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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 030 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Soyez tous les bienvenus à la 30e séance du Comité permanent des anciens combattants. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous menons une étude sur le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et sur leur famille.
    Durant la première heure, nous entendrons M. William Maguire, qui témoignera à titre personnel, ainsi que M. John Whelan et M. Steven Cann.
    Nous ne disposons que d'une heure. Nous vous demandons d'être assez brefs et de limiter votre déclaration préliminaire à environ 10 minutes, si possible. Les intervenants auront ensuite cinq minutes chacun pour poser leurs questions, et nous verrons comment cela se déroulera.
    Encore une fois, soyez les bienvenus.
    Monsieur William Maguire, vous pouvez commencer.
    Je suis venu témoigner en mars. Je reconnais quelques-uns d'entre vous, mais il y a de nouveaux visages. Comme je crois l'avoir dit en mars, je vais livrer mon témoignage dans un langage de soldat. Je ne tourne pas autour du pot. Je parle avec mes tripes. Je n'ai rien à prouver à personne.
    Mesdames et messieurs, vous avez devant vous un homme qui souffre d'une terrible condition connue sous le nom de TSPT, ou trouble de stress post-traumatique. Je souffre de ce trouble mental depuis 36 ans, et j'en ai 62. Au cours des quatre dernières années, j'ai été suivi par des professionnels de la santé après avoir reçu mon diagnostic, en avril 2006.
    Le TSPT est un mal redoutable dont peut souffrir un ancien combattant en ayant l'air tout à fait normal pour quiconque ignore ce à quoi il est confronté chaque jour. Autrement dit, nous paraissons tous normaux. Les gens me regardent et pensent: « C'est un type normal, rien ne cloche chez lui ». Eh bien, je ne suis pas normal, en tout cas, pas du point de vue mental.
    L'une des choses les plus difficiles à tolérer est de savoir que lorsque le diagnostic tombe et que la nouvelle se répand, on nous considère comme une énigme et on nous traite avec méfiance, en évitant de nous donner certaines responsabilités. Au fond, on nous traite comme si nous avions la lèpre.
    Dans le but de m'en sortir et de cacher le fait que quelque chose n'allait pas chez moi, j'ai fait semblant et fait tout ce que je pouvais pour socialiser, mais au bout du compte, tout s'est effondré, et ça m'a presque détruit. Beaucoup d'anciens combattants ne peuvent pas supporter cette lutte quotidienne avec eux-mêmes; ils se retirent complètement dans un monde de dépression et se « bunkerisent », ce qui veut dire qu'ils s'isolent, qu'ils restent dans leur sous-sol ou leur petite chambre et n'en sortent pas. Ils deviennent complètement reclus et ne veulent pas socialiser, ni être dérangés par quiconque. C'est un effondrement complet de leurs structures sociales.
    Pour ma part, j'ai souffert de graves maux de tête, j'ai fait des cauchemars fréquents, j'ai eu des accès de colère au point d'effrayer les gens, j'ai vécu de la frustration de ne pas savoir ce qui m'arrivait, de l'anxiété à l'idée de devoir effectuer les tâches les plus simples, et j'étais réticent à faire totalement confiance aux gens qui m'entouraient, au travail comme à la maison. J'étais toujours sur mes gardes, toujours sur la défensive, constamment vigilant à l'égard de ce qui se passait autour de moi. J'avais un comportement asocial et des problèmes relativement à l'autorité. C'est courant chez les hommes atteints du TSPT. J'utilise le mot hommes, car je n'ai jamais travaillé avec des femmes souffrant de ce trouble.
    Ces problèmes se sont manifestés tout de suite après mon retour de Chypre, en décembre 1974, après une mission des Nations Unies avec le Régiment aéroporté du Canada. À la suite de l'échec de mon premier mariage, en 1982 — il a duré 10 ans —, mon ex-conjointe m'a dit qu'elle m'aimait toujours, mais qu'elle ne me reconnaissait plus. Elle m'a aussi confié que depuis mon retour de Chypre, en 1974, je n'étais plus le même homme et que parfois, je lui faisais peur, car elle ne savait pas à quoi s'attendre de ma part. C'est un autre problème auquel nous sommes confrontés: la perte du réseau de soutien familial.
    En 1993, quand je suis revenu de la Somalie, je me suis remarié en espérant de tout coeur pouvoir vivre une vie normale avec la femme que j'aime maintenant. Cela s'est aussi soldé par un échec, et j'ai continué à mener une lutte quotidienne contre mes symptômes, que j'appelle les montagnes russes des émotions: une minute tout va bien, et la suivante tout s'écroule.
    À l'heure actuelle, j'ai encore beaucoup de symptômes, même si je consulte régulièrement un psychologue. Comme je lutte constamment pour trouver un sens à ma vie tout en traînant le fardeau — c'est ainsi que je l'appelle — d'une dépression, ma santé physique s'est détériorée plus rapidement que les professionnels de la santé et moi-même ne l'avions prévu.
(1535)
    Je me trompe peut-être, mais je considère que le cycle sans fin des émotions en dents de scie causé par le TSPT est responsable de la détérioration de ma santé. Dans le but de trouver un sens à tout cela et de prendre un engagement envers moi-même — autrement dit, pour trouver une façon de sortir de chez moi —, je me suis joint au service de soutien social pour les blessures de stress opérationnel, ou SSBSO, à titre de pair aidant. C'est de cette expérience au sein du service de SSBSO, dont je ne fais plus partie, ainsi que de l'aide que j'apporte à mon tour à d'anciens combattants dont je m'inspire maintenant.
    J'ai fait de mon mieux, je me suis donné à fond pour aider mes camarades anciens combattants, jusqu'à ce que je traverse ce que nous appelons la phase d'épuisement professionnel, que tous les pairs aidants traversent, parce qu'ils finissent par trop s'investir et qu'ils s'épuisent.
    C'est durant ces épisodes d'épuisement que j'ai plongé dans une grave dépression et une longue période d'isolement. Comme vous pouvez l'imaginer, cela a eu des effets négatifs non seulement sur moi, mais aussi sur ma tendre épouse, avec qui ma relation avait presque déjà atteint le point de rupture. Durant cette période sombre, je me suis complètement coupé du monde extérieur, j'ai manqué d'importants rendez-vous médicaux et presque abandonné mes fonctions d'aide auprès de mes collègues anciens combattants.
    Cela me dérange vraiment, car je considère qu'il est de mon devoir de garder contact avec eux. C'est typique des soldats. Ils aident leurs camarades et ils obtiennent de l'aide en retour. Quand ils ne peuvent plus le faire, alors c'est leur faute: ils les ont laissés tomber. Nous sommes tous passés par là.
    Ces épisodes duraient chaque fois de quelques semaines à quelques mois. Pendant cette période très difficile de ma vie, ma tendre épouse est restée constamment à mes côtés, même si je m'isolais durant des jours sans me laver, me raser ni changer mes vêtements et que je ne montais pour manger que de temps à autre. Elle a supporté beaucoup de choses durant ma maladie, au fil des ans, et elle a même menacé de me quitter à quelques reprises. Je ne le lui reprocherais pas le moins du monde si elle le faisait, car je crois qu'elle se porterait mieux sans moi.
    À mesure que mon état s'aggravait, elle travaillait de moins en moins afin de rester davantage avec moi, parce qu'elle craignait que je m'enlève la vie. Quand il est devenu trop difficile de garder son travail, elle a décidé de démissionner pour être avec moi en tout temps. Même si ce fut une bénédiction pour moi, cela nous a coûté très cher sur le plan financier, mais nous nous débrouillons. Nous subissons davantage de stress. De plus, je suis incapable de la satisfaire sur le plan sexuel depuis plus de 10 ans. Vous pouvez imaginer à quel point cela nuit à notre relation.
    Je considère que ma vie n'est que douleur et souffrance. Ma vie d'avant est détruite et parfois, je pense qu'il ne vaut pas la peine de continuer à me battre vu l'état lamentable des choses. Je dois admettre, et je le dis sans malveillance, que le TSPT a eu beaucoup d'effets négatifs dans ma vie et dans celle de centaines d'autres anciens combattants.
    C'est ce que j'ai vécu au cours des quatre dernières années.
    D'abord, le TSPT détruira la vie familiale et sociale de l'ancien combattant jusqu'à ce qu'il développe une dépendance à l'alcool et aux drogues prescrites ou illégales, ou au jeu, à un point tel qu'il perdra le contrôle de ses finances. Il est aussi susceptible de développer une dangereuse hyperactivité sexuelle pouvant se transformer en prostitution ou une obsession du travail. Ces dépendances nuisent à ses chances de se respecter soi-même ou de combattre les effets du TSPT.
    Je dois dire également que lorsque quelqu'un développe une ou plusieurs de ces dépendances, cela rend le diagnostic de TSPT plus difficile à établir, car la personne doit d'abord être traitée pour ces dépendances. Cette période d'évaluation est très stressante pour elle, car cela va probablement détruire son mariage, si elle est mariée, ou toute autre relation. Après avoir perdu le soutien de sa famille, qui est essentiel dans le processus de guérison, l'ancien combattant finira sans doute par vivre en reclus ou par faire une tentative de suicide.
    S'il peut conserver le soutien de sa famille, même si cette période est très difficile et stressante non seulement pour lui, mais aussi pour les membres de sa famille, il aura alors beaucoup plus de chance de surmonter les effets du TSPT. Toutefois, s'il est célibataire, la bataille se livrera à un niveau différent — c'est-à-dire qu'il sera plus difficile pour lui de demander de l'aide et qu'il se tournera probablement vers d'autres moyens, comme les dépendances. S'il n'a pas la chance d'obtenir rapidement une assistance médicale, il adoptera généralement des comportements autodestructeurs.
(1540)
    En raison de la méfiance constante dont font preuve les anciens combattants à l'égard de l'autorité et du fait qu'ils se sentent rejetés par le système en place, ils refuseront toute aide et formeront des groupes de dissidents pour obtenir des conseils et de l'aide les uns des autres. C'est ce que j'appellerais rouler à vive allure dans une voie à sens unique — une voie très dangereuse. Au lieu de s'entraider, ils ne font que mettre leur vie en danger en ne cherchant pas à obtenir une assistance médicale adéquate. Leurs rencontres dans un sous-sol ou un garage ne règlent rien, surtout parce qu'ils discutent la plupart du temps en buvant de la bière ou en fumant du tabac illégal. Au bout du compte, ils ne réussissent qu'à exacerber leur colère, leur frustration et leur méfiance, et ils risquent de sombrer dans une grave dépression. J'ai personnellement été témoin de ces situations à deux reprises, et je dois admettre que cela m'a complètement bouleversé.
    J'ai assisté à deux séances de groupe tenues par mon psychologue; elles m'ont beaucoup aidé à mieux comprendre les causes et les effets du TSPT. Ces séances de groupe, ainsi que les séances individuelles, m'ont appris comment me débrouiller durant les périodes d'anxiété et de stress excessifs et m'ont permis de comprendre ce qui les déclenche. Ces séances ont beaucoup aidé de nombreux anciens combattants à vivre une vie normale. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une solution miracle, car ce n'est pas leur objectif, mais elles aideront l'ancien combattant dans sa lutte quotidienne contre le TSPT et l'aideront à faire confiance aux autres. Il ne peut retirer du programme que ce qu'il veut bien y mettre. Autrement dit, je reçois ce que je donne. Si je ne veux pas y consacrer des efforts, le psychologue ne pourra rien faire pour moi. Nous perdrons alors tous les deux notre temps.
    On a refusé d'offrir de l'aide médicale à bien des anciens combattants parce que de nombreux médecins et psychologues refusent de nous prendre comme patients. Ils ne connaissent ni le traitement approprié pour nous, ni les effets du TSPT sur l'organisme. La formation est aussi un enjeu important. À cause de ce refus, les anciens combattants se sentent encore plus isolés et méfiants à l'égard du système. C'est l'une des principales causes de méfiance. Quand on cherche de l'aide et qu'on ne peux pas en trouver, on n'a plus confiance en personne et on se joint à des groupes dissidents. C'est comme être dans une voiture qui dévale une pente abrupte à toute allure en direction d'un mur de brique. Il n'y a pas d'issue possible.
    Il est également très difficile pour nous tous d'essayer de nous faire comprendre et de recevoir l'aide dont nous avons besoin d'un système respectueux. Si un ancien combattant n'est pas pris en charge à temps, cela peut avoir des conséquences très graves sur lui. Sans les établissements et les soins de santé adéquats, nous sommes pratiquement condamnés.
    Le taux de suicide est en hausse; encore une fois, je me fie à ma propre expérience pour l'affirmer. Durant la dernière séance de groupe à laquelle j'ai assisté, j'ai posé quelques questions à mes camarades anciens combattants. Quand je leur ai demandé combien d'entre eux avaient déjà envisagé le suicide, des huit personnes présentes, sept ont levé la main. Quand je leur ai demandé combien prévoyaient passer à l'acte, quatre ont levé la main. Et quand j'ai demandé combien avaient déjà fait une tentative, trois personnes ont levé la main, dont moi-même. J'ai connu cinq personnes qui se sont suicidées et j'en connais beaucoup d'autres qui ont essayé de le faire. Cela a eu des effets négatifs sur moi, comme vous pouvez l'imaginer.
    Avant de conclure, j'aimerais mentionner que le TSPT — et c'est un ancien combattant qui le dit — ne peut être guéri, mais qu'il peut être limité s'il est traité à temps. Je n'ai pas eu la chance d'être traité rapidement, même si j'ai demandé de l'aide en 1985 et au début des années 1990. Dès 1985, je savais que quelque chose clochait, et ma plus grande crainte était de devenir fou. C'est la première chose que croit un ancien combattant quand il commence à se comporter étrangement et à devenir un exclus de la société. Il pense qu'il devient fou et qu'il est le seul à souffrir.
(1545)
    Quand je suis allé voir le médecin-chef de la BFC Shearwater, en 1985, et que je lui ai parlé de mon sentiment de ne plus maîtriser la situation et de mes cauchemars, il m'a dit que tout cela était dans ma tête et qu'avec le temps, je guérirais tout seul.
    Eh bien, aujourd'hui, je suis loin d'être guéri.
    Signé M. William D. Maguire.
    Merci, monsieur Maguire.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. John Whelan, de Whelan Psychological Services Incorporated.
    Je tiens à remercier le comité de nous recevoir ici aujourd'hui. M. Cann et moi-même représentons Whelan Psychological Services, une clinique privée de services psychologiques oeuvrant principalement auprès de militaires souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel en Nouvelle-Écosse.
    Pour ce qui est de mes antécédents, j'ai fait partie des Forces canadiennes de 1977 à 1985. Au cours des 15 dernières années, j'ai travaillé en qualité de psychologue clinicien, d'abord comme directeur des services de toxicomanie pour la marine à Halifax et depuis 5 ans, je travaille à temps plein dans une clinique privée oeuvrant principalement auprès de militaires en service et à la retraite et de membres de la GRC.
    Aujourd'hui, mes observations porteront principalement sur le système actuel de soins de santé mentale pour les anciens combattants.
    Notre clinique a été fondée en 2005 dans le but d'offrir un programme d'intervention de huit semaines en réponse à une DDP conjointe parrainée par le MDN et AAC; cette initiative n'a jamais été utilisée. Nous avons commencé à travailler avec des anciens combattants recommandés par d'autres fournisseurs de services et omnipraticiens civils ainsi qu'avec d'autres clients sans recommandation qui nous ont contactés par le truchement du réseau de SSBSO. Beaucoup de ces cas critiques, inconnus de l'armée ou d'AAC à l'époque, nous ont été envoyés par des civils en raison de problèmes de dépendance ou de dépression, et c'est souvent nous qui les avons évalués pour la première fois et qui avons établi pour eux un premier diagnostic.
    Dernièrement, la situation s'est améliorée; un nombre accru de clients qui nous ont été recommandés ont déjà reçu un diagnostic de TSO établi par l'armée. Ils nous sont souvent envoyés après avoir quitté la vie militaire. Il s'agit souvent de cas complexes qui, comme l'a dit M. Maguire, présentent beaucoup d'autres problèmes.
