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Je suis venu témoigner en mars. Je reconnais quelques-uns d'entre vous, mais il y a de nouveaux visages. Comme je crois l'avoir dit en mars, je vais livrer mon témoignage dans un langage de soldat. Je ne tourne pas autour du pot. Je parle avec mes tripes. Je n'ai rien à prouver à personne.
Mesdames et messieurs, vous avez devant vous un homme qui souffre d'une terrible condition connue sous le nom de TSPT, ou trouble de stress post-traumatique. Je souffre de ce trouble mental depuis 36 ans, et j'en ai 62. Au cours des quatre dernières années, j'ai été suivi par des professionnels de la santé après avoir reçu mon diagnostic, en avril 2006.
Le TSPT est un mal redoutable dont peut souffrir un ancien combattant en ayant l'air tout à fait normal pour quiconque ignore ce à quoi il est confronté chaque jour. Autrement dit, nous paraissons tous normaux. Les gens me regardent et pensent: « C'est un type normal, rien ne cloche chez lui ». Eh bien, je ne suis pas normal, en tout cas, pas du point de vue mental.
L'une des choses les plus difficiles à tolérer est de savoir que lorsque le diagnostic tombe et que la nouvelle se répand, on nous considère comme une énigme et on nous traite avec méfiance, en évitant de nous donner certaines responsabilités. Au fond, on nous traite comme si nous avions la lèpre.
Dans le but de m'en sortir et de cacher le fait que quelque chose n'allait pas chez moi, j'ai fait semblant et fait tout ce que je pouvais pour socialiser, mais au bout du compte, tout s'est effondré, et ça m'a presque détruit. Beaucoup d'anciens combattants ne peuvent pas supporter cette lutte quotidienne avec eux-mêmes; ils se retirent complètement dans un monde de dépression et se « bunkerisent », ce qui veut dire qu'ils s'isolent, qu'ils restent dans leur sous-sol ou leur petite chambre et n'en sortent pas. Ils deviennent complètement reclus et ne veulent pas socialiser, ni être dérangés par quiconque. C'est un effondrement complet de leurs structures sociales.
Pour ma part, j'ai souffert de graves maux de tête, j'ai fait des cauchemars fréquents, j'ai eu des accès de colère au point d'effrayer les gens, j'ai vécu de la frustration de ne pas savoir ce qui m'arrivait, de l'anxiété à l'idée de devoir effectuer les tâches les plus simples, et j'étais réticent à faire totalement confiance aux gens qui m'entouraient, au travail comme à la maison. J'étais toujours sur mes gardes, toujours sur la défensive, constamment vigilant à l'égard de ce qui se passait autour de moi. J'avais un comportement asocial et des problèmes relativement à l'autorité. C'est courant chez les hommes atteints du TSPT. J'utilise le mot hommes, car je n'ai jamais travaillé avec des femmes souffrant de ce trouble.
Ces problèmes se sont manifestés tout de suite après mon retour de Chypre, en décembre 1974, après une mission des Nations Unies avec le Régiment aéroporté du Canada. À la suite de l'échec de mon premier mariage, en 1982 — il a duré 10 ans —, mon ex-conjointe m'a dit qu'elle m'aimait toujours, mais qu'elle ne me reconnaissait plus. Elle m'a aussi confié que depuis mon retour de Chypre, en 1974, je n'étais plus le même homme et que parfois, je lui faisais peur, car elle ne savait pas à quoi s'attendre de ma part. C'est un autre problème auquel nous sommes confrontés: la perte du réseau de soutien familial.
En 1993, quand je suis revenu de la Somalie, je me suis remarié en espérant de tout coeur pouvoir vivre une vie normale avec la femme que j'aime maintenant. Cela s'est aussi soldé par un échec, et j'ai continué à mener une lutte quotidienne contre mes symptômes, que j'appelle les montagnes russes des émotions: une minute tout va bien, et la suivante tout s'écroule.
À l'heure actuelle, j'ai encore beaucoup de symptômes, même si je consulte régulièrement un psychologue. Comme je lutte constamment pour trouver un sens à ma vie tout en traînant le fardeau — c'est ainsi que je l'appelle — d'une dépression, ma santé physique s'est détériorée plus rapidement que les professionnels de la santé et moi-même ne l'avions prévu.
Je me trompe peut-être, mais je considère que le cycle sans fin des émotions en dents de scie causé par le TSPT est responsable de la détérioration de ma santé. Dans le but de trouver un sens à tout cela et de prendre un engagement envers moi-même — autrement dit, pour trouver une façon de sortir de chez moi —, je me suis joint au service de soutien social pour les blessures de stress opérationnel, ou SSBSO, à titre de pair aidant. C'est de cette expérience au sein du service de SSBSO, dont je ne fais plus partie, ainsi que de l'aide que j'apporte à mon tour à d'anciens combattants dont je m'inspire maintenant.
J'ai fait de mon mieux, je me suis donné à fond pour aider mes camarades anciens combattants, jusqu'à ce que je traverse ce que nous appelons la phase d'épuisement professionnel, que tous les pairs aidants traversent, parce qu'ils finissent par trop s'investir et qu'ils s'épuisent.
C'est durant ces épisodes d'épuisement que j'ai plongé dans une grave dépression et une longue période d'isolement. Comme vous pouvez l'imaginer, cela a eu des effets négatifs non seulement sur moi, mais aussi sur ma tendre épouse, avec qui ma relation avait presque déjà atteint le point de rupture. Durant cette période sombre, je me suis complètement coupé du monde extérieur, j'ai manqué d'importants rendez-vous médicaux et presque abandonné mes fonctions d'aide auprès de mes collègues anciens combattants.
Cela me dérange vraiment, car je considère qu'il est de mon devoir de garder contact avec eux. C'est typique des soldats. Ils aident leurs camarades et ils obtiennent de l'aide en retour. Quand ils ne peuvent plus le faire, alors c'est leur faute: ils les ont laissés tomber. Nous sommes tous passés par là.
Ces épisodes duraient chaque fois de quelques semaines à quelques mois. Pendant cette période très difficile de ma vie, ma tendre épouse est restée constamment à mes côtés, même si je m'isolais durant des jours sans me laver, me raser ni changer mes vêtements et que je ne montais pour manger que de temps à autre. Elle a supporté beaucoup de choses durant ma maladie, au fil des ans, et elle a même menacé de me quitter à quelques reprises. Je ne le lui reprocherais pas le moins du monde si elle le faisait, car je crois qu'elle se porterait mieux sans moi.
À mesure que mon état s'aggravait, elle travaillait de moins en moins afin de rester davantage avec moi, parce qu'elle craignait que je m'enlève la vie. Quand il est devenu trop difficile de garder son travail, elle a décidé de démissionner pour être avec moi en tout temps. Même si ce fut une bénédiction pour moi, cela nous a coûté très cher sur le plan financier, mais nous nous débrouillons. Nous subissons davantage de stress. De plus, je suis incapable de la satisfaire sur le plan sexuel depuis plus de 10 ans. Vous pouvez imaginer à quel point cela nuit à notre relation.
