[Français]
Aujourd'hui, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient sa 31e séance.
[Traduction]
Nous avons parmi nous aujourd'hui une série de témoins du MAECI qui sont venus nous aider dans le cadre de l'étude sur les droits de la personne en Iran que nous menons actuellement. Nos trois invités comprennent Jeffrey McLaren, directeur général par intérim des Affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, et directeur des relations avec le Golfe et le Maghreb. En voilà tout un titre! Il y a également David Angell, directeur général des Organisations internationales et Shawn Caza, directeur adjoint de la Coopération nucléaire et de l'observation
Ils passeront la première heure de la séance avec nous et, ensuite, nous les remercierons d'être venus. Puis, avec la permission du comité, j'aimerais poursuivre la séance à huis clos pour régler deux ou trois questions. Nous avons reçu quelques lettres. Nous avons au moins une motion en suspens, et nous devons réfléchir un peu à nos travaux futurs. Aujourd'hui, nous avons une excellente occasion de le faire, et cela vaut mieux que de convoquer une autre séance dans ce seul but.
Sans plus tarder, je cède la parole à nos témoins. Je crois comprendre que notre greffier vous a déjà expliqué comment nous fonctionnons. Je vais maintenant vous laisser faire votre exposé.
Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est donnée de témoigner devant ce comité aujourd'hui pour discuter de la situation des droits de la personne dans la République islamique d'Iran.
[Français]
Il s'agit d'un sujet de préoccupation grave et permanente pour le ministère des Affaires étrangères. Je suis heureux d'avoir la possibilité de vous faire part de quelques-unes des nombreuses mesures que nous sommes en train de prendre pour la promotion des droits de la personne dans ce pays.
[Traduction]
Comme l'a sollicité le comité, je vais aborder l'évolution des relations entre le Canada et l'Iran; la politique canadienne à l'égard des droits de la personne en Iran, y compris dans le contexte postélectoral; le programme nucléaire de l'Iran; et les agissements de l'Iran dans la région.
[Français]
Les relations entre le Canada et l'Iran sont encadrées par notre politique d'engagement contrôlé depuis 1996. Nous avons institué cette politique en raison de I'opposition du gouvernement iranien au processus de paix au Moyen-Orient, de son soutien aux organisations terroristes, de son programme nucléaire et de ses antécédents au chapitre des droits de la personne. La politique a imposé des restrictions rigoureuses aux contacts avec l'Iran. Par exemple, l'Iran n'est pas autorisé à ouvrir des consulats au Canada, il n'existe aucune liaison aérienne directe entre Ie Canada et l'Iran, et des contrôles sont appliqués à I'exportation de marchandises de nature délicate. Tous les programmes de coopération avec Ie gouvernement iranien ont également été interrompus.
Le 17 mai 2005, Ie Canada a resserré encore davantage sa politique d'engagement contrôlé, quand l'Iran a négligé de s'intéresser au meurtre de la journaliste photographe canadienne Zahra Kazemi. Mme Kazemi avait été arrêtée et tuée plus tard, à la prison d'Evin, par des membres du régime iranien. La décision du Canada de limiter ses contacts avec Ie gouvernement iranien s'articulait autour de trois grands enjeux: le cas de Mme Kazemi et d'autres affaires consulaires, les droits de la personne et le programme nucléaire de l'Iran.
En 2008, nous avons élargi la politique de manière à inclure des questions de sécurité régionale, en raison de nos préoccupations à I'égard du comportement de l'Iran vis-a-vis d'Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, l'Irak et l'Afghanistan. Pour l'avenir, le Canada a explicitement signifié à l'Iran que l'amélioration des relations bilatérales dépendra des progrès qui seront réalisés dans ces domaines.
