NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 10 juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour et bienvenue à la 26e séance du Comité permanent de la Défense nationale.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, et à la motion adoptée par le comité le lundi 23 février 2009, nous reprenons notre étude sur la souveraineté dans l'Arctique.
Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir M. Robert Huebert, directeur associé, Centre for Military and Strategic Studies.
Monsieur Huebert, vous avez sept ou huit minutes pour nous faire un exposé de la situation après quoi nous entamerons la discussion. Je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation.
Merci, monsieur le président. C'est avec grand plaisir que je prends la parole devant le comité. Je félicite ses membres du travail qu'ils accomplissent dans le cadre de l'examen d'un dossier d'une importance particulière.
Il y a quatre grandes questions que je souhaite aborder avec vous. La première concerne les raisons pour lesquelles notre souveraineté dans l'Arctique, et la sécurité de cette région revêtent une telle importance. La question, bien sûr, s'est posée à tous les gouvernements canadiens depuis... disons, la Confédération. Aujourd'hui, par contre, l'Arctique est en pleine transformation. Ces transformations touchent aussi bien la géographie physique de la région, que sa vie culturelle, les moyens de subsistance de sa population, l'économie et la géographie politique. Il est à peu près impossible de trouver dans le monde une région qui éprouve actuellement des transformations aussi profondes et aussi manifestes. Les nouvelles facilités d'accès à la région font qu'il est, pour le Canada, de plus en plus impératif d'affirmer sa souveraineté dans l'Arctique.
Un des faits marquants des transformations que traverse actuellement l'Arctique est que cette région devient de plus en plus accessible et que cela ne passe pas inaperçu aux yeux du monde. Des pays aussi éloignés que la Corée du Sud ont lancé de grands projets de développement industriel dans la région. Des pays tels que la Chine ont mis sur pied des programmes de recherche avancée sur l'Arctique. Ce pays possède un des plus gros navires de recherche scientifique sur l'Arctique, plus gros que n'importe quelle unité de la Marine canadienne. Cette amélioration des conditions d'accès à la région résulte, bien sûr, des changements climatiques.
Ajoutons à cela que chacun voit dans l'Arctique le dernier grand réservoir de ressources inexploitées au monde. Le service géologique des États-Unis a mené toute une série d'études d'après lesquelles, il semblerait que l'Arctique recèle 30 p. 100 de toutes les réserves non découvertes de gaz naturel, et 13 p. 100 ou plus des ressources non découvertes en pétrole. La Russie se lance dans l'exploitation d'un champ de gaz naturel dans la zone extracôtière de Stockman qui est, en importance, la troisième zone gazière au monde. Le Canada qui, il y a quelques années, ne produisait pas de diamants, est maintenant le troisième producteur du monde avec trois mines de diamants en exploitation dans l'Arctique canadien. C'est dire les immenses richesses que recèle la région.
Le troisième aspect des changements qui caractérisent cette région du Canada, est que la population de l'Arctique est, elle-même, en pleine mutation. La plupart des Canadiens ne savent en effet pas que l'Arctique abrite la population la plus jeune du pays. C'est pourquoi que l'on y rencontre les plus grandes difficultés sociales et pédagogiques.
Plus les autres pays s'intéressent à l'Arctique, plus il devient essentiel pour le Canada de veiller aux moyens d'assurer la sécurité de la région, et d'y affirmer sa souveraineté.
Mais c'est sur un quatrième point que je tiens surtout à insister. Je parle là des changements qui se profilent sur le plan géopolitique. La tendance au Canada est de se pencher sur les 15 dernières années de coopération et de relative inactivité dans le nord circumpolaire — je dis cela à une ou deux importantes exceptions près, telles que les activités du Conseil de l'Arctique — et de penser que les choses vont continuer comme d'habitude. Plusieurs indices nous portent cependant à mettre en doute ces certitudes géopolitiques.
D'abord, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer entraîne un réexamen, voire une modification des frontières maritimes. La question se pose à l'égard du plateau continental et l'on peut dès maintenant entrevoir la possibilité de différends nous opposant aux États-Unis et à la Russie, voire au Danemark.
Des efforts sont actuellement entrepris en vue du règlement pacifique de ces différends, mais plusieurs choses nous portent cependant à nous préoccuper d'éventuels différends frontaliers. Dans un document récemment transmis, les Européens ont fait savoir au Canada que l'Europe entend désormais adopter la position américaine concernant le statut du passage du Nord-Ouest. Or, malgré ce qu'ont affirmé certains de vos témoins précédents, des difficultés se profilent sur le plan de la souveraineté du Canada sur le passage du Nord-Ouest.
Il en va de même de la mer de Beaufort où, là aussi, un différend frontalier pourrait très bien naître. Les Américains vont bientôt publier un rapport appelant à un moratoire sur les pêches dans une région qui, selon eux, appartient à leurs eaux territoriales et qui chevauche manifestement les eaux canadiennes.
Le plus troublant se situe, cependant, sur le plan géopolitique. Si, en effet, on se penche sur les politiques et les programmes d'armement mis en oeuvre par nos voisins circumpolaires, on constate que, depuis 2004, tous les pays arctiques, et plusieurs pays étrangers à la région ont fait publiquement état des changements qu'ils entendent apporter à leurs politiques de sécurité dans l'Arctique. La Norvège, la Russie et les États-Unis manifestent de plus en plus l'intention d'agir de manière unilatérale pour assurer leur sécurité dans la région.
Non seulement ces pays ont-ils diffusé des documents à cet égard, mais ils ont tous les trois instauré des programmes de réarmement qui ne manqueront pas d'avoir des incidences sur l'Arctique. J'ai remis aux membres du comité un bref résumé de ces nouveaux faits. Les Norvégiens sont sur le point de doter leurs forces armées de moyens de combat spécialement adaptés à la région. Les effectifs sont relativement restreints, mais très bien équipés. En novembre, la Norvège a signé, avec les États-Unis, un contrat portant sur l'achat de 48 chasseurs F-35. Ce pays est également parvenu à embarquer un système de combat Aegis à bord d'une frégate. Ils sont les premiers à avoir trouvé le moyen d'installer un tel système sur un aussi petit navire. Les Russes procèdent actuellement au réarmement de leur flotte de sous-marins et ont lancé un programme de construction de porte-avions destinés à l'Arctique.
Il ne s'agit aucunement d'en revenir à l'époque de la guerre froide, mais il n'est pas nécessaire d'être un grand stratège pour comprendre les incidences que peut avoir sur la coopération internationale ce mélange de frontières incertaines, de vastes ressources naturelles et, de la part des principales puissances, d'un tel effort de réarmement, même si celui-ci demeure relativement restreint. L'histoire nous enseigne que ces facteurs, une fois réunis, sont source de tensions.
C'est donc un nouvel Arctique auquel le Canada va devoir faire face. N'allons-nous pas devoir tout faire pour essayer d'y instaurer un climat de coopération? Peut-être allons-nous pouvoir contribuer à faire évoluer les choses d'une manière qui permette d'assurer la sécurité de la région. Si nous n'y parvenons pas, nous risquons de renouer avec les difficultés des années 1980.
Cela étant, quelle devrait être la politique du Canada? D'abord, le Canada doit se doter de moyens très performants. Par moyens, j'entends moyens de surveillance et de mise en application des lois et règlements comparables à ceux de nos voisins circumpolaires. En effet, même si nous parvenons à atténuer certains des différends que je viens d'évoquer, nous aurons besoin de ces moyens pour savoir qui est présent dans l'Arctique et afin aussi, d'être à même de faire respecter les lois et règlements de notre pays. L'Arctique constitue un milieu difficile et, nous courons à l'échec si nous ne prenons pas les mesures nécessaires.
Nous allons devoir en outre adapter nos processus décisionnels aux difficultés de la région. L'Arctique, en effet, va exiger que l'on mobilise l'ensemble des moyens nationaux. Le MDN n'y parviendra pas à lui seul, pas plus que les Affaires étrangères ou la Garde côtière. Tous les services de l'État devront agir de concert. D'après moi, cela va exiger une action au plus haut niveau de l'État.
On me demande souvent si les brise-glace devraient relever de la Garde côtière ou de la Marine. Là n'est pas la question. Peu importe, en effet, que la coque soit peinte en rouge ou en gris. L'important est de pouvoir déployer ce genre de bâtiments dans l'Arctique.
Non seulement le Canada doit-il se doter de ces moyens et agir d'une manière que beaucoup considéreront comme unilatérale, mais nous allons également devoir assumer dans la région le rôle de chef de file.
Je dois dire que, dans une certaine mesure, les Norvégiens pourraient nous servir de modèle. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour favoriser la coopération avec les Russes, mais sont en même temps en train de se doter de moyens militaires très performants au cas où la situation se dégraderait à terme.
Permettez-moi, en guise de conclusion, d'insister sur le fait que l'Arctique est en pleine transformation et que bon nombre de pays sont attirés par la région. Cela est manifeste. Il nous faut donc faire en sorte que, lorsque ces autres pays finiront par prendre pied dans l'Arctique canadien, nous serons en mesure de protéger nos valeurs, nos intérêts et notre sécurité.
Je vous remercie.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le professeur, d'avoir répondu à notre invitation.
