Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne tient sa cinquième réunion ce mercredi 25 février 2009.
Vous avez devant vous l'ordre du jour. Il est à noter que nous avons réservé 15 minutes à la fin de notre réunion pour débattre la motion de M. Ménard en faveur de l'ajout des termes « condition sociale » à la Loi sur les droits de la personne. Je crois en outre que M. Storseth souhaite présenter sa motion sur l'examen des droits de la personne.
Nous allons aujourd'hui poursuivre notre étude sur la conduite avec facultés affaiblies. C'est la raison pour laquelle nos témoins sont venus aujourd'hui.
Premièrement, nous accueillons les représentants du Conseil canadien de la sécurité, Emile Therien et Raynald Marchand. Le Bureau d'assurance du Canada est représenté par Dennis Prouse et Robert Tremblay; l'Association canadienne des policiers, par Charles Momy et David Griffin; et finalement, la Criminal Lawyers' Association est représentée par Joseph Di Luca et Jonathan Rosenthal.
Messieurs, soyez les bienvenus. Je crois qu'on vous a dit de combien de temps vous disposiez pour votre présentation. La plupart d'entre vous disposez de 10 minutes. Dans toute la mesure du possible, limitez vos commentaires en conséquence, car nous avons beaucoup de questions à vous poser.
Nous allons commencer par M. Tremblay ou M. Prouse.
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Merci, monsieur le président.
Je commence. Je suis directeur des relations gouvernementales fédérales au Bureau d'assurance du Canada. Je suis accompagné par mon collègue, Robert Tremblay, notre directeur de la sécurité routière et des projets spéciaux.
Je tiens à vous remercier, vous et les membres du Comité, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
[Français]
Ce sera probablement plus facile pour tous si je parle en anglais, et mon collègue, M. Tremblay, parlera en français.
[Traduction]
Le BAC est l'association commerciale nationale des assureurs du Canada pour l'assurance auto, l'assurance habitation et l'assurance entreprise. D'un océan à l'autre, nous employons plus de 106 000 Canadiens. L'an dernier, nos membres ont versé plus de six milliards de dollars sous forme d'impôts aux trois ordres du gouvernement et ils ont déboursé plus de 20 milliards de dollars pour aider des Canadiens à refaire leur vie après des accidents tragiques.
Nous sommes fermement convaincus, monsieur le président, que notre industrie ne doit absolument pas se contenter d'encaisser des primes et de répondre aux demandes de règlement. C'est la raison pour laquelle, depuis plusieurs décennies, le BAC joue un rôle de premier plan dans les dossiers de sécurité routière et de prévention des blessures.
En fait, il y a plus d'une génération que l'industrie de l'assurance a commencé à réclamer vigoureusement que l'on combatte la conduite avec facultés affaiblies. Comme les membres du Comité le savent, l'attitude à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies était autrefois bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui. De grands progrès ont été réalisés mais, et je suis certain que nous l'entendrons dire aujourd'hui, il reste encore beaucoup à faire.
Nous avons aussi été parmi les premiers à préconiser l'usage des ceintures de sécurité, encore une fois à une époque où les attitudes dans ce domaine étaient aux antipodes de ce qu'elles sont maintenant.
Il y a environ une décennie, nous avons pris la tête de la campagne pour l'octroi des permis de conduire par étapes progressives au niveau provincial. À l'époque, cette approche était très controversée. Maintenant, elle est généralement considérée comme une bonne politique publique. Elle a beaucoup contribué à réduire le nombre de décès et de blessures causés par des accidents de la circulation chez les jeunes de 16 à 19 ans.
Certains d'entre vous savent peut-être que nous avons pris une part très active à une campagne visant à réduire les distractions pour les conducteurs.
Ces deux dernières années, nous sommes intervenus dans plusieurs domaines, notamment celui des conducteurs présentant un risque d'ordre médical; nous avons témoigné à ce sujet devant un comité sénatorial l'an dernier ainsi que sur la question de la fatigue du conducteur.
L'Opération Nez rouge — certains d'entre vous le savent peut-être — est une de nos oeuvres de charité favorites, car nous croyons qu'elle a été d'une très grande utilité dans plus de 100 collectivités où elle s'est déroulée cette année. Certaines de ces collectivités sont peut-être situées dans vos circonscriptions.
:
C'est la faute de M. le président, qui dit que nous avons seulement 10 minutes.
[Traduction]
Opération Nez rouge est une de nos oeuvres de charité préférées. C'est une opération qui apporte énormément à une centaine de collectivités, et certains d'entre vous connaissent quelques-unes de ces collectivités. Il s'agit d'une oeuvre communautaire animée par des bénévoles et qui grandit chaque année. Elle offre un service de raccompagnement aux automobilistes dont les facultés pourraient être affaiblies pendant la période des fêtes. Notre industrie est fière d'avoir apporté son soutien à Opération Nez rouge l'an dernier. Nous y consacrons environ deux millions de dollars par an.
Dernièrement, nous sommes devenus le commanditaire national de l'Association canadienne des lésés cérébraux. Ce groupe fait un travail remarquable auprès des victimes de lésions cérébrales. Nous avons en particulier remarqué que la majorité des bénévoles appartenant à cette association semblent être des amis et des parents de personnes qui ont subi de telles blessures, bien souvent dans des accidents de la route et parfois par la faute de conducteurs aux facultés affaiblies. Nous sommes témoins de leurs difficultés et de leurs efforts, et nous savons qu'un grand nombre de ceux qui suivent les délibérations aujourd'hui sont probablement des amis et des parents de personnes mortes par la faute de conducteurs aux facultés affaiblies. Nous en sommes particulièrement conscients ici.
Cela dit, j'invite mon collègue, Robert Tremblay, à traiter de certains aspects particuliers des problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui.
:
Monsieur le président, je commencerai mes remarques en français, après quoi je passerai à l'anglais, et je vais essayer de ne pas aller trop vite pour l'interprète.
[Français]
Le Canada a connu, au cours des 30 dernières années, des progrès majeurs et des changements d'attitude sociale très importants vis-à-vis de la problématique de la conduite en état d'ébriété. Et cela doit être considéré, à notre avis, comme une victoire importante.
Toutefois, en dépit de ces progrès, la lutte contre la conduite en état d'ébriété a maintenant atteint un plafond et des progrès supplémentaires seront évidemment de plus en plus difficiles à obtenir. Si l'on examine les chiffres concernant la période entre 1996 à 2001, comparativement aux résultats de la période entre 2003 et 2005, on constate une réduction des décès, dans le cas des jeunes conducteurs de 16 à 35 ans décédés après avoir consommé de l'alcool.
Par contre, nous observons une augmentation parmi les conducteurs plus âgés, notamment ceux de 55 à 64 ans, soit une augmentation de 16,7 p. 100 entre ces deux périodes. Des progrès ont donc été atteints, mais on plafonne maintenant.