    Environ 70 p. 100 des 400 clients militaires et membres de la GRC envoyés à notre clinique au cours des cinq dernières années souffrent de problèmes chroniques associés à la toxicomanie et au stress post-traumatique, auxquels s'ajoutent encore la douleur chronique causée par des blessures physiques, les idées suicidaires et les problèmes de maîtrise de la colère. Certains clients, notamment de jeunes anciens combattants et des militaires encore actifs, peuvent progresser exceptionnellement bien et compléter le traitement avec succès. En règle générale, cependant, le pronostic de réussite du traitement est réservé, et les rechutes sont fréquentes.
    Comme l'indiquent les recherches, les anciens combattants qui souffrent de TSPT, et surtout ceux qui ont des problèmes chroniques de toxicomanie, ne répondent habituellement pas bien au traitement conventionnel des troubles de stress post-traumatique. Ils ont souvent des préoccupations multiples, chroniques et comorbides qui sont difficiles à gérer chez des patients externes. Ils naviguent entre des périodes de stabilité et des périodes de crise. Beaucoup n'ont pas de soutien médical ni psychiatrique dans la communauté civile. Le risque de suicide est une préoccupation constante.
    Bien que le diagnostic et le traitement des TSO se fassent maintenant plus tôt au sein de l'armée, du point de vue de la continuité des soins, il semble que le système souffre de lacunes importantes. Souvent, les anciens combattants qui bénéficient de soins médicaux prodigués par l'armée se trouvent en situation de grande détresse lorsqu'ils quittent la vie militaire, et ils choisissent de vivre en marge, parfois pendant des années. Ils sont souvent sans emploi, isolés et pessimistes quant à des changements de vie positifs. Certains doivent être hospitalisés à la suite d'une tentative de suicide ou en raison d'une psychose; d'autres ont besoin d'une surveillance clinique étroite. Nous comptons parmi nos clients quatre décès prématurés attribuables aux problèmes liés au TSPT.
    Comme l'indique le sénateur Kirby dans son rapport de 2006, intitulé De l'ombre à la lumière, des défis formidables se posent à la prestation de services de santé mentale au Canada, comme nous le savons. Il dit notamment:
Le ... « choc culturel » entre les services de santé mentale et ceux de toxicomanie a créé de graves problèmes pour les clients, en particulier pour ceux atteints de troubles concomitants.
    Lorsqu'il s'agit de traiter les problèmes de santé mentale chez les anciens combattants, il convient alors de se demander si cette moyenne canadienne est la norme prévue en matière de soins.
    Dans notre région, les services offerts aux anciens combattants reposent en grande partie sur un ensemble de fournisseurs de soins de santé mentale approuvés et sur les services de santé publique disponibles, comme les médecins et les psychiatres, qui ont parfois peu ou pas de compétences en matière de gestion des problèmes rencontrés par les anciens combattants. Dans le cadre du système actuel, il n'y a aucun mécanisme en place pour la détermination des compétences, sauf les titres et les certificats spécialisés. De même, lorsqu'un ancien combattant consulte plusieurs fournisseurs indépendants, il n'existe pas de mécanisme en place permettant à ceux-ci de communiquer entre eux ou de coordonner leurs efforts.
    Par contre, à Halifax, les Forces canadiennes semblent vouloir établir un modèle coopératif de soins pour le traitement des militaires souffrant de TSO, notamment des échanges de personnel et des efforts axés sur la coopération interdisciplinaire. On pourrait envisager de reprendre ce modèle dans d'autres aires de compétences. Notre tentative de reproduire ce modèle dans un petit cadre privé relève du défi.
(1550)
    Les problèmes auxquels font face de nombreux anciens combattants sont complexes et multiformes. Les solutions nécessiteront vraisemblablement des changements fondamentaux au niveau des cultures organisationnelles, des systèmes de communication et des attitudes des spécialistes, qui croient « avoir raison », mais qui doivent plutôt déterminer, respecter et gérer efficacement les besoins des clients et de leur famille.
    Pour ce qui est des preuves établies dans le domaine des traumatismes, nous savons que la norme d'excellence acceptée comprend une thérapie cognitivo-comportementale, souvent dans le cadre d'approches par étapes d'une durée d'un à trois ans, en moyenne.
    En résumé, avant d'entreprendre tout traitement pour un militaire ou un membre de la GRC présentant une réaction de stress post-traumatique, il est impératif de procéder à la stabilisation, y compris pour les problèmes liés aux idées suicidaires. Souvent, cela signifie la gestion de la médication, des mesures visant à favoriser un milieu de vie stable, la gestion des problèmes de toxicomanie et la diminution des facteurs de stress.
    Pour bon nombre de nos clients, il est extrêmement difficile de franchir la première étape du traitement. La perte d'une structure d'emploi et de l'identité militaire, l'éclatement de la famille, la douleur non gérée, la toxicomanie active, les difficultés à obtenir un soutien médical et les préoccupations constantes liées aux demandes de pension et aux processus d'appels causent un état d'instabilité perpétuel de sorte que, pour certains clients, il n'est pas possible de passer à la deuxième étape du traitement, durant laquelle ils régleraient de façon active le TSO établi.
    Pendant ce temps, évidemment, ces clients se sentent encore plus désillusionnés, en colère et déprimés, ce qui contribue à la chronicité de la réaction post-traumatique.
    Je vais maintenant laisser la parole à M. Cann.
    Je m'appelle Steven Cann. En plus de travailler à Whelan Psychological, je suis également superviseur clinicien à contrat pour le programme de traitement des toxicomanies de Stadacona, à Halifax. Auparavant, j'étais psychologue de district et agent de gestion des cas pour le Service correctionnel du Canada.
    Je vais vous parler de deux choses: la gestion des cas et les interventions en matière de toxicomanie. Mais d'abord, permettez-moi de vous résumer notre expérience en tant que fournisseurs privés de services aux anciens combattants.
    Nous avons constaté qu'il existe des services approuvés pour les anciens combattants et qu'il en existe de nombreux autres qui ne sont pas approuvés, mais qui sont néanmoins nécessaires. Pour aider vraiment les anciens combattants, il faut souvent assumer plusieurs rôles, au point où nos rôles cliniques s'en trouvent passablement déformés. Ainsi, les anciens combattants nous demandent souvent de les aider, par exemple à remplir des demandes de pension ou d'appels ou à les mettre en contact avec des médecins ou des psychiatres civils.
    Dans certains cas, nous sommes contraints de nous transformer en gestionnaires de cas, ce qui peut être une cause de confusion et de différend. Nous sommes éminemment conscients de notre rôle en tant que premier point de soutien pour bon nombre d'anciens combattants, mais nous ne sommes pas considérés comme faisant partie d'un système. Nous sommes traités comme une ressource à exploiter de manière très restreinte.
    Ces dernières années, on a beaucoup parlé d'une démarche axée sur le client pour le traitement des anciens combattants. Selon nous, un modèle axé sur le client place le client en question et sa famille au centre d'un cercle formé d'une équipe de collaborateurs ayant chacun une compréhension partagée de la complexité des enjeux, des rôles clairement définis, un engagement partagé envers les objectifs du client et le processus de l'équipe et, surtout, qui exercent une solide supervision pour garantir l'engagement envers ces objectifs. Le client et sa famille font partie intégrante de cette équipe et sont continuellement consultés.
    Or, la réalité correspondrait plutôt à un modèle « d'admissibilité aux services », dans lequel chaque service — par exemple, psychothérapie, médicaments — constitue un axe distinct formé d'un fournisseur de soins et d'un ancien combattant qui travaillent isolément des deux ou trois autres axes indépendants concernant le même ancien combattant. En vertu de ce modèle, il n'y a pas d'interaction possible entre ces fournisseurs, ni de supervision de coordination. Les gestionnaires de cas qui coordonnent les soins aux clients et ont le pouvoir de communiquer directement avec les fournisseurs de soins jouent un rôle essentiel à l'efficacité d'une démarche axée sur le client.
    Nos responsabilités de fournisseur deviennent confuses en raison du rôle joué par les gestionnaires de cas d'ACC. Selon nos observations, ils ne s'occupent pas de gérer les cas. En fait, la gestion des cas par le ministère semble consister à autoriser ou à refuser le financement d'une intervention recommandée en fonction d'une liste des services approuvés par l'assureur. Il serait avantageux, pour se rapprocher d'un modèle collaboratif, de modifier le rôle du gestionnaire de cas de sorte qu'on puisse déterminer clairement qu'il est le responsable et le coordonnateur du cas, de concert avec les fournisseurs de la collectivité, ce qui constitue une approche d'équipe.
    D'autres organismes fédéraux ont des gestionnaires de cas qui occupent des fonctions similaires; par exemple, le Service correctionnel du Canada, mon ancien employeur, a des agents de libération conditionnelle. Cependant, le gros obstacle à ce changement vient du fait que les gestionnaires de cas d'ACC ne sont pas autorisés à diriger des clients vers des services. Ces décisions sont actuellement prises par des fournisseurs externes, qui ne connaissent pas nécessairement les effets potentiels des traumatismes liés au combat.
    Notre clinique s'occupe principalement d'anciens combattants qui nous sont envoyés pour TSPT et toxicomanie. À la clinique, nous utilisons un modèle intégrateur TSPT-toxicomanies qui a produit des résultats positifs au vu de nos recherches préliminaires. Le traitement intégré consiste à traiter plusieurs problèmes simultanément, par exemple le TSPT, les toxicomanies et la dépression.
    Le traitement intégré est recommandé pour des troubles concomitants depuis un certain nombre d'années. Si on traite un trouble isolément, il est possible qu'un trouble en aggrave un autre. Par exemple, il est possible que l'ancien combattant traité pour le TSPT ne puisse plus faire face à ses émotions et recommence à consommer de l'alcool de façon excessive, ce qui l'expose à un risque élevé de se faire du mal.
    Pour conclure, en tant que fournisseurs de traitement, nous vous soumettons les suggestions suivantes pour les systèmes de soins: que soit adoptée une approche collaborative véritablement axée sur le client, dans laquelle l'ancien combattant et les fournisseurs spécialisés de soins collaborent au sein d'une équipe qui cherche à atteindre les objectifs du client; que les équipes disposent d'un gestionnaire de cas possédant les connaissances et le pouvoir voulus pour prendre des mesures; et que soient mis en place des mécanismes pour garantir la continuité des soins dans le cas de militaires en service qui ont été traités pour des BSO et qui sont libérés, afin d'éviter une rechute.
(1555)
    Pour ce qui est des solutions de traitement, nous formulons les recommandations suivantes: premièrement, l'adoption et la mise en oeuvre de modèles de traitement intégratifs de soins pour les anciens combattants qui souffrent de troubles concomitants de santé mentale; deuxièmement, les décisions au sujet des modalités de traitement, comme une médication pour une personne ou pour un groupe, ou une thérapie familiale, ne devraient pas être prises en fonction d'une liste approuvée, mais devraient être prises par une équipe travaillant en collaboration, en fonction des faits et des résultats obtenus; troisièmement, on devrait chercher dans la région immédiate les moyens d'accueillir le patient hospitalisé dans le cas d'anciens combattants souffrant de troubles concomitants de santé mentale, afin de réduire les coûts financiers et le dérangement pour la famille qui sont liés à l'hospitalisation d'anciens combattants dans des centres éloignés d'autres régions du Canada, comme l'Ontario.
    Merci beaucoup.
(1600)
    Merci.
    Il ne reste que 30 minutes pour les questions; je vais donc être strict en ce qui concerne le temps de parole. Les intervenants disposent de cinq minutes chacun pour les questions et les réponses. Nous allons donc essayer d'être aussi concis que possible.
    Madame Sgro.
    Monsieur Maguire, d'abord, je tiens à vous remercier, au nom de tous les Canadiens, de votre contribution et du courage dont vous avez fait preuve aujourd'hui en venant témoigner devant nous. Il s'agit d'une question importante pour nous tous, comme pour vous, et grâce à vos observations et à celles d'autres personnes, nous pourrons formuler des recommandations qui, je l'espère, nous permettront d'améliorer la situation.
    Compte tenu des difficultés auxquelles vous avez été confronté, quel devrait être, selon vous, le premier point de contact d'une personne qui revient d'un déploiement opérationnel afin de recevoir l'aide dont elle a besoin?
    Je ne peux que penser que tous les soldats qui rentrent d'une mission opérationnelle doivent souffrir de TSPT. Je suppose que tout le monde doit en souffrir à divers degrés. C'est ce que je crois. Si nous supposons que tout le monde qui rentre d'une mission opérationnelle souffrira de TSPT à un certain degré...
    Non, madame, ça ne se passe pas de cette façon. Je dirais qu'environ 60 p. 100 des soldats qui rentrent au pays ne présentent aucun signe visible de TSPT. Parmi les 40 p. 100 qui restent, je dirais qu'il y en a environ 20 p. 100 qui ont des signes visibles et qu'après quelques années, les autres en auront.
    Il m'a fallu de 10 à 15 ans avant de commencer à voir les choses différemment, et j'ai pensé alors que j'étais à blâmer. J'ai commencé à faire des cauchemars, qui n'ont jamais cessé depuis: je rêve que je suis de garde en pleine nuit, mais je n'ai rien à garder, en fin de compte, et je patrouille seulement aux alentours.
    Quand un soldat rentre au Canada, il devrait d'abord être observé. On ne peut pas demander à chacun s'il souffre de TSPT.
    Qu'est-ce que le TSPT? Va-t-on expliquer au soldat ce que c'est? Va-t-on lui demander s'il fait des cauchemars? Non. Va-t-on lui demander s'il a des flashbacks? Non.
    Que va-t-on faire, alors? Lui donner une petite tape dans le dos et lui dire: « Merci, ne lâchez pas... au suivant »?
    Très souvent, le...
    Ce que j'essaie de dire, madame, c'est que lorsque les soldats rentrent de mission, le personnel médical doit être formé pour reconnaître les signes visibles de TSPT. Si un homme habituellement volubile et tapageur devient soudain silencieux et renfermé, alors il souffre de quelque chose. Ou bien ce pourrait être le contraire: un homme habituellement silencieux et renfermé qui devient tout à coup extravagant, fait des choses stupides pour attirer l'attention et a des montées d'adrénaline, cela indique qu'il a un grand besoin, qu'il lui manque quelque chose dans sa vie. Normalement, la montée d'adrénaline coïncide avec une lutte.
    Monsieur Maguire, vous avez dit avoir commencé à vous comporter de façon imprévisible 10 ans après votre retour. Vous ne faisiez plus partie des Forces, vous viviez votre vie et vous avez commencé à souffrir de divers symptômes. Vous ne pensiez pas nécessairement que c'était le résultat de vos expériences passées, n'est-ce pas?
    Madame, j'avais ces problèmes bien avant de quitter la vie militaire. Dès 1985, je savais que quelque chose n'allait pas, que j'avais besoin d'aide. Quand je suis allé en chercher, je n'en ai pas obtenu. On me l'a refusée. On m'a dit d'aller dormir, de prendre des somnifères et de retourner travailler le lendemain.
    Comme si le problème allait disparaître. C'est terrible.
    On vous dit d'aller remplir votre chargeur, comme disent les militaires, pour vous sentir d'attaque.
    En quelle année cela s'est-il passé, monsieur Maguire?
(1605)
    J'ai commencé à en ressentir les effets probablement vers la fin des années 1970 ou au début des années 1980, et j'ai cru que je pouvais régler moi-même ces problèmes.
    En 1985, quand j'étais à Shearwater, les gens ont commencé me craindre. Les gens de mon détachement, avec qui je travaillais sur le navire, refusaient de me laisser dormir dans le poste d'équipage. Ils ne me parlaient pas. En fait, je leur faisais peur, car j'étais très agressif. J'étais toujours prêt à bondir.
    Je me suis dit que quelque chose clochait, que je n'étais plus le Billy Maguire que j'étais cinq ou dix ans auparavant. Je savais que quelque chose n'allait pas. Lorsque j'ai essayé d'obtenir l'aide du système médical de l'époque — j'admets que le système de soins de santé s'est beaucoup amélioré —, on me l'a refusée. On m'a dit de me bouger le cul et de retourner travailler.
    Merci, monsieur Maguire.
    M. William Maguire: Et pardonnez-moi pour cet écart de langage.
    L'hon. Judy Sgro: Ne vous en faites pas.
    Ce n'est pas grave.
    Monsieur André.