Vous nous avez fourni de très pertinents éléments de réflexion. J'ai pris un vif intérêt à ce que vous dites au sujet des États-Unis dans votre article intitulé The Reluctant Arctic Power.
Sur ses 20 CP-140, le Canada ne peut actuellement compter que sur neuf appareils pour assurer la surveillance de nos trois côtes. De nos 14 hélicoptères de recherche et sauvegarde CH-149 Cormorant, nous ne pouvons en mobiliser que sept et je ne parle même pas des CF-18 et des C-130. Cela étant, compte tenu de l'importance croissante de cet aspect de la situation, pourriez-vous nous dire quelle serait, selon vous, la stratégie que le Canada devrait adopter en réponse à l'effort d'équipement militaire que font actuellement d'autres pays? J'aimerais ensuite aborder la question de la souveraineté et des difficultés qui en découlent et, aussi, la question d'une éventuelle délimitation de l'Arctique au profit de divers pays.
Au niveau de l'équipement, il est clair qu'on va devoir consentir un effort à long terme. C'est une question qui doit être abordée sans esprit partisan, mais personne ne contestera que, jusqu'ici, on ne peut pas dire que la politique de notre pays en matière d'approvisionnement ait été marquée par l'absence de considérations politiques. En outre, nous avons un peu pris l'habitude d'acquérir tout d'un coup de grosses quantités d'équipement, et puis de ne pas nous soucier de son entretien. Je ne vois guère comment on pourrait le nier.
C'est le moment où jamais, en matière de moyens aériens, navals et spatiaux, d'élaborer une politique d'approvisionnement à long terme. Il nous faut décider sans attendre quelles unités nous allons devoir remplacer. Les brise-glace de la Garde côtière notamment doivent être remplacés en priorité. Plus les glaces du Grand Nord disparaissent, plus nos eaux arctiques vont, paradoxalement, être englacées. Nous ne pouvons donc pas nous dispenser d'acquérir les moyens nécessaires.
Il nous faut également nous doter de moyens suffisants en matière d'appareils de recherche et de sauvetage. Cela ne veut d'ailleurs pas nécessairement dire qu'il nous faut les posséder en pleine propriété. En effet, ce genre d'appareil peut être loué, ou emprunté ou réaffecté, mais nous ne pouvons pas nous en passer.
Il nous faut donc réfléchir à nos besoins, d'abord à nos besoins immédiats, puis aux besoins qui vont naître du fait que l'Arctique va devenir le troisième océan de notre pays. Il ne s'agit aucunement d'acquérir tous ces équipements en même temps en croyant que l'on réglera la question une fois pour toutes. Il nous faut, en effet, engager une réflexion à long terme. Avec leurs programmes de construction de porte-avions et de sous-marins, les Américains ont montré qu'il est effectivement possible de construire un seul navire à la fois, ou quelques avions à la fois. Cela nous permettrait, d'ailleurs, de conserver des emplois au Canada, ce qui me paraît tout de même important et, aussi, d'engager un programme à long terme.
D'abord, il nous faut des appareils de recherche et de secours, et des brise-glace, mais il nous faudra acquérir immédiatement après cela des navires de surveillance côtière et renouveler notre flotte d'avions à grand rayon d'action. Et puis, il nous faudra alors décider du type d'avion de chasse qui équipera notre aviation. Tout cela va coûter très cher, mais c'est ce qu'exige une politique à long terme.
Merci.
D'après vous, quels devraient être les ministères ou structures interministérielles chargés de piloter nos efforts afin d'assurer la surveillance, la sécurité et la protection du Nord canadien?
Ce sera nécessairement le ministère de la Défense nationale. Le MDN a, en effet, acquis une expérience tant sur le Pacifique que sur l'Atlantique. Il sait ce qu'il faut. Non seulement ce ministère possède-t-il une longue expérience en matière de stratégie, mais il comprend aussi les impératifs de la surveillance. Sur ce plan-là, c'est le ministère de la Défense qui a la meilleure vision intégrée du problème et de la manière de concerter son action avec celle des autres ministères. Les autres ministères n'ont en effet ni la formation ni les moyens financiers pour s'occuper de cela.
Je vous remercie.
Pensez-vous que le Système de trafic de l'Arctique canadien devrait être rendu obligatoire? Pourriez-vous nous expliquer l'importance d'un tel changement sur le plan de notre souveraineté dans l'Arctique? Entrevoyez-vous des problèmes à cet égard et considérez-vous que le gouvernement devrait agir en ce sens de manière prioritaire?
Il ne fait, d'après moi, aucun doute que le Système de trafic de l'Arctique canadien devrait être rendu obligatoire. C'est un peu, pour employer une image tirée de Calgary, comme si l'on imposait une limitation de la vitesse sur l'autoroute Deerfoot sans prévoir de moyens de surveillance, chaque conducteur étant lui-même chargé de signaler ses éventuels excès de vitesse. Ce serait ridicule. Eh bien, il serait tout aussi ridicule de prétendre, si tant est que ce soit effectivement ce que nous prétendons, que le passage du Nord-Ouest fait partie de nos eaux intérieures, ce qui est actuellement l'avis de tous les partis. Si nous voulons effectivement faire en sorte que soit respectée la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, il faut absolument instaurer un régime de déclaration obligatoire.
Monsieur le professeur, les Russes semblent suivre deux pistes en même temps: la piste de la coopération, notamment avec le Canada, ou en ce qui concerne certaines questions liées à l'Arctique ou certaines de leurs revendications; et puis, il y a, comme vous le disiez, ce renforcement de leurs moyens militaires. En quelques mots, que pensez-vous de cela?
Ils agissent en fonction de politiques bien arrêtées. C'est la stratégie classique du bon et du mauvais policier. Le mauvais policier, en ce qui concerne l'Arctique, c'est Chilingarov. C'est lui, jusqu'ici, qui a fait les déclarations les plus fracassantes concernant notamment les patrouilles. Il est clair que les Russes sont en train de mettre au point une technique leur permettant d'exercer des pressions diplomatiques sur les divers pays de la région. D'un côté, la Russie souhaite faire preuve de bonne volonté en matière de coopération, mais elle veut également que chacun sache que sous le gant de la coopération, il y a un très solide poing de fer.
Monsieur le professeur, certaines conventions internationales traitent spécifiquement de la délimitation de l'Arctique. Je songe notamment à l'article 27 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Pourriez-vous nous en dire quelque chose ainsi que des difficultés qui pourraient se poser à l'égard des zones pétrolières?
La question de la délimitation est en effet essentiellement liée au pétrole. C'est une question de sol et de sous-sol.
Si chaque pays fait, effectivement, ce qu'il dit qu'il entend faire, et s'en tient aux règles applicables, peut-être allons-nous assister à un vaste effort de coopération internationale. La bonne volonté de chacun sera mise à l'épreuve cependant s'il y a chevauchement entre nos propres revendications et celles des Américains ou des Russes, ce qui paraît probable, car il s'agira alors de concilier les intérêts en présence et de régler pacifiquement les différends. J'ai bon espoir que les mécanismes mis en place permettront effectivement de le faire, mais tout cela va dépendre de ce qui se passera dans d'autres secteurs de l'activité internationale. Jusqu'à une époque récente, les Russes semblaient tout à fait disposés à procéder ainsi, mais après ce qui s'est passé en Georgie, ils ont en quelque sorte fait savoir qu'ils n'étaient peut-être pas tout à fait aussi bien disposés qu'auparavant.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Huebert, vous avez fait une très bonne présentation. Elle était vaste, mais je sens que votre raisonnement tourne autour des capacités militaires.
Dans le cas du dossier qui nous occupe, la souveraineté de l'Arctique qui est revendiquée par plusieurs pays, je ne suis pas certain que ce soit notre meilleur atout. Je ne veux pas dire qu'il faut se débarrasser de nos armes et envoyer des colombes voler au-dessus de l'Arctique pour montrer qu'on est des pacifistes. J'ai néanmoins l'impression que, peu importe l'équipement militaire que le Canada peut se permettre d'avoir — c'est un autre problème —, on ne pourra pas faire face à la marine russe ou américaine.
Pour moi, l'aspect militaire est moins important dans la balance. Je suis plutôt en faveur de miser sur la coopération internationale, je suis plutôt en faveur du respect de la loi internationale. À ce sujet, et vous en avez fait mention, il existe une convention. De plus, la Commission des limites du plateau continental vient de reconnaître 230 000 km2 à la Norvège. J'étais à Oslo il y a deux semaines, et c'était un gros sujet de discussion.
Je me demande si la solution ne réside pas dans un mélange des deux, en misant plus sur la loi internationale. Je veux quand même vous rassurer en ce qui a trait à l'aspect militaire, j'étais à Oslo pour une réunion de l'OTAN. La grande discussion portait justement sur le passage du Nord-Ouest et l'Arctique, et sur l'évolution de ce qui s'y passe. Vous savez, j'étais à une réunion de l'OTAN il y a trois ans pour leur parler de l'Arctique et de l'ouverture du passage du Nord-Ouest. C'était comme si je parlais chinois, mes collègues ne comprenaient pas du tout. Maintenant, d'un coup sec, tout le monde comprend l'enjeu.