Évidemment, devant cette situation, on se pose une question fort légitime. Comment peut-on s'y prendre pour avoir plus de succès? Dans le cadre du combat contre la conduite en état d'ébriété, il ne faut pas confondre l'objectif avec les outils qu'on utilise pour l'atteindre. Ici, au Canada, il y a un très fort consensus social pour conclure que la conduite en état d'ébriété est inacceptable et que la conduite avec un taux d'alcoolémie de 0,08 est criminelle. Toutefois, il n'y a pas de consensus à ce stade-ci pour criminaliser la conduite avec un taux d'alcoolémie de 0,05. Beaucoup de gens ne considèrent pas que c'est nécessairement la meilleure route à prendre pour obtenir davantage de succès.
À titre de directeur de la sécurité routière au Bureau d'assurance du Canada, je suis de l'opinion que pour le moment, criminaliser la conduite avec un taux d'alcoolémie de 0,05 n'est pas la façon la plus efficace d'atteindre nos objectifs pour réduire la conduite en état d'ébriété sur les routes partout au Canada.
Je vais maintenant poursuivre en anglais.
[Traduction]
Nous croyons que d'autres mesures méritent d'être développées. Dans notre exposé, nous aborderons trois éléments. Le premier concerne une meilleure application de la limite d'alcoolémie actuelle de 0,08. Nous parlerons également de la mise en oeuvre de programmes de suspension immédiate du permis pour les conducteurs dont l'alcoolémie atteint 0,05. En dernier lieu, je vous dirai quelques mots à propos du programme d'alcootests administrés au hasard actuellement utilisé en Australie.
Récemment, le Fonds de recherches sur les blessures de la route a réalisé pour le compte du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé une enquête auprès d'un échantillon formé de 1 035 procureurs de la Couronne et avocats de la défense. Cette étude a permis de cerner un certain nombre de problèmes liés à l'application de la limite d'alcoolémie actuellement fixée à 0,08 dans le Code criminel et qui méritent d'être examinés.
Les enquêteurs ont d'abord relevé que les taux de condamnation étaient passés de 90 p. 100 dans les années 1990 à 72 p. 100 au moment de l'enquête.
Le second élément souligné — il y en a beaucoup dans ce rapport, et je n'en cite que quelques-uns — est qu'il existe un déséquilibre entre les ressources de la défense et celles de la Couronne, en particulier en ce qui concerne le temps de préparation. La défense dispose de cinq à six fois plus de temps pour se préparer. Autrement dit, si un procureur de la Couronne a deux heures pour préparer un cas, l'avocat de la défense aura probablement de 10 à 12 heures pour le faire. Le déséquilibre est donc manifeste. L'enquête a montré que cela tient surtout au nombre élevé de cas dont les procureurs sont chargés.
Sur une note positive — et cela n'a pas nécessairement été souligné, mais nous croyons que c'est un encouragement à poursuivre dans cette voie — dans les années 1990, une étude a montré qu'à l'époque, la majorité des poursuites engagées contre des personnes qui avaient dans le sang un taux d'alcool supérieur à la limite imposée par la loi concernaient des taux de 1,6 à 1,8. Cette toute récente enquête a ceci de positif que la concentration moyenne d'alcool dans le sang était de 100 à 160, ce qui nous porte à croire que les procureurs commencent à poursuivre des personnes ayant une alcoolémie inférieure à 0,08 ou qui s'en approche, ce qui est certainement encourageant.
Le second point dont nous voudrions parler est la voie prometteuse ouverte par les divers programmes de retrait immédiat du permis. Au Canada, la plupart des administrations ont un programme de suspension immédiate du permis en vertu des lois provinciales ou territoriales sur la sécurité routière. Ces dispositions autorisent les agents responsables de l'application de la loi à retirer immédiatement le permis des conducteurs de véhicule automobile dont l'alcoolémie se situe entre 0,04 — en Saskatchewan — et 0,08, bien que la plupart des administrations exigent la suspension immédiate du permis à 0,05.
Ces programmes sont très efficaces. En Saskatchewan, l'analyse a révélé que moins de 8 p. 100 des conducteurs dont le permis avait été suspendu sur-le-champ avaient récidivé. Le faible taux de récidive montre clairement qu'une telle mesure a un effet de dissuasion ou, du moins, donne une bonne leçon aux personnes qui croient peut-être que leur alcoolémie n'est pas suffisamment élevée pour les empêcher de prendre le volant.
Si nous nous plaçons du point de vue de l'assurance, il y a au Canada quatre administrations qui n'inscrivent pas ces suspensions de permis dans le dossier des conducteurs; nous ne pouvons donc pas les utiliser comme critère pour calculer le tarif d'assurance des conducteurs. Nous savons que ces administrations envisagent toutes actuellement cette mesure, mais un certain nombre d'obstacles s'y opposent. Si nous pouvions utiliser une alcoolémie de 0,05 dans nos calculs, cela constituerait un autre niveau de dissuasion dans le combat mené contre la conduite avec facultés affaiblies.
Le troisième point sur lequel je veux attirer votre attention est le succès du programme australien d'alcootests administrés au hasard. Nous connaissons bien les programmes RIDE que gèrent les organismes d'application de la loi au Canada. Ces programmes sont menés en général pendant les fêtes de fin d'année et les longues fins de semaine. Ils ne sont pas toujours aussi systématiques que nous le voudrions, mais ils existent. Ils diffèrent des programmes d'alcootests aléatoires car ils contrôlent tous les conducteurs, sans exception. Autrement dit, tous les conducteurs qui se présentent à un barrage routier doivent fournir un échantillon d'haleine. Cela contribue à la crainte d'être pris.
Dans une étude récente du Centre de recherche sur les accidents de l'Université Monash, le professeur Delaney et ses collègues ont établi le principe stratégique de l'application des lois sur la conduite avec facultés affaiblies en ce qui concerne les alcootests aléatoires. Essentiellement, ils affirment que ces alcootests sont un élément essentiel pour appuyer les suspensions administratives du permis et la limite d'alcoolémie de 0,08 prévue dans le Code criminel.
Le recours systématique à l'alcootest renforce le sentiment que les conducteurs qui ont bu seront pris et devront subir toutes les conséquences liées à la situation.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis accompagné de M. David Griffin, un ancien policier qui est cadre exécutif de l'Association canadienne des policiers. Il m'appuiera aujourd'hui.
[Français]
L'Association canadienne des policiers est heureuse d'avoir l'occasion de témoigner aujourd'hui devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, au sujet de son étude sur les questions relatives à la conduite avec facultés affaiblies.
L'ACP est la porte-parole de 57 000 membres du personnel policier à la grandeur du Canada. Par l'intermédiaire de ses 160 associations membres, l'ACP comprend le personnel oeuvrant dans des corps policiers canadiens, desservant tant les plus petits villages que les plus grandes agglomérations urbaines au sein de services policiers municipaux et provinciaux, ainsi que des membres de la GRC.
Les collisions de véhicules à moteur causées par des conducteurs avec facultés affaiblies ne sont pas des accidents; ce sont des crimes. La conduite avec facultés affaiblies demeure la cause « numéro un » de mort criminelle au Canada. Malgré nos meilleurs efforts collectifs et nos meilleures initiatives et intentions collectives, il s'avère que le problème de la conduite avec facultés affaiblies s'aggrave au Canada et que nous perdons du terrain dans nos efforts en vue d'éliminer la conduite avec facultés affaiblies. Les données les plus récentes, remontant à 2006, démontrent que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues, de véhicules à moteur et d'embarcations, a atteint son niveau le plus élevé depuis 1999. Cela n'est pas acceptable; il faut agir dès maintenant.