Comme le démontre notre politique d'engagement contrôlé, le Canada a de sérieuses préoccupations en ce qui a trait à l'état des droits de la personne dans la République islamique d'Iran. Le gouvernement iranien a continuellement violé les droits fondamentaux de la personne de sa propre population en enfreignant et en niant systématiquement les libertés fondamentales. Ces violations comprennent l'exécution de mineurs, la persécution de minorités ethniques et religieuses telles que les Bahá'ís, la suppression des droits de la femme et des restrictions à l'endroit de la presse et de la liberté d'expression.
Comme nous avons tous pu le constater, l'état déjà déplorable des droits de la personne en Iran s'est sensiblement détérioré à la suite de la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, le 12 juin de cette année. Les membres de l'opposition ont crié à la fraude, ce qui a donné lieu à des manifestations massives, et les autorités iraniennes y ont répondu par de violentes mesures de répression et une restriction encore plus forte des droits fondamentaux de la personne. Selon les membres de l'opposition, il y aurait plus de 70 décès. On signale de nombreuses accusations de viol et de torture à l'endroit des protestataires pendant leur séjour en prison, de nouvelles restrictions aux libertés d'expression et d'association, et des cas d'arrestations injustes et sans chefs d'accusation d'Iraniens et de ressortissants étrangers également, dont le journaliste canado-iranien de Newsweek, Maziar Bahari, jusqu'à la semaine dernière.
[Traduction]
La situation postélectorale est extrêmement inquiétante pour le Canada. Notre pays maintient que les allégations concernant les irrégularités des élections présidentielles du 12 juin sont graves et doivent être réglées. Le premier ministre Harper a également effectué deux déclarations condamnant le recours à la violence et à la répression dont les forces de sécurité iraniennes ont fait preuve à l'endroit des protestataires. Le ministre des Affaires étrangères a fait des déclarations de son côté déplorant l'usage de la violence par les forces de sécurité iraniennes et il a lancé un appel à l'Iran lui demandant de respecter à part entière toutes ses obligations à l'égard des droits de la personne, en vertu du droit et en pratique. Il a également demandé avec empressement à l'Iran de mener une enquête rigoureuse et transparente sur les allégations relatives aux élections. Le Canada s'est également joint au G8, le 8 juillet, pour exprimer ses inquiétudes à l'égard des élections.
Le Canada continue à promouvoir l'amélioration de la situation des droits de la personne en Iran, comme par le passé. En plus de mettre en oeuvre et de resserrer notre politique d'engagement contrôlé, notre pays a systématiquement et publiquement critiqué le gouvernement iranien pour son mépris flagrant des droits fondamentaux de la personne. Il y a un mois, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, le ministre des Affaires étrangères et l'ensemble de la délégation canadienne ont boycotté l'allocution du président Ahmadinejad compte tenu de son refus systématique et enflammé de reconnaître l'Holocauste, de son antagonisme et de son hostilité à l'égard du peuple d'Israël et de son profond dédain pour les droits de la personne du peuple iranien.
Le Canada s'est avéré un chef de file dans les forums internationaux. Au cours des six dernières années, le Canada a piloté avec succès des efforts interrégionaux et multinationaux en vue d'adopter une résolution lors de l'Assemblée générale des Nations Unies soulignant l'état déplorable des droits de la personne en Iran. Cette résolution exige que le gouvernement iranien réponde de ses violations systématiques et persistantes des droits de la personne; elle décrit les mesures concrètes que l'Iran doit prendre pour redresser la situation des droits de la personne; elle stimule le débat; et elle oblige l'Iran à rendre compte de ses antécédents. Bien que le gouvernement iranien n'ait aucunement amélioré la situation des droits de la personne depuis ce temps, l'adoption fructueuse de cette résolution transmet néanmoins un message clair, à savoir que la communauté internationale est en train de suivre les événements de près en Iran et que le peuple iranien n'est pas seul dans sa lutte pour ses droits fondamentaux de la personne. Les activistes des droits de la personne nous ont réitéré à plusieurs reprises que cette résolution des Nations Unies était un volet important de leur campagne pour une société plus libre.