Je me demande si, sur le plan militaire, notre alliance traditionnelle avec l'OTAN n'est pas une meilleure solution, parce qu'on n'aura pas à payer tout ce que vous mentionnez. Je considère que la loi internationale devrait régler la question. Cela n'empêchera pas des démonstrations de force des Russes, qui soufflent le chaud et le froid par moments. La solution militaire ne me semble pas être la meilleure. Se coller sur nos amis de l'OTAN me semble être une meilleure idée. Par contre, je pense que doit s'appliquer la loi internationale, par le truchement de l'ONU.
J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Continuez-vous de prétendre que le Canada doit se doter de tous les instruments militaires dont vous avez fait mention? Ne serait-on pas mieux de travailler avec les lois internationales? Si certains décident de braver la loi internationale et de passer outre le droit international, que pensez-vous de l'OTAN comme gendarme, pour appliquer la loi internationale dans l'Arctique?
[Traduction]
Toutes ces questions restent à régler, monsieur, et je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée d'apporter à leur égard un certain nombre de précisions.
Vous avez parfaitement raison, il nous faut l'un et l'autre en même temps. On ne peut pas séparer les deux. C'est même le reproche qu'on pourrait faire à la politique du Canada, notre pays ayant toujours eu tendance à faire alterner l'un et l'autre. Le fait est que pour agir de manière efficace dans l'Arctique, il faut s'engager en même temps dans les deux voies.
Je dirais, d'ailleurs, que l'aspect sécurité est indissociable puisque l'application des lois et des règlements, les règlements sur les pêches et sur la protection environnementale, par exemple, exigera la pleine, sinon totale participation de la marine et de l'aviation. Autrement dit, la distinction entre ce qui relève du domaine militaire et ce qui relève du domaine policier n'est pas nette, car des membres de la GRC devront se trouver à bord des navires afin de faire respecter les lois et règlements, mais bon nombre des moyens employés relèveront des militaires.
En ce qui concerne ce que vous avez dit tout à l'heure, au sujet des liens entre coopération internationale et mesures militaires, j'attire votre attention sur le fait que dès que la Norvège a fait état de ses prétentions territoriales, dès que ses revendications ont été acceptées par la Commission des limites du plateau continental, les Russes ont repris, pour la première fois depuis 1989, leurs opérations navales dans la zone en question. L'Ustinov et un autre navire ont été envoyés dans chacune des deux zones où se chevauchent les prétentions norvégiennes et russes.
Disons, dans le volet coopération internationale, que Norvégiens et Russes ont convenu d'être en désaccord quant à l'étendue de leurs plateaux continentaux respectifs. C'est dire que les Russes ont effectivement, en ce domaine, une politique à géométrie variable. D'un côté, ils disent oui, d'accord pour la coopération, mais en même temps, ils prennent très ouvertement des dispositions militaires qui, à mon avis, font monter la tension et montrent bien que les deux aspects sont liés. C'est dire qu'il faut avoir suffisamment de force pour étayer les efforts de coopération. C'est, hélas, le point de vue aussi bien des Américains que des Russes et le Canada est pris entre les deux.
En ce qui concerne l'OTAN maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est que, du point de vue politique, ce sont nos alliés de l'OTAN qui nous posent les plus grandes difficultés au niveau du passage du Nord-Ouest. La position de la Russie à l'égard de la route maritime du Nord est une copie conforme de la position du Canada à l'égard du passage du Nord-Ouest. Nous n'avons jamais cependant fait cause commune avec eux. Autrement dit, aux Nations Unies, nous n'avons jamais fait valoir que nos positions respectives sont identiques et que nous soutiendrons la thèse russe si les Russes soutiennent la nôtre. Il y avait d'excellentes raisons de ne pas le faire, mais c'est un fait que nos positions respectives sont symétriques.
Ce qui complique la situation dans l'Arctique, donc, c'est que les pays dont la présence militaire nous pose le plus de problèmes sont, bien sûr, les Russes avec leurs survols et les unités navales qu'ils envoient dans les zones litigieuses, mais, du point de vue diplomatique, il y a le fait que l'Union européenne et les Américains ont fait très clairement entendre, dans de récents documents, que, selon eux, le passage du Nord-Ouest constitue un détroit international et que le Canada ne saurait prétendre exercer à lui seul le contrôle de la navigation internationale.
On entrevoit donc des complications et c'est pourquoi il nous faut allier unités navales et aériennes performantes et diplomatie. Il nous faut les deux. La situation est un peu compliquée, mais ce sont les deux piliers nécessaires de notre action dans l'Arctique.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier pour votre exposé. Je me penche depuis relativement peu de temps sur ces questions et la clarté de vos explications m'est de la plus grande utilité. Vous allez peut-être trouver que, dans mes questions, je simplifie outre mesure, mais j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Vous venez de dire que la sécurité de l'Arctique suppose qu'on a les moyens de réagir et, selon vous, peu importe que la mission soit confiée à la Garde côtière ou à la marine, du moment que l'on fait le nécessaire. J'estime pour ma part, que la Garde côtière est peut-être mieux en mesure de réagir rapidement avec des moyens qui, par ailleurs, me paraissent moins coûteux.
Pourriez-vous me dire s'il est, d'après vous, exclu qu'une telle mission soit confiée à la Garde côtière. Vous avez dit, je crois, que le MDN semble mieux à même de se charger de cela.
Je dois dire, en ce qui concerne l'aspect financier, que tout coûte très cher. La Garde côtière envisage de renouveler sa flotte — et cela presse effectivement — et il faut, au minimum, compter 720 millions de dollars pour chaque navire. Ça, c'est simplement le coût de remplacement. S'agissant d'un brise-glace moderne comme ceux qu'il va falloir construire au cours des 20 ou 30 prochaines années, le coût unitaire est plutôt d'un milliard de dollars. Cela correspond en gros au prix des bâtiments dont il faudrait doter la marine pour les patrouilles du large dans l'Arctique. On ne ferait donc pas d'économies.
Cela dit, la Garde côtière a une plus grande expérience de l'Arctique et la marine devra, il ne fait aucun doute, faire appel aux moyens de formation de la Garde côtière. La marine a, par contre, montré que, mieux que la Garde côtière, elle a su assurer le maintien du montant des crédits qui lui sont affectés. Dans un monde idéal, nous n'aurions pas rogné le budget de la Garde côtière. Aujourd'hui, même son budget de fonctionnement est amputé. Cela est, d'après moi, ridicule, étant donné la situation à laquelle nous allons devoir faire face.
Le Service des glaces a vu, lui aussi, semble-t-il, amputer son budget. Politiquement, la marine semble jouir au Canada d'une plus grande influence. C'est cela qui me porte à dire que la marine doit davantage être sollicitée pour des missions dans l'Arctique. Le fait est, cependant, que les deux vont devoir travailler de concert. Pour les missions de surveillance, la marine est indispensable, mais pour opérer dans l'Arctique, l'expérience acquise par la Garde côtière l'est tout aussi. On ne peut se passer de ni l'une ni l'autre.
Je vous remercie.
S'agissant d'accroître notre présence dans l'Arctique, si j'ai bien compris, la difficulté se poser au sujet du passage du Nord-Ouest. Votre seconde recommandation est d'améliorer les moyens du Canada en matière de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements. D'après vous, nous efforts en ce sens devraient-ils porter essentiellement sur le passage du Nord-Ouest ou sur une zone plus étendue?
D'après moi, le passage du Nord-Ouest n'est qu'une des lignes de démarcation en cause. Le problème va également se poser dans la mer de Beaufort et au niveau du plateau continental.
Je tiens cependant à préciser que je ne pense pas que notre politique doive avoir pour objet essentiel d'affirmer notre souveraineté. Non, ce qu'il nous faut acquérir ce sont les moyens d'exercer un certain contrôle sur notre territoire national. Peu importe, en fait, la manière dont nous définissons nos efforts en ce sens. Nous pourrions peut-être procéder par voie d'accord international. Cela dit, il s'agit de savoir pourquoi, au juste, nous revendiquons cette souveraineté. Eh bien, nous revendiquons la souveraineté sur cette région afin d'être en mesure de faire respecter les lois et règlements canadiens, les normes du Canada en matière environnementale et d'assurer la protection des collectivités de nos régions du Nord. Si nous pouvons y parvenir au moyen d'accords internationaux, tant mieux. C'est dire, donc, que la souveraineté n'est qu'un moyen de parvenir à ces objectifs. Les médias commettent souvent sur ce point des erreurs. On se perd, en effet, parfois dans des digressions qui n'ont pas lieu d'être. Il s'agit pour moi d'une distinction fondamentale.
Dans la mesure, donc, où l'on pourrait parvenir à des accords internationaux ou à un arbitrage, disons, au sujet de l'île Hans ou de la mer de Beaufort, nous serions satisfaits.
Bon. Je vous remercie.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance du compte rendu de ce que nous ont dit les autres témoins.
Bon. Mon collègue Jack Harris a posé à un de nos témoins, Mme Lalonde, qui est professeure, une question au sujet de certains articles qu'il avait lus et selon lesquels les États-Unis accepteraient peut-être de ne plus invoquer, au sujet du passage du Nord-Ouest, la notion de détroit international, si nous faisons valoir que la reconnaissance du statut de détroit international de ce passage exposerait l'Amérique du Nord à de sérieux risques sur le plan de la sécurité. Pourriez-vous nous livrer votre point de vue à cet égard?
