NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 6 octobre 2009
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour à tous. Bienvenue à la 31e séance du Comité permanent de la défense nationale. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion qui a été adoptée par notre comité le lundi 23 février 2009, nous continuons notre étude sur la souveraineté dans l'Arctique.
[Traduction]
Nous allons reprendre notre étude de la souveraineté dans l'Arctique.
Nous recevons aujourd'hui un témoin, Franklyn Griffiths.
Je tiens à vous remercier d'être venu. La parole est à vous.
Votre invitation est un honneur pour moi et je vous en remercie.
Je suis d'abord allé dans le Nord comme ouvrier. J'ai travaillé à Moose Factory à la construction d'une école confessionnelle au cours de l'été 1953. Deux ans plus tard, je suis allé à Great Whale, comme on l'appelait alors, sur la rive est de la baie d'Hudson, pour participer à la construction d'une ligne radar centre Canada qui a été démantelée depuis. C'était mes premiers contacts avec le Nord. Depuis, j'ai toujours gardé de l'affection et de l'intérêt pour le Nord.
Je me suis engagé dans la politique à l'égard de l'Arctique, la politique du Nord, suite à l'incursion dans nos eaux du superpétrolier américain Manhattan en 1969-1970. C'est ce qui m'a vraiment motivé. J'enseignais alors la politique internationale à l'Université de Toronto. C'est une violation de la souveraineté canadienne qui m'a amené à me lancer dans l'étude de la politique à l'égard de l'Arctique et je m'intéresse à ce sujet depuis.
Toutefois, je dois dire que mes idées actuelles ne sont plus tout à fait les mêmes qu'en 1969-1970. Avant, j'étais ce qu'on pourrait appeler un ardent souverainiste, un souverainiste de l'Arctique. Il ne faisait aucun doute dans mon esprit que le Canada devait, de toute urgence, résister face aux États-Unis et veiller à assurer sa souveraineté sur ses eaux, sur les nombreux passages qui constitue le passage du Nord-Ouest.
Depuis 1969-1970, mes idées ont lentement évolué. J'en suis arrivé à croire que nous n'avons pas intérêt à planifier et à baser la politique publique dans le Nord, c'est-à-dire la politique publique du sud du pays concernant le Nord, sur une question de souveraineté. À mon avis, la souveraineté n'est pas une base solide. C'est une base instable. Elle est cyclique. Elle ne témoigne pas d'une grande constance dans le comportement des Canadiens.
Je pense surtout au brise-glaces Polar 8 que nous avions parlé d'acheter en 1985. En 1985, le brise-glaces américain Polar Sea a emprunté sans permission le passage du Nord-Ouest. J'ai signalé cette visite, cette intrusion, dans un article qui a été publié dans le Globe and Mail au cours de l'été 1985. J'étais toujours alors un souverainiste ardent et convaincu.
Néanmoins, le Polar 8 ne s'est pas matérialisé. Nous n'avons pas pu l'obtenir. En fait, la menace contre la souveraineté de l'Arctique a semblé s'estomper. La même chose s'est passée pour la flotte de sous-marins nucléaires d'attaque capables de naviguer dans l'Arctique que nous devions acheter un peu plus tard. Nous nous y étions engagés, mais cela ne s'est jamais fait. Le gouvernement en place n'a pas pu mener ce projet jusqu'au bout et il a été abandonné.
Aujourd'hui, qu'en est-il des patrouilleurs océaniques? Où sont-ils? Je dirais qu'ils sont en suspens. Ils attendent toute une série de décisions concernant la construction navale. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un nouveau projet basé sur la souveraineté que nous ne mènerons pas jusqu'au bout. Nous pourrons en discuter, mais je pense que nous avons un problème. Nous manquons de constance et nous devons trouver une base plus solide.
Une des raisons pour lesquelles cette base n'est pas solide, est qu'à mon avis les menaces auxquelles notre pays est confronté sur le plan de la souveraineté ont été grandement exagérées. La réalité de la politique canadienne est que les craintes concernant notre souveraineté sont exagérées. Nous nous inquiétons même au sujet de l'île Hans. Et les médias en parlent. Les rares personnes qui sont au courant s'inquiètent à propos de la mer de Lincoln et de nos différends — mineurs selon moi — avec le Danemark et le Groenland. Les gens sont mieux informés au sujet de la mer de Beaufort et de notre conflit avec les États-Unis. La zone externe du plateau continental retient de plus en plus l'attention et nous pourrions en parler, mais le passage du Nord-Ouest continue de susciter de graves inquiétudes qui sont exagérées.
Selon moi, le Canada se porte très bien sur tous ces plans, surtout en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest. Nous n'avons aucune raison de nous inquiéter autant. Il n'est pas nécessaire que nous parlions d'affirmer notre souveraineté. À mon avis, ce serait défoncer une porte ouverte. Personne ne s'oppose à nous autant que nous le croyons.
Ces inquiétudes exagérées sont dues, en partie, au fait que les médias ont écouté ceux que je qualifierais de prophètes de malheur. Ces personnes sont dans l'erreur. Toutefois, ce genre d'histoire plaît aux médias et peut-être aussi à la classe politique. Je le dis sans parti pris. Je pense que c'est vrai autant pour les libéraux que pour les conservateurs. C'est une histoire qui intéresse les gens et qui se rapporte, d'une certaine façon, à l'identité canadienne. Nous pourrions discuter quant à savoir si la politique identitaire est une bonne base de défense, mais nous pourrions envisager aussi de toutes sortes d'autres politiques publiques.
Je n'en dirai pas beaucoup plus, car je préfère me contenter d'une brève introduction.
Le chef d'état-major de la Défense a déclaré récemment, à la fin août, que l'Arctique canadien ne fait l'objet d'aucune menace militaire classique. C'est ce qu'il a dit et je pense qu'il a parfaitement raison. Il n'y a pas de menace nucléaire dans l'Arctique canadien. Il n'y a pas de menace asymétrique dans l'Arctique canadien.
Ce que nous avons plutôt, et certains appelleront cela des menaces contre la souveraineté, ce sont des menaces que je qualifierais de policières. Elles n'exigent pas de capacité de combat, mais des forces policières et la capacité de patrouiller nos eaux, de savoir ce qui se passe, d'intervenir en cas d'urgence, de faire des opérations de recherche et de sauvetage. Il y a certaines de ces choses que les militaires peuvent faire et pour lesquelles les Forces canadiennes devraient être équipées. Le besoin de matériel est relativement faible et selon moi, la souveraineté n'est pas la meilleure façon de le justifier. Nous devrions plutôt songer à surveiller ce qui nous appartient en rejetant toute crainte et toute incertitude. Nous devrions nous montrer confiants.
À long terme, il semble que nous aurons un problème si le Canada doit défendre à lui seul l'archipel Arctique canadien sur lequel sa souveraineté est contestée par pratiquement tout le monde, sauf peut-être les Russes. Si nous devons défendre notre souveraineté d'ici 20 ou 30 ans, dans un Arctique militarisé où la banquise aura perdu beaucoup de terrain, contre tous ceux qui viendront, tous les sous-marins, y compris les sous-marins nucléaires et les navires de surface, je pense que nous aurons de la difficulté. En fait, cela nous ruinerait. Cela éliminerait un grand nombre d'options que nous pourrions vouloir poursuivre sur le plan de la défense et de la politique étrangère.
À mon avis, c'est une chose que nous devrions essayer d'éviter et je terminerai donc en disant que nous devrions poursuivre une stratégie de gérance de la région: bâtir la confiance, réduire le risque d'avoir à agir seul pour défendre l'archipel Arctique dans le pire des cas.