[Traduction]
Le Canada a besoin d'une approche coordonnée et intégrée, impliquant Ie gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et tous les intéressés au sein du système judiciaire, et nous nous réjouissons du travail effectué par Ie Comité dans ce sens. Toutefois, nous nous permettons de rappeler qu'il y a eu un grand nombre de comités, de projets de loi et d'études au cours de la dernière décennie. Le véritable problème semble être de faire évoluer Ie dossier, au-delà des consultations, en adoptant un projet de loi adéquat et en Ie mettant en oeuvre.
Nous croyons que les secteurs à cibler dans le cadre de cet examen sont, en premier lieu, les tests d'haleine routiers aléatoires. À l'heure actuelle, les policiers canadiens peuvent administrer un alcootest routier uniquement s'ils ont des motifs de croire qu'un conducteur a peut-être consommé de l'alcool. Malheureusement, cela n'est pas toujours faisable, en particulier lorsque les conducteurs sont impliqués dans des collisions. Certains pays autorisent l'utilisation des alcootests routiers aléatoires et ils ont constaté des améliorations sensibles. Quelqu'un nous a parlé de l'un d'entre eux, l'autre est la Nouvelle-Zélande.
Cela signale que la possibilité de conduire sur les routes du Canada est un privilège et non pas un droit. Les tests d'haleine aléatoires chez les conducteurs constituent une mesure raisonnable et efficace qui répond à une préoccupation sérieuse en matière de sécurité publique. Il n'est pas plus dérangeant de se soumettre à un test d'haleine routier aléatoire que de passer les contrôles de sécurité à l'aéroport où, comme ici aujourd'hui, à l'entrée d'un bâtiment.
Si le Comité choisit de ne faire qu'une seule chose, nous pensons qu'il devrait envisager cette proposition. L'administration d'alcootests routiers aléatoires constituerait une mesure de dissuasion importante pour les personnes qui pourraient décider de courir le risque et de conduire en état d'ébriété.
Deuxièmement, il y a les alcootests dans les hôpitaux. Les conducteurs soupçonnés d'avoir les facultés affaiblies et qui ont été blessés et amenés à l'hôpital constituent un important problème d'application de la loi pour les policiers. Souvent, il est difficile de prélever un échantillon d'haleine dans les délais prescrits ou d'obtenir l'autorisation de prélever un échantillon sanguin.
:
Merci, monsieur le président. Merci aux autres députés membres du comité.
J'ai avec moi aujourd'hui, M. Émile Thérien, ancien président du Conseil canadien de la sécurité. Ma présentation sera faite en anglais, mais nous sommes prêts à répondre aux questions dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Le mémoire que nous avons présenté en février 2008, il y a un an, expliquait pourquoi le gouvernement devrait maintenir l'alcoolémie au niveau actuel de 80 mg par 100 ml. Le Conseil canadien de la sécurité presse Justice Canada de s'associer à la stratégie nationale du Canada, connue sous l'acronyme STRID, pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. La stratégie est mise en oeuvre de concert par Transports Canada et toutes les compétences provinciales et territoriales ainsi que de nombreuses organisations de sécurité, y compris le Conseil canadien de la sécurité. STRID profite des conseils des spécialistes les plus réputés en matière de sécurité routière et applique les études et les pratiques les plus solides.
Depuis la présentation de notre exposé, en février dernier, STRID a publié trois importants rapports. Voyons d'abord quelques résumés.
Prenons l'enquête de juillet 2008, menée auprès de 1 000 procureurs de la Couronne et avocats de la défense. Cette enquête a notamment révélé qu'il fallait de plus en plus de temps pour régler les affaires de conduite avec facultés affaiblies. Les délais sont passés d'un maximum de six mois pour négocier une transaction pénale à près d'un an. Nous aimerions faire remarquer que de tels retards ne pourront qu'augmenter si des accusations au criminel sont déposées en deçà du niveau actuel.
Près de 30 p. 100 des cas qui vont en cour se terminent par un acquittement. Vu la fiabilité de la technologie de l'alcootest, on peut se demander si bon nombre des accusés sont acquittés grâce au travail de leur avocat, même si dans les faits ils avaient vraiment les facultés affaiblies.
Les récidivistes représentent environ le tiers de toutes les affaires de conduite avec facultés affaiblies. Cette nouvelle information confirme le bien-fondé de notre recommandation voulant que Justice Canada mette l'accent sur des peines qui préviendront la récidive et veille à ce que des programmes de traitement soient associés à la peine et faciles d'accès.
Le rapport conclut que l'on conteste une accusation au criminel en raison des graves conséquences qu'entraîne une condamnation. Cette notion confirme la validité de notre recommandation qui veut que les cas des conducteurs dont l'alcoolémie est plus faible continuent d'être traités sans recourir au Code criminel, là où les conséquences sont beaucoup plus sûres et plus immédiates.
Deuxièmement, un rapport publié à l'automne 2008 sur les tendances en matière d'accidents où l'alcool entre en jeu renforce notre opinion que la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies produit des résultats. Le groupe qui nous préoccupe n'est pas celui des conducteurs qui sont en deçà de la limite légale actuelle; c'est celui des conducteurs dont l'alcoolémie est supérieure à 80 mg par 100 ml, en particulier lorsque cette alcoolémie est plus du double de la limite légale. Dans plus de la moitié des cas de décès attribuables à la conduite avec facultés affaiblies, les victimes sont les conducteurs eux-mêmes.
Finalement, le rapport de suivi du STRID pour 2007 montre qu'un nombre croissant de compétences resserrent les sanctions administratives pour les conducteurs ayant moins de 80 mg par 100 ml. Depuis l'an dernier, l'Ontario inscrit les suspensions administratives du permis de conduire dans le dossier du conducteur et fait passer ces suspensions de 12 heures à trois jours et parfois même plus en cas de récidive.
Ces trois rapports appuient la position du Conseil canadien de la sécurité, qui juge inutile de réduire la limite d'alcoolémie fixée dans le Code criminel pour contrer les problèmes liés à la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Ils confirment que, dans l'intérêt de la sécurité publique, il vaut mieux régler les cas des conducteurs ayant une alcoolémie inférieure à 80 mg par 100 ml sans recourir au Code criminel.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
La Criminal Lawyers' Association est heureuse de venir témoigner devant le Comité permanent au sujet d'une étude qui est évidemment fondamentale.
Notre organisation représente 1 000 criminalistes de l'Ontario. Avec les avocats de la Couronne, nous sommes, à bien des points de vue, des travailleurs de première ligne dans le système de justice pénale. Nous ressentons donc au quotidien les effets des lois que vous formulez ici, à Ottawa.
Aujourd'hui, je suis venu avec Jonathan Rosenthal, un spécialiste reconnu de la défense dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. M. Rosenthal a énormément d'expérience, et nous sommes prêts à vous faire part de nos réflexions sur toute question que vous voudrez bien nous poser.
Je vais d'abord faire très rapidement le tour de la question, puis je laisserai à M. Rosenthal le soin de traiter de la limite d'alcoolémie à 0,05.