Volontiers.
Je faisais partie du groupe qui avait étudié la possibilité de parvenir à une sorte d'accord tacite avec les Américains. Nous étions convenus que les Américains n'accepteraient jamais de considérer le passage du Nord-Ouest, comme faisant partie de nos eaux intérieures, tout simplement parce que cela créerait un précédent qui pourrait être invoqué à l'égard du détroit Hormuz, par exemple. Ils s'y refuseraient inévitablement. Bon nombre de personnes avaient pensé, cependant, que les Américains accepteraient peut-être simplement de ne rien dire, c'est-à-dire de ne pas contester notre position et de ne rien dire au sujet des navires qui y transitent sans autorisation préalable. Autrement dit, nous conviendrions d'être en désaccord sur ce point, mais sans en faire un objet de discorde.
Le 8 janvier 2009, les Américains ont fini par exposer leur politique à l'égard de l'Arctique, dans le premier document d'orientation qu'ils aient publié à ce sujet depuis 10 ans. Dans ce document, l'administration américaine manifeste clairement la volonté de ne pas revenir sur la position officielle des États-Unis. J'ai pu constater, lors des discussions que j'ai eues avec des représentants du gouvernement américain, que, pour eux, la question ne se pose même pas. Je suis donc, à cet égard, beaucoup plus pessimiste que je ne l'étais il y a quatre mois.
Bon.
Je ne sais pas si ma question suivante touche un sujet que vous êtes en mesure d'aborder, mais je voudrais savoir si, compte tenu des évolutions de l'autonomie gouvernementale des Inuits, un rôle reviendra en ce domaine à leurs instances régionales.
Il nous faut parvenir à convaincre nos voisins circumpolaires de l'importance particulière des Inuits et du fait que les populations établies dans la région créent dans l'Arctique une exception. J'ai eu de nombreuses discussions avec des Américains ou avec des Norvégiens qui affirment que le droit international ne dit rien des questions autochtones et que, par conséquent, la question ne se pose même pas. Il nous faut tenter de faire avancer le débat sur ce point.
Merci, monsieur le président.
Monsieur le professeur, merci d'avoir répondu à notre invitation.
Mes questions sont brèves, mais que cela n'ait pas pour effet d'écourter les réponses que vous y apporterez. Nous avons évoqué la question des brise-glace. D'après vous, le John G. Diefenbaker, est-il en mesure d'accomplir les missions qui lui seront dévolues? Étant donné qu'il est question d'en commander plusieurs autres exemplaires, le Diefenbaker est-il, si l'on peut dire, le navire de la situation?
En réalité, il nous en faudrait au moins trois de plus. Compte tenu de son carénage, de la zone dans laquelle il est appelé à opérer, et du fait que le Louis S. St-Laurent a été construit il y a presque 45 ans et que les quatre autres brise-glace de classe intermédiaire ont tous été construits il y a 35 ou 40 ans, il va nous falloir les remplacer. Les brise-glace de classe intermédiaire ne vont pas pouvoir rester en service beaucoup plus longtemps et il va effectivement nous falloir en commander trois autres.
Nous avons évoqué le besoin d'adopter, en matière de rééquipement, un plan à long terme. La stratégie de défense, Le Canada d'abord, se veut un plan sur 20 ans comprenant, justement, certains des éléments dont nous avons parlé. Qu'en pensez-vous — est-ce suffisant ou non? Et si ce n'est pas suffisant, comment réunir l'argent nécessaire pour pouvoir, effectivement, faire ce qu'il faut?
Sur le plan intellectuel, je dirais que cette stratégie va dans le bon sens.
Je me préoccupe, cependant, des chances de la voir mise en oeuvre. Tant les libéraux que les conservateurs ont fait d'excellentes déclarations de politique générale, mais le problème a toujours été que deux ou trois ans après la publication du document d'orientation, une crise économique cyclique provoque son abandon.
D'après moi, le problème essentiel se pose au niveau de la mise en oeuvre des politiques que le Canada tente d'instaurer depuis que M. Martin et M. Harper ont reconnu l'importance de l'Arctique.
Vous avez évoqué l'idée de faire cause commune avec les Russes, mais il s'agit là de quelque chose qui ne viendrait pas à l'esprit de la plupart des gens. Pensez-vous que nous puissions leur faire confiance?
Nous pouvons faire confiance aux Russes... Comme nous tentons de l'enseigner à nos étudiants en première année de sciences politiques, un pays n'a pas, à proprement parler, d'amis, seulement des intérêts. Nous pouvons donc leur faire confiance dans les dossiers où nos intérêts convergent. En matière de gestion des transports maritimes dans les eaux septentrionales, nos deux pays ont tout intérêt à ce que les choses se passent correctement. Je dirais donc que, sur ce plan-là, c'est moins une question de confiance qu'une question d'intérêt commun.
Mais, en ce qui concerne la mise en valeur des ressources et les revendications opposées concernant la dorsale Lomonosov, il va bien falloir qu'à un certain point la question soit tranchée en vertu des règles de droit international dans le cadre d'une décision qui ne va pas forcément faire plaisir à tout le monde. Que se passera-t-il si, par exemple, la Russie ou les États-Unis, décident, bien qu'une instance internationale ait fait droit à nos prétentions, qu'ils entendent néanmoins prendre pied dans les zones en question? Dans de pareilles conditions, comment le Canada parviendra-t-il à faire appliquer la décision reconnaissant ses droits en ce domaine?
Dans le pire des cas, cela aboutira à un conflit. Que se passe-t-il, en effet, si un pays décide de passer outre à une décision lui interdisant de faire quelque chose?
En fait, les différends qui vont opposer les divers pays intéressés seront réglés non pas par arbitrage, mais par des négociations. Qu'un différend nous oppose aux Russes, aux Américains ou même aux Français, comme cela s'est produit à l'égard de Saint-Pierre-et-Miquelon, la solution proviendra à l'issue de négociations entre les pays en question.
Il nous faudra par conséquent acquiescer aux solutions intervenant entre divers autres pays. C'est à ce moment-là que risquent de se poser des difficultés, car on ne sait pas comment réagira le public canadien s'il estime que nous avons reculé. D'après moi, c'est là que le problème risque de se situer.
Et alors, cela nous ramène aux Russes et aux intérêts que nous avons en commun avec eux. Envisagez-vous qu'ils puissent un jour engager avec nous des négociations sur telle ou telle question, mais se moquer bien de nous s'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent?
Le fait qu'ils aient à écouler leur pétrole et leur gaz les portera à modérer leurs propos. Ce qu'il nous faut, par conséquent, c'est forger, de concert avec nos alliés, une position suffisamment forte pour que ce genre de situation ne se présente pas. Autrement dit, les Russes vont devoir vendre la plupart de leur gaz à la Pologne et à l'Allemagne, nos alliés au sein de l'OTAN. Pourrons-nous faire, avec nos alliés, cause commune afin que, si les Russes commencent à agir de manière par trop unilatérale, nous ayons les moyens de modérer leurs ardeurs. La clé du succès réside dans une telle approche et non pas dans l'action militaire.
Bon.
Nous sommes chargés ici d'une étude sur la souveraineté dans l'Arctique, notamment dans le contexte des changements climatiques et des incidences que ces changements sont appelés à avoir sur l'ensemble de la région. Pourriez-vous nous livrer votre point de vue au sujet des changements climatiques constatés actuellement dans l'Arctique et des incidences que ces changements pourraient avoir au niveau de nos opérations, militaires ou générales, dans la région. Quelles sont les occasions à saisir, ou les mesures à prendre?
Il s'agit d'une situation proprement transformationnelle. C'est ce qui ressort à l'évidence des entretiens que j'ai pu avoir avec des spécialistes de la question, tels que Dave Barber, le plus éminent des glaciologues canadiens. C'est ce qu'affirment également tous les spécialistes américains, selon qui c'est dans l'Arctique que se manifestent les signes avant-coureurs de notre avenir à tous.
Vous avez évoqué l'aspect militaire et il est clair que des transformations aussi vastes que celles que nous pouvons actuellement entrevoir sont facteurs d'incertitude et d'insécurité. Nos forces armées sont donc appelées à jouer un rôle important dans la gestion de ces situations incertaines et devront notamment être prêtes à réagir aux catastrophes qu'entraîneront la montée des eaux, l'effondrement éventuel d'infrastructures économiques et l'édification des zones de pêche, phénomène qui, dans l'Arctique, met en danger la chaîne alimentaire. Nos forces militaires devront manifestement intervenir pour porter secours.
Mais ce qui me paraît plus grave encore, c'est une éventualité évoquée par Gwynne Dyer dans son livre récent. Selon cet auteur, de tels bouleversements entraînent généralement une montée des périls et la multiplication des conflits internationaux. Ces conflits ne se produiront pas nécessairement dans l'Arctique, mais il est clair qu'ils auraient des incidences dans cette région. Les perspectives sont, à cet égard, assez inquiétantes.