Merci, monsieur.
Merci, monsieur Griffiths. J'apprécie beaucoup votre exposé.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Bryon Wilfert.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu, monsieur Griffiths. Je me souviens de vous quand j'étudiais à l'Université de Toronto dans les années 1970. Vous semblez avoir mieux traversé que moi toutes ces années, mais c'est peut-être un des risques du métier.
Vous avez écrit un article intitulé « Canadian Arctic Sovereignty: Time to Take Yes for an Answer on the Northwest Passage ». Une chose qui m'a frappé dans votre article qui a paru en juillet dans le Globe and Mail c'est que, selon vous, nous n'avons aucune stratégie pour l'ensemble de l'Arctique et que nous devons en établir une ou suivre les autres.
Pourriez-vous préciser quels devraient être les éléments de cette stratégie, surtout si vous parlez d'une question très importante aux yeux du comité qui est celle des répercussions des changements climatiques dans l'Arctique?
En effet.
Il y a une stratégie pour le Nord et je dois reconnaître qu'elle est bonne. Toutefois, c'est une stratégie canadienne nationale ou, devrais-je dire, interne, pour le Nord. Elle n'est pas très internationale. Elle n'a pas la dimension panarctique solide qu'elle devrait avoir selon moi. C'est une stratégie qui nous permettrait d'assurer l'avenir de la région de l'Arctique. Nous avons tendance à tenir compte seulement de notre part du gâteau sans nous préoccuper beaucoup du reste. Je pense toutefois que nous allons devoir prendre position tôt ou tard et élaborer une stratégie.
Que faudrait-il y inclure? Toutes sortes d'éléments devraient en faire partie. Il y a l'environnement, bien sûr. Il y a l'adaptation aux changements climatiques. Il y a la marine marchande dans toute la région. Nous pourrions parler du passage du Nord-Ouest et de ce qui pourrait arriver de ce côté là, mais il est possible que la banquise recule encore et que cela permette d'emprunter la route maritime du Nord ou que les navires marchands puissent passer par le pôle, du détroit de Béring jusqu'à l'est du Groenland, puis l'Europe ou l'Atlantique nord. Des navires spéciaux pourraient le faire. Il y a la pêche qu'il faut gérer. Au fur et à mesure que les eaux se réchauffent et que la banquise recule, des nouvelles espèces apparaissent dans l'océan Arctique et les eaux connexes. Il va falloir les administrer. Il y a les effets de tous ces changements sur les populations autochtones et les autres résidents du Nord. C'est donc un assez vaste programme.
Nous pourrions en parler, mais ce n'est pas une question militaire ou de défense nationale. C'est davantage une question de gérance ou de surveillance, y compris de recherche et de sauvetage. Il sera de plus en plus nécessaire, je crois, de mettre sur pied une capacité d'intervention d'urgence, comme le Canada et les huit autres le reconnaîtront. Je suis sûr que cela exigera l'appui des Forces armées canadiennes.
Il y a toute une série de choses à faire, mais cela se résume à des activités de gérance. Vous pourriez les préciser, mais il y a autre chose. Avant de pouvoir mettre en oeuvre une stratégie, je crois que nous devons créer la volonté de coopérer dans la région. Cette volonté manque dans l'Arctique. La raison en est que, comme le Canada, les autres pays de l'Arctique, mais surtout les Russes, se préoccupent de leur souveraineté et de leurs possessions. Ils ne sont pas encore aussi tournés vers l'extérieur qu'ils pourraient l'être. Il est nécessaire de s'orienter vers l'extérieur, et c'est vrai pour le Canada comme pour les autres pays. Les besoins varient à cet égard.
Je pense toutefois qu'il y a des parallèles intéressants à faire entre le débat qui a lieu en Russie et celui qui se déroule au Canada au sujet de l'Arctique. La dimension de l'identité intervient lorsque les Russes abordent la question de l'Arctique et lorsque nous le faisons. Dans le cas des Russes cela les incite à faire des déclarations cinglantes et menaçantes et peut-être également à agir mesures bien que les Russes aient pour politique de respecter l'état de droit. C'est peut-être, dans une certaine mesure, la façon dont les Russes interprètent notre position, au Canada, mais il y a une stratégie à suivre.
Je pourrais aller plus loin, mais…
Je remarque que vous parlez beaucoup, dans vos écrits, de la gérance de l'Arctique, en allant même jusqu'à dire que cela devrait faire partie de la description de poste du premier ministre, que la gérance a une connotation différente de ce dont nous avons entendu parler ici dernièrement en ce sens que c'est une responsabilité collective. Vous dites que nous en sommes encore loin.
En effet, notre pays en est loin. En tant que communauté de l'Arctique parmi d'autres pays de l'Arctique, nous en sommes encore assez loin car nous nous soucions toujours de la possession de cette région et de ce qui pourrait nous être enlevé. Ces craintes exagérées sont un obstacle. Mais je pense que nous devrions nous orienter vers la gérance. Et j'appellerais la gérance une « gouvernance éclairée localement ». C'est une forme de gouvernance. Le Conseil de l'Arctique qui a été constitué avec l'aide ou sur l'initiative du Canada devrait être la clé de voûte de notre stratégie de gouvernance de l'Arctique qui doit permettre une meilleure coopération et empêcher la militarisation et les conflits dans l'Arctique. En effet, si la situation dégénérait vraiment, nous aurions beaucoup de difficultés et de lourdes dépenses à faire sur le plan de la défense. J'estime que c'est prévisible et évitable et que nous devrions agir maintenant.
[Français]
Monsieur Griffiths, j'ai entre les mains la copie d'une entrevue que vous avez accordée au ministère des Affaires étrangères au mois d'octobre 2007. Vous y soulevez des questions très intéressantes. Vous parlez du réchauffement de la planète et de l'Arctique, des relations canado-américaines concernant l'Arctique et du déploiement du drapeau russe. J'aimerais m'entretenir avec vous des deux derniers sujets, à savoir l'efficacité du Conseil de l'Arctique et l'établissement d'un conseil du milieu marin.
Les deux derniers points sont les plus importants, à savoir l'efficacité du Conseil de l'Arctique et l'établissement d'un conseil du milieu marin. En ce qui concerne l'efficacité du Conseil de l'Arctique, vous semblez remettre en cause la règle du consensus et dire qu'il serait peut-être utile d'instaurer le système de la majorité.
[Traduction]
[Français]
J'ai noté une incohérence dans votre texte, monsieur Griffiths. À un moment donné, vous dites ceci:
Dans l’ensemble, les gouvernements sont jaloux. Ils sont jaloux de leur capacité d’agir selon leur bon plaisir, et ils n’aiment pas capituler, par exemple, devant la règle du vote de la majorité, qui pourrait remplacer la règle du consensus au Conseil de l’Arctique.
Vous dites aussi plus loin que le conseil pourrait intervenir davantage, mais que pour ce faire, il devrait adopter la règle de la majorité.
Pouvez-vous me dire si, selon vous, le Conseil de l'Arctique pourrait être plus efficace en appliquant la règle de la majorité plutôt que la règle du consensus?
[Traduction]
Je m'étonne d'avoir dit cela. Il faudrait que je vois ce que j'ai dit, car je crois au consensus. J'ai peut-être eu un moment d'égarement, mais je ne pense pas avoir vraiment dit cela.