Je veux d'abord vous faire remarquer qu'il ne faut pas s'y tromper, nos membres sont tous en faveur de mesures justes et constitutionnelles qui visent à assurer la sécurité dans nos rues. Tous les citoyens, et les criminalistes en sont, ont évidemment intérêt à ce que cesse le carnage attribuable à la conduite avec facultés affaiblies.
Cela dit, je presse le Comité, comme nous l'avons fait par le passé, de peser avec soin tout changement éventuel et de bien réfléchir aux effets que ce changement pourrait avoir sur l'administration de la justice dans l'ensemble du pays.
Le système de justice pénale est un instrument grossier, mais il est tout de même fragile. Il est grossier en ce sens qu'il ne modifie pas toujours la façon dont la société agit. Il ne donne pas de réponse qui permette de régler nos problèmes dans tous les cas. Et si je parle de sa fragilité, c'est simplement pour indiquer que le système de justice pénale est déjà sur le point d'éclater en raison des retards et de la surcharge de travail, et que tout ce que vous faites ici pourrait avoir un effet exponentiel sur ce système en terme de retards.
À ce sujet, permettez-moi de vous faire remarquer que l'Ontario a récemment entamé un examen de la question des retards des tribunaux, dans le cadre d'une initiative appelée Justice juste-à-temps. Il s'agit d'un effort pour accélérer l'administration d'une justice équitable.
Un des problèmes, en Ontario, vient de ce que le taux effectif des affaires entendues par un tribunal est d'environ 7 p. 100 — 7 p. 100 de nos affaires donnent lieu à un procès, et 93 p. 100 sont réglées par un plaidoyer de culpabilité, un retrait des accusations ou un arrêt des procédures. Si vous modifiez de 1 ou 2 p. 100 ce taux de procès de 7 p. 100, vous produirez concrètement un changement de 15 à 20 p. 100 du nombre de procès qu'il faudra tenir dans le système. C'est un système délicat. Il est déjà surchargé; il y a des affaires comme l'affaire Askov qui se répètent en Ontario dans tous les tribunaux. Si les affaires sont ainsi suspendues, si vous apportez un changement de 1 p. 100, vous aurez une hausse de 15 p. 100 du nombre de procès. Il ne faut pas être un génie mathématique, pour voir ce qui se produira. J'implore donc le Comité de tenir compte de telles considérations, mais évidemment nous appuyons les travaux du Comité.
Je vais maintenant laisser la parole à M. Rosenthal.
:
Je ne peux pas vous citer de pourcentages comme l'a fait M. Di Luca, mais je peux vous dire, en tant qu'avocat qui plaide presque quotidiennement devant les tribunaux ontariens qu'en Ontario du moins, les tribunaux sont en crise. Tous les jours, des non-lieux sont prononcés en raison de retards déraisonnables.
Je vous le dis, plus les peines qui sanctionnent la conduite avec facultés affaiblies seront lourdes, et plus les accusés contesteront les faits. Autrefois, on ne craignait que la suspension du permis de conduire, mais je sais que depuis cinq ou 10 ans on s'inquiète aussi des conséquences que peut avoir un casier judiciaire.
Je crois avoir lu quelque part que le fait de ramener le taux de 80 à 50 mg par 100 ml fera augmenter le nombre des accusations d'environ 40 p. 100. Notre système est déjà en crise et n'arrive pas à absorber les volumes actuels. Je ne sais pas comment il pourrait traiter un plus grand nombre d'accusations. Si vous ajoutez 40 p. 100 à la charge de travail sans injecter de ressources importantes, vous créerez une crise bien pire que celle produite par les retards dans l'affaire Askov, en 1991.
Les procureurs de la Couronne en Ontario sont déjà surchargés de travail et n'ont pas suffisamment de ressources. Croyez-le ou non, les procureurs principaux de la Couronne en Ontario doivent envoyer eux-mêmes les télécopies et faire leurs photocopies. Si vous alourdissez de 40 p. 100 leur charge de travail, nous allons avoir de sérieux problèmes.
Il faut aussi songer aux policiers. Je suis convaincu que tôt ou tard, si ce n'est déjà fait, on vous mentionnera le temps qu'il faut à un policier pour traiter un cas entre le moment de l'arrestation et celui de la libération. À l'heure actuelle, si un conducteur est intercepté et que son alcootest est supérieur à 50 mg par 100 ml, son permis de conduire sera immédiatement suspendu, et les policiers n'ont probablement que quelques minutes. Soudainement, chaque fois que quelqu'un atteint un niveau justifiant une « mise en garde » ou supérieur à 50 mg par 100 ml, cette personne ne pourra pas prendre le volant pendant une période assez longue. Ajoutez à cela que les techniciens de l'alcootest doivent effectuer des tests si la personne arrêtée a une alcoolémie supérieure à 80 mg par 100 ml. Ils sont aussi tenus par la loi d'administrer ces tests sur-le-champ ou dans les plus brefs délais. Là encore, si vous augmentez la charge de travail de 40 p. 100, il n'y aura pas suffisamment de techniciens des alcootests et il n'y aura pas suffisamment d'appareils.
Alors, à moins d'être prêts à prendre des mesures pour que des ressources considérables soient investies, vous vous dirigez tout droit vers ce que j'appellerais une catastrophe.
:
J'ai eu l'honneur de témoigner devant votre comité en juin 2007, au sujet des amendements du projet de loi C-2. Je suis un peu étonné d'avoir été invité à nouveau. À l'époque, je vous avais mis en garde contre ce qui se passerait si ces amendements étaient adoptés. Je vous avais dit qu'il n'y aurait pas de drapeau blanc et que personne ne céderait. Permettez-moi de vous dire ce qui s'est passé depuis le 2 juillet, date à laquelle les amendements du projet de loi C-2 ont été adoptés, et ce n'est qu'un début.
En Ontario, nous n'avons pas encore réussi à déterminer si la loi s'applique ou non de façon rétroactive. Depuis environ sept mois, les décisions prononcées vont dans toutes les directions, sans être contraignantes. La question finira par être réglée dans des années, lorsqu'elle sera entendue par les tribunaux. Nous ne faisons que commencer les poursuites au sujet de la divulgation. Nous n'avons pas encore abordé la question de la constitutionnalité. Aujourd'hui, une affaire simple — une alcoolémie supérieure à 80 mg par 100 ml, sans accident — occupe deux ou trois jours au tribunal. C'est une affaire qui, il n'y a pas si longtemps, aurait pu être réglée en une demi-journée. Je ne peux pas vous dire combien de milliers de cas se seront accumulés dans le système avant qu'une décision finale ne soit prise au sujet du caractère prospectif ou rétrospectif de la divulgation et, éventuellement, des aspects constitutionnels.
Je peux en revenir au débat sur les 80 ou les 50 mg par 100 ml. Il n'y a pas d'accord universel parmi les scientifiques pour dire si tous ont les facultés affaiblies avec une alcoolémie de 50 mg par 100 ml; le débat se poursuit. Quel que soit le niveau d'alcoolémie, si le policier croit qu'un conducteur a les facultés affaiblies, il l'arrête, indépendamment du résultat du test. Le critère pour déterminer si quelqu'un sera déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies est de savoir si la capacité de conduire un véhicule à moteur était amoindrie, même légèrement.
