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Merci, monsieur le président.
J'ai le plaisir de comparaître à nouveau devant le comité pour discuter du projet de règlement référendaire et, plus généralement, du régime référendaire fédéral.
Je suis accompagné de Stéphane Perrault, avocat général principal, ainsi que de Jean-François Morin, conseiller juridique auprès de nos services juridiques.
Avant d'aborder le projet de règlement référendaire, je voudrais cependant vous parler brièvement du régime référendaire dans son ensemble. Adoptée en 1992, la Loi référendaire permet la tenue, en dehors d'une période électorale, d'une consultation sur une question relative à la Constitution. D'une part, cette loi énonce des règles qui sont particulières à la tenue d'un référendum. Par exemple, elle précise le mode d'adoption de la question référendaire et la séquence d'événements qui doit mener au déclenchement et à la tenue d'un référendum. Elle contient aussi des règles sur l'enregistrement et le financement des comités référendaires et définit les infractions et sanctions spécifiques à un référendum.
D'autre part, la Loi référendaire s'en remet à la Loi électorale du Canada pour de nombreux aspects plus généraux de la tenue d'un référendum. À cette fin, elle donne au directeur général des élections la tâche d'adapter, par voie de règlement, les dispositions pertinentes de la Loi électorale. Afin de guider le directeur général des élections dans cette tâche, la Loi référendaire contient, à son annexe 2, une liste de dispositions de la Loi électorale qui ne s'appliquent pas à un référendum. Le projet de règlement référendaire que j'ai transmis au Parlement le 12 juin dernier est donc le fruit de ce travail d'adaptation.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur certains points qui ont été mis en lumière lors des travaux effectués par mon Bureau en vue de la mise à jour du règlement référendaire. Le premier point est le manque de synchronisation des lois. De nombreux renvois contenus dans la Loi référendaire, notamment à l'annexe 2, font référence aux dispositions de l'ancienne Loi électorale du Canada telle qu'elle existait avant la réforme générale de 2000.
La Loi référendaire n'a jamais fait l'objet d'une révision en profondeur. Le régime référendaire n'a donc pas suivi l'évolution législative du régime électoral, et les deux régimes, qui sont censés être complémentaires, sont devenus désynchronisés. Il est par conséquent très difficile pour le lecteur, même avisé, de bien comprendre quelles dispositions de la Loi électorale sont applicables ou non dans le contexte référendaire. Il s'agit d'un premier problème important, puisqu'il nuit à la clarté et à la précision qui doit caractériser tout régime législatif.
Par ailleurs, la législation actuelle pose certaines difficultés techniques qui sont susceptibles de nuire à l'administration efficace d'une consultation référendaire. Par exemple, la Loi référendaire ne permet pas aux directeurs du scrutin de nommer des scrutateurs et des greffiers du scrutin qui n'ont pas été recommandés par les partis. Cette situation résulte d'une série de modifications apportées à la Loi référendaire et à son annexe 2 en 1996, dans la foulée de l'adoption de modifications législatives visant à mettre en place le Registre national des électeurs. Il est clair que cette situation pourrait devenir problématique, étant donné la diminution du nombre de travailleurs électoraux recommandés par les partis. Comme je le disais dans un rapport précédent, à l'heure actuelle, à peine 33 p. 100 des travailleurs électoraux sont recommandés par un parti. D'ici à un prochain référendum, je travaillerai avec les partis pour trouver une solution appropriée.
Dans une note d'information qui accompagnait le projet de règlement, j'informais le Parlement de deux préoccupations reliées à la gestion des listes électorales.
La première concerne la remise des listes électorales révisées et officielles aux scrutateurs en vue du scrutin. La seconde concerne les risques relatifs à la protection de la vie privée engendrés par la distribution de certaines listes électorales préliminaires aux comités référendaires enregistrés. Je vous rappelle que lors d'un référendum, le paragraphe 93(1.1) de la Loi électorale m'obligerait à transmettre à chaque comité référendaire qui en fait la demande une copie électronique des listes électorales préliminaires de toutes les circonscriptions du pays ou des provinces où est tenu le référendum.
Pour chacun de ces deux objets de préoccupation, il existe des solutions exigeant une interprétation des textes applicables. Il en va notamment ainsi de la transmission des listes aux scrutateurs. L'annexe 2 de la Loi référendaire ne permet effectivement pas, dans son état actuel, au directeur du scrutin de remettre au scrutateur la liste électorale nécessaire. Par contre, une autre disposition du règlement référendaire — qui fixe la liste du matériel électoral devant être remis au scrutateur — précise que le directeur du scrutin remet à celui-ci la liste électorale. Les listes électorales nécessaires au scrutin pourraient donc être transmises aux scrutateurs en s'appuyant sur cette disposition législative accessoire. Ce n'est pas une solution idéale, mais elle permettrait de régler la question.