[Français]

    J'aimerais savoir, monsieur le président, si je dispose bien de sept minutes.

[Traduction]

    De cinq minutes.

[Français]

    Je vais partager mon temps avec M. Vincent.
    Je m'adresse à tous. J'aimerais aborder la question des problèmes de santé mentale dont vous avez parlé, monsieur Maguire. Je suis convaincu que vous, les psychologues, allez être d'accord avec moi. Cela s'est amélioré avec les années. Surtout que dans les années 1960, 1970, 1980, il y avait beaucoup de tabous et de préjugés concernant la santé mentale. Peu importe le problème, on avait tendance à dire, comme vous l'avez souligné, monsieur Maguire, que si quelqu'un avait un problème, il devait aller se reposer et prendre une pilule pour dormir. Je pense que notre société a évolué. C'est un dossier que vous suivez très bien, tout comme vous également, messieurs Whelan et Cann. J'aimerais vous demander quelles améliorations ont été apportées par rapport au traitement du syndrome de stress post-traumatique. Y a-t-il eu une amélioration? J'imagine quelle était la situation dans les années 1970 et 1980. Mon père a fait la seconde Guerre mondiale, et il a pris sa retraite en 1955. J'ai toujours dit qu'il avait souffert du syndrome de stress post-traumatique, mais il a vécu avec cela. C'était comme ça, on sortait de la guerre et on partait. Y a-t-il eu des améliorations?
    Ce que vous dites est important. Le dépistage ne se fait pas. Avec les années, on a quand même développé des outils afin de dépister le syndrome de stress post-traumatique chez les personnes à risque. Compte tenu du pourcentage élevé de personnes touchées par le syndrome de stress post-traumatique, ne devrait-on pas investir davantage dans ce dépistage et le rendre quasiment obligatoire? Vous l'avez bien dit, monsieur Maguire, plus vite on peut traiter la personne et établir qui sont les personnes qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique, plus vite on pourra au moins réduire les impacts futurs de ce problème. C'est ma question.

[Traduction]