Finalement, d'un point de vue parfaitement égoïste, je peux vous dire que si vous réduisez la limite légale tous les avocats feront des affaires d'or. La réduction de la limite légale indiquera certainement à un public non averti que le gouvernement s'attaque avec fermeté au problème de la conduite avec facultés affaiblies. Et je peux vous garantir que le retard accumulé sera nettement supérieur à tout ce que nous avons connu jusqu'à maintenant et qu'un plus grand nombre d'accusations — et je ne parle pas seulement d'accusations de conduite avec facultés affaiblies, je pense à toute la gamme des accusations au criminel — feront l'objet d'un sursis si un tel amendement ou une telle disposition législative sont sérieusement envisagés.
Si j'ai utilisé tout mon temps, je vais terminer ici mon exposé, sans aborder d'autres thèmes.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins.
[Français]
Merci beaucoup de votre témoignage aujourd'hui.
[Traduction]
Je voudrais simplement préciser que, selon moi du moins, nous sommes ici pour étudier la question de la conduite avec facultés affaiblies et non pas des dispositions législatives précises ou des modifications du Code criminel.
Un certain nombre de suggestions ont été avancées. La principale qui a été mentionnée publiquement, j'imagine, est l'idée de ramener à 0,05 la limite d'alcoolémie, mais je crois bien que nous en sommes venus... et je ne prétends pas parler au nom de tous — il y a un solide esprit de corps ici, et nous voulons vraiment apporter des changements qui seront efficaces.
Je crois que ce que nous voulons faire, ce n'est pas tant de proposer ou d'appuyer des dispositions législatives qui ramèneraient à 0,05 la limite d'alcoolémie dans le Code criminel, mais plutôt d'appuyer diverses initiatives provinciales menées par presque toutes les provinces pour suspendre les permis de conduire et de renforcer le système en permettant aux policiers d'invoquer des arguments comme la présomption du délai écoulé, une question dont M. Momy aurait traité s'il avait eu plus de temps, ou encore comme l'administration d'alcootests routiers aléatoires pour surveiller pleinement nos routes un jour ou un soir donné, de façon plus sûre.
J'avais une question que je voulais poser à tous, mais vous êtes allé droit au but, monsieur Rosenthal, lorsque vous avez dit qu'il risquait d'y avoir des contestations fondées sur la Constitution. Je suis ici depuis trois ans, et nous en parlons constamment. C'est l'épouvantail qu'on agite, la contestation en vertu de la Charte. Parlez-moi de l'affaire Oakes, parlez-moi de la proportionnalité.
Est-ce qu'il n'y a rien à redire au sujet des fouilles à l'aéroport, comme l'affirment les milieux de l'assurance? La lourde peine qui consiste à se voir interdire l'accès à l'avion ou à se faire enlever son tube de crème à raser, cela est proportionnel, cela est accepté?
Si nous proposions non pas de criminaliser le fait de conduire avec une alcoolémie entre 0,05 et 0,08, mais plutôt de suspendre le permis, une peine beaucoup plus légère, est-ce que cela serait proportionnel? L'alcootest routier serait-il proportionnel si la peine était moins lourde? N'est-ce pas là le principe même qui sous-tend l'arrêt Oakes?
:
Il est vrai que, jusqu'ici, on est parvenu à maintenir un certain équilibre. Je dis cela étant donné qu'avant d'arrêter quelqu'un, il faut avoir pour cela des motifs probables et raisonnables, c'est-à-dire des raisons de soupçonner. Pour soumettre quelqu'un à l'alcootest, il faut donc, n'est-ce pas, avoir quelque raison de le faire.
Mais, outre la question de la détention, se pose également la question de la fouille, étant donné que le prélèvement d'un échantillon d'haleine constitue bien une perquisition et saisie. La plupart des gens n'en sont peut-être pas conscients, mais du point de vue constitutionnel, c'est bien cela.
Nous savons, depuis l'arrêt Hunter c. Southam, et les décisions de justice rendues depuis, que plusieurs critères s'appliquent en ce domaine, et qu'il faut, en effet, soit une autorisation de justice préalable, soit un motif précis, soit, encore, un soupçon raisonnable. Mais si nous ne prévoyons, en l'occurrence, aucun critère, je pense que le texte sera contestable du point de vue constitutionnel.
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Eh bien, cela faisait justement l'objet du point cinq de notre exposé et c'est bien au niveau de ce délai de trois heures que se situe le problème.
Je voudrais que les membres du comité comprennent bien que tout dépend, en effet, du délai ainsi imposé. En 1999, le Code criminel a été modifié afin de porter de deux à trois heures, le délai dans lequel un policier pouvait exiger d'une personne soupçonnée de conduite avec facultés affaiblies un échantillon d'haleine ou de sang. La difficulté provient du fait, cependant, qu'après un délai de deux heures, il faut faire intervenir un expert.
Il s'agirait donc d'harmoniser — et que le délai de trois heures s'applique uniformément, par exemple — cela faciliterait beaucoup la tâche des policiers s'ils pouvaient obtenir un échantillon dans les trois heures et que cet échantillon soit admissible devant les tribunaux. Je répète, en effet, qu'actuellement, au-delà de deux heures, il faut faire intervenir un expert.
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Je pense qu'une telle modification pourrait être apportée au Code.
J'ai maintenant une question qui s'adresse au Conseil canadien de la sécurité.
Dans un des mémoires que vous nous avez présenté, vous jugez peu sérieux l'argument faisant valoir que le taux d'alcoolémie actuellement prévu par la Loi devrait être abaissé, étant donné que, d'ordinaire, la police ne porte pas d'accusations contre les conducteurs ayant moins de 100 milligrammes d'alcool dans le sang — c'est-à-dire manifestant une alcoolémie de 0,10.
Pourquoi avez-vous écrit cela? Certains responsables politiques prétendent que c'est déjà le cas et qu'en fait, le taux officiel n'est donc pas de 0,08, mais bien de 0,10.
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À votre connaissance — et je m'adresse à tous les témoins —, il n'y a pas de mesure en place, par exemple l'obligation de se rendre en cour municipale pour récupérer son permis. Cela peut se faire par l'entremise des différentes sociétés de l'assurance automobile, mais il n'y a pas de mesure administrative qui oblige quelqu'un à se présenter en cour municipale. D'accord.
Ensuite, si l'on acquiesce à la recommandation des policiers, je veux bien comprendre le mécanisme que vous souhaitez. J'ai cru comprendre que lorsqu'un policier arrête quelqu'un pour conduite avec facultés affaiblies sur la base d'un motif raisonnable, il y avait deux tests: l'un avec des appareils de détection approuvés et, si les motifs étaient avérés, un deuxième test à l'aide de ce qu'on appelle « les alcootests approuvés », selon nos notes de recherche. Il y a donc deux tests obligatoires, s'il y a des motifs.
Dans le cas du deuxième test, des techniciens sont formés par différents corps policiers, ils suivent des cours, et il y a vraiment une façon de faire qui est approuvée selon une méthodologie de la Société canadienne des sciences judiciaires.
Si nous nous rendons à votre réclamation voulant que nous permettions aux policiers d'établir des barrages routiers, à ce moment-là, il n'y aura plus de motifs raisonnables, les gens vont devoir se soumettre aux tests. Le régime des deux tests va-t-il demeurer en vigueur? Le critère des motifs raisonnables ne s'appliquera pas, si je comprends bien. Comment voyez-vous cela dans les faits?
