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Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant le comité.
En tant que Canadiens, nous nous trouvons une fois de plus au coeur d'une crise dite de la souveraineté de l'Arctique, provoquée cette fois-ci par les changements climatiques, par une prétendue course internationale aux ressources et par l'incertitude concernant nos limites frontalières et nos droits à la souveraineté. Évidemment, nous avons déjà connu une telle situation, avec les projets de défense dans le Nord-Ouest pendant la Seconde Guerre mondiale, puis avec le réseau de défense avancé, les expéditions du Manhattan et la crise du Polar Sea au milieu des années 1980.
L'intérêt politique pour la région ressurgit toujours lorsque les Canadiens ont l'impression que leur souveraineté est en danger. En conséquence, on a promis d'investir dans les Forces canadiennes pour garantir une plus forte présence du Canada dans son secteur septentrional. Dès que la crise s'achève et que les Canadiens constatent que la souveraineté de leur pays n'est pas menacée par un danger concret et immédiat, l'engagement d'investir dans les capacités militaires et dans le Nord de façon plus générale disparaît presque aussi vite qu'il était apparu.
Je ne partage pas le sentiment d'urgence de certains commentateurs, qui estiment que la souveraineté canadienne s'en va à vau-l'eau et qu'elle est en train de fondre comme les glaces de l'Arctique. D'un point de vue juridique, je suis d'accord avec Allan Kessel, qui s'exprimait ici même il y a quelques semaines.
Au premier chef, nous devons reconnaître, je pense, que notre souveraineté n'est pas sérieusement menacée, et ce, grâce à la diplomatie discrète qui a su, au long de l'histoire, trouver le juste milieu entre les priorités en matière de sécurité continentale et les intérêts nationaux du Canada. Je suis convaincu qu'on ne résoudra pas les problèmes de l'Arctique en renouant avec une logique de guerre froide et une mentalité de crise réactionnaire.
En revanche, le pays ne peut pas se cantonner dans une attitude apathique. Nous devons investir dès maintenant dans des capacités fonctionnelles qui nous permettront de relever les défis probables que nous imposera le changement de situation dans le Nord et qui pourrait prendre la forme d'une grande catastrophe aérienne ou d'une situation d'urgence, par exemple une avalanche ou un déversement pétrolier dans nos eaux intérieures. Il est peu vraisemblable que les Russes, les Danois ou les Américains nous envahissent. Il n'y a pas de menace militaire conventionnelle dans le Grand Nord, et le Canada ne résoudra pas ses litiges frontaliers par les armes.
Compte tenu du mandat du comité, je concentrerai mes commentaires sur le rôle des Forces canadiennes dans le contexte changeant de l'Arctique. Dans mon mémoire, j'affirme qu'une stratégie « Le Canada d'abord » est judicieuse au plan politique, mais que les attentes du genre « Le Canada seulement » ne sont pas réalistes. Nous avons des alliés, avec qui nous devrions collaborer pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région.
En outre, le constant débat sur la nécessité d'une plus forte présence des Forces canadiennes risque d'être préjudiciable à la souveraineté du Canada. Suzanne Lalonde a soulevé la question d'une présence concrète qui serait nécessaire pour faire aboutir les revendications juridiques du Canada, mais à part certains commentateurs canadiens, je ne pense pas que quiconque prétende que le Canada n'est pas suffisamment présent dans le Nord d'un point de vue juridique.
S'il est vrai que possession fait loi et que la présence sur le terrain est importante, il est également bon de reconnaître que ces éléments sont déjà en place, grâce aux Inuits et aux autres résidants du Nord. Ce n'est pas la présence qui fait problème, c'est la capacité. Et comme l'a dit Mme Lalonde, c'est une question de contrôle.
