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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 3 juin 2009

[Enregistrement électronique]

(1640)

[Français]

    Bonjour à tous. Je tiens à présenter mes excuses à nos deux témoins. Nous avons une heure de retard à cause des travaux parlementaires, mais je suis bien heureux que vous soyez ici.
     Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le comité lundi le 23 février 2009, nous allons continuer, en compagnie de nos témoins, l'étude sur la souveraineté dans l'Arctique.
     J'ai le plaisir de recevoir M. Whitney Lackenbauer, professeur agrégé et directeur du Département d'histoire de la St-Jerome's University, ainsi que M. Louis Fortier, directeur scientifique du Réseau de centres d'excellence ArticNet.
    Bonjour, messieurs.

[Traduction]

    Monsieur Lackenbauer, vous pouvez commencer, et nous entendrons ensuite M. Fortier.

[Français]

    Je vous cède la parole pendant sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant le comité.
    En tant que Canadiens, nous nous trouvons une fois de plus au coeur d'une crise dite de la souveraineté de l'Arctique, provoquée cette fois-ci par les changements climatiques, par une prétendue course internationale aux ressources et par l'incertitude concernant nos limites frontalières et nos droits à la souveraineté. Évidemment, nous avons déjà connu une telle situation, avec les projets de défense dans le Nord-Ouest pendant la Seconde Guerre mondiale, puis avec le réseau de défense avancé, les expéditions du Manhattan et la crise du Polar Sea au milieu des années 1980.
    L'intérêt politique pour la région ressurgit toujours lorsque les Canadiens ont l'impression que leur souveraineté est en danger. En conséquence, on a promis d'investir dans les Forces canadiennes pour garantir une plus forte présence du Canada dans son secteur septentrional. Dès que la crise s'achève et que les Canadiens constatent que la souveraineté de leur pays n'est pas menacée par un danger concret et immédiat, l'engagement d'investir dans les capacités militaires et dans le Nord de façon plus générale disparaît presque aussi vite qu'il était apparu.
    Je ne partage pas le sentiment d'urgence de certains commentateurs, qui estiment que la souveraineté canadienne s'en va à vau-l'eau et qu'elle est en train de fondre comme les glaces de l'Arctique. D'un point de vue juridique, je suis d'accord avec Allan Kessel, qui s'exprimait ici même il y a quelques semaines.
    Au premier chef, nous devons reconnaître, je pense, que notre souveraineté n'est pas sérieusement menacée, et ce, grâce à la diplomatie discrète qui a su, au long de l'histoire, trouver le juste milieu entre les priorités en matière de sécurité continentale et les intérêts nationaux du Canada. Je suis convaincu qu'on ne résoudra pas les problèmes de l'Arctique en renouant avec une logique de guerre froide et une mentalité de crise réactionnaire.
    En revanche, le pays ne peut pas se cantonner dans une attitude apathique. Nous devons investir dès maintenant dans des capacités fonctionnelles qui nous permettront de relever les défis probables que nous imposera le changement de situation dans le Nord et qui pourrait prendre la forme d'une grande catastrophe aérienne ou d'une situation d'urgence, par exemple une avalanche ou un déversement pétrolier dans nos eaux intérieures. Il est peu vraisemblable que les Russes, les Danois ou les Américains nous envahissent. Il n'y a pas de menace militaire conventionnelle dans le Grand Nord, et le Canada ne résoudra pas ses litiges frontaliers par les armes.
    Compte tenu du mandat du comité, je concentrerai mes commentaires sur le rôle des Forces canadiennes dans le contexte changeant de l'Arctique. Dans mon mémoire, j'affirme qu'une stratégie « Le Canada d'abord » est judicieuse au plan politique, mais que les attentes du genre « Le Canada seulement » ne sont pas réalistes. Nous avons des alliés, avec qui nous devrions collaborer pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région.
    En outre, le constant débat sur la nécessité d'une plus forte présence des Forces canadiennes risque d'être préjudiciable à la souveraineté du Canada. Suzanne Lalonde a soulevé la question d'une présence concrète qui serait nécessaire pour faire aboutir les revendications juridiques du Canada, mais à part certains commentateurs canadiens, je ne pense pas que quiconque prétende que le Canada n'est pas suffisamment présent dans le Nord d'un point de vue juridique.
    S'il est vrai que possession fait loi et que la présence sur le terrain est importante, il est également bon de reconnaître que ces éléments sont déjà en place, grâce aux Inuits et aux autres résidants du Nord. Ce n'est pas la présence qui fait problème, c'est la capacité. Et comme l'a dit Mme Lalonde, c'est une question de contrôle.
    Pour parvenir à un niveau réaliste de contrôle dans les eaux nordiques, j'estime que l'essentiel, pour le gouvernement, consiste à concrétiser ce qu'il a annoncé au cours des dernières années. Je donne des détails sur certains éléments précis dans mon mémoire, mais les différentes plateformes et infrastructures des Forces canadiennes que le gouvernement avait promis de financer sont raisonnables et proportionnelles à la menace à laquelle nous pouvons être exposés. Le danger, c'est qu'en période de difficultés économiques, ces initiatives puissent être abandonnées, à moins qu'elles ne bénéficient du soutien des partis d'opposition.
    La difficulté se trouve aggravée du simple fait que jusqu'à maintenant, ces annonces ponctuelles n'ont pas constitué une véritable stratégie. En outre, comme l'a dit dans son exposé l'amiral McFadden, une action pangouvernementale dans le Nord est essentielle. Malgré toute l'importance politique accordée au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes, ce ne sont pas eux qui interviennent au premier chef dans la plupart des incidents ou qui remplissent un mandat permanent d'application de la législation canadienne. Le mandat des Forces canadiennes est d'intervenir dans un rôle de soutien auprès d'autres ministères et organismes, même lorsqu'il est question de réagir à des incidents terroristes, d'escorter des navires à propulsion nucléaire ou des patrouilles de pêche, et d'effectuer des abordages.
    Il ne fait pas de doute que l'investissement dans les capacités militaires est indispensable pour que les Forces canadiennes puissent évoluer dans toutes les régions du pays et mettre en place un réseau plus cohérent de surveillance et de reconnaissance, comme d'autres témoins l'ont dit de façon plus détaillée. J'affirme également dans mon mémoire que la création d'un centre opérationnel de sécurité maritime de l'Arctique pourrait contribuer à une meilleure sensibilisation du commandement maritime du Canada.
    En ce qui concerne les accords bilatéraux, je ne pense pas qu'on puisse raisonnablement s'attendre à ce que les États-Unis reconnaissent officiellement le passage du Nord-Ouest comme faisant partie des eaux intérieures canadiennes. Je crains au contraire qu'en essayant de préciser le statut juridique du passage du Nord-Ouest au plan international, le Canada se place en situation d'échec. Si les membres du comité le souhaitent, nous pouvons revenir sur ce sujet à la faveur de la période des questions.
    Nous devrions plutôt envisager la création d'un commandement combiné de l'Arctique qui assurerait la coordination des efforts de surveillance et de réaction des Forces opérationnelles interarmées (Nord) du Canada et du Northern Command américain. On pourrait inclure à cette intégration un groupe conjoint canado-américain de planification opérationnelle, qui aurait accès à l'état-major de planification du NORAD.
    Mais surtout, j'estime que les habitants du Nord doivent être les principaux participants à l'affirmation du contrôle canadien. C'est à bon droit qu'on a arrimé la stratégie canadienne dans le Nord à l'argument inuit selon lequel on doit dire non pas « servez-vous en ou perdez-le » mais plutôt « servez-vous de nous ».
(1645)
    L'armée a la chance de bénéficier d'une image positive auprès des collectivités du Nord, grâce aux 4 343 Rangers canadiens dont nous disposons. Plus de la moitié d'entre eux servent sur le territoire du Nord ou au Nunavik et au Nunatsiavut. Ces hommes et ces femmes représentent leurs collectivités, assument d'importantes fonctions militaires et civiles et constituent une réussite remarquable.
     En présence d'un tel succès, il est normal de vouloir y investir pour l'amplifier; le gouvernement a donc promis d'étendre et d'améliorer cette composante de la réserve des Forces canadiennes. C'est sans doute louable, mais j'insiste également sur le fait qu'il faut le faire de façon réaliste et durable; sinon, ce remarquable atout à caractère communautaire sera voué à l'échec.
    Tout d'abord, il y a eu un certain nombre d'engagements visant à augmenter les effectifs des Rangers dans l'Arctique afin d'étendre la surveillance canadienne. On peut se demander s'il est bien réaliste d'envisager une certaine expansion dans l'Arctique, étant donné que chaque collectivité située le long du passage du Nord-Ouest pouvant être dotée d'une patrouille en a déjà une. Le taux de participation des habitants du Nord à l'institution des Rangers est déjà plus de six fois supérieur à celui de l'ensemble de la population aux Forces canadiennes. Peut-on en demander encore plus aux habitants du Nord?
    Un récent rapport du Comité des pêches et océans a recommandé au gouvernement de doter les Rangers d'une capacité maritime et on a parlé, dans les médias, de la possibilité de leur confier un rôle axé davantage sur les missions de combat, comprenant notamment l'abordage des navires étrangers. Plusieurs Rangers ont réagi en déclarant qu'ils démissionneraient si on leur assignait ces nouveaux rôles, ce qui cadre parfaitement avec les propos que je recueille personnellement auprès des Rangers depuis 10 ans.
    Le gouvernement devrait plutôt s'en tenir à l'essentiel, à savoir fournir aux Rangers les uniformes promis ainsi que de nouvelles armes, augmenter l'indemnité qu'ils reçoivent pour l'usure de leur équipement personnel lors des opérations et de l'entraînement, et renforcer le soutien de l'entraînement et de l'administration en augmentant les effectifs des instructeurs et de l'état-major des Rangers. L'opération d'expansion et d'amélioration devraient avoir pour objet de confirmer la réussite des Rangers et non pas de réinventer l'institution en leur confiant des tâches qui ne leur conviennent pas et qu'ils ne sont pas censés assumer.
    Les Rangers ne sont pas et ne seront jamais une force de répression. Ce sont des volontaires autonomes, équipés légèrement, qui ne sont pas astreints à un entraînement annuel. Pour l'essentiel, ils constituent un exemple très positif de relation constructive entre les habitants du Nord et le gouvernement fédéral. L'institution des Rangers n'est pas en panne, et je demande simplement au gouvernement de ne pas provoquer la panne.
    Je dirai en conclusion qu'une vision positive du Nord offre le potentiel de nous unir tous. En donnant suite aux promesses d'investissement dans les Forces canadiennes et en mettant en œuvre une stratégie nordique à long terme, on ne peut que contribuer au renforcement du Canada.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Fortier.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président, madame et messieurs les députés. Merci de m'accueillir à la 24e séance du comité permanent.
    Je suis professeur d'océanographie à l'Université Laval. Je suis également le responsable scientifique du brise-glace de recherche Amundsen, que vous connaissez peut-être, et directeur scientifique d'ArcticNet, un réseau de centres d'excellence du Canada dédié à l'étude des impacts des changements climatiques et de la modernisation sur l'Arctique canadien maritime. Je ne suis certainement pas un spécialiste de géopolitique comme mon confrère, mais je suis de très près les débats et les travaux de mes collègues experts dans ce domaine.