En ce qui concerne les risques qui se posent au niveau de la protection de la vie privée, nous prévoyons de les réduire par une interprétation plus stricte du paragraphe 10(1) et de l'annexe 2 de la Loi référendaire. En 1992, les listes électorales préliminaires étaient transmises environ dix jours avant le jour du scrutin. Ces listes correspondent aujourd'hui aux listes électorales révisées. Je modifierai donc le projet de règlement référendaire de façon à exclure toutes les dispositions prévoyant la distribution de listes préliminaires aux comités référendaires enregistrés, et notamment le paragraphe 93(1.1).
[Français]
Lors de ma dernière comparution devant ce comité, j'ai relevé le fait que la Loi sur le directeur des poursuites pénales ne confère pas expressément au DPP le pouvoir d'intenter des poursuites en vertu de la Loi référendaire, contrairement à ce qui est fait pour la Loi électorale du Canada. Une solution à cet égard devrait être envisagée par le Parlement, car l'incertitude concernant son pouvoir pourrait compromettre la capacité d'engager des poursuites efficacement dans le cadre d'un référendum.
Les points que j'ai mentionnés jusqu'à maintenant sont surtout de nature technique et pourraient être réglés à l'occasion d'une révision législative de la Loi référendaire. Si vous le souhaitez, il me ferait plaisir de vous faire des recommandations à cet effet.
J'aborderai maintenant trois aspects du régime référendaire qui soulèvent des questions impliquant des choix d'orientations politiques.
Le premier point concerne le financement des comités référendaires. Le régime de contrôle qui s'applique à ces comités peut être comparé à celui applicable aux tiers lors d'une élection. Il se compose des principaux éléments suivants: une obligation d'enregistrement déclenchée par l'engagement d'une somme de dépenses déterminée, un plafond de dépenses établi en fonction du nombre d'électeurs dans les circonscriptions où le comité entend exercer ses activités, la nomination obligatoire d'un agent et d'un vérificateur, ainsi qu'une obligation de soumettre un rapport financier.
Le régime fédéral permet également la constitution d'une pluralité de comités en faveur ou en défaveur de la question soumise à la consultation. Chaque comité est doté de son propre plafond de dépenses.
Ce régime n'a subi aucune modification majeure depuis 1992. Il ne fixe aucun plafond des contributions et permet entre autres les contributions d'entreprises et de syndicats.
Les pouvoirs qui me sont conférés relativement à l'adaptation des règles électorales à un contexte référendaire ne me permettent pas de revoir fondamentalement ce régime et d'y importer des règles de financement politique applicables aux élections. Cependant, le Parlement pourrait choisir d'adopter des mesures dans ce sens, dans le cadre d'une révision législative.
Un second aspect qui relève des orientations politiques concerne les peines applicables aux infractions commises à l'occasion d'un référendum. Toutes ces peines sont énoncées dans la Loi référendaire. Or, elles n'ont pas évolué depuis 1992, contrairement à celles applicables à l'égard d'une élection, qui ont fait l'objet d'une révision complète en 2000. Ainsi, pour une infraction similaire, les peines sont différentes selon que l'infraction ait été commise à l'égard d'une élection ou d'un référendum. C'est un autre exemple du manque de synchronisme entre la Loi référendaire et la Loi électorale.
Le troisième aspect concerne le vote des détenus, une question que j'ai évoquée dans ma présentation du 8 octobre dernier. La structure actuelle de la législation ne permet pas aux détenus purgeant une peine de deux ans ou plus de voter à un référendum. Ce manque de cohérence dans le traitement des détenus est consécutif à deux décisions de la Cour suprême du Canada: l'affaire Sauvé, en 2002, où la Cour a jugé inconstitutionnelle l'inhabilité à voter de ces détenus aux termes de la Loi électorale du Canada, ainsi que l'affaire Haig, en 1993, où la Cour a par ailleurs jugé que le droit constitutionnel de voter à une élection ne s'étend pas aux référendums.
Les trois aspects dont je viens de parler soulèvent des questions d'orientations politiques auxquelles il ne m'appartient pas de répondre.
L'adaptation de la Loi électorale du Canada aux fins d'un référendum est un travail de nature essentiellement technique. Comme vous pouvez le constater, ce travail ne permet pas de solutionner la majorité des enjeux décrits aujourd'hui.
C'est pourquoi je crois souhaitable que le Parlement envisage une révision législative. Cette révision pourrait se borner à remédier aux difficultés techniques liées à l'âge de la Loi référendaire. Il me ferait alors plaisir de faire parvenir mes recommandations au comité.