J'ai toujours pensé qu'il fallait adopter une approche consensuelle et si vous voulez des votes majoritaires, la situation est entièrement différente. C'est par voie de consensus que le Conseil de l'Arctique a pu progresser comme il l'a fait. Je suis pour la poursuite du consensus. Si l'on veut renforcer le Conseil de l'Arctique et le rendre plus efficace, je crois qu'il faut pour cela maintenir un consensus entre les huit pays de l'Arctique. Toutefois, nous devrions accepter également la présence d'autres pays autour de la table. Nous devrions faire participer la France, l'Allemagne et la Chine en leur donnant voix au chapitre, mais pas le droit de vote. Pour accélérer le consensus, seuls les huit pays de l'Arctique devraient pouvoir voter, mais il faudrait entendre l'opinion des autres.
Je pense que la marine chinoise sera présente dans l'Arctique en temps voulu. Nous en voyons des signes annonciateurs. Les Chinois font déjà des recherches océanographiques. C'est ainsi que certains marins commencent. Il est nécessaire d'inclure maintenant ces personnes et de bâtir un Conseil de l'Arctique plus fort et plus efficace en maintenant l'approche consensuelle.
[Français]
J'aimerais que vous m'entreteniez durant quelques minutes de l'établissement d'un conseil du milieu marin.
J'ai été chargé du dossier des affaires indiennes et du Grand Nord pendant les premières années de ma vie politique à Ottawa. Je sais qu'une disposition de l'entente sur le Nunavut parle d'un conseil du milieu marin, mais à ma connaissance, ça n'a jamais été mis en application.
Pensez-vous que la création de ce conseil du milieu marin pourrait être profitable? Dans votre texte, vous dites que ça apporterait des éléments nouveaux et que ça pourrait rallier les nations autour de cette importante question.
[Traduction]
Merci beaucoup. C'est une excellente question.
Mary Simon était-elle la présidente d'Inuit Tapiriit?
C'est vrai. J'ai lu dans les journaux qu'elle suggérait une tribune dans laquelle les Inuits et le gouvernement fédéral pourraient gérer ensemble les eaux canadiennes de l'Arctique.
C'est sans doute une autre façon d'envisager un conseil du milieu marin, c'est-à-dire une administration, une tribune ou un endroit où les Canadiens du sud et ceux du nord pourraient se réunir et faire marcher ensemble leur imagination, mais cela dans le Nord.
Encore une fois, j'estime toujours que l'endroit est important. Les gens qui connaissent vraiment le Nord et qui possèdent une vaste expérience du Nord participeraient aux discussions. Dans ce cas, les Inuits, qui ont des droits territoriaux, aideraient à élaborer une politique canadienne à long terme sur nos eaux de l'Arctique. Cela nous permettrait d'avoir une meilleure idée de l'avenir de la région de l'Arctique, de ce qui nous conviendrait, de la façon dont nous envisageons cet avenir.
Je crois que l'existence de ce conseil du milieu marin est sous-entendue dans l'accord territorial concernant le Nunavut et qu'il faudrait y donner suite. Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une disposition précise de l'accord, car lorsqu'on l'examine, il s'agit d'un organisme assez complexe et particulier au Nunavut. Il faudrait quelque chose de plus vaste qui engloberait l'Inuvialuit dans l'Arctique de l'Ouest, par exemple. Cela veut dire que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest doit en faire partie, ainsi que le Nunavut.
J'estime que cela représente un défi intéressant. Je ne sais pas vraiment qui devrait s'en occuper. Ce serait peut-être M. Strahl, le ministre des Affaires indiennes et du Nord. Toutefois, le moment est venu, je crois, que nous réfléchissions ensemble, que nous fassions preuve d'imagination pour créer une institution, un endroit où ces idées pourront être partagées. Cela permettrait de voir les choses autrement que dans l'optique des Canadiens du sud.
Je suis peut-être trop critique à cet égard, mais nous avons tendance, dans le sud, à voir le Nord en fonction de notre propre identité, comme le « vrai Nord fort et libre », etc. Au lieu de voir le Nord tel qu'il est, nous le voyons comme faisant partie de nous tels que nous aimerions être. L'identité et la politique identitaire nous éloignent un peu de la réalité. Je pense que si nous allions dans le Nord, ce serait un gros avantage.
Merci.
Merci, monsieur le président.
J'apprécie la plupart de vos idées quant à la voie qui permettra sans doute le mieux d'affirmer notre souveraineté dans l'Arctique. Il y a toutefois une question qui commence à se poser et sur laquelle j'aimerais avoir votre opinion.
L'année dernière, j'ai assisté à la réunion de l'Association parlementaire qui a eu lieu à Fairbanks et j'ai discuté avec l'amiral américain qui est responsable de la garde côtière là-bas. Nous avons parlé de pêche et il m'a assuré que les seuls endroits où la question de la pêche les préoccupaient étaient le détroit de Béring et la mer de Tchouktches. Ils craignaient de commencer à voir du mouvement dans ce secteur.
Le printemps dernier, les États-Unis ont annoncé qu'ils imposerait un moratoire sur la pêche dans les eaux de l'Arctique, y compris la mer de Beaufort et, bien sûr, la zone qui fait l'objet d'un litige avec le Canada. Notre gouvernement a protesté, mais sans résultat. Les États-Unis ont imposé ce moratoire le 27 août.
Ma question est la suivante. En ce qui concerne les relations internationales entre les États-Unis et le Canada, ne devrions-nous pas craindre que les États-Unis prennent ce genre de mesure même quand il n'est pas nécessaire de protéger les stocks de poisson? Le Canada a protesté en disant qu'il n'était pas d'accord, que cela ne devait pas viser nos eaux, et pourtant les États-Unis ont imposé leur moratoire. À mon avis, cela ressemble à ce que nous avons fait avec la Loi sur la prévention de la pollution des eaux de l'Arctique quand nous avons dit, au Parlement, l'année dernière, que nous voulions adopter cette loi pour élargir notre champ de compétence. En préservant l'environnement marin, nous avons voulu faire clairement comprendre quel est notre champ de compétence dans l'Arctique.
Avez-vous l'impression qu'il se passe quelque chose, que les États-Unis ont certaines intentions à l'égard de cette zone très précieuse des eaux territoriales canadiennes?
Cela pose certainement un problème. J'ignore quelle en est l'ampleur. J'avoue ne pas être trop aussi informé que je le voudrais à ce sujet. Cela dit, les États-Unis font ce qu'ils veulent. S'ils vont trop loin, c'est à nous de les en empêcher. Dans ce cas-ci, si nous ne voulons pas de moratoire ou de réglementation de la pêche dans la mer de Beaufort, par exemple, y compris dans les eaux litigieuses, nous devrions aller le dire aux États-Unis. En même temps, nous devrions clairement préciser que si la zone a fait l'objet d'une revendication territoriale, les Inuits, les Inuvialuits devraient avoir le droit de pêcher. Il faudrait également faire comprendre clairement aux États-Unis que nous avons des obligations envers notre population en vertu de traités. Les États-Unis devraient revenir sur leur position.