Je considère que ma vie n'est que douleur et souffrance. Ma vie d'avant est détruite et parfois, je pense qu'il ne vaut pas la peine de continuer à me battre vu l'état lamentable des choses. Je dois admettre, et je le dis sans malveillance, que le TSPT a eu beaucoup d'effets négatifs dans ma vie et dans celle de centaines d'autres anciens combattants.
C'est ce que j'ai vécu au cours des quatre dernières années.
D'abord, le TSPT détruira la vie familiale et sociale de l'ancien combattant jusqu'à ce qu'il développe une dépendance à l'alcool et aux drogues prescrites ou illégales, ou au jeu, à un point tel qu'il perdra le contrôle de ses finances. Il est aussi susceptible de développer une dangereuse hyperactivité sexuelle pouvant se transformer en prostitution ou une obsession du travail. Ces dépendances nuisent à ses chances de se respecter soi-même ou de combattre les effets du TSPT.
Je dois dire également que lorsque quelqu'un développe une ou plusieurs de ces dépendances, cela rend le diagnostic de TSPT plus difficile à établir, car la personne doit d'abord être traitée pour ces dépendances. Cette période d'évaluation est très stressante pour elle, car cela va probablement détruire son mariage, si elle est mariée, ou toute autre relation. Après avoir perdu le soutien de sa famille, qui est essentiel dans le processus de guérison, l'ancien combattant finira sans doute par vivre en reclus ou par faire une tentative de suicide.
S'il peut conserver le soutien de sa famille, même si cette période est très difficile et stressante non seulement pour lui, mais aussi pour les membres de sa famille, il aura alors beaucoup plus de chance de surmonter les effets du TSPT. Toutefois, s'il est célibataire, la bataille se livrera à un niveau différent — c'est-à-dire qu'il sera plus difficile pour lui de demander de l'aide et qu'il se tournera probablement vers d'autres moyens, comme les dépendances. S'il n'a pas la chance d'obtenir rapidement une assistance médicale, il adoptera généralement des comportements autodestructeurs.
En raison de la méfiance constante dont font preuve les anciens combattants à l'égard de l'autorité et du fait qu'ils se sentent rejetés par le système en place, ils refuseront toute aide et formeront des groupes de dissidents pour obtenir des conseils et de l'aide les uns des autres. C'est ce que j'appellerais rouler à vive allure dans une voie à sens unique — une voie très dangereuse. Au lieu de s'entraider, ils ne font que mettre leur vie en danger en ne cherchant pas à obtenir une assistance médicale adéquate. Leurs rencontres dans un sous-sol ou un garage ne règlent rien, surtout parce qu'ils discutent la plupart du temps en buvant de la bière ou en fumant du tabac illégal. Au bout du compte, ils ne réussissent qu'à exacerber leur colère, leur frustration et leur méfiance, et ils risquent de sombrer dans une grave dépression. J'ai personnellement été témoin de ces situations à deux reprises, et je dois admettre que cela m'a complètement bouleversé.
J'ai assisté à deux séances de groupe tenues par mon psychologue; elles m'ont beaucoup aidé à mieux comprendre les causes et les effets du TSPT. Ces séances de groupe, ainsi que les séances individuelles, m'ont appris comment me débrouiller durant les périodes d'anxiété et de stress excessifs et m'ont permis de comprendre ce qui les déclenche. Ces séances ont beaucoup aidé de nombreux anciens combattants à vivre une vie normale. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une solution miracle, car ce n'est pas leur objectif, mais elles aideront l'ancien combattant dans sa lutte quotidienne contre le TSPT et l'aideront à faire confiance aux autres. Il ne peut retirer du programme que ce qu'il veut bien y mettre. Autrement dit, je reçois ce que je donne. Si je ne veux pas y consacrer des efforts, le psychologue ne pourra rien faire pour moi. Nous perdrons alors tous les deux notre temps.
On a refusé d'offrir de l'aide médicale à bien des anciens combattants parce que de nombreux médecins et psychologues refusent de nous prendre comme patients. Ils ne connaissent ni le traitement approprié pour nous, ni les effets du TSPT sur l'organisme. La formation est aussi un enjeu important. À cause de ce refus, les anciens combattants se sentent encore plus isolés et méfiants à l'égard du système. C'est l'une des principales causes de méfiance. Quand on cherche de l'aide et qu'on ne peux pas en trouver, on n'a plus confiance en personne et on se joint à des groupes dissidents. C'est comme être dans une voiture qui dévale une pente abrupte à toute allure en direction d'un mur de brique. Il n'y a pas d'issue possible.
Il est également très difficile pour nous tous d'essayer de nous faire comprendre et de recevoir l'aide dont nous avons besoin d'un système respectueux. Si un ancien combattant n'est pas pris en charge à temps, cela peut avoir des conséquences très graves sur lui. Sans les établissements et les soins de santé adéquats, nous sommes pratiquement condamnés.
Le taux de suicide est en hausse; encore une fois, je me fie à ma propre expérience pour l'affirmer. Durant la dernière séance de groupe à laquelle j'ai assisté, j'ai posé quelques questions à mes camarades anciens combattants. Quand je leur ai demandé combien d'entre eux avaient déjà envisagé le suicide, des huit personnes présentes, sept ont levé la main. Quand je leur ai demandé combien prévoyaient passer à l'acte, quatre ont levé la main. Et quand j'ai demandé combien avaient déjà fait une tentative, trois personnes ont levé la main, dont moi-même. J'ai connu cinq personnes qui se sont suicidées et j'en connais beaucoup d'autres qui ont essayé de le faire. Cela a eu des effets négatifs sur moi, comme vous pouvez l'imaginer.
Avant de conclure, j'aimerais mentionner que le TSPT — et c'est un ancien combattant qui le dit — ne peut être guéri, mais qu'il peut être limité s'il est traité à temps. Je n'ai pas eu la chance d'être traité rapidement, même si j'ai demandé de l'aide en 1985 et au début des années 1990. Dès 1985, je savais que quelque chose clochait, et ma plus grande crainte était de devenir fou. C'est la première chose que croit un ancien combattant quand il commence à se comporter étrangement et à devenir un exclus de la société. Il pense qu'il devient fou et qu'il est le seul à souffrir.
Quand je suis allé voir le médecin-chef de la BFC Shearwater, en 1985, et que je lui ai parlé de mon sentiment de ne plus maîtriser la situation et de mes cauchemars, il m'a dit que tout cela était dans ma tête et qu'avec le temps, je guérirais tout seul.
Eh bien, aujourd'hui, je suis loin d'être guéri.
Signé M. William D. Maguire.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le comité de nous recevoir ici aujourd'hui. M. Cann et moi-même représentons Whelan Psychological Services, une clinique privée de services psychologiques oeuvrant principalement auprès de militaires souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel en Nouvelle-Écosse.