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D'accord. Vous dites que ça se fait dans certains États, vous avez parlé du cas de l'Australie.
Quand j'étais étudiant, j'ai suivi des cours de droit constitutionnel. Vous avez sûrement remarqué que je suis le plus jeune au sein de ce comité, donc le dernier à avoir suivi les cours de droit constitutionnel. On nous avait alors dit que l'article 8 de la Charte faisait en sorte que lorsque quelqu'un était arrêté, il s'agissait d'une détention arbitraire, mais qui était justifiée parce qu'on évoquait le motif d'éviter le carnage. Lors des cours, on utilisait le mot « carnage », et cela se justifiait dans une société démocratique.
Je suis prêt à examiner d'un bon oeil la demande des policiers. Cependant, si l'on se rendait à votre argument, je ne sais pas si en Cour suprême — et à ce sujet, peut-être qu'on pourrait avoir l'avis de notre collègue, M. Rosenthal —, cela passerait le test de la Charte?
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Comme nous le faisions valoir l'année dernière, dans notre mémoire, nous sommes tout à fait favorables au recours à un dispositif de blocage d'allumage, surtout si on l'impose assez tôt. Nous savons pertinemment que de nombreux conducteurs continuent à prendre le volant, mais le code contient une disposition permettant à un conducteur de se voir, dans certaines circonstances, rendre son permis de conduire plus tôt que prévu, et notamment lorsqu'il accepte de munir son véhicule d'un antidémarreur. Nous estimons qu'en imposant ce type de contrôle au conducteur, on parviendra à réduire le nombre d'accidents, puis à amener les automobilistes à mieux respecter les règles de la route.
La manière dont ça s'est passé en Ontario est très intéressante. En effet, selon les dispositions en vigueur, le conducteur se voyait retirer son permis pour un an, puis était, pendant un an, soumis à l'alcootest, alors qu'au Québec, après une suspension de trois mois, le conducteur pouvait retrouver son permis, sa conduite étant soumise cependant à certaines restrictions.
On a constaté, en Ontario, qu'après un an, les conducteurs n'adoptaient pas l'antidémarreur, mais attendaient simplement qu'une autre année passe et qu'on leur rende leur permis de conduire. Cela veut dire, qu'ils s'habituaient, la première année, à conduire sans permis, estimant qu'ils ne se feraient pas prendre, et ils continuaient à le faire en attendant de retrouver, après deux ans, leur permis de conduire, sans que celui-ci soit assorti de la moindre restriction.
Je pense que la plupart des conducteurs respectent les conditions qui leur sont imposées pendant un certain temps, puis si l'occasion leur en est fournie, décident de se munir d'un antidémarreur, afin de régulariser leur situation. Cela dit, s'ils attendent trop longtemps et qu'ils continuent à conduire sans permis, ils risquent d'en prendre l'habitude.
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi, à mon tour, de remercier nos témoins. Vos propos d'aujourd'hui nous ont été très utiles.
Nous avons évoqué ici des questions importantes. Il s'agit, en effet, de la sécurité routière, notamment dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies. C'est dans ce contexte-là que nous avons évoqué la question de l'alcoolémie.
Ce que nous ont dit à cet égard les représentants de l'Association canadienne des policiers est non seulement très utile, mais très intéressant. D'après le tableau que vous avez préparé, avec le taux actuel de 0,08, un conducteur peut, en deux heures, avaler cinq consommations standard, sans que son alcoolémie n'atteigne 0,08. En fait, en prenant en deux heures trois consommations standard, un conducteur peut demeurer en deçà d'une alcoolémie de 0,05, alors qu'il s'exposerait, dans la plupart des provinces, à une sanction administrative en dépassant ce taux. Il en va ainsi d'un homme pesant 200 livres qui, en deux heures, prend trois consommations. Son alcoolémie va rester en deçà du taux qui l'exposerait à une sanction administrative. En prenant cinq consommations en deux heures, il n'atteint toujours pas l'alcoolémie qui l'exposerait à une sanction au titre du Code criminel.
Puisque c'est vous qui, en ce domaine, intervenez en première ligne, je voudrais demander aux représentants de l'Association canadienne des policiers si les conducteurs chez qui l'on prélève un échantillon d'haleine, sont plus surpris d'une alcoolémie qui dépasse le taux officiel ou d'une alcoolémie qui reste en deçà. Je me demande si vous n'avez pas parfois l'impression que quelqu'un, peut-être dans un moment de lucide réflexion, se dit « Eh bien, dire que je m'en suis tiré ».
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C'est volontiers que je répondrai à votre deuxième question. Pour la plupart des gens, le principal est de pouvoir continuer à conduire, étant donné que c'est essentiel pour leur travail.
Il est fréquent que, pour nos clients, un chauffeur de camion, père de famille, par exemple, la conduite d'un véhicule automobile soit l'unique moyen de pourvoir à l'entretien de leur famille. La perte du permis de conduire risque d'entraîner la perte de leur emploi et provoquer, pour leur famille, de graves difficultés. Or, la possibilité de conduire un véhicule, assortie de certains contrôles, permet, dans ce genre de situation, de lever les principaux obstacles.
J'ajoute, et cela joue de plus en plus depuis les événements du 11 septembre, que le risque d'avoir un casier judiciaire a pris une importance croissante. Il y a des années, cela ne jouait que rarement, mais on m'en fait de plus en plus la remarque. Je comprends bien que je ne peux pas avoir le beurre et l'argent du beurre et si je procédais à un sondage auprès de mes clients, je constaterai que la possibilité de continuer à conduire reste au coeur de leurs préoccupations, mais que le risque d'avoir un casier judiciaire vient tout de suite après.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie aussi les témoins de leurs présentations.
Je commencerai par poser une question à M. Momy. Puisque vous avez manqué de temps pour faire votre présentation, cela vous donnera peut-être la chance de continuer.
Dans votre exposé, vous avez abordé la question du taux d'alcoolémie de 0,05. Sauf erreur, vous avez une opinion quant à l'idée de ramener à 0,05 la limite légale du taux d'alcoolémie. Ai-je bien compris?
Parlez-vous d'une procédure administrative de la province ou pensez-vous que l'on devrait amender le Code criminel pour abaisser le taux d'alcoolémie à 0,05?
Je veux m'assurer que j'ai bien compris.
Étant donné que j'ai beaucoup pratiqué le droit criminel du côté de la défense, j'aime regarder les documents. Or, certaines affirmations de l'Association canadienne des policiers me causent problème.
Dans votre texte, que j'ai lu à deux reprises, vous dites ceci:
Malgré nos meilleurs efforts collectifs et nos meilleures initiatives et intentions collectives, il s'avère que le problème de la conduite avec facultés affaiblies s'aggrave au Canada [...]