Néanmoins, tout cela me semble un peu prématuré étant donné que personne n'est prêt à pêcher. Il y a encore de la glace, je crois, et la pêche commerciale n'est pas encore prête. C'est une bonne politique de précaution et je ferais ce que le ministre des Affaires étrangères a, je pense, déjà suggéré en passant. Le Canada et les États-Unis devraient coopérer pour étudier l'écosystème de la mer de Beaufort afin que les deux pays comprennent l'écologie de cette zone et comment la gérer, y compris dans le secteur contesté. C'est ce que je suggérerais pour gérer l'écosystème…
Pour reprendre les paroles du premier ministre, on doit soit exercer sa souveraineté, soit la perdre. Les États-Unis l'exercent. Ils imposent leur moratoire dans nos eaux. Ils établissent une nouvelle revendication sur ces eaux. N'est-ce pas ce qu'ils ont fait? Malgré les protestations que le Canada a émises le printemps dernier en disant que nous n'acceptons pas de moratoire dans nos eaux, ils imposent unilatéralement un moratoire dans des eaux litigieuses.
Pour le moment, la souveraineté est contestée dans l'Arctique, dans ma circonscription. Les eaux territoriales font aussi partie de la revendication inuvialuite. Ce sont également des eaux d'une très grande valeur. Elles représentent un potentiel pétrolier et gazier immédiat, exploitable avec la technologie qui existe actuellement dans la région et non pas seulement quand la glace disparaîtra du pôle Nord.
Je ne sais pas exactement ce que vous attendez de moi. Devrions-nous déclarer la guerre aux États-Unis, ou…
Ce n'est pas du tout ce que je suggère, mais quelle est la riposte? Comment riposter? Vous avez dit que nous devions riposter. Quelles sont les mesures à prendre, selon vous?
Il faudrait leur faire connaître en détail nos objections. Nous devons leur dire ce que nous en pensons. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international devraient intervenir en premier et si cela ne marche pas, il faudrait en parler publiquement. Je pense qu'il faut commencer par en discuter discrètement et que si cela ne marche pas, il faut protester publiquement.
Monsieur le président, je remercie M. Griffiths pour son exposé. Il était très intéressant, monsieur, de vous entendre parler de votre premier contact avec le Nord quand vous étiez jeune.
La flamme de votre passion souverainiste a peut-être contribué à l'ouverture du passage du Nord-Ouest, mais j'aimerais revenir sur ce sujet. Tout d'abord, vous avez dit que vous étiez un ardent souverainiste, mais que votre ardeur a diminué depuis. Qu'est-ce qui vous a incité à changer d'avis?
En fait, je peux pas vraiment vous répondre. J'ai constaté que cela ne marche pas, que la souveraineté n'est pas un bon motif pour acquérir des nouvelles capacités, du nouveau matériel, après un certain temps. Je me suis demandé si c'était la bonne façon de procéder et dans quelle mesure on pouvait s'y fier étant donné que cette préoccupation semble très cyclique. Autrement dit, la souveraineté du Canada dans l'Arctique suscite beaucoup d'intérêt, généralement à l'instigation des États-Unis, puis cet intérêt se dissipe et ne permet plus d'aller bien loin.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas veiller sur ce qui nous appartient, car je crois que nous devons le faire, mais qu'une politique basée sur la peur plutôt que sur la confiance manquera d'énergie et d'élan et que, dans le cas de notre souveraineté dans l'Arctique, elle manquera de constance. C'est ce que j'ai constaté et j'ai estimé qu'il fallait trouver une nouvelle approche.
Je crois que cette nouvelle approche est la gérance. C'est un moyen d'assurer la qualité de notre souveraineté. Autrement dit, si nous avons beaucoup de coopération positive sur le plan de la gérance avec les autres pays, ces derniers ne vont pas polluer nos eaux parce qu'il y aura des règles et des accords en place. Ils n'enverront pas leurs navires faire n'importe quoi dans nos eaux, parce qu'il y aura des règles et des accords. Ils ne viendront pas pêcher dans nos eaux, parce qu'il y aura des règles et des accords auxquels nous aurons tous souscrit. Le rôle de gérant nous permettra de veiller à ce que les autres respectent ce qui nous appartient. Il s'agit donc de les amener à conclure des ententes de coopération sur le plan de la gérance qui les amèneront à nous respecter.
Contrairement à ce que vous décrivez comme des inquiétudes exagérées et inutiles au sujet de notre souveraineté dans l'Arctique en raison de l'ouverture du passage du Nord-Ouest, les Russes s'apprêtent à profiter des avantages économiques qu'offrira l'ouverture de ce passage. À votre avis, à part la gérance et les mesures dont vous avez déjà parlé, que doit faire le Canada du point de vue de la défense nationale pour pouvoir concentrer également davantage son attention sur le développement économique, tout en préservant l'environnement naturel?
C'est une bonne question. Je ne suis pas sûr qu'il soit possible ou nécessaire d'agir sur le plan de la défense.
Nous pourrions inciter les navires à emprunter le passage du Nord-Ouest, mais nous choisissons de ne pas le faire. Ce passage est ouvert à tous ceux qui le traversent conformément aux lois et règlements du Canada. Nous disons aux navires qu'ils peuvent venir. Nous ne leur offrons pas de brise-glaces pour les aider et nous ne leur proposons pas de les convoyer. Les navires qui viendront seront des navires de commerce capables de naviguer sans aide. Telle est l'approche canadienne par opposition à l'approche russe. Les Russes veulent que les gens traversent. Ils n'ont pas eu beaucoup de succès parce qu'ils font payer des tarifs extrêmement élevés, ils imposent une bureaucratie incroyable et leur système n'est pas vraiment au point, mais un jour il le sera sans doute. Ils ont décidé de faire venir les navires.
Nous n'avons pas encore vraiment eu de discussion à ce sujet au Canada, et ce n'est pas une question de défense. Nous devrions nous demander si nous voulons que les navires viennent dans nos eaux. Nous disons plutôt: « Les navires vont arriver » et nous avons des craintes exagérées, parce qu'ils n'arriveront pas de sitôt. Nous pourrions en parler. Nous pourrions les faire venir un peu plus tôt si nous le voulions.
Il faut se demander quels avantages le Canada tirerait du passage des navires. Nous aurions certaines dépenses à faire pour veiller sur ces eaux s'il y avait de plus en plus de navires, de voyages intercontinentaux. Nous devrions déployer une capacité plus importante et nous deviendrions peut-être responsables, à certains égards, des incidents qui pourraient se produire. Est-ce ce que nous voulons? Quels avantages en tirerons-nous?
Je ne pense pas que la population du Nord en tirera beaucoup d'avantages, car si des navires passent, par exemple des porte-conteneurs, ils voudront le faire le plus rapidement possible. Ils ne vont pas s'arrêter en route pour faire profiter les riverains de leur passage. Quand le moment viendra, si cela devient une réalité, ces navires voudront suivre un itinéraire très rigoureux, très rentable. S'il y a de la glace, s'il y a du brouillard, s'il y a des grosses vagues dans le labyrinthe de l'archipel, je ne pense pas qu'ils viendront.
Selon moi, les besoins ne se situent pas sur le plan de la défense. Nous pourrions décider d'inciter la marine marchande à emprunter le passage, mais nous n'avons même pas encore abordé le sujet. Nous sommes plutôt restés passifs, à nous inquiéter de l'arrivée des navires au lieu de réfléchir à ce que nous voulons. Nous devons plutôt nous doter d'une capacité policière, c'est-à-dire de surveillance par satellite et de moyens de réglementer la navigation, ce que nous n'avons pas. Je pense toutefois que tout cela relève avant tout de la Garde côtière plutôt que de la Défense nationale.
Un des pays du nord, la Finlande, a construit une flotte de quatre brise-glaces à la fine pointe de la technologie. Quand leur construction a été terminée, elle n'avait plus besoin de ces brise-glaces. En fait, elle les loue à d'autres pays. Compte tenu de la diminution de l'épaisseur de la glace, pensez-vous que lorsque nous aurons réussi à construire des brise-glaces, nous en aurons encore besoin?