Pour parvenir à un niveau réaliste de contrôle dans les eaux nordiques, j'estime que l'essentiel, pour le gouvernement, consiste à concrétiser ce qu'il a annoncé au cours des dernières années. Je donne des détails sur certains éléments précis dans mon mémoire, mais les différentes plateformes et infrastructures des Forces canadiennes que le gouvernement avait promis de financer sont raisonnables et proportionnelles à la menace à laquelle nous pouvons être exposés. Le danger, c'est qu'en période de difficultés économiques, ces initiatives puissent être abandonnées, à moins qu'elles ne bénéficient du soutien des partis d'opposition.
La difficulté se trouve aggravée du simple fait que jusqu'à maintenant, ces annonces ponctuelles n'ont pas constitué une véritable stratégie. En outre, comme l'a dit dans son exposé l'amiral McFadden, une action pangouvernementale dans le Nord est essentielle. Malgré toute l'importance politique accordée au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes, ce ne sont pas eux qui interviennent au premier chef dans la plupart des incidents ou qui remplissent un mandat permanent d'application de la législation canadienne. Le mandat des Forces canadiennes est d'intervenir dans un rôle de soutien auprès d'autres ministères et organismes, même lorsqu'il est question de réagir à des incidents terroristes, d'escorter des navires à propulsion nucléaire ou des patrouilles de pêche, et d'effectuer des abordages.
Il ne fait pas de doute que l'investissement dans les capacités militaires est indispensable pour que les Forces canadiennes puissent évoluer dans toutes les régions du pays et mettre en place un réseau plus cohérent de surveillance et de reconnaissance, comme d'autres témoins l'ont dit de façon plus détaillée. J'affirme également dans mon mémoire que la création d'un centre opérationnel de sécurité maritime de l'Arctique pourrait contribuer à une meilleure sensibilisation du commandement maritime du Canada.
En ce qui concerne les accords bilatéraux, je ne pense pas qu'on puisse raisonnablement s'attendre à ce que les États-Unis reconnaissent officiellement le passage du Nord-Ouest comme faisant partie des eaux intérieures canadiennes. Je crains au contraire qu'en essayant de préciser le statut juridique du passage du Nord-Ouest au plan international, le Canada se place en situation d'échec. Si les membres du comité le souhaitent, nous pouvons revenir sur ce sujet à la faveur de la période des questions.
Nous devrions plutôt envisager la création d'un commandement combiné de l'Arctique qui assurerait la coordination des efforts de surveillance et de réaction des Forces opérationnelles interarmées (Nord) du Canada et du Northern Command américain. On pourrait inclure à cette intégration un groupe conjoint canado-américain de planification opérationnelle, qui aurait accès à l'état-major de planification du NORAD.
Mais surtout, j'estime que les habitants du Nord doivent être les principaux participants à l'affirmation du contrôle canadien. C'est à bon droit qu'on a arrimé la stratégie canadienne dans le Nord à l'argument inuit selon lequel on doit dire non pas « servez-vous en ou perdez-le » mais plutôt « servez-vous de nous ».
L'armée a la chance de bénéficier d'une image positive auprès des collectivités du Nord, grâce aux 4 343 Rangers canadiens dont nous disposons. Plus de la moitié d'entre eux servent sur le territoire du Nord ou au Nunavik et au Nunatsiavut. Ces hommes et ces femmes représentent leurs collectivités, assument d'importantes fonctions militaires et civiles et constituent une réussite remarquable.
En présence d'un tel succès, il est normal de vouloir y investir pour l'amplifier; le gouvernement a donc promis d'étendre et d'améliorer cette composante de la réserve des Forces canadiennes. C'est sans doute louable, mais j'insiste également sur le fait qu'il faut le faire de façon réaliste et durable; sinon, ce remarquable atout à caractère communautaire sera voué à l'échec.
Tout d'abord, il y a eu un certain nombre d'engagements visant à augmenter les effectifs des Rangers dans l'Arctique afin d'étendre la surveillance canadienne. On peut se demander s'il est bien réaliste d'envisager une certaine expansion dans l'Arctique, étant donné que chaque collectivité située le long du passage du Nord-Ouest pouvant être dotée d'une patrouille en a déjà une. Le taux de participation des habitants du Nord à l'institution des Rangers est déjà plus de six fois supérieur à celui de l'ensemble de la population aux Forces canadiennes. Peut-on en demander encore plus aux habitants du Nord?