[Traduction]

    ArcticNet regroupe plus de 110 spécialistes canadiens de l'Arctique basés dans 27 universités canadiennes et six ministères ou organismes fédéraux. L'un des objectifs principaux de notre réseau est de contribuer à formuler des stratégies d'adaptation pour contrer les effets négatifs du réchauffement arctique et en maximiser les retombées positives.
    L'un des principaux outils de travail d'ArcticNet est le brise-glace de recherche Amundsen, qui permet à nos équipes internationales d'atteindre ces mers arctiques et leurs littoraux. Par sa seule présence régulière dans l'Arctique canadien et son impact médiatique au Canada et à l'étranger, l'Amundsen contribue à affirmer la souveraineté canadienne sur ces régions maritimes reculées.
    Le programme scientifique d'ArcticNet comprend plusieurs projets de recherche sur la souveraineté du Canada sur ses mers arctiques.
    Rappelons d'abord que la souveraineté du Canada sur les îles de l'archipel canadien est reconnue par la communauté internationale depuis les années 1930. Comme vous l'auront expliqué mieux que moi les témoins experts en droit international, les grands enjeux de la souveraineté arctique pour le Canada concernent ses mers arctiques, et non les terres ou l'archipel.
    À mon avis, il y a essentiellement deux enjeux. Le premier porte sur le statut des détroits de l'archipel canadien, y compris le passage du Nord-Ouest. Il s'agit de déterminer si ces détroits doivent être considérés comme faisant partie des eaux intérieures du Canada où ce dernier a pleine juridiction sur la navigation — c'est la position canadienne — ou comme des détroits internationaux reliant deux plans d'eau internationaux et donc ouverts au « passage innocent » des navires de surface. C'est la position des Américains et des Européens.
    La deuxième question d'envergure en matière de souveraineté dans l'Arctique porte sur la réclamation par le Canada d'une fraction de l'océan Arctique au-delà de la limite des 200 milles marins, dans le cadre de la nouvelle Convention des Nations Unies sur les océans.
    Il s'agit de deux questions distinctes, qui ne sont liées d'aucune façon.
(1650)