Je pense que nous en aurons encore besoin. Chaque hiver, il y aura de la glace, de la glace épaisse et empilée et c'est inévitable. Si vous voulez passer un peu tôt ou un peu tard dans la saison, vous aurez besoin de brise-glaces. Peut-être qu'un jour nous utiliserons des brise-glaces en décembre ou en janvier, mais je ne pense pas que ce sera le cas.
Les besoins évoluent en ce qui concerne les brise-glaces. Je ne pense pas que le Canada achètera ou louera des brise-glaces. J'espère que non. Nous devrions les construire nous-mêmes. Et cela nous ramène à la difficulté pour le gouvernement de disposer d'une capacité de construction navale.
C'est un plaisir de vous revoir.
Vous avez commencé par vous dire satisfait que deux promesses d'achat de matériel très coûteux pour la défense dans le Nord n'ont pas été tenues, étant donné que c'est inutile. Vous serez heureux d'apprendre que cela touche bien d'autres pièces d'équipement. Les navires d'approvisionnement renforcés pour la navigation dans les glaces, trois brise-glaces armés, des avions pour Yellowknife, une flotte de recherche et de sauvetage et la détection sous-marine sont autant de promesses non tenues, ce que vous vous réjouirez d'entendre.
J'ai une question concernant nos revendications juridiques sur les eaux de l'Arctique.
Juridiques.
Comme vous l'avez dit, nous ne cherchons pas beaucoup à riposter pour le moment, mais je m'interroge seulement au sujet de l'avenir compte tenu de la fonte de la banquise. Nous justifions notamment l'application de nos lois antipollution jusqu'à 200 milles en invoquant la clause Canada d'UNCLOS. Je crois que c'est l'article 284, mais il stipule que nous pouvons appliquer nos lois environnementales dans les eaux couvertes de glace. Avec la fonte des glaces, je me demande si vous pensez que nous allons perdre cet argument et ce droit d'appliquer nos lois.
Le deuxième exemple est que les Américains et les Européens réclament un détroit international dans le passage du Nord-Ouest. Ils doivent pour cela prouver une utilisation commerciale internationale utile fréquente ce qui, comme vous l'avez dit, n'est pas possible pour le moment. Toutefois, cela peut devenir faisable avec la fonte de la glace. Cela va-t-il renforcer leurs revendications et menacer notre souveraineté sur ce passage?
Pour ce qui est de la première question, prenons l'article 234 et ce qui arrivera s'il y a moins de glace. Il s'agit de l'article de la Convention sur le droit de la mer qui permet aux États côtiers de réglementer la marine marchande, la marine de commerce dans leurs eaux couvertes de glace. Le recul de la banquise va-t-il réduire la portée de cet argument? Probablement dans une certaine mesure, mais je le répète, il y aura de la glace chaque hiver et cette glace ne va pas disparaître entièrement. Il y aura sans doute — et c'est une question intéressante — de la vieille glace dans l'archipel pendant encore une certain temps. Comme vous le savez, la vieille glace est beaucoup plus résistante que la glace saisonnière qui n'a qu'un an d'âge. Cette vieille glace a perdu son sel. C'est comme de l'acier flottant et il faut des navires renforcés pour naviguer dans ces eaux. Cette situation va sans doute persister pendant un certain temps, mais pour ce qui est de nos revendications juridiques, même si je ne suis pas avocat, en pratique, s'il y a de moins en moins de glace, l'article 234 sera de moins en moins en notre faveur. C'est donc une source d'inquiétude.
En même temps, nous nous entendons avec les États-Unis pour n'être pas d'accord au sujet du statut du passage du Nord-Ouest et cela m'amène à votre deuxième question.
Les États-Unis disent que c'est un détroit et nous disons que ce sont des eaux intérieures, ce dont il s'agit sans aucun doute. Les États-Unis et le Canada ont trouvé un moyen de s'accorder malgré ce contretemps. Nous avons trouvé un moyen de travailler ensemble avec des brise-glaces dans le cadre de l'accord de 1988. Nous pourrions étendre ce principe aux autres types de navires si nous le désirions. Le département d'État des États-Unis a, quant à lui, déclaré que les navires de commerce américains sont tenus de se conformer à notre Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Les compagnies maritimes américaines n'obtiendront donc pas l'appui du département d'État si nous les accusons d'infractions à l'article 234.
Par conséquent, d'une façon ou d'une autre, nous pouvons nous entendre avec les États-Unis et j'estime que nous devrions maintenir et renforcer notre entente. Nous devrions la consolider au moyen d'une coopération bilatérale sur le plan de la défense, en ce qui concerne NORAD, la surveillance, les menaces asymétriques, mais aussi toute la question de la gérance des eaux arctiques de l'Amérique du Nord. Nous ne devrions pas craindre les États-Unis, mais plutôt travailler avec eux, protester quand c'est nécessaire, mais essayer d'assurer une gestion des eaux arctiques de l'Amérique du Nord que l'on pourrait peut-être étendre à l'ensemble de la région arctique. Cela permettra de briser la glace et d'assurer une bonne gérance.
Désolé si c'était trop long.
Je vous le dis. Merci beaucoup.
Je vais donner la parole à M. Braid, s'il vous plaît. C'est votre tour, pour cinq minutes.
C'est un plaisir de vous recevoir ici. J'ai également un diplôme en relations internationales de l'Université de Toronto. Je n'ai pas, de toute évidence, tiré le maximum de ce diplôme, car malheureusement, je n'ai suivi aucun de vos cours.
Je voudrais revenir sur deux de ces thèmes. En ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, vous dites sans équivoque que ces eaux appartiennent au Canada et que ce sont des eaux intérieures. Pourriez-vous expliquer brièvement sur quoi vous vous basez et comment vous en êtes venu à cette conclusion?
Notre revendication sur ces eaux se fonde sur le fait que les Inuits ont occupé et habité les eaux de l'archipel Arctique canadien, qu'ils s'y sont livré à toutes sortes d'activités comme en témoignent des traces archéologiques que nous chercherons peut-être à exploiter davantage un jour. Il y a une tradition orale qui en atteste et c'est une revendication historique sur les eaux intérieures qui s'appuie surtout sur l'occupation et l'utilisation inuites. Les Inuits ont cédé leur titre de propriété au Canada étape par étape, mais l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut transfère ces titres au Canada en échange de toutes sortes de choses que les Inuits n'ont pas encore reçues du gouvernement canadien. Ce qu'on pourrait appeler « l'honneur de la Couronne » est en jeu. Autrement dit, nous n'avons pas tenu les obligations que nous confère le traité vis-à-vis de la population du Nunavut, me semble-t-il. Il y a des mesures importantes à prendre de ce côté-là, je crois que nous en avons la possibilité et que nous devrions agir.
Deuxièmement, dans votre exposé, vous proposez un modèle de gérance fondé sur la coopération. Bien entendu, toutes les parties doivent coopérer pour assurer le succès de ce modèle. Pourriez-vous nous dire brièvement qui seraient les autres parties et quel intérêt elles auraient à coopérer?
Les autres parties sont les huit pays arctiques, si vous voulez, ou seulement les cinq pays côtiers de l'Arctique, si vous voulez simplifier les choses au départ. En fait, limitons-nous à cinq.
