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Madame la Présidente, je suis ravi de parler de ce projet de loi, de cette occasion pour le gouvernement et son de faire une autre annonce officielle.
D'emblée, comme l'a fait lundi mon collègue de , je tiens à déclarer à la Chambre que le NPD votera contre cet accord. Je vais résumer mes commentaires avant d'expliquer de façon générale pourquoi il s'agit d'un mauvais projet de loi, un projet de loi qui ne sert pas les intérêts du Canada et encore moins ceux des travailleurs canadiens et des Péruviens ordinaires.
Pour dépeindre le contexte, je vais d'abord mentionner certains des aspects les plus évidents de ce projet de loi. Celui-ci n'offre aucune occasion réelle pour les travailleurs canadiens, aucune occasion de création d'emplois. Je vais revenir un peu plus tard sur le triste bilan dans ce domaine, tant celui du gouvernement conservateur que celui du gouvernement libéral précédent.
Deuxièmement, ce projet de loi reproduit les dispositions du chapitre 11 qui ont causé tellement de difficultés aux municipalités et aux provinces qui voulaient mettent en place des lois ou des mesures visant à améliorer la qualité de vie de leurs citoyens. Qu'il s'agisse des villes ou des provinces, dans tous les cas, le chapitre 11 a entraîné des contestations. Par exemple, la Dow Chemical a récemment contesté l'interdiction des pesticides au Québec et elle menace de contester l'interdiction de pesticides annoncée aujourd'hui en Ontario. Voilà une des raisons pour lesquelles le chapitre 11 est très mauvais.
Je reviendrai là-dessus à l'instant. Cependant, c'est ce que le gouvernement conservateur a choisi de répéter dans l'accord avec le Pérou. Il n'y a aucun gain sur le plan de l'emploi. Les dispositions du chapitre 11 feront du tort dans les deux pays aux gens qui s'efforcent d'améliorer leur qualité de vie. Les multinationales et les grands dirigeants ont essentiellement l'occasion de passer outre ou d'obtenir des indemnisations par rapport à tout ce qui peut avoir une incidence sur leurs bénéfices.
Pour résumer les arguments avant d'entrer dans les détails, je signale qu'il existe dans cet accord une disposition tout à fait semblable à celle qui figure dans l'accord commercial entre le Canada et la Colombie et laisse la porte ouverte à l'assassinat d'un syndicaliste contre versement d'une amende. Voyons cela un peu. Le gouvernement conservateur a tout à fait raté son coup pour ce qui est de la possibilité d'affecter un plus grand nombre d'agents de police sur le terrain au Canada et il a traité les agents de police, franchement, avec un grand manque de respect en refusant de mettre en oeuvre le fonds d'indemnisation pour les agents de la sécurité publique que le Parlement a approuvé; il a systématiquement fait la sourde oreille à toutes les demandes des agents de police; il prétend vouloir agir en matière de criminalité, mais il nous livre un accord commercial qui, pour l'essentiel, avalise l'assassinat de militants pour les droits de la personne et de syndicalistes.
Même si la situation à cet égard est moins problématique au Pérou qu'en Colombie, de telles dispositions n'en restent pas moins scandaleuses. Si les meurtres de syndicalistes se poursuivent, les gouvernements de la Colombie et du Pérou vont essentiellement se verser une amende à eux-mêmes. Pensons-y un instant. En quoi cela est-il conforme aux valeurs canadiennes?
Si le déclarait à la Chambre qu'il abolira les peines criminelles et imposera une amende à tous les assassins, on ne le prendrait pas au sérieux. Les Canadiens n'accepteraient pas cela. Pourtant, c'est exactement ce que le propose le gouvernement par rapport à la problématique du non-respect du droit des travailleurs, surtout en Colombie, mais dans une certaine mesure également au Pérou, puisque l'on s'est également inquiété de certains aspects du droit du travail dans ce pays.
Pour ces trois raisons, le NPD s'oppose à juste titre à ce projet de loi.
Voyons cela dans une perspective plus large. Nous avons là un gouvernement qui s'est inspiré en matière de politiques économiques des vieilles idées libérales qui n'ont pas tenu la route. On peut vraiment dire que les libéraux et les conservateurs sont codépendants. Ils agissent de façon néfaste et inopportune et ne peuvent s'en empêcher.