    Je vais répondre brièvement. Vous avez raison de dire que plus le diagnostic de TSPT est précoce, plus la personne a de chances de pouvoir vivre normalement dans la société.
    De plus, les centres de soins devraient être situés dans les régions où ils peuvent être utilisés. Pour nous, le seul centre de santé disponible, je crois, est en Ontario, et la liste d'attente est interminable. On ne peut traiter qu'un nombre limité de dossiers. Je pense que l'on offre maintenant un très bon programme au cinquième étage de Stadacona, mais qu'il est axé sur les toxicomanies.
    Ce qu'il nous faut, c'est un centre où nous pourrons nous rendre après avoir reçu notre diagnostic de TSPT et où des psychologues et des médecins comme Heather McKinnon pourront nous dire: « Nous allons maintenant vous traiter; nous allons augmenter votre capacité de fonctionner normalement, si nous le pouvons, jusqu'à ce que vous puissiez vous réintégrer dans la société ».
    Le plus important, c'est de nous amener à nouer à nouveau des relations; c'est ce que nous refusons de faire. Nous voulons qu'on nous laisse tranquille. Encore une fois, c'est une question de confiance. C'est un peu comme un mouvement de balancier. Si je me suis levé du bon pied, je vais vous parler; si je me suis levé du mauvais pied, je ne vais même pas vous regarder.
(1610)
    Il nous reste quatre minutes. Nous allons devoir poursuivre, si nous voulons que M. Whelan ait le temps de répondre.
    Je suis désolé de vous interrompre.
    C'est une question formidable. Merci.
    En ce qui concerne les améliorations, tout se résume au fait que nous devons vraiment tenir compte des résultats. Compte tenu de toute l'énergie investie pour nos anciens combattants et nos militaires actifs, des patients hospitalisés ou non, ainsi que des divers types de médicaments et d'interventions, je crois qu'il nous faut vraiment nous pencher sur les résultats.
    Y a-t-il quelque chose qui puisse améliorer la qualité de vie de l'ancien combattant et de sa famille? Je crois que nous n'avons pas d'informations pertinentes à ce sujet.
    Pour ce qui est des améliorations en général, je crois que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis que j'ai fait mon premier stage clinique à l'hôpital psychiatrique de Stadacona, en 1993, et que nous avons vu nos premiers soldats rentrer de la Bosnie. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis ce temps en ce qui concerne le dépistage.
    Nous avons encore de la difficulté à dépister les réservistes qui quittent notre système, car nous ne pouvons pas les retrouver. Je crois que c'est un problème.
    De plus, nous avons tous fait beaucoup d'efforts pour veiller à ce que les programmes soient fondés sur des données probantes. Il est difficile de les mettre en oeuvre dans la communauté, puisque nous sommes des fournisseurs externes civils pour tout système. Il existe bien des lacunes et des problèmes.
    Merci.
    Monsieur Stoffer.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Étant donné sa grande modestie, M. Maguire ne nous dit pas que, malgré sa propre souffrance, il a aidé un nombre impressionnant de gens de la région de Halifax en leur parlant. Il n'a pas le temps de nous décrire des cas. Bill, je tiens à vous remercier au nom du comité d'avoir aidé d'autres soldats, aviateurs et anciens combattants à se rendre compte qu'ils ont un problème et qu'ils peuvent trouver de l'aide s'ils le veulent.
    Messieurs Whelan et Cann, puisque la famille compte parmi les difficultés rencontrées, je me demandais ce qu'il en est des établissements de soins de courte durée pouvant accueillir des patients. Premièrement, offrez-vous des traitements aux membres de la famille d'un ancien combattant? Il y a deux ou trois ans, nous avons appris lors d'un témoignage qu'un ancien combattant peut transférer son stress post-traumatique à sa famille et surtout à ses enfants. Comptez-vous de telles familles parmi vos patients?
    Deuxièmement, avez-vous des établissements de soins de courte durée pour accueillir une personne comme Bill? Par exemple, si la femme d'un patient se sent menacée d'une certaine façon ou qu'elle a peur, le patient peut sortir du cadre familial et y passer une fin de semaine, deux ou trois jours, afin de prendre un moment de repos, de discuter et d'avoir du temps pour lui.
    C'étaient mes deux questions. Si vous ne disposez pas d'établissements de soins de courte durée semblables, quelle serait votre recommandation à cet égard?
    De plus, j'aimerais en savoir davantage sur vos rapports avec les gestionnaires de cas du ministère des Anciens Combattants. Je sais que le ministère confie habituellement l'évaluation d'un patient en particulier à des personnes liées par contrat, notamment les Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada. Croyez-vous que ces gens, que le ministère engage par contrat, ont suffisamment de connaissances du trouble de stress post-traumatique pour l'identifier, le comprendre et en établir adéquatement le diagnostic ou bien formuler des recommandations au ministère, qui vous fera des recommandations à son tour?
    Je vous remercie tous les trois de votre présence.
    Je vais donner une partie de la réponse, puis je laisserai la parole à M. Cann.
    Rencontrons-nous des membres de la famille? Nous le faisons vraiment très peu; il s'agit habituellement de l'époux ou de l'épouse d'un ancien combattant. Je ne comprends vraiment pas les ratios, mais il existe une formule selon laquelle tout ancien combattant qui est en psychothérapie ou qui bénéficie d'un service de counselling continu peut amener son époux ou son épouse à deux rencontres sur dix. C'est tout nouveau.
    Un instant. Qui a établi ces ratios?
    M. John Whelan: Le ministère des Anciens Combattants.
    M. Peter Stoffer: D'où viennent ces exigences?
    Habituellement, lorsque nous voulons fournir des services à un membre de la famille d'un ancien combattant, c'est nous à titre de prestataire qui en donnons l'autorisation. Nous n'avons jamais rencontré d'enfants, jeunes ou adultes, peut-être en raison de notre type particulier de pratique.
    En réponse à la deuxième partie de votre question, nous n'avons aucun établissement de soins de courte durée. J'ai déjà reçu de l'aide de Stadacona. Si la sécurité l'exige, nous faisons habituellement appel à la police ou à la ligne téléphonique d'urgence pour essayer d'obtenir de l'aide. C'est notre seule option.
    Nous n'avons pas ce genre de ressources ou d'établissements.
(1615)
    En ce qui a trait à la gestion des cas, nous constatons un manque fondamental de connaissances, du moins dans la région de l'Atlantique. Les gens ont énormément de mal à reconnaître le trouble de stress post-traumatique, surtout en cas de comorbidité, lorsqu'un patient souffre du TSPT et d'une dépendance. La plupart de ceux qui rencontreraient ces patients n'auraient pas la moindre idée qu'ils sont atteints du TSPT ou qu'ils ont d'autres problèmes. Certains des gestionnaires de cas, même au sein du ministère des Anciens Combattants, n'ont pas les compétences et les connaissances nécessaires pour en juger avec précision.
    Monsieur Kerr.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier tous les trois d'être venus comparaître aujourd'hui. Vous savez que le comité accorde une grande priorité au sujet du jour et qu'il essaie de contribuer quelque peu à changer certaines choses.
    Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je vais m'adresser aux représentants de la clinique Whelan.
    Monsieur Whelan, vous avez dit tout au début de votre exposé que les anciens combattants étaient « recommandés » et qu'ils venaient d'ailleurs. Arrivent-ils de leur famille? Ont-ils plutôt été envoyés par d'autres au sein de la collectivité? Comment cela fonctionne-t-il?
    Je vais essayer de vous répondre simplement. C'est un peu complexe.
    Au début du traitement d'un ancien combattant, il arrive souvent qu'un membre de sa famille, un pair du programme SSBSO ou un autre militaire lui suggère de se présenter à notre clinique. Il peut s'agir de la recommandation officielle d'un médecin civil. Ce qui compte, j'imagine, c'est qu'avant cela, l'ancien combattant était hors du système. Il n'était pas considéré comme un militaire ayant souffert de troubles mentaux en raison de son service militaire.
    Toutefois, puisque la recommandation provient bel et bien de l'extérieur, il y a un certain lien.
    Oui.
    D'accord.
    J'imagine que puisque nous venons de la Nouvelle-Écosse, nous pouvons comprendre certaines des difficultés rencontrées. J'ai travaillé dans le système hospitalier en tant que bénévole et membre du conseil. La collaboration est devenue un élément central du système de santé pour deux raisons, ce que je comprends après 12 années de bénévolat. L'une de ces raisons est la tendance à offrir des soins en vase clos. La communication est épouvantable; il s'agit d'un problème à l'échelle nationale, et pas seulement en Nouvelle-Écosse.
    En matière de collaboration, Annapolis a donné l'exemple, puisque là-bas, des équipes signent littéralement des contrats stipulant qu'ils travaillent ensemble. Vous savez ce qui se passe avec les patients; s'ils doivent consulter un médecin, ils ne voudront voir personne d'autre, et ainsi de suite. Bien qu'il y ait parfois des pépins, le processus et le principe semblent être très appréciés.
    Je ne veux établir aucun parallèle absolu, mais cherchez-vous à ouvrir la voie à ce genre de contexte?
    Oui, c'est exactement ce que nous cherchons à faire. J'ai participé un peu à des collaborations semblables avec l'hôpital Valley; en tant que fonctionnaire fédéral, j'étais en compagnie de mes homologues provinciaux, des psychologues en santé mentale. Dans ce cas, nous tentions de permettre à des délinquants d'avoir accès à des services, mais le principe est le même.
    Lorsque les gens sont réunis et qu'il n'y a plus de frontières, ils peuvent passer d'un système à l'autre sans rupture. Un militaire qui quitte les Forces vit aujourd'hui ce genre de rupture. Nous perdons contact avec lui. Il disparaît dans la brume et, lorsqu'il refait surface, ses problèmes sont bien pires et existent depuis longtemps.
    Je sais qu'il ne reste plus beaucoup de temps, mais j'aimerais en savoir plus sur l'histoire de M. Maguire à cet égard — le diagnostic précoce, la prise de conscience rapide et l'entrée dans le système dès le début. Selon une enquête menée auprès de civils, les troubles mentaux associés au stress reviennent régulièrement dans les conversations, ce qui est plutôt phénoménal. Les gens ne pensent pas immédiatement aux médicaments; ils cherchent d'abord une façon de régler le problème.
    Vous avez parlé des gestionnaires de cas; je suis au courant d'un changement qui est en cours et qui se poursuivra à leur égard. L'une des priorités réelles du ministère — on en a beaucoup entendu parler, surtout au cours de la dernière année — est d'autoriser les gestionnaires de cas à faire bien plus, y compris des recommandations de patients sur le terrain.
    J'ai toutefois l'impression que vous croyez tous que les gestionnaires de cas ont notamment besoin de recevoir une formation pertinente, peu importe de qui il s'agit, pour comprendre les patients et leur poser les bonnes questions. Pour en revenir aux propos de M. Maguire, je crois que l'aide de pairs est essentielle; il faut trouver une façon de jumeler ceux qui le font depuis un certain temps avec les professionnels payés pour aider.
    Croyez-vous que cette façon de faire pourrait fonctionner?
(1620)
    J'ai essayé de le faire. Je prenais vraiment mon travail au sérieux, et je rencontrais de plus en plus d'anciens combattants. Je savais que ces hommes souffraient, étant donné mes propres souffrances et mon observation des autres anciens combattants. Je vous rappelle que je parle « d'hommes » parce que je refuse de travailler avec des femmes.
    Les anciens combattants atteints du TSPT et leurs familles ont besoin d'aide. J'ai essayé de leur en trouver, mais on m'a dit d'abandonner; que mon travail ne consistait pas à signaler cela.
    J'ai répondu que c'est l'un des éléments soulignés durant le cours pour devenir un pair. Si je remarque un problème chez un ancien combattant, je dois le signaler. C'est ce que je fais. Quelle est la prochaine étape? Cet homme a besoin d'aide, et tout de suite. Avez-vous une liste de médecins, de psychologues et d'omnipraticiens qui pourraient l'examiner?
    On m'a répondu que je ferais mieux de prendre l'annuaire téléphonique et choisir un nom au hasard.
    Mais simplement pour...
    M. William Maguire: Attendez un instant.
    M. Greg Kerr: J'allais demander à M. Whelan s'il aimerait intervenir à propos des communications avec le gestionnaire en cours de route.
    Parlez-vous de celui qui s'occupe des cas, le gestionnaire de cas?
    Oui.
    Les gestionnaires de cas que j'ai rencontrés pensent qu'ils sont psychologues, même si c'est faux.
    M. Greg Kerr: Ils ont besoin de formation.
    Ils doivent être formés.
    M. Greg Kerr: C'est exact, oui.
    Monsieur Whelan, pouvez-vous répondre rapidement?
    Il s'agit vraiment du même problème, soit la pénurie de personnel qualifié. Il faut de la formation encore et encore. Il ne suffit pas de se présenter diplôme en main et de se dire prestataire de soins auprès des anciens combattants dans le cadre du régime de la Croix Bleue. Tout prestataire de soins aux anciens combattants dans le cadre de ce système doit avoir les compétences et la formation qu'il faut, et la surveillance doit se faire à l'échelle du système entier.
    D'accord.
    Pour le prochain tour, chacun aura trois minutes.
    Commençons avec Mme Duncan.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai très brève.
    Merci à tous. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants de vos témoignages.
    Une chose me préoccupe; je me demande ce que vous pensez des examens de dépistage pour les militaires en activité de service au sein des Forces canadiennes. Les Forces pourraient mener leurs propres examens, comme le font actuellement les services de santé du ministère de la Défense des États-Unis au cours du service militaire. Lorsque les militaires quittent l'armée, devraient-ils aussi passer un examen de dépistage? Dans l'affirmative, cela ne devrait constituer que la première étape du traitement; il faut que ce soit suivi d'un traitement efficace au moment opportun.
    J'aimerais aussi savoir s'il faut des services d'aide à la transition en matière de santé partout au pays, tant pour les Forces canadiennes régulières que pour la réserve.
    Je sais que vous n'aurez pas le temps de parler des traumatismes cérébraux, du TSPT et de la démence.
    À qui s'adresse votre question?
    Si vous me le permettez, j'aimerais demander à M. Cann de répondre.
    La question des examens de dépistage est importante. Il faut savoir comment le faire et à quel moment.
    Le « trouble d'adaptation » est l'expression passe-partout employée pour ceux qui viennent de quitter l'armée. Lorsqu'un premier problème se manifeste, on établit un diagnostic « d'adaptation ». Or, selon le DSM-IV, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ce trouble se manifeste au cours des six premiers mois, pas plus. Bien des gens diront que presque tout le monde en est atteint d'une manière ou d'une autre. Reste à savoir si la personne atteinte retrouvera son état normal.
    Il faudrait donc effectuer périodiquement des examens de dépistage pour ceux dont les proches remarquent un changement de fond dans leur personnalité. Ces gens devraient dès lors passer un examen de dépistage. Il ne s'agit pas de le faire systématiquement, mais plutôt de cibler ceux qui en ont besoin pour que ce soit plus rentable.
    En réponse à votre deuxième question à propos des services d'aide à la transition en matière de santé, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut donc se demander comment créer une structure permettant de suivre la transition d'un militaire atteint d'une blessure de stress opérationnel qui délaisse l'uniforme pour la vie civile. De plus, l'adaptation à la vie civile est une autre composante souvent oubliée, à mon avis. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous. Il faut mettre en place ces établissements, ces structures et ces processus. Là est le problème.
(1625)
    Que devrait...
    Nous devons poursuivre. Je dois être équitable.
    Je vais maintenant laisser la parole à M. Lobb, puis ce sera au tour de M. Vincent.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser ma première question à M. Maguire.
    Je me demandais si vous pourriez nous dire à quel moment vous avez senti pour la première fois que vous commenciez à remonter la pente relativement à votre trouble de stress post-traumatique. D'après vous, quels sont les éléments qui vous ont permis de commencer à aller mieux?
    Je ne comprends pas la question. Me demandez-vous à quel moment j'ai commencé à sentir les effets du trouble?
    Non, quand avez-vous commencé à sentir une amélioration de votre état?
    Vous voulez savoir à quel moment j'ai commencé à me sentir mieux? Après avoir rencontré ces deux messieurs ici, de même que la Dr Heather McKinnon.
    À cette époque, j'étais prêt à me faire sauter la cervelle.
    D'accord. C'est une bonne réponse.
    Eh bien, je vous le dis.
    M. Ben Lobb: Merci.
    M. William Maguire: J'ai encore le goût du métal dans la bouche.
    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins. À la dernière séance, le général Dallaire a dit deux choses qui me sont vraiment restées à l'esprit. D'une part, il appuyait sans retenue le réseau de SSBSO, un programme d'entraide. D'autre part, il a parlé du besoin d'avoir davantage de psychologues spécialistes de ce trouble.
    Avez-vous des commentaires sur ces deux points?
    Je suis d'accord avec le deuxième point. Il faut des psychologues, des psychiatres, des médecins et d'autres travailleurs qualifiés en santé mentale. Il ne s'agit pas d'un travail clandestin à temps partiel. Dans l'exercice de leur profession, bien sûr, il arrive souvent que des gens se chargent aussi d'anciens combattants. Il faut que des gens s'y consacrent entièrement.
    Puis-je poser une petite question? Où obtient-on la connaissance nécessaire pour traiter les troubles attribuables au combat? Où avez-vous acquis les compétences requises pour vous en occuper?
    J'ai bien sûr acquis ces compétences en travaillant au sein du système militaire et en assistant à des conférences. Ma formation universitaire m'a permis d'en apprendre de façon générale. C'est toutefois une formation continue.
    Au cours des trois dernières années, et bientôt quatre, nous avons assisté aux conférences annuelles ayant lieu ici et surtout aux États-Unis. Nous tentons de notre mieux de nous tenir au courant de ce qui se passe tant dans le milieu de la recherche que dans l'exercice de la profession. Chaque année, nous assistons à une conférence liée au TSPT. C'est ce qu'il faut faire. Il ne faut pas perdre le fil.
    Connaissez-vous des endroits où il faut une certification pour traiter ce trouble?
    M. William Maguire: C'est un mystère.
    M. Ben Lobb: Ce que je veux dire, étant donné que vous suivez tous ces cours et vous assistez à tous ces congrès...
    On me dit que la réponse est « non », et je le crois. On n'a besoin de certification nulle part pour traiter ce trouble.
    C'est finalement une question de contrôle; dans le système, il faut examiner minutieusement qui est choisi pour soigner les anciens combattants.
    Monsieur Vincent, vous pouvez poser la dernière question.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Whelan, monsieur Cann, êtes-vous habilités à établir des diagnostics de syndrome de stress post-traumatique? En tant que psychologues, êtes-vous en mesure d'établir le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique quand vous rencontrez une personne, un client ou quelqu'un qui a été référé par les Forces canadiennes? Établissez-vous le diagnostic? Serait-ce plutôt que le diagnostic a déjà été établi et, par la suite, les personnes viennent chez vous pour les soins?

[Traduction]

    Il se peut que des anciens combattants recommandés aient déjà reçu un diagnostic de TSPT de la part d'un médecin ou d'un autre psychologue ou psychiatre. En tant que psychologues, nous allons aussi évaluer le patient pour confirmer ce diagnostic, ou pour établir le diagnostic d'un trouble lié.
    Nous réalisons un entretien très structuré, des examens et d'autres choses; nous posons les questions pertinentes nous permettant de poser un diagnostic de TSPT ou un autre diagnostic. Ce trouble n'est pas le seul traumatisme lié au stress opérationnel. Il peut s'agir de dépression majeure, d'un trouble panique ou d'autres problèmes. Alors oui, nous pouvons établir le diagnostic du patient.

[Français]

    Dans le cas de gens qui ont reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique et qui ont été référés par les Forces canadiennes, et dans le cas d'autres anciens combattants qui ont pris le bottin téléphonique et ont décidé d'aller voir un psychologue, combien de personnes ont vu la Défense nationale refuser le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique? Combien d'entre eux ont été obligés de se battre pendant des années pour faire reconnaître ce diagnostic? Même si vous avez établi ce diagnostic, vous traitez ces gens-là. Vous avez dit tout à l'heure que vous êtes des gestionnaires de cas parce que des gens ne savent plus où aller, car on a contesté leur diagnostic.
    D'après vous, parmi les clients que vous avez, combien ont vu leur diagnostic être contesté par le ministère de la Défense nationale ou par le ministère des Anciens Combattants?
(1630)

[Traduction]

    Nous ne pouvons pas vous donner de chiffre exact. Nous ne savions pas que vous alliez nous poser cette question.

[Français]

    Avez-vous un pourcentage?

[Traduction]

    Ce serait plutôt parce qu'ils n'ont pas reçu de diagnostic — et non pas parce qu'on a refusé de les diagnostiquer. Le système n'était pas en place.
    En 2005, on nous recommandait encore des militaires qui, après avoir quitté les forces, n'avaient tout simplement pas reçu de diagnostic. Toutefois, je dirais que l'armée n'a jamais dit à un militaire qui aurait avoué avoir un problème que c'était faux. Il s'agissait plus probablement d'anciens militaires qui ne voulaient pas consulter ou recevoir des traitements sur la base militaire parce qu'ils...

[Français]

    Je pense que vous n'avez pas compris ma question. Je vais essayer de la formuler plus clairement. Si quelqu'un vient chez vous et souffre du syndrome de stress post-traumatique, vous le traitez pour le syndrome de stress post-traumatique. Toutefois, son état n'a pas encore été reconnu par le ministère de la Défense nationale ou par le ministère des Anciens Combattants. Le diagnostic a été fait et il veut le faire approuver pour obtenir une compensation. Cela est-il contesté pour plusieurs de ces personnes? Leur dit-on qu'il va falloir qu'elles le prouvent réellement, même si vous avez fait le diagnostic et avez établi qu'il y a une relation de cause à effet? Combien de cas sont contestés?

[Traduction]

    C'est un faible pourcentage d'entre eux, entre 10 et 15 p. 100 seulement. Même si les anciens combattants présentent tous les renseignements nécessaires et les résultats de l'évaluation, ils doivent se battre pour que le diagnostic soit accepté.
    Je dirais qu'il s'agit plutôt de 20 p. 100 d'entre eux.
    De plus, le ministère de la Défense nationale refuse d'aider un homme atteint du TSPT à Stadacona. Je ne suis pas certain de ce qui se passe, car je ne connais pas encore tout le dossier. Par contre, je sais que l'homme s'est fait avertir de ne pas demander d'aide médicale, sans quoi il aura des ennuis. C'est donc une menace.
    Veuillez m'excuser, mais je dois mettre fin à cette partie de la séance.
    Peter, M. Vincent a utilisé votre minute.
    Je vais suspendre la séance un instant pour laisser la chance aux prochains témoins de prendre place.

