaît les activités criminelles du sujet faisant l'objet d'une enquête.
Le phénomène des fonctionnaires publics qui utilisent les privilèges de leur charge afin de faciliter le recyclage des produits de la criminalité ou les fraudes envers l'État est également préoccupant. Mieux connu sous le nom de malversation ou corruption, les actes reprochés sont habituellement assujettis aux articles 121 à 125 du Code criminel.
Les organisations criminelles facilitent le recyclage du produit de leurs activités criminelles par l'entremise d'activités légitimes, c'est bien connu. Lorsque, pour ce faire, elles utilisent des compagnies qui réalisent des contrats pour des administrations publiques, ces organisations approchent des fonctionnaires publics et les convainquent parfois d'agir à titre de facilitateurs.
En conclusion, toutes ces formes de facilitation contribuent non seulement à l'enrichissement du crime organisé, mais également, de façon plus générale, au blanchiment d'argent et à la conclusion d'affaires illégitimes. Du point de vue social, le statut légal dont bénéficient ces personnes est un attrait pour le crime organisé mais une difficulté pour les corps policiers, qui doivent souvent avoir recours à des procédures extraordinaires lorsqu'ils font face à de telles situations.
Nous suggérons que, dans le cadre des lois, la gravité de ces situations soit prise en compte à sa juste valeur.
Je remercie le comité de son attention.
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Je pensais qu'on entendrait également Me Brabant, mais si on passe tout de suite aux questions, c'est parfait.
J'aimerais d'abord remercier tous les témoins.
Maître Battista, vous avez dit qu'en 2002, une table ronde avait étudié tout le système de justice pénale. J'imagine qu'un rapport et une série de recommandations en ont découlé. Qu'est-il advenu de ces recommandations?
Par ailleurs, il n'y a pas eu de commission sur la réforme du droit criminel depuis quelques décennies. Je n'en dirai pas le nombre parce que ça révélerait mon âge, mais je pense, compte tenu de tous les points soulevés par les représentants des services de police, des nouvelles technologies, de la mondialisation, et ainsi de suite, que l'heure est venue pour le gouvernement de considérer sérieusement la mise sur pied d'une telle commission. À mon avis, une modernisation de notre système de justice s'impose, mais toujours avec les valeurs qui le sous-tendent. Celles-ci n'ont pas changé, à mon avis. J'aimerais entendre l'opinion du Barreau du Québec à ce sujet.
Inspecteur Joyal, vous dites ceci à la page 3 de votre présentation: « II n'existe pratiquement aucune ressource pour aider les forces policières à s'adapter. »
Parlez-vous du projet de loi sur la modernisation des techniques d'enquête, qui existait à l'époque du gouvernement libéral précédent, qui a finalement été repris par le gouvernement conservateur et qui a été déposé au mois de juin dernier? Ça devait permettre la modernisation du Code criminel concernant l'écoute électronique, les moyens de communication, Internet, etc. Quand vous parliez de ressources, s'agissait-il de cela?
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Merci, madame Jennings.
Pour ce qui est de votre première question, j'ai fait allusion à des points importants qui ont été soulignés, mais ce rapport ne comportait pas de recommandations. Il faisait plutôt état de ce que les intervenants avaient fait valoir. À ma connaissance, il n'y a pas eu de suite à cela.
En ce qui concerne la mise à jour du Code criminel, je pense que c'est une idée louable et que bien des gens, qu'il s'agisse de policiers, d'avocats ou de juges, ne s'y opposeraient pas. Il faut quand même être réaliste. Pour ma part, je dis parfois à la blague que le Code criminel est amendé régulièrement. On fait un sondage pour vérifier si tous les avocats, juges et policiers connaissent bien les articles, puis on les change. Or on ne fait que des ajouts. Pour certains articles, on est rendu à « .72 », et on continue. Il y a beaucoup de lourdeur, et elle est parfois inutile.
Le Barreau est souvent intervenu non pas pour s'opposer, mais pour rappeler qu'on adopte parfois un projet de loi pour sanctionner un événement particulier et amender le Code criminel, mais que ce dernier, dans certains cas, couvre l'infraction en question. Il n'est peut-être pas nécessaire de l'alourdir.