Le cas de l'arrestation du journaliste canado-iranien de Newsweek, Maziar Bahari, était un enjeu prioritaire pour le Canada dans le cadre de nos relations actuelles avec l'Iran. Samedi, le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lawrence Cannon, a prononcé la déclaration suivante:
C'est avec un grand soulagement que nous avons accueilli la nouvelle de la mise en liberté de Maziar Bahari de la prison où il était détenu en Iran. Le gouvernement du Canada partage la joie de la famille de M. Bahari, de ses amis, de ses collègues et de ses concitoyens, et espère qu'il pourra bientôt rejoindre son épouse pour la naissance de leur premier enfant.
Je suis très heureux d'informer le comité que, ce matin, M. Bahari a quitté l'Iran et est arrivé à Londres. Au moment même où je vous parle, il est avec son épouse.
Le gouvernement canadien a fait pression sans relâche pour la mise en liberté de M. Bahari depuis son arrestation. Sa situation s'est compliquée du fait de sa double nationalité qui n'est pas reconnue par les autorités iraniennes. Le Canada a recouru à toutes les voies diplomatiques et à tous les moyens à sa disposition pour avoir accès à M. Bahari et le Canada a fait pression pour sa libération et le respect de ces droits juridiques. Le ministre des Affaires étrangères a rencontré son homologue iranien, le 25 août, à Istanbul pour exiger la libération immédiate de M. Bahari et obtenir que le consulat canadien ait accès à lui. Les représentants du ministère des Affaires étrangères ont réitéré ce message une fois de plus lorsqu'ils ont rencontré le chargé d'affaires iranien, le 22 septembre dernier. Le 24 septembre, le ministre Cannon a publié une déclaration conjointe avec son homologue des États-Unis, la secrétaire d'État Hillary Clinton, dans laquelle le Canada et les États-Unis demandaient à l'Iran la résolution favorable de toutes les causes touchant les ressortissants canadiens et américains arrêtés en Iran, y compris celle de M. Bahari. Le Canada continuera de faire pression pour la cause de toutes les personnes qui sont détenues injustement.
Enfin, le gouvernement du Canada condamne les attaques terroristes dans les provinces iraniennes du Sistan et du Baluchistan qui ont eu lieu le 18 octobre. Nous condamnons toute violence pour des raisons politiques et nous espérons que les responsables de ces actes haineux seront mis au jour et traduits en justice.
Le Canada a également de graves préoccupations en ce qui a trait au programme nucléaire de l'Iran. Depuis six ans, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique signale que l'Iran ne respecte pas ses engagements en ce qui a trait à la transparence et à la coopération, particulièrement à l'égard des activités nucléaires non résolues qui risquent d'avoir des dimensions militaires.
Le Canada a été profondément troublé par la révélation d'il y a trois semaines selon laquelle l'Iran est en train de construire une installation d'enrichissement d'uranium secrète depuis plusieurs années. Cette révélation est un nouvel exemple du refus systématique de l'Iran de remplir ses obligations en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et des exigences de l'AIEA, et nous avons demandé à l'AIEA de faire enquête.
Les agissements de l'Iran menacent la stabilité régionale ainsi que la paix et la sécurité internationales. Le Canada espère que les pourparlers continus entre les pays du P5+1, soit les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne, qui ont suivi leur rencontre à Genève le 1er octobre dernier, viseront de façon prioritaire à mettre un terme à la malhonnêteté qui entoure le programme nucléaire iranien et permettront ainsi de rétablir la confiance qui a été sérieusement compromise par le régime iranien.
Dans le cadre de la politique d'engagement contrôlé du Canada et de nos efforts de lutte contre la prolifération, nous avons interrompu la promotion active du commerce avec l'Iran et Exportation et développement Canada a renoncé à entreprendre de nouvelles affaires avec l'Iran. Par ailleurs, le Canada a entièrement respecté ses obligations internationales en vertu des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies 1737, 1747 et 1803, en imposant des sanctions contre l'Iran.