(1635)
    Reprenons.
    Nous distribuons les diapositives de la présentation à chacun d'entre vous. C'est un document bilingue.
    Les diapositives projetées au mur seront unilingues.
    Est-ce que cela convient, monsieur?
    D'accord. Merci.
    Je souhaite la bienvenue au lieutenant-colonel Stéphane Grenier et au lieutenant-colonel Rakesh Jetly, qui seront avec nous au cours de la prochaine heure, ou plutôt des 55 prochaines minutes — le temps passe tellement vite lorsque les séances sont aussi courtes.
    Bienvenue, messieurs. Veuillez commencer votre exposé.
    Avant tout, nous avons décidé de ne pas faire de déclaration préliminaire afin d'avoir plus de temps pour répondre aux questions.
    Steph et moi avons emprunté cette voie il y a environ 10 ans, alors que nous étions majors. Je suis responsable de clinique, tandis que lui s'occupe des aspects non cliniques relatifs aux changements survenus au ministère de la Défense nationale.
    Si j'ai bien compris, le comité s'intéresse particulièrement au suicide et à la prévention du suicide. Je vais donc essayer de vous parler brièvement — n'hésitez pas à m'arrêter lorsque mon temps sera écoulé — de la prévention du suicide dans les Forces canadiennes, y compris du comité d'experts créé l'année dernière, et de la vaste approche interdisciplinaire de notre organisme.
    Vous receviez plus tôt nos collègues du ministère des Anciens Combattants, qui ont modifié... ils ont leur propre programme aussi, mais il est un peu différent. Au fur et à mesure de mon exposé, vous constaterez que, de toute évidence, les deux organismes sont très difficilement comparables. Les services de santé des Forces canadiennes sont un organisme de grande taille qui compte 6 000 employés. Nos cliniques sont importantes. À Stadacona, 50 professionnels de la santé mentale travaillent selon ce modèle. Vous constaterez que les organismes sont très différents si vous essayez de les comparer.
    La première diapositive présente le nombre de suicides; il s'agit de suicides chez les hommes. Contrairement à ce qu'en disent les médias, nous suivons très rigoureusement la situation depuis 1996. Je vous dirai, à la fin de mon exposé, comment nous faisons pour nous améliorer à cet égard. Depuis le début du conflit en Afghanistan, le nombre de militaires en activité de service n'a pas augmenté. Personne ne connaît l'avenir, mais ce sont les statistiques dont nous disposons à l'heure actuelle.
    En septembre 2009, le Médecin-chef a convoqué, ou plutôt, il nous a demandé de réunir un comité d'experts sur la prévention du suicide. Le comité avait pour buts d'examiner ce que font les Forces canadiennes, d'évaluer l'approche des Forces canadiennes par rapport à la littérature scientifique et aux pratiques de ses alliés, et de formuler des recommandations sur la manière de renforcer son programme.
    Nous n'avons pas fait cela parce que nous affichions un taux de suicide très élevé, comme aux États-Unis, mais plutôt parce que le suicide et la prévention du suicide sont des enjeux de santé publique majeurs au Canada. Il appartient aux Forces canadiennes de mettre en place les meilleures pratiques possible. Nous ne sommes pas « heureux » que notre taux soit inférieur à celui de la société civile — la perte de chaque soldat nous est chère; notre objectif est de tout faire pour baisser ce taux, ou pour enrayer le suicide.
    Je vais très brièvement vous décrire la composition du comité. D'une part, il y a les participants des Forces canadiennes. En plus de notre équipe, le comité compte des spécialistes des militaires déployés et de l'épidémiologie. Les psychiatres, les travailleurs sociaux, les médecins de première ligne, les infirmières en santé mentale et les intervenants scolaires y sont représentés.
    Le comité compte aussi des consultants externes. Il y a tout d'abord nos collègues du ministère des Anciens Combattants, les Drs Thompson et Ross. M. Links est un homme très important. Il est probablement le spécialiste en suicide le plus réputé du Canada, et il est titulaire de la chaire de suicidologie à l'hôpital St. Michael de Toronto. Le colonel Ritchie, conseiller du Médecin-chef, est un intervenant important aux États-Unis; il en va de même pour le lieutenant-colonel Bell. Andrew Cohn est venu de l'Australie. Ce pays fait des choses très intéressantes — son armée et son histoire ressemblent aux nôtres, et ses hôpitaux ne sont pas aussi grands qu'aux États-Unis. Sa situation est similaire à la nôtre en ce qui a trait aux patients à risque élevé — les Australiens ont quelque chose de semblable. Le comité compte aussi des collègues du Royaume-Uni, Neil Greenberg et Nicola Fear.
    Le nom de notre collègue néerlandaise n'apparaît pas sur la diapositive. Je vous prie de m'en excuser...
    Oh, la voici: lieutenant-colonel Horstman.
    Une voix: Impossible d'oublier les Néerlandais.
    Lcol Rakesh Jetly: Oui, nous ne pouvons pas les oublier.
    Comme je l'ai dit, le message clé du comité, c'est qu'il s'agit d'un important problème de santé publique. Le programme de prévention du suicide des Forces canadiennes comporte trois pierres angulaires. Pour avoir un programme de santé mentale efficace, il faut vraiment viser l'excellence en matière de soins de santé mentale. Lorsque les gens nous consultent, notre pratique doit être fondée sur l'expérience clinique. Nous devons travailler en équipe. Nous avons les professionnels dont nous avons besoin.
    Nos cliniques partout au pays rassemblent près de 400 professionnels de la santé mentale. Nous pouvons en embaucher jusqu'à 440 grâce à notre financement. Nous surveillons la liste d'attente afin d'être prêts à accueillir les professionnels contractuels lorsqu'ils sont disponibles.
    Mon collègue joue un rôle clé en ce qui concerne la deuxième pierre angulaire, soit le leadership efficace. C'est le leadership qui doit donner le ton. Cette pierre angulaire nous permet de financer les soins en santé mentale et de faire en sorte qu'ils demeurent prioritaires, même après la fin du conflit en Afghanistan.
(1640)
     Un leader est un protecteur. Il a la tâche difficile de déterminer s’il doit féliciter un type, lui botter le derrière ou lui dire de chercher de l’aide. Je pense que nous nous entendons avec vous pour dire que, pour être un bon leader, il faut connaître son personnel et savoir quand il change. C’est ce que visent bon nombre des programmes, et vous pourrez interroger le lieutenant-colonel Grenier à leur sujet.
     Encore une fois, l’autre partie consiste à sensibiliser les membres et à les faire participer. Les membres sont aussi responsables de leur santé mentale. Nous leur apprenons à comprendre la maladie mentale, à se rendre compte qu’ils ne deviennent pas fous, mais qu’ils sont atteints d’une maladie qu’une aide pourrait soulager. Ils peuvent comprendre que, s’ils sont âgés de quelque 40 années et qu’ils sont complètement épuisés, il pourrait s’agir d’une dépression, et non pas seulement de signes de vieillissement.
     Voilà les trois piliers. Les trois doivent être en place pour que nous puissions prévenir efficacement le suicide ou offrir un programme efficace de santé mentale.
     Le JAMA, le Journal of the American Medical Association, a publié un guide très complet sur la façon de mener une campagne de prévention du suicide. Le Dr Mann est en fait à la tête de cette initiative au sein du ministère de la Défense des États-Unis. Je pense qu’ils dépenseront probablement 150 millions de dollars pour étudier ce que nous avons analysé à notre façon canadienne pour 50 000 $.
     Je vais passer à la prochaine diapositive et en dire davantage sur certaines de ces questions. Je vais vous montrer comment, en fait, nous l’avons adoptée dans l’optique du suicide.
     Jusqu’à 90 p. 100 des gens qui se suicident — selon l’étude que vous consultez, le pourcentage varie de 75 à 90 p. 100 — souffrent de troubles mentaux, en particulier de dépression. Le TSPT accroît le risque de suicide et, de tous les troubles anxieux, il représente le plus important facteur de risque.
     Puis, habituellement, un événement stressant de la vie se produit. Les événements stressants de la vie peuvent provoquer des pensées suicidaires. Je pense que ce facteur est vraiment important. Très souvent, les deux éléments sont observés ensemble. En tant qu’organisation et en tant que société, il est important que nous examinions les deux aspects du problème.
     Dans la plupart des cas, la maladie conjuguée à l’événement stressant de la vie — qui, pour le reste d’entre nous, peut ne pas sembler stressant, mais, lorsque l’on est malade, les facteurs financiers stressants ou les facteurs familiaux stressants peuvent être accablants — les mène à des pensées, des intentions, des plans et des actes suicidaires. Votre dernier témoin a parlé de lever la main et de demander aux gens lesquels d’entre eux ont songé au suicide et lesquels d’entre eux ont tenté de passer à l’action. Tous ces éléments sont compris dans cette idée suicidaire.
     Les facteurs que j’ai mis en évidence dans la prochaine case, soit l’impulsivité, le désespoir, le pessimisme et le dérèglement émotionnel, sont très importants. Le dérèglement émotionnel fait partie d’une maladie.
     Steph et moi parlons souvent de l’espoir. En parlant de mutations professionnelles, de maintien des gens au sein de l’organisation et de choses de ce genre, nous nous sommes faits les champions de quelques approches différentes qui sortent des sentiers battus de notre organisation. Une grande partie du problème découle du fait que nous ne sommes pas appuyés par la science, mais nous soutenons qu’il faudrait leur donner un certain espoir.
     Ces questions sont très importantes. C’est lorsque nous entendons les gens parler de désespoir que nous nous inquiétons, et c’est à ce moment-là que nous disons à nos cliniciens et à nos leaders de s’inquiéter.
     Encore une fois, en ce qui concerne l’accès aux moyens de se donner la mort, il y a les mécanismes qui existent déjà: le contrôle des armes à feu, différents types de dispositifs et la façon dont les pharmacies distribuent les médicaments. Ces éléments deviennent problématiques. Ce ne sont pas toujours des aspects que nous pouvons contrôler, mais, au sein de notre organisation, nous nous efforçons de ne pas donner aux gens des quantités mortelles de médicaments, par exemple. En outre, la façon dont nous gérons nos armes est certainement problématique.
     L’imitation est très controversée, étant donné que, dernièrement, nous avons vécu un suicide vraiment triste à Ottawa. Certains documents indiquent que parler excessivement du suicide dans les médias peut être nuisible et déclencher une contagion. Nous avons tous entendu parler du suicide de Kurt Cobain et d’autres événements de cette nature.
     Les gens comme moi ne soutiennent pas qu’il faille cacher le suicide et éviter d’en parler, mais que les reportages des médias doivent le présenter de manière responsable. Il est dangereux de le romancer, ce que Shakespeare a accompli avec succès, ou de le rationaliser en déclarant: « Eh bien, qu’est-ce que cet homme aurait pu faire d’autre? Il s’est suicidé. » Lorsque l’on rapporte les choses de manière équilibrée, on dit qu’un événement malheureux a eu lieu et que, si seulement la personne avait cherché de l’aide, elle aurait pu en obtenir.
     Donc, en ce qui a trait à l’imitation, certains des suicides que j’ai examinés particulièrement, où un collègue s’était tué peu de temps avant par le même moyen.... C’est pourquoi nous sommes préoccupés par les épidémies de suicides qui se produisent dans les universités, par exemple.
     Les Forces canadiennes exercent un contrôle limité sur l’accès aux moyens de se donner la mort. Nous ne pouvons pas ordonner à Home Hardware de cesser de vendre de la corde, par exemple. Ces genres de mesures sont difficilement applicables. L’imitation est un problème auquel il est difficile de s’attaquer, car il survient ailleurs. Nous pouvons certainement étudier les épidémies de suicides, si elles se produisent au sein de notre organisation, et nous pouvons faire appel aux médias, dans une certaine mesure, si cela fait partie de nos prochaines étapes.
(1645)
    Nous passons de la façon dont on acquiert l’idée ou la pensée suicidaire à l’acte. Tous ces facteurs interagissent et, par conséquent, ils sont tous essentiellement des cibles potentielles des interventions de prévention du suicide. Nous pouvons donc examiner le contenu de la case. Il y a des programmes d’éducation et de sensibilisation offerts aux fournisseurs de soins primaires, aux membres et aux protecteurs. Les protecteurs sont les leaders. L’une des choses que nos professionnels de la santé mentale, nos docteurs, ne font plus, c’est se camper devant les gens et leur expliquer constamment ce qu’ils devraient faire. Nous demandons à des pairs, qui ont suivi une formation, de leur dire ce qui suit : « J’ai demandé de l’aide, et cela m’a également aidé. » Ces opérateurs, qui ont de l’expérience et qui ont passé plusieurs années dans les Forces, jouissent d’une grande crédibilité, et il a été très utile de les faire participer aux programmes d’éducation.
     Quelqu’un a posé une question à propos du dépistage et de l’évaluation. Comme nos alliés, nous faisons effectivement du dépistage trois à six mois après le déploiement. Nous posons des questions précises à propos du TSPT et de la dépression. Au cours de nos examens de santé périodiques et de l’examen médical annuel — j’ai subi le mien récemment et j’ai passé en revue les dernières questions —, nous demandons aux membres de décrire leur consommation d’alcool. Nous les interrogeons à cet égard. Contrairement à nos alliés, nous ne faisons pas que prendre des notes pendant nos exercices de dépistage. Nous nous assoyons également avec la personne, et nous avons une conversation professionnelle avec elle pendant environ 40 minutes. Nous dépistons donc le TSPT, la dépression, les problèmes de santé physique, les comportements en matière de consommation d’alcool et, depuis la fin de 2008, depuis que nous avons entendu un groupe d’experts témoigner pendant des heures au sujet des traumatismes cérébraux légers, nous avons ajouté ce problème à la liste. Donc, nous faisons du dépistage, mais nous savons que cela ne s’arrête pas là. Nous repérons beaucoup de gens à ce stade, mais nous en découvrirons d’autres par la suite. C’est pourquoi nous mettons en oeuvre des initiatives permanentes.
     Nous nous sommes éloignés du modèle du Dr Mann pour tirer parti de l’avantage que les Forces canadiennes ont par rapport à Ford ou Chrysler. Nous exerçons beaucoup de contrôle sur le milieu de travail des gens. Nous sommes les Forces canadiennes, et ces gens travaillent pour nous. Nous leur fournissons des soins de santé, et nous donnons le ton au milieu de travail. Nous pouvons décider de les faire travailler dur, d’effectuer des rotations du personnel ou de leur permettre de se reposer. Ainsi, nous séparons les événements stressants de leur vie professionnelle des autres événements stressants de leur vie. Nous ne pouvons pas toujours contrôler ce qui se passe à la maison, mais nous pouvons certainement avoir une incidence sur le genre de milieu de travail dans lequel nos soldats évoluent.
     Toute cette initiative qui s’ajoute plus ou moins au modèle du Dr Mann a trait au leadership et aux facteurs organisationnels. Dans le cadre de celle-ci, nous pouvons nous offrir le luxe de nous présenter devant nos leaders et de les former. Le général Dallaire en est certainement un exemple, tout comme l’est notre chef d'état-major de la Défense lorsqu’il se lève pour parler de la campagne « Soyez la différence », laquelle soutient que la santé mentale des membres est l’affaire de tout le monde. Peut-être que le médecin-chef et son personnel peuvent faire leur part pour combattre les préjugés associés aux maladies mentales, mais, lorsqu’il est question de la santé des soldats, nos leaders ont la responsabilité d’apprendre à les connaître et de les aider à se maintenir en santé, parce qu’ils sont nos ressources les plus précieuses.
     Par conséquent, les politiques et les programmes mis en oeuvre par les leaders peuvent atténuer le stress au travail.
     Il y a également la question de la sélection, de la formation en résilience psychologique et de la modification des facteurs de risque: on peut sélectionner les personnes appropriées, améliorer leur résilience psychologique et réduire leurs facteurs de risque. Il faut s’assurer que les gens sont prêts pour leur déploiement. Formons-les bien. Soumettons-les à un examen préalable et, s’ils ne sont pas prêts, ayons un plan de rechange. Depuis 2006, nous avons sur le terrain des professionnels de la santé mentale, y compris en psychiatrie.
     Donc, nous faisons ce qu’il faut pour nous assurer que le personnel est en bonne santé mentale. Nous offrons un programme appelé « le Chemin vers la préparation mentale » dont les cinq étapes se déroulent tout au long du cycle de déploiement, dans le cadre duquel les membres reçoivent des cours de formation quelques mois avant leur départ. De plus, au cours de leur dernier exercice à Wainwright ou à Fort Irwin, ils suivent une formation d’intégration des connaissances.
     Ils apprennent des techniques empruntées à la psychologie du sport. On leur enseigne comment respirer, comment soutenir un dialogue interne ainsi que toutes les techniques de ce genre. Lorsqu’ils sont déployés sur le terrain et qu’ils ont des difficultés, on a appris à leurs leaders à leur poser les questions suivantes: « Qu’avez-vous essayé? Avez-vous employé les techniques? » Sinon, les professionnels de la santé mentale sont là pour prendre la relève. Nous repérons les gens qui ont des problèmes sur le terrain et, à leur retour, ils sont en mesure de prendre rendez-vous avec un spécialiste. Donc, nous assurons une continuité tout au long du cycle de déploiement.
     En ce qui concerne les obstacles aux soins, la plupart des victimes du suicide sont atteintes d’une maladie mentale, mais moins de la moitié d’entre elles reçoivent des soins. C’est ce que nous constatons au cours de nos enquêtes sur nos suicides. C’est là que l’aspect non clinique intervient. Recevoir des soins de santé mentale doit être acceptable. C’est une preuve de courage que de s’avancer et de déclarer qu’on éprouve des difficultés.
(1650)
    C’est un énorme problème. On peut avoir le meilleur programme du monde mais — n’oubliez pas nos trois piliers —, si nos leaders ne participent pas et ne réduisent pas la honte associée à la maladie mentale, nos membres ne se feront jamais soigner.
     Pour ce qui est de la prestation de soins efficaces, M. Whelan a absolument raison en ce sens que nous nous sommes tellement empressés d’établir des programmes de traitement phénoménaux que nous avons parfois omis de mettre l’accent sur l’assurance de qualité, de vérifier que nos soins fonctionnaient. La prochaine étape consistera donc à mettre sur pied des moyens de mesurer les résultats. Nous avons enregistré de petites quantités de résultats, comme toutes les évaluations de la satisfaction des patients. Mais, lorsque l’on développe un programme, on doit chercher à réduire les symptômes en général. Donc, notre prochaine étape consistera à veiller à ce que les soins de santé mentale offerts dans le cadre de nos programmes soignent efficacement les membres suicidaires.
     Je pense qu’une partie du problème a trait au choix du moment pour intervenir. Nous pouvons prêter attention à la personne lorsqu’elle s’apprête à sauter du pont ou nous pouvons essayer de l’arrêter avant qu’elle n’arrive à ce stade en ayant recours au leadership et à des programmes d’éducation efficaces. C’est ce que nous visons.
     Nous avons parlé d’une éducation de masse, d’une sensibilisation accrue au suicide et d’un programme de santé mentale. Nous offrons des programmes d’éducation sur la santé mentale du début à la fin. Nous instruisons les gens au moment de leur recrutement. À l’échelon des chefs subalternes, ils apprennent à prendre soin non seulement d’eux-mêmes mais aussi de leurs subordonnés. Les officiers reçoivent une formation similaire. Je viens de donner à Kingston un cours à environ 50 ou 60 capitaines. Les gens comprennent ce qu’il en est. C’est une question de formation et d’éducation.
     La psychothérapie et la pharmacothérapie sont utilisées de concert. Les membres ont accès aux cliniciens, et il n’y a ni quote-part ni limite en matière de soins. Par conséquent, ils bénéficient des pratiques exemplaires fondées sur l’expérience clinique.
     Je viens d’approuver une nouvelle politique de suivi. Si un patient ne se présente pas à un rendez-vous, les FC ont parfois tendance à adopter une approche punitive. On envoie une lettre au commandant du soldat qui mentionne le coût du rendez-vous et le fait qu’il ne s’est pas présenté. Dès que cette politique sera publiée, les choses se passeront différemment. Si vous êtes un professionnel de la santé mentale et qu’un des patients auxquels vous avez réservé une heure n’arrive pas, vous l’appelez avant de vous occuper de vos formalités administratives. Vous lui dites que vous êtes désolé qu’il ne soit pas venu, vous lui demandez si tout va bien et vous prenez un autre rendez-vous avec lui. Cette approche sera normalisée à l’échelle du pays. Il se peut que les dentistes et les physiothérapeutes agissent différemment, mais tous les professionnels de la santé mentale de notre organisation adopteront cette approche.
     En ce qui concerne la mobilisation des médias, les organisations comme les CDC possèdent des lignes directrices en matière de couverture responsable et éthique. Nous espérons pouvoir rencontrer les médias à l’échelon supérieur. Les suicides des membres des FC ont tendance à faire les manchettes, même si 4 000 ou 5 000 suicides se produisent annuellement au pays. Nous ne souhaiterions pas qu’ils les cachent, mais nous aimerions leur signaler qu’il y a une façon équilibrée de rendre compte de ces événements. Ce n’est pas nous qui avons élaboré ces lignes directrices, mais des organisations comme les Centers for Disease Control.
     Le leadership a un effet bénéfique sur l’atténuation du stress au travail. Si l’un de vos employés a des difficultés financières, vous pouvez le réprimander et porter des accusations contre lui, ou vous pouvez lui donner congé le vendredi après-midi afin qu’il puisse rencontrer son directeur de banque et tenter de régler la question. Voilà l’idée générale, les petites mesures que les leaders peuvent prendre pour éviter que les situations s’aggravent.
     Le colonel Grenier peut vous décrire toutes les initiatives que nous avons mises en oeuvre au cours des 10 dernières années pour surmonter les obstacles aux soins.
     Finalement, il faut que vous compreniez qu’on ne peut pas prévenir tous les suicides. Nous ferons de notre mieux et même davantage. Nous avons conçu le programme de manière à ce qu’en plus il améliore la santé mentale des Forces canadiennes en général. C’est là notre objectif.
(1655)
     La dernière chose que nous avons faite depuis le 1er avril... et je tiens simplement à vous informer de l’intérêt qu’ont manifesté les gens au sein de notre organisation. Au cours du mois de septembre de l’année dernière, nous avons tenu notre réunion d’experts. Moins d’un mois plus tard, nous présentions nos plans au chef du personnel militaire. Deux semaines plus tard, il nous a plus ou moins dit « Hé, ces plans sont bons », puis il nous a amenés devant le chef d’état-major de la Défense. Dans son bureau privé, nous lui avons donné de nouveau une présentation. En février, le Conseil des Forces armées s’est montré intéressé et, au cours du même mois, il a sanctionné la totalité des 61 recommandations.
     Le 1er avril, le médecin-chef a reçu des instructions et, maintenant, nous menons une enquête sur chaque suicide qui survient au sein de la force régulière, dans le cadre de laquelle une équipe se rend sur place. J’ai participé à deux d’entre elles. Sans attendre pendant six à huit mois les conclusions d’une commission d’enquête, un professionnel de la santé mentale et un médecin militaire généraliste rencontrent l’unité, s’entretiennent avec les membres et le personnel traitant, examinent les dossiers médicaux de la victime, puis parlent à la PM, à la chaîne de commandement, au conjoint et à la mère, et déterminent si nous pouvons tirer des leçons de cette tragédie et si l’organisation aurait pu agir différemment.
     Dans le mois qui suit, un rapport est rédigé, et le médecin-chef reçoit les recommandations. Nous sommes autorisés à apporter immédiatement tout changement lié aux services de santé. Si les modifications requises dépassent les services de santé, le médecin-chef devra, au besoin, transmettre les recommandations au chef du personnel militaire ou au CEMD.
     Je vais m’arrêter ici, car je sais que notre temps est compté. Passons aux questions.
    Je sais que nous avons légèrement dépassé le temps qui nous était alloué, mais votre présentation était extraordinaire.
     La première intervenante est Mme Zarac qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Vous avez mentionné qu'un examen de dépistage est fait après 36 mois et que cela dure environ 40 minutes. On vient d'entendre M. William Maguire dire combien est importante la relation de confiance qui s'installe entre les personnes. On parle alors aisément.
    En 40 minutes, est-on capable de bâtir une telle relation de confiance? Est-ce suffisant pour détecter que quelqu'un a des problèmes?
(1700)