L'approche suivante tiendrait compte aussi bien de l'ensemble des infractions fondamentales que de la procédure. Il s'agirait de mettre à jour ce dont je parlais plus tôt concernant la divulgation des preuves, par exemple. Aujourd'hui, la situation est difficile tant pour les procureurs que pour les avocats de la défense et les juges, parce que c'est le juge du procès qui a juridiction quant au contrôle du processus. Or c'est entre le moment de l'accusation et la date du procès que se fait la divulgation de la preuve. Quand les problèmes se manifestent, c'est à ce moment-là. Les juges ne disposent pas nécessairement des outils nécessaires. En effet, il faut que le juge du procès soit désigné. Par exemple, on pourrait prévoir des pouvoirs permettant à un juge d'agir. Les parties seraient ensuite liées par ce genre de jugement.
C'est un exemple de réforme procédurale qui serait fort utile. Évidemment, cette réforme est un idéal. Je pense qu'il faut aussi être réaliste. Je ne sais pas si c'est dans les cartes, mais c'est certainement un objectif. Au Québec, on a refait le Code civil. C'est donc possible de le faire. Ce serait souhaitable, en fait.
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Je pense qu'il y a un élément relativement nouveau. Au Québec, au cours des dernières années, on a vécu ce qu'on a commencé à appeler les mégaprocès. C'est là une façon nouvelle de gérer et d'organiser le travail des gens qui s'occupent des poursuites criminelles.
La gestion de cette information et de cette documentation requiert une certaine expertise, que la pratique fera évoluer. Sur le plan procédural, la difficulté est que lorsque des problèmes se posent, ils ne peuvent pas toujours être réglés de façon simple. On ne peut pas aller tout simplement devant un juge. Il faut se présenter devant le juge qui est saisi de l'affaire. Aujourd'hui, le procès de ces affaires ne peut pas commencer le lendemain, ni pour la poursuite ni pour l'accusé; c'est impossible et inconcevable. La personne vient d'apprendre qu'elle est accusée et qu'elle a fait l'objet d'une enquête de quatre ans. Il faut en tenir compte et que le système s'y ajuste. Il y a un élément d'apprentissage et d'organisation.
D'ailleurs, il y a deux semaines, à Montréal, il y a eu une conférence organisée par les juges de la Cour supérieure et de la Cour du Québec pour sensibiliser les avocats, tant de la poursuite que de la défense, et pour qu'on échange sur ces questions. Effectivement, il y a des difficultés surtout dans les grands dossiers, ceux qui nous occupent ici. Les dossiers quotidiens ne posent pas de problèmes. Les grands dossiers posent des problèmes également aux poursuivants parce que de l'information importante leur est fournie, qu'ils doivent analyser et organiser, pour ensuite la divulguer. Ceux qui la reçoivent doivent être en mesure de réagir face à cela.
Il y a un phénomène double. D'une part, plus la divulgation de la preuve est faite de manière cohérente et structurée, plus elle facilite le règlement des dossiers. Il y a des causes qui vont à procès, et des procès de longue durée, mais il y a eu aussi énormément de dossiers qui se sont réglés par des plaidoyers de culpabilité parce que le travail policier...
Bonjour tout le monde. Je connais plusieurs d'entre vous, car vous avez déjà témoigné devant nous.
Je vais vous faire un petit résumé parce qu'on essaie de synthétiser ce qu'on appelle le problème du crime organisé. On voyage à différents endroits, dont à Montréal, notre point de chute dans la province de Québec. Ma question s'adresse à MM. Morin et Battista.
Si vous avez un certain âge, vous êtes au courant de la Commission d'enquête sur le crime organisé au Québec, la CECO, ainsi que de la Commission Cliche. Vous avez connu les guerres de gangs avec des bombes et les dernières arrestations de mafiosi. Actuellement, il y a environ 36 gangs de rue identifiées à Montréal. Il y a aussi les journaux qui nous fournissent de l'information; je parle de journaux que tout le monde connaît. Il y a un problème au port de Montréal, où la drogue entre par container, comme on le dit. Il y a aussi des problèmes à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Tout cela met en cause le crime organisé. En plus, l'ONU vient de déclarer que le Canada est la plaque tournante pour l'ecstasy; c'est nous qui avons besoin le plus d'ecstasy. Tout cela se passe au Québec. Je ne parle pas des autres provinces. C'est pour cela que je m'adresse à vous.
Je suis avocat au Québec et membre du même Barreau que M. Battista; je suis encore membre, soit dit en passant. Vous avez insisté sur un point important: les facilitateurs. Je suis à la fois curieux et très prudent à ce sujet. Le Barreau s'est déjà prononcé là-dessus. Vous savez qu'il y a une guerre de mots entre le Barreau du Québec et votre organisation. Ils disent qu'on veut leur faire trahir leur secret professionnel.
On doit faire des recommandations. Il y a les fiducies d'avocats ou de notaires, les banques et les banquiers qui relèvent aussi du fédéral, les comptables et les syndics de faillite, de même que les fonctionnaires véreux. Il s'agit tous de professionnels ayant un titre.