Un récent rapport du Comité des pêches et océans a recommandé au gouvernement de doter les Rangers d'une capacité maritime et on a parlé, dans les médias, de la possibilité de leur confier un rôle axé davantage sur les missions de combat, comprenant notamment l'abordage des navires étrangers. Plusieurs Rangers ont réagi en déclarant qu'ils démissionneraient si on leur assignait ces nouveaux rôles, ce qui cadre parfaitement avec les propos que je recueille personnellement auprès des Rangers depuis 10 ans.
Le gouvernement devrait plutôt s'en tenir à l'essentiel, à savoir fournir aux Rangers les uniformes promis ainsi que de nouvelles armes, augmenter l'indemnité qu'ils reçoivent pour l'usure de leur équipement personnel lors des opérations et de l'entraînement, et renforcer le soutien de l'entraînement et de l'administration en augmentant les effectifs des instructeurs et de l'état-major des Rangers. L'opération d'expansion et d'amélioration devraient avoir pour objet de confirmer la réussite des Rangers et non pas de réinventer l'institution en leur confiant des tâches qui ne leur conviennent pas et qu'ils ne sont pas censés assumer.
Les Rangers ne sont pas et ne seront jamais une force de répression. Ce sont des volontaires autonomes, équipés légèrement, qui ne sont pas astreints à un entraînement annuel. Pour l'essentiel, ils constituent un exemple très positif de relation constructive entre les habitants du Nord et le gouvernement fédéral. L'institution des Rangers n'est pas en panne, et je demande simplement au gouvernement de ne pas provoquer la panne.
Je dirai en conclusion qu'une vision positive du Nord offre le potentiel de nous unir tous. En donnant suite aux promesses d'investissement dans les Forces canadiennes et en mettant en œuvre une stratégie nordique à long terme, on ne peut que contribuer au renforcement du Canada.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président, madame et messieurs les députés. Merci de m'accueillir à la 24
e séance du comité permanent.
Je suis professeur d'océanographie à l'Université Laval. Je suis également le responsable scientifique du brise-glace de recherche Amundsen, que vous connaissez peut-être, et directeur scientifique d'ArcticNet, un réseau de centres d'excellence du Canada dédié à l'étude des impacts des changements climatiques et de la modernisation sur l'Arctique canadien maritime. Je ne suis certainement pas un spécialiste de géopolitique comme mon confrère, mais je suis de très près les débats et les travaux de mes collègues experts dans ce domaine.
[Traduction]
ArcticNet regroupe plus de 110 spécialistes canadiens de l'Arctique basés dans 27 universités canadiennes et six ministères ou organismes fédéraux. L'un des objectifs principaux de notre réseau est de contribuer à formuler des stratégies d'adaptation pour contrer les effets négatifs du réchauffement arctique et en maximiser les retombées positives.
L'un des principaux outils de travail d'ArcticNet est le brise-glace de recherche Amundsen, qui permet à nos équipes internationales d'atteindre ces mers arctiques et leurs littoraux. Par sa seule présence régulière dans l'Arctique canadien et son impact médiatique au Canada et à l'étranger, l'Amundsen contribue à affirmer la souveraineté canadienne sur ces régions maritimes reculées.
Le programme scientifique d'ArcticNet comprend plusieurs projets de recherche sur la souveraineté du Canada sur ses mers arctiques.
Rappelons d'abord que la souveraineté du Canada sur les îles de l'archipel canadien est reconnue par la communauté internationale depuis les années 1930. Comme vous l'auront expliqué mieux que moi les témoins experts en droit international, les grands enjeux de la souveraineté arctique pour le Canada concernent ses mers arctiques, et non les terres ou l'archipel.