Ces sanctions comprennent notamment: le gel des actifs de personnes et autres entités désignées; l'interdiction d'exporter des articles désignés qui sont sources d'inquiétude sur le plan de la prolifération; l'interdiction d'importer des armes et des articles désignés; l'interdiction de fournir à toute personne en Iran de l'aide technique, des services financiers, des services de courtage et autres services liés aux articles désignés; ainsi qu'une interdiction relative à la propriété, à l'aide financière et à l'investissement en ce qui a trait aux biens désignés.
Enfin, l'Iran est en train de jouer un rôle préoccupant à l'échelle du Moyen-Orient. Les activités de l'Iran dans la région, particulièrement à l'appui d'entités terroristes reconnues telles le Hamas, le Jihad islamique palestinien et le Hezbollah, constituent depuis longtemps de sérieux obstacles à la paix au Moyen-Orient. Le Canada continue de souligner la nécessité que l'Iran soutienne les efforts internationaux de paix et de stabilité dans la région. Le rôle régional de l'Iran est un aspect que le Canada est prêt à discuter avec ses dirigeants dans le cadre de sa politique d'engagement contrôlé.
Je termine mon exposé ici et je vous rends la parole, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Bien que je ne fasse pas partie du comité, ce sujet m'intéresse beaucoup. J'ai quatre questions très brèves.
Premièrement, nous avons parlé d'engagement contrôlé. Pouvez-vous nous expliquer la raison pour laquelle le vice-président de l'Iran est venu au Canada en visite privée plus tôt cette année? Qu'est-ce qui constitue une visite privée dans le cadre d'un engagement contrôlé?
Deuxièmement, pouvez-vous formuler des observations par rapport à la Loi sur la responsabilisation à l'égard de l'Iran qui a été proposée par Irwin Cotler en juin? Nous sommes un des pays signataires de la convention sur le génocide de 1948 qui a été élaborée pour prévenir les génocides et pour punir ceux qui se rendent coupables d'incitation au génocide.
En ce qui concerne les bahá'ís, pouvez-vous faire des remarques à propos de leur situation actuelle, de leur expulsion systématique des établissements d'enseignement, des écoles, des forces armées, etc.?
Pour ce qui est de la Russie, il me semble que toute approche multilatérale adoptée dans cette région pour composer avec les Iraniens est vouée à l'échec à moins que les Russes soient de la partie. Pensez-vous qu'ils vous épauleront dans votre tentative de contrôler le développement nucléaire ou dans votre lutte contre les violations des droits de la personne?
Cela fait beaucoup de questions, mais j'ai pensé qu'il valait mieux les présenter immédiatement.
:
En ce qui a trait à la politique d'engagement contrôlé, le vice-président de l'Iran a présenté une demande de visa pour entrer au Canada. Il respectait les dispositions relatives à l'autorisation de séjour au Canada. Il n'a rencontré aucun membre du gouvernement canadien. Nous avons décidé que, s'il venait au Canada en visite privée, sa visite serait de nature privée. C'était un choix délibéré de notre part sur le plan politique. Il a rempli les conditions d'entrée au Canada comme tout autre citoyen. Il n'y rien dans la politique d'engagement contrôlé qui parle de visas ou qui interdit l'entrée au Canada à des gens qui ont légitimement le droit d'y être admis.
Je reviendrai à votre deuxième question dans un moment.
En ce qui concerne les bahá'ís, le gouvernement s'est engagé depuis longtemps à tenter de protéger cette communauté. Nous entretenons une relation de travail très étroite avec la communauté bahá'íe du Canada. Je crois comprendre qu'ils ont comparu devant le comité plus tôt cette année. Donc, nous travaillons étroitement avec eux.
