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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 008 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous avons le quorum.
    C'est la huitième séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Nous poursuivons, bien entendu, notre examen de la Loi sur les espèces en péril.
    Nous entendrons un bon nombre de témoins aujourd'hui. Nous accueillons au comité le Chef national Shawn A-in-chut Atleo de l'Assemblée des Premières Nations; Pat Marcel, le président du Conseil des aînés, de la première nation Athabasca Chipewyan; et Joshua McNeely, le facilitateur régional du Conseil des peuples autochtones des Maritimes.
    Je vous souhaite à tous les trois la bienvenue au comité. Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous avez 10 minutes chacun pour votre déclaration préliminaire.
    Chef national Atleo, pourriez-vous commencer?
    Je remercie énormément le comité de nous permettre de venir présenter notre point de vue. Bien entendu, nous avons un mémoire complet. Nous nous excusons; il est en anglais seulement. Je vais vous donner un aperçu de notre mémoire, qui inclut 27 recommandations. Nous sommes très reconnaissants d'avoir été invités à exprimer nos commentaires. Je vais traiter des points principaux au cours des 10 prochaines minutes. Je vais le parcourir très rapidement.
    Bien entendu, l'examen quinquennal en cours nous tient vraiment à coeur, et nous sommes persuadés que nous, en tant que premières nations, avons en fait beaucoup à offrir à la discussion, mais aussi au pays. Nos rapports avec la terre sont étroits, et nous nous offrons constamment pour parler de ce que notre peuple connaît de l'environnement dans l'espoir que cette connaissance aidera les autres à améliorer la qualité de vie de tous.
    Nous devons d'entrée de jeu exprimer une préoccupation au sujet du manque de consultation ou de participation directes des premières nations pour ce qui est d'examiner la Loi sur les espèces en péril et de proposer des modifications. Comme vous le savez, les premières nations ont une relation passée, présente et continue avec les espèces du Canada, puisqu'elles sont des éléments importants de nos droits ancestraux visant les besoins alimentaires, sociaux et cérémoniels... dont bon nombre ont été immortalisés dans les traités. Le plus vieux de ces traités a été ratifié il y a plus de 260 ans et a contribué en fait à fonder le Canada. Nos droits ancestraux et issus de traités comprennent le droit de nous adonner à la chasse, à la pêche, à la cueillette et au piégeage.
    Beaucoup de premières nations appliquent en ce moment la technologie de cartographie dernier cri à leurs connaissances traditionnelles autochtones et aux sites traditionnels et sacrés au profit du développement durable et de la planification de la collectivité. Ce sont d'excellentes avancées, dont j'ai eu la chance d'être témoin personnellement.
    Nous connaissons tous aussi la relation que notre peuple entretient avec la nourriture et les autres médicaments. Je veux expliquer au comité ce qui arrive très souvent sur les terres lorsque nos membres sont à la recherche de nourriture pour assurer leur subsistance, par exemple des espèces comme le caribou dans le nord. Il faut que les premières nations participent. Sans participation, quand nos membres parcourent le territoire, nous constatons des conflits entre les nations lorsque ce n'est pas clair, ou lorsque nos membres ne participent pas dès le départ, ou entre les premières nations et d'autres entités.
    Donc, une compréhension claire entre la reconnaissance des droits issus de traités et des droits de propriété des premières nations et l'interaction avec les autres entités, c'est quelque chose que nous aurions vraiment l'occasion d'aborder au cours de l'examen quinquennal.
    Pour l'avenir, nous faisons valoir qu'il est nécessaire pour les gouvernements de reconnaître les compétences des premières nations et leur propriété des terres comme partie intégrante d'un titre.
    Dans le mémoire, cela couvre six aspects généraux. J'aimerais parler très brièvement de ces six aspects.