Pour le moment, la volonté de coopérer n'est pas très forte. Des bonnes intentions ont été exprimées, mais le fait est qu'au sein du Conseil de l'Arctique et ailleurs, les cinq et, en fait, les huit pays de l'Arctique se sont contentés de faire des études et des déclarations au sujet de lignes directrices et de ce qu'il faudrait faire. Rien de tout cela n'est obligatoire. Même s'il y a eu des très bonnes études — par exemple, l'Évaluation de l'impact du réchauffement climatique dans l'Arctique et, tout récemment, l'Arctic Marine Shipping Assessment 2009 Report, sont de très bonnes études de la situation — cela ne s'est pas encore traduit par une action collective. Les gouvernements de la région veulent, comme le Canada, préserver leur liberté d'action, renforcer leur souveraineté et ne pas se laisser prendre par des considérations externes, ce qui veut dire que la plupart d'entre eux ont déjà suffisamment à faire. Cela pose donc un problème.
En renforçant la capacité de coopérer, comme je l'ai dit, vous pourriez établir assez facilement un programme de gérance, mais pour ce qui est d'amener les gens à agir et à vouloir coopérer, c'est une autre histoire. Nous avons besoin pour cela que les États-Unis et la Russie, surtout la Russie, se mettent au travail. La Russie est l'antithèse de la gérance à bien des égards et comment allez-vous rallier les Russes? Ils revendiquent environ 180 ° du cercle arctique et la gérance ne les a pas beaucoup intéressés jusqu'ici. Comment allons-nous les convaincre?
Il y a plusieurs solutions. L'une d'elles est simplement de leur graisser la patte. Nous devons leur permettre de jouer plus facilement le rôle de gérants. Pour cela, il faut de l'argent et je crois donc que nous avons besoin de la participation d'autres pays que ceux de l'Arctique.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je partagerai mon temps avec M. Bachand, si le temps le permet.
Merci d'être ici, monsieur Griffiths.
Je suis arrivé un peu en retard. Peut-être a-t-on déjà répondu à ma question, bien que je ne le croie pas.
Vous dites, dans un texte que j'ai ici, que les États-Unis ne se considèrent pas comme un pays arctique. Vous ajoutez que l'Alaska serait peut-être plus lié à l'Arctique et que Washington semble moins ouvert à la priorité que privilégierait l'Alaska.
Serait-il possible que les États-Unis en viennent à s'intéresser davantage à l'Arctique, vu l'intérêt de plus en plus marqué de la Russie? Selon-vous, les Américains et les États-Unis sont-ils actuellement inquiets du fait que la Russie semble vouloir exercer une certaine pression politique sur le plan international?
[Traduction]
Oui, c'est une bonne question.
Comme je l'ai dit, les États-Unis ne se considèrent pas vraiment comme un pays de l'Arctique. Les citoyens de l'Alaska se sentent coupés des 40 États du Sud et il n'y avait pas de lien entre les États-Unis et l'Arctique, jusqu'à récemment. Les choses commencent à changer.
Ce qui a changé c'est tout ce qu'on a dit au sujet des changements climatiques et de la fonte des glaces. Le gouvernement des États-Unis ne s'en est pas soucié jusqu'à ce que les Russes plantent leur drapeau sous le pôle. Le téléphone a commencé à sonner, m'a-t-on dit, à la Garde côtière américaine, car c'est elle qui connaît l'Arctique. Tout le monde — les autres départements du gouvernement américain — a commencé à téléphoner pour demander ce qui se passait. Ce sont les Russes qui ont déclenché l'intérêt stratégique des États-Unis pour l'Arctique et je pense que cet intérêt va probablement persister.
Les États-Unis ont publié un document sur leur stratégie pour l'Arctique en janvier. C'était une des dernières déclarations de l'Administration Bush. Je crois que le gouvernement américain est en train d'établir quelle sera la prochaine étape, après l'énoncé stratégique de l'ancienne administration. Je pense qu'il va suivre de très près ce que fait la Russie.
À mon avis, les Russes vont continuer de stimuler l'intérêt des Américains de diverses façons. Les forces spéciales russes doivent être parachutées au pôle Nord l'année prochaine. Je peux vous dire que cela va faire beaucoup de bruit. La façon dont les Russes abordent l'Arctique va déclencher des réactions belligérantes, paranoïaques et craintives.
L'autre aspect, c'est le droit de la mer basé sur la coopération. Je ne sais pas si vous connaissez la Déclaration d'Ilulissat, mais c'est la déclaration dans laquelle les cinq pays de l'Arctique se sont tous engagés, au cours de l'été 2008, à coopérer et à respecter la loi. Les Russes sont tout à fait d'accord, mais ils sont un peu schizophrènes et prêts à se montrer belligérants… C'est sans doute à cause de ce que l'OTAN a fait à la Russie, parce qu'elle englobé d'anciens États soviétiques dans l'Alliance, etc. Les Russes ont une certaine paranoïa à l'égard de l'OTAN.
Quoi qu'il en soit, je pense que les Russes agiront et réagiront et qu'ils continueront à susciter l'intérêt des États-Unis. Voilà pour ma longue réponse.
[Français]
Monsieur Griffiths, vous devez certainement connaître la Stratégie du Nord, qui a été dévoilée dernièrement par le gouvernement canadien.
J'aimerais connaître votre avis sur le fait que sept petites municipalités inuites dans le Nord du Québec sont exclues de la Stratégie du Nord — j'ai aussi demandé cela à Mary Simon. Croyez-vous que ces sept villages inuits devraient être inclus dans cette Stratégie du Nord?
[Traduction]
Je ne sais pas vraiment si ce sont les villages qu'il faudrait inclure dans la stratégie, mais les Inuits du Québec et la région inuite du Labrador devraient effectivement faire partie de la stratégie du Nord, selon moi. Il faudrait que je relise le document, mais je ne suis pas certain qu'ils en soient exclus. Sinon, c'est à eux et à leurs amis de dire qu'il faut les inclure et de veiller à ne pas les oublier. Effectivement, ce sont des Inuits qui vivent bien au-dessus de la ligne des arbres — c'est une façon de concevoir l'Arctique — et ils devraient donc en faire partie.
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Griffiths. J'apprécie que vous soyez venu aujourd'hui avec des renseignements très intéressants que vous nous avez communiqués.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire un article du National Post, du 26 septembre. Il était question des variations de la banquise arctique et des photos qu'une organisation japonaise a prises par satellite. Elles ont montré, peut-on lire, que dans certains cas, la banquise est en expansion. Hier soir, je suis allé à une conférence où Lord Lawson a dit qu'en fait la quantité de glace augmente dans l'Arctique ainsi que dans l'Antarctique. Je ne sais pas si c'est un fait, mais c'est ce qu'on a dit.
Je me demande simplement quelles conséquences cela aurait selon vous sur la marine marchande, surtout dans le passage du Nord-Ouest?
L'état des glaces varie beaucoup dans l'Arctique canadien et peut-être aussi dans l'ensemble de l'Arctique. Il y a eu une diminution de la banquise jusqu'en 2007, puis une réduction soudaine et très marquée de la quantité de glace qui recouvre l'océan Arctique pendant l'été. Depuis, cette couverture a augmenté chaque année. Elle s'est élargie au lieu de diminuer et on peut donc parler de variabilité. Qui sait ce que réserve l'avenir?
Je ne pense pas qu'on puisse nécessairement s'attendre à ce que le phénomène observé jusqu'ici se poursuive. Il est possible que la température refroidisse nettement pendant un certain nombre d'années. Le fait est que la planète se réchauffe et qu'à moins d'un changement, tôt ou tard, la banquise va encore reculer. Mais avant cela, il y aura peut-être des cycles pendant lesquels la banquise s'élargira, la vieille glace ancienne sera préservée, ce qui rendra la navigation plus difficile, et les bateaux ne viendront pas.