À mon avis, il y a essentiellement deux enjeux. Le premier porte sur le statut des détroits de l'archipel canadien, y compris le passage du Nord-Ouest. Il s'agit de déterminer si ces détroits doivent être considérés comme faisant partie des eaux intérieures du Canada où ce dernier a pleine juridiction sur la navigation — c'est la position canadienne — ou comme des détroits internationaux reliant deux plans d'eau internationaux et donc ouverts au « passage innocent » des navires de surface. C'est la position des Américains et des Européens.
La deuxième question d'envergure en matière de souveraineté dans l'Arctique porte sur la réclamation par le Canada d'une fraction de l'océan Arctique au-delà de la limite des 200 milles marins, dans le cadre de la nouvelle Convention des Nations Unies sur les océans.
Il s'agit de deux questions distinctes, qui ne sont liées d'aucune façon.
[Français]
Il s'agit cependant de deux questions d'importance stratégique dont l'issue va vraiment influencer la position du Canada au sein de la communauté internationale et, potentiellement, redéfinir la dimension arctique manquante du Canada.
[Traduction]
En ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, le Canada a été réactif plutôt que proactif pendant trop longtemps. Si une position ferme avait été adoptée il y a 50 ans lorsque le passage était encore bloqué par les glaces et que personne ne s'en souciait, la situation serait probablement déjà résolue en faveur du Canada. Notre groupe, ArcticNet et nos chercheurs appuient donc pleinement les initiatives récentes du gouvernement fédéral pour renforcer la présence canadienne dans l'Arctique.
Ces initiatives comprennent, entre autres, l'annonce de la construction d'une base de recherche de calibre international dans le Haut-Arctique; l'annonce de la construction d'un brise-glace de classe polaire, le Diefenbaker; le refus de céder RADARSAT-2 à des intérêts américains et la récente prise de position très ferme du ministre des Affaires étrangères sur la question arctique.
En ce qui concerne la réclamation d'une fraction du bassin de l'océan Arctique au-delà de la limite actuelle des 200 milles marins, il faut se rappeler que l'intérêt de cette expansion est essentiellement stratégique et non économique. On imagine souvent que le Canada obtiendra par cette expansion un accès exclusif à des ressources importantes en minerais, en pétrole et en pêcheries.
Or, ces ressources sont en réalité distribuées sur le plateau continental arctique peu profond qui borde le Canada et sur lequel la souveraineté canadienne n'est pas contestée — elle est d'ailleurs reconnue — à l'exception de quelques escarmouches frontalières avec les États-Unis dans l'océan Arctique de l'Ouest. Nous savons que les ressources halieutiques du bassin profond sont insignifiantes. Nous savons également que si ce bassin recèle des ressources pétrolières ou minérales, il serait techniquement impossible de les exploiter.
Il ne faudrait toutefois pas faire fi de l'importance stratégique de la région offshore, car un océan Arctique bientôt libre de glace pourrait jouer le même rôle que la mer Méditerranée a joué dans l'Antiquité. Il jouera un rôle stratégique considérable.
En ce qui concerne la contribution du ministère de la Défense nationale à l'affirmation de la souveraineté canadienne dans l'Arctique, une première évidence est que le Canada ne possède pas les moyens, militaires ou autres, pour assurer un suivi adéquat de l'immense territoire maritime en jeu. Au-delà de la simple surveillance, la capacité d'intervention directe en mer à des fins militaires ou pour assurer la sécurité, est très faible, surtout pendant les mois d'hiver.
Sans prétendre dresser un panorama exhaustif de la situation, mentionnons simplement que les 18 avions Aurora déployés par le ministère de la Défense nationale pour surveiller l'ensemble du territoire arctique offrent une faible capacité d'intervention directe dans nos mers arctiques, si quelque chose venait à se produire. Les deux brise-glace lourds et les quatre brise-glace moyens de la Garde côtière canadienne ne sont déployés dans l'Arctique que durant les mois d'été et désertent la région dès la fin octobre. Par comparaison, bien qu'en déclin, la flotte russe dispose toujours d'environ 12 brise-glace lourds, tous plus gros et puissants que le plus puissant brise-glace canadien.