    Premièrement, en ce qui concerne l'application de la LEP, les premières nations soutiennent que la liste des espèces constitue une atteinte à un droit ancestral ou issu de traités qui exige une justification de la part de l'État. Les premières nations sont pleinement conscientes que l'extinction d'une espèce signifie en fait l'extinction des droits alimentaires, sociaux et cérémoniels. Dans le cadre de la LEP, les premières nations estiment qu'elles doivent participer à l'application de la loi. Je reviens encore à l'essence des traités originaux qui ont contribué à forger et à former ce pays — la reconnaissance mutuelle et le respect.
    Les paragraphes 59(5) et 71(2) prévoient la consultation du ministre d'AINC et les premières nations. Bien que ces dispositions traitent de la responsabilité du ministre quant aux réserves, elles ne sont pas suffisantes pour permettre au ministre d'aborder les intérêts plus larges des premières nations. La LEP a touché plus que les terres des premières nations. Elle a privé les premières nations de l'occasion de poursuivre leurs activités traditionnelles, culturelles, cérémonielles et économiques. Il existe des exemples à cet effet. Les présentes dispositions de la LEP donnent lieu à une coordination insuffisante avec le ministre relativement à l'utilisation des réserves. Nous faisons valoir que ce sujet doit être abordé.
    Deuxièmement, avec le CANEP, le ministre choisit à sa discrétion les membres qui composent le conseil consultatif en vertu de l'article 8.1 et détermine, à sa discrétion, ce qui constitue une organisation autochtone indiquée. Pour nous, il est important de mettre l'accent sur le fait qu'il faut une reconnaissance précise des peuples autochtones, comme le stipule l'article 35 de la Constitution canadienne.
    Le terme « organisation autochtone » est clairement défini dans la loi et se limite aux dépositaires légitimes de droits ancestraux et aux organisations nationales. Selon nous, le CANEP fonctionnerait mieux s'il reconnaissait les trois peuples distincts de la constitution canadienne — les premières nations, les Inuits et les Métis — et qu'il s'adressait aux organismes appropriés représentant ces trois groupes distincts. Bien entendu, nous sommes ici en tant qu'Assemblée des Premières Nations qui soutient la reconnaissance des gouvernements des premières nations.
    Le troisième point traite de l'engagement des premières nations sur le plan des connaissances traditionnelles autochtones. La LEP ne parle pas de l'intention du gouvernement de reconnaître les gouvernements des premières nations comme faisant partie des différents ordres de gouvernement. Notre interprétation, ou notre perception, c'est que l'on présume, dans la loi, que les gouvernements des premières nations ne font pas partie des différents ordres de gouvernement, et cela devient un enjeu ou un problème pour nous.
    Nous sommes aussi préoccupés par la mention des conseils de gestion des ressources fauniques. La LEP est imprécise au sujet des conseils participants, du type de participation et de leurs fonctions.
    La reconnaissance des connaissances traditionnelles, pour être très honnête, est historique et n'a que trop tardé. La nouvelle est très bien accueillie, mais il faut en faire davantage pour veiller à ce que les connaissances traditionnelles soient protégées contre l'appropriation illicite, le vol et le mauvais usage, et à ce qu'elles n'en viennent pas à se trouver dans le domaine public.
    De nombreux documents internationaux traitent de l'enjeu des connaissances traditionnelles. Nous n'avons qu'à penser à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Convention sur la diversité biologique, et je suis ravi de constater que le gouvernement songe à ratifier la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Ces trois pactes internationaux abordent la protection et la reconnaissance des connaissances traditionnelles.
    Il est important de signaler l'immense variété des connaissances traditionnelles. Nous recommandons que le gouvernement commence à travailler plus étroitement avec les gouvernements des premières nations quand il est question de connaissances traditionnelles. Beaucoup de premières nations ont mis en place leurs propres outils gouvernementaux pour protéger ces connaissances et ont établi des processus et des protocoles sur les façons d'accéder à ces connaissances et de les utiliser. Il s'agit d'une recommandation précise dans le domaine.