Pour ce qui est de mes antécédents, j'ai fait partie des Forces canadiennes de 1977 à 1985. Au cours des 15 dernières années, j'ai travaillé en qualité de psychologue clinicien, d'abord comme directeur des services de toxicomanie pour la marine à Halifax et depuis 5 ans, je travaille à temps plein dans une clinique privée oeuvrant principalement auprès de militaires en service et à la retraite et de membres de la GRC.
Aujourd'hui, mes observations porteront principalement sur le système actuel de soins de santé mentale pour les anciens combattants.
Notre clinique a été fondée en 2005 dans le but d'offrir un programme d'intervention de huit semaines en réponse à une DDP conjointe parrainée par le MDN et AAC; cette initiative n'a jamais été utilisée. Nous avons commencé à travailler avec des anciens combattants recommandés par d'autres fournisseurs de services et omnipraticiens civils ainsi qu'avec d'autres clients sans recommandation qui nous ont contactés par le truchement du réseau de SSBSO. Beaucoup de ces cas critiques, inconnus de l'armée ou d'AAC à l'époque, nous ont été envoyés par des civils en raison de problèmes de dépendance ou de dépression, et c'est souvent nous qui les avons évalués pour la première fois et qui avons établi pour eux un premier diagnostic.
Dernièrement, la situation s'est améliorée; un nombre accru de clients qui nous ont été recommandés ont déjà reçu un diagnostic de TSO établi par l'armée. Ils nous sont souvent envoyés après avoir quitté la vie militaire. Il s'agit souvent de cas complexes qui, comme l'a dit M. Maguire, présentent beaucoup d'autres problèmes.
Environ 70 p. 100 des 400 clients militaires et membres de la GRC envoyés à notre clinique au cours des cinq dernières années souffrent de problèmes chroniques associés à la toxicomanie et au stress post-traumatique, auxquels s'ajoutent encore la douleur chronique causée par des blessures physiques, les idées suicidaires et les problèmes de maîtrise de la colère. Certains clients, notamment de jeunes anciens combattants et des militaires encore actifs, peuvent progresser exceptionnellement bien et compléter le traitement avec succès. En règle générale, cependant, le pronostic de réussite du traitement est réservé, et les rechutes sont fréquentes.
Comme l'indiquent les recherches, les anciens combattants qui souffrent de TSPT, et surtout ceux qui ont des problèmes chroniques de toxicomanie, ne répondent habituellement pas bien au traitement conventionnel des troubles de stress post-traumatique. Ils ont souvent des préoccupations multiples, chroniques et comorbides qui sont difficiles à gérer chez des patients externes. Ils naviguent entre des périodes de stabilité et des périodes de crise. Beaucoup n'ont pas de soutien médical ni psychiatrique dans la communauté civile. Le risque de suicide est une préoccupation constante.
Bien que le diagnostic et le traitement des TSO se fassent maintenant plus tôt au sein de l'armée, du point de vue de la continuité des soins, il semble que le système souffre de lacunes importantes. Souvent, les anciens combattants qui bénéficient de soins médicaux prodigués par l'armée se trouvent en situation de grande détresse lorsqu'ils quittent la vie militaire, et ils choisissent de vivre en marge, parfois pendant des années. Ils sont souvent sans emploi, isolés et pessimistes quant à des changements de vie positifs. Certains doivent être hospitalisés à la suite d'une tentative de suicide ou en raison d'une psychose; d'autres ont besoin d'une surveillance clinique étroite. Nous comptons parmi nos clients quatre décès prématurés attribuables aux problèmes liés au TSPT.
Comme l'indique le sénateur Kirby dans son rapport de 2006, intitulé De l'ombre à la lumière, des défis formidables se posent à la prestation de services de santé mentale au Canada, comme nous le savons. Il dit notamment:
Le ... « choc culturel » entre les services de santé mentale et ceux de toxicomanie a créé de graves problèmes pour les clients, en particulier pour ceux atteints de troubles concomitants.
Lorsqu'il s'agit de traiter les problèmes de santé mentale chez les anciens combattants, il convient alors de se demander si cette moyenne canadienne est la norme prévue en matière de soins.
Dans notre région, les services offerts aux anciens combattants reposent en grande partie sur un ensemble de fournisseurs de soins de santé mentale approuvés et sur les services de santé publique disponibles, comme les médecins et les psychiatres, qui ont parfois peu ou pas de compétences en matière de gestion des problèmes rencontrés par les anciens combattants. Dans le cadre du système actuel, il n'y a aucun mécanisme en place pour la détermination des compétences, sauf les titres et les certificats spécialisés. De même, lorsqu'un ancien combattant consulte plusieurs fournisseurs indépendants, il n'existe pas de mécanisme en place permettant à ceux-ci de communiquer entre eux ou de coordonner leurs efforts.
Par contre, à Halifax, les Forces canadiennes semblent vouloir établir un modèle coopératif de soins pour le traitement des militaires souffrant de TSO, notamment des échanges de personnel et des efforts axés sur la coopération interdisciplinaire. On pourrait envisager de reprendre ce modèle dans d'autres aires de compétences. Notre tentative de reproduire ce modèle dans un petit cadre privé relève du défi.
Les problèmes auxquels font face de nombreux anciens combattants sont complexes et multiformes. Les solutions nécessiteront vraisemblablement des changements fondamentaux au niveau des cultures organisationnelles, des systèmes de communication et des attitudes des spécialistes, qui croient « avoir raison », mais qui doivent plutôt déterminer, respecter et gérer efficacement les besoins des clients et de leur famille.
Pour ce qui est des preuves établies dans le domaine des traumatismes, nous savons que la norme d'excellence acceptée comprend une thérapie cognitivo-comportementale, souvent dans le cadre d'approches par étapes d'une durée d'un à trois ans, en moyenne.
En résumé, avant d'entreprendre tout traitement pour un militaire ou un membre de la GRC présentant une réaction de stress post-traumatique, il est impératif de procéder à la stabilisation, y compris pour les problèmes liés aux idées suicidaires. Souvent, cela signifie la gestion de la médication, des mesures visant à favoriser un milieu de vie stable, la gestion des problèmes de toxicomanie et la diminution des facteurs de stress.
Pour bon nombre de nos clients, il est extrêmement difficile de franchir la première étape du traitement. La perte d'une structure d'emploi et de l'identité militaire, l'éclatement de la famille, la douleur non gérée, la toxicomanie active, les difficultés à obtenir un soutien médical et les préoccupations constantes liées aux demandes de pension et aux processus d'appels causent un état d'instabilité perpétuel de sorte que, pour certains clients, il n'est pas possible de passer à la deuxième étape du traitement, durant laquelle ils régleraient de façon active le TSO établi.
Pendant ce temps, évidemment, ces clients se sentent encore plus désillusionnés, en colère et déprimés, ce qui contribue à la chronicité de la réaction post-traumatique.
Je vais maintenant laisser la parole à M. Cann.