Leur situation en Iran est probablement aussi grave que celle de n'importe quel groupe identifiable en Iran. Mêmes les Iraniens d’allégeance réformiste qui croient que les politiques de leur pays ont besoin d’être corrigées ont des oeillères à l’égard des bahá'ís. Cela remonte au fait qu’ils sont issus de la foi islamique et qu’ils suivent un nouveau prophète, ce qui va à l’encontre des dogmes de la religion islamique. Cela a fait d’eux une cible particulière en Iran. On les appelle des apostats, et l’on considère qu’ils représentent une menace pour la société islamique.
Comme nous le savons tous, ces préjugés sont absurdes. Ils sont très loyaux, peu importe le pays où ils vivent. Ce sont d’excellents citoyens qui font des études et travaillent dans la collectivité. Ce sont des citoyens modèles tant en Iran qu’au Canada. Donc, c’est une chose dont nous avons toujours essayé de convaincre les autorités iraniennes.
Dans le secteur de l’éducation, on les empêche d’aller à l’université, ce qui est tragique pour les bahá'ís, étant donné qu’ils considèrent l’instruction comme l’un des principes fondamentaux qu’ils doivent observer.
Dans les résolutions sur les droits de la personne que nous avons présentées à l'Assemblée générale des Nations Unies au cours des six dernières années, nous avons toujours fait valoir que l’Iran devrait respecter les droits de ses citoyens bahá'ís. Et, dans les mois et les années à venir, le gouvernement canadien continuera de soulever la question des bahá'ís et de demander qu’on leur accorde les mêmes droits et privilèges qu’à tous les autres citoyens iraniens.
En ce qui concerne le rôle de la Russie, elle participe très activement au P5+1. À trois différentes reprises, elle a appuyé les sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Compte tenu du droit de veto dont elle dispose au Conseil de sécurité, il est essentiel que la communauté internationale élargie collabore avec la Russie. Jusqu’à maintenant, les Russes ont été coopératifs. L’opinion de la Russie diverge parfois de celle des autres membres quant à l’étendue des mesures à prendre mais, à notre avis, elle partage les mêmes inquiétudes que nous avons à propos des ambitions nucléaires à long terme de l’Iran. Le fait est que la Russie ne tient pas du tout à ce que l’Iran développe sa capacité de produire des armes nucléaires.
Il est clair qu’il continuera d’y avoir de nombreuses négociations dans les mois et les années à venir. Nous ne participons pas à la plupart d’entre elles, mais nous croyons comprendre que les membres du P5+1 font preuve d’une grande coopération les uns envers les autres.
Puis-je vous demander de répéter votre question à propos de la Loi sur la responsabilisation à l’égard de l’Iran?
:
Merci, messieurs, d'être venus nous visiter aujourd'hui.
Je veux mentionner publiquement à quel point je suis impressionné par les services que votre ministère assure au nom du Canada. Il nous est très facile de critiquer de temps en temps. Mais j'aimerais simplement rendre hommage à votre ministère car, lorsqu'on considère les dossiers qu'il gère partout dans le monde et qu'on se penche précisément sur l'Iran, on se rend compte de la complexité de cet enjeu.
J'ai un certain nombre de questions.
Premièrement, je trouve qu'Ahmadinejad ressemble parfois à un magicien qui agite une main dans votre champ de vision tandis qu'il vide vos poches de l'autre. On espère presque, parfois, que sa rhétorique d'une méchanceté notoire camoufle autre chose. À mon sens, c'est peut-être le fait qu'ils maltraitent leurs propres citoyens, jusqu'à un certain point, pendant qu'ils attirent l'attention des gens sur quelque chose à l'extérieur de leur pays. J'aimerais bien que vous formuliez des observations à ce sujet, parce que, lorsqu'on examine leurs élections, on se rend compte que c'est le chef suprême qui choisit tous les candidats. Je ne sais pas si nous avons affaire à un chat noir ou à un chat blanc, comme Tommy Douglas avait l'habitude de le dire.