[Traduction]

     C’est une excellente question.
     Notre organisation est de loin supérieure à ce qu’elle était il y a de cela des années. En 2002, je me suis rendu à Stadacona muni d’une multitude de formulaires afin de faire subir aux marins leur premier examen de dépistage. Il s’agissait des gens qui avaient été déployés après les événements du 11 septembre. J’étais assis là, et je me disais: « Seigneur, ces marins vont nous crucifier. Je suis là vêtu d’un uniforme de l’armée, et je vais monter à bord de leur navire pour procéder à ces examens. »
     L’un des vieux officiers mariniers bourrus qui étaient à bord du navire a dit: « Il est à peu près temps que vous nous demandiez comment nous allons. »
     Bon nombre de fois au fil des années, j’ai vu des gens venir me consulter à la suite d’un examen de dépistage postdéploiement. Je leur ai dit « Vous avez été malade, alors pourquoi venez-vous maintenant? », et ils ont répliqué « C’est la première fois que quelqu’un m’interrogeait à ce sujet. »
     Rien n’est parfait, mais vous faites des études, vous suivez une formation et vous apprenez à percevoir ces choses. Vous rencontrez des gens courageux qui souffrent de maladies, mais qui se lèvent et déclarent: « Hé, cela m’est arrivé, et j’ai reçu de l’aide. » Dans le contexte de…

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, mais ma question est la suivante.
    Croyez-vous que passer 40 minutes avec quelqu'un est suffisant? Cette rencontre ne devrait-elle pas être plus longue?

[Traduction]

     Oui. C’est suffisant pour un professionnel de la santé mentale qui s’assoie devant quelqu’un, qui le regarde dans les yeux et qui dit: « Comment allez-vous? »

[Français]

    Le lien de confiance peut-il être établi en 40 minutes?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    C'est bien, je vous remercie.
    J'aimerais parler du premier tableau que vous nous avez présenté. Regarder un tableau, c'est bien beau, mais je pense qu'il faut aller plus loin que ça.
     J'aimerais savoir si vous avez étudié quelque chose. Vous avez le nombre d'hommes et de femmes. Je me demandais si vous aviez fait la comparaison. Le pourcentage d'hommes est-il identique?
     Cela a l'air minime, mais je suis certaine qu'il y a beaucoup moins de femmes dans les Forces canadiennes que d'hommes. Le pourcentage de femmes qui se suicident est-il équivalent au pourcentage d'hommes qui se suicident?

[Traduction]

    Il est inférieur.
    Très inférieur?
     Je ne sais pas dans quelle mesure, mais la proportion est inférieure.
     Ce travail d’analyse n’est pas effectué dans ma section qui est spécialisée en épidémiologie. Il s’agit d’une statistique. Pour les femmes, le nombre oscille entre zéro et un. Lorsqu’une organisation compte 70 000 membres, il est très difficile, statistiquement parlant, de mesurer…
     Avez-vous étudié la raison pour laquelle le pourcentage était inférieur? Les femmes exercent-elles des fonctions différentes des hommes, et cela pourrait-il en être la raison? Avez-vous étudié les facteurs qui pourraient expliquer la différence?
    Non, nous n’avons pas étudié cela. Mais, depuis le 1er avril, nous menons de nouvelles enquêtes plus approfondies qui pourraient fournir quelques suggestions, au fur et à mesure que nous commençons à surveiller ces facteurs.
     D’accord, parce que je pense que vous pourriez obtenir certaines réponses si vous étudiiez ces données soigneusement.
     De plus, on observe une diminution suivie immédiatement d’une hausse, d’une autre hausse et d’un recul. Au cours des années où le nombre de suicides augmente, avez-vous analysé…
    Ces fluctuations ne sont pas statistiquement significatives.
    Elles ne le sont pas?
    Non. C’est…
    Je pose la question en raison de la récente parution du livre du général Dallaire. Dans celui-ci, il y a un paragraphe qui parle du Vietnam et qui indique que les problèmes du soldat ont commencé lorsqu’il a perdu l’espoir d’accomplir quoi que ce soit — il est allé au combat en pensant que cette guerre allait se terminer rapidement, puis il a perdu l’espoir au cours des affrontements.
     Votre argument est très valide. Encore une fois, j’estime que le suicide est probablement la pire façon de mesurer le désespoir. Nous devrions le mesurer bien avant cela. Nous devrions examiner la maladie mentale, la souffrance et cela.
     Les statistiques sur le suicide sont liées aux bandes de confiance qui se trouvent là, de même que les sondages qui précèdent les élections — expliquer cela est toujours épineux, car on a besoin d’un diplôme en statistique pour comprendre tous ces éléments, et je n’en détiens pas un.
    Quelle partie de ce travail est effectué au début, avant que la personne ne s’engage dans l’armée? Évaluez-vous sa santé mentale?
    Non. Eh bien, on évalue sa santé générale.
    Mais pas précisément sa santé mentale.
    L’examen n’est pas précisément axé sur la santé mentale, mais nous nous assurons que la personne est en santé; c’est un examen médical conçu pour les recrues.
(1705)
    Devrions-nous le faire?
    Merci.
     Monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais parler des patients qui sont référés à un médecin qui établit un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. D'après votre expérience, diriez-vous que les Forces canadiennes reconnaissent d'emblée le diagnostic et acceptent d'indemniser le requérant, ou son dossier est-il contesté?

[Traduction]

    L’armée n’a pas le choix. Les patients ont droit au secret médical. Par conséquent, jamais l’armée…

[Français]

    Quel choix ont les forces armées?