[Français]

    Il s'agit cependant de deux questions d'importance stratégique dont l'issue va vraiment influencer la position du Canada au sein de la communauté internationale et, potentiellement, redéfinir la dimension arctique manquante du Canada.

[Traduction]

    En ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, le Canada a été réactif plutôt que proactif pendant trop longtemps. Si une position ferme avait été adoptée il y a 50 ans lorsque le passage était encore bloqué par les glaces et que personne ne s'en souciait, la situation serait probablement déjà résolue en faveur du Canada. Notre groupe, ArcticNet et nos chercheurs appuient donc pleinement les initiatives récentes du gouvernement fédéral pour renforcer la présence canadienne dans l'Arctique.
    Ces initiatives comprennent, entre autres, l'annonce de la construction d'une base de recherche de calibre international dans le Haut-Arctique; l'annonce de la construction d'un brise-glace de classe polaire, le Diefenbaker; le refus de céder RADARSAT-2 à des intérêts américains et la récente prise de position très ferme du ministre des Affaires étrangères sur la question arctique.
    En ce qui concerne la réclamation d'une fraction du bassin de l'océan Arctique au-delà de la limite actuelle des 200 milles marins, il faut se rappeler que l'intérêt de cette expansion est essentiellement stratégique et non économique. On imagine souvent que le Canada obtiendra par cette expansion un accès exclusif à des ressources importantes en minerais, en pétrole et en pêcheries.
    Or, ces ressources sont en réalité distribuées sur le plateau continental arctique peu profond qui borde le Canada et sur lequel la souveraineté canadienne n'est pas contestée — elle est d'ailleurs reconnue — à l'exception de quelques escarmouches frontalières avec les États-Unis dans l'océan Arctique de l'Ouest. Nous savons que les ressources halieutiques du bassin profond sont insignifiantes. Nous savons également que si ce bassin recèle des ressources pétrolières ou minérales, il serait techniquement impossible de les exploiter.
    Il ne faudrait toutefois pas faire fi de l'importance stratégique de la région offshore, car un océan Arctique bientôt libre de glace pourrait jouer le même rôle que la mer Méditerranée a joué dans l'Antiquité. Il jouera un rôle stratégique considérable.
    En ce qui concerne la contribution du ministère de la Défense nationale à l'affirmation de la souveraineté canadienne dans l'Arctique, une première évidence est que le Canada ne possède pas les moyens, militaires ou autres, pour assurer un suivi adéquat de l'immense territoire maritime en jeu. Au-delà de la simple surveillance, la capacité d'intervention directe en mer à des fins militaires ou pour assurer la sécurité, est très faible, surtout pendant les mois d'hiver.
    Sans prétendre dresser un panorama exhaustif de la situation, mentionnons simplement que les 18 avions Aurora déployés par le ministère de la Défense nationale pour surveiller l'ensemble du territoire arctique offrent une faible capacité d'intervention directe dans nos mers arctiques, si quelque chose venait à se produire. Les deux brise-glace lourds et les quatre brise-glace moyens de la Garde côtière canadienne ne sont déployés dans l'Arctique que durant les mois d'été et désertent la région dès la fin octobre. Par comparaison, bien qu'en déclin, la flotte russe dispose toujours d'environ 12 brise-glace lourds, tous plus gros et puissants que le plus puissant brise-glace canadien.

[Français]

    Dès 2005, ArcticNet recommandait la mise en chantier au Canada d'au moins deux brise-glaces de classe polaire. L'annonce récente de la construction du Diefenbaker, qui devrait être livré à l'horizon de 2017, répond en partie à cette recommandation. Par ailleurs, doter les nouvelles frégates de la marine d'une capacité limitée d'affronter la banquise est généralement considéré comme une décision très discutable. En effet, les experts doutent que ces frégates soient vraiment utiles dans les eaux arctiques en dehors des mois d'été, alors que les modifications structurelles qu'on va apporter à ces frégates pour briser la glace vont réduire leur performance en eaux ouvertes.
(1655)

[Traduction]

    En conclusion, considérant que la souveraineté canadienne dans l'Arctique est un enjeu essentiellement maritime, les recommandations générales suivantes visent à consolider le rôle de la Défense nationale dans l'affirmation de la souveraineté du Canada sur ses mers arctiques.
    D'abord, il faut renforcer progressivement la capacité de surveillance aérienne et satellitaire du Canada dans l'Arctique en augmentant et en modernisant la flotte d'aéronefs et en appuyant le développement du programme d'observations satellitaires de l'Agence spatiale canadienne.
    En outre, pour une capacité d'intervention adéquate dans l'immense territoire maritime arctique, le Canada a besoin d'au moins deux brise-glace de classe polaire pouvant opérer neuf mois sur douze dans la région. En plus du Diefenbaker, je recommanderais que l'on mette en chantier un deuxième brise-glace. Évidemment, tant que ce n'est pas moi qui en paie la facture, cela me convient.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Louis Fortier:Il est urgent que le Canada planifie et mette en oeuvre le remplacement de sa flotte de brise-glace moyens par des navires plus puissants et plus polyvalents. La mise en chantier de cette nouvelle flotte, prévue pour 2020, devrait en fait commencer tout de suite. Il est également important de conférer aux nouveaux brise-glace des rôles multiples, notamment l'escorte, le déglaçage, les opérations de recherche et de sauvetage, l'approvisionnement maritime, la sécurité nationale, la surveillance et les opérations militaires, mais aussi l'appui à la recherche scientifique arctique et l'application des politiques et des règlements en matière de pêche et de navigation.
    De façon générale, les chercheurs et les intervenants s'accordent à dire que la mise en place de cette nouvelle flotte est trop lente et pourrait être considérablement accélérée, ce qui stimulerait l'économie dans plusieurs régions du Canada.
    La Défense nationale et la Garde côtière canadienne collaborent déjà à plusieurs égards dans l'Arctique, et je pense qu'il faudrait combiner l'expertise militaire de l'une à l'expertise en navigation en eau froide de l'autre pour concrétiser les objectifs stratégiques et les politiques du Canada dans l'Arctique, plutôt que de confier ce mandat en totalité à l'une ou l'autre. Ma propre expérience a également démontré qu'il faut augmenter le niveau de priorité de l'Arctique au sein de l'état-major de la Défense nationale.
    Voilà le message que je voulais vous livrer cet après-midi.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité.