    L'une des principales recommandations de notre mémoire, c'est la création d'un organisme consultatif des premières nations. Nous suggérons de considérer la création de comités consultatifs en vertu du paragraphe 9(1) de la LEP pour aider le ministre dans l'application de la loi et pour conseiller le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril d'un point de vue autochtone. Ce que nous proposons, c'est de nous éloigner des discussions à huis clos entre le fédéral, le provincial et le territorial, de reconnaître la compétence et la valeur des premières nations et de les faire participer au maximum. D'après nous, si les premières nations n'en font pas partie, il y a fort à parier qu'il y aura atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités. Un comité relevant du paragraphe 9(1) pourrait offrir des conseils et des recommandations sur les enjeux relatifs aux droits ancestraux ou issus de traités des premières nations.
    Rapidement, la quatrième partie de notre mémoire dont je veux parler est la planification d'action nationale en matière d'intendance. La structure actuelle du programme ne reflète pas la réalité: les terres des premières nations sont l'habitat d'environ 40 p. 100 des espèces inscrites au Canada. Les réserves soumises à des traités et à la Loi sur les Indiens sont uniques et ne ressemblent à aucun autre endroit au Canada. Nous répétons avec insistance qu'il faut absolument que les premières nations soient consultées et que le gouvernement agisse de bonne foi avant que l'on impose quoi que ce soit aux premières nations ou que l'on porte atteinte à leurs droits. Des plans d'action nationaux en matière d'intendance réalisés avec soin pourraient en fait être très bénéfiques et assurer l'atteinte des objectifs de conservation. Il faut — il a toujours fallu — soutenir le développement des capacités pour les premières nations et au sein des premières nations pour que s'accomplisse le travail dans ce domaine, et dans les autres domaines qui s'appliquent.
    Les premières nations doivent se disputer le financement servant au développement des capacités et aux autres travaux relatifs aux espèces en péril en soumettant des demandes aux Fonds autochtones pour les espèces en péril. Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit d'un processus arbitraire qui ne comporte que peu, ou pas, de participation ou d'intervention autochtone. Mesdames et messieurs, c'est le même thème qui revient: il faut la participation directe et entière des premières nations.
    J'ai aussi quelques brefs commentaires sur le processus d'inscription. Les interdictions que prévoit la LEP portent atteinte, directement ou indirectement, aux activités socio-économiques des premières nations comme la pêche commerciale ou vivrière, auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, et à d'autres événements de la collectivité ou pratiques spirituelles relatives à l'observance, aux offrandes et aux services commémoratifs. Nous suggérons donc de combler le fossé, au sens où les premières nations sont écartées en grande partie du processus d'inscription.
(1540)
    Nous recommandons que le paragraphe 36(2) soit amendé de manière à reconnaître le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien comme étant le ministre responsable des Indiens et des terres réservées pour les Indiens. Le paragraphe 36(2) doit être amendé de manière à refléter la réalité des responsabilités du ministre concernant les premières nations et à garantir que les articles pertinents de la LEP prévoient la consultation. Cela touche nos droits issus de traités et nos titres et indique que les premières nations cherchent une approche de gouvernement à gouvernement.
    J'ai deux derniers points à traiter.
    Le premier concerne les indemnités. Encore une fois, nous demandons au gouvernement fédéral de travailler avec les premières nations directement et nous demandons que le paragraphe 64(2) soit amendé de manière à prévoir des indemnités pour les pertes subies en raison de conséquences extraordinaires. Il s'agit ici de préoccupations légitimes au sujet de violations potentielles, et nous réitérons qu'il faut que les premières nations participent directement.
    Finalement, il y a la question des mesures de mise en application. Les requêtes répétées des collectivités souhaitant participer au prononcé des peines n'ont pas été entendues, mais ont été ignorées par la Direction générale de l'application de la loi du Service canadien de la faune. Il faut une participation complète des premières nations, du début à la fin du processus, jusqu'aux mesures d'application.