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Je m'appelle Steven Cann. En plus de travailler à Whelan Psychological, je suis également superviseur clinicien à contrat pour le programme de traitement des toxicomanies de Stadacona, à Halifax. Auparavant, j'étais psychologue de district et agent de gestion des cas pour le Service correctionnel du Canada.
Je vais vous parler de deux choses: la gestion des cas et les interventions en matière de toxicomanie. Mais d'abord, permettez-moi de vous résumer notre expérience en tant que fournisseurs privés de services aux anciens combattants.
Nous avons constaté qu'il existe des services approuvés pour les anciens combattants et qu'il en existe de nombreux autres qui ne sont pas approuvés, mais qui sont néanmoins nécessaires. Pour aider vraiment les anciens combattants, il faut souvent assumer plusieurs rôles, au point où nos rôles cliniques s'en trouvent passablement déformés. Ainsi, les anciens combattants nous demandent souvent de les aider, par exemple à remplir des demandes de pension ou d'appels ou à les mettre en contact avec des médecins ou des psychiatres civils.
Dans certains cas, nous sommes contraints de nous transformer en gestionnaires de cas, ce qui peut être une cause de confusion et de différend. Nous sommes éminemment conscients de notre rôle en tant que premier point de soutien pour bon nombre d'anciens combattants, mais nous ne sommes pas considérés comme faisant partie d'un système. Nous sommes traités comme une ressource à exploiter de manière très restreinte.
Ces dernières années, on a beaucoup parlé d'une démarche axée sur le client pour le traitement des anciens combattants. Selon nous, un modèle axé sur le client place le client en question et sa famille au centre d'un cercle formé d'une équipe de collaborateurs ayant chacun une compréhension partagée de la complexité des enjeux, des rôles clairement définis, un engagement partagé envers les objectifs du client et le processus de l'équipe et, surtout, qui exercent une solide supervision pour garantir l'engagement envers ces objectifs. Le client et sa famille font partie intégrante de cette équipe et sont continuellement consultés.
Or, la réalité correspondrait plutôt à un modèle « d'admissibilité aux services », dans lequel chaque service — par exemple, psychothérapie, médicaments — constitue un axe distinct formé d'un fournisseur de soins et d'un ancien combattant qui travaillent isolément des deux ou trois autres axes indépendants concernant le même ancien combattant. En vertu de ce modèle, il n'y a pas d'interaction possible entre ces fournisseurs, ni de supervision de coordination. Les gestionnaires de cas qui coordonnent les soins aux clients et ont le pouvoir de communiquer directement avec les fournisseurs de soins jouent un rôle essentiel à l'efficacité d'une démarche axée sur le client.
Nos responsabilités de fournisseur deviennent confuses en raison du rôle joué par les gestionnaires de cas d'ACC. Selon nos observations, ils ne s'occupent pas de gérer les cas. En fait, la gestion des cas par le ministère semble consister à autoriser ou à refuser le financement d'une intervention recommandée en fonction d'une liste des services approuvés par l'assureur. Il serait avantageux, pour se rapprocher d'un modèle collaboratif, de modifier le rôle du gestionnaire de cas de sorte qu'on puisse déterminer clairement qu'il est le responsable et le coordonnateur du cas, de concert avec les fournisseurs de la collectivité, ce qui constitue une approche d'équipe.
D'autres organismes fédéraux ont des gestionnaires de cas qui occupent des fonctions similaires; par exemple, le Service correctionnel du Canada, mon ancien employeur, a des agents de libération conditionnelle. Cependant, le gros obstacle à ce changement vient du fait que les gestionnaires de cas d'ACC ne sont pas autorisés à diriger des clients vers des services. Ces décisions sont actuellement prises par des fournisseurs externes, qui ne connaissent pas nécessairement les effets potentiels des traumatismes liés au combat.
Notre clinique s'occupe principalement d'anciens combattants qui nous sont envoyés pour TSPT et toxicomanie. À la clinique, nous utilisons un modèle intégrateur TSPT-toxicomanies qui a produit des résultats positifs au vu de nos recherches préliminaires. Le traitement intégré consiste à traiter plusieurs problèmes simultanément, par exemple le TSPT, les toxicomanies et la dépression.
Le traitement intégré est recommandé pour des troubles concomitants depuis un certain nombre d'années. Si on traite un trouble isolément, il est possible qu'un trouble en aggrave un autre. Par exemple, il est possible que l'ancien combattant traité pour le TSPT ne puisse plus faire face à ses émotions et recommence à consommer de l'alcool de façon excessive, ce qui l'expose à un risque élevé de se faire du mal.
Pour conclure, en tant que fournisseurs de traitement, nous vous soumettons les suggestions suivantes pour les systèmes de soins: que soit adoptée une approche collaborative véritablement axée sur le client, dans laquelle l'ancien combattant et les fournisseurs spécialisés de soins collaborent au sein d'une équipe qui cherche à atteindre les objectifs du client; que les équipes disposent d'un gestionnaire de cas possédant les connaissances et le pouvoir voulus pour prendre des mesures; et que soient mis en place des mécanismes pour garantir la continuité des soins dans le cas de militaires en service qui ont été traités pour des BSO et qui sont libérés, afin d'éviter une rechute.
Pour ce qui est des solutions de traitement, nous formulons les recommandations suivantes: premièrement, l'adoption et la mise en oeuvre de modèles de traitement intégratifs de soins pour les anciens combattants qui souffrent de troubles concomitants de santé mentale; deuxièmement, les décisions au sujet des modalités de traitement, comme une médication pour une personne ou pour un groupe, ou une thérapie familiale, ne devraient pas être prises en fonction d'une liste approuvée, mais devraient être prises par une équipe travaillant en collaboration, en fonction des faits et des résultats obtenus; troisièmement, on devrait chercher dans la région immédiate les moyens d'accueillir le patient hospitalisé dans le cas d'anciens combattants souffrant de troubles concomitants de santé mentale, afin de réduire les coûts financiers et le dérangement pour la famille qui sont liés à l'hospitalisation d'anciens combattants dans des centres éloignés d'autres régions du Canada, comme l'Ontario.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur.
Avant tout, nous avons décidé de ne pas faire de déclaration préliminaire afin d'avoir plus de temps pour répondre aux questions.
Steph et moi avons emprunté cette voie il y a environ 10 ans, alors que nous étions majors. Je suis responsable de clinique, tandis que lui s'occupe des aspects non cliniques relatifs aux changements survenus au ministère de la Défense nationale.
Si j'ai bien compris, le comité s'intéresse particulièrement au suicide et à la prévention du suicide. Je vais donc essayer de vous parler brièvement — n'hésitez pas à m'arrêter lorsque mon temps sera écoulé — de la prévention du suicide dans les Forces canadiennes, y compris du comité d'experts créé l'année dernière, et de la vaste approche interdisciplinaire de notre organisme.