[Français]

    Merci, monsieur Fortier.
    Je vais donner sept minutes à l'opposition officielle, en débutant par M. Wilfert.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Bagnell.
    Messieurs, merci d'être venus. Vous avez tous deux mis l'accent sur la capacité et la présence dans vos observations. Certains des intervenants et des témoins nous ont signalé qu'en réalité, une bonne partie de ce que le gouvernement a annoncé jusqu'ici se limite à de belles paroles qui ne se concrétisent pas, et qu'il n'a en fait pas de vraie stratégie.
    Dans son rapport, le Sénat a fait savoir qu'il aimerait que l'on crée un comité consultatif sur la stratégie dans l'Arctique, lequel serait bien mieux équipé que le comité de la souveraineté dans le Nord actuel. Il a dit qu'en réalité, les mesures que le gouvernement a prises pour atteindre certains des objectifs dont vous avez parlé ne se sont pas toutes révélées heureuses. Par exemple, les brise-glace ont soulevé des critiques.
    En ce qui concerne la nécessité d'élaborer une stratégie claire et cohérente en matière de changements climatiques et de souveraineté en collaboration avec les Autochtones, les Inuits et la Garde côtière, pourriez-vous nous dire brièvement ce que pensez-vous du fait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le ministère principalement concerné, n'a que peu coopéré pour élaborer une stratégie afin d'atteindre les objectifs que vous avez mentionnés?
    En ce qui concerne l'absence d'une stratégie intégrée, il y en a une qui doit être dévoilée depuis 2005, ce qui n'est pas arrivé. Au cours des dernières années, on nous a promis à maintes reprises qu'une stratégie serait lancée. Nous attendons toujours. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles cela aurait lieu au mois d'avril de cette année, mais le mois d'avril s'est écoulé et toujours rien. Par contre, je sais qu'on y a travaillé.
    Quel genre de mécanismes pourrait être élaboré?
    J'ai proposé ailleurs de revitaliser ou de reconstituer le comité consultatif sur le développement du Nord, qui existait pendant la période enivrante de la fin des années 1940 dans le cadre du réseau d'alerte avancé et qui a survécu jusqu'aux années 1970. Quand on arrive à ce niveau, l'initiative ferait intervenir de hauts fonctionnaires à l'échelon de sous-ministre et des organisations autochtones.
    On a aussi proposé de créer un conseil national pour l'Arctique, qui pourrait peut-être s'appeler le conseil Arctique Canada et être constitué de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, des autorités responsables des revendications territoriales et d'organisations autochtones internationales.
    À mon avis, tout cela témoigne de la nécessité d'entamer un dialogue et de rejeter l'idée selon laquelle il faut régler d'urgence une crise militaire, inexistante selon moi. Il nous faut admettre que nous disposons du temps nécessaire pour nous asseoir et discuter dans le but d'élaborer une stratégie ou une politique viable, ce qui n'a pas été fait depuis les années 1950. Nous savons tous que la version de Diefenbaker était vague, lui qui voulait mettre en oeuvre des plans grandioses. J'espère que cette fois, ce sera différent.
(1700)
    À la liste de préoccupations que vous avez mentionnées, j'ajouterais le développement économique, l'exploitation des ressources de l'Arctique, comme le pétrole et le gaz, secteurs qui reprennent de la vigueur, et l'industrie minière. Je pense qu'il convenait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord tente de coordonner l'action de différents ministères en ce qui concerne l'Arctique, tant que la question de l'Arctique n'était pas trop urgente.
    Voilà la question clé: devons-nous créer un organisme axé sur l'Arctique plutôt qu'une organisation ciblant le Nord? On a déjà discuté de la création potentielle d'un organisme pour l'Arctique ou même d'un ministère complet. Si nous voulons redonner au Canada sa dimension arctique, absente depuis longtemps, nous devrions alors examiner la possibilité de créer un nouvel organisme ou un nouveau ministère responsable de l'Arctique.
    Je conviens que les ressources sont peut-être adéquates, mais je ne suis pas d'accord avec la répartition de celles-ci. Prenons le gros brise-glace. Lors de notre dernière réunion, le professeur a dit que plutôt que d'avoir une Cadillac, nous devrions nous doter de trois Ford, trois plus petits brise-glace. Les navires de patrouille, en effet, ne devraient pas être affectés dans l'Arctique car ils ne peuvent s'y rendre. Le port ne donne pas sur le passage du Nord-Ouest. Il n'existe aucun port à l'ouest.
    Les avions destinés à Yellowknife ont été annulés, tout comme les navires d'approvisionnement renforcés pour la navigation dans les glaces, la nouvelle flottille d'avions de recherche et sauvetage n'a pas été achetée et aucun avion ne sera assigné au nord du 60e parallèle. On a annoncé quatre appareils de réserve, ce qui est fantastique, mais aucun de ces avions n'ira au nord du 60e parallèle. Ils resteront au sud.
    Vous avez parlé de l'avantage que présentent les données scientifiques sur le Nord et les recherches sur l'Arctique. C'est très bien, mais les installations d'Alert, les plus près du pôle Nord, seront fermées. La FCSCA, qui emploie des dizaines de chercheurs, fermera ses portes. Nous ne disposons pas des capacités nécessaires pour nettoyer les déversements de pétrole sous la glace.
    Si l'on compare notre flotte à celle des Russes, il est évident que nous ne sommes pas aussi bien équipés. Elle est en bon état, mais elle prend de l'âge. Certains navires devront bientôt être mis en vente ou envoyés à la ferraille.
    Je pense que la flotte russe est trop grande, trop puissante et revendique trop la souveraineté et tout le reste. À l'ère soviétique, il y avait un très grand programme de construction navale dans le but de garder ouvert le passage du Nord 12 mois par année. Je ne crois pas que vous ayez à en faire autant.
    Il est évident que ce que l'on a au Canada est trop peu par rapport à nos besoins. Pour moi, la meilleure façon d'aborder le problème, c'est de renforcer nos capacités en augmentant notre flotte de brise-glace. Sauf que cela prend du temps, et si l'on ne s'y met pas tout de suite, on ne disposera pas des moyens nécessaires avant 2030 peut-être. Le plus important, ce sont les brise-glace, et c'est là qu'il faudrait concentrer nos efforts.
    Je ne suis pas aussi hostile que vous aux patrouilleurs océaniques et arctiques. Ce pourrait être une plateforme polyvalente si, en parallèle, on recapitalisait la Garde côtière et l'installation de Nanisivik. J'ai d'ailleurs des réserves à propos de son emplacement. Je pense que le détroit de Lancaster est en fait un emplacement idéal, surtout si l'on considère l'infrastructure du gouvernement fédéral à laquelle on peut la coupler pour réduire les coûts. Elle ajoutera des applications civiles importantes, surtout pour la Garde côtière.
    Pour moi, la grande question est la suivante: quelles sont les infrastructures nécessaires pour épauler les activités futures dans la région? Faudrait-il se contenter d'un poste d'accostage, d'amarrage et de ravitaillement en carburant ou faudrait-il y ajouter des pistes d'atterrissage et un emplacement d'opérations pour l'aviation pouvant appuyer les activités du Globemaster? Je pense que le gouvernement doit préciser ses besoins en logistique avant de parachever ses plans en 2010.
    Pour ce qui est des forces basées dans le sud, la question de savoir si nous pouvons stationner des forces dans le nord fait débat depuis les années 1940. À l'heure actuelle, vu les menaces militaires auxquelles nous faisons face, il est sans doute moins coûteux et plus proportionnel aux menaces de conserver nos unités régulières et la première réserve dans le sud tout en accordant plus d'attention aux Rangers canadiens.
(1705)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Bachand.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Lackenbauer, si vous ne comprenez pas le français, il vous faudra votre oreillette pour l'interprétation...