Cela fait donc 20 ans qu'il n'existe absolument aucune stratégie industrielle visant à créer des produits à valeur ajoutée, pas plus qu'il n'existe de stratégie en matière d'exportation, au sujet de laquelle je reviendrai dans un moment. On s'est plutôt fié énormément à des cérémonies d'inauguration et à des signatures d'accords commerciaux, même si cela nuit aux industries et aux emplois ici, au Canada.
Plus récemment, nous avons vu le gouvernement capituler dans le dossier du bois d'oeuvre, ce qui a coûté 20 000 emplois jusqu'à présent. Non seulement ces pertes d'emplois partout au pays sont-elles dues aux pénalités que le Canada s'est lui-même imposées et auxquelles s'expose tout exportateur canadien de bois d'oeuvre à la frontière, mais ces députés conservateurs demandent en plus aux contribuables de régler la note de leur incapacité à négocier une entente qui aurait été bénéfique pour le Canada.
Il y a eu un arbitrage il y a deux semaines. Les contribuables canadiens devront maintenant verser, avec l'assentiment de tous les députés conservateurs, 58 millions de dollars aux États-Unis, car la clause anti-contournement de cet accord désastreux sur le bois d'oeuvre est si générale que le lobby américain du bois d'oeuvre peut l'invoquer pour presque n'importe quelle raison. Nous avons donc perdu 58 millions de dollars. Les contribuables canadiens doivent maintenant régler la note.
Mais attendez, il reste encore deux jugements d'arbitrage à rendre. Le premier devrait concerner un montant semblable, probablement aux alentours de 60 millions de dollars, et ces députés conservateurs demanderont aux contribuables canadiens de payer pour leur incompétence. Et il y a mieux, car l'autre jugement d'arbitrage pourrait imposer une pénalité de 400 millions de dollars. Cela concerne les producteurs de bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Soit l'ensemble de l'industrie du bois d'oeuvre ferme ses portes, soit les travailleurs de cette industrie se trouvent un deuxième et même un troisième emploi pour que l'industrie puisse rembourser ce montant, soit les contribuables canadiens règlent la note.
Pas un seul député conservateur du Nord de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique ne s'est levé pour dire que les conservateurs ont fait une énorme erreur et que cette disposition d'arbitrage et la contraignante disposition anticontournement constituent une idée affreuse parce qu'elle fait perdre des emplois au Canada et coûte littéralement aux contribuables canadiens des dizaines de millions de dollars. Dans les semaines à venir, ce pourrait être des centaines de millions de dollars. Pas un seul député conservateur n'a admis l'erreur. Pas un seul.
Alors, la capitulation dans le dossier du bois d'oeuvre a soulevé une vague d'opposition qui a déferlé sur tout le pays. Je pense que les conservateurs vont en subir les conséquences lors des prochaines élections.
Mais, il n'y a pas que cela. Après avoir capitulé sur le bois d'oeuvre, ils ont capitulé aussi sur la construction navale et ont proposé un accord avec l'Association européenne de libre-échange qui, à toutes fins utiles, signe l'arrêt de mort de l'industrie de la construction navale au Canada. Ce n'est pas moi qui le dis. Ce sont les représentants de cette industrie dans la région de l'Atlantique et dans la région du Pacifique qui sont venus témoigner devant le comité. Ils lui ont demandé pourquoi le Parlement voulait adopter un projet de loi ayant pour effet d'anéantir l'industrie de la construction navale, sans prendre d'autres mesures.
Le NPD a lu devant la Chambre de nombreuses lettres écrites par des travailleurs des chantiers navals de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse. Nous avons été témoins de l'opposition des travailleurs des chantiers navals du Québec et de Terre-Neuve. En fait, pas un seul acteur patronal ou syndical de l'industrie de la construction navale ne s'est montré favorable à cet accord.
Les conservateurs ont encore une fois réussi à faire adopter un projet de loi avec l'appui de leurs vassaux du Parti libéral. Nous nous retrouvons avec une deuxième capitulation, où nous abandonnons essentiellement nos emplois dans le secteur de la construction navale.
On pourrait rétorquer que, même s'il y a une perte dans certains secteurs, le pays fait des gains dans l'ensemble. Malheureusement, ce qui est tragique, c'est que pas un seul député conservateur n'est prêt à faire ses devoirs et à évaluer comme il faut les ramifications économiques de ce genre de politiques mises en oeuvre par le gouvernement.
Pour être justes envers les conservateurs, avouons tout de même que les libéraux sont à l'origine de nombre de ces politiques et que les conservateurs suivent actuellement la même approche globale qu'eux en matière de commerce extérieur. Nous aurions cru qu'à un moment ou un autre, un député libéral ou conservateur aurait fini par faire ses devoirs et aurait évalué les résultats économiques.
C'est ce qu'a fait le NPD. Statistique Canada nous dit que, au cours des 20 dernières années, avec toutes ces tentatives à peine voilées pour faire valoir une idéologie plutôt que pour formuler une vraie politique économique axée sur l'exportation, la plupart des familles canadiennes gagnent moins qu'avant. Certains conservateurs riront en entendant cela parce qu'ils n'ont pas vraiment regardé les chiffres, mais, si nous demandons à la plupart des Canadiens, ils nous diront qu'ils gagnent moins maintenant qu'il y a cinq ou dix ans et qu'ils travaillent de plus en plus fort.
La productivité a monté en flèche pour les familles de travailleurs canadiens ordinaires. Nous savons que les Canadiens travaillent très fort et qu'ils sont dévoués. Ils aiment leur pays et veulent contribuer à leur collectivité et à leur pays, mais ils ont un gouvernement qui les a simplement poussés de côté. Pendant ce temps, les Canadiens les plus pauvres ont perdu l'équivalent d'environ un mois et demi de revenu par année au cours des 20 dernières années. En d'autres termes, c'est comme s'ils travaillaient 52 semaines par année, mais n'étaient payés que pour 46 semaines. Un mois et demi de revenu s'est tout simplement évaporé, ce qui explique que nous avons maintenant, d'un bout à l'autre du pays, des centaines de milliers de sans-abri qui dorment dans les parcs et dans les rues principales. Nous avons assisté à une érosion complète du revenu des plus pauvres.
Ce phénomène s'est aussi étendu à la classe moyenne. N'importe quelle famille de la classe moyenne pourrait nous dire que, dans les deuxième et troisième catégories de revenus, qui correspondent aux classes moyennes inférieure et supérieure, il y a également eu un recul des revenus de l'ordre d'une semaine à deux semaines, en moyenne. Le revenu réel de ces familles est bien plus bas maintenant qu'il y a 20 ans.
On ne peut nier que nous avons un problème lorsque 80 p. 100 des familles canadiennes gagnent moins maintenant qu'elles ne gagnaient il y a 20 ans. On pourrait s'attendre à ce que certains conservateurs se rendent compte qu'ils ont peut-être fait une erreur en concluant ces accords désastreux. Ils croient peut-être que si le PDG d'une société réussit bien, les petites entreprises, qui sont celles qui paient le salaire des députés conservateurs, finiront par profiter des retombées. On pourrait s'attendre à ce que l'un d'entre eux se soit penché sur la question, mais aucun ne l'a fait, ce qui explique que les collectivités ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Pendant ce temps, les salaires des 20 p. 100 de Canadiens qui touchent les revenus les plus élevés, les avocats et les PDG de sociétés, ont grimpé en flèche. À eux seuls, ils tirent plus de la moitié de tous les revenus au Canada.
On peut se demander ce qui ne va pas quand les politiques nécessaires n'existent pas et que les conservateurs continuent de conclure des ententes de libre-échange qui accordent essentiellement plus de pouvoirs à un petit groupe de gens au détriment de la majorité.
La plupart des familles canadiennes gagnent moins qu'auparavant, même si elles travaillent plus fort que jamais. Pendant ce temps, le nombre d'heures supplémentaires a augmenté du tiers environ. Le Canadien moyen travaille plus longtemps et fait plus d'heures, et il doit souvent occuper deux ou trois emplois à temps partiel parce que les emplois qui permettent de subvenir aux besoins d'une famille ont été donnés à d'autres par les conservateurs, comme les libéraux l'avaient fait avant eux.
Les petites entreprises en souffrent également. Lorsque les conservateurs donnent de l'argent au secteur bancaire, cet argent se retrouve dans les Caraïbes, et, comme nous le savons bien, quand ils donnent de l'argent aux chefs d'entreprise, cet argent se retrouve à Houston, au Texas, ce qui n'aide pas les Canadiens ordinaires. Le grand problème dans tout cela, c'est que le gouvernement n'a aucune stratégie industrielle.
Puis, il y a eu les capitulations, tant dans le secteur du bois d'oeuvre que dans celui de la construction navale. Les Canadiens s'appauvrissent sous les conservateurs, comme c'était le cas sous les libéraux. Cette même approche déficiente les rend codépendants.
Que fait le gouvernement? Il signe ces accords. Quelles sont les conséquences de ces accords commerciaux bilatéraux? Dans pratiquement tous les cas, nos exportations ont en réalité diminué. On pourrait s'attendre à ce que quelqu'un au sein du caucus conservateur ou libéral prennne connaissance de ces chiffres et y voie une tendance inquiétante. Lorsque le Canada signe des accords bilatéraux avec le Costa Rica et avec le Chili et que les exportations du pays diminuent, quelqu'un doit bien se rendre compte qu'il y a un problème fondamental et que notre approche ne fonctionne peut-être pas.
En fait, pas un seul député conservateur ou libéral ne s'est donné la peine de regarder les chiffres sur les exportations. Après avoir signé ces accords boiteux et consenti ces sacrifices, pas un seul député n'a même vérifié si les exportations avaient augmenté. Les exportations ont diminué. Nous avons déjà parlé de la chute du revenu réel. En signant des accords bilatéraux, nous consentons en réalité à ce que les exportations diminuent. Pas besoin d'avoir la tête à Papineau pour comprendre cela. Si nos exportations diminuent et si le revenu réel chute, peut-être est-ce parce que notre approche ou notre stratégie ne fonctionne pas.
Le NPD continuera de faire son travail à la Chambre, et c'est grâce à son travail que notre parti ne cesse de gagner en popularité et qu'il déborde maintenant sur les deux côtés de la Chambre. Notre électorat ne cesse de s'élargir en raison de l'arrogance dont fait preuve le gouvernement conservateur.
Qu'est-ce qui fonctionne dans d'autres pays? Les investissements effectués dans la promotion des marchandises destinées à l'exportation sont un très bon exemple. L'Australie dépense 500 millions de dollars pour faciliter la promotion de marchandises australiennes à valeur ajoutée. L'économie australienne est orientée vers l'exportation, mais l'exportation de marchandises à valeur ajoutée. L'Australie n'exporte pas ces grumes non transformées que les conservateurs se plaisent à expédier de l'autre côté de la frontière; ces grumes canadiennes créent des emplois aux États-Unis. En fait, l'Australie assure la promotion de marchandises à valeur ajoutée et le fait de façon musclée avec des mesures concrètes.
Voici un autre exemple. L'Union européenne, comme le savent les membres du Comité du commerce international, dépense 125 millions de dollars pour appuyer la promotion de ses vins à l'exportation seulement. D'un côté, nous avons l'Australie, de l'autre, l'Union européenne. Les États-Unis appuient aussi vigoureusement leurs exportations.
Que fait le Canada? Que font les conservateurs? Nous venons de découvrir il y a juste deux semaines combien ils investissent dans le cas du marché américain, qui accueille plus de 80 p. 100 de nos exportations. C'est la part du lion en ce qui concerne l'aide à l'exportation que le gouvernement fournit. Que sont 500 millions de dollars pour le Canada, qui a une économie plus vaste que celle de l'Australie, par rapport à 80 p. 100 de nos exportations? Non, ce n'était pas cela. S'agissait-il de 400 millions de dollars, ce qui est certainement moins mais qui est sans aucun doute représentatif d'une approche musclée? Non, ce n'était pas ce montant. Pas un conservateur n'a pu répondre à cette question, même si, je l'espère vraiment, certains d'entre eux au comité écoutaient vraiment. Il ne s'agissait pas de 300 millions de dollars, ni de 200 millions, ni de 125 millions, ce qui correspond à ce que l'Union européenne investit dans l'aide à la promotion de produits, et ce, pour une seule industrie. Il ne s'agissait même pas de 100 millions de dollars.
Les gens qui écoutent les débats de la Chambre des communes sur CPAC parce qu'ils ont perdu leur emploi en raison du comportement bête et irresponsable du gouvernement conservateur se demanderont si celui-ci a investi 90 millions de dollars. Eh non. Il n'a même pas investi 80, 75, 60 ou 50 millions de dollars. Jusqu'où peut-on descendre? Parle-t-on de 40 millions de dollars, de 30, de 20, de 10, de 5 ou même de 4 millions de dollars? Eh non. Incroyablement, le gouvernement conservateur, qui dit vouloir renforcer notre industrie de l'exportation dans tout le marché américain, là où plus de 80 p. 100 de nos produits sont exportés, dépense 3,4 millions de dollars pour appuyer la promotion de nos produits.
Qu'est-ce qui ne va pas ici? Nos revenus et nos exportations sont en chute libre et nous accusons le plus gros déficit commercial en plus de 30 ans. Pendant ce temps, le gouvernement conservateur donne des milliards de dollars aux banques sans broncher. Il distribue l'argent par pelletées. Chaque fois qu'une banque demande de l'argent, les conservateurs obéissent. Les banques peuvent exiger les taux d'intérêt qu'elles veulent pour leurs cartes de crédit, car les conservateurs n'en ont rien à cirer.
Pour l'ensemble du marché américain, nous avons dépensé 3,4 millions de dollars. C'est absurde. Lorsqu'on regarde l'accord Canada-Pérou, on réalise l'absurdité de l'approche du gouvernement. Ce qui l'intéresse, c'est de couper des rubans et de signer des accords qui, en vertu des dispositions du chapitre 11, empêcheraient les gouvernements locaux et régionaux de prendre de bonnes décisions environnementales. On n'offre aucune protection aux travailleurs et aucun plan d'exportation.
Pour toutes ces raisons, le NPD est d'avis que cette approche est un échec total. Les Canadiens réalisent de plus en plus à quel point le gouvernement a échoué.
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Madame la Présidente, cela me fait plaisir de prendre part à ce débat sur la .
D'emblée, je vous dirais que le Bloc québécois sera opposé à cette loi de mise en oeuvre parce qu'elle ne répond pas à un certain nombre d'objectifs et de leçons que nous avons tirées des accords de libre-échange précédents. Il est important de souligner que le Bloc québécois est un parti ouvert aux échanges internationaux, comme l'est d'ailleurs la nation québécoise. Nous sommes une nation commerçante comme la nation canadienne. L'étroitesse du marché québécois, comme l'étroitesse du marché canadien, nous encourage d'ailleurs à être des promoteurs de l'ouverture des marchés, mais, évidemment, pas à n'importe quelle condition. C'est particulièrement le cas lorsque la qualité de vie de nos concitoyens est en cause, de même que lorsqu'une situation d'exploitation peut découler d'une entente commerciale de libre-échange entre un pays développé comme le Canada et un pays en voie de développement, comme le Pérou.
Nous avons une responsabilité, en termes de solidarité nationale dans le cas du Québec, pancanadienne dans le cas du Canada, mais aussi une solidarité internationale qui consiste à dénoncer des accords allant à l'encontre des droits des travailleurs, des droits environnementaux, des droits de l'avenir et, finalement, de la souveraineté de nos différents pays. Comme on le sait, nous travaillons à ce que le Québec devienne un pays souverain, à ce qu'il ait sa place sur la scène internationale. Chaque fois que le Bloc québécois est intervenu dans des débats comme celui-ci, nous nous sommes situés pour voir quels seraient les intérêts d'un Québec-nation, d'un Québec-pays dans un débat tel que celui qui se fait actuellement à la Chambre des communes.
Il nous semble très clair que, contrairement à d'autres accords, celui-ci ne rencontre pas les objectifs que nous visons. Il est à la fois dangereux sur le plan de la stratégie commerciale internationale, mais il est dangereux aussi quant à la capacité des États de maintenir leur souveraineté, de même que pour le droit des travailleurs et des travailleuses et de l'environnement. Cela est particulièrement vrai au Pérou, mais ce l'est probablement aussi au Québec et au Canada. Étant donné la situation de vulnérabilité plus grande de l'économie péruvienne, c'est d'abord le Pérou qui risque de subir les conséquences d'un certain nombre d'absences d'accords dans l'entente, ou encore, carrément de la présence de certaines dispositions.
D'abord, globalement, nous n'endossons pas cette stratégie qui vise à ce que le Canada ait des ententes bilatérales avec des pays en voie de développement, comme le Pérou. C'est le cas aussi pour la Colombie. Toutefois, dans le cas de la Colombie, les raisons sont encore plus évidentes. Les violations des droits humains et des droits syndicaux y sont absolument évidentes. Manifestement, si le Canada signait un accord de ce type et si la Chambre adoptait la loi de mise en oeuvre, on deviendrait carrément complices d'une situation d'atteinte aux droits fondamentaux. Donc, pour la Colombie, le débat est très clair.
Pour le Pérou, il est évident que la situation des droits n'est pas tout à fait la même, mais il demeure quand même qu'il y a des problèmes sérieux, particulièrement dans le secteur minier. Un certain nombre de compagnies, canadiennes et étrangères, sont souvent accusées, parfois peut-être à tort, mais souvent avec raison, d'adopter des attitudes extrêmement autoritaires envers les communautés où elles s'installent et envers les travailleurs et les travailleuses qu'elles emploient. En ce sens, nous croyons que cet accord n'est pas du tout dans l'intérêt des deux parties et n'aurait pas été dans l'intérêt d'un Québec souverain.
Nous devrions privilégier davantage une approche multilatérale. C'est d'ailleurs ce que nous avons toujours mis de l'avant et c'est ce que le Canada, pendant un certain temps, a également fait. Après la Deuxième Guerre mondiale, on a vu la mise en place du GATT, qui est devenu plus tard le GATT-OMC.
Un certain nombre d'avancées se sont faites au plan commercial qui étaient dans l'intérêt de toutes les parties prenantes à cette entente du GATT, devenue le GATT-OMC en 1994. La preuve en est que le nombre de pays qui y ont adhéré a toujours été en croissance et des avancées importantes ont été faites en termes d'ouverture. Les règles étaient bien connues.
Globalement, on peut dire que malgré les ajustements que l'ouverture des frontières amène nécessairement dans des économies locales, régionales ou nationales, au bout du compte, l'ensemble des participants à cette entente OMC-GATT jusqu'en 1994 a pu bénéficier de cette ouverture des marchés.
Un certain nombre d'accords sont arrivés, dont l'Accord de libre-échange nord-américain qui est venu changer la donne complètement. D'ailleurs, il est assez intéressant de voir que dans le cas de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, un certain nombre de dispositions, en particulier concernant les investissements, n'existaient pas. J'imagine que pour les gouvernements canadien et américain, on avait affaire à des États où l'État de droit était reconnu, consolidé. Par conséquent, on n'avait pas besoin de dispositions particulièrement novatrices sur le plan de la protection des investissements par exemple. Il y a toujours eu dans tous les accords commerciaux des accords de protection des investissements, des accords bilatéraux et multilatéraux. C'est tout à fait normal, mais ces accords passaient par un mode de règlement des différends où les États sont les représentants des compagnies qui sont en cause, comme c'est le cas à l'OMC.
Je vous donne un exemple, celui du conflit commercial entre Bombardier et Embraer. Bombardier est une compagnie québécoise défendue encore par le gouvernement canadien, tant que nous ferons partie de cet espace politique. Embraer est défendue par l'État brésilien. Chacun de ces États fait ses représentations devant le tribunal d'arbitrage à l'OMC. Un certain nombre de décisions se prennent. Toutefois, d'aucune manière Bombardier ou Embraer ne pourrait amener devant un tribunal d'arbitrage de l'OMC un des deux pays parce qu'il n'est pas content de la réglementation ou de la politique adoptée, ou avec certaines mesures prises dans le secteur de l'aéronautique.
C'était la règle. L'accord de libre-échange États-Unis—Canada reprenait cette approche. Quand le Mexique s'est ajouté à cet accord autour de 1994 — les négociations avaient commencé après 1989 —, on a vu apparaître une disposition au chapitre 11 sur les investissements qui permettait à des entreprises privées qui se considéraient lésées par un État de poursuivre directement, devant des tribunaux d'arbitrage spécialement constitués, l'État qu'elles considéraient être fautif. On a vu des compagnies américaines poursuivre le gouvernement canadien. Cela s'est vu au plan environnemental. Cela s'est vu dans des services publics. On a vu des compagnies multinationales étatsuniennes intenter des poursuites devant des tribunaux et parfois même gagner. Cela a été le cas de Metalclad contre des gouvernements régionaux au Mexique.
On a complètement modifié l'économie générale, la façon de faire dans les accords et c'était tout à fait novateur dans le cas de l'ALENA. Il ne faut pas se cacher que ces dispositions ont été introduites par les États-Unis, mais avec la complicité du Canada parce qu'on considérait que le Mexique n'était pas un État de droit totalement solide, totalement réel. On a donc créé une disposition particulière pour s'assurer qu'au Mexique, l'entreprise qui se verrait nationalisée aurait une compensation qui soit comparable à la réalité de la valeur de cette entreprise. Il faut bien l'avouer, il y a eu là une tradition de nationalisation dans les années 1930, 1940 et 1950 assez forte.
Lorsqu'on a fait cet accord, on aurait d'abord dû s'assurer que l'État de droit au Mexique soit à un niveau suffisamment élevé pour que non seulement les investissements étrangers, mais l'ensemble de la société mexicaine soient dans une situation où l'État de droit est respecté.
Mais on a créé une petite case particulière qui met les entreprises multinationales à l'abri de la faiblesse de la réalité de l'État de droit mexicain. Le Mexique a beaucoup évolué depuis 1994, mais la disposition concernant le chapitre 11 et la protection des investissements étrangers est restée.
Plus grave encore, au début des années 1990, en même temps que se négociait l'Accord de libre-échange nord-américain, se discutait l'Accord multilatéral sur l'investissement à l'OCDE, soit l'AMI, qui n'avait d'ami que le nom car il s'agissait de la généralisation du chapitre 11 à l'échelle de l'OCDE. C'était évidemment une façon, pour les pays industrialisés, d'imposer cette vision dans le cadre de l'OMC et du GATT pour s'assurer, dans la phase de négociation future, une mesure de protection des investissements étrangers à l'image de ce qui existait dans l'ALENA.
Malheureusement pour cette stratégie, la France s'est aperçue des dangers de cette façon de protéger les investissements étrangers. Le gouvernement français a donc refusé de donner son accord à cet AMI. Il a vu les dangers que représentait l'équivalent à l'OCDE du chapitre 11 de l'ALENA. De la part des pays européens, ainsi que d'autres pays, il y a donc eu une fin de non recevoir.
Les mesures de protection des investissements existantes sont prévues depuis longtemps à l'OCDE. On les retrouvait d'ailleurs dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et dans celui dont on a discuté il y a à peine quelques semaines en cette Chambre, l'accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange, où l'on retrouve les pays scandinaves et quelques autres pays du continent européen. Le Bloc québécois a donc considéré, même si ce n'est pas la stratégie qu'il privilégie, que cet accord, qui ne contient pas les dispositions du chapitre 11, pouvait être profitable pour les deux parties, aussi bien pour le Canada et le Québec, d'une part, que pour l'Association européenne de libre-échange, d'autre part.
Les dispositions prévues pour la protection des investissements sont d'une nature particulière pour les pays développés, où l'on pense que l'État de droit est suffisamment fort pour s'assurer que les règlements en cas de litige seront équitables et qu'ils se feront selon des processus qui respecteront les règles de la justice. Cependant, quand il s'agit de pays du Sud comme le Pérou, la Colombie, le Costa Rica, la Corée ou le Chili, on n'en est pas aussi sûr. On crée donc une disposition particulière calquée sur le chapitre 11.
On ne peut pas accepter cela. S'il est bon pour les investisseurs étrangers d'avoir droit à l'État de droit, c'est aussi bon pour les sociétés qui reçoivent ces investissements. On n'accepte pas ces deux poids, deux mesures où les entreprises multinationales auraient non seulement des privilèges par rapport à l'ensemble de la société qui les accueille, mais aussi la possibilité de poursuivre directement, devant des tribunaux spéciaux, les États nationaux des sociétés qui les reçoivent.
C'est la seconde raison qui nous amène à rejeter l'accord de libre-échange avec le Pérou. La première raison concerne l'approche des accords bilatéraux Canada-Pérou, Canada-Chili, Canada-Colombie, Canada-Costa Rica et Canada-Israël. Ce dernier a été le deuxième accord de libre-échange signé par le Canada, ce qui est d'ailleurs un peu étrange sur le plan économique bien que cela s'explique mieux sur le plan politique.
Toujours est-il que cette approche bilatérale s'est substituée à l'approche multilatérale quand le projet de Zone de libre-échange des Amériques a connu une fin de non recevoir de plusieurs pays d'Amérique du Sud. Ce projet était basé sur des principes qu'on qualifie maintenant de néo-libéraux ou d'ultra-libéraux car ils donnaient des avantages au capital par rapport aux sociétés qui les recevaient, aux États de ces sociétés et aux populations qui se trouvaient dans ces pays.
Je me rappelle très bien des débats que nous avons eus en cette Chambre lorsqu'il y a eu le Sommet des Amériques de Québec. À l'époque, ce n'était pas les conservateurs, mais les libéraux qui étaient au pouvoir. La sauce était à peu près identique, soit une pincée de poivre dans un cas et une pincée de sel dans l'autre. Dans les deux cas, c'était une sauce indigeste.
Il y a donc eu des débats ici, et le gouvernement faisait la promotion d'une zone de libre-échange avec laquelle nous étions d'accord en principe, mais qui était aussi calquée sur les principes de l'ALENA et de ce qu'on avait tenté de faire à l'OCDE avec l'AMI.
Je comprends très bien que le MERCOSUR, la zone de libre-échange sud-américaine, et un certain nombre d'autres pays aient refusé la proposition de l'Amérique du Nord — enfin, pas de l'Amérique de Nord parce que le Mexique en fait partie —, mais essentiellement des États-Unis et du Canada. Nous nous sommes donc retrouvés devant un échec.
Or, devant cet échec et devant l'échec à l'OMC, les États-Unis et un certain nombre de pays industrialisés — je pense par exemple à l'Australie, à la Grande-Bretagne et au Canada — ont tenté d'imposer ce modèle mais, encore une fois, il y a eu une levée de boucliers. Au Sommet de Seattle, des pays du Sud ont dit qu'ils étaient favorables à une stratégie d'ouverture des marchés, mais pas sur les bases qu'on leur proposait, soit l'ultra-libéralisme et le néo-libéralisme qui ont mené à la crise financière qu'on connaît actuellement. Heureusement que ces gens se sont levés!
Ils ne sont pas les seuls à l'avoir fait, je dois le reconnaître. En effet, dans toutes nos sociétés industrialisées, une bonne partie de la population s'est aussi insurgée contre ce modèle d'ouverture des marchés, à tel point que même le mot « libre-échange » est maintenant, pour beaucoup de gens, chargé d'une connotation très lourde. On en a eu un exemple avec l'interlocuteur précédent. Ce mot ne peut même plus être énoncé, même si au fond, tous s'accordent à dire, à quelques exceptions près, qu'il est dans l'intérêt des nations de s'ouvrir mutuellement aux échanges commerciaux et aux échanges de capitaux.
Mais la douche a été tellement froide, du début des années 1990 jusqu'au milieu des années 2000, que maintenant, partout dans le monde, il y a un reflux. Les populations se rebiffent à toute forme d'ouverture des marchés. Je n'utilise plus le mot « libéralisation » parce que je suis sûr que ce mot ne fait plus partie du vocabulaire acceptable pour une bonne partie de la population.
J'ai encore un autre exemple. Le du Canada n'a pas compris la leçon, alors que le président américain et un certain nombre de chefs d'États européens l'ont comprise. Ces derniers parlent maintenant d'une refonte du capitalisme. Au Sommet des Amériques à Trinité-et-Tobago, le premier ministre a fait comme si rien n'avait changé et qu'il n'y avait pas eu de crise financière, et il a proposé une zone de libre-échange. Je crois que c'était ne pas comprendre exactement sur quel terrain il se situait et ne pas comprendre que le Brésil s'est développé. C'était ne pas comprendre que le Venezuela partage une richesse avec le Canada, le pétrole. On peut aimer ou non la direction de ce développement, mais ces gens, avec l'appui de l'Inde et de la Chine, ont maintenant leur mot à dire sur les bases de négociation.
Le Canada s'est donc replié, comme les États-Unis sous le président Bush. On ne s'est pas replié pour se résigner, on s'est replié pour essayer de multiplier les accords bilatéraux, pour employer la stratégie de Mao Tsé-toung à l'époque: encercler les villes par les campagnes.
Une fois qu'on aura conclu une série d'accords de libre-échange avec de petits pays vulnérables, on essaiera d'imposer cela aux pays du Sud qui sont les marchés que visent les pays en développement. Nous ne pouvons pas cautionner cela, à la fois par solidarité internationale et par intérêt national, et je parle ici du Québec.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans l'accord qui ferait notre affaire, la protection des investissements ne donnerait pas plus de droits aux entreprises multinationales qu'aux simples citoyens et qu'aux entreprises nationales. Ces dernières protègent le droit des États de travailler pour le bien de leur population. L'accord qui nous satisferait contiendrait, ce qui est extrêmement important, de véritables accords sur le respect des droits syndicaux, des droits du travail et des droits environnementaux. Nous ne voulons pas d'accords parallèles comme on en retrouve actuellement dans les accords avec le Pérou, le Chili ou le Costa-Rica.
Pour toutes ces raisons, malheureusement, cet accord n'est pas acceptable aux yeux du Bloc québécois. Je crois qu'il n'est pas acceptable pour les populations québécoise et canadienne, et encore moins pour la population du Pérou. C'est lui rendre service que de voter contre cette loi de mise en oeuvre.