Je n'ai pas les mêmes chiffres que vous. En 1999 — et ce nombre provient du ministère —, le nombre total de cas de conduite avec facultés affaiblies au Canada était de 85 997 et celui des personnes accusées de 73 143. En 2006, on comptait 74 331 accusations ou incidents et 60 402 personnes accusées. J'ai en ma possession les chiffres couvrant la période de 1986 à 2006, soit 20 ans. On note une constante diminution. Ne venez pas me dire que le problème s'aggrave. À moins que les gens du ministère de la Justice ne nous aient menti, auquel cas il faudrait les convoquer et leur poser la question. Mes données, qui proviennent du gouvernement, démontrent une constante diminution. Si vous me dites avoir des chiffres, j'aimerais les recevoir par courrier. Il est clair que des initiatives ont été prises, que des choses ont été réalisées. Comme avocat de la défense, je peux vous dire que le fardeau de la défense est drôlement plus difficile maintenant. Rappelons-nous qu'en 1986 — et je ne sais pas si M. Rosenthal était alors avocat —, nous assistions régulièrement à des acquittements. Or, il y en a beaucoup moins aujourd'hui parce que le travail est mieux fait.
Au Québec, on va installer des radars pour contrôler la circulation routière. On nous donne des chiffres et on nous dit qu'en réduisant simplement la vitesse de cinq kilomètres à l'heure, on ferait décroître le nombre d'accidents de 25 p. 100. La peur de se faire prendre par les policiers et de se faire arrêter est probablement un incitatif important, mais il faut aussi considérer la peur des sanctions administratives. Cette dernière n'est-elle pas plus importante? Depuis 2000 dans les provinces, en particulier au Québec, il est beaucoup plus difficile d'obtenir son permis de conduire lorsqu'on a été arrêté une première fois pour conduite avec facultés affaiblies. Imaginez ce que c'est dans le cas d'une deuxième fois. Je sais qu'il y a des récidivistes; j'ai eu des clients multirécidivistes.
Au lieu de faire passer le taux d'alcoolémie de 0,08 à 0,05, ne faudrait-il pas permettre des sanctions administratives plus importantes? Je suis de votre avis en ce qui a trait aux tests d'haleine aléatoires. J'invite mon collègue Me Rosenthal à consulter un arrêt de la Cour suprême, soit R. c. Orbanski; R. c. Elias, [2005] 2 R.C.S. 3. En 2005, la Cour suprême a affirmé que si on lui reposait la question, si elle avait à étudier cette possibilité en vertu de l'article 1 de la Charte... Le gouvernement a peut-être des objectifs impérieux et valables qui le poussent à intervenir à cet égard, mais ne serait-il pas préférable, question d'éviter de longs débats, de permettre aux provinces de faire beaucoup plus d'interventions draconiennes pour aider les policiers?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens, messieurs, à vous remercier d'être venus témoigner devant le comité.
Je tiens à préciser, à l'intention de M. Griffin, que j'ai, moi aussi, au cours de nombreuses années, eu l'occasion d'administrer des centaines d'alcootests.
Qu'il me soit permis d'ajouter que s'il m'arrivait d'être accusé de conduite avec facultés affaiblies, je souhaiterais que ce soit M. Rosenthal qui me défende. J'ai déjà eu affaire à des gens largement rémunérés, spécialisés dans la défense de personnes accusées de conduite en état d'ébriété, et j'ai pu constater que, pour eux, ce n'est pas une question d'innocence ou de culpabilité; ce qui les intéresse, c'est le côté technique de la question. J'imagine que dans un pays comme le nôtre, c'est une bonne chose car cela encourage la police à oeuvrer avec diligence.
Je tiens aussi à rappeler que, lors de notre dernière séance consacrée à la conduite avec facultés affaiblies, nous avons accueilli plusieurs témoins et, parmi eux, un avocat de la défense qui nous a parlé des appareils vétustes qu'employait la police. Il faisait, je pense, allusion aux appareils Borkenstein en service depuis les années 1940 et 1950. Mon fils m'a dit qu'il suit actuellement un cours d'initiation à l'utilisation des Intoxilyzers, mais même si nous adoptons les nouveaux modèles de cet appareil, de nombreux moyens de défense continueront à pouvoir être invoqués et je ne pense donc pas vraiment que cela dépende des progrès de la technique. À l'hôpital, avec une seule goutte de sang, ou du moins un très petit échantillon sanguin, on peut déterminer votre alcoolémie. Personne ne conteste cela, car votre vie peut en dépendre.
Je ne pense pas qu'il y ait, autour de cette table, de gens qui souhaitent vraiment abaisser à 0,05 le seuil d'alcoolémie servant à déterminer la conduite avec facultés affaiblies. Ce qui semble souhaitable, cependant, c'est de réduire le nombre de personnes qui conduisent en état d'ébriété, en partie par la pédagogie, mais il faut également que le législateur des divers paliers de gouvernement adopte des programmes susceptibles de réduire le nombre de cas de conduite en état d'ébriété. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les personnes mortes des suites d'un accident provoqué par un conducteur en état d'ébriété ne peuvent désormais plus se prévaloir des dispositions de la Charte. Les droits que celle-ci leur reconnaît sont caducs. Les droits de la victime sont éteints.
Heureusement que nous avons dans ce pays une charte des droits, ce qui n'est pas le cas de certains autres pays qui, néanmoins, semblent lutter avec succès contre la conduite en état d'ébriété. Il nous faut donc étudier les pratiques exemplaires et je ne pense pas que M. Rosenthal, par exemple, s'opposerait à ce que nous essayions un certain nombre de choses — bien qu'il en ait contesté certains aspect — en modifiant les modalités d'application du programme RIDE concernant l'interpellation des conducteurs. À l'heure actuelle, l'agent de la paix doit avoir perçu une odeur émanant du véhicule. C'est dire qu'il lui faut en fait renifler votre haleine et, ce faisant, s'exposer tout de même à un certain risque.
Ma question s'adresse à M. Momy, au Bureau d'assurance, ainsi qu'au Conseil canadien de la sécurité et aux avocats de la défense. Il nous sera utile de savoir quelles sont, selon vous, les deux grandes priorités. J'aime bien pouvoir situer les priorités et je vous demande de nous dire, en quelques mots, quelles seraient vos deux grandes priorités, la première au sujet de ce que nous pourrions faire pour améliorer la situation sans encombrer le système. J'entends bien sûr des priorités raisonnables — c'est-à-dire celles qui ne vont pas coûter une fortune. En effet, nous n'avons pas aujourd'hui les moyens de demander aux gouvernements d'engager des milliers de nouveaux spécialistes policiers. Cela dit, il va tout de même falloir augmenter le nombre des agents de la paix.
Je tiens à dire aux représentants du Bureau d'assurance combien je suis surpris de voir le Nouveau-Brunswick figurer sur cette liste. Monsieur LeBlanc et moi-même ne manquerons pas d'évoquer la question avec nos collègues libéraux du Nouveau-Brunswick qui, avec le régime d'assurance sans faute, se sont montrés assez bien disposés envers le BAC.
Je vais, maintenant, aller droit au fait et m'adresser aux avocats de la défense. Les représentants de l'Association des policiers ont formulé des recommandations très précises qui me paraissent pouvoir être mises en pratique. La première concerne l'ajout d'un préambule législatif. Ils ne sont pas juristes, mais l'expérience acquise porte à penser qu'en introduisant dans le texte législatif un préambule, on situerait, à l'intention des juges, la gravité des maux découlant de la conduite en état d'ébriété.