Vous pourriez aussi imaginer le pire scénario, qui serait l'affaiblissement du Gulf Stream, ce qui entraînerait un bouleversement dans l'Atlantique Nord, car tout deviendrait beaucoup plus froid. Ce ne serait peut-être pas une ère glaciaire ou une petite ère glaciaire, mais des changements se sont produits, par le passé, en quelques années seulement. Le Gulf Stream s'est arrêté soudainement, ce qui a eu d'énormes conséquences qui ont parfois duré très longtemps.
Ces scénarios ne sont pas impossibles, mais nous pouvons seulement tenir compte de ce que nous voyons. Nous constatons, je pense, une tendance au réchauffement avec quelques variations, mais la tendance à long terme est au réchauffement. C'est sans doute celle à laquelle le bon sens nous commande de nous préparer.
Très bien, j'ai quelques autres questions.
À propos de votre entretien avec le chef d'état-major de la Défense, vous avez dit qu'il n'y a pas de menace militaire classique. Vous avez également parlé de meilleures stratégies pour la surveillance ainsi que la recherche et le sauvetage. Vous avez déclaré, je crois, que nous devons surveiller ce qui nous appartient. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus et nous faire des suggestions quant à la façon de procéder.
En fait, ce sont surtout des questions techniques concernant l'utilisation de la force armée sur lesquelles je ne suis pas compétent, si ce n'est pour dire que les militaires fournissent dans l'Arctique une plateforme et des capacités que tous les autres ministères peuvent utiliser. C'est souvent essentiel lorsqu'il est nécessaire d'intervenir rapidement et peut-être aussi s'il faut exercer une surveillance à long terme. Il y a donc des domaines dans lesquels les Forces canadiennes devraient être équipées pour agir et pouvoir rendre ces services de surveillance et, dans une certaine mesure, d'application de la loi ou d'intervention. On pourrait, par exemple, déployer du matériel de recherche et de sauvetage ou d'intervention d'urgence afin qu'il soit prêt à utiliser avec un court préavis. On pourrait utiliser SARSAT pour la surveillance dans le cadre de diverses activités qui ont lieu actuellement. Il y a aussi la nécessité de surveiller le trafic maritime dans le passage du Nord-Ouest. Un système sonar a été envisagé, mais je ne pense pas qu'on songe à donner suite à ce projet pour le moment, même si cela fait partie des engagements du gouvernement.
Voilà le genre de choses que l'on pourrait faire, mais ce n'est pas de mon ressort.
Merci.
Malheureusement, je dois aller à la Chambre dans quelques minutes et je vais donc poser ces dernières questions. Comme vous vous en souviendrez, la dernière fois, j'ai parlé de ce véhicule amphibie pour l'Arctique. Je suis allé à l'usine et si quelqu'un désire une brochure, j'en ai ici. C'est toute une machine.
J'ai deux questions dont l'une de ma collègue Anita, qui a dû partir.
Hier, nous avons eu une première heure de débat à la Chambre. Il y aura une autre heure de débat dans un mois, après quoi nous voterons. C'est sur une motion visant à changer le nom de passage du Nord-Ouest pour celui de passage du Nord-Ouest canadien ou de passage de l'Arctique canadien. Je me demande ce que vous en pensez. Je précise seulement que la motion semble avoir l'appui unanime de tous les partis. Ce serait donc le passage du Nord-Ouest canadien ou le passage de l'Arctique canadien: avez-vous une préférence pour l'un ou l'autre ou quelque chose à dire au sujet du changement de nom du passage du Nord-Ouest?
La deuxième question, qui est celle de Mme Neville, porte sur le rôle que vous envisagez. J'ai remarqué que dans vos propos rapportés par le Globe and Mail vous parlez de la participation des Inuits à la gouvernance du Nord. Peut-être pourriez-vous expliquer comment vous envisagez leur participation.
Pour ce qui est de la dernière question, il s'agit encore une fois du conseil du milieu marin. À mon avis, cela permettrait aux Inuits de jouer un plus grand rôle dans le gouvernement du Nord, surtout pour les questions maritimes ou marines, et il faudrait commencer par le milieu marin.
D'autre part, il pourrait aussi… Y a-t-il un comité de la Chambre des communes chargé des affaires du Grand Nord ou de l'Arctique?
Il y en a un. Très bien. Je devrais le savoir, mais je n'ai pas lu ses délibérations. C'est un endroit où l'on peut faire certaines choses.
Pour ce qui est du changement de nom, je n'en ai pas entendu parler. C'est une proposition intéressante. Si vous me demandez mon avis, je crois que je préférerais le passage de l'Arctique canadien.
Le passage du Nord-Ouest est en fait un passage dont la signification historique devrait être respectée. Il va du détroit de Davis jusqu'aux îles Aléoutiennes. C'est un grand et long passage. Il ne se limite pas à la partie qui se trouve au Canada et qui pourrait fort bien être désignée comme le passage de l'Arctique canadien.
Les Européens contestent également nos revendications sur le passage du Nord-Ouest. Pour pouvoir dire que c'est un détroit international, comme vous le savez, il faut notamment faire valoir que c'est une route commerciale utile sillonnée par un certain nombre de navires de commerce, comme dans la décision de Corfou.
Je voudrais savoir si vous pensez que le risque augmentera pour nous. Avec la fonte de la banquise, un plus grand nombre de navires européens pourraient passer et cette route pourrait devenir plus utile pour eux. Cela aurait-il un effet sur nos revendications selon lesquelles ce sont des eaux intérieures? Il leur serait plus facile d'affirmer que c'est un détroit.
Oui. Si ces navires passent en respectant la loi canadienne, ils renforceront la position du Canada selon laquelle ce sont des eaux canadiennes. S'ils empruntent le passage en violant la loi canadienne, nous serons alors en mauvaise posture, mais personne ne le fera. On peut s'attendre, je crois, à ce que les navires se conforment à la réglementation canadienne qui est de plus en plus indissociable de la réglementation qui serait appliquée si le passage du Nord-Ouest était effectivement un détroit international.
Autrement dit, la différence entre ce qui serait fait en vertu de la réglementation d'un détroit, d'une part, et de notre réglementation des eaux intérieures, d'autre part, est en train de s'estomper. Il y a de moins en moins de raisons pour que quelqu'un veuille aller devant les tribunaux, veuille poursuivre le Canada en justice au sujet de ces questions, car je crois que nous l'emporterions devant une cour de justice internationale. En fait, nous pourrions dire que la plainte est non fondée. Ce que nous faisons correspond précisément ou presque à ce qu'exigerait le droit international s'appliquant à un détroit.
Je suppose que, de toute façon, les Européens ne poseront pas de problème. Nous n'irons pas devant les tribunaux. C'est ce que j'en pense. À moins que quelqu'un ne commette une très grosse erreur, nous n'avons pas à craindre d'aller devant les tribunaux. Ce n'est pas une question juridique, mais plutôt une question de politique et de bon sens.
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec Laurie.
Monsieur Griffiths, permettez-moi de me joindre à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'avoir pris la peine de partager avec nous votre grande connaissance du Nord.