[Français]
Dès 2005, ArcticNet recommandait la mise en chantier au Canada d'au moins deux brise-glaces de classe polaire. L'annonce récente de la construction du Diefenbaker, qui devrait être livré à l'horizon de 2017, répond en partie à cette recommandation. Par ailleurs, doter les nouvelles frégates de la marine d'une capacité limitée d'affronter la banquise est généralement considéré comme une décision très discutable. En effet, les experts doutent que ces frégates soient vraiment utiles dans les eaux arctiques en dehors des mois d'été, alors que les modifications structurelles qu'on va apporter à ces frégates pour briser la glace vont réduire leur performance en eaux ouvertes.
[Traduction]
En conclusion, considérant que la souveraineté canadienne dans l'Arctique est un enjeu essentiellement maritime, les recommandations générales suivantes visent à consolider le rôle de la Défense nationale dans l'affirmation de la souveraineté du Canada sur ses mers arctiques.
D'abord, il faut renforcer progressivement la capacité de surveillance aérienne et satellitaire du Canada dans l'Arctique en augmentant et en modernisant la flotte d'aéronefs et en appuyant le développement du programme d'observations satellitaires de l'Agence spatiale canadienne.
En outre, pour une capacité d'intervention adéquate dans l'immense territoire maritime arctique, le Canada a besoin d'au moins deux brise-glace de classe polaire pouvant opérer neuf mois sur douze dans la région. En plus du Diefenbaker, je recommanderais que l'on mette en chantier un deuxième brise-glace. Évidemment, tant que ce n'est pas moi qui en paie la facture, cela me convient.
Des voix: Oh, oh!
M. Louis Fortier:Il est urgent que le Canada planifie et mette en oeuvre le remplacement de sa flotte de brise-glace moyens par des navires plus puissants et plus polyvalents. La mise en chantier de cette nouvelle flotte, prévue pour 2020, devrait en fait commencer tout de suite. Il est également important de conférer aux nouveaux brise-glace des rôles multiples, notamment l'escorte, le déglaçage, les opérations de recherche et de sauvetage, l'approvisionnement maritime, la sécurité nationale, la surveillance et les opérations militaires, mais aussi l'appui à la recherche scientifique arctique et l'application des politiques et des règlements en matière de pêche et de navigation.
De façon générale, les chercheurs et les intervenants s'accordent à dire que la mise en place de cette nouvelle flotte est trop lente et pourrait être considérablement accélérée, ce qui stimulerait l'économie dans plusieurs régions du Canada.
La Défense nationale et la Garde côtière canadienne collaborent déjà à plusieurs égards dans l'Arctique, et je pense qu'il faudrait combiner l'expertise militaire de l'une à l'expertise en navigation en eau froide de l'autre pour concrétiser les objectifs stratégiques et les politiques du Canada dans l'Arctique, plutôt que de confier ce mandat en totalité à l'une ou l'autre. Ma propre expérience a également démontré qu'il faut augmenter le niveau de priorité de l'Arctique au sein de l'état-major de la Défense nationale.
Voilà le message que je voulais vous livrer cet après-midi.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps avec M. Bagnell.
Messieurs, merci d'être venus. Vous avez tous deux mis l'accent sur la capacité et la présence dans vos observations. Certains des intervenants et des témoins nous ont signalé qu'en réalité, une bonne partie de ce que le gouvernement a annoncé jusqu'ici se limite à de belles paroles qui ne se concrétisent pas, et qu'il n'a en fait pas de vraie stratégie.
Dans son rapport, le Sénat a fait savoir qu'il aimerait que l'on crée un comité consultatif sur la stratégie dans l'Arctique, lequel serait bien mieux équipé que le comité de la souveraineté dans le Nord actuel. Il a dit qu'en réalité, les mesures que le gouvernement a prises pour atteindre certains des objectifs dont vous avez parlé ne se sont pas toutes révélées heureuses. Par exemple, les brise-glace ont soulevé des critiques.