Je demande donc à l'un d'entre vous de me dire quelle pourrait être, selon vous, l'influence d'une telle mesure? Un préambule bien pensé améliorerait-il la situation actuelle?
Ma seconde question concerne l'idée émise par l'Association de M. Therien, selon laquelle le comité des analyses d'alcool devrait se voir confier la tâche d'approuver les dispositifs de blocage d'allumage. Je pense — et j'interprète votre réaction comme un oui — que vous ne vous opposeriez pas à cela. Il s'agit d'une mesure à caractère essentiellement administratif.
J'en reviens à ma question concernant la préambule. Cela vous paraît-il important?
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins pour la qualité et l'utilité de leurs présentations.
Pour faire suite aux questions de M. Murphy au sujet des tests faits au hasard, j'ai quelques questions et peut-être préoccupations à exprimer. Je m'adresse à l'Association des policiers.
Indiscutablement, le public est indigné par les crimes graves, les crimes de rue et les activités des gangs. Les témoignages entendus cet après-midi nous ont appris que le travail des tribunaux était entravé par les retards, si bien qu'en fin de compte, certaines accusations sont suspendues, voire retirées.
Pourriez-vous nous donner le point de vue de la police à ce sujet. Si nous décidions de recourir à des alcootests routiers administrés au hasard, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que cela augmenterait le nombre des accusations de conduite de véhicule automobile avec facultés affaiblies. Mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux utiliser ces ressources — c'est-à-dire celles affectées aux enquêtes policières et celles des tribunaux — pour combattre des crimes plus graves, des crimes de rue?
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Merci, monsieur le président.
C'est un grand plaisir pour moi que de revenir au comité de la justice. Même si je ne suis que membre associé, aujourd'hui, je suis ravi de me retrouver à cette table à laquelle je vois bon nombre de mes collègues de la dernière session parlementaire.
J'en viens à ma question. Un petit problème me trotte dans la tête, messieurs, qui a trait à certaines expériences que j'ai vécues, tant comme civil que comme agent d'application de la loi. La question, aux fins de ce rapport, est de savoir si le comité devrait recommander, dans un rapport, de renverser le fardeau de la preuve, dans les cas où un automobiliste aux facultés affaiblies a consommé de l'alcool dans un délai de deux ou trois heures, ce qui est normalement le cas. Habituellement, ces personnes qui sont impliquées dans un AR ou qui finissent dans le fossé, en particulier celles qui se sont déjà frottées à la justice en raison de conduite avec facultés affaiblies, voire qui sont des habituées du système, ont peut-être déjà reçu des conseils sur la façon de se défendre si jamais elles se retrouvaient dans une telle situation.
Je vous pose la question suivante: est-ce qu'un changement dans le Code criminel pour renverser effectivement le fardeau de la preuve et imposer une sorte de culpabilité automatique à celui qui consomme de l'alcool après avoir conduit un véhicule automobile, à l'intérieur d'une période de deux heures... vous et moi savons que la consommation d'alcool ou d'un produit susceptible d'altérer un échantillon d'haleine, en particulier de l'alcool, est une technique souvent utilisée par la défense. Je me demande simplement s'il est possible de faire quelque chose dans le Code criminel, ou si nous pourrions présenter une recommandation au gouvernement dans l'espoir d'éliminer cette échappatoire.
Ma question s'adresse à l'Association des policiers et aux autres témoins.
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Je vais m'adresser principalement aux gens qui représentent le Conseil canadien de la sécurité et peut-être aussi à ceux de l'Association canadienne des policiers.
Vous savez comme moi — et M. Rosenthal vous l'a bien expliqué — que le système aléatoire peut être dangereux. Au Québec, on utilise un système un peu différent. On a recours à l'article 624 du Code de la sécurité routière. Le policier arrive, dit au conducteur qu'il manque un phare à son véhicule ou qu'il n'a pas fait d'arrêt à un endroit donné, toujours en vertu du Code de la sécurité routière. Il ne s'agit donc pas des mêmes règles. L'individu se fait arrêter, baisse la vitre, et une odeur d'alcool se dégage. Le policier lui demande alors de le suivre. Le système aléatoire existe déjà. On s'entend pour dire qu'il n'est pas parfait; par contre, il n'a jamais été contesté au Québec. Le Code de la sécurité routière le permet et on y a recours régulièrement.
Ma deuxième question concerne le fait qu'on entend souvent dire qu'il va y avoir un surplus de coûts, davantage de causes, etc. Au Québec, on a assisté à un événement assez particulier. Pendant une courte période, les causes qui étaient du ressort de la section criminelle de la Cour du Québec, qu'on appelait alors la Cour des sessions de la paix, sont devenues la responsabilité des cours municipales, donc des municipalités. Or, savez-vous qui s'en est aussitôt plaint? Ce sont des gens de la section criminelle de la Cour du Québec. En effet, ils ont dit qu'on leur avait enlevé presque 80 p. 100 de leur chiffre d'affaires. Ce n'est pas drôle à dire, mais c'est un fait.
Les policiers viennent témoigner devant la section criminelle de la Cour du Québec mais aussi devant des cours municipales. Les coûts ne sont pas les mêmes parce que ce ne sont pas les mêmes conventions, les mêmes juges, etc. J'aimerais que vous me disiez si c'est un problème ou si on veut nous faire croire que c'en est un.
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Monsieur le président, j'ai été élu en 1993, à l'âge de 31 ans, et j'ai été réélu à cinq reprises depuis. Je sais que ma
baby face pourrait confondre certains de mes collègues. Je ne voulais pas faire allusion à mon âge, mais seulement vous dire que dès 1995, je me suis intéressé à cette question. J'ai déjà déposé plusieurs projets de loi et je vous dirais que je n'aurais fait dans ma vie que contribuer à ce que l'on ajoute la condition sociale comme motif interdit de discrimination que j'en serais très fier. Évidemment, ma vie a été beaucoup plus riche; chacun en convient.
Pourquoi la condition sociale? Parce qu'il y a beaucoup de provinces qui ont la condition sociale comme motif interdit de discrimination ou des motifs apparentés. Dans certaines provinces, on parle de discrimination interdite à l'endroit de bénéficiaires ou pour motif d'insuffisance de revenu. Cela ne porte pas toujours sur le motif de la condition sociale. Même le Québec emploie cette désignation.
Je suis convaincu, monsieur le président, que si les justiciables avaient ce motif dans la Loi canadienne sur droits de la personne, ce serait un avantage pour les Autochtones, pour les personnes qui se voient refuser des prêts dans les institutions financières, pour les gens qui ont des griefs à l'endroit de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, pour les groupes défavorisés de notre société.
On a beaucoup d'information. Je vais sûrement rappeler de bons souvenirs à certains de mes collègues, et peut-être de mauvais à d'autres, mais je ne peux présumer de rien, monsieur le président. Quand Anne McLellan était ministre de la Justice, elle avait mandaté un groupe de travail pour revoir la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le juge LaForest en était le président, et ces gens avaient déjà statué sur la pertinence d'amender la Loi. Donc, on aura beaucoup d'information et j'espère qu'à terme, le gouvernement se rendra à des recommandations de ce comité qui, je l'espère, iront dans ce sens.