Vous receviez plus tôt nos collègues du ministère des Anciens Combattants, qui ont modifié... ils ont leur propre programme aussi, mais il est un peu différent. Au fur et à mesure de mon exposé, vous constaterez que, de toute évidence, les deux organismes sont très difficilement comparables. Les services de santé des Forces canadiennes sont un organisme de grande taille qui compte 6 000 employés. Nos cliniques sont importantes. À Stadacona, 50 professionnels de la santé mentale travaillent selon ce modèle. Vous constaterez que les organismes sont très différents si vous essayez de les comparer.
La première diapositive présente le nombre de suicides; il s'agit de suicides chez les hommes. Contrairement à ce qu'en disent les médias, nous suivons très rigoureusement la situation depuis 1996. Je vous dirai, à la fin de mon exposé, comment nous faisons pour nous améliorer à cet égard. Depuis le début du conflit en Afghanistan, le nombre de militaires en activité de service n'a pas augmenté. Personne ne connaît l'avenir, mais ce sont les statistiques dont nous disposons à l'heure actuelle.
En septembre 2009, le Médecin-chef a convoqué, ou plutôt, il nous a demandé de réunir un comité d'experts sur la prévention du suicide. Le comité avait pour buts d'examiner ce que font les Forces canadiennes, d'évaluer l'approche des Forces canadiennes par rapport à la littérature scientifique et aux pratiques de ses alliés, et de formuler des recommandations sur la manière de renforcer son programme.
Nous n'avons pas fait cela parce que nous affichions un taux de suicide très élevé, comme aux États-Unis, mais plutôt parce que le suicide et la prévention du suicide sont des enjeux de santé publique majeurs au Canada. Il appartient aux Forces canadiennes de mettre en place les meilleures pratiques possible. Nous ne sommes pas « heureux » que notre taux soit inférieur à celui de la société civile — la perte de chaque soldat nous est chère; notre objectif est de tout faire pour baisser ce taux, ou pour enrayer le suicide.
Je vais très brièvement vous décrire la composition du comité. D'une part, il y a les participants des Forces canadiennes. En plus de notre équipe, le comité compte des spécialistes des militaires déployés et de l'épidémiologie. Les psychiatres, les travailleurs sociaux, les médecins de première ligne, les infirmières en santé mentale et les intervenants scolaires y sont représentés.
Le comité compte aussi des consultants externes. Il y a tout d'abord nos collègues du ministère des Anciens Combattants, les Drs Thompson et Ross. M. Links est un homme très important. Il est probablement le spécialiste en suicide le plus réputé du Canada, et il est titulaire de la chaire de suicidologie à l'hôpital St. Michael de Toronto. Le colonel Ritchie, conseiller du Médecin-chef, est un intervenant important aux États-Unis; il en va de même pour le lieutenant-colonel Bell. Andrew Cohn est venu de l'Australie. Ce pays fait des choses très intéressantes — son armée et son histoire ressemblent aux nôtres, et ses hôpitaux ne sont pas aussi grands qu'aux États-Unis. Sa situation est similaire à la nôtre en ce qui a trait aux patients à risque élevé — les Australiens ont quelque chose de semblable. Le comité compte aussi des collègues du Royaume-Uni, Neil Greenberg et Nicola Fear.
Le nom de notre collègue néerlandaise n'apparaît pas sur la diapositive. Je vous prie de m'en excuser...
Oh, la voici: lieutenant-colonel Horstman.
Une voix: Impossible d'oublier les Néerlandais.
Lcol Rakesh Jetly: Oui, nous ne pouvons pas les oublier.
Comme je l'ai dit, le message clé du comité, c'est qu'il s'agit d'un important problème de santé publique. Le programme de prévention du suicide des Forces canadiennes comporte trois pierres angulaires. Pour avoir un programme de santé mentale efficace, il faut vraiment viser l'excellence en matière de soins de santé mentale. Lorsque les gens nous consultent, notre pratique doit être fondée sur l'expérience clinique. Nous devons travailler en équipe. Nous avons les professionnels dont nous avons besoin.
Nos cliniques partout au pays rassemblent près de 400 professionnels de la santé mentale. Nous pouvons en embaucher jusqu'à 440 grâce à notre financement. Nous surveillons la liste d'attente afin d'être prêts à accueillir les professionnels contractuels lorsqu'ils sont disponibles.
Mon collègue joue un rôle clé en ce qui concerne la deuxième pierre angulaire, soit le leadership efficace. C'est le leadership qui doit donner le ton. Cette pierre angulaire nous permet de financer les soins en santé mentale et de faire en sorte qu'ils demeurent prioritaires, même après la fin du conflit en Afghanistan.
Un leader est un protecteur. Il a la tâche difficile de déterminer s’il doit féliciter un type, lui botter le derrière ou lui dire de chercher de l’aide. Je pense que nous nous entendons avec vous pour dire que, pour être un bon leader, il faut connaître son personnel et savoir quand il change. C’est ce que visent bon nombre des programmes, et vous pourrez interroger le lieutenant-colonel Grenier à leur sujet.
Encore une fois, l’autre partie consiste à sensibiliser les membres et à les faire participer. Les membres sont aussi responsables de leur santé mentale. Nous leur apprenons à comprendre la maladie mentale, à se rendre compte qu’ils ne deviennent pas fous, mais qu’ils sont atteints d’une maladie qu’une aide pourrait soulager. Ils peuvent comprendre que, s’ils sont âgés de quelque 40 années et qu’ils sont complètement épuisés, il pourrait s’agir d’une dépression, et non pas seulement de signes de vieillissement.
Voilà les trois piliers. Les trois doivent être en place pour que nous puissions prévenir efficacement le suicide ou offrir un programme efficace de santé mentale.
Le JAMA, le Journal of the American Medical Association, a publié un guide très complet sur la façon de mener une campagne de prévention du suicide. Le Dr Mann est en fait à la tête de cette initiative au sein du ministère de la Défense des États-Unis. Je pense qu’ils dépenseront probablement 150 millions de dollars pour étudier ce que nous avons analysé à notre façon canadienne pour 50 000 $.
Je vais passer à la prochaine diapositive et en dire davantage sur certaines de ces questions. Je vais vous montrer comment, en fait, nous l’avons adoptée dans l’optique du suicide.
Jusqu’à 90 p. 100 des gens qui se suicident — selon l’étude que vous consultez, le pourcentage varie de 75 à 90 p. 100 — souffrent de troubles mentaux, en particulier de dépression. Le TSPT accroît le risque de suicide et, de tous les troubles anxieux, il représente le plus important facteur de risque.
Puis, habituellement, un événement stressant de la vie se produit. Les événements stressants de la vie peuvent provoquer des pensées suicidaires. Je pense que ce facteur est vraiment important. Très souvent, les deux éléments sont observés ensemble. En tant qu’organisation et en tant que société, il est important que nous examinions les deux aspects du problème.