Toutefois, le comité voudrait peut-être entreprendre un examen plus large de la loi et aborder des enjeux d'orientations politiques comme ceux que j'ai décrits ou d'autres que le comité aura identifiés. Il ne m'appartient pas de me prononcer à ce sujet, mais si telle est la volonté du comité, il serait plus utile que je réserve mes recommandations techniques pour une étape ultérieure du processus de révision.
Monsieur le président, ceci conclut ma présentation. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de venir discuter de ce sujet avec les membres du comité. Mes collègues et moi répondrons avec plaisir à vos questions, et soyez assurés que nous tiendrons compte de vos observations sur le règlement proposé avant de le finaliser.
Merci.
J'estime que les parlementaires devraient être en mesure, là encore, d'apporter les changements nécessaires.
Il me semble, en effet, que les parlementaires doivent, eux aussi, pouvoir apporter des changements sur un certain nombre de points, à la fois sur des points techniques — qui, comme vous le disiez tout à l'heure, relèvent effectivement de votre compétence —, mais aussi sur des questions de fond. Je sais que vous hésitez à vous prononcer sur la question, mais je dois dire, à l'intention des membres du comité et aux fins du compte rendu, qu'il me paraît tout à fait nécessaire que le comité procède à la révision de la Loi référendaire, et qu'il vous demande, à vous ainsi qu'à de nombreux autres témoins, de nous faire bénéficier de leurs conseils afin que nous puissions recommander l'adoption des changements qui s'imposent au niveau des orientations mêmes.
Vous disiez tout à l'heure qu'il serait peut-être préférable, dans l'hypothèse où le comité entreprend une étude des dispositions applicables, que vous ne formuliez pas, à son intention, de recommandations d'ordre technique. Je n'y vois cependant aucun problème et, d'après moi, il serait au contraire bon que vous nous fassiez part de vos recommandations sur tous les aspects de la question. Cela nous serait fort utile.
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Merci, monsieur le président.
Merci pour votre présentation, monsieur Mayrand. Je suis persuadé que ça va vous décevoir grandement, mais je n'ai pas de question à vous poser.
Monsieur le président, je pense qu'il est possible de poser une question qui ne s'adresse pas aux témoins. Dans ce cas-ci, c'est au secrétaire parlementaire du leader du gouvernement qu'elle est destinée. J'aimerais savoir si le gouvernement entend proposer une révision législative. En ce qui concerne ce dossier, ça pourrait être l'élément déclencheur de la suite de notre travail. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on se réunisse pour commencer à étudier la question, mais il faudrait savoir dans quel lit couche le gouvernement. Mon commentaire ne vise pas du tout à piéger le gouvernement. Chaque fois que je parle, vous pensez que j'ai des intentions cachées et que je vais sortir un bazooka.
Monsieur Mayrand, au deuxième paragraphe de la page 11 de la version française de votre document, vous dites ceci: « C'est pourquoi je crois souhaitable que le Parlement envisage une révision législative. »
Monsieur le président, si, par votre entremise, M. Lukiwski est en mesure de nous dire si les fonctionnaires et les juristes du Conseil privé ont commencé à rédiger un projet de loi comportant certaines dispositions en ce sens, nous pourrons déterminer si tout ce qui est là est couvert ou si nous voulons apporter des amendements, faire des ajouts. Si ça ne fait pas partie des priorités législatives, il pourrait être pertinent que nous nous chargions d'étudier la loi pour ensuite suggérer des modifications au Parlement.
J'avais deux points à faire valoir.
S'agissant de modèles dont on pourrait s'inspirer, il y a, évidemment, plusieurs provinces canadiennes. Les exemples les plus utiles seraient cependant ceux de pays qui, comme le Canada, ont un régime parlementaire. La Suisse, par exemple, a, en matière de référendum, une histoire à la fois longue et remarquable, mais il y a, entre elle et le Canada, de très sensibles différences, cela étant également vrai des référendums qui ont pu être organisés dans divers États des États-Unis. Je vivais, à une certaine époque, dans l'État de Washington. Il n'était pas rare que, dans cet État, plusieurs référendums aient lieu en même temps. On peut en tirer des enseignements utiles, mais, à mon avis, les meilleurs exemples seraient l'Australie, où la constitution ne peut être modifiée que par référendum — la Loi référendaire s'appliquant d'ailleurs aux seules modifications constitutionnelles et non aux modifications législatives ordinaires — et la Nouvelle-Zélande. D'après moi, ces deux pays sont les mieux à même de nous servir d'exemples. Voilà le premier point que je souhaitais évoquer.