J'aimerais revenir un instant à notre stratégie de défense, sujet que vous connaissez bien. Dans la mesure où nous parvenons à nous y tenir, quelle serait, d'après vous, la quantité de gros équipement qu'il nous faudrait acquérir, disons de chasseurs et de navires?
La question est difficile, car il est clair qu'il faut non seulement posséder des moyens d'intervention, mais également une capacité d'intensification de ces moyens, pas dans l'immédiat, mais je dirais à horizon de 10 ans. Ce qui est exposé dans ce document stratégique me semble bien. Autrement dit, je ne relève aucune lacune grave, même si je souhaiterais voir attachée une plus grande importance à l'après-Radarsat-2. Je vois qu'on a tout de même évoqué la question des coûts d'un programme Radarsat Constellation allégé, et les discussions sont en cours à ce sujet. Dans la mesure où l'on donne suite à ce projet, je dirais que les choses se présentent assez bien.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Huebert, d'avoir répondu à notre invitation.
Ma question concerne essentiellement la mer de Beaufort. J'ai demandé au gouvernement de nous expliquer ce qu'il en était du différend auquel cette zone donne actuellement lieu, et de nous dire comment il entendait le régler. On m'a répondu que la situation dans cette zone ne donne lieu à aucun différend et que la situation est bien en main. Pourtant, les Américains ont accordé des concessions pétrolières et gazières dans une région pourtant revendiquée par le Canada. Celui-ci a transmis, à ce sujet, plusieurs notes diplomatiques au gouvernement américain. Je suis content que notre gouvernement ait, en effet, réagi, mais dans la mesure où il a manifesté ainsi son mécontentement, je trouve très curieux qu'on me réponde qu'il n'y a pas de différend.
Pourriez-vous nous dire ce qu'il conviendrait que le gouvernement canadien fasse à l'égard de ce différend qui n'en est pas un?
J'estime, pour ma part, qu'il existe effectivement un différend. Cela dit, je comprends fort bien pourquoi le gouvernement prétend qu'il n'y en a pas car on hésite toujours à laisser percer l'inquiétude que nous inspire un adversaire plus fort. Mieux vaut parfois ne même pas reconnaître l'existence d'un différend. Je comprends donc très bien.
Cela dit, en tant que chercheur universitaire ne travaillant pas pour le gouvernement, j'estime qu'il y a manifestement là un différend et je dirais même que les choses vont s'envenimer sous peu. En effet, dès que le secrétaire au commerce américain aura signé le texte, ses services feront appliquer un moratoire sur la pêche dans l'Arctique. Or, ce moratoire s'appliquerait également semble-t-il aux eaux canadiennes. Les Américains affirment en effet avoir le droit souverain de suspendre toutes les activités de pêche. Je dois dire que cela me paraît être une bonne chose, mais il est clair que l'action unilatérale de la part des États-Unis en ce domaine soulève effectivement un certain nombre de problèmes.
Il nous faudrait, en fait, élaborer, tant avec les Américains qu'avec les populations autochtones concernées, un plan de gestion conjointe. La situation se complique en outre du fait que l'Accord de 1984 sur les revendications territoriales des Inuvialuit reconnaît à ce peuple un certain nombre de droits en matière de pêche et d'aquaculture dans l'ouest de la région. Il faudrait donc, dans un premier temps, convenir qu'on ne parvient pas à s'entendre sur la délimitation des frontières maritimes, mais que l'on va tout de même appliquer de bonnes pratiques en matière de pêche et de chasse aux mammifères marins, appliquant le principe de précaution en attendant de mieux comprendre comment évolue la situation au niveau des stocks de poissons.
Nous devons également nous entendre sur un plan de gestion conjointe pour la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières. Soyons francs; les entreprises gazières et minières sont les mêmes partout et peu importe donc si l'exploitation est confiée à la BP ou à Exxon Mobil. C'est dire que les entreprises qui, dans la mer de Beaufort, sont de notre bord, ont le même comportement que les entreprises qui travaillent pour les autres. L'Accord de libre-échange fait que le pétrole et le gaz qui arrivent en Amérique du Nord sont écoulés sur un marché qui est commun à l'ensemble du continent.
D'après moi, tous les éléments permettant de s'entendre sur un plan de gestion conjointe des ressources en question sont réunis et cela devrait nous permettre d'éviter que les choses s'enveniment. Cela dit, il faut tout de même que nous ayons la volonté politique de parvenir à un tel accord. Si les Indonésiens, et les Australiens qui se sont lancés dans l'exploration pétrolière dans le secteur nord de la mer de Timor, à l'époque où l'Indonésie s'effondrait, sont parvenus à s'entendre sur un plan de gestion conjointe des ressources exploitées dans ce secteur, le Canada et les États-Unis devraient pouvoir en faire autant.
Cela, bien sûr, n'apportera pas à ce problème un règlement définitif. Il restera, en effet, le désaccord concernant l'interprétation du traité de 1825. Mais, si nous parvenons à nous entendre sur les dossiers de la pêche, du pétrole et du gaz, ainsi que sur la question des revendications territoriales, nous aurons résolu les problèmes susceptibles d'entraîner une crise. Je pense que sur ce plan, il faut ne pas tarder à agir.
Non. Les arrêts de la CIJ relatifs à Saint-Pierre-et-Miquelon et au golfe du Maine ont, dans une certaine mesure, mis en doute les capacités de la cour à trancher ce genre de litiges. Nous ferions beaucoup mieux de procéder dans le cadre de négociations bilatérales.
Si les Européens et les Américains obtiennent gain de cause et parviennent à faire reconnaître le statut de détroit international du passage du Nord-Ouest, les bombardiers russes qui inquiétaient tellement le gouvernement alors qu'ils n'empiétaient pas sur notre espace aérien, auront toute latitude pour survoler nos eaux de l'Arctique. Quelles sont les chances que nous ne parvenions pas, sur cette question, à faire prévaloir notre thèse et quelle devrait être notre action sur ce plan?
La communauté internationale ne comprend pas que le fait que les Autochtones de la région vivent à la fois sur la terre et sur les glaces constitue, en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, une circonstance tout à fait particulière, et cela n'améliore guère les chances de voir notre point de vue prévaloir à cet égard. Parmi les gens avec qui je ne suis entretenu de la question, nombreux sont ceux qui affirment que le détroit des Philippines est un détroit international et que c'est également le cas du détroit d'Hormuz. Je leur réponds qu'en raison des champs de glace, la situation dans cette zone est cependant, entièrement différente.
Le fait que sur environ 90 voyages internationaux, les responsables de 87 de ces voyages ont sollicité notre autorisation, renforce vraisemblablement notre thèse. Je suis entièrement d'accord avec le témoin précédent, la professeure Lalonde, selon qui, le premier navire non américain qui transite par le passage sans obtenir notre autorisation, créera un très regrettable précédent. Dans les années 1990, le Canada a tenté de parvenir à un accord international au sujet d'un Code polaire. Aux termes des dispositions envisagées, tout navire entrant dans la région aurait été tenu d'observer certains règlements. Cela me semble, effectivement, le meilleur moyen de régler les problèmes qui se posent à cet égard mais, hélas, les Américains ont, à l 'époque, fait échouer cette tentative, ce qu'ils ont depuis eu l'occasion de regretter.
Je vous remercie.
Le Canada n'a pas de sous-marins capables d'évoluer sous la calotte glaciaire. Selon vous, comment faire face à la navigation, dans nos eaux territoriales, de sous-marins appartenant à des pays autres que nos alliés traditionnels.
En ce qui concerne nos alliés non traditionnels, je n'entrevois aucun problème. S'il s'agit, par exemple, d'un pays comme la Pologne, qui a récemment été intégrée à l'OTAN, la question pourra vraisemblablement être traitée dans le cadre du plan de gestion sous-marine de l'OTAN. Les pays membres de l'OTAN ont, en effet, conclu un accord en vertu duquel ils s'engagent à signaler à leurs alliés la présence de sous-marins envoyés dans leurs eaux. Il serait toujours possible, bien sûr, d'invoquer, devant la cour internationale, le fait que nous avons donné notre autorisation, car ces pays sont nos alliés au sein de l'OTAN. L'argument peut paraître un peu mince, mais ce ne serait pas la première fois qu'un prétexte est invoqué en droit international.
Le problème se poserait, cependant, si les Russes ou les Chinois déployaient sous la calotte glaciaire des sous-marins à propulsion nucléaire. Là, il y a deux choses à retenir. D'abord, nous avons de la chance, car même si les Russes envoient des sous-marins dans nos eaux, ils n'invoqueront pas le fait à l'appui de leurs prétentions. En effet, les Américains réagiraient immédiatement en disant « Ah, bon! Merci. Au fait, un de nos sous-marins à propulsion nucléaire navigue actuellement sous les champs de glace de zones que vous revendiquez. Cela doit vouloir dire qu'il s'agit, là aussi, de détroits internationaux ». Les Russes, fort heureusement, auraient du mal à prétendre le contraire.