Notre ordre professionnel est pas mal plus vieux que la Sûreté du Québec, et on a des pouvoirs et des privilèges. Je voudrais savoir ce que vous voulez.
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Je voudrais peut-être saisir la portée de votre question à cet égard. En effet, j'ai compris, dans les propos qui ont été tenus, une certaine nuance, c'est-à-dire qu'on ne remet pas en question l'idée même du secret professionnel ce qui, à mon sens, toucherait tout le système de justice et les droit de tous les citoyens. Ce qu'il y a de particulier, ce qu'on dit, c'est que c'est peut-être plus difficile et que cela requiert peut-être des enquêtes plus approfondies.
Je vous dirais qu'il y a une certaine rationalisation derrière cela. Il faut présumer de la bonne foi des gens et présumer que la majorité des professionnels agissent de manière convenable et correcte. Lorsqu'on croit qu'un professionnel agit de manière criminelle — car c'est de cela qu'il s'agit —, le secret professionnel ne s'applique pas à ce genre de transactions.
Cependant, cela peut être difficile. En effet, à première vue, il peut s'agir d'un professionnel qui a un cabinet, s'il est avocat par exemple. Alors, en apparence, tout semble légitime. J'ai compris à partir des propos échangés que parfois, des professionnels qui s'adonnent à ce type de pratique ne s'adonnent pas uniquement à ce type de pratique. C'est plus facile pour nous si un avocat ne commet que des actes illégaux, c'est plus simple. Lorsque c'est mêlé à des mandats légitimes, c'est plus délicat. De là l'importance de la protection, des sauvegardes que notre système a mises en place. La protection du secret professionnel vaut pour les autres clients, elle vaut pour les autres personnes que ce professionnel représente. Donc, quand il y a des raisons de croire qu'un professionnel agit dans des dossiers particuliers de manière criminelle, soit volontairement soit à son insu, il est possible d'obtenir des mandats de perquisition ou d'enquêter sur ces cas, sauf qu'il faut faire valoir des motifs raisonnables de le croire, évidemment.
Je comprends que cela peut être difficile. Je ne mets pas cela en doute, d'où le premier élément de mon intervention. Je ne crois pas que nous soyons devant pareilles situations. J'ai bien écouté les présentations qui ont été faites, et je crois que c'est parfois une question de ressources et de moyens. Il est difficile de regrouper et de retrouver des éléments suffisants pour convaincre un tribunal, pour convaincre une cour et des personnes, et j'en suis. C'est une question de ressources et de moyens. Cela ne se résout pas par des amendements au Code criminel, à mon avis.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Comme M. Ménard, j'aimerais que cette discussion dure toute la journée, mais je ne dispose que de quatre minutes et demie.
[Traduction]
Je vais prendre 30 secondes pour répondre à M. Rathgeber, monsieur le président, pour lui dire que je pense qu'en plus de la dissuasion, il est tout à fait raisonnable que le législateur fasse une distinction entre la gravité des infractions en prévoyant des peines minimales pour susciter la confiance envers le système de justice et reconnaître les préoccupations des victimes. Je pense que ces raisons, en plus de la dissuasion, donnent au législateur le droit de faire des distinctions entre la gravité des infractions.
Cependant, mes questions s'adressent aux inspecteurs Joyal et Morin. J'ai pris note des préoccupations que vous avez tous les deux exprimées au sujet des facilitateurs. Je ne suis pas sûr si j'ai bien noté l'expression, mais vous avez parlé des hommes de paille.
Vous vous rappellerez peut-être que le projet de loi , dont le Parlement est actuellement saisi, traite de certaines questions concernant les fausses identités — c'est-à-dire l'obtention et la possession d'information sur une personne dans l'intention de l'utiliser d'une manière trompeuse, malhonnête ou frauduleuse; la possession ou le trafic illégal de documents d'identité émis par un gouvernement et la fabrication de faux documents.
J'ai deux questions. Premièrement, est-ce que ces dispositions sur l'usurpation d'identité commencent à avoir un peu d'effet en ce qui concerne ces facilitateurs ou hommes de paille? Deuxièmement, mise à part la facilitation au moyen de fausses identités, pouvez-vous nous suggérer des dispositions législatives qui pourraient vous aider dans votre lutte contre des personnes qui utilisent leur propre identité pour blanchir de l'argent ou pour faciliter autrement le crime organisé?
Je m'adresse d'abord à l'inspecteur Morin et je demanderais ensuite à l'inspecteur Joyal de répondre.