En ce qui concerne la nécessité d'élaborer une stratégie claire et cohérente en matière de changements climatiques et de souveraineté en collaboration avec les Autochtones, les Inuits et la Garde côtière, pourriez-vous nous dire brièvement ce que pensez-vous du fait que le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le ministère principalement concerné, n'a que peu coopéré pour élaborer une stratégie afin d'atteindre les objectifs que vous avez mentionnés?
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Vous soulevez là plusieurs questions importantes. Pour ce qui est des échéanciers, chose certaine, je pense qu'en partie... Je fais le rapprochement avec les grands discours. Il faut se garder de brûler les étapes et de faire tout un cirque politique face aux Américains et aux Russes. Nous n'avons même pas encore présenté nos revendications, si bien que beaucoup du tapage que nous faisons porte sur la perte éventuelle de quelque chose qu'on n'a même pas encore revendiquée. Pour moi, c'est mettre la charrue avant les boeufs.
Je suis un peu inquiet. Voyons venir. Quand les Russes ont présenté leurs données, les commissaires ne les ont pas jugées assez rigoureuses et l'ONU les leur a renvoyées en en réclamant de meilleures. Je pense donc qu'une grande partie de l'alarmisme autour de cette échéance de 2013 est exagéré.
Vous avez posé des questions importantes à propos des sous-marins. En ce qui concerne les références ou les observations sur la nécessité d'avoir des rayons sonores sous-marins, ou peu importe quelle est la technologie actuelle, aux points d'étranglement, je pense que c'est important, mais je pense que l'on revient toujours au même dénominateur commun: nous avons des alliés équipés de sous-marins et qui recueillent des données. Quant à savoir si nous avons un arrangement quelconque qui remonte aux années 1960 avec eux afin d'échanger des renseignements en convenant de notre désaccord, je ne sais pas si elle existe et je ne veux pas le savoir, parce que cela compromettrait cette entente.
Si nous n'avons pas d'arrangement avec les Américains, au lieu de penser que nous devons recueillir tous ces renseignements nous-mêmes, il me semble que nous avons un bon prétexte pour se rencontrer et dire: « Écoutez, nous comprenons que pour des raisons géostratégiques, vous n'admettrez pas que ces eaux, le passage du Nord-Ouest, constituent un détroit interne. » Cela a peu à voir avec l'Arctique et tout à voir avec le détroit d'Hormouz et d'autres détroits stratégiques dans le monde.
Nous reconnaissons qu'en tant que Canadiens, nous avons confiance dans notre souveraineté. Nous pouvons nous asseoir et négocier en égaux et trouver des moyens d'échanger de l'information sous les auspices de NORAD, grâce à son expansion dans le domaine maritime. Je crois que le Canada a ici l'occasion de faire preuve de créativité dans sa diplomatie, une fois qu'on aura cessé de faire tout un plat au sujet de la souveraineté dans l'Arctique pour déployer les efforts diplomatiques nécessaires pour arriver à des solutions durables.
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Ici encore, chaque fois que nous avons participé à des discussions sur la délimitation des frontières, il a fallu faire un certain nombre de concessions. Il serait naïf de croire que le Canada n'a qu'à présenter ses revendications et que tout le reste du monde va les accepter; c'est pourtant le discours que semble tenir notre pays.
Il est important de savoir que lorsque les Russes parlent de leur PIB, 20 p. 100 de ce PIB est produit au nord du cercle polaire, d'où viennent 22 p. 100 des exportations russes. Lorsque les Russes parlent de l'Arctique avec des airs de propriétaires, c'est qu'il s'agit du coeur même de leur économie. Chez nous, c'est moins de 1 p. 100 du PIB qui vient de cette région. Lorsque nous nous inquiétons du message que nous envoient les Russes, je pense que nous devons respecter le fait qu'ils doivent s'adresser à un auditoire intérieur, et l'Arctique est un sujet plus important pour cet auditoire qu'il ne l'est, je n'hésite pas à le dire, pour nous.