Deuxièmement, j'ai visité Israël récemment. J'y étais il y a à peine un peu plus d'un mois. Nous étions accompagnés par quelques personnes qui avaient fait partie des Forces israéliennes de défense et qui parlaient d'un genre de limite de 30 jours avant qu'Israël prenne des mesures préventives d'une sorte ou d'une autre. J'aimerais vos remarques à ce sujet.
Troisièmement, vous nous avez annoncé de très bonnes nouvelles à propos de la libération de cette personne aujourd'hui. Je vous en remercie. Une de mes premières questions aurait été de savoir si vous aviez du nouveau à nous communiquer à ce sujet.
Ma quatrième question concerne l'influence que l'Iran exerce actuellement. Comment se compare-t-elle à celle d'autres pays comme la Syrie et la Jordanie par rapport au Hezbollah et au Hamas? Se résume-t-elle à une influence financière ou est-elle plus étendue que cela?
J'ai entendu M. Ahmadinejad se faire traiter de pas mal de noms, mais « magicien » n'en fait pas partie. Cependant, je crois qu'il y a un peu de cela.
Dans les premiers temps, je pense que la majeure partie du monde occidental le considérait comme une sorte de bouffon et non comme quelqu'un à prendre au sérieux. Il était également perçu comme quelqu'un qui était dépassé par la situation. Il est beaucoup plus intelligent que l'image publique qu'il projette vers l'occident. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ses menaces mais, parfois, il tente seulement de stimuler son soutien national, et faire des remarques désobligeantes à propos d'Israël est, malheureusement, une bonne façon de renforcer sa crédibilité dans les rues d'Iran et dans certaines parties du monde arabe. Nous devons prendre ses remarques au sérieux, mais nous rappeler également que, parfois, ses paroles sont destinées davantage à son public national. Il sait qu'en disant des choses de ce genre, il mettra l'occident en colère et qu'il aura alors l'air, aux yeux de ses citoyens, de lui tenir tête. Cela fait partie de sa stratégie nationale.
En ce qui concerne Israël, je ne suis pas en mesure de faire des observations sur ce que sa stratégie de défense comprendra . Nous n'avons entendu parler d'aucune approche de 30 jours. Israël a déclaré publiquement qu'il ne cherche pas à attaquer l'Iran; il veut donner au processus diplomatique le temps de faire ses preuves. Rien ne nous porte à croire qu'Israël ne souhaite pas que l'on trouve une solution diplomatique au problème.
L'influence que l'Iran a sur le Hezbollah comparativement aux autres pays... L'Iran est probablement l'allié international le plus important du Hezbollah. Il a été fondé dans les années 1980 avec l'aide du gouvernement iranien. L'Iran est sa principale source de financement et son principal fournisseur d'autres ressources. Je m'aventure un peu hors de mon domaine de compétence, mais nous estimons que le Hezbollah n'est pas simplement un instrument de l'Iran; l'organisation possède son propre programme national et ses propres ressources nationales. Mais l'Iran est certainement son principal partenaire. La Syrie compte également beaucoup pour le Hezbollah. Il est difficile de dire lequel des deux pays joue le rôle le plus important. Je connais mieux l'Iran que la Syrie, alors j'ai tendance à considérer l'Iran comme un partenaire clé. La Jordanie n'est pas l'amie du Hezbollah. Elle est une bonne partenaire pour nous. À notre connaissance, il n'existe aucun lien entre le gouvernement de la Jordanie et le Hezbollah. Honnêtement, nous serions très surpris d'apprendre qu'une telle relation ait déjà existé.
:
Monsieur le président, je vais reprendre ce que j'avais commencé.
La convention de 1948 sur le génocide a la responsabilité de prévenir les génocides et de punir ceux qui se rendent coupables d'incitation au génocide. Relativement à l'incitation, M. Cotler a proposé un projet de loi le 9 juin dernier, la . J'aimerais connaître votre avis là-dessus et ce, par écrit à cause du temps limité dont nous disposons.