La deuxième chose que je voulais dire au comité est qu'à une certaine époque, alors que je travaillais ici au Parlement, je me souviens qu'il avait été prévu que la Loi référendaire ferait obligatoirement l'objet d'un examen au début de la quatrième année suivant son entrée en vigueur... J'y vois l'exemple même de tout ce qu'on peut reprocher au processus de révision législative. Dans les années 1990, la question a été réglée par le comité en moins d'une minute et je dirais même que la question a été quasiment escamotée au point où ce n'est que quelques années plus tard — je travaillais à l'époque sur la Colline du Parlement — que j'ai constaté qu'elle avait tout de même été évoquée. Il y a donc là une lacune, quelque chose qui aurait dû être fait. Cette obligation de procéder à l'examen des dispositions de la loi, que prévoit le texte même de la loi, a été respectée, mais seulement en théorie, et non en pratique. Or, j'estime que le moment est venu de l'entreprendre.
Et enfin, si nous devons assumer la fonction réglementaire actuellement exercée par le directeur général des élections, une fois cette mesure recommandée, il me semble souhaitable de prévoir que les règlements ne seront pas simplement l'oeuvre du gouvernement, mais qu'avant leur adoption, les projets de règlement seront soumis à l'examen d'un comité.
Il y aurait inversion des rôles, mais si le projet de texte était soumis à l'examen du comité, on pourrait inviter M. Mayrand à comparaître et l'interroger non pas après l'adoption du texte, mais avant. Cela me semble être la bonne manière de procéder. Si notre loi électorale ne comporte pas de règlement d'application, c'est par souci d'éviter qu'il puisse être manipulé par le parti au pouvoir. La question se poserait avec moins d'acuité en ce qui concerne le référendum, mais elle se poserait tout de même. Il serait donc tout à fait souhaitable que l'on puisse, avant l'entrée en vigueur du texte, nous assurer qu'il respecte un certain nombre de critères.
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À présent qu'on a commencé à enfreindre le Règlement, continuons.
C'est intéressant puisqu'on a un petit peu de temps et que cela vaut la peine d'utiliser les connaissances de M. Mayrand pendant qu'il est ici. En même temps, cela donne la chance au comité de discuter de ce sujet. Je parlais plus tôt de ce problème à M. Lukiwski.
Je suis d'accord avec M. Guimond, une grande étude a été faite. Comme je le disais, il ne faut pas faire du travail pour rien sans savoir si le gouvernement est prêt à faire avancer le projet de loi. On a fait une grande étude là-dessus, on a travaillé des mois et des mois, mais il faut se rappeler la raison d'être de cette étude.
Lors de la dernière commission, c'était la première fois au Canada que pareil cas se retrouvait devant la cour, et cette dernière a tranché. Par exemple, dans la circonscription d'Acadie—Bathurst — ceux qui y étaient s'en rappellent peut-être — Élections Canada avait pris un groupe d'électeurs francophones de la région d'Acadie—Bathurst et les avaient transférés dans la région de Miramichi. Les gens ont protesté à haute voix, c'était incroyable. Il y a eu des manifestations, on a envoyé des cartes postales au Président de la Chambre des communes. Il a répondu qu'il ne travaillait pas à Élections Canada. Il y avait eu toutes sortes de choses. De là, la cause s'est rendue devant la cour, qui a jugé qu'il y avait eu violation en raison de la communauté d'intérêts. La communauté d'intérêts veut dire quelque chose, ce ne sont pas que des chiffres. Selon la façon dont la commission voyait cela, s'il y a 80 000 personnes dans une circonscription, sa voisine devrait regrouper à peu près le même nombre de personnes. Aux yeux d'Élections Canada, c'est inacceptable qu'une circonscription compte 86 000 personnes alors qu'une autre en compte 52 000. Alors, on décide de prendre ces gens-là et de les garrocher dans une autre circonscription. C'est à ce moment que la cour a dit qu'il n'y avait aucune communauté d'intérêts entre les deux.
Je vais revenir à ce que je disais. On a fait une étude à ce sujet et soumis des recommandations. C'est une chose, monsieur le président, que j'aimerais qu'on considère de nouveau, parce qu'il y a eu rapport à la Chambre. On pourrait l'ajouter au travail du comité ou bien on pourrait, au comité de direction, envisager de se pencher là-dessus lors de travaux futurs. On devrait commencer à étudier cela à l'avance. M. Mayrand dit que de nouveaux chiffres seront publiés en 2010 et 2011, alors c'est un projet qu'on devrait entreprendre maintenant pour s'assurer d'avoir des règlements. Cela avait mal été, à ce moment-là. Tous les partis politiques étaient unanimes face à ces recommandations.