    Les premières nations ont tellement plus à offrir. Il y a un potentiel énorme dans les secteurs que j'ai décrits. Les premières nations sont prêtes à devenir des partenaires à part entière.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
(1545)
    Merci, monsieur Atleo. Je vous remercie de cette déclaration préliminaire.
    Monsieur Marcel, veuillez commencer votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Pat Marcel, aîné et ancien chef de la première nation Athabasca Chipewyan. Je viens témoigner aujourd'hui pour vous faire part d'une grave préoccupation que nous avons, ma première nation et moi-même, concernant les répercussions du développement industriel, principalement la mise en valeur des sables bitumineux, sur l'habitat du caribou des bois et du bison des bois sur les terres traditionnelles de la première nation Athabasca Chipewyan et des autres premières nations de la région. À titre informatif, nous avons fourni au comité un document sur le caribou des bois rédigé par Cormack Gates selon les méthodes scientifiques occidentales.
    Je suis ici pour vous parler à titre de scientifique traditionnel de ce que je sais sur la diminution de la population de caribous et de bisons des bois sur nos terres traditionnelles. Je suis aussi ici pour vous prévenir des répercussions significatives que l'exploitation des sables bitumineux a déjà eues sur notre première nation. Pourtant, très peu de consultations de l'État ont été menées par le gouvernement du Canada sur ces répercussions, sinon pas du tout.
    Je suis reconnaissant de pouvoir vous parler aujourd'hui, parce que je crois que le gouvernement ne s'acquitte pas de ses responsabilités de mener des consultations sur les questions importantes comme la diminution du nombre de bisons et de caribous des bois. Pour notre mode de vie traditionnel, nous comptions en bonne partie sur ces animaux, qui devaient être protégés selon nos droits issus de traités.
    Monsieur le président, je suis né et j'ai été élevé sur la terre. Aussi loin que je me souvienne, notre peuple était nomade et suivait le déplacement des hardes. Jusqu'à ce que j'entre à l'école, j'ai vécu avec mon grand-père, qui m'a appris beaucoup de choses que je chéris encore aujourd'hui. En ce qui concerne le caribou des bois, on pense en général que nous saisissons toutes les occasions qui se présentent à nous pour en faire la chasse. Au cours des 30 ou 40 dernières années, nous étions au courant du grave recul de la population de caribous des bois parce que les chasseurs rendaient des comptes au chef. À ce que je sache, nous ne chassons pas le caribous des bois depuis 40 ans, mais la population diminue quand même. C'est le développement qui détruit complètement leur habitat.
    Le caribou des bois, selon certains scientifiques, disparaîtra de la forêt boréale du nord-est de l'Alberta d'ici 100 ans. C'est assez effrayant. Nous ne chassions pas, mais cela ne veut pas dire que nous ne protégions pas encore la harde. Je ne peux pas comprendre qu'on fasse subir un tel risque à une harde comme celle-là au nom du développement.
    Le grand chef a fait allusion à tout ce développement dont nous parlons qui était fait sans consultations. Le gouvernement de l'Alberta peut aller de l'avant et couper beaucoup d'arbres, raser tout, dans le nord-est de l'Alberta.
    Toutefois, si je m'adresse à un organisme comme celui-ci, quel type de recommandations vais-je obtenir? Vais-je retourner dire à mon chef et au conseil que nous ferons partie de quelque chose qui prendra forme dans l'avenir? Nous croyons qu'il n'est pas bon d'être dans la situation où nous nous trouvons en ce moment, sans vraiment de moyens d'être entendus. Notre seule option est de menacer de porter notre cause devant les tribunaux.
(1550)
    Ensuite, lorsqu'on parle de consultations, il doit s'agir de consultations entre deux nations à représentation égale, qui sont unies par un lien de confiance. Si nous n'avons pas cela, nous serons vraiment perdus.