J'ai remarqué que vous avez parlé de gérance dans votre exposé. Je me demande qui est chargé de cette gérance si elle a commencé. Comment commencer si ce n'est pas encore fait? Comment mettre en place un modèle si vous avez affaire à cinq pays différents? Comment avoir des relations harmonieuses avec tout le monde afin de pouvoir s'asseoir autour de la table pour planifier et pour réfléchir à ce qui se passe dans l'Arctique?
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
À mon avis, quelqu'un doit en prendre l'initiative et cela devrait être le Canada. Nous devrions commencer à parler de gérance et à agir dans ce sens. Je pense que nous devrions commencer à agir dans le contexte nord-américain. Nous devrions en parler avec les États-Unis, mais aussi avec le Groenland, c'est-à-dire le Danemark. Nous n'avons pas besoin de nous en attribuer le mérite, mais nous devrions ouvrir la voie d'une approche nord-américaine unifiée pour la gouvernance des pêches, de la navigation, des navires de croisière, de la prévention de la pollution et de l'intervention d'urgence. Nous devrions le faire en Amérique du Nord et agir ensuite en tant que gérants ayant la même attitude et la même approche.
Cela ne sera pas facile. Dans l'ensemble, les gouvernements préfèrent leur liberté d'action. Ils n'aiment pas les contraintes et n'aiment pas rendre des comptes aux autres. C'est normal, mais le bon sens exige, je crois, que nous agissions ensemble. Tôt ou tard, quelqu'un fera quelque chose qui empiétera sur notre domaine qui n'est pas autonome et indépendant. Nous sommes tous solidaires dans l'Arctique et nous devons gérer cette interdépendance.
Merci, monsieur le président.
Et merci, monsieur Griffiths. C'était très intéressant.
Vous parlez de l'honneur de la Couronne et c'est un bon argument. Selon vous, depuis combien de temps nous soustrayons-nous à nos responsabilités à cet égard? Je veux parler de l'honneur de la Couronne à l'égard des Inuits.
Je dirais que c'est depuis l'accord territorial de 1993. Nous avons été lents à réagir. Il suffit de lire le rapport de Thomas Berger au sujet de la mise en oeuvre de cet accord et de la nécessité d'une nouvelle politique d'éducation soutenue par le gouvernement fédéral au Nunavut.
Nous avons parlé d'équiper les Forces canadiennes ou de jouer davantage le rôle d'agent de police, ce dont les Forces canadiennes pourraient se charger en partie. De quel équipement pensez-vous que les Forces canadiennes auraient besoin pour jouer ce rôle?
Je crois qu'il faut renforcer la capacité de détection. Il faudra peut-être faire une utilisation plus fréquente d'avions sans pilote pour la détection. Nous pourrions avoir besoin de la capacité de détecter le passage de sous-marins. Nous n'avons pas cet équipement. Nous pourrions déployer de l'équipement et du matériel d'intervention d'urgence qui seraient sous la responsabilité des forces armées. Si le trafic augmente et que nous avons des inquiétudes, nous devrions pouvoir disposer d'hélicoptères pour aborder un navire qui refuse d'obéir.
On m'a dit que, si nécessaire, la Garde côtière est prête à se servir de manches d'incendie pour forcer un navire à respecter la législation canadienne. Nous n'avons pas obligatoirement besoin de forces armées, mais au fur et à mesure que la situation évoluera, il faudra que nous soyons prêts à toute éventualité. La Garde côtière sera sans doute le principal instrument et nous devrons remplacer les navires de la Garde côtière par des bateaux capables de naviguer dans l'Arctique au cours des années à venir, en plus du John G. Diefenbaker qui a été promis.
Comme vous l'avez dit, les Russes jouent un rôle clé. C'est toutefois avec eux qu'il est le plus difficile de négocier. Comment devrions-nous essayer de travailler avec les Russes? Que pensez-vous de la façon dont nous devrions traiter avec les Russes dans cette situation?
Ce que je pense du problème russe, car c'est un problème, surtout en ce qui concerne la gérance, c'est qu'il y a tellement de choses à faire que le Canada ne peut pas agir suffisamment à lui seul. Les sept autres pays de l'Arctique devraient s'entendre. Il faudrait surtout convaincre les États-Unis de tendre la main aux Russes pour marquer un nouveau départ dans l'Arctique, une nouvelle entente stratégique. Nous ne pouvons pas le faire seul. Nous devons persuader les États-Unis et je pense qu'il revient au ministre des Affaires étrangères et au premier ministre de porter à l'attention de Washington, et peut-être à celle du président, nos idées quant à la nécessité d'une initiative américaine.
Au début de votre exposé, vous avez parlé du manque de constance politique à l'égard de la souveraineté dans le Nord. Que devons-nous faire pour assurer cette constance?
C'est une bonne question.
Même si nous jouions le rôle de gérant, à quel point notre comportement dans l'Arctique deviendrait-il plus constant? Je ne connais pas vraiment la réponse. Je pense que les choses s'amélioreraient. Cela dépendrait moins de la menace. Notre constance dépendrait davantage de nos ambitions et de notre détermination et peut-être aussi des valeurs canadiennes, autrement dit, des choses que nous voulons faire.
Mais je ne connais pas vraiment la réponse à cette question.
Cela ne fait rien.
Vous parlez de la possibilité que les Russes fassent passer des navires de commerce. Devrions-nous ouvrir et construire une sorte de canal de Suez canadien et aménager une infrastructure pour recevoir le trafic maritime international de façon à générer des investissements et des emplois dans l'Arctique?
C'est une question importante que nous n'avons pas encore vraiment soulevée au Canada. Que voulons-nous, qu'en pensons-nous, quelles cargaisons passeront probablement par le passage du Nord-Ouest plutôt que le canal de Panama? Il se peut que les expéditeurs du sud de la côte est des États-Unis envoient leurs cargaisons par Panama. Ils ne voudront pas se rendre tout en haut pour redescendre ensuite. Certains ont laissé entendre que les cargaisons à destination des ports au sud de Boston arriveront d'Asie par le canal de Panama. Pour tout ce qui doit se rendre au nord de Boston, on pourrait préférer le passage du Nord-Ouest.
Il y a des facteurs économiques à considérer. Je crois que le Canada n'exigera pas le paiement de droits de ceux qui emprunteront le passage. Si nous le faisons, nous rendrons le passage moins concurrentiel que Panama. Par le passé, nous n'avons pas fait payer de droits. Ce sont les Russes qui feront payer.
Autrement dit, il y a beaucoup de considérations économiques à examiner pour décider de ce que nous voulons faire. L'idée de mettre en place une administration conjointe pour le passage du Nord-Ouest est un peu prématurée. Une administration conjointe de la voie maritime, par exemple, serait prématurée, car nous ne savons pas vraiment ce que nous voulons, quelles sont les considérations économiques et ce que nous désirons faire. Nous nous attendons à ce que cela se matérialise, mais sans vraiment y croire. Nous pourrions peut-être faire en sorte que cela se produise.
Encore une fois, la population du Nord ne va pas beaucoup en bénéficier et cela va sans doute entraîner une légère augmentation des risques et peut-être un risque nettement plus élevé de pollution atmosphérique. Est-ce ce que nous voulons ou préférons-nous adopter une politique d'attente pour l'Arctique?
Merci beaucoup.
Nous apprécions vivement votre présence ici, monsieur Griffiths. Merci d'être venu. Je suis certain que votre témoignage nous sera utile pour notre travail et je tiens à vous en remercier.
[Français]
Cela termine la 31e séance du Comité permanent de la défense nationale. Merci beaucoup.
Nous nous reverrons jeudi, alors que nous recevrons le ministre de la Défense nationale.
La séance est levée.
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