Dans la plupart des cas, la maladie conjuguée à l’événement stressant de la vie — qui, pour le reste d’entre nous, peut ne pas sembler stressant, mais, lorsque l’on est malade, les facteurs financiers stressants ou les facteurs familiaux stressants peuvent être accablants — les mène à des pensées, des intentions, des plans et des actes suicidaires. Votre dernier témoin a parlé de lever la main et de demander aux gens lesquels d’entre eux ont songé au suicide et lesquels d’entre eux ont tenté de passer à l’action. Tous ces éléments sont compris dans cette idée suicidaire.
Les facteurs que j’ai mis en évidence dans la prochaine case, soit l’impulsivité, le désespoir, le pessimisme et le dérèglement émotionnel, sont très importants. Le dérèglement émotionnel fait partie d’une maladie.
Steph et moi parlons souvent de l’espoir. En parlant de mutations professionnelles, de maintien des gens au sein de l’organisation et de choses de ce genre, nous nous sommes faits les champions de quelques approches différentes qui sortent des sentiers battus de notre organisation. Une grande partie du problème découle du fait que nous ne sommes pas appuyés par la science, mais nous soutenons qu’il faudrait leur donner un certain espoir.
Ces questions sont très importantes. C’est lorsque nous entendons les gens parler de désespoir que nous nous inquiétons, et c’est à ce moment-là que nous disons à nos cliniciens et à nos leaders de s’inquiéter.
Encore une fois, en ce qui concerne l’accès aux moyens de se donner la mort, il y a les mécanismes qui existent déjà: le contrôle des armes à feu, différents types de dispositifs et la façon dont les pharmacies distribuent les médicaments. Ces éléments deviennent problématiques. Ce ne sont pas toujours des aspects que nous pouvons contrôler, mais, au sein de notre organisation, nous nous efforçons de ne pas donner aux gens des quantités mortelles de médicaments, par exemple. En outre, la façon dont nous gérons nos armes est certainement problématique.
L’imitation est très controversée, étant donné que, dernièrement, nous avons vécu un suicide vraiment triste à Ottawa. Certains documents indiquent que parler excessivement du suicide dans les médias peut être nuisible et déclencher une contagion. Nous avons tous entendu parler du suicide de Kurt Cobain et d’autres événements de cette nature.
Les gens comme moi ne soutiennent pas qu’il faille cacher le suicide et éviter d’en parler, mais que les reportages des médias doivent le présenter de manière responsable. Il est dangereux de le romancer, ce que Shakespeare a accompli avec succès, ou de le rationaliser en déclarant: « Eh bien, qu’est-ce que cet homme aurait pu faire d’autre? Il s’est suicidé. » Lorsque l’on rapporte les choses de manière équilibrée, on dit qu’un événement malheureux a eu lieu et que, si seulement la personne avait cherché de l’aide, elle aurait pu en obtenir.
Donc, en ce qui a trait à l’imitation, certains des suicides que j’ai examinés particulièrement, où un collègue s’était tué peu de temps avant par le même moyen.... C’est pourquoi nous sommes préoccupés par les épidémies de suicides qui se produisent dans les universités, par exemple.
Les Forces canadiennes exercent un contrôle limité sur l’accès aux moyens de se donner la mort. Nous ne pouvons pas ordonner à Home Hardware de cesser de vendre de la corde, par exemple. Ces genres de mesures sont difficilement applicables. L’imitation est un problème auquel il est difficile de s’attaquer, car il survient ailleurs. Nous pouvons certainement étudier les épidémies de suicides, si elles se produisent au sein de notre organisation, et nous pouvons faire appel aux médias, dans une certaine mesure, si cela fait partie de nos prochaines étapes.
Nous passons de la façon dont on acquiert l’idée ou la pensée suicidaire à l’acte. Tous ces facteurs interagissent et, par conséquent, ils sont tous essentiellement des cibles potentielles des interventions de prévention du suicide. Nous pouvons donc examiner le contenu de la case. Il y a des programmes d’éducation et de sensibilisation offerts aux fournisseurs de soins primaires, aux membres et aux protecteurs. Les protecteurs sont les leaders. L’une des choses que nos professionnels de la santé mentale, nos docteurs, ne font plus, c’est se camper devant les gens et leur expliquer constamment ce qu’ils devraient faire. Nous demandons à des pairs, qui ont suivi une formation, de leur dire ce qui suit : « J’ai demandé de l’aide, et cela m’a également aidé. » Ces opérateurs, qui ont de l’expérience et qui ont passé plusieurs années dans les Forces, jouissent d’une grande crédibilité, et il a été très utile de les faire participer aux programmes d’éducation.
Quelqu’un a posé une question à propos du dépistage et de l’évaluation. Comme nos alliés, nous faisons effectivement du dépistage trois à six mois après le déploiement. Nous posons des questions précises à propos du TSPT et de la dépression. Au cours de nos examens de santé périodiques et de l’examen médical annuel — j’ai subi le mien récemment et j’ai passé en revue les dernières questions —, nous demandons aux membres de décrire leur consommation d’alcool. Nous les interrogeons à cet égard. Contrairement à nos alliés, nous ne faisons pas que prendre des notes pendant nos exercices de dépistage. Nous nous assoyons également avec la personne, et nous avons une conversation professionnelle avec elle pendant environ 40 minutes. Nous dépistons donc le TSPT, la dépression, les problèmes de santé physique, les comportements en matière de consommation d’alcool et, depuis la fin de 2008, depuis que nous avons entendu un groupe d’experts témoigner pendant des heures au sujet des traumatismes cérébraux légers, nous avons ajouté ce problème à la liste. Donc, nous faisons du dépistage, mais nous savons que cela ne s’arrête pas là. Nous repérons beaucoup de gens à ce stade, mais nous en découvrirons d’autres par la suite. C’est pourquoi nous mettons en oeuvre des initiatives permanentes.
Nous nous sommes éloignés du modèle du Dr Mann pour tirer parti de l’avantage que les Forces canadiennes ont par rapport à Ford ou Chrysler. Nous exerçons beaucoup de contrôle sur le milieu de travail des gens. Nous sommes les Forces canadiennes, et ces gens travaillent pour nous. Nous leur fournissons des soins de santé, et nous donnons le ton au milieu de travail. Nous pouvons décider de les faire travailler dur, d’effectuer des rotations du personnel ou de leur permettre de se reposer. Ainsi, nous séparons les événements stressants de leur vie professionnelle des autres événements stressants de leur vie. Nous ne pouvons pas toujours contrôler ce qui se passe à la maison, mais nous pouvons certainement avoir une incidence sur le genre de milieu de travail dans lequel nos soldats évoluent.
Toute cette initiative qui s’ajoute plus ou moins au modèle du Dr Mann a trait au leadership et aux facteurs organisationnels. Dans le cadre de celle-ci, nous pouvons nous offrir le luxe de nous présenter devant nos leaders et de les former. Le général Dallaire en est certainement un exemple, tout comme l’est notre chef d'état-major de la Défense lorsqu’il se lève pour parler de la campagne « Soyez la différence », laquelle soutient que la santé mentale des membres est l’affaire de tout le monde. Peut-être que le médecin-chef et son personnel peuvent faire leur part pour combattre les préjugés associés aux maladies mentales, mais, lorsqu’il est question de la santé des soldats, nos leaders ont la responsabilité d’apprendre à les connaître et de les aider à se maintenir en santé, parce qu’ils sont nos ressources les plus précieuses.