L'autre question que j'aimerais vous poser concerne le gel des actifs, un des moyens utilisés pour attirer l'attention du gouvernement et, évidemment, celle des dirigeants iraniens. Quelles mesures prenons-nous par rapport au gel des actifs, tant du gouvernement que des gens d'affaires importants qui investissent leur argent par l'entremise du pays?
Enfin, pour ce qui est du Joundullah, l'Armée d'Allah, avez-vous des observations à faire à ce sujet, compte tenu de la nature délicate de l'insurrection sunnite dans le sud-est?
J'aimerais obtenir les deux premières réponses, si possible, par écrit.
Merci.
:
Tout à fait. Je pourrais parler un peu de la question du délai.
Je crois qu'il est très difficile de déterminer un délai précis; voilà pourquoi, comme l'a dit M. McLaren, il y a beaucoup de désaccord. En effet, les gens établissent un délai selon la question précise qu'ils se posent.
Au bout du compte, pour que l'Iran constitue une menace nucléaire envers Israël ou tout autre pays, trois éléments sont nécessaires. Premièrement, une décision politique doit être prise concernant le développement d'une arme nucléaire; rien ne nous indique que l'Iran a pris une telle décision. C'est un autre point sur lequel nous n'aurons vraisemblablement pas d'information; pour le gouvernement iranien, ce serait un secret d'État de très haut niveau.
Deuxièmement, il faudrait prendre les matières nucléaires existantes pour les transformer en une forme qui soit utilisable en tant qu'arme. À l'heure actuelle, l'Iran dispose de matières qui ont été enrichies à un niveau assez faible. Elles pourraient servir de carburant pour un réacteur. Il faudrait les enrichir à un niveau très élevé dans une des installations qui sont actuellement surveillées par l'AIEA. Pour y arriver, soit que l'Iran ferait l'objet d'une surveillance, soit qu'il mettrait à la porte les inspecteurs de l'AIEA, ce qui sonnerait une alarme importante et, selon nous, entraînerait une intervention immédiate du Conseil de sécurité.
Par ailleurs, l'Iran aurait besoin d'un certain temps pour y arriver. Il y a un grand volume de matières à réenrichir. Il faut plus d'un an pour créer la quantité dont dispose l'Iran, ce qui est théoriquement suffisant pour créer une arme si c'est fait de la bonne manière. Nous estimons qu'il lui faudra environ six mois pour reconfigurer son usine à cette fin, puis six autres mois pour procéder à l'enrichissement; on parle donc d'au moins une année d'activité une fois que l'Iran aura rendu sa décision et révélé ses intentions.
Enfin, l'Iran devrait transformer le matériel en arme. Rien ne prouve qu'il maîtrise la connaissance appropriée pour fabriquer une arme. En théorie, il est facile de créer une bombe nucléaire mais en pratique, c'est très difficile. Il s'agit en fait d'un instrument très précis. Il faudrait prendre le matériel, après la période minimale d'un an que je viens de mentionner, puis le manipuler physiquement. Ce serait encore de nombreux mois de travail, dans l'hypothèse que le travail théorique a déjà été fait en cachette.
Où en est l'Iran avec une partie de la recherche? Voilà le genre d'information que nous essayons d'obtenir conjointement avec l'AIEA. Si l'Iran répond à toutes les questions et s'acquitte de toutes les obligations dans le cadre de sa relation avec l'AIEA, à l'instar d'un pays comme le Canada, il sera tenu de fournir des renseignements suffisants qui révéleront soit qu'il a réalisé certaines de ces expériences et études, auquel cas il prendra un engagement, ou encore qu'il n'a pas suivi cette voie, ce qui nous rassurerait un peu plus. La sécurité étant l'une de nos préoccupations, nous voulons en savoir plus sur la position de l'Iran, mais il lui revient également à être honnête avec l'agence lorsqu'il affirme ne s'intéresser qu'aux aspects civils de l'énergie nucléaire.