    La perte de caribous est importante, mais c'est la perte d'habitat qui en est la cause. Je suis certain que la plupart d'entre vous avez vu Fort McMurray. Je vous ai vus là bas, ainsi qu'à Fort Chipewyan. Vous savez de quoi je parle lorsque vous voyez la dévastation totale causée par les activités d'exploitation de sables bitumineux et par le SAGD partout dans le nord-est de l'Alberta. Nous sommes maintenant coincés dans nos réserves. Concernant la revendication de nos terres traditionnelles, l'Alberta nous dit que nous ne pouvons pas en faire. Mais, ce n'est pas ce qui est énoncé dans le traité. Nous devrons mener cette bataille un autre jour, j'en suis sûr.
    La question de la perte importante de bisons est difficile à régler pour moi, car il y a un parc national, le parc national du Canada Wood Buffalo, qui a un troupeau de 5 000 bisons. Quand les bisons s'échappent de ce parc, n'importe qui peut les abattre ou les chasser. Au cours de mes passages dans ce secteur, j'ai vu qu'on utilisait des hélicoptères pour chasser les bisons et les déplacer vers les routes. Ce n'est pas une façon très traditionnelle de faire les choses ou de chasser.
    Ce que je veux vraiment expliquer au comité, c'est que présentement, un troupeau qui se tient près de l'une de nos réserves est menacé par le développement. Quelques entreprises qui utilisent le SAGD se trouvent là-bas, et elles admettent que les bisons sont en sursis. Ce troupeau sera complètement chassé ou vidé d'une façon ou d'une autre si l'on construit des routes là-bas. La seule chose qui sauve les bisons présentement, c'est le fait qu'il n'y a aucune façon de se rendre à eux, et qu'on les a tellement chassés qu'ils ont très peur; ils se sauvent dès qu'ils entendent un son.
    Mais ils n'ont aucune protection. Le gouvernement de l'Alberta refuse de dire qu'il devrait faire quelque chose pour ce troupeau. Selon lui, les bisons appartiennent au parc national du Canada Wood Buffalo, mais ce n'est pas le cas. Ce troupeau vit depuis des milliers d'années en dehors du parc.
    J'en parle aux représentants du parc et je leur dis de faire un test d'ADN, de faire quelque chose. Mais personne n'a l'intention d'agir. Encore une fois, les premières nations soulèvent une question et se heurtent à un mur. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour obtenir de l'aide, pour que des gens viennent non seulement à la rescousse de ces animaux, mais qu'ils protègent des habitats, car le bison et le caribou des bois sont menacés. Que doit-il se produire? Aménagera-t-on un habitat où ces deux espèces pourront vivre dans l'avenir? Je l'espère certainement.
    Pour conclure, j'aimerais répéter que nous sommes en train de perdre, ou avons perdu, ces deux espèces importantes qui font partie de notre mode de vie traditionnel. Malgré les nombreuses demandes de notre première nation, il n'y a pas eu de consultations menées par l'État sur le sujet et d'autres questions importantes.
    Je vous remercie de votre attention.
(1555)
    Merci, monsieur Marcel.
    Monsieur McNeely, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, merci aux membres du comité de nous donner l'occasion de vous parler d'un sujet très important pour nous.
    Le Conseil des peuples autochtones des Maritimes, CPAM, est le conseil intergouvernemental de chefs autochtones des Maritimes qui regroupe le Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick et les Congrès des peuples autochtones de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard, représentant les peuples autochtones qui vivent en résidence continue sur leurs terres ancestrales traditionnelles — c'est-à-dire qui n'ont pas été déplacés dans les réserves créées en vertu de la Loi sur les Indiens au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Le CPAM et les conseils autochtones partenaires sont affiliés à l'échelle nationale sous l'égide du Congrès des Peuples Autochtones. Je crois que le congrès comparaîtra devant vous à une date ultérieure.