[Français]

    Je peux comprendre, mais je vais répondre en anglais.
    D'accord.
    Vous avez parlé tous les deux de la capacité de contrôler le territoire et de ce qui se passe sur la surface de la mer. De nombreuses personnes nous ont dit qu'il est extrêmement important de contrôler notre espace aérien également. On fait allusion ici à l'intrusion, à la proximité ou à la possibilité d'intrusion du bombardier russe. Cependant, pour le comité, les sous-marins sont la question la plus préoccupante. M. Pharand, qui est un expert du Grand Nord, est venu nous dire qu'il est important de savoir qui navigue sous nos eaux. Il suggérait même des points d'étranglement dans l'Arctique afin de s'assurer que tout le trafic passe par là et d'être en mesure de l'identifier.
    À part M. Fortier, qui y a fait allusion en parlant du fameux brise-glace, aucun d'entre vous n'a parlé du fait que la Commission des limites du plateau continental de l'ONU vient d'octroyer 230 000 kilomètres carrés à la Norvège. Nous devons compléter notre étude en 2013. Est-ce un aspect scientifique extrêmement important dont on devra tenir compte pour justifier la position canadienne sur les réclamations territoriales et sous-marines dans le Grand Nord?
    Il ne fait aucun doute que c'est extrêmement important. L'ensemble des données séismiques dont on a besoin sont extrêmement difficiles à obtenir, dans le cas du Canada. C'est absolument fondamental pour appuyer la demande qu'on présentera au comité. Du côté russe, toute la glace disparaît en été pendant deux ou trois semaines, parfois pendant six ou huit semaines depuis quelques années. Toute cette glace a tendance à s'accumuler du côté canadien, ce qui pose problème, car très peu de nos brise-glaces peuvent faire le travail. Le Louis S. St-Laurent peut le faire, mais il doit collaborer avec le navire américain Healy. De plus, les conditions sont extrêmement difficiles pour nous. Donc, on a un désavantage marqué par rapport aux Russes, qui eux ont déjà obtenu des données de qualité suffisante pour appuyer leur demande.

[Traduction]

    Vous soulevez là plusieurs questions importantes. Pour ce qui est des échéanciers, chose certaine, je pense qu'en partie... Je fais le rapprochement avec les grands discours. Il faut se garder de brûler les étapes et de faire tout un cirque politique face aux Américains et aux Russes. Nous n'avons même pas encore présenté nos revendications, si bien que beaucoup du tapage que nous faisons porte sur la perte éventuelle de quelque chose qu'on n'a même pas encore revendiquée. Pour moi, c'est mettre la charrue avant les boeufs.
    Je suis un peu inquiet. Voyons venir. Quand les Russes ont présenté leurs données, les commissaires ne les ont pas jugées assez rigoureuses et l'ONU les leur a renvoyées en en réclamant de meilleures. Je pense donc qu'une grande partie de l'alarmisme autour de cette échéance de 2013 est exagéré.
    Vous avez posé des questions importantes à propos des sous-marins. En ce qui concerne les références ou les observations sur la nécessité d'avoir des rayons sonores sous-marins, ou peu importe quelle est la technologie actuelle, aux points d'étranglement, je pense que c'est important, mais je pense que l'on revient toujours au même dénominateur commun: nous avons des alliés équipés de sous-marins et qui recueillent des données. Quant à savoir si nous avons un arrangement quelconque qui remonte aux années 1960 avec eux afin d'échanger des renseignements en convenant de notre désaccord, je ne sais pas si elle existe et je ne veux pas le savoir, parce que cela compromettrait cette entente.
    Si nous n'avons pas d'arrangement avec les Américains, au lieu de penser que nous devons recueillir tous ces renseignements nous-mêmes, il me semble que nous avons un bon prétexte pour se rencontrer et dire: « Écoutez, nous comprenons que pour des raisons géostratégiques, vous n'admettrez pas que ces eaux, le passage du Nord-Ouest, constituent un détroit interne. » Cela a peu à voir avec l'Arctique et tout à voir avec le détroit d'Hormouz et d'autres détroits stratégiques dans le monde.
    Nous reconnaissons qu'en tant que Canadiens, nous avons confiance dans notre souveraineté. Nous pouvons nous asseoir et négocier en égaux et trouver des moyens d'échanger de l'information sous les auspices de NORAD, grâce à son expansion dans le domaine maritime. Je crois que le Canada a ici l'occasion de faire preuve de créativité dans sa diplomatie, une fois qu'on aura cessé de faire tout un plat au sujet de la souveraineté dans l'Arctique pour déployer les efforts diplomatiques nécessaires pour arriver à des solutions durables.
(1710)

[Français]

    Pensez-vous que la Commission des limites du plateau continental de l'ONU est sur la bonne voie?