En ce qui concerne l'investissement, je pense que nous y avons affecté les ressources nécessaires. Il est temps, maintenant, de céder le dossier aux scientifiques pour que les diplomates se préparent à faire valoir notre cause de leur mieux; mais nous devons reconnaître que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et les conventions concernant le plateau continental sont parfaitement claires.
Il ne s'agit pas de la possibilité de perdre quoi que ce soit, mais du besoin de déterminer quels sont nos droits en fonction d'un droit international explicite. Si certains points de divergence avec nos voisins apparaissent, nous nous assoirons avec eux pour négocier, car c'est toujours ce que l'on fait pour délimiter les frontières.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de vos excellents exposés.
Je crois déceler dans vos propos un sentiment d'urgence sur certaines questions. Permettez-moi de reprendre non seulement vos témoignages, mais également les propos des autres témoins: nous n'avons pas véritablement à nous inquiéter des questions de territoire, ni même des questions de plateau continental. Il s'agit pour nous de faire nos devoirs et de réunir l'information. Je ne sais pas si vous l'avez dit directement, mais la question des frontières avec les Américains est gérable; il faudrait peut-être la régler, mais il reste de l'incertitude concernant le passage du Nord-Ouest.
M. Byers nous a dit que nous devions nous préparer à traiter de certaines questions dès l'été prochain, à cause du changement rapide de l'étendue de la glace marine en été. J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait que M. Pharand nous a présenté un document dans lequel il énonce 12 mesures que le Canada devrait prendre — et vous en avez signalé certaines, monsieur Fortier. Il faut éviter d'insister sur notre position dans le passage du Nord-Ouest, mais il convient de défendre nos revendications en agissant dans le domaine de la navigation, notamment en rendant obligatoire le Système de trafic de l'Arctique canadien et en prenant certaines mesures que vous proposez vous-même, comme l'augmentation de la capacité de nos radars, etc.
En ce qui concerne le sentiment d'urgence que je crois déceler dans vos propos et les questions qu'il faut régler, comment pouvons-nous intervenir dès l'année prochaine si, par exemple, un navire tenterait d'emprunter le passage du Nord-Ouest, bafouant la souveraineté canadienne et refusant de se conformer à nos règles de navigation et à la Loi sur la prévention de la pollution dans les eaux arctiques?
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Encore une fois, Michael Byers et Rob Hubert nous présentent le pire des scénarios. Cela leur réussit très bien. Les médias adorent cela.
J'ignore s'il y a des preuves ou des probabilités qu'un navire étranger fasse une incursion dans ces eaux pour y remettre en question notre souveraineté l'an prochain. Pour ce qui est d'investir dans nos capacités, nous convenons tous les deux que les besoins sont là.
Je vous remercie de votre question sur ce que nous pouvons faire pour mieux faire avancer notre cause. Je m'inquiète notamment d'entendre des gens comme Michael Byers parler de nos prétentions. Il ne s'agit pas de prétentions, mais bien de notre souveraineté. Cette région fait partie de notre pays et nous y exerçons les droits d'un pays souverain de diverses façons. Le gouvernement a notamment proposé le système de trafic de l'Arctique canadien.
Je suis peut-être plus prudent que d'autres en faisant remarquer qu'il peut être préjudiciable de rendre ce système obligatoire; en effet, s'il l'était, des pays étrangers pourraient nous envoyer des lettres de protestation, ce qu'aucun n'a encore fait. Plus ces lettres de protestation s'accumuleront, moins nous pourrons dire que les pays étrangers ont reconnu le bien-fondé de nos revendications. Dans de tels cas, la discrétion est préférable.
Cela présente donc un inconvénient. Dans certaines situations, il est bon de s'affirmer, mais en l'occurrence, je ne crois pas que la menace soit si grave que nous devions nous inquiéter de ce qui se passera au début de l'été prochain. Ce serait peut-être de l'alarmisme. Quant aux mesures qui pourraient être prises, les suggestions ne manquent pas.