    Nous contribuons à la question des espèces en péril depuis le début des années 1990 pour les projets de loi C-65 et C-33 et le projet de loi C-5, qui a été sanctionné en 2002. Le CPAM a participé activement à la première table ronde ministérielle sur la Loi sur les espèces en péril en 2006. Par le truchement de l'organisation autochtone vouée au respect de l'environnement appelée IKANAWTIKET, le CPAM a également participé aux six grandes étapes du processus de la LEP, en faisant part de ses observations sur de nombreuses évaluations des espèces en péril, les inscriptions proposées à la liste des espèces en péril de la LEP, les analyses des incidences socioéconomiques, les résumés des études d'impact de la réglementation, les stratégies de rétablissement proposées ainsi que les plans d'actions proposés.
    Nous avons aussi participé directement à plusieurs équipes chargées du rétablissement et nous avons contribué au dossier des espèces en péril dans le cadre de nombreuses autres activités diverses du CPAM et des conseils autochtones partenaires, entre autres, par le truchement du Maritime Aboriginal Aquatics Resources Secretariate (Secrétariat des ressources aquatiques des Autochtones des Maritimes) et des organismes de pêche commerciale communautaire autochtone; par des discussions sur les ressources naturelles dans le cadre des consultations avec les gouvernements fédéral et provinciaux, par exemple sur l'accès, les permis, les règlements proposés, les plans de gestion proposés, l'écocertification, pour n'en nommer que quelques-uns; par la participation de la communauté autochtone aux projets d'information et d'intendance axés sur les espèces en péril; et par la participation de nos jeunes, qui seront les leaders de demain et qui participeront à un atelier sur les espèces en péril portant sur le fonctionnement du processus actuel.
    Le CPAM s'intéresse aussi aux mesures prises en vertu de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique de manière à pouvoir agir de façon mieux éclairée sous les divers volets de la Stratégie canadienne de la biodiversité, comme notre Loi sur les espèces en péril. Le CPAM se tient au fait, du mieux qu'il le peut, des travaux réalisés sur la scène nationale et internationale dans les domaines de la conservation, du développement durable, de l'accès et du partage des avantages et de la participation des peuples autochtones. Le CPAM fait la promotion de la Convention et est un partenaire de l'Année internationale de la biodiversité 2010 ainsi que de l'initiative Compte à rebours 2010 de l'Union internationale pour la conservation de la nature.
    Dans le cadre de la préparation du présent mémoire — je vous ai fourni la version longue qui ne contient que huit pages —, j'ai procédé simplement. Nous avons puisé à même tout ce qui entoure la Loi sur les espèces en péril et à même notre imposant bassin de connaissances et d'activités afin de souligner l'importance de la LEP pour les communautés autochtones de la région des Maritimes.
    Je ne fais que quelques recommandations au sujet de la LEP comme telle. La majorité des recommandations ont pour objet une meilleure application de la LEP et sont principalement axées sur des échanges élargis et la prise de mesures dans le domaine de la biodiversité, notamment en ce qui concerne la conservation, le développement durable, l'accès et le partage des avantages et la réconciliation avec les peuples autochtones.
    À notre avis, le libellé de la LEP est en fait très approprié dans l'ensemble. Mais du point de vue strictement juridique, la LEP peut sembler assez intimidante. De toutes les lois en vigueur au Canada, la LEP est la seule à exiger une intervention rapide du gouverneur en conseil pour toutes les espèces faisant l'objet d'une évaluation par un organisme scientifique indépendant, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, et si aucune décision n'est prise dans le court délai prescrit, le ministre est tenu, en vertu de la loi, de modifier la liste de la LEP compte tenu de l'évaluation qui a été faite de l'espèce en question.