[Traduction]

    Ici encore, chaque fois que nous avons participé à des discussions sur la délimitation des frontières, il a fallu faire un certain nombre de concessions. Il serait naïf de croire que le Canada n'a qu'à présenter ses revendications et que tout le reste du monde va les accepter; c'est pourtant le discours que semble tenir notre pays.
    Il est important de savoir que lorsque les Russes parlent de leur PIB, 20 p. 100 de ce PIB est produit au nord du cercle polaire, d'où viennent 22 p. 100 des exportations russes. Lorsque les Russes parlent de l'Arctique avec des airs de propriétaires, c'est qu'il s'agit du coeur même de leur économie. Chez nous, c'est moins de 1 p. 100 du PIB qui vient de cette région. Lorsque nous nous inquiétons du message que nous envoient les Russes, je pense que nous devons respecter le fait qu'ils doivent s'adresser à un auditoire intérieur, et l'Arctique est un sujet plus important pour cet auditoire qu'il ne l'est, je n'hésite pas à le dire, pour nous.
    En ce qui concerne l'investissement, je pense que nous y avons affecté les ressources nécessaires. Il est temps, maintenant, de céder le dossier aux scientifiques pour que les diplomates se préparent à faire valoir notre cause de leur mieux; mais nous devons reconnaître que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et les conventions concernant le plateau continental sont parfaitement claires.
    Il ne s'agit pas de la possibilité de perdre quoi que ce soit, mais du besoin de déterminer quels sont nos droits en fonction d'un droit international explicite. Si certains points de divergence avec nos voisins apparaissent, nous nous assoirons avec eux pour négocier, car c'est toujours ce que l'on fait pour délimiter les frontières.

[Français]