[Traduction]

     Le choix de rejeter ou de ne pas accepter le diagnostic… vous connaissez le secret médical.
     Si un soldat visite ma clinique à Petawawa et que je détecte qu’il souffre du TSPT, je ne rends pas compte de ce diagnostic au chef de l’armée.
     La culture militaire accepte-t-elle ce diagnostic? Oui, absolument. L’organisation comprend-elle que, lorsque l’on envoie sans cesse des soldats dans des zones de guerre, certains d’entre eux vont en revenir malades? Absolument. Toutefois, nous ne divulguons pas le diagnostic d’un soldat donné.

[Français]

    Ma question était plus précise et je pense que vous avez un peu évité d'y répondre.
    Si vous demandez à un membre des Forces canadiennes d'aller consulter un médecin et que celui-ci établit un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, le diagnostic établi par le médecin — chez qui les Forces canadiennes ont envoyé ce soldat — est-il accepté d'emblée par les Forces canadiennes? Cette personne va-t-elle être rémunérée à partir de ce moment-là? Y aura-t-il plutôt contestation? Devra-t-on s'engager pendant des années à faire la preuve qu'il s'agit d'un cas de syndrome de stress post-traumatique même s'il s'agit du médecin auquel les Forces canadiennes ont référé cette personne?

[Traduction]

    Rémunérée par les Anciens Combattants ou par…?

[Français]

    Je parle des deux.

[Traduction]

    Les FC n’indemnisent pas les soldats. Nous les traitons. Par conséquent, si un professionnel habilité à poser ce diagnostic a détecté un TSPT chez quelqu’un, notre première approche consiste à le traiter. Essentiellement, nous déterminons ce que le patient désire — et la plupart de nos soldats souhaitent demeurer au sein de l’organisation et continuer à travailler. Alors, nous leur prodiguons promptement des soins fondés sur l’expérience clinique qui sont appropriés pour leur maladie. Par conséquent, oui...

[Français]

    Êtes-vous de cet avis?
    Je ne crois pas que le diagnostic soit réfuté. Dans le passé, j'ai remarqué qu'il pouvait l'être parfois, suite à nos recommandations à l'égard de la rétention d'un soldat au sein des Forces canadiennes. Je suis d'accord avec le Dr Jetly, à savoir que le diagnostic ne sera pas réfuté comme tel. Toutefois, à mon niveau, il arrive qu'on tente de convaincre les Forces canadiennes de retenir quelqu'un en son sein avec un tel diagnostic.
    J'ai souvent remarqué dans le passé que les recommandations médicales du spécialiste traitant n'étaient pas toujours acceptées par le système bureaucratique de la santé mentale au sein des Forces canadiennes. C'est une réalité. Il y a toutes sortes de raisons pour cela.
    Personnellement, je ne suis pas clinicien. J'essaie de m'en mêler autant que possible, mais à un moment donné, il y a des recommandations médicales.
    En effet, j'ai remarqué cela dans le passé.
    Si je comprends bien, vous dites que si un diagnostic a été établi, il est reconnu parce qu'il a été établi, mais il n'est pas nécessairement accepté relativement à l'indemnisation car une contestation peut s'ensuivre.
    Par contre, comme le Dr Jetly l'a dit, l'indemnisation n'est pas faite par les Forces canadiennes. L'indemnisation provient du ministère des Anciens Combattants du Canada. Nous disons souvent qu'il faudrait peut-être essayer de retenir ce soldat au sein des Forces canadiennes, ce qui constitue une forme d'indemnisation.
    Si le diagnostic est fait, cela veut dire qu'on peut dire au membre des Forces canadiennes qu'il a terminé, qu'il est mis à pied, qu'on n'a plus besoin de lui, et il devient alors un ancien combattant.
    On ne garde pas chez vous quelqu'un qui a reçu un diagnostic de stress post-traumatique. On le renvoie, comme le général Dallaire, qui a aussi été renvoyé.
    Pour ma part, je souffre du syndrome de stress post-traumatique et d'une dépression majeure. Je prends mes médicaments tous les matins. Ce n'est donc plus nécessairement le cas. C'est ce que fait le programme SSBSO dont on parlait tantôt. On pousse vraiment la machine pour s'assurer que les gens qui ont reçu un tel diagnostic ne soient pas immédiatement rejetés. Cela change énormément. De plus en plus de soldats sont retenus. C'est une réalité. Est-ce tout le monde? Ce n'est pas le cas. Je ne suis pas meilleur qu'un autre, mais je suis encore en mesure de servir. J'ai parfois des mauvaises journées et parfois cela ne va pas bien, mais ce n'est pas généralisé. Je pense que c'est comme n'importe quelle autre condition médicale. Cela a changé depuis 10 ans. Est-ce que j'aimerais en retenir plus? Oui, c'est le cas, mais je ne peux pas dire que tous sont rejetés. Ce n'est plus la réalité.
(1710)

[Traduction]

    Monsieur Stoffer.
     Merci, monsieur le président.
     Merci, messieurs, de votre présence.
     Lorsque vous avez présenté votre première diapositive, vous avez parlé du nombre de suicides chez les membres des FC. Cela comprenait-il les réservistes et les gens qui ont quitté les Forces?
    En fait, deux initiatives se déroulent simultanément, mais les statistiques que nous présentions ont trait à la force régulière des FC
    Donc, cela comprend les réservistes, les anciens combattants et les membres de leur famille.
     Oui. Je veux dire que nous ne compterions pas nécessairement les anciens combattants de toute manière. Je pense que les réservistes sont une bonne question. Ils sont très difficiles à définir. Statistiquement parlant, certains d’entre eux participent une fois par semaine ou une fois par mois, tandis que d’autres remplissent des contrats à temps plein ou accomplissent des choses de ce genre.
     Je ne sais pas si vous avez entendu parler de l’étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes que nous venons d’amorcer. Elle nous donnera une idée de la façon dont se sont éteints tous les gens, anciens combattants ou autres, qui, depuis 1972, ont servi dans les forces. Ainsi, nous aurons une bonne idée de ce qui leur est advenu en examinant les différentes maladies dont ils étaient atteints et des éléments de ce genre.
     Merci.
     Sur l’une de vos diapositives, il est indiqué que l’accès que les membres ont à la pharmacothérapie et à la psychothérapie est excellent. Est-ce également vrai pour les réservistes?
    Cela dépend du type de contrats que les réservistes remplissent.
    Cela dépend également de leur lieu de résidence.
    Oui, de tous ces facteurs.
    Par conséquent, tous les membres des FC n’ont pas accès à ces thérapies.
    Non, ils y ont accès.
    Il est indiqué ici que leur accès est excellent. J’ai parlé avec un couple de Thunder Bay qui ne bénéficie pas de cet accès. Ils ont du mal à se prévaloir de ces thérapies. Pour obtenir de l’aide, il leur faut se rendre dans une autre région.
    Notre pays est très grand. On ne peut donc pas s'attendre à trouver une clinique qui peut accueillir 50 patients sur la côte Ouest de Terre-Neuve...
    M. Peter Stoffer:C'est normal.
    Lcol Rakesh Jetly:... mais on peut amener les soldats à Halifax par avion pour leur évaluation. Nous avons essayé de former des gens partout dans la région atlantique. Quelqu'un a d'ailleurs posé une question à propos de la formation. Nous mettons sur pied des ateliers afin de parfaire les connaissances des professionnels qui travaillent dans les collectivités pour qu'ils soient en mesure de s'occuper des soldats.
    D'accord.
    Quelqu'un s'est informé sur la présélection avant l'embauche dans les Forces permanentes. Est-ce qu'on évalue de façon approfondie la santé mentale d'un sujet dans le cadre d'un processus de préselection avant de l'enrôler dans les FC?
    Non.
    D'accord. Je demanderai pourquoi plus tard, mais pour l'instant j'ai quelques questions.
    M. Whelan a indiqué que les familles avaient droit à deux visites, ou quelque chose de cet ordre, selon ce que le ministère des Anciens Combattants peut faire. Est-ce que certains des services offerts aux anciens combattants le sont également à leur famille ou à leurs enfants? Dans l'affirmative, offrent-ils la même couverture?
    Ma dernière question concerne les soldats qui ont été libérés des Forces et dont l'un des plus gros problèmes, d'après ce qu'on entend et comme en discutait M. Maguire, est de s'ajuster à la vie après l'armée. Après avoir servi pendant 20 ou 30 ans, c'est devenu un mode vie pour eux — comme pour l'officier marinier bourru dont vous parliez. Ils s'adaptent difficilement à la vie civile, ce qui génère une série de problèmes.
    Je sais que les services de transition s'améliorent, mais pourriez-vous élaborer un peu plus sur la manière dont on s'occupe des problèmes reliés à la santé mentale, en dehors du versement d'une pension?
    Ce sont d'excellentes questions. Vous devrez peut-être me les rappeler plus tard, car je vais commencer par répondre à la dernière.
    Encore une fois, nous avons fait des progrès remarquables. Rien n'est parfait, mais nous avons accompli de grands progrès dans ce domaine. Cela remonte à loin, mais les militaires atteints d'une maladie chronique, que ce soit sur le plan physique ou psychologique, ont accès à une unité interarmée de soutien du personnel dans chaque base. Les patients qui ont besoin d'aide supplémentaire sur les plans administratif, médical et autre doivent donc se référer à ces unités qu'on trouve dans chaque base.
    On a prévu une période de transition, ce qui fait qu'une personne qui reçoit un message de libération devra attendre au moins six mois avant d'être libérée des Forces canadiennes. De plus, la désignation « gestionnaire de cas » n'a pas de définition propre, car chaque clinique adopte sa propre définition. Mais dans les FC, tous nos gestionnaires de cas sont des infirmiers ou des infirmières, et l'une de leurs tâches principales consiste certainement à jumeler une personne avec les services compétents une fois qu'elle a quitté les Forces. Comme on l'a dit, nous vivons dans un grand pays et les gens ont le droit de s'installer où ils veulent. S'il n'en tenait qu'à moi, tous nos militaires libérés s'installeraient près d'un grand centre, pour des raisons évidentes.
    Lorsque l'endroit où ils s'installeront une fois libérés des Forces est déterminé, nous nous occupons des détails, par exemple en leur rappelant même de faire une demande au régime civil de soins de santé, car ils n'ont pas de carte du RAMO vous savez. Nous leur disons de ne pas oublier d'en faire la demande. Nous leur demandons aussi s'ils ont un médecin de famille. Si ce n'est pas le cas, nous essayons de leur en trouver un. Si nous savons d'où ils communiquent, nos professionnels de la santé mentale vont essayer de leur trouver un professionnel dans leur région. Si on peut y trouver une clinique TSO du ministère des Anciens Combattants  -- et on en trouve maintenant un certain nombre --, c'est là que nous allons organiser leur transition. Ils pourraient même consulter là-bas pendant qu'ils sont encore en service.
    Nous établissons donc le contact avec les professionnels. Parfois, nous pouvons couvrir les frais par l'entremise de la Croix-Bleue ou par un autre moyen avant leur libération.
    Nous sommes donc infiniment plus avancés que nous l'étions dans ce domaine. Nous ne nous contentons pas de libérer les gens et d'espérer que le ministère des Anciens Combattants... Ils peuvent faire une demande de pension à l'avance. Une des premières choses que je fais lorsque je vois un patient peu de temps après avoir posé mon diagnostic est de lui demander s'il a rempli les formulaires appropriés auprès du ministère des Anciens Combattants, même si la date de sa libération est encore loin. C'est beaucoup plus facile de compléter le processus pendant qu'ils sont encore avec nous que d'essayer de les trouver 10 ans plus tard.
    Nous opérons donc cette transition autant que possible. Nous ne précipitons rien; nous prenons le temps de le faire. Ils peuvent également entreprendre des études supérieures ou collégiales pendant qu'il sont encore en service. Pour les six mois suivant septembre, ils peuvent commencer leurs études tout en continuant à recevoir des soins à notre clinique.
    Pour les familles des membres, nous devons passer par la Loi canadienne sur la santé. Ma propre famille ne reçoit pas de soins à la base non plus. Lorsque nous avons déménagé, nous avons aussi dû trouver des pédiatres et des médecins pour nos propres enfants.
    On nous permet de prodiguer des soins d'appui aux membres. Dans le domaine de la santé mentale, nous étendons l'aide autant que nous pouvons. Le membre qui en profite n'a pas nécessairement besoin d'être présent dans la pièce. Il pourrait être à l'étranger. Si son conjoint ou sa conjointe s'adresse à notre travailleur social de l'unité de services psychosociaux en disant qu'il ou elle ne va pas bien, nous allons immédiatement l'aider.
    Lorsque nous traitons des patients et que nous avons affaire au TSPT, l'évaluation standardisée au pays implique que le conjoint ou la conjointe de ce patient soit convoqué dès la première ou deuxième séance. N'oubliez-pas que c'est à la discrétion du membre. Il ou elle doit permettre à la conjointe ou au conjoint d'être présent. Dès le début, donc, nous invitons les conjoints à participer au processus et à recevoir l'enseignement que nous dispensons, ce qui les tient au courant de ce qui se passe.
    Nous organisons régulièrement des séances éducatives de groupe pour les conjoints. Nous avons organisé des séances de groupe pour les couples pendant une semaine à Halifax. Nous faisons venir des gens pour qu'il reçoivent une formation sur la maladie et comment y faire face, sur la colère, le stress, les familles, la façon d'élever les enfants, etc.
    Nous les aidons donc dans toute la mesure du possible. Par contre, ce n'est pas le régime TRICARE des États-Unis. Si le conjoint ou la conjointe d'un membre souffre de dépression, par exemple, je ne peux pas lui prescrire des antidépresseurs. Nous avons les mains liées dans ce cas.
(1715)
    Et le dépistage?
    Le dépistage...
    Je sais que M. Stoffer a posé pas mal de questions, et nous avons amplement dépassé le temps alloué. Je dois dire que c'était en général fort intéressant, mais M. Mayes a une question à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Messieurs, comme nous parlons du contexte des Forces canadiennes, ce graphique semble indiquer, selon moi, que les suicides sont directement liés au combat ou à la vocation d'être membre des Forces canadiennes.
    Je me demande si vous êtes bel et bien arrivés à cette conclusion, à savoir que chacun des suicides enregistrés est le résultat direct de l'engagement au combat, plutôt que des conditions de vie, par exemple. Quand on vit dans une base militaire, on est coincé là avec plein de gens et on risque de ne pas s'entendre avec certains d'eux, ou il pourrait y avoir des problèmes familiaux ou personnels.
    Avez-vous ventilé ce chiffre pour déterminer exactement combien de suicides sont directement liés au fait d'être en situation de combat?
    Je peux commencer.
    Du point de vue statistique, nous avons montré que ce n'est pas le cas. Il y a un concept très intéressant ici, qu'on appelle, en statistique, l'association. J'ai été déployé à quatre reprises. Stéphane Grenier a, lui aussi, été déployé. Nous avons, tous deux, été au Rwanda, en Afghanistan et à différents autres endroits. Il y a certes lieu de dégager une association entre ces déploiements. Si d'ici sept ou dix ans, quelque chose devait m'arriver, comment pourriez-vous établir un lien de causalité entre cet incident et mon affectation?
    Cela dit, nous avons examiné la question; la situation est différente de celle de nos alliés, mais ils se penchent tous sur la même question. Le déploiement, en tant que tel, n'est pas associé au suicide. Les chiffres sont trop petits. Mais la majorité des suicides qui se sont produits cette année, par exemple, ont été commis par des militaires qui n'ont jamais été déployés. Mis à part la causalité, il n'y a pas d'association.
    De toute évidence, les TSO, le TSPT et la dépression sont des maladies qui augmentent le risque d'une personne. Je crois que c'est un aspect très intéressant qui mérite d'être examiné. De façon longitudinale, si les ex-militaires souffrent de maladies plus tard et qu'ils n'ont pas accès au système de suivi et de soins des Forces canadiennes, que se passe-t-il? Je pense qu'il s'agit là d'un sujet intéressant, et nos collègues du ministère des Anciens Combattants se pencheront là-dessus.
    Jusqu'à présent, les données de Statistique Canada et de diverses autres sources n'appuient pas cette théorie.
(1720)
    Je crois que le stress extrême et la dépression sont... ils présentent certaines des caractéristiques de la dépendance, qu'il s'agisse de toxicomanie ou d'alcoolisme. Certaines pressions externes font déclencher ce comportement.
    Je ne suis pas un spécialiste ici. Je ne veux pas vous donner l'impression que je m'y connais en la matière, mais en tant que personne ayant occupé des postes stressants, je trouve que le stress peut devenir une habitude.
    Le travail consiste-t-il, en partie, à dégager ces pressions externes, à prendre des mesures pour sortir de ce cycle et, enfin, à cerner les symptômes pour éviter de tomber de nouveau dans le même cycle?
    Absolument.
    C'est un choix personnel, mais c'est aussi une question de leadership. Il arrive parfois qu'un militaire plein de zèle n'arrête pas de se porter volontaire pour des affectations. En tant que dirigeant, on doit parfois dire: « C'est assez. Vous devez vous occuper des problèmes à la maison. »
    Nous essayons d'enseigner les quatre grandes habiletés d'adaptation. Elles sont tout à fait fondamentales. Nous devrions les enseigner aux enfants à l'école. Idéalement, nous devrions présenter certaines de ces aptitudes à la société. Elles sont très fondamentales. À titre de chef, il faut d'abord apprendre à prendre soin de soi, avant de prendre soin des autres. Je crois que c'est la clé.
    En tant que professionnel de la santé, je n'ai rien à voir avec cela. Quand les choses ne vont pas bien, je suis heureux d'être là, mais je crois que nous devons reconnaître, dans notre culture, que nous pouvons épuiser des gens. Nous pouvons gruger leur énergie trop rapidement. Parfois, ils sont leurs pires ennemis. Dans une organisation concurrentielle, où la réussite dépend des résultats, il faut de temps en temps prendre une pause. Si l'on compare nos statistiques à celles des États-Unis, on se rend compte que toute la différence est là: des affectations de six mois plutôt que des affectations de 12 ou 15 mois. Il y a un énorme écart entre les personnes sur le plan de leur résistance et de leur énergie.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste encore du temps?
    Non, plus maintenant. Je suis désolé.
    Je vais accorder une seule question. Il ne nous reste que quelques minutes. Nous avons juste le temps d'entendre une petite question, suivie, on l'espère, de la réponse.
    Mme Duncan, veuillez poser une seule question.
     Merci.
    À quelle fréquence faites-vous les dépistages, et qui s'en occupe?
    Il s'agit du programme amélioré de dépistage postdéploiement. Le dépistage se fait trois à six mois après chaque déploiement et s'adresse à tout militaire ayant été déployé pendant 120 jours. Comme il s'agit d'un questionnaire préparé à l'avance, nous décidons de l'utiliser dans certaines situations, même s'il n'est pas tellement long.
    Par exemple, dans le cas des marins de Chicoutimi , j'étais en Écosse avec eux, et nous avons décidé qu'un dépistage était de mise, compte tenu de ce qu'ils avaient vécu; nous les avons examinés et suivis. Le dépistage se fait donc trois à six mois après un déploiement.
    Beaucoup de preuves montrent que si on examine les gens dès leur retour, c'est trop tôt, parce que tout le monde se sent bien. Voilà pourquoi, à l'instar de nos alliés, nous utilisons un délai de trois à six mois. Après chaque déploiement, le dépistage est répété plusieurs fois. Il y a une série de questionnaires fondés sur des preuves sur la dépression, le TSPT et tout le reste. Ils sont quantifiés et informatisés, puis l'infirmier ou l'infirmière en santé mentale — d'habitude un professionnel de la santé mentale qui s'occupe de l'entrevue personnelle — étudie les résultats pour déterminer de façon précise si la personne souffre d'insomnie, de colère ou d'alcoolisme, mais aussi pour voir s'il y a autre chose. On peut par exemple demander comment vont les choses. Ce sont des questions semi-structurées et très générales sur la vie personnelle, sociale, familiale et professionnelle. Il s'agit d'une approche très globale.
    J'ai moi-même fait l'objet de dépistages à quelques reprises. Juste parce que je suis le patron ou la personne de haut niveau... il n'y a pas d'exceptions; on m'examine quand même. Le dépistage relève de la chaîne de commandement, et non pas des services de santé. En fait, les réservistes sont beaucoup plus accommodants que les membres de la force régulière, alors les réservistes subissent, eux aussi, des tests de dépistage.
(1725)
    D'accord.
    Monsieur Kerr, puis monsieur André.
    Merci, monsieur le président.
    Il ne nous reste pas de temps, j'en suis conscient, mais je voulais souligner un point; compte tenu de la nouvelle clinique à la base aérienne de Greenwood dans la vallée, tout le monde parle de l'importance de la santé mentale et du fait qu'elle fait partie des services offerts par l'équipe. Cet aspect m'a frappé, parce qu'on a tous parlé du travail d'équipe et de la collaboration.
    J'ai une question au sujet du stigmate. Nous étions à une conférence récemment à Montréal, un symposium auquel participaient les représentants du ministère des Anciens Combattants et les civils. Je sais qu'on a parlé de la couverture médiatique excessive, mais en même temps, combien de professionnels ont dit que le stigmate est toujours ancré dans bien des mentalités et que, du point de vue de la population, il s'agit d'une maladie aussi grave que n'importe quelle maladie physique...? Je me demande simplement ce que vous en pensez.
    Juste pour compléter les propos de mon collègue, nous sommes reconnus, au sein de l'OTAN, au sein des forces armées, comme les « détectives de stigmates ». Quand je vais à une réunion de l'OTAN, les gens me disent: « Eh bien, au Canada, vous avez réglé le problème. »
    Ce n'est pas aussi parfait que cela, mais nous nous posons les mêmes questions que les soldats britanniques, américains et australiens. Notre stigmate — la perception que les gens sont faibles, etc. — rejoint à peu près le tiers des autres nations.
    Les campagnes — comme le SSBSO et la campagne « Soyez la différence » — donnent de bons résultats. En fait, nous avons demandé à 2 500 soldats, en une année, s'ils auraient moins d'estime envers une personne qui reçoit des soins de santé mentale, et seulement 7 p. 100 d'entre eux ont dit oui. Alors, nous avons réalisé des progrès. Au début de ma carrière, les professionnels de la santé mentale étaient stigmatisés, sans compter les patients.
    Le travail n'est pas encore terminé. Il nous reste encore du chemin à faire. Mais je pense que nous devons examiner d'autres obstacles aux soins, notamment des obstacles structurels comme la géographie. On a beau éliminer tous les stigmates du monde, mais la superficie du pays restera la même.
    Bref, selon moi, nous ne perdrons jamais de vue ce stigmate et cette culture, parce que dès qu'on le fait, le problème se présente de nouveau. Des gens comme Bill Wilkerson, qui siège à la table ronde économique, disent que si les Forces canadiennes peuvent le faire, alors pourquoi pas Ford, ou pourquoi pas les autres grandes sociétés?
    Merci.
    Monsieur André, vous pouvez poser une petite question, suivie de la réponse.