(1600)
    Ainsi, la LEP n’est pas assujettie aux échéanciers politiques et, du même coup, la mise en œuvre des recommandations au sujet de la liste des espèces en péril figurant dans la LEP se classe au premier rang des priorités au sein de la bureaucratie. Ces deux exigences se révèlent problématiques, notamment dans le climat d’incertitude habituellement associé aux gouvernements minoritaires. Le Canada demeure exposé au risque de contestations judiciaires en cas de non-respect des délais imposés par la LEP ou de non-divulgation d’informations importantes dans le but de respecter un délai prescrit en vertu de la LEP.
     Cependant, le CPAM considère que la Loi sur les espèces en péril offre une occasion de premier choix pour l’acquisition de connaissances sur la biodiversité et les impacts cumulatifs de l’activité humaine et pour la promotion d’une éthique nouvelle au chapitre du respect du milieu naturel dans lequel nous vivons. C'est ce dont parlait l'aîné Marcel: une éthique, un respect. Au moyen de plusieurs autres actions, y compris la réconciliation avec les peuples autochtones, le Canada peut améliorer de façon remarquable l’application de la LEP.
     La LEP sera un échec si elle est perçue comme une loi autonome ou si elle n’est pas considérée comme une priorité dans tous les ministères, dans les plans d’affaires de l’industrie, dans les stratégies d’information, dans les achats des consommateurs et dans les négociations internationales. Autant la LEP marque le début d’un processus visant à faire comprendre et respecter la biodiversité aux Canadiens, autant elle est une loi qui permet de sauver une partie de la biodiversité la plus gravement menacée.
    La LEP doit être examinée et appliquée dans le contexte de la Convention sur la diversité biologique et de la réponse du Canada, c’est-à-dire la Stratégie canadienne de la biodiversité. La LEP peut être à la fois un outil d’apprentissage et le point d’entrée des Canadiens pour la prise en compte des grandes questions touchant à la biodiversité; en agissant ainsi, nous faisons en sorte que la Loi sur les espèces en péril devienne de moins en moins nécessaire.
    Pour être efficace, la LEP doit, au moyen d’interdictions et de délais serrés, obliger tous les paliers et tous les secteurs à être:
conscients de la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique... affirmant que la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune à l’humanité.
    Cette citation est tirée directement de notre convention.
    Par l’inclusion des peuples autochtones, de l’industrie, des milieux universitaires, de tous les ordres de gouvernement et du public et grâce à sa flexibilité en matière d’utilisation d’idées et de partenariats nouveaux pour traiter des questions relatives à la biodiversité, la LEP peut encourager:
une société qui vit et évolue en harmonie avec la nature, qui apprécie la vie sous toutes ses formes, qui ne prend de la nature que ce qu’elle peut donner sans s’appauvrir et qui laisse aux générations futures un monde dynamique, nourricier, riche dans sa diversité biologique.
    Cette citation est tirée de notre Stratégie canadienne de la biodiversité.
    D’une part, la LEP nous apparaît comme une simple petite mesure prise pour assurer le respect des engagements du Canada en vertu de la Convention. D’autre part, elle nous apparaît comme une loi nationale forte, intégrée à tous les autres volets de l’élaboration des lois et des politiques et du processus décisionnel, en vertu de laquelle le Canada applique la Convention. D’un point de vue général, la LEP nous apparaît comme un outil puissant qui permet aux simples Canadiens de commencer à comprendre la biodiversité et les impacts cumulatifs de l’activité humaine et d’unir leurs efforts en vue d’assurer un avenir meilleur.
     Le comité permanent a demandé comment on pouvait améliorer la LEP. Le CPAM soutient que la réponse ne consiste pas à reformuler les articles de la loi. Le CPAM recommanderait respectueusement au comité permanent que la meilleure façon d’améliorer la LEP serait d’améliorer les conditions dans lesquelles la loi est appliquée.
    Par exemple — j'ai sept recommandations —, la première serait d'adopter la Déclaration des droits des peuples autochtones. J'étais très heureux que cela soit mentionné dans le discours du Trône. Je suis content que le Canada s'engage dans cette voie.