La question se poserait avec davantage d'acuité si, un jour, un pays tel que la Chine décidait de déployer des sous-marins dans cette zone. C'est en pareille hypothèse qu'il est particulièrement important que nous ayons les moyens d'exercer une surveillance complète de la zone. Cela nous permettrait en effet, d'engager une démarche internationale si un pays tel que la Chine, déployait des unités navales dans nos eaux... Autrement dit, ce n'est que si nous avons les moyens de détecter ce qui se passe sous les glaces, que nous serons en mesure d'élever une protestation. Il ne s'agit aucunement de couler les bâtiments que nous considérons en infraction. Personne n'envisage cela car, du point de vue de l'environnement, ce serait une catastrophe. Il s'agit simplement de pouvoir affirmer que nous savions pertinemment qu'un submersible chinois naviguait dans la zone, que nous l'avons immédiatement repéré et qu'il ne devrait pas se trouver là puisqu'il s'agit de nos eaux intérieures. Nous effectuerions alors une démarche auprès des Chinois, en leur demandant quelle serait leur attitude si nous envoyions un de nos submersibles dans le détroit de Taiwan. Nous tenterions alors d'exercer sur le gouvernement chinois diverses pressions diplomatiques. Voilà quelle serait notre réaction en pareille hypothèse.
L'important est donc d'avoir les moyens de savoir ce qui se passe dans la zone, et puis, d'avoir la volonté de réagir vigoureusement sur le plan diplomatique.
Je voudrais m'écarter un instant du sujet, car il ne me reste peut-être pas beaucoup de temps.
Vous disiez tout à l'heure qu'il nous faut nous doter des moyens de faire respecter nos lois et règlements. Est-ce à dire qu'en fait le Canada a renoncé à la souveraineté sur le passage du Nord-Ouest, faute de moyens lui permettant de faire respecter sa réglementation en matière d'environnement, de pêche et de sécurité?
Non, je n'irais certainement pas jusque-là. Au contraire, nos services ont fait un excellent travail... Les conditions climatiques très dures de la région ont, en fait, joué en notre faveur, car nous avons jusqu'ici pu dire à ceux qui étaient tentés d'enfreindre nos règles, que s'ils ne respectent pas notre réglementation, nous ne leur communiquerions aucun des renseignements dont ils auraient besoin pour opérer dans cette zone et nous ne leur prêterions pas assistance. À cet égard, le système Radarsat a joué un rôle important. Le Service canadien des glaces aussi. L'aide de la Garde côtière a, là encore, joué un rôle important.
Cela dit, nous faisons actuellement face à un nouveau problème en raison de l'amenuisement des glaces, et d'une diffusion beaucoup plus grande des nouvelles technologies maritimes. Les connaissances que nous avons acquises dans la région revêtent en effet désormais moins d'importance aux yeux des navires étrangers. Autrement dit, à l'avenir, l'avantage que nous avons eu jusqu'ici aura moins d'importance. Il nous faut donc être en mesure de dire, ou de faire dire par un bâtiment de la Garde côtière ou de la marine à ceux qui entendent se dispenser de notre Radarsat, ou qui affirment ne pas avoir besoin d'être escortés lors de leur passage dans nos eaux, qu'il y a à bord des agents de la GRC prêts à procéder à leur arrestation, comme nous l'avons fait avec les Espagnols lors de la crise du turbot. Cela, bien sûr, comporte des risques, mais c'est comme cela qu'il va falloir procéder à terme pour faire respecter notre réglementation.
Certains membres de l'OTAN, et notamment les Britanniques, estiment, même en l'absence d'intrusions dans nos eaux territoriales, avoir un jour à être sollicités étant donné que, pour l'instant, nous n'avons pas nous-mêmes les moyens d'assurer la surveillance de nos zones extracôtières. Pensez-vous, effectivement, que cela pourrait être nécessaire?
Non, cela ne sera pas nécessaire. Les Britanniques ont en effet beaucoup parlé de cela, mais en réalité, nous sommes plutôt en avance sur eux en matière de bâtiments de surface. Leur avantage, bien sûr, réside dans leurs sous-marins à propulsion nucléaire. Nous savons que, depuis 1987, ils se rendent chaque année au Pôle Nord en compagnie des Américains. Mais, pour assurer le respect de notre réglementation, il faut des bâtiments de surface. C'est sur ce plan-là, que la menace va, en ce qui nous concerne, se profiler à court et à moyenne échéance. Or, sur ce plan le Canada est en avance par rapport aux Britanniques.
Vous souvenez-vous du jour où les Russes ont planté leur drapeau dans un lieu que nous revendiquons comme faisant partie de notre territoire national? L'ambassadeur de Russie au Canada vient de dire que c'était un peu comme les gens qui font l'ascension du mont Everest et qui plantent un drapeau au sommet, que cela n'a rien d'une revendication territoriale. Que pensez-vous de cet argument?
Et ils ont également dit que c'était un peu comme lorsque les Américains ont planté leur drapeau sur la lune, que cela ne prête pas à conséquence. Je ne suis pas de cet avis, car lorsque les Américains ont réussi le projet Apollo, cela voulait dire en fait qu'ils possédaient des missiles intercontinentaux d'une grande précision. On ne peut pas dire que ce geste ne comportait pas de message.
L'important, en ce qui concerne le drapeau planté par les Russes, est ce qu'a déclaré Chilingarov, le scientifique russe qui menait l'expédition. C'est lui qui a planté le drapeau. Il était également à l'époque membre de la Douma et il est aujourd'hui le représentant spécial du président russe. Il avait à l'époque déclaré que l'endroit où il avait planté le drapeau se trouvait en territoire russe. Il ne s'agit donc pas d'un geste sans importance. À Radio-Canada, il avait affirmé que son pays était tout à fait disposé à collaborer avec les Canadiens, dans la mesure, bien sûr, où les Canadiens s'aligneraient sur ce que voulaient les Russes, chacun sachant que les Canadiens sont des tigres de papier.
Tout à fait. Monsieur le professeur, je vous remercie.
[Français]
Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Des gens sont venus nous dire qu'il serait peut-être intéressant que dans deux passages du Nord-Ouest, soit le M'Clure Strait et le Lancaster Sound, on dispose de moyens pour détecter le passage de sous-marins. On ne voit pas forcément un sous-marin, mais on l'entend passer; il a une signature auditive. On peut savoir si c'est un sous-marin russe, chinois ou britannique. Pensez-vous que ce serait une bonne solution?
Je vais aux réunions de l'OTAN, où on commence à discuter de plus en plus de changements dans son arsenal. Aujourd'hui, l'arsenal international n'est pas uniquement composé de bateaux ou d'avions. C'est autre chose. On se rend compte que la Russie, entre autres, peut se servir de l'énergie comme d'une arme contre les pays de l'OTAN et les pays occidentaux. D'ailleurs, on a dit que certaines choses se seraient produites l'hiver dernier, lorsqu'il y a eu une chicane entre l'Ukraine et la Russie: une partie de l'Europe n'a pas été approvisionnée pendant plusieurs mois. La communauté internationale se demandait qui avait raison. Les Russes disaient que les Ukrainiens détournaient une partie du gaz et les Ukrainiens disaient que les Russes avaient vraiment fermé la valve.
Sur le plan diplomatique, il est important de développer des sources d'énergie importantes. D'ailleurs, il y a actuellement des négociations pour savoir comment diviser la mer Caspienne, qui est extrêmement riche. Je suis allé en Azerbaïdjan et je peux dire que les gens là-bas sont très intéressés par ces discussions. J'aime beaucoup le fait que cela puisse servir d'arme. L'arme que la Russie emploie peut se retourner contre elle. Si elle n'a plus de marché d'approvisionnement ni de marché pour écouler son gaz, il lui restera sur les bras. Lorsqu'on parle de nouvel arsenal, on peut parler aussi des cyberattaques dont l'Estonie a été victime. Il y a d'autres choses qui se développent actuellement.
Je pense que la solution réside dans la délimitation de tout le plateau continental. Une fois ce plateau continental délimité, et que tout le monde y aura adhéré, un gendarme sera nécessaire afin de faire respecter la décision internationale. Le Canada le fera-t-il uniquement chez lui? Les États-Unis le feront-ils chez eux? Il pourrait y avoir un gendarme international, tel que l'OTAN, qui serait chargé d'appliquer ce qui a été décidé à l'échelle internationale, avec toutes les conséquences qui pourraient découler de la violation du traité international.
[Traduction]
Merci, monsieur le président. Il s'agit de ressources qui revêtent une importance essentielle.
Vu l'importance des ressources énergétiques, je suis entièrement d'accord avec vous qu'il va nous falloir moderniser notre dispositif.
Il s'agit, d'abord, sur le plan des moyens de surveillance, de nous doter d'un système de détection acoustique. Nous procédons actuellement aux recherches préliminaires dans le cadre du projet de Surveillance du Nord. Non seulement allons-nous devoir dégager les crédits nécessaires à son développement, mais encore faudra-t-il assurer après cela sa mise en oeuvre.
Et puis, il faudra, une fois achevée la délimitation des régions de l'Arctique, décider de qui sera chargé d'en assurer la surveillance. Ne perdons pas de vue que la commission ne se prononcera probablement pas avant 2030 ou 2040. C'est dire que nous avons tout de même le temps. La commission étudie deux ou trois rapports par an. Or, il lui en a été remis jusqu'ici une centaine et vous voyez donc le temps que cela pourrait prendre à partir du moment où, en 2013, le Canada aura, lui aussi, remis son rapport.