[Français]

    J'ai une brève question qui porte sur votre intervention en matière de suicide sur le terrain militaire. Je donne l'exemple du soldat Couture. Il y a eu un pacte de suicide conclu par des soldats en Afghanistan. Il a fait une tentative de suicide sur le terrain. Il est revenu ici, il souffrait du syndrome de stress post-traumatique et il s'est enlevé la vie. Je me pose donc des questions sur votre protocole d'intervention en matière de suicide sur le terrain. Considérons le réseau de la santé, par exemple. Lorsqu'on intervient en matière de suicide et qu'on sent qu'une personne est à risque, on peut briser le secret professionnel pour intervenir et hospitaliser cette personne. Dans le cas dont je parlais, le militaire n'a pas été hospitalisé, du moins, je ne le crois pas. Il y a eu un pacte de suicide et ces gens sont revenus ici. Je n'ai qu'une minute et j'aimerais vous entendre là-dessus. J'aurais aimé prendre plus de temps, mais une minute ce n'est pas tellement long.
    J'ai fait trois tentatives de suicide. Lors de ma dernière tentative, ma femme m'a trouvé. J'avais un câble et j'étais en train d'écrire ma note de suicide lorsqu'elle m'a découvert. Je ne défends pas les forces armées, mais personne n'avait vu cela venir. En fait, selon le Dr Jetly, cela ne figure même pas à mon dossier.
    Je ne défends pas le système. Il faut encore tourner le coin. Par contre, les forces armées n'ont jamais vu ça venir.
(1730)
    Je vous parle d'un pacte de suicide dont il a été question à la télévision. Cela était connu, même sur le terrain.
    C'est exact, mais il y a une différence entre le pacte de suicide sur le terrain et ce qui se passait cinq ou six mois plus tard, alors que le militaire était en réhabilitation. Il était évalué par le système qui cherchait à savoir s'il était oui ou non en bonne condition.
    Personnellement, je suis suivi par un psychiatre depuis des années et mon médecin m'a laissé retourner chez moi alors qu'il savait que je n'allais vraiment pas bien. Où trace-t-on la ligne? Je ne veux pas non plus défendre les médecins, mais où est la frontière qui permet de savoir s'il faut interner Stéphane Grenier ou le renvoyer chez lui? Ce n'est pas toujours facile.
    Je posais la question par rapport aux professionnels.

[Traduction]

    Je ne parlerai jamais d'un cas particulier et, du point de vue médical, je ne connais pas les détails du cas dont vous parlez.
    De façon générale, nous avons établi un solide hôpital de rôle 3 à Kandahar. Nous avons des professionnels de la santé mentale; les Américains ont pris la relève. Nous offrons, sans exception, une formation à nos chefs. Si les chefs s’inquiètent de l’état des militaires, ils nous les amènent, et ça fait tellement de bien de voir cela. N'importe quel professionnel de la santé mentale est ravi d’entendre un sergent ou un adjudant lui dire: « Je m’inquiète pour mes hommes, docteur. Pouvez-vous les examiner? »
    Il y a une évaluation du suicide. Rien n’est parfait. On dispense la meilleure formation. On fait de notre mieux pour évaluer le risque et le taux de mortalité. Dans une zone de guerre, où les gens sont armés, le risque est plus élevé. Nous gardons la personne sur les lieux, nous la retenons. Nous lui retirons son arme. Nous plaçons la personne à bord d’un C-17 et nous l’envoyons à Landstuhl, si nous devons le faire, quitte à l’attacher à une civière et à lui administrer des médicaments. Encore une fois, il n’y a rien de parfait.
    Chaque cas me fait de la peine, et je partage la douleur de chaque mère qui parle dans les médias. Nous en sommes très touchés. Ce ne sont pas les soldats des Forces canadiennes; ce sont des gens qui portent le même uniforme que nous. Ce sont mes compagnons d’armes, et non pas mes patients.
    Des systèmes sont donc en place. Si quelqu'un est inquiet, nous l’invitons à venir nous voir pour obtenir de l'aide. Nous lui faisons un exposé sur la santé mentale. La chaîne de commandement sait qu'elle ne peut jamais empêcher quelqu'un d'obtenir des soins. Elle est tenue d'amener la personne chez le médecin, et nous avons des politiques et procédures à cet égard. Malgré tous ces efforts, les gens vont quand même mourir de leurs blessures physiques, et il y aura des gens qui souffriront de maladies mentales et qui tenteront de se suicider.
    Faites-vous un dépistage préalable, avant que la personne s'enrôle dans les forces, pour détecter des troubles mentaux?
    Nous faisons un dépistage médical. Il y a toutes sortes de lois qui entrent en jeu, sans compter les droits de la personne et ce genre de choses. Nous demandons au candidat de répondre à un questionnaire pour déterminer, par exemple, s'il est allergique aux arachides et, pour l'instant, c'est basé sur l'honnêteté de la personne.
    En fait, la semaine prochaine, nous organisons une séance d’information à l’intention des adjoints aux médecins qui s’occupent des tests médicaux dans l'ensemble du pays. Ils nous ont demandé, à mon collègue, l'expert en toxicomanie, et à moi, de les aider à déterminer quoi faire dans les cas où une personne dit avoir eu un problème d’alcool il y a quelques années, mais qu’il se porte mieux maintenant. Les médecins civils, pour leur part, envoient une note disant que la personne avait ce problème, mais qu'elle va mieux maintenant. Alors, comment aider nos collègues à cet égard?
    Oui, nous faisons un dépistage médical. La santé mentale fait partie de la santé. Il n'y a aucune distinction. Mais il est difficile de prévoir les comportements au moyen de ce genre de dépistages. Il n'y a pas de dépistage parfait. Les forces spéciales le font, de même que certaines de ces organisations. Dans quelle mesure ces tests ont une valeur de prédiction. C'est discutable. Il ne serait pas conforme aux droits de la personne d'exiger d'un soldat qu'il réponde à un questionnaire de personnalité pour prévoir s'il va s'en sortir ou pas. Par contre, le fait de diagnostiquer une maladie est une chose différente. Selon moi, un profil de personnalité ou un test de QI ne serait pas efficace. Nous n'avons pas encore mis au point ce genre de test, et nos alliés non plus.
    Merci de votre témoignage aujourd'hui.
    La séance est levée.
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