    Monsieur Fortier, je reviens à vous. On nous a dit que pour les réclamations canadiennes concernant le plateau continental, le Canada s'était joint à une équipe de Danois pour peaufiner l'étude. Cela s'est-il passé sur le brise-glace Amundsen?
    C'est un autre navire qui est utilisé, monsieur Bachand, le Louis S. St-Laurent , qui est le plus gros brise-glace canadien.
    C'est quand même un des navires canadiens.
    Ce navire travaille en collaboration avec le Healy, qui est le nouveau brise-glace américain. Dans l'Arctique de l'Ouest, dans la mer de Beaufort, ce sont ces deux navires qui font l'étude. Du côté de l'Arctique de l'Est, entre le Groenland et le Canada, la ligne est déterminée conjointement par les Canadiens et les Danois, et non à partir de brise-glaces, mais directement à partir de la banquise parce que cette dernière est trop épaisse à cet endroit.
     On a essayé de faire des expéditions pour prendre des mesures séismiques à partir de la banquise, ce qui s'est avéré extrêmement difficile. On a fait très peu de progrès du côté de l'Arctique de l'Est, tandis que du côté de l'Arctique de l'Ouest, avec les brise-glaces, on fait un peu de progrès.
    Merci beaucoup, monsieur Fortier.
    Je dois maintenant donner la parole à M. Harris.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux de vos excellents exposés.
    Je crois déceler dans vos propos un sentiment d'urgence sur certaines questions. Permettez-moi de reprendre non seulement vos témoignages, mais également les propos des autres témoins: nous n'avons pas véritablement à nous inquiéter des questions de territoire, ni même des questions de plateau continental. Il s'agit pour nous de faire nos devoirs et de réunir l'information. Je ne sais pas si vous l'avez dit directement, mais la question des frontières avec les Américains est gérable; il faudrait peut-être la régler, mais il reste de l'incertitude concernant le passage du Nord-Ouest.
    M. Byers nous a dit que nous devions nous préparer à traiter de certaines questions dès l'été prochain, à cause du changement rapide de l'étendue de la glace marine en été. J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait que M. Pharand nous a présenté un document dans lequel il énonce 12 mesures que le Canada devrait prendre — et vous en avez signalé certaines, monsieur Fortier. Il faut éviter d'insister sur notre position dans le passage du Nord-Ouest, mais il convient de défendre nos revendications en agissant dans le domaine de la navigation, notamment en rendant obligatoire le Système de trafic de l'Arctique canadien et en prenant certaines mesures que vous proposez vous-même, comme l'augmentation de la capacité de nos radars, etc.
    En ce qui concerne le sentiment d'urgence que je crois déceler dans vos propos et les questions qu'il faut régler, comment pouvons-nous intervenir dès l'année prochaine si, par exemple, un navire tenterait d'emprunter le passage du Nord-Ouest, bafouant la souveraineté canadienne et refusant de se conformer à nos règles de navigation et à la Loi sur la prévention de la pollution dans les eaux arctiques?
    Encore une fois, Michael Byers et Rob Hubert nous présentent le pire des scénarios. Cela leur réussit très bien. Les médias adorent cela.
    J'ignore s'il y a des preuves ou des probabilités qu'un navire étranger fasse une incursion dans ces eaux pour y remettre en question notre souveraineté l'an prochain. Pour ce qui est d'investir dans nos capacités, nous convenons tous les deux que les besoins sont là.
    Je vous remercie de votre question sur ce que nous pouvons faire pour mieux faire avancer notre cause. Je m'inquiète notamment d'entendre des gens comme Michael Byers parler de nos prétentions. Il ne s'agit pas de prétentions, mais bien de notre souveraineté. Cette région fait partie de notre pays et nous y exerçons les droits d'un pays souverain de diverses façons. Le gouvernement a notamment proposé le système de trafic de l'Arctique canadien.
    Je suis peut-être plus prudent que d'autres en faisant remarquer qu'il peut être préjudiciable de rendre ce système obligatoire; en effet, s'il l'était, des pays étrangers pourraient nous envoyer des lettres de protestation, ce qu'aucun n'a encore fait. Plus ces lettres de protestation s'accumuleront, moins nous pourrons dire que les pays étrangers ont reconnu le bien-fondé de nos revendications. Dans de tels cas, la discrétion est préférable.
    Cela présente donc un inconvénient. Dans certaines situations, il est bon de s'affirmer, mais en l'occurrence, je ne crois pas que la menace soit si grave que nous devions nous inquiéter de ce qui se passera au début de l'été prochain. Ce serait peut-être de l'alarmisme. Quant aux mesures qui pourraient être prises, les suggestions ne manquent pas.
(1715)
    Comme Whitney, j'estime que le problème n'est pas urgent au point d'exiger des mesures d'ici l'an prochain, mais dans 10 ans, nous devrons être prêts à gérer un trafic accru, des déversements de pétrole plus nombreux et d'autres choses de ce genre. L'exploration en haute mer pour le pétrole et le gaz est en hausse. Si on trouve du pétrole, le transport du brut soulèvera des questions. Il est probable que d'ici dix ans, le trafic augmentera — peut-être pas le trafic intercontinental, mais certainement le trafic national —, et il faudra de sept à dix ans pour se doter de la capacité nécessaire. Voilà pourquoi des décisions doivent être prises maintenant.
    Monsieur Fortier, vous avez parlé de coopération entre le ministère de la Défense nationale et la Garde côtière et du rôle de chacune de ces organisations. Il a été suggéré que ces organismes collaborent plus étroitement à certains chapitres, mais il pourrait aussi y avoir une sorte d'enrichissement mutuel si, par exemple, les gardes côtiers et les réservistes suivaient une certaine formation militaire. Les navires de la Garde côtière pourraient être armés, l'appui des hélicoptères pourrait être rehaussé, etc.
    Devant une menace, on pourrait intégrer certaines fonctions... Je pense à un navire commercial que l'on pourrait aborder à partir d'un navire de la Garde côtière, comme on le fait dans l'Atlantique et le Pacifique pour l'application des lois en matière de pêche. Croyez-vous qu'il serait bon de mieux intégrer certaines fonctions de la Garde côtière et des Forces armées? Cela coûterait probablement moins cher que des patrouilleurs armés. Cela vous semble-t-il envisageable dans le contexte canadien?
    Absolument. C'est exactement ainsi que je vois les choses. Nous n'avons pas besoin de militariser l'Arctique pour l'instant. Nous ne prévoyons pas d'invasion ou d'intrusion pour demain. À mon avis, il est important pour l'heure de combiner le savoir-faire de la Garde côtière et celui du MDN pour mettre à niveau nos capacités militaires dans l'Arctique en tenant compte des conditions qui existent là-haut.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons parlé des points d'étranglement où nous pourrions installer des appareils d'écoute pour détecter la présence de sous-marins ou toute autre activité sous-marine. À l'heure actuelle, le ministère de la Défense nationale, avec l'appui de la Garde côtière, procède à certaines activités à Gascoyne Inlet, dans le détroit de Lancaster. Le MDN ne pouvait pas tout faire seul parce qu'il doit avoir accès à l'océan, à la capacité de mener des activités en zone hauturière, et seule la Garde côtière est actuellement en mesure de soutenir ses activités.
    Il y a toute une série d'exemples du genre. Quoi que fasse le MDN dans l'Arctique, il devra s'appuyer sur le savoir-faire de la Garde côtière. Je n'irais pas jusqu'à dire que la Garde côtière devrait être intégrée au MDN, toutefois, puisque, si l'on prend l'exemple de la Garde côtière américaine, laquelle est intégrée à l'armée, on constate que les résultats ne sont guère satisfaisants.
    En quel sens? Pouvez-vous nous donner des détails?
    Selon nous, au chapitre du soutien de la recherche, par exemple, le fait que les brise-glace américains soient gérés par l'armée crée des conditions peu propices pour la recherche. Le soutien offert à d'autres activités est aussi très mauvais; je crois donc qu'il serait préférable...
(1720)
    Merci, monsieur Fortier.
    Merci, monsieur Harris.
    Je donne maintenant la parole à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins d'être venus.