Par conséquent, les politiques et les programmes mis en oeuvre par les leaders peuvent atténuer le stress au travail.
Il y a également la question de la sélection, de la formation en résilience psychologique et de la modification des facteurs de risque: on peut sélectionner les personnes appropriées, améliorer leur résilience psychologique et réduire leurs facteurs de risque. Il faut s’assurer que les gens sont prêts pour leur déploiement. Formons-les bien. Soumettons-les à un examen préalable et, s’ils ne sont pas prêts, ayons un plan de rechange. Depuis 2006, nous avons sur le terrain des professionnels de la santé mentale, y compris en psychiatrie.
Donc, nous faisons ce qu’il faut pour nous assurer que le personnel est en bonne santé mentale. Nous offrons un programme appelé « le Chemin vers la préparation mentale » dont les cinq étapes se déroulent tout au long du cycle de déploiement, dans le cadre duquel les membres reçoivent des cours de formation quelques mois avant leur départ. De plus, au cours de leur dernier exercice à Wainwright ou à Fort Irwin, ils suivent une formation d’intégration des connaissances.
Ils apprennent des techniques empruntées à la psychologie du sport. On leur enseigne comment respirer, comment soutenir un dialogue interne ainsi que toutes les techniques de ce genre. Lorsqu’ils sont déployés sur le terrain et qu’ils ont des difficultés, on a appris à leurs leaders à leur poser les questions suivantes: « Qu’avez-vous essayé? Avez-vous employé les techniques? » Sinon, les professionnels de la santé mentale sont là pour prendre la relève. Nous repérons les gens qui ont des problèmes sur le terrain et, à leur retour, ils sont en mesure de prendre rendez-vous avec un spécialiste. Donc, nous assurons une continuité tout au long du cycle de déploiement.
En ce qui concerne les obstacles aux soins, la plupart des victimes du suicide sont atteintes d’une maladie mentale, mais moins de la moitié d’entre elles reçoivent des soins. C’est ce que nous constatons au cours de nos enquêtes sur nos suicides. C’est là que l’aspect non clinique intervient. Recevoir des soins de santé mentale doit être acceptable. C’est une preuve de courage que de s’avancer et de déclarer qu’on éprouve des difficultés.
C’est un énorme problème. On peut avoir le meilleur programme du monde mais — n’oubliez pas nos trois piliers —, si nos leaders ne participent pas et ne réduisent pas la honte associée à la maladie mentale, nos membres ne se feront jamais soigner.
Pour ce qui est de la prestation de soins efficaces, M. Whelan a absolument raison en ce sens que nous nous sommes tellement empressés d’établir des programmes de traitement phénoménaux que nous avons parfois omis de mettre l’accent sur l’assurance de qualité, de vérifier que nos soins fonctionnaient. La prochaine étape consistera donc à mettre sur pied des moyens de mesurer les résultats. Nous avons enregistré de petites quantités de résultats, comme toutes les évaluations de la satisfaction des patients. Mais, lorsque l’on développe un programme, on doit chercher à réduire les symptômes en général. Donc, notre prochaine étape consistera à veiller à ce que les soins de santé mentale offerts dans le cadre de nos programmes soignent efficacement les membres suicidaires.
Je pense qu’une partie du problème a trait au choix du moment pour intervenir. Nous pouvons prêter attention à la personne lorsqu’elle s’apprête à sauter du pont ou nous pouvons essayer de l’arrêter avant qu’elle n’arrive à ce stade en ayant recours au leadership et à des programmes d’éducation efficaces. C’est ce que nous visons.
Nous avons parlé d’une éducation de masse, d’une sensibilisation accrue au suicide et d’un programme de santé mentale. Nous offrons des programmes d’éducation sur la santé mentale du début à la fin. Nous instruisons les gens au moment de leur recrutement. À l’échelon des chefs subalternes, ils apprennent à prendre soin non seulement d’eux-mêmes mais aussi de leurs subordonnés. Les officiers reçoivent une formation similaire. Je viens de donner à Kingston un cours à environ 50 ou 60 capitaines. Les gens comprennent ce qu’il en est. C’est une question de formation et d’éducation.
La psychothérapie et la pharmacothérapie sont utilisées de concert. Les membres ont accès aux cliniciens, et il n’y a ni quote-part ni limite en matière de soins. Par conséquent, ils bénéficient des pratiques exemplaires fondées sur l’expérience clinique.
Je viens d’approuver une nouvelle politique de suivi. Si un patient ne se présente pas à un rendez-vous, les FC ont parfois tendance à adopter une approche punitive. On envoie une lettre au commandant du soldat qui mentionne le coût du rendez-vous et le fait qu’il ne s’est pas présenté. Dès que cette politique sera publiée, les choses se passeront différemment. Si vous êtes un professionnel de la santé mentale et qu’un des patients auxquels vous avez réservé une heure n’arrive pas, vous l’appelez avant de vous occuper de vos formalités administratives. Vous lui dites que vous êtes désolé qu’il ne soit pas venu, vous lui demandez si tout va bien et vous prenez un autre rendez-vous avec lui. Cette approche sera normalisée à l’échelle du pays. Il se peut que les dentistes et les physiothérapeutes agissent différemment, mais tous les professionnels de la santé mentale de notre organisation adopteront cette approche.
En ce qui concerne la mobilisation des médias, les organisations comme les CDC possèdent des lignes directrices en matière de couverture responsable et éthique. Nous espérons pouvoir rencontrer les médias à l’échelon supérieur. Les suicides des membres des FC ont tendance à faire les manchettes, même si 4 000 ou 5 000 suicides se produisent annuellement au pays. Nous ne souhaiterions pas qu’ils les cachent, mais nous aimerions leur signaler qu’il y a une façon équilibrée de rendre compte de ces événements. Ce n’est pas nous qui avons élaboré ces lignes directrices, mais des organisations comme les Centers for Disease Control.
Le leadership a un effet bénéfique sur l’atténuation du stress au travail. Si l’un de vos employés a des difficultés financières, vous pouvez le réprimander et porter des accusations contre lui, ou vous pouvez lui donner congé le vendredi après-midi afin qu’il puisse rencontrer son directeur de banque et tenter de régler la question. Voilà l’idée générale, les petites mesures que les leaders peuvent prendre pour éviter que les situations s’aggravent.
Le colonel Grenier peut vous décrire toutes les initiatives que nous avons mises en oeuvre au cours des 10 dernières années pour surmonter les obstacles aux soins.
Finalement, il faut que vous compreniez qu’on ne peut pas prévenir tous les suicides. Nous ferons de notre mieux et même davantage. Nous avons conçu le programme de manière à ce qu’en plus il améliore la santé mentale des Forces canadiennes en général. C’est là notre objectif.