D'après moi, à partir du moment où les nations circumpolaires parviennent à un accord, il leur appartiendra d'imposer à leurs ressortissants l'obligation de coopérer. Veillons donc à l'étude des diverses questions touchant l'environnement, l'économie et la sécurité. Ce sera le bon moment d'instaurer un mécanisme de coopération.
Si l'on invite d'autres nations à participer, on multipliera les problèmes. Nous devrions donc, du moins dans un premier temps, nous en tenir aux Norvégiens, aux Américains et aux Canadiens et si, en 2030, 2040, on s'entend bien avec les Russes, on pourra inviter la Russie à y participer, elle aussi.
Tout le monde devra participer aux mesures de sécurité. Cette mission se situe bien au-delà d'une simple mission de police. Il faudra en effet mobiliser de grands moyens si l'on veut faire respecter les règles environnementales. Sur le simple plan de la police, ni la GRC, ni les services de police locaux ne seront à même de faire le nécessaire.
Merci, M. Bachand et M. le professeur Huebert.
[Français]
Je vais maintenant céder la parole à M. Blaney.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue au comité, monsieur Huebert. C'est un plaisir de vous recevoir. Je veux d'abord vous remercier de partager vos travaux avec nous. Merci aussi pour les deux excellents articles que vous nous avez présentés lors de votre présentation. Aussi, j'ai eu la chance de dire à d'autres intervenants qu'avec vos travaux et votre connaissance de l'Arctique, vous contribuez également à la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Je vous encourage à continuer dans ce sens.
J'écoutais avec une certaine inquiétude mon collègue d'en face, au sujet du fait qu'on n'aurait peut-être pas besoin d'équipement traditionnel comme des destroyers, des sous-marins et des navires pour assurer la souveraineté dans le Grand Nord. Vous avez dit en anglais qu'on devait avoir la capability backed by policy. Je traduirais ça en français par « avoir les moyens de nos ambitions ». En ce sens, je pense que vous avez clairement indiqué que la stratégie de défense « Le Canada d'abord » est un pas dans la bonne direction, dans la mesure où on est capable de construire et de livrer des navires partout au pays.
Vous avez parlé de la Chine. On se penche souvent sur les pays qui sont dans le cercle circumpolaire. Toutefois, je pense que vous nous avez également éveillé à la possibilité que d'autres pays — je ne dirais pas de ces pays qu'ils n'ont pas d'affaire là — puissent y trouver un intérêt. Je pense que notre comité va le prendre en compte, notamment en ce qui concerne la Chine.
Ma question porte sur les États-Unis et sur le passage du Nord-Ouest. Les Américains ont publié un nouveau document en janvier dernier, dans lequel ils insistent encore sur le fait que le passage du Nord-Ouest est une voie navigable internationale. Évidemment, ça va à l'encontre de nos prétentions de souveraineté nationale. Pourriez-vous me parler de ce document? Aussi, comment pouvons-nous continuer à nous affirmer, tout en respectant la stratégie « Le Canada d'abord » et les négociations?
[Traduction]
Dans le document évoqué tout à l'heure, les Américains laissent clairement entendre que leur réflexion a évolué au cours des 10 dernières années, et qu'ils estiment que leurs territoires septentrionaux vont bien au-delà de l'Alaska. Le gouvernement américain s'était vu reprocher l'insignifiance de sa politique de l'Arctique qui, selon certains, avait tendance à trop s'en tenir à ce qui se passait en Alaska.
Aujourd'hui, les Américains font d'abord valoir les grandes transformations auxquelles on assiste dans l'Arctique, transformations qui, selon eux, confèrent une beaucoup plus grande importance au caractère circumpolaire de cette région. Ce qu'il y a pour nous de regrettable dans le document en question, c'est qu'il fait état de toutes les critiques qui ont jamais été, dans l'optique américaine, adressées au Canada. Ce document rappelle chaque différend, mais sans évoquer les domaines où les deux États sont parvenus à s'entendre. Aujourd'hui, pour les Américains, la sécurité de l'Arctique est la grande priorité. Ils nous critiquent pour la thèse que nous défendons au sujet du passage du Nord-Ouest, et nous critiquent pour notre position à l'égard de la mer de Beaufort, mais ne disent pas le moindre mot au sujet de la Défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Or, en matière de sécurité aérienne et aérospatiale de l'Arctique, la NORAD est l'élément essentiel.
J'en retire de cela que les Américains ont finalement entamé une réflexion sur la question mais que, comme d'habitude, leur pensée comporte un certain nombre de lacunes car ils ont tendance à entrevoir la situation uniquement de leur point de vue.
Le côté positif de la chose me semble être qu'ils semblent ouverts à la recherche de solutions multilatérales. Sur ce plan, ils semblent disposés à certains accommodements. On ne sait pas encore s'il s'agit pour eux simplement d'une clause de style.
En ce qui concerne l'état des négociations, il est, hélas, très difficile de savoir exactement où l'on en est avec les Américains. Le Département d'État américain et notre MAECI ne laissent filtrer aucun détail et ne souhaitent pas s'en ouvrir à des universitaires.
Il s'agit donc de quelque chose que les deux pays vont devoir régler entre eux.
J'ai une brève question à vous poser. Vous avez évoqué tout à l'heure les besoins du Canada en matière de navires de surface et de sous-marins, mais aussi de moyens de surveillance. Vous avez insisté sur l'importance qu'il y a à savoir qui se trouve dans nos eaux. D'après vous, ces trois facteurs revêtent-ils une égale importance au niveau de la surveillance de nos régions arctiques?
Les mesures de mise en application des lois et règlements ne donneront rien si l'on ne sait pas qui se trouve dans nos eaux. Je précise, d'ailleurs, que la surveillance doit s'étendre non seulement aux navires, mais également aux activités. Notre surveillance ne devra en effet, pas s'exercer uniquement à l'égard de la navigation, mais également à l'égard de la situation environnementale qui va revêtir une importance de plus en plus critique.
[Français]
[Traduction]
Compte tenu des 90 000 vols qui passent au-dessus du pôle, des dizaines de milliers de passagers à bord de navires de croisière et d'un accroissement de l'activité des populations locales en raison des zones d'eau libre, que pensez-vous de la lamentable insuffisance de nos moyens de recherche et de sauvetage au nord du 60e parallèle, alors que dans les réunions internationales nous affirmons la volonté d'envoyer des secours dans le monde entier bien que nous ne soyons même pas capables d'intervenir adéquatement dans nos propres régions septentrionales?
Nous allons devoir, effectivement, nous attaquer beaucoup plus sérieusement à la question des moyens de recherche et de sauvetage. Jusqu'ici, nous avons eu de la chance. Il est déjà arrivé que des paquebots de croisière s'échouent sur les rochers. Au milieu des années 1990, l'Hanseatic s'est échoué au large de Cambridge Bay. Il n'a heureusement pas coulé. Il ne s'est pas retourné. Je pense, cependant, que cela ne nous a rien appris.
Nous n'allons pas pouvoir y parvenir seuls. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut faire en sorte que les secteurs concernés de notre activité nationale participent eux aussi aux négociations. Il en va de même des territoires en question. Il va nous falloir améliorer notre manière de faire, car il s'agit là, de problèmes qui doivent mobiliser tous les moyens du pays et non pas seulement l'organisme officiel. Sans cela nous ne serons pas en mesure de faire face aux crises qui vont inévitablement survenir dans la région de l'Arctique.
Lorsque nous avons porté de 100 à 200 milles marins la limite de nos eaux territoriales aux fins de l'application de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, un des arguments juridiques que nous avons invoqués à l'appui de cette mesure reposait sur l'article de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer inséré à la demande du Canada et portant sur les étendues d'eau recouvertes de glace. Mais, dans la mesure où, bientôt, ces étendues ne seront plus recouvertes de glace, que va devenir notre argument?
Eh bien, dans ce sens-là, le droit international joue en notre faveur car, en général, une fois qu'une disposition est inscrite dans un texte, elle y reste. Les juristes internationaux ont, en effet, un peu la prétention de penser que les solutions qu'ils apportent à un problème donné sont, en quelque sorte, permanentes. Je ne dis pas cela méchamment, étant donné que je suis moi-même marié à une juriste.
C'est un fait, cependant, que l'Arctique canadien va, du moins dans un avenir prévisible, conserver sa couverture de glace. En effet, la fonte et le bris de la calotte glaciaire vont entraîner une accumulation de glace dans l'archipel en raison notamment du phénomène que l'on appelle le gyro Beaufort et de la présence du Groenland. J'estime par conséquent que nous continuerons donc à pouvoir invoquer cet argument, et à le justifier.
Lors des séances du comité des transports portant sur l'étude de ce projet de loi, vous vous rappelez, je pense, d'un témoin qui a dit que le Canada dispose d'un avion pour assurer la surveillance de l'océan Arctique, d'un autre avion pour surveiller le Pacifique et d'un troisième pour l'Atlantique. Pensez-vous que cela permette d'assurer la surveillance aérienne?
Eh bien, cela ne correspondait pas tout à fait à la réalité.