    J'aimerais poser quelques questions avant de céder la parole à M. Boughen.
    Monsieur Fortier, vous avez souligné l'importance de la mise en valeur des ressources dans le Nord. Il y a quelques jours, M. Byers a affirmé qu'à son avis, ce développement ne s'effectuerait pas avant 100 ans. Partagez-vous son avis ou croyez-vous que cela se produira un peu plus tôt que cela?
    Je crains de ne pas partager l'avis de Michael, qui est un de mes bons collègues. À titre d'exemple, le gouvernement a vendu récemment, pour 2 milliards de dollars, six concessions dans la zone hauturière de la mer de Beaufort près du bord du plateau continental. Je crois qu'il y aura de la prospection, du moins pour les dix prochaines années, et pas uniquement dans la mer de Beaufort. Je crois que la prospection se fera aussi dans la baie de Baffin et dans certaines régions de l'archipel. Personne ne peut dire quelles ressources on y découvrira, mais pour les dix prochaines années, à tout le moins, la prospection sera plus intensive.
    Si des réserves ou des gisements sont trouvés dans cette zone, on y exploitera des ressources au cours des 30 prochaines années. Ce ne sera pas la nouvelle Arabie saoudite, mais il y a de très bonnes chances que l'on trouve de ressources.
    Vous semblez louer les vertus du Diefenbaker, le brise-glace de classe polaire. Chose certaine, nous avons les moyens d'en avoir un ou un nombre limité. Pouvez-vous nous confirmer votre opinion quant à la capacité et aux besoins? Croyez-vous qu'il devrait être exploité dans la région au sein d'une flotte de brise-glace alliés nous unissant aux États-Unis et à d'autres pays?
    Nous le pourrions. D'un point de vue militaire, je crois que ce serait souhaitable. Mais d'un point de vue logistique, s'il faut intervenir, si un avion s'écrase dans ce territoire de 400 kilomètres sur 400 kilomètres, nous ne le saurons même pas. Nous ne savons absolument rien de ce qui se passe dans l'archipel central. S'il faut y dépêcher des militaires, prêter main-forte ou mener des opérations de recherche et de sauvetage, nous ne pouvons rien faire en ce moment.
    Nous pouvons en faire très peu pendant l'hiver. La situation est meilleure en été, mais nous avons absolument besoin d'une capacité canadienne pour intervenir. Nous ne devrions pas nous fier à nos alliés à cet égard.
    J'en déduis qu'à votre avis, nous avons besoin d'un navire comme le Diefenbaker.
    Absolument. À mon avis, il nous en faudrait deux. Avec cette infrastructure, si on en a qu'un, on peut s'attendre à ce qu'il soit inutilisable la plupart du temps par suite de bris. Si on en a deux, il semble qu'ils fonctionnent beaucoup mieux et qu'on peut s'en servir beaucoup plus souvent.
    J'ai quelques questions à poser à M. Lackenbauer. Plus de la moitié des Rangers se trouvent au sud du 60e parallèle et plus de la moitié d'entre eux ne sont pas inuits.
    Il semble effectivement y avoir beaucoup de malentendus à leur sujet. Tout d'abord, nous avons entendu Pierre Leblanc dire que les Rangers sont un programme. Ce n'est pas du tout le cas; ils sont un élément de la réserve des Forces canadiennes. J'incluais le Nunavik, ce qui, techniquement, porterait à environ 45 p. 100 la proportion des Rangers en poste dans...
    Je ne veux pas couper les cheveux en quatre, mais le simple fait qu'il y ait de nombreux Rangers au sud du 60e parallèle et une proportion non négligeable de membres blancs...
    Ce qui est intéressant, à mon avis, c'est que les plans d'expansion prévoient porter à plus de 5 000 le nombre de Rangers. Ce nombre, qu'on évoquait déjà à la fin des années 1940 au moment de la création de cet élément, n'a jamais été atteint. Étant donné les facteurs démographiques, la plupart des nouveaux membres seront recrutés au sud du 60e parallèle; voilà pourquoi je considère que si on présente l'expansion et le renforcement des Rangers comme un instrument de souveraineté dans l'Arctique, on risque de susciter des attentes irréalistes qu'ils ne pourront combler. La contribution de ces collectivités est déjà de loin supérieure à celle des communautés du Sud canadien.
    Je comprends. Il faudrait peut-être parler des régions « du Nord » plutôt que des régions « arctiques ».
    Et les villages isolés...
    M. Laurie Hawn: Oui.
    M. Whitney Lackenbauer: Il y a certainement beaucoup de Rangers qui servent fièrement leur pays le long de la côte britanno-colombienne et à Terre-Neuve.
    Absolument. Merci beaucoup.
    M. Boughen a maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi, messieurs, de vous souhaiter la bienvenue, comme mes collègues l'ont fait, et de vous remercier d'être des nôtres cet après-midi. Nous vous en sommes redevables.
    Nous avons entendu différents points de vue de la bouche de différents témoins. J'ai une question d'ordre général à laquelle l'un ou l'autre d'entre vous — ou vous deux — pouvez répondre.
    On entend parler de sous-marins. On envoie en toute hâte des avions à réaction intercepter des bombardiers. Il est question du plateau continental de 200 milles. On parle de brise-glaces, ainsi que de la participation des États-Unis et de la Norvège.
    Sommes-nous parvenus à une étape où nous, au Canada, devrions inviter tous ces intervenants à discuter des actions à entreprendre et des rôles de chacun? Devrions-nous travailler en partenariat sur les brise-glaces? Devrions-nous le faire également pour les communications et l'exploration en mer et sur les fonds marins? Nous trouvons-nous devant une nouvelle frontière que nous pouvons établir correctement, sur les plans tant environnemental que financier? Sommes-nous parvenus à ce point ou en sommes-nous encore loin?
(1725)
    Je crois que nous pourrions certainement être rendus là. C'est une question de volonté politique. Si le premier ministre est prêt à en faire une priorité, un projet porte-étendard, et laisser derrière lui un héritage permanent, ce serait peut-être bien le moment d'agir dans ce sens. Il existe déjà des tribunes auxquelles nous participons activement, comme le Conseil de l'Arctique, qui ne traite évidemment pas de questions de sécurité.
    Je crois que le moment est vraiment opportun. Il faudrait donner suite aux observations tout à fait louables qu'à formulées le ministre Cannon lors du discours qu'il a prononcé en mars, où il a décrit les grandes lignes d'un engagement très constructif avec les autres pays de la région circumpolaire. À mon avis, ce serait dans l'intérêt stratégique du Canada de suivre cette voie.
    Je ne suis pas expert de tous ces domaines, mais je crois personnellement qu'avant de proposer un partenariat, il faudrait faire beaucoup d'efforts pour renforcer les capacités de notre pays. Une fois ces capacités de base assurées, nous pourrons lancer l'invitation.
    Nous procédons un peu de cette manière dans le domaine des sciences. C'est comme lorsque des enfants jouent dans le sable: ceux qui n'apportent pas de jouets ne sont pas très populaires.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Louis Fortier: Dans le domaine des sciences, nous avons construit le navire Amundsen, et nous avons ensuite lancé des invitations à la communauté internationale, et d'autres pays ont commencé à nous inviter aussi. C'est comme cela que nous participons à des expéditions sur des brise-glace russes dans l'Arctique sibérien, etc.
    Je pense que nous devons d'abord construire nos propres jouets dans notre bac à sable avant d'inviter les autres enfants à venir jouer.
    Donc, si je vous comprends bien, vous dites tous les deux qu'il faut procéder par étapes: nous devons jeter des bases pour ensuite construire dessus. Il me semble que nous ne sommes pas encore tout à fait prêts à jeter les bases. Ou devrions-nous prendre le Canada comme base et ensuite lancer l'invitation aux autres?
    Le temps nous manque.
    Pouvez-vous limiter votre réponse à 10 secondes?
    Commençons par jeter les bases. Une fois que nous connaîtrons mieux l'Arctique canadien, nous pourrons inviter les autres à venir.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Thank you very much to our witnesses.
    Ceci conclut notre réunion. Je tiens à vous remercier de votre disponibilité. Quant à nous, les membres du comité, nous allons nous revoir la semaine prochaine. Merci.
    La séance est levée.
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