La dernière chose que nous avons faite depuis le 1er avril... et je tiens simplement à vous informer de l’intérêt qu’ont manifesté les gens au sein de notre organisation. Au cours du mois de septembre de l’année dernière, nous avons tenu notre réunion d’experts. Moins d’un mois plus tard, nous présentions nos plans au chef du personnel militaire. Deux semaines plus tard, il nous a plus ou moins dit « Hé, ces plans sont bons », puis il nous a amenés devant le chef d’état-major de la Défense. Dans son bureau privé, nous lui avons donné de nouveau une présentation. En février, le Conseil des Forces armées s’est montré intéressé et, au cours du même mois, il a sanctionné la totalité des 61 recommandations.
Le 1er avril, le médecin-chef a reçu des instructions et, maintenant, nous menons une enquête sur chaque suicide qui survient au sein de la force régulière, dans le cadre de laquelle une équipe se rend sur place. J’ai participé à deux d’entre elles. Sans attendre pendant six à huit mois les conclusions d’une commission d’enquête, un professionnel de la santé mentale et un médecin militaire généraliste rencontrent l’unité, s’entretiennent avec les membres et le personnel traitant, examinent les dossiers médicaux de la victime, puis parlent à la PM, à la chaîne de commandement, au conjoint et à la mère, et déterminent si nous pouvons tirer des leçons de cette tragédie et si l’organisation aurait pu agir différemment.
Dans le mois qui suit, un rapport est rédigé, et le médecin-chef reçoit les recommandations. Nous sommes autorisés à apporter immédiatement tout changement lié aux services de santé. Si les modifications requises dépassent les services de santé, le médecin-chef devra, au besoin, transmettre les recommandations au chef du personnel militaire ou au CEMD.
Je vais m’arrêter ici, car je sais que notre temps est compté. Passons aux questions.
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Ce sont d'excellentes questions. Vous devrez peut-être me les rappeler plus tard, car je vais commencer par répondre à la dernière.
Encore une fois, nous avons fait des progrès remarquables. Rien n'est parfait, mais nous avons accompli de grands progrès dans ce domaine. Cela remonte à loin, mais les militaires atteints d'une maladie chronique, que ce soit sur le plan physique ou psychologique, ont accès à une unité interarmée de soutien du personnel dans chaque base. Les patients qui ont besoin d'aide supplémentaire sur les plans administratif, médical et autre doivent donc se référer à ces unités qu'on trouve dans chaque base.
On a prévu une période de transition, ce qui fait qu'une personne qui reçoit un message de libération devra attendre au moins six mois avant d'être libérée des Forces canadiennes. De plus, la désignation « gestionnaire de cas » n'a pas de définition propre, car chaque clinique adopte sa propre définition. Mais dans les FC, tous nos gestionnaires de cas sont des infirmiers ou des infirmières, et l'une de leurs tâches principales consiste certainement à jumeler une personne avec les services compétents une fois qu'elle a quitté les Forces. Comme on l'a dit, nous vivons dans un grand pays et les gens ont le droit de s'installer où ils veulent. S'il n'en tenait qu'à moi, tous nos militaires libérés s'installeraient près d'un grand centre, pour des raisons évidentes.
Lorsque l'endroit où ils s'installeront une fois libérés des Forces est déterminé, nous nous occupons des détails, par exemple en leur rappelant même de faire une demande au régime civil de soins de santé, car ils n'ont pas de carte du RAMO vous savez. Nous leur disons de ne pas oublier d'en faire la demande. Nous leur demandons aussi s'ils ont un médecin de famille. Si ce n'est pas le cas, nous essayons de leur en trouver un. Si nous savons d'où ils communiquent, nos professionnels de la santé mentale vont essayer de leur trouver un professionnel dans leur région. Si on peut y trouver une clinique TSO du ministère des Anciens Combattants -- et on en trouve maintenant un certain nombre --, c'est là que nous allons organiser leur transition. Ils pourraient même consulter là-bas pendant qu'ils sont encore en service.
Nous établissons donc le contact avec les professionnels. Parfois, nous pouvons couvrir les frais par l'entremise de la Croix-Bleue ou par un autre moyen avant leur libération.
Nous sommes donc infiniment plus avancés que nous l'étions dans ce domaine. Nous ne nous contentons pas de libérer les gens et d'espérer que le ministère des Anciens Combattants... Ils peuvent faire une demande de pension à l'avance. Une des premières choses que je fais lorsque je vois un patient peu de temps après avoir posé mon diagnostic est de lui demander s'il a rempli les formulaires appropriés auprès du ministère des Anciens Combattants, même si la date de sa libération est encore loin. C'est beaucoup plus facile de compléter le processus pendant qu'ils sont encore avec nous que d'essayer de les trouver 10 ans plus tard.
Nous opérons donc cette transition autant que possible. Nous ne précipitons rien; nous prenons le temps de le faire. Ils peuvent également entreprendre des études supérieures ou collégiales pendant qu'il sont encore en service. Pour les six mois suivant septembre, ils peuvent commencer leurs études tout en continuant à recevoir des soins à notre clinique.
Pour les familles des membres, nous devons passer par la Loi canadienne sur la santé. Ma propre famille ne reçoit pas de soins à la base non plus. Lorsque nous avons déménagé, nous avons aussi dû trouver des pédiatres et des médecins pour nos propres enfants.
On nous permet de prodiguer des soins d'appui aux membres. Dans le domaine de la santé mentale, nous étendons l'aide autant que nous pouvons. Le membre qui en profite n'a pas nécessairement besoin d'être présent dans la pièce. Il pourrait être à l'étranger. Si son conjoint ou sa conjointe s'adresse à notre travailleur social de l'unité de services psychosociaux en disant qu'il ou elle ne va pas bien, nous allons immédiatement l'aider.
Lorsque nous traitons des patients et que nous avons affaire au TSPT, l'évaluation standardisée au pays implique que le conjoint ou la conjointe de ce patient soit convoqué dès la première ou deuxième séance. N'oubliez-pas que c'est à la discrétion du membre. Il ou elle doit permettre à la conjointe ou au conjoint d'être présent. Dès le début, donc, nous invitons les conjoints à participer au processus et à recevoir l'enseignement que nous dispensons, ce qui les tient au courant de ce qui se passe.
Nous organisons régulièrement des séances éducatives de groupe pour les conjoints. Nous avons organisé des séances de groupe pour les couples pendant une semaine à Halifax. Nous faisons venir des gens pour qu'il reçoivent une formation sur la maladie et comment y faire face, sur la colère, le stress, les familles, la façon d'élever les enfants, etc.
Nous les aidons donc dans toute la mesure du possible. Par contre, ce n'est pas le régime TRICARE des États-Unis. Si le conjoint ou la conjointe d'un membre souffre de dépression, par exemple, je ne peux pas lui prescrire des antidépresseurs. Nous avons les mains liées dans ce cas.