En matière de surveillance, le problème le plus grave est que, compte tenu de l'insuffisance de nos moyens, nous ne sommes pas à même de cerner l'étendue du problème. Certains affirment, par exemple, que les habitants du Groenland et des îles Féroé viennent pêcher illégalement dans le détroit de Davis du côté canadien de la ligne de démarcation. Faute de moyens, nous ne sommes pas en mesure de l'affirmer. J'insiste donc à nouveau sur le fait qu'il nous faut d'abord nous doter des moyens nous permettant de savoir ce qui se passe, sans cela nous ne parviendrons pas à assurer le développement durable des stocks de poissons, ce qui est absolument essentiel.
[Français]
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Huebert, laissez-moi à mon tour vous souhaiter la bienvenue devant le comité, et vous remercier de nous avoir réservé cette tranche de temps.
Je crois que, dans votre exposé, vous avez dit qu'il nous faudra défendre nos positions dans l'Arctique. S'agit-il, selon vous, de renforcer notre présence militaire dans cette région? Est-ce, dans ce sens-là que nous allons devoir nous défendre?
J'estime pour ma part que notre meilleure défense se situe sur le plan de la coopération. Autrement dit, le meilleur moyen de se défendre, est de faire évoluer la situation dans le sens qui nous paraît souhaitable, et de faire en sorte que nos voisins partagent notre point de vue à cet égard. La meilleure solution consisterait à conclure un accord international dans le cadre duquel les intérêts du Canada puissent effectivement être défendus.
Cela dit, si nous n'y parvenons pas, il nous faut avoir les moyens de défendre notre point de vue, nos critères environnementaux et la place des Inuits dans la région. Voilà, d'après moi, les éléments constitutifs des nécessaires moyens gouvernementaux.
La troisième chose est que, si la situation s'envenime — c'est-à-dire s'il nous faut un jour faire face à un pays qui est en désaccord complet avec nous, et qui a en plus la volonté de prendre des mesures à notre encontre — il est clair qu'il nous faut être en mesure de réagir car, sans cela, il ne nous servira à rien d'invoquer certains droits.
Cela m'amène à la question suivante, qui est de savoir si nous ne devrions pas dès maintenant entamer des pourparlers avec la Norvège et les États-Unis dans le cadre de l'OTAN. Devrions-nous dès maintenant entamer un dialogue, un débat, afin de voir un peu comment la situation évolue avant de lancer un programme de réarmement?
Je n'ai aucune peine à vous répondre. Le fait est que ce processus est déjà en cours et que nous avons, effectivement, entamé des négociations avec les divers pays concernés. J'insiste encore une fois sur le fait qu'il s'agit d'après moi d'une politique sur laquelle tous les partis sont d'accord, y compris le NPD. Je dois dire cependant que je n'ai pas encore pu cerner la position du Bloc au sujet du Conseil de l'Arctique.
Je rappelle qu'il s'agit d'un mécanisme international qui avait été mis en place à une époque où les Russes étaient beaucoup plus disposés à s'entendre sur ces diverses questions. Le Canada, qui ne s'est pas vraiment activé au sein du Conseil de l'Arctique, devrait-il tenter aujourd'hui de relancer le processus? D'après moi, cela ne fait aucun doute.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Huebert, je vous remercie de votre présence devant le comité. J'ai pris un vif intérêt à la conversation que nous avons eue un peu plus tôt.
J'aurais simplement une ou deux questions à vous poser au sujet de la surveillance. Plusieurs témoins estiment qu'il nous faudrait probablement renforcer nos moyens de surveillance par satellite afin de mieux être en mesure de repérer les sous-marins notamment. Est-ce effectivement le cas?
Pour la surveillance des eaux profondes, le mieux serait un système de détection acoustique. Ce n'est pas encore en effet une mission qui peut être confiée aux satellites. Mais, d'une manière générale, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire.
Au cours des séances du comité, plusieurs témoins nous ont entretenus des risques que peuvent nous poser dans l'Arctique des contrebandiers ou des terroristes, par exemple. D'après vous, ce genre d'activités seraient-elles le fait d'individus, d'organisations non étatiques ou d'États?
Il y a deux catégories de risques. La première catégorie est celle des risques à faible incidence mais à forte probabilité. Il peut s'agir, par exemple, d'une entreprise de transports maritimes qui sait pertinemment que son navire n'est pas conforme aux normes de navigabilité mais qui parvient quand même à le faire assurer et décide de transiter par le Passage du Nord-Ouest pour économiser un peu d'argent sur le voyage. C'est le type de risque évoqué par Suzanne Lalonde. D'après moi, il s'agit de risques qui ont davantage de chances de se réaliser mais qui sont, en définitive, moins dangereux que, disons, l'infiltration de terroristes sur le territoire national.
Les actions de terroristes ou de membres d'organisations criminelles, par contre, risquent d'entraîner de plus graves conséquences, mais ont moins de chances de se produire, même si on ne peut pas écarter de telles éventualités. Nous avons déjà de fortes raisons de soupçonner que des organisations criminelles se sont infiltrées dans le Nord aux débuts de l'industrie du diamant. Cela n'a pas pu être démontré de manière concluante, mais partout ailleurs les diamants et la criminalité organisée vont ensemble et nous avons donc de bonnes raisons de penser que cela s'est passé ici.
C'est dans la logique même du terrorisme de privilégier les points d'entrée les plus faibles. En raison du climat, il est actuellement difficile de pénétrer en Amérique du Nord par l'Arctique, mais au fur et à mesure que sont renforcés les moyens de sécurité sur les frontières sud et que le climat septentrional s'adoucit, il deviendra plus facile de pénétrer par le Nord. Le problème n'est pas immédiat, mais il faut l'envisager à terme.
Une telle éventualité a donc sa place dans l'éventail des risques, tant en raison de sa forte probabilité qu'en raison de ses graves incidences.
En ce qui concerne la criminalité organisée, par exemple, il faut faire en sorte que la GRC noue des collaborations avec des gens qui ont acquis de l'expérience en ce domaine, en l'occurrence des spécialistes du trafic des diamants. Il faut se donner les moyens de savoir ce qui se passe dans le milieu en question. Il s'agit de se donner les moyens d'intervenir dans des dossiers précis et j'estime que l'affaire devrait être suivie au plus haut niveau afin d'éviter les coupures budgétaires intempestives et inadvertantes qui semblent se justifier en période de crise économique. Or, les coupures budgétaires à la GRC risquent de nous priver tout d'un coup des moyens de lutter contre les organisations criminelles. Le gouvernement doit donc veiller de près à cet aspect du problème.
Il s'agit d'économies marginales qui nuisent à nos efforts en vue de faire respecter nos lois et règlements. Cela est déjà arrivé dans le passé.
J'ai une dernière question à vous poser au sujet de la surveillance. Il s'agit d'un aspect que personne n'a, je pense, évoqué aujourd'hui. Je parle des Rangers de l'Arctique. Quel est votre avis à cet égard?
Ce sont des gens tout à fait étonnants. Leur savoir-faire traditionnel, leurs compétences et ce qu'ils peuvent contribuer à la formation de nos forces est un véritable atout.
Les moyens mis en oeuvre vont tout à fait dans le bon sens. Cela a commencé aux environs de 1994, lorsque nous avons décidé de les renforcer en améliorant leur formation et en prenant leurs capacités plus au sérieux. J'estime que c'est effectivement comme cela qu'il convient de procéder.
On risque, cependant, d'éprouver un problème d'effectifs. Au point où nous en sommes, je pense que la plupart des individus qui souhaitaient intégrer ce service s'y trouvent déjà, et vu le nombre d'habitants, nous allons nous heurter à une certaine limite et beaucoup de mal à augmenter le recrutement.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, professeur Huebert. Au nom de notre comité, je souhaite vous remercier de votre exposé qui va, dans le cadre de l'étude que nous avons entamée, nous être de la plus grande utilité. Je vous remercie, donc, d'avoir pris la parole devant nous.
Madame Leslie, souhaitiez-vous poser une autre question?
Merci, monsieur le président.
M. Harris, m'a, comme d'habitude, demandé de solliciter la prolongation jusqu'au vendredi 12 juin midi du délai de remise d'un rapport complémentaire afin que ce rapport puisse être traduit. Je pense donc devoir présenter une motion en ce sens.
La motion serait formulée ainsi:
Que, nonobstant l'ordre adopté par le comité le lundi 8 juin 2009, le délai de remise des opinions dissidentes ou complémentaires concernant le rapport du comité au sujet des services de soins de santé offerts au personnel des Forces canadiennes soit prolongé jusqu'au vendredi 12 juin 2009, à midi (heure avancée de l'Est).
Avez-vous en cela l'appui d'un autre membre du comité? Monsieur Hawn. Bien. Merci.
(La motion est adoptée.)
Le président: La motion est adoptée par le comité. Je vous remercie.
Je tiens à informer le comité que si ses membres souhaitent voir publier un communiqué de presse au sujet du rapport que nous devons remettre la semaine prochaine, cela peut se faire. Les analystes pourront y travailler cette semaine et au début de la semaine prochaine. Nous publierons donc un communiqué faisant savoir que notre rapport sera remis mardi, avant la fin de la journée.
Le comité est-il d'accord sur la publication d'un communiqué de presse en ce sens?
Oui, monsieur Bagnell.
Oui, nous sommes d'accord, mais Bryon souhaiterait pouvoir en prendre connaissance avant sa publication.
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