    Ensuite, je recommanderais l'adoption d'une politique nationale sur le développement durable, non pas une poignée de stratégies ministérielles en ce sens, mais une politique nationale — une nouvelle façon d'envisager la manière dont nous exerçons nos activités au Canada.
(1605)
    Le Canada devrait amorcer des échanges plus approfondis et, dans certains cas, des échanges tout court sur l’accès et le partage des avantages avec les peuples autochtones. La notion d'accès aux ressources génétiques et au savoir traditionnel et de partage de leurs avantages est l'un des principaux piliers sur lesquels la Convention sur la diversité biologique repose. Jusqu'à maintenant, les échanges de cette nature ont été très limités au Canada, et nous nous rendrons presque coupables de piratage sur le plan de la biodiversité si nous ne nous assoyons pas pour régler ces questions.
    Le Canada devrait mettre sur pied, avec les autres ordres de gouvernement, des forums à l’échelle nationale, régionale et locale pour une analyse générale de la biodiversité dans tous les secteurs. Dans notre région, on pourrait le faire dans le cadre du Plan de gestion intégrée de l’océan dans l’est du plateau néo-écossais.
    Le Canada devrait appuyer un examen, par les Autochtones, de la Convention sur la diversité biologique et contribuer directement à sa mise en oeuvre. C'est l'une des questions que nous avons abordées dans notre stratégie de la biodiversité. Depuis 1996, nous n'avons observé aucune tentative en ce sens.
    Le Canada devrait encourager activement une participation accrue aux initiatives concernant les espèces en péril, dont l’évaluation, les consultations, l’analyse des impacts socioéconomiques, les observations sur les résumés des études d’impact de la réglementation, les stratégies de rétablissement et les plans d’action. En plus d’une participation accrue des peuples autochtones, la LEP a grandement besoin des services de sociologues, de spécialistes du marketing, d’économistes, etc. qui sont les plus aptes à établir des liens entre l’industrie et le public et la Loi sur les espèces en péril.
    Le Canada devrait tenir compte des conclusions et des recommandations de l’Évaluation formative des programmes fédéraux pour la protection des espèces en péril, préparée par Stratos Inc. en 2006, et du Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable de 2005, concernant la Stratégie canadienne de la biodiversité.
    En ce qui concerne le libellé de la LEP, le CPAM demeure inflexible quant au maintien, dans la LEP, de l’article 8.1, concernant le Conseil autochtone national sur les espèces en péril, et du paragraphe 18(1), concernant le sous-comité des connaissances traditionnelles des peuples autochtones du Comité sur la situation des espèces en péril du Canada, ainsi que des articles portant sur la nécessité de consulter les peuples autochtones concernés durant les diverses étapes du processus de la LEP.
    Il faudrait maintenir l’étendue et le sens du préambule de la LEP étant donné que celui-ci fait partie intégrante de l’application de la loi.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur McNeely.
    Nous allons passer maintenant à notre première série de questions.
    Monsieur McGuinty, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, messieurs, d'être venus cet après-midi.
    Malheureusement, chef Atleo, nous n'avons pas reçu une copie de votre mémoire. On me dit qu'il n'est pas disponible dans les deux langues officielles. Donc, pardonnez-moi si, malgré les nombreuses notes que j'ai prises, j'ai mal interprété ce que vous avez dit.
    D'après les nombreuses recommandations que vous avez faites — j'ai consigné à peu près 12 points —, dois-je en conclure qu'en général, vous soutenez que les peuples des premières nations ne sont pas assujettis à la LEP?
    Je crois que vous avez commencé votre déclaration en disant, par exemple, que le gouvernement du Canada ne devrait pas avoir le droit de placer des espèces en péril sur la liste, ou de les en retirer, je présume, sans le consentement des Autochtones. En tant que grand chef, êtes-vous en train de dire aujourd'hui que les peuples autochtones ne se soumettent pas, ