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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 031 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à tous, cet après-midi, à la séance numéro 31 du Comité permanent des anciens combattants. Conformément à l'article 102(8) du Règlement, nous poursuivons notre étude du stress relié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et leurs familles.
    Notre témoin pour la première heure est Don Richardson, psychiatre consultant, Parkwood Operational Stress Injury Clinic.
    Bienvenue, monsieur Richardson. La parole est à vous, monsieur.
    Généralement, quand on me demande de présenter un mémoire, c'est sur PowerPoint et je suppose donc que vous ne voulez pas un long exposé. Il sera relativement court, ce qui laissera peut-être plus de temps pour les questions et la discussion.
    Ce serait une bonne chose.
    Je vous ai fait parvenir à l'avance quelques articles publiés portant sur les anciens combattants et les militaires canadiens. Je crois que certains d'entre eux sont en cours de traduction. Je vais simplement passer en revue quelques faits saillants, après quoi je serai prêt à répondre aux questions.
     Comme vous le savez sans doute, Statistique Canada a fait une enquête, en 2002, l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, dont un supplément portait sur les militaires en exercice. L'étude réalisée par Jitender Sareen et publiée dans les Archives of General Psychiatry, en 2007, est sans doute la plus détaillée qui ait été réalisée sur cette enquête. L'incidence d'un trouble mental quelconque au cours d'une année s'élevait à environ 15 p. 100. Pour ce qui est des cas de dépression grave, le chiffre était de 6,9 p. 100; pour le trouble de stress post-traumatique ou TSPT, d'environ 2,3 p. 100 et pour l'alcoolisme, de 4,8 p. 100.
    L'analyse a fait ressortir que la plupart des personnes qui présentent un des critères du diagnostic de troubles mentaux n'avaient pas recours aux services de santé mentale. De plus, le déploiement dans un théâtre d'opérations de combat et le fait d'avoir été témoin d'atrocités étaient associés à une plus forte incidence de troubles mentaux.
    Parmi les autres études publiées concernant le TSPT, il y en a une qui portait sur un échantillon d'anciens combattants canadiens présentant un état pathologique. Selon cette étude, le taux de prévalence du TSPT était d'environ 10 p. 100. Dans un échantillon de militaires américains déployés en Iraq et en Afghanistan, la prévalence du TSPT a été estimée entre 11 p. 100 et 17 p. 100. Chez les militaires du Royaume-Uni, le taux était de 4,8 p. 100. Comme vous le savez, il y a d'importantes variations.
    L'autre chose à signaler en ce qui concerne le TSPT relié au combat et les autres maladies psychiatriques est qu'il y a des niveaux élevés de comorbidité. Quand nous posons des questions sur la comorbidité, c'est parce que si vous présentez une forme de trouble comme le TSPT, vous risquez d'avoir d'autres troubles. Les comorbidités les plus fréquentes sont la dépression majeure et ensuite la toxicomanie et la douleur chronique, ainsi que d'autres conditions physiques.
    Les nombreuses études qui ont été faites indiquent toutefois que, même si le TSPT est souvent très débilitant, si vous appliquez les lignes directrices établies ou la pratique fondée sur l'expérience clinique, il est possible d'obtenir des taux de rémission de 30 p. 100 à 50 p. 100.
    Je pense que je vais m'arrêter là, si vous le voulez bien.
(1535)
    C'est Mme Duncan qui posera la première question.
    Merci, monsieur le président, et je vous remercie d'être venu, docteur Richardson.
    Ce que j'essaie d'obtenir de vous aujourd'hui, ce sont vos recommandations. Nous avons entendu dire que nos militaires font l'objet d'un dépistage des troubles mentaux environ six mois après leur déploiement. Je voudrais savoir si vous pensez que c'est suffisant. Je voudrais savoir aussi si, à votre avis, il y a différentes façons de faire ce dépistage. Par exemple, aux États-Unis, les soldats font leur auto-dépistage, mais cela ne peut pas être offert seul. Il faut que ce soit accompagné d'un traitement.
    Ma première question est la suivante: comment pouvons-nous mieux aider nos militaires à obtenir des soins de santé mentale pendant qu'ils sont en exercice?
    Il a été démontré, je pense, qu'un dépistage périodique régulier donne généralement de meilleurs résultats, car si vous subissez votre visite médicale régulière et qu'on en profite pour faire ce dépistage, ce n'est pas forcément suite à un déploiement… Un soldat qui revient de mission, par exemple, peut minimiser ses symptômes ou ne pas en avoir conscience alors que si le dépistage est répété régulièrement dans le cadre de la visite médicale générale, cela…
    Selon quelle fréquence recommandez-vous de faire un dépistage?
    Je ne suis pas certain de la fréquence habituelle du dépistage. Il ne faudrait pas que ce soit trop fréquent, mais je suppose qu'en général les militaires font l'objet d'une visite médicale périodique au moins une fois par an.
    Pensez-vous qu'il serait utile de disposer de l'auto-dépistage, comme aux États-Unis?
    Si vous prenez le concept d'ouverture, autrement dit, si vous avez la possibilité de faire votre auto-dépistage en ligne, car c'est offert aussi aux Canadiens — vous répondez à toutes sortes de questions d'auto-dépistage — cela vous informe généralement, à la fin, que si vous avez obtenu un certain nombre de points, vous devez consulter votre médecin.
    Vous avez dit que les statistiques étaient variables. Quel est le pays qui a les statistiques les plus basses et que fait-il?
    Vous parlez du plus bas taux de…
    Oui.
    Si nous prenons les données qui ont été présentées, cela dépend vraiment de la façon dont l'enquête a été menée…
    Cela dépend de la façon dont les données ont été recueillies. Très bien.
    … et de la façon dont les données ont été recueillies. Il est donc très difficile de tirer une conclusion. Si une population a un taux plus faible, il est très difficile d'en conclure que ce pays fait les choses différemment sans savoir exactement comment les données ont été recueillies.
    Également, la durée des déploiements diffère d'un pays à l'autre. Par exemple, les déploiements américains sont généralement plus longs que les déploiements canadiens et il y a donc d'autres facteurs qui interviennent.
    Pouvez-vous parler des services de transition? Quand les gens quittent le service, comment veillons-nous à ce qu'ils soient suivis et à ce qu'ils aient accès à un dépistage? Comment nous assurer qu'ils sont suivis par un gestionnaire de cas?
    Que recommanderiez-vous pour que ces personnes obtiennent le traitement nécessaire et le suivi dont elles ont besoin? À ce propos, vous pourriez peut-être parler aussi des toxicomanies.
    Pour que ce soit bien clair, parlez-vous de la transition lorsque le soldat quitte l'armée…
(1540)
    Oui.
    … ou lorsqu'il revient d'un déploiement?
    Non, je veux dire la transition après avoir quitté le service.
    Quand un militaire quitte l'armée et devient un civil, je pense qu'il s'agit d'assurer la continuité des soins. Des services de transition sont disponibles si la personne a déjà fait état de ses difficultés. Je suppose qu'il est alors facile pour les Anciens combattants de prendre en charge ce patient, étant donné qu'il s'est déjà fait connaître.
    Ceux qui sont libérés et qui n'ont pas encore reconnu leurs troubles psychiatriques, ou chez qui ces troubles n'ont pas encore été décelés, font partie des patients des médecins de famille du Canada, si bien que…
    C'est là où je veux en venir.
    Il faudrait notamment que les grands organismes comme l'Association des psychiatres du Canada et l'Association canadienne pour la santé mentale conseillent aux fournisseurs de soins primaires, que ce soit les médecins et infirmières ou les services d'urgence, de chercher activement à dépister les maladies reliées à des traumatismes, y compris la dépression, et à poser simplement la question suivante: « Avez-vous déjà servi dans l'armée? ». Cela pourrait amener un ex-militaire à parler d'une expérience qui a été difficile pour lui.
    Pensez-vous que Santé Canada ou les IRSC ont un rôle à jouer en parlant avec Anciens combattants Canada pour attirer son attention sur cette question?
    Je crois qu'il est toujours souhaitable que le plus grand nombre possible de partenaires et de gens parlent de la santé mentale.
    En tant que psychiatre qui soigne des gens souffrant de problèmes de santé mentale, quelles sont les trois principales choses que vous demanderiez au gouvernement pour améliorer les services?
    C'est une bonne question. Personne ne m'a jamais demandé de dresser une liste de souhaits.
    Le problème est l'accès aux services et la difficulté de coordonner les soins de santé entre les soins primaires et les spécialistes. Au Canada, la majorité des gens reçoivent des services de santé mentale de leur médecin de famille. En tant que spécialistes, en tant que psychiatres, nous intervenons après et il s'agit donc en partie d'éduquer les médecins et les infirmières de premier recours au sujet des effets des troubles mentaux et de la façon d'en faire le dépistage. C'est la première chose.
    La deuxième est qu'il faut éduquer le public, presque de la même façon que pour lancer une campagne contre les préjugés. Il faut faire savoir aux gens que s'ils ont des difficultés, s'ils souffrent de dépression ou du TSPT, ils peuvent dire qu'ils ont un problème et il faut alors les informer qu'un traitement est disponible.
    S'il y a…
    Nous devons passer au suivant. Vous aurez peut-être une autre occasion.
    Allez-y, monsieur Vincent, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Richardson. Depuis combien d'années êtes-vous consultant auprès des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    J'ai commencé à travailler pour la Défense nationale en 1996. En 2000, j'ai déménagé dans le sud de l'Ontario et en 2003, j'ai commencé à travailler avec la Parkwood Operational Stress Injury Clinic. Cela fait donc plus de 10 ans.

[Français]

    Au cours de vos années de pratique, avez-vous eu à rencontrer des anciens combattants ou des membres des Forces armées canadiennes, dans le cadre de traitements?

[Traduction]

    Ai-je…?

[Français]

    Avez-vous déjà vous-même fait le suivi médical de gens présentant des symptômes de stress post-traumatique?

[Traduction]

    Oui. Pour le moment, ma clientèle est entièrement constituée d'ex-militaires, de membres des Forces canadiennes actuellement en exercice ou de membres de la GRC admissibles.

[Français]

    Dans l'exercice de vos fonctions, lorsqu'un ancien combattant ou un membre des Forces armées canadiennes reçoit un diagnostic de stress post-traumatique, arrive-t-il que même un tel diagnostic soit contesté par les Forces armées canadiennes ou par le ministère des Anciens Combattants?

[Traduction]

    Il n'est pas forcément contesté comme vous le dites. Le diagnostic que nous faisons est un diagnostic clinique, ce qui veut dire que si quelqu'un se présente avec des symptômes qui correspondent à ceux du TSPT, nous faisons le diagnostic et nous commençons le traitement. Le diagnostic ne sera pas forcément contesté, mais si une personne demande une pension, que le TSPT dont elle dit souffrir soit relié ou non au service, le dossier va en arbitrage, si c'est ce que vous voulez dire.

[Français]

    Oui, c'est ce que je veux dire.
    J'ai rencontré des anciens combattants, et même des membres des Forces armées canadiennes, qui m'ont dit que lorsque le diagnostic de stress post-traumatique est posé, objectivé, que le document médical est envoyé au ministère de la Défense nationale ou au ministère des Anciens Combattants, ce diagnostic est contesté.
    Plusieurs problèmes se posent alors. Premièrement, en ce qui concerne la pension, les malades ne peuvent pas recevoir d'argent, car leur diagnostic est contesté. Deuxièmement, le temps d'attente peut être de deux à trois ans pour avoir gain de cause au bout du compte.
    Or, pendant cette période, est-ce que l'ancien combattant ou le membre des Forces canadiennes continue à consulter, ou bien si tous les services sont arrêtés, faute d'avoir reconnu le diagnostic?

[Traduction]

    Selon mon expérience à la clinique Parkwood, en vertu de la nouvelle Charte des anciens combattants, il n'est pas nécessaire d'avoir droit à une pension pour obtenir des services. Le traitement continue en attendant qu'une décision soit prise au sujet de la demande de pension. Si ces personnes ne sont pas traitées dans notre clinique et voient un psychiatre dans la collectivité, le traitement se poursuivra, parce qu'il sera couvert par l'assurance-maladie.
(1545)

[Français]

    Le fait de savoir que son diagnostic est contesté ne cause-t-il pas un problème encore plus grand à la personne en question? Lorsqu'elle vous rencontre, ne vous dit-elle pas qu'elle n'a aucun revenu parce que sa demande est contestée par le ministère de la Défense nationale, qu'elle ne sait pas où aller et qu'elle ne sait pas ce qui va lui arriver? Cela ne crée-t-il pas un stress supplémentaire chez cette personne?

[Traduction]

    D'après mon expérience, chaque fois que quelqu'un fait une demande et attend son résultat, c'est une source de stress supplémentaire.

[Français]

    À votre connaissance, non seulement dans votre clinique mais aussi dans d'autres cliniques avec lesquelles vous êtes sûrement en contact, est-il déjà arrivé que des gens en attente et vivant ce stress supplémentaire se soient suicidés?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.

[Français]

    Vous avez dit que si vous pouviez faire des recommandations, elles porteraient sur l'accès aux services. La difficulté d'accès à un psychologue, à un psychiatre ou à du personnel médical n'est-elle pas un des plus gros problèmes? Il faut pouvoir accéder aux services pour identifier le problème. Les gens peuvent attendre plusieurs mois avant de pouvoir rencontrer une personne.

[Traduction]

    Quand je parle de la difficulté d'avoir accès aux services, l'intéressé sait-il qu'il a un problème et à qui il doit s'adresser s'il a ce problème? C'est un aspect qui dépend de la personne en question.
    Une fois que l'intéressé reconnaît qu'il a peut-être un problème, que ce soit une dépression ou le TSPT, comment peut-il avoir accès à des services? Selon mon expérience, dans le contexte militaire, on lui fournit des soins de santé complets. Par conséquent, vous avez accès aux services par l'intermédiaire de la même personne au sein du système de soins de santé de l'armée. Une fois que vous devenez un civil, c'est un peu plus compliqué, parce qu'en général vous n'avez pas accès à des services spécialisés sans consulter d'abord un médecin. Vous devez d'abord voir votre médecin de famille pour qu'il vous adresse à un spécialiste.
    Comme vous le savez sans doute, en Ontario, et sans doute aussi dans les autres régions du pays, il y a de nombreux civils, y compris des anciens combattants, qui n'ont pas de médecin de famille. C'est ce qui pose un problème en ce qui concerne l'accès aux soins. Si vous voulez voir un psychologue, ce n'est pas couvert par l'assurance maladie. Par conséquent, si vous avez besoin d'une psychothérapie, vous devez y être admissible pour que ce soit remboursé. Si vous travaillez à plein temps, par contre, ce sera remboursé par votre assurance privée.
(1550)

[Français]

    Si j'ai bien compris le sens de votre témoignage, les choses se compliquent et deviennent plus difficiles lorsque les militaires obtiennent leur libération des Forces armées canadiennes et deviennent des anciens combattants. C'est au moment où il faut déterminer si ces personnes souffrent de stress post-traumatique.
    Nous avons entendu dire que le général Dallaire, à une certaine époque, se promenait nu dans un parc. Je pense qu'il s'agit là d'un signe éminent. Je pense que plusieurs en arrivent à présenter des symptômes similaires, que soit quatre, cinq, dix ou quinze ans plus tard.
    Le problème est qu'il est difficile de consulter un médecin assez rapidement, vu le contexte médical qui prévaut actuellement. Je crois savoir que c'est là que se pose la difficulté, et on peut comprendre que ces personnes en arrivent à se suicider.

[Traduction]

    Je suppose que le comité a sans doute vu des militaires. C'est une culture différente. Pour nous les civils — je parle aussi pour moi, car je ne suis pas dans l'armée — il est normal d'essayer de trouver un médecin de famille et ensuite nous savons comment avoir accès aux services. Toutefois, si vous venez d'un système différent, que vous êtes libéré, que vous souffrez de dépression ou de problèmes de concentration, et qu'en plus vous avez une faible motivation, des problèmes financiers ou des problèmes familiaux, il vous est encore plus difficile de savoir vers qui vous tourner pour obtenir des services dans une collectivité.
    Merci.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Stoffer, s'il vous plaît. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup d'être venu, monsieur, et merci également pour le travail que vous faites.
    Je n'ai jamais posé cette question et je vais donc essayer d'être le plus diplomate possible.
    L'autre jour, nous avons entendu quelqu'un déclarer qu'en l'espace de 40 minutes, vous pouvez dire si une personne souffre de TSPT ou non ou si elle en montre des signes. Est-ce plus ou moins exact?
    Vous voulez dire en 40 minutes de…?
    Si je me présentais dans votre cabinet en tant qu'ancien combattant en vous disant quels sont mes problèmes, pourriez-vous dire, en 40 minutes, si je présente des symptômes de TSPT?
    Je pense qu'en 40 minutes, ce serait rapide. Toutefois, si vous consultez un clinicien avec qui vous êtes à l'aise et avec qui vous avez de bons rapports, à qui vous faites confiance et à qui vous êtes prêt à parler d'événements traumatiques dont la plupart des gens ont peur de parler, oui, le clinicien pourrait faire ce diagnostic en l'espace de 40 minutes, s'il posait suffisamment de questions.
    L'inverse serait-il vrai également? L'autre jour, j'ai eu une conversation avec un groupe de gars en buvant quelques bières. Ils étaient convaincus qu'un bon nombre d'anciens combattants simulent des symptômes pour toucher une pension. Ils simulent le TSPT, des troubles mentaux pour toucher une pension. C'est l'effet « moi aussi ».
    Dans la situation inverse, en tant que psychiatre expérimenté, pouvez-vous dire rapidement si quelqu'un simule?
    Je pense que ce serait la même chose. Je ne dirais pas que nous pourrions le faire rapidement. Nous tenons compte non seulement de ce que disent les gens, mais aussi de la façon dont ils réagissent, avant même leur entrée dans la salle d'attente. Par exemple, supposons qu'une personne vienne me dire qu'elle est nerveuse ou constamment sur ses gardes et qu'elle vérifie constamment ce qui se passe autour d'elle. Si quand je l'ai vue dans la salle d'attente, elle paraissait détendue et bavardait avec d'autres personnes, elle n'avait pas l'air anxieuse ou nerveuse à son arrivée, j'aborderai le sujet au cours de l'entrevue. Je lui ferai remarquer que ce qu'elle dit ne correspond peut-être pas à ce que j'ai observé et je lui demanderai de m'expliquer pourquoi.
    Nous avons aussi entendu dire avant que le TSPT peut être communiqué à la famille. Si un militaire n'est plus la même personne qu'avant son départ lorsqu'il revient chez lui, cela impose énormément de stress à sa femme et à ses enfants qui, à bien des égards, souffrent aussi du TSPT.
    Dans votre clinique, avez-vous l'occasion de rencontrer et d'aider les membres de la famille, les conjoints et les enfants, ou vous occupez-vous seulement des anciens combattants et des ex-membres de la GRC?
    En général, nous voyons le conjoint dans le cadre de notre évaluation.
(1555)
    Très bien.
    Dans le cas de certains ex-militaires plus jeunes, nous rencontrons les parents. Dans notre clinique, nous traitons les conjoints, mais généralement pas les enfants, car nous les renvoyons vers un service spécialisé. Toutefois, nous pouvons voir la famille et l'évaluer.
    Quant à la question de savoir si le TSPT peut être communiqué à quelqu'un d'autre, je ne dirais sans doute pas que l'autre personne souffre du TSPT, mais elle pourrait souffrir de symptômes similaires. Par exemple, une explication pourrait être que si la personne atteinte du TSPT sursaute ou devient très en colère chaque fois qu'elle entend un bruit fort, ceux qui vivent avec elle vont rapidement s'habituer à la voir réagir s'ils entendent un bruit fort et deviennent donc nerveux vis-à-vis de ce qui les entourent. Cela ne veut pas forcément dire qu'ils souffrent du TSPT, car si vous les éloignez de cette situation, leur niveau d'anxiété peut diminuer. Oui, ils souffrent peut-être d'anxiété ou de dépression, mais je n'appellerais pas forcément cela le TSPT.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Lobb.
    Merci, monsieur le président et merci, monsieur Richardson, d'être venu aujourd'hui.
    L'Hôpital Parkwood n'est pas très loin de ma ville. Il se trouve à environ une heure de route. Bien entendu, les membres du comité s'inquiètent des questions que nous examinons. Nous voulons notamment être sûrs que les gens des communautés rurales comme la mienne ne sont pas oubliés.
    Vous avez mentionné les soins locaux quand nous en avons discuté avant le début de la réunion. Une fois qu'une personne a pris contact et est intégrée dans le système, si elle vit dans une région rurale, pouvez-vous expliquer au comité comment la clinique pour les traumatismes liés au stress opérationnel va s'occuper de quelqu'un qui vient de Goderich ou Exeter, Kincardine ou ailleurs?
    Certainement. Dans la mesure du possible, nous essayons de fournir des services localement. Notre clinique et notre clinique d'Ottawa ainsi, je pense, que toutes les autres cliniques du réseau, sont reliées par vidéoconférence. En Ontario, c'est ce qu'on appelle le Réseau Télémédecine Ontario. Ce réseau est sensé être entièrement sécurisé. Il n'est pas sur Internet.
    Les personnes qui ont de la difficulté à venir jusqu'à notre clinique peuvent se servir du Réseau Télémédecine Ontario pour obtenir des soins psychiatriques. Le patient se rend dans son centre de santé local — la plupart des hôpitaux sont reliés — je me rends alors dans notre bureau, qui dispose d'équipement vidéo, et nous communiquons de cette façon. Je peux fournir des soins psychiatriques sous cette forme.
    Nous avons aussi des services locaux. C'est ce dont je parlais. Nous avons une infirmière de notre clinique qui dispense des services directement aux patients et à leurs familles dans la région de Grey Bruce.
    Nous essayons de procéder ainsi dans la mesure du possible. Souvent, le problème se pose pour les soins psychiatriques. Nous pourrions les fournir dans notre clinique, mais nous essayons de trouver, dans la communauté, des fournisseurs de services qui verront la personne chaque semaine. Si nous connaissons un psychologue local qui a de l'expérience dans le domaine des traumatismes reliés au combat, nous avons tendance à lui adresser l'intéressé. Le psychologue dispense une psychothérapie hebdomadaire et le patient peut recevoir des soins psychiatriques à notre clinique, en personne, par vidéo ou par téléphone.
    Également, pour la gouverne du comité, le sénateur Dallaire était ici la semaine dernière et a parlé du Réseau de soutien par les pairs SSBSO, des psychologues et des psychiatres.
    Pourriez-vous expliquer au comité, pour nous aider à préparer notre rapport, quelles sont vos relations avec ce réseau? Comment interagissez-vous avec le psychologue et les réseaux SSBSO dans l'intérêt de l'ancien combattant?
    Dans notre clinique, nous avons un coordonnateur du soutien par les pairs. C'est une personne qui a souffert du TSPT ou d'un traumatisme lié au stress opérationnel, qui a suivi un traitement et qui a guéri au point de pouvoir soutenir les autres d'un bout à l'autre du programme. Tout patient qui vient dans notre clinique est dirigé vers le réseau de soutien par les pairs. Nous le faisons automatiquement. Nous dirigeons les conjoints ou la famille vers le réseau de soutien aux familles.
(1600)
    Si j'ai bien compris, dans les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress, les services d'évaluation et de traitement sont fournis sous le même toit. En tout cas, c'est l'objectif. Est-ce le cas à Parkwood? Quel avantage y a-t-il pour l'ancien combattant de pouvoir obtenir ces services en même temps, du moins au cours de la phase initiale?
    Vous pourriez peut-être clarifier ce que vous voulez dire par évaluation et traitement.
    Au moment du dépistage initial, ils sont vus par vous-mêmes ou quelqu'un d'autre. Ensuite, est-il avantageux pour l'ancien combattant de pouvoir revenir au même endroit, un endroit qui lui est familier, à chaque fois?
    C'est ce que les anciens combattants nous ont dit. Ils aiment avoir une clinique pour eux. Autrement dit, la majorité des personnes qui fréquentent notre clinique sont soit des anciens combattants, soit des militaires en exercice. Les photographies et la plupart des objets décoratifs sont sur le thème de l'armée. Cela leur confère, je pense, un sentiment d'appartenance. Il est bon pour eux d'avoir ce genre de clinique, car ils sont plus détenus et se sentent chez eux.
    Quand un militaire est dirigé vers la clinique, il fait l'objet d'une évaluation. Ensuite, la plupart du temps, nous commençons le traitement immédiatement. Une fois qu'il voit quelqu'un, nous recommandons un traitement. Il revient peut-être me voir un mois plus tard, mais en attendant, il peut recevoir une psychothérapie au niveau local. Certaines personnes préfèrent consulter un thérapeute dans notre clinique. Nous offrons aussi ce service. Certaines personnes n'hésitent pas à faire la route.
    J'ai une dernière brève question. Dans ma région, il y a une grande centrale nucléaire. Encore une fois, c'est sans rapport avec les anciens combattants, mais la centrale nucléaire a beaucoup de difficulté à trouver des ingénieurs nucléaires, parce qu'il n'y en a pas au Canada, sauf peut-être ceux de l'Université McMaster.
    En tant que psychiatre ou psychologue, une partie de vos études ne portent pas spécifiquement sur les anciens combattants ou les troubles reliés au combat. Pensez-vous que la Défense nationale ou les Anciens combattants devraient travailler en collaboration avec les collèges et les universités de toute l'Amérique du Nord pour essayer d'établir des cours spécialisés qui seraient intégrés dans le programme universitaire, ou la formation devrait-elle avoir lieu sur place, dans le contexte?
    Je pense qu'on en a parlé. Même dans notre clinique, nous dispensons une formation aux psychologues. Nous sommes en train d'élaborer un programme de cours pour former les résidents et les exposer aux traumatismes liés au combat. Si j'ai commencé à soigner des anciens combattants, c'est parce que j'ai fait ma résidence à Ottawa et que nous faisions un stage de six mois au CMDN, comme on l'appelait alors.
    C'est une excellente question. Quand on donne à quelqu'un l'occasion de travailler dans un certain domaine, cela peut attirer des gens prêts à traiter les anciens combattants et c'est ainsi que je l'ai fait. Je pense que c'est une bonne question.
    Merci.
    C'est au tour de Mme Zarac, s'il vous plaît

[Français]

    Bonjour, docteur Richardson. Vous avez dit que le plus grand problème serait l'accès aux services. Selon vous, il faut que le soldat se rende compte qu'il a un problème et qu'il sache où aller. Je pousserais cela un peu plus loin et j'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
    Quand je pense à un soldat, j'imagine quelqu'un de fort et de solide. D'ailleurs, dans la plupart des films de guerre, les soldats sont dépeints comme des hommes robustes qui n'ont peur de rien. À mon avis, c'est de cette façon se sentent que les soldats. Admettre qu'ils ont un problème ne doit pas être facile pour eux, surtout si c'est un problème psychologique. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Parlons d'accès aux services. Dire que l'on a un problème psychologique est toujours un peu honteux, même si on est en 2010. Dans le secteur privé, il y a un service appelé PAE, « programme d'aide aux employés ». Tout est fait avec discrétion. On compose un numéro de téléphone et on prend rendez-vous avec un psychologue ou une personne qui répondra à nos besoins. Tout est fait et personne d'autre n'est au courant. Si vous travaillez dans une compagnie, il est certain que vous ne rencontrerez pas quelqu'un d'autre lorsque vous serez là. C'est fait avec beaucoup de discrétion. Non seulement ce service est-il offert à l'employé, mais il est aussi offert à sa famille.
    Un tel service existe-t-il dans les forces armées? Si ce programme n'existe pas, ne croyez-vous pas que l'on devrait en implanter un?
(1605)

[Traduction]

    Je pense que vous avez d'abord soulevé la question des préjugés à l'égard des maladies mentales. Le regard des autres, surtout dans la culture militaire, qui est une culture macho, est un autre facteur qui aggrave la difficulté de se faire soigner. La culture militaire exige que l'on soit fort et que l'on aide les autres. Si vous reconnaissez que vous avez un problème et que quelqu'un d'autre doit vous aider, c'est évidemment très difficile.
    Cela fait partie, je pense, du problème. Chez les civils, les gens admettent très difficilement qu'ils souffrent de dépression; chez les militaires, qui sont surtout des hommes, c'est encore plus difficile. Je pense que vous soulevez là une bonne question.
    En ce qui concerne le programme d'aide aux employés auquel vous avez fait allusion, je pense, la plupart des gens en bénéficient.
    Quand vous dites la plupart des gens, qui n'en bénéficie pas?
    Excusez-moi?
    Vous avez dit que la plupart des gens en bénéficient, alors qui n'en bénéficie pas?
    Ce programme existe dans de nombreuses entreprises, et c'est surtout le cas des gens qui travaillent pour le gouvernement fédéral.
    Très bien, mais je parle des militaires. Ce programme existe-t-il dans les forces?
    C'est une bonne question. Les anciens combattants ont un numéro 1-800 qu'ils peuvent appeler et je pense que c'est le même numéro…
    Quels services obtiennent-ils?
    Ils consultent un thérapeute. C'est pour une thérapie à court terme qui vise à déceler les problèmes. S'il s'avère que l'intéressé a besoin d'un traitement à plus long terme, il est dirigé vers les services compétents.
    C'est strictement confidentiel?
    C'est strictement confidentiel de quelle façon?
    Le soldat peut-il aller obtenir ce service sans que ses collègues, les autres soldats ne le sachent?
    C'est une bonne question. Vous devriez sans doute la poser à quelqu'un des Anciens combattants, à une personne qui administre ce programme. Je suppose que c'est confidentiel en ce sens qu'une visite à un clinicien est généralement confidentielle.
    Mais vous ne le savez pas exactement. Pensez-vous que cela aiderait à déceler davantage de cas?
    Cela pourrait être utile; toutefois, si les gens consultent leur médecin de famille, c'est également confidentiel. Ce serait confidentiel de la même façon.
    Reconnaissez-vous qu'un médecin de famille…? Des témoins nous ont dit qu'un médecin de famille n'a pas les connaissances voulues, car il ne comprend pas les difficultés que vit le soldat. On nous a dit qu'il faut deux à quatre ans de formation pour comprendre et pour pouvoir aider un ancien combattant dans cette situation. Je ne pense donc pas qu'un médecin de famille ordinaire pourrait aider un ancien combattant. Qu'en pensez-vous?
    Je ne sais pas s'il faut une formation de deux à quatre ans. Ce qu'il faut c'est quelqu'un d'attentionné et de compréhensif. Ce médecin ne comprendra peut-être pas toute la culture militaire, mais il pourra faire un dépistage et il saura quelles sont les ressources disponibles. Il ne pourra pas forcément aider tout le monde, mais il saura quelles sont les ressources disponibles pour vous faire soigner.
(1610)
    Très bien. Je vous remercie. Nous allons passer au suivant.
    C'est au tour de M. Mayes, et ce sera ensuite au tour de M. André.
    Merci, monsieur le président.
    Une des choses que nous étudions est l'incidence du suicide chez les anciens combattants. Plus précisément, nous savons, je pense, que le stress pose un problème, mais le stress ne conduit pas nécessairement au suicide. Nous essayons d'établir si le risque de suicide est plus élevé chez le personnel des Forces canadiennes ou les ex-militaires. Des témoins des Forces canadiennes nous ont dit qu'ils n'avaient constaté aucun signe d'augmentation du risque de suicide chez ceux qui ont participé à des combats par rapport aux autres militaires. Je pense que sur les 10 suicides enregistrés l'année dernière ou en 2008-2009 dont ils ont parlé, aucun n'était relié au combat.
    Le stress est très difficile à déceler et à suivre. Il est difficile de savoir quels seront les résultats du stress. Je m'interroge au sujet de statistiques provenant du Royaume-Uni selon lesquelles les soldats qui sont libérés de l'armée avant l'âge de 25 ans risquent plus d'avoir des tendances suicidaires que ceux qui poursuivent plus longtemps leur carrière militaire. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Pensez-vous qu'il s'agisse d'une véritable tendance?
    Il faudrait que j'examine l'étude dont vous parlez. J'ai sans doute entendu les mêmes statistiques à propos des Forces canadiennes, car elles ont été présentées récemment au colloque de Kingston. Selon ces données, le taux de suicide chez les militaires en exercice n'a pas changé, ce qui veut dire qu'il n'a pas augmenté suite aux récents déploiements alors qu'aux États-Unis, on a fait valoir que les taux de suicide après le déploiement étaient plus élevés.
    Étant donné que nous sommes probablement semblables sur le plan génétique, il est difficile de comprendre ce que montrent les statistiques ou les études. Il y a d'importantes études et recherches démontrant que les gens qui souffrent de dépression ont un taux plus élevé d'idéation suicidaire ou de pensées suicidaires et que le risque de suicide abouti ou de tentative de suicide est plus élevé chez ces personnes. Il y a également une étude réalisée aux États-Unis qui montre que le simple fait d'avoir des symptômes de TSPT augmente votre risque d'idéation suicidaire, si bien que pour chaque symptôme supplémentaire, vous avez davantage d'idées de suicide.
    La difficulté pour nous est que ceux qui présentent des symptômes marqués de TSPT ou de dépression ont peut-être été libérés et se retrouvent maintenant dans la vie civile. Ils ne figurent pas dans les données de la Défense nationale parce qu'ils ne sont plus en service. Nous n'avons pas encore, au Canada, de statistiques sur ces populations d'anciens combattants, sur ceux qui sont libérés et sont maintenant considérés comme des civils. Il serait très utile d'avoir ces données, je crois.
    Quel travail a été fait pour établir le profil des personnes à haut risque, en ce qui concerne leurs caractéristiques personnelles ou leurs tendances, leurs antécédents familiaux, leur situation maritale et ce genre de facteurs? A-t-on fait beaucoup de travail sur ce plan et peut-on tirer des conclusions quant à ceux qui présentent plus de risques que d'autres en raison de leurs caractéristiques personnelles?
(1615)
    Je pense qu'il y a eu suffisamment de recherches sur le sujet et je pourrais sans doute trouver pour vous ou pour le comité des études détaillées sur les facteurs de risque du suicide. Je ne connais pas de facteurs de risque particuliers aux anciens combattants. Ils forment un groupe distinct et je vais donc sans doute devoir examiner cela précisément.
    Très bien, nous devons passer au suivant.
    Allez-y, monsieur André.

[Français]

    Bonjour, monsieur Richardson, je suis heureux que vous soyez avec nous.
    J'ai une question bien particulière. Quel est le délai d'attente entre le moment où un militaire ou un ancien combattant s'adresse à vous — afin de vous rencontrer, vous, un spécialiste militaire — et celui où il peut avoir un rendez-vous avec vous? Bien sûr, il lui faut une recommandation médicale. On parle d'un délai d'attente, en moyenne, de combien de temps?

[Traduction]

    Vous pourriez sans doute contacter notre clinique et le réseau de cliniques pour connaître le nombre exact de semaines, mais il faut probablement attendre six à huit semaines pour voir un spécialiste comme moi, et parfois plus longtemps. Comme nous travaillons en équipe, si quelqu'un présente un risque plus élevé, la liste d'attente est modifiée

[Français]

    Comme on le sait, plus on attend pour offrir des services à une personne qui souffre de stress post-traumatique, plus la situation de cette personne s'aggrave. C'est pour nous un sujet d'inquiétude. Quelquefois, ça peut entraîner des problèmes de toxicomanie ou la séparation du couple, par exemple. Bref, il y a d'autres conséquences.
    En ce qui concerne l'évaluation, le dépistage des cas de stress post-traumatique, j'aimerais savoir ce que vous recommanderiez au comité pour que ces personnes vivant une situation difficile ou de détresse puissent bénéficier d'un service accéléré.

[Traduction]

    En ce qui concerne l'accès aux services, le gouvernement de l'Ontario a publié un document. Je pense qu'il s'intitulait « All doors are open » ou « No doors are closed ». Cela signifie que chaque fois que vous demandez un service, la réponse ne devrait pas être négative et qu'on vous dirigera là où vous devez aller pour pouvoir obtenir le service. C'est une forme d'accès direct. Autrement dit, si vous allez quelque part, c'est à l'organisme de se charger de la paperasserie. Comme quand vous allez à l'urgence, vous pouvez voir quelqu'un, mais une fois que vous présentez votre carte de santé, l'administration de l'organisme détermine qui va payer.
    Si un ancien combattant se présente à l'urgence parce qu'il est en crise, le personnel du service d'urgence n'a pas toujours la formation voulue et ne pensera pas à lui demander s'il est un ancien combattant. L'ancien combattant peut avoir droit à d'autres services auxquels les autres gens ne sont pas admissibles et il peut être dirigé vers des cliniques spécialisées comme les cliniques pour les traumatismes liés au stress opérationnel. Un ancien combattant peut-il se rendre directement dans une clinique locale spécialisée dans les traumatismes liés au stress opérationnel, se faire évaluer, après quoi le préposé à l'accueil s'occupera de la paperasserie, lui demandera s'il est un ancien combattant et s'il est admissible et, dans le cas contraire, s'il peut le diriger ailleurs?
    Ce sont tous les aspects à considérer pour que quelqu'un puisse se faire soigner immédiatement. Il faut aussi promouvoir de meilleurs soins partagés, ce qui veut dire, bien souvent, consulter un spécialiste. Si le médecin de famille peut se charger d'une partie du travail initial, cette collaboration libère plus de temps pour les spécialistes.
(1620)

[Français]

    Est-ce que...

[Traduction]

    Posez une question très brève, s'il vous plaît, monsieur André.

[Français]

    ... de la formation pourrait être offerte à d'autres psychiatres et psychologues, au Québec et au Canada, pour qu'il soit possible d'intervenir plus rapidement auprès des personnes aux prises avec un problème de stress post-traumatique?
     J'ai travaillé dans le domaine du travail social pendant plusieurs années. Je représente la circonscription de Berthier—Maskinongé, et je suis convaincu que dans toute la Mauricie, peu d'intervenants ont reçu de la formation pour intervenir auprès d'anciens militaires, d'anciens combattants aux prises avec des problèmes de ce type. Selon moi, le ministère des Anciens Combattants devrait faire un investissement important pour former un minimum d'intervenants dans chacune des régions du Québec et du Canada. Ceux-ci pourraient alors assurer une intervention de base auprès de ces personnes. À l'heure actuelle, aucune formation n'est offerte.

[Traduction]

    Je serais d'accord pour ce qui est de travailler avec les associations nationales existantes. Le Centre national pour traumatismes liés au stress opérationnel, de l'Hôpital Sainte-Anne, a notamment pour rôle de travailler avec l'Association des psychiatres du Canada, parce que ces derniers ont également pour mission d'éduquer. Nous cherchons à collaborer avec l'association afin qu'à l'occasion des assemblées annuelles de psychiatres, il y ait des colloques et des ateliers sur les questions concernant les anciens combattants. C'est la même chose pour les psychologues.
    J'ai collaboré à la rubrique consacrée aux anciens combattants d'un des journaux de médecine familiale en fournissant des articles pour la formation médicale continue. Les médecins de famille peuvent lire ces articles pour se familiariser avec les problèmes touchant les anciens combattants et j'ai travaillé également pour le Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments. Là aussi, j'ai assuré la formation continue des spécialistes sur la façon de traiter le TSPT et la comorbidité. Il est certainement essentiel d'éduquer et de sensibiliser les gens et de constituer un réseau de spécialistes.
    Merci.
    Je demande au membres du comité de bien vouloir jeter un coup d'oeil de mon côté de temps en temps lorsqu'ils arrivent au bout de leurs cinq minutes, car nous avons tendance à les dépasser. Je ne veux pas vous interrompre, mais je vais peut-être devoir le faire à partir de maintenant. Je n'aime pas qu'on profite de ma bonté.
    C'est au tour de M. Kerr.
    Merci, docteur Richardson.
    Plus nous avançons dans notre étude, plus nous constatons qu'il n'y a pas de solution facile, mais il semble y avoir eu beaucoup de progrès. Chaque année, la situation semble progresser, même s'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
    Nous avons surtout entendu parler de la comparaison avec les États-Unis. Certains éléments sont très différents. Il y a notamment leur longue expérience du combat. Par conséquent, on s'attend à ce que l'incidence soit plus forte et les chiffres plus élevés.
    L'autre facteur qui a parfois été souligné, même si cela n'explique pas tout, est que les Américains n'ont pas l'assurance santé universelle. Un grand nombre de leurs anciens combattants ont intérêt à se prévaloir du service de dépistage.
    Je vais m'arrêter là pour ma première question. Pensez-vous que c'est un avantage dans le système canadien?
    C'est sans doute un avantage et les cliniciens en ont parlé. Si vous êtes un ancien combattant qui est un citoyen du Canada, vous avez accès aux soins de santé. Je suppose qu'il y a de nombreux anciens combattants — même si nous l'ignorons — qui demandent et obtiennent des soins, mais qui ne sont pas identifiés ou dont le traitement n'est pas payé directement par les Anciens combattants. Aux États-Unis, je crois que pour entrer dans le système de santé du ministère des Anciens combattants, il faut avoir droit à une pension reliée au service militaire.
(1625)
    Par conséquent, il est difficile de comparer le résultat final étant donné ces différences.
    J'aimerais revenir sur une question. Vous avez mentionné, comme d'autres l'ont fait, l'approche coopérative du dépistage au cours de la formation initiale. Des témoins nous ont dit que les choses avaient certainement progressé sur ce plan-là. Bien entendu, les autorités militaires ont procédé à d'énormes ajustements pour assurer un dépistage précoce, tout récemment et cela, bien sûr, en collaboration avec les Anciens combattants.
    Je m'inquiète au sujet de ceux qui ont quitté le service dans l'intervalle, avant que nous ne fassions ces progrès et qui sont peut-être toujours parmi le public. Vous adresse-t-on des gens ou, comme vous l'avez dit, voyez-vous des gens qui sont d'anciens combattants depuis quelques années — des anciens combattants des temps modernes — qui viennent directement vous voir à la clinique? Voyez-vous venir des gens qui n'ont peut-être pas bénéficié des dispositions qui existent actuellement à la Défense nationale?
    Je pense que oui. Nous recevons un bon nombre d'anciens combattants qui ont été libérés depuis plus de 10 ans. Nous voyons aussi des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée qui cherchent à se faire soigner pour la première fois.
    Nous avons constaté, à Parkwood, qu'il était utile que les médias annoncent nos services ou qu'on les fasse connaître. Cela permet d'informer les gens de l'existence de ces services, surtout s'ils sont livrés à eux-mêmes.
    Les membres du réseau de soutien par les pairs, dont vous avez sans doute entendu parler, ou dont vous avez parlé, sont d'excellents ambassadeurs pour notre clinique. Ils peuvent connaître quelqu'un, qui connaît quelqu'un d'autre, et ils arrivent ainsi à informer les anciens combattants que des services sont à leur disposition.
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    À ce propos — et nous avons entendu dire que les choses s'améliorent — il y a eu, dernièrement, un certain nombre de colloques, de cliniques et de conférences qui ont notamment fait ressortir la question des préjugés et de la nécessité d'éduquer le public.
    Vous avez parlé de la dynamique sociale chez les militaires. Trouvez-vous que le public comprend mieux et que les militaires acceptent mieux le fait que les problèmes de santé mentale sont de vrais problèmes qu'il faut résoudre? Trouvez-vous que le public est plus réceptif ou est-ce que les préjugés continuent de poser un énorme problème?
    Je dirais que, depuis plus de 10 ans, les préjugés ont diminué et que les gens sont généralement plus compréhensifs. Il y a eu beaucoup de bonnes campagnes publiques contre les préjugés et je pense qu'ils commencent à s'atténuer.
    Mais ils existent toujours. Comme on en a déjà parlé, je crois, même s'il y a des progrès au sein du public, les préjugés subsistent au niveau des intéressés. S'ils pensent que leurs troubles sont un signe de faiblesse, ils ne vont pas passer à l'étape suivante en cherchant à se faire soigner.
    Avant de terminer, je sais que M. Stoffer a dit qu'il avait une brève question.
    Je vais vous laisser poser une brève question, monsieur.
    Merci, monsieur.
    Je sais que le secret médical vous oblige à être très prudent, mais si vous constatez qu'un patient risque d'être très violent, envers lui-même ou sa famille, qu'arrive-t-il dans ce cas? En informez-vous les autorités? Appelez-vous la police? Que fait-on dans ce cas pour protéger les intérêts de la famille?
    Je pense que dans ce genre de cas, si quelqu'un est très suicidaire ou homicidaire, nous avons des obligations. En tant que psychiatre, je peux avoir à établir le certificat d'admission, autrement dit, je peux contacter la police, évaluer l'intéressé et le faire hospitaliser contre sa volonté.
    Merci.
    Merci beaucoup. J'apprécie vos réponses et les connaissances dont vous nous avez fait bénéficier aujourd'hui.
    Nous allons faire une petite pause pour laisser au prochain témoin le temps de prendre place.

(1635)
    Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Linda Lagimonière.
    Avant de passer à votre déclaration et à nos questions, je dois mentionner que nous allons devoir nous réunir à huis clos vers 17 h 20. Le comité a une question qu'il doit examiner brièvement.
    Veuillez faire votre déclaration, madame.

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Linda Lagimonière et je suis la mère du soldat Frédéric Couture. Frédéric a été victime d'un accident le 16 décembre 2006. Il a marché sur une mine. Il a ensuite été rapatrié. L'armée a assumé la charge de son rapatriement. À son arrivée, je peux vous dire que c'était assez impressionnant. Il y avait une foule de militaires. Ils ont emmené Frédéric à l'Hôpital général de Montréal plutôt qu'à Québec. C'était une première, pour l'armée. Frédéric a ensuite passé huit mois à la maison. Le 14 novembre 2007, Frédéric s'est suicidé. Il est décédé dans mes bras. Je peux vous dire que c'est très difficile.
    Un peu moins d'un an plus tard, une commission d'enquête a eu lieu. C'est dans ces circonstances que j'ai su que Frédéric avait tenté de se suicider là-bas. Les gens de l'armée ne nous l'avaient jamais dit. On s'est aussi rendu compte que, sur le plan psychologique, il n'avait reçu aucun soin, sauf une petite période de 15 minutes avec une psychologue âgée de 20 ans qui commençait dans le métier. Sur le plan physique, l'armée lui a dispensé les meilleurs soins possibles. Par contre, sur le plan psychologique, Frédéric n'a reçu aucun soin.

[Traduction]

    Vous avez terminé votre déclaration.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Merci.
    Allez-y, madame Duncan, s'il vous plaît?
    Merci, monsieur le président.
    Merci infiniment, madame, d'être venue. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire. Qu'est-ce qui aurait pu aider votre fils et votre famille? Vous pouvez faire autant de recommandations que vous le désirez.
(1640)

[Français]

     Si je n'avais pas assisté à l'enquête, je n'aurais jamais su que mon fils avait tenté de se suicider. J'aurais aimé être informée que Frédéric avait tenté une première fois de se suicider. Si je l'avais su, mon approche aurait été complètement différente. J'aurais probablement demandé qu'on lui dispense une quantité de soins passablement plus importante que celle qu'il a reçue. C'est l'une de mes principales recommandations.
     Est-ce que ça répond à votre question?

[Traduction]

    Oui.
    Vous avez entendu le témoignage précédent. Sachant ce que votre famille a traversé, pour que cela n'arrive pas à d'autres familles, quelle aide voudriez-vous que le ministère des Anciens combattants accorde aux familles?

[Français]

    Parlez-vous des familles ou des soldats eux-mêmes?

[Traduction]

    Les deux.

[Français]

    On prépare les soldats à aller là-bas. Je suis allée en Afghanistan il y a deux semaines. Je me suis rendu compte que nous vivons tous un traumatisme à différents degrés. Selon moi, le premier degré de traumatisme que vivent les militaires se produit lorsqu'ils reviennent de là-bas. Nos familles se doivent d'être au courant. Quand les soldats sont blessés là-bas, il faut que quelqu'un les prenne immédiatement en charge non pas seulement sur le plan physique, mais aussi sur le plan mental.
    Dans le cas de mon fils, on s'est uniquement occupé de lui sur le plan physique. Ils lui ont donné les meilleurs soins possibles, sauf sur le plan psychique.

[Traduction]

    Quels soins de santé mentale auriez-vous aimé qu'il reçoive?

[Français]

    Premièrement, il vivait deux traumatismes. Il vivait le traumatisme d'être allé là-bas et celui d'avoir perdu un membre. Il y avait aussi le fait qu'il devait subir d'autres opérations. S'il avait pu consulter un psychologue immédiatement, cela aurait changé bien des choses, selon moi.

[Traduction]

    Il a seulement été vu une fois par une psychologue, pendant 15 minutes? C'est tout?

[Français]

    Ça s'est passé 5 mois après son retour et ça a duré 15 minutes, chez moi, à la maison. J'étais présente. Je n'en revenais pas. Je ne comprenais pas pourquoi c'était comme ça. Je me disais qu'il devait sûrement recevoir d'autres soins, mais Frédéric était un soldat. Il ne parlait pas parce que, selon lui, c'était une faiblesse. Il ne voulait pas montrer sa faiblesse, puisqu'il était militaire.

[Traduction]

    Pensez-vous que nous pourrions faire plus pour que nos soldats acceptent de parler? Peut-être que si ceux qui ont reçu des médailles en parlaient, cela aiderait à sauver des vies. Que pensez-vous que nous pourrions faire différemment pour que nos soldats puissent dire plus facilement ce qu'ils ressentent?

[Français]

    Selon moi, il faudrait faire appel à un collègue avec qui ils sont allés là-bas. Beaucoup de militaires vont là-bas. Qu'on prenne quelqu'un de leur groupe en qui ils ont entièrement confiance afin de faire cette approche avec eux.
    Quand ils reviennent d'Afghanistan, ils passent, je pense, une semaine à Chypre. Ils pourraient les rencontrer à Chypre quand ils y arrivent, c'est là qu'ils pourraient les rencontrer une première fois. Ce pourrait être aussi trois mois plus tard, plutôt que d'attendre que le militaire lui-même y aille. Cette procédure devrait se faire normalement parce qu'on les prépare à aller là-bas.

[Traduction]

    Il a été soigné par des médecins pendant huit mois, je crois, pour ses blessures physiques. C'était un jeune homme qui a dû s'adapter à une terrible blessure physique. Aucun des médecins qui l'ont soigné ne l'a suivi pour voir comment il se débrouillait sur le plan psychique?

[Français]

    Non, parce que Frédéric était le premier soldat à revenir de l'Afghanistan, surtout dans la région de Montréal. On n'a pas compris pourquoi Frédéric n'avait pas été transféré directement à Valcartier, parce que c'est là qu'il vivait. On l'a plutôt amené à Montréal sous prétexte qu'il serait près de sa famille. Selon moi, ce n'était pas une raison. Il aurait fallu qu'il soit encadré par des militaires parce que c'était sa vie. Il n'avait pas à retourner dans le monde civil, il a été soigné dans le monde civil.
(1645)

[Traduction]

    Pensez-vous qu'il aurait été bon pour lui d'avoir sa famille à ses côtés? Devrions-nous faire en sorte qu'il soit plus facile pour les familles d'être aux côtés des soldats lorsqu'ils rentrent au pays?

[Français]

    Oui, ce serait bien, mais il serait bien aussi que ses compagnons soient à ses côtés, parce que c'est sa vie.

[Traduction]

    Il serait bon d'avoir les deux.

[Français]

    Oui, oui, c'est vrai.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui s'est passé en Afghanistan. Vous avez dit qu'il s'était passé quelque chose. À l'intention des gens ici présents, j'aimerais que vous expliquiez ce qui s'est passé à partir du moment où il a posé le pied sur la mine. Qu'est-il arrivé par la suite? Quelles sont les circonstances entourant cet accident?
    Frédéric m'avait montré... Cela a été diffusé sur YouTube. Personnellement, je ne savais pas que Frédéric avait tenté de se suicider, car il n'y avait pas de son.
    Où a-t-il tenté de se suicider?
    Quand il a marché sur la mine, quelques minutes après avoir marché sur la mine. Dans la vidéo postée sur YouTube, quand on entend dire « non, non, non », c'est parce que Frédéric a pris son arme, mais l'arme s'est enrayée et le coup n'est pas parti. Autrement, il se serait suicidé.
    Directement sur le théâtre d'opérations, là où il s'est blessé? Il a tenté de se suicider une première fois directement sur le champ de bataille, quand la mine a explosé et que son pied a été touché, mais l'arme s'est enrayée? Est-ce que je comprends bien?
    Oui, c'est tout à fait ça.
    Combien de temps plus tard l'avez-vous appris?
    Un an.
    À cette époque, personne des Forces armées canadiennes ne vous a dit que votre fils avait essayé de se suicider directement sur le théâtre d'opérations?
    Pas du tout. D'ailleurs, quand je l'ai su, j'étais tellement furieuse. Je ne pouvais pas croire que l'armée ne nous avait pas annoncé une nouvelle aussi importante. Cela me dépassait complètement.
    À mon avis, en tant que parents, on a le droit de savoir que notre enfant a tenté de se suicider.
    Pensez-vous que si vous l'aviez su immédiatement, cela aurait changé quelque chose? L'auriez-vous encadré d'une façon différente à la maison, si vous aviez su dès son retour d'Afghanistan qu'il avait essayé de se suicider?
    Cela aurait complètement changé les choses. Si je l'avais su, j'aurais tout de suite demandé l'aide d'un psychologue. Je n'ai vu aucun psychologue. Même lorsque nous sommes allés à l'hôpital, je n'ai vu aucun psychologue.
    Les Forces armées canadiennes n'ont pas essayé de diriger votre fils vers un psychologue dès le moment où il est revenu d'Afghanistan, afin qu'il puisse être traité et afin de découvrir s'il avait encore des idées suicidaires?
    Pas du tout. Dans l'armée, le suicide est un sujet tabou. Selon moi, ils ont voulu taire cela.
    Vous ne l'auriez jamais appris si l'enquête n'avait pas eu lieu et si, un an plus tard, vous n'aviez pas demandé à voir le rapport d'enquête.
    Non. En fait, je ne savais même pas qu'un rapport d'enquête était fait à la suite d'un accident. Je l'ai su quand ils m'ont appelée et j'en ai été très surprise. Étant curieuse de nature, j'ai demandé à y participer. L'armée est restée surprise de ma demande. J'ai rencontré beaucoup de gens, et c'est lors d'une période de questions que j'ai su que mon fils avait tenté de se suicider.
    En pareille situation, quelle recommandation feriez-vous au comité afin que cela ne se reproduise plus?
    Selon moi, quand il y a un accident, il faut que la personne rencontre immédiatement un psychologue. Déjà, le blessé a subi un traumatisme. Il faut aussi que la famille soit informée. Même si le soldat n'est pas suicidaire, il doit tout de même partager cela avec sa famille.
    Si je comprends bien l'essence de votre témoignage, il a reçu les soins adéquats pour guérir sa blessure physique, mais sur le plan psychologique, les soins n'ont duré que 15 minutes. Selon vous, la personne qu'il a rencontrée était-elle compétente?
(1650)
    Je ne suis pas...
    Vous étiez là.
    Oui, mais qui suis-je pour juger cette personne? Elle a fait des études.
    Oui, mais en 15 minutes...
    Personnellement, je dis que non. La personne avait son âge. Elle ne pouvait pas comprendre le contexte militaire, étant elle-même du domaine civil.
    Quels rapports avait-il avec les autres membres du régiment? Avait-il fait un pacte avec les autres membres du régiment, dans le cas où quelqu'un ne reviendrait pas « en un seul morceau »?
    Je pense que ça se dit régulièrement qu'il est plus facile... J'ai parlé à d'autres militaires. Quand j'y suis allée, j'ai parlé à certains d'entre eux. Ils disent que c'est plus facile de revenir dans une boîte — parce qu'il n'y aura plus de problèmes — plutôt que de revenir au pays et d'être un fardeau pour l'armée.
    D'après vous, est-ce que les pactes de suicide qui sont formés par les membres des Forces armées canadiennes qui ne veulent pas revenir si ce n'est pas en un morceau sont une pratique courante?
    J'en suis convaincue. Ils le disent: ils veulent revenir en un morceau plutôt que blessés.
    D'accord.
    Je pense que c'est ce sur quoi le comité doit se pencher. Dans un premier temps, il faut savoir ce qui se passe quand les gens sont sur un théâtre d'opérations. Est-ce que les militaires font des pactes de suicide au cas où ils ne reviendraient pas en un morceau? Si c'est le cas, et encore plus s'il y a une tentative de suicide sur le théâtre d'opérations, il me semble qu'il devrait y avoir un suivi médical.
    Qu'est-ce que vous en pensez?
    Dans mon cas, en 2006, il n'y en avait pas. Dernièrement, quand j'y suis allée, ils nous ont présenté l'hôpital sur le terrain; c'est complètement changé. Quand Frédéric a sauté sur la mine, c'est une tente qui l'a accueilli. Aujourd'hui, c'est un hôpital ultramoderne.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur le président. Madame, merci beaucoup d'être venue. Nous apprécions vivement le courage dont vous faites preuve en parlant publiquement de ce qui est arrivé à votre fils.
    Quand votre fils est-il décédé? Quelle année était-ce?

[Français]

    En 2006.

[Traduction]

    Vous avez bien dit qu'il y avait eu une commission d'enquête par la suite?

[Français]

    Un an après.

[Traduction]

    C'était un an plus tard. Très bien. Combien de temps a duré cette enquête?

[Français]

    C'était supposé prendre trois mois, et ça a fini par prendre six mois. Ça a commencé au début de décembre, et ça a fini au moi de mai ou de juin.

[Traduction]

    C'était en juin de 2007, n'est-ce pas?

[Français]

    Oui, en 2007. Non, Frédéric est décédé en 2007. C'était plutôt l'année suivante, soit en 2008.

[Traduction]

    Avez-vous reçu la copie du rapport? Avez-vous pu parler avec les hautes instances de l'armée des problèmes qui ont été soulevés dans le cadre de cette commission d'enquête?

[Français]

    Je n'ai pas compris votre question.

[Traduction]

    À l'issue de son enquête, bien entendu, la Commission a émis un rapport. Avez-vous pu discuter du rapport avec les hautes instances militaires?

[Français]

    Aucun rapport n'a été déposé. Ils nous ont seulement fait quelques recommandations, et ils nous ont dit que le rapport était à Ottawa.

[Traduction]

    Vous n'avez jamais reçu une copie du rapport?

[Français]

    Non.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je vais m'interrompre un instant pour recommander au comité qu'elle obtienne, si possible, une copie de ce rapport. Si un rapport d'enquête existe, je crois que la famille devrait en avoir la copie. Cela montre que ce qui est arrivé au fils de Sheila Fyne, dans la caserne, à Edmonton, n'est pas un cas isolé.
    C'est la deuxième fois en moins de deux mois que nous entendons le témoignage de la mère d'un soldat qui s'est suicidé et à qui on n'a pas dit que son fils avait déjà fait une tentative de suicide. Je sais que c'est arrivé il y a quelques années et nous avons entendu le témoignage, l'autre jour, d'officiers qui nous ont dit ce qu'ils faisaient, mais il serait très utile que nous puissions envoyer le témoignage de Linda à ces deux officiers en leur demandant ce qui est fait maintenant pour que cela ne se reproduise jamais.
    Ils ont laissé entendre que cela ne pouvait pas arriver. Je veux donc être absolument certains qu'on tiendra compte su témoignages de Linda afin qu'aucune autre famille n'ait à vivre une telle épreuve.
    Monsieur le président, il serait utile qu'elle obtienne la copie de tout rapport qui a été émis et, compte tenu des témoignages des deux officiers, qu'ils obtiennent la copie du compte rendu de nos délibérations afin qu'ils puissent dire: «Oui, ces erreurs ont peut-être été commises, mais elles ne se reproduiront plus»
    Je vais m'arrêter là.
(1655)
    Allez-y, monsieur Mayes.
    Sans vouloir vous contredire, monsieur Stoffer, cela soulève peut-être la question du secret médical. Peu importe si c'est votre mère, si vous êtes un adulte de plus de 21 ans, ces renseignements vous appartiennent et ne sont pas partagés avec votre famille. Peut-être qu'on pourrait adopter une politique ou une recommandation selon laquelle, lorsqu'une personne est décédée, ces renseignements pourraient être envoyés à son parent le plus proche, ou à quelqu'un d'autre.
    À mon avis, cela pourrait poser un problème. Je n'en suis pas certain, mais je ne pense pas que le ministère refuserait arbitrairement de communiquer ces renseignements si ce n'est parce qu'il s'agit de renseignements confidentiels.

[Français]

    Je voudrais juste faire un commentaire.
    Les militaires qui sont en déploiement ont déjà nommé une personne. Par exemple, Frédéric m'avait nommée au cas où il lui arriverait quoi que ce soit. Or c'est là que le respect de la confidentialité par les médecins doit entrer en ligne de compte. Pourtant, il m'avait bien nommée. Les informations ne devraient donc pas être aussi confidentielles. Les forces armées le demandent. Ça devrait être beaucoup plus ouvert.

[Traduction]

    Je partage ce point de vue.
    Merci.
    Monsieur Mayes, vouliez-vous…?
    Je ne l'ai pas demandé. Non.
    Très bien.
    C'est au tour de M. Storseth.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Lagimonière, merci d'être venue. Je sais que ce doit être extrêmement difficile. Merci pour le sacrifice et le dévouement dont votre famille et vous-même avez fait preuve envers notre pays.
    Je viens d'une circonscription qui a deux bases militaires. Nous avons déployé un grand nombre d'hommes et de femmes un peu partout dans le monde et ce que vous avez dit me touche directement. Il est important que les gens comme vous défendent nos soldats.
    Ce que nous essayons de faire ici — et cela vaut pour tous les membres du comité — c'est de faire comparaître des témoins comme vous ou les gens qui sont venus avant vous et ont formulé des recommandations afin que nous puissions régler certains des problèmes qui ont été créés.
    Quelqu'un vous a-t-il rencontré après le retour de votre fils pour vous dire quels sont les signaux d'alarme que vous deviez surveiller? Saviez-vous quels étaient les signes que vous deviez guetter?

[Français]

    Pas du tout.

[Traduction]

    Pas du tout.
    Vous avez dit que votre fils avait eu droit à une consultation de 15 minutes à son retour. C'est tout? Il n'a pas eu d'autres entretiens avec des professionnels de la santé mentale?

[Français]

    Il pourrait en avoir eu au centre de réhabilitation, mais on ne nous en a jamais mis au courant. Ce serait la seule possibilité qui pourrait semer le doute dans mon esprit. Toutefois, je pense que Frédéric en aurait parlé. On lui demandait quel genre de personnes ou quel médecin il rencontrait, et il n'a jamais fait allusion à un psychologue.

[Traduction]

    Vous avez aussi mentionné le manque de préparation psychologique avant le déploiement. Vous avez dit que tous les soldats qui sont déployés ne sont pas préparés psychologiquement à ce qu'ils vont devoir confronter lorsqu'ils seront là-bas. Pensez-vous que les familles ont besoin d'information sur les questions de santé mentale afin qu'elles sachent ce qui se passera quand le militaire rentrera à la maison à la fin du déploiement? Ce genre de mesures était-il en place à l'époque et pensez-vous que c'est souhaitable?
(1700)

[Français]

    Non, puisqu'on vit en région et qu'on est loin des services de Québec. Frédéric était de Québec. Par contre, un mois après le départ de Frédéric je pense, on nous a envoyé des informations par la poste. Autrement, il n'y a jamais eu personne des forces armées qui soit venu à la maison pour nous dire comment agir avec Frédéric qui subissait un stress post-traumatique. On n'a jamais reçu d'information.

[Traduction]

    Une des autres choses qui ressortent de votre témoignage est qu'il avait besoin d'être auprès de ses camarades.
    Une des questions qui ont été soulevées devant notre comité est celle des rapports avec les anciens combattants ou les bureaucrates de la Défense nationale. Lorsque les soldats rentrent au pays blessés, leurs rapports avec les bureaucrates sont souvent une source d'exaspération. Pensez-vous qu'il serait souhaitable d'avoir, au sein de la bureaucratie, davantage de gens qui seraient mieux en mesure de comprendre la mentalité des soldats des Forces canadiennes et ce qu'ils ont vécu?

[Français]

    Oui, tout à fait. Je trouve malheureux qu'il m'ait fallu passer par la télévision pour raconter notre histoire. Pourtant, je suis convaincue que je ne suis pas la seule mère qui ait vécu cela. J'aurais aimé avoir cette information, même si mon fils est décédé.

[Traduction]

    Je suis d'accord. J'ai parlé à un grand nombre de mères qui partagent vos sentiments.
    Vous avez notamment mentionné que les soldats des Forces canadiennes ont des personnalités de type A. Ils sont très courageux. Le fait de revenir avec des troubles mentaux suscite des préjugés. C'était très mal vu au cours des 20 dernières années. Vous avez vous-même mentionné ce préjugé.
    Suite aux recherches que vous avez faites depuis le décès de votre fils, pensez-vous qu'il y a eu une amélioration sur le plan de l'éducation? Pensez-vous que l'armée se dirige dans la bonne direction avec son nouveau programme d'éducation sur la santé mentale?

[Français]

    Selon moi, oui. Le meilleur copain de Frédéric en est à son troisième déploiement. Il nous dit qu'il y a un certain stress post-traumatique. Si on l'exprimait en termes de gradation, ce serait le premier degré. Par contre, il a la chance de partager ces choses-là avec nous. Il comprend qu'en tant que parents d'un militaire, nous savons ce que peuvent vivre les siens. En fait, il ne se confierait probablement pas à eux, mais il connaît d'autres parents qui ont vécu cette expérience. Comme vous le dites, les militaires sont des hommes forts. C'est certain. Ils ne doivent montrer aucune faiblesse. Selon moi, s'ils vivent ce stress, ils vont tous finir par craquer.

[Traduction]

    Il faut beaucoup de courage pour pouvoir parler de certaines des choses qu'ils ont vécu.
    Ma dernière question — et je tiens à vous remercier de nouveau d'être venue — est la suivante. Parmi tous les changements que vous avez vus au ministère de la Défense nationale ou au ministère des Anciens combattants depuis le décès de votre fils, en tant que mère, quel est celui que vous jugez le plus important?

[Français]

    Parlez-vous d'un changement qui a été apporté ou qui ne l'a pas été?

[Traduction]

    Les deux.

[Français]

    Le changement qui n'a pas été apporté concerne le stress post-traumatique. Il faudrait plus de psychologues. On n'entend pas parler de cela. Par contre, lorsqu'ils reviennent à Chypre, les militaires sont soumis à un processus de décompression. Ils ont de l'écriture à faire. Je trouve que c'est bien.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Je vous en prie.
(1705)

[Traduction]

    Allez-y, madame Zarac.

[Français]

    Bonjour, madame Lagimonière. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
     J'aimerais qu'on reparle un peu du pacte suicidaire qui a été conclu. Quand en avez-vous entendu parler?
    C'était dans une des lettres écrites par Frédéric. Il en avait écrit plusieurs.
    À qui s'adressait cette lettre?
    À tous. Au début de la lettre, il avait écrit « À tous ». On nous a remis les lettres. Des militaires sont venus à la maison et nous leur avons présenté celle-là. Nous leur avons demandé ce qu'il fallait faire à ce sujet. Ce n'était pas évident. La fin de la lettre indiquait qu'il y avait peut-être un pacte.
    Voulez-vous nous dire en quoi consistait exactement ce pacte?
     Il disait que s'il ne revenait pas avec tous ses membres, il allait se suicider.
    Les gens de l'armée ont vu cette lettre? Ils étaient au courant?
    Oui, on a tout de suite mis les gens de l'armée au courant. On se disait qu'il fallait absolument qu'ils fassent quelque chose.
    Vous avez dû les questionner à ce sujet. Quelle a été leur réponse? Est-ce quelque chose dont ils sont au courant, qui se passe régulièrement?
    Ils n'ont absolument rien dit, à part qu'ils allaient en prendre connaissance.
    Vous avez dit plus tôt avoir participé à l'enquête qui a eu lieu à la suite du suicide de votre fils. Savez-vous si les gens de l'armée ont essayé d'entrer en contact avec les soldats qui étaient dans le même groupe que Frédéric, de façon à savoir en quoi consistait le pacte et si d'autres soldats étaient potentiellement en danger?
    Ils m'ont dit au début de l'enquête que c'était le but de celle-ci.
    C'était le but de l'enquête.
    Les choses ont changé en cours de route. À un moment donné, j'ai su que Frédéric avait tenté de se suicider là-bas. Au début, ce processus devait durer 3 mois. En fin de compte, il en a duré 6, et 54 personnes ont comparu.
    Ses collègues ont été questionnés également?
    Ses collègues, des psychologues...
    Savez-vous s'ils ont réussi à savoir qui faisait partie du pacte?
    Ils ont essayé, mais dans l'armée, personne ne va parler.
    On nous a aussi beaucoup parlé de préparation. Savez-vous si dans la préparation des soldats, avant de les envoyer en Afghanistan, on parle de la possibilité qu'ils reviennent avec un membre en moins? Il faut qu'ils soient conscients de cette possibilité et qu'ils soient assez forts pour revenir et l'accepter. Savez-vous si ça fait partie de leur formation?
    Je pense que oui, depuis que mon fils est décédé.
    Je crois vous avoir entendu dire que vous auriez agi différemment si vous aviez connu l'existence de ce pacte. La formation donnée par les forces armées à la famille est-elle suffisante?
    Franchement, on n'a pas reçu de formation. Même depuis que Frédéric est décédé, il n'y a pas eu de suivi —, pas dans les régions, en tout cas.
    De plus, je trouve étrange qu'il ait été transporté à l'Hôpital général de Montréal alors qu'il était un résidant de Québec. Il aurait donc dû être à Valcartier.
    Quelle réponse ont-ils donnée? Pourquoi l'ont-ils transféré à l'Hôpital général de Montréal?
    Ils nous ont dit que Frédéric l'avait demandé, mais imaginez ce que vivait mon fils. Il était très affecté par les drogues, il avait une jambe coupée et était très amoché. Selon moi, ce sont les autorités militaires qui ont pris cette décision. On vivait en Estrie, alors ils ont considéré qu'on était plus près.
    Durant l'enquête, la raison de son déplacement à l'Hôpital général de Montréal est-elle revenue sur la table? Ont-ils demandé s'il avait reçu l'aide nécessaire? Car, vous l'avez mentionné, à l'Hôpital général de Montréal, il n'y a pas des spécialistes des traumatismes des soldats. Les soldats trouvent plutôt ce soutien à Valcartier. Cela a-t-il fait partie de l'enquête?
    Durant l'enquête, ils ont découvert que Frédéric n'avait reçu aucun soin psychologique.
    Si vous pouviez changer quelque chose, madame Lagimonière, quelles seraient vos recommandations aux forces armées? On ne veut pas que d'autres mères viennent témoigner ici pour les mêmes raisons que vous. Qu'aimeriez-vous voir changer pour que ça ne se reproduise pas?
    Je ne dirais pas « changer », mais plutôt « améliorer ». Comme je l'ai dit plus tôt, ils préparent les soldats à y aller. Je peux vous dire que les gars sont rodés. J'en ai vu dans l'avion qui partaient, ils étaient très motivés et prêts. Il faudrait peut-être préparer les parents et leur dire que si jamais quelque chose arrive à leur fils, leur fille ou leur conjoint, cette personne va vivre un traumatisme. Je trouve important que ça soit dans les grandes régions, mais il ne faut pas oublier les petites régions.
(1710)

[Traduction]

    Merci.
    C'est au tour de M. Storseth, et il sera suivi de M. André.
    Je voudrais simplement aborder quelques questions, car je trouve cela extrêmement intéressant.
    Vous avez parlé de nos soldats avant le déploiement et après le déploiement. Je suis allé là-bas dans ces deux circonstances. J'y suis allé quand nos soldats étaient déployés et vous avez raison de dire qu'ils sont très forts. J'ai également souvent assisté à leur retour au pays. Ils sont toujours très solides, mais il y a certainement un changement dans leurs yeux et leur personnalité. C'est une chose dont vous êtes extrêmement conscient.
    Soit dit en passant, je suis toujours frappé par la jeunesse des hommes et des femmes qui vont en Afghanistan et ailleurs dans le monde pour protéger les valeurs et les libertés de notre pays. C'est inspirant, mais en même temps, vous pensez aussi à vous-même lorsque vous aviez leur âge et à leur vulnérabilité vis-à-vis des différents problèmes de santé mentale lorsqu'ils vivent ce genre d'événements. Nous avons entendu les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale nous dire la même chose au sujet de ce qu'ils ont vécu au combat. Je pense que c'est très important.
    M. Stoffer et M. Mayes ont également abordé un sujet d'une importance cruciale. C'était celui du secret médical par opposition aux soins de santé en général et aux pratiques exemplaires pour nos soldats. Vous estimez, je suppose, qu'en tant que mère, vous préféreriez savoir si votre enfant court un sérieux risque lorsqu'il rentre à la maison. Je tiens à vous l'entendre dire.
    Mme Linda Lagimonière: Oui.
    M. Brian Storseth: Même en français, j'ai compris.

[Français]

    Ce n'est pas que je veuille connaître sa vie personnelle, mais, s'il lui arrive un accident là-bas, on veut être au courant, pour mieux l'encadrer. Je ne veux pas savoir avec qui il couche. Je veux savoir au moins s'il a besoin d'aide psychologique. On est là, on peut aller chercher les ressources.

[Traduction]

    Absolument.
    Je voudrais parler de l'ami de votre fils Frédéric. Diriez-vous qu'il a reçu des meilleurs soins depuis son retour que ce n'était le cas de votre fils?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Son état s'est beaucoup amélioré? Vous signalez que oui. Vous pensez donc que les choses vont dans la bonne direction, mais qu'il reste encore du travail à faire.

[Français]

    Exactement.

[Traduction]

    Bien.
    Une des choses dont vous avez parlé — et je le comprends parce que je viens d'une région rurale — c'est que vous vivez à une certaine distance de la base, du déploiement. La situation ne serait pas la même pour quelqu'un qui a une femme et des enfants sur la base.
    Quel est le meilleur endroit, selon vous, pour qu'une famille comme la vôtre reçoive une thérapie de groupe ou des conseils avant ou pendant le déploiement d'un soldat? Préféreriez-vous que quelqu'un vienne chez vous ou recevoir une thérapie de groupe? Préféreriez-vous aller au CRFM ou quelque part sur la base avec d'autres familles de militaires? Nous sommes d'accord pour dire, je pense, qu'il faudrait prévoir quelque chose pour les familles.

[Français]

    Selon moi, la chose la plus importante, ce serait de visiter la base pour aller chercher des outils et, en même temps, rencontrer d'autres parents.
    Est-ce que cela répond à votre question?

[Traduction]

    Absolument. Je sais que chaque cas est différent, mais j'aimerais que vous nous donniez votre opinion à ce sujet.
    C'est la fin de mes questions. Encore une fois, je tiens à vous remercier infiniment pour votre engagement. Nous reconnaissons tous que nous devons travailler sur ce dossier et veiller à ce que la situation continue de s'améliorer pour les jeunes hommes et les jeunes femmes qui vont là-bas. Nous devons faire en sorte que le gouvernement soit là pour les aider.
    Merci beaucoup.
(1715)
    Monsieur André, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci d'être ici, madame Lagimonière.
    Après avoir marché sur une mine et perdu une partie de la jambe, on voit sur YouTube qu'il a tenté de s'enlever la vie. Y a-t-il eu une intervention? L'enquête a-t-elle révélé si une intervention avait été faite par un médecin ou un spécialiste — sa vie était menacée — en vue de l'hospitaliser et de le retirer du théâtre d'opérations? En fait, il a été hospitalisé pour faire soigner sa jambe, mais y a-t-il eu une intervention psychologique parce qu'il avait attenté à sa vie?
    Pas du tout.
    Durant l'enquête, on a demandé si Frédéric avait vu un psychologue, mais il n'a eu aucun contact avec un psychologue.
    Donc, aucune intervention n'a été faite.
    C'est ce qui est déplorable. Il me semble qu'aussitôt qu'un accident se produit, il devrait immédiatement y avoir une intervention.
    C'est déplorable et je suis très surpris de cela.
    En fait, si un professionnel avait rencontré votre fils, une entente de confidentialité aurait été établie. À ce moment, l'armée ou le professionnel en question aurait pu ne pas vous dire ce qui s'était passé, en raison de la confidentialité du dossier.
    Mme Linda Lagimonière: Je comprends ça.
    M. Guy André: Mais ce n'était pas le cas. On vous en a sûrement parlé. Donc, il n'y a pas eu d'intervention. Cela m'étonne beaucoup parce que je crois qu'on aurait dû au moins intervenir sur le plan psychologique auprès de quelqu'un qui avait fait une tentative de suicide.
    Donc, il est revenu avec un membre en moins, mais il ne vous en parle pas.
    Mme Linda Lagimonière: Non, pas du tout.
    M. Guy André: Il vit tout cela seul.
    Vous dites que votre fils a eu peu de contacts avec l'armée. Par contre, s'il y avait eu des contacts, par exemple pour assurer un suivi auprès de votre fils, l'auriez-vous su? Vous nous avez dit qu'il avait rencontré un psychologue pendant 15 minutes, mais s'il y avait eu d'autres contacts, l'auriez-vous su?
    Selon moi, oui.
    Mon fils était assez honnête pour me dire que, oui, il rencontrait telle ou telle personne.
    Je suis tellement curieuse que, quand il allait à Québec, par exemple, je lui demandais qui il avait rencontré.
    Je veux seulement ajouter une petite chose. Quand les soldats reviennent chez eux, un rapport les suit. Il n'y en a pas eu dans le cas de Frédéric. Même en ce qui concerne le dossier médical, l'hôpital de Montréal n'en a reçu qu'une partie. Cela s'est passé comme si Frédéric avait « passé dans les craques ». C'est l'expression utilisée par l'armée.
    Donc, il est revenu chez vous et n'a eu aucun contact avec aucun intervenant.
     Il y a eu un suivi médical, je suppose, pour sa blessure.
    Mme Linda Lagimonière: Oui.
    M. Guy André: Toutefois, sur le plan...
    Sur le plan psychologique, il n'y en a pas eu.
    M. Guy André: Personne ne l'a appelé, aucun rendez-vous n'a été pris, selon vous. Aucun psychiatre n'a communiqué avec lui. Il n'y a eu aucune session de dépistage de 45 minutes pour discuter de ce qu'il venait de vivre et savoir si quelque chose devait être fait à la suite de cela. Il n'y a eu absolument aucun contact.
    Mme Linda Lagimonière: Aucun.
    C'est ce qui a été déterminé pendant l'enquête aussi. Certains sont restés surpris en s'apercevant qu'il n'y en avait pas eu.
    Il passe à l'acte et s'enlève la vie.
    Oui.
    Des interventions ont-elles été faites auprès de vous, par la suite?
     Comment cela s'est-il déroulé?
    Pas du tout.
    Il n'y a eu aucune intervention et aucun contact de l'armée ou des anciens combattants, afin de savoir ce qui s'était passé et s'il devait y avoir un suivi. Absolument rien. C'était l'isolement total.
    L'isolement total.
    Il est revenu et c'est fini.
    En tous les cas, je suis désolé, au nom de tous ces gens, que cela se soit déroulé de cette façon.
    S'il y a eu du changement, c'est ce qui me semble important. Il faut qu'il y ait encore du changement.
    Ces soldats donnent leur vie. Ils sont jeunes et donnent leur vie. Ils croient en cette mission. À mon avis, ils devraient recevoir les services en conséquence, quand ils reviennent.

[Traduction]

    Merci.
    J'apprécie vraiment que vous soyez venue témoigner aujourd'hui. Je suis sûr que tout le comité a reçu un bon nombre de renseignements utiles. J'espère que tout ce qui n'a pas encore été résolu le sera. Espérons que nous pourrons améliorer la situation.
    Merci pour votre témoignage d'aujourd'hui.
    Des voix: Bravo!
(1720)

[Français]

    Ça m'a fait plaisir.
    J'aimerais ajouter que, si je peux aider d'autres parents...
    J'ai perdu mon fils, mais j'ai peut-être une mission à accomplir. Merci à tous.

[Traduction]

    Merci.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Nous allons maintenant faire une brève pause, mais je voudrais que nous reprenions dans trois minutes, s'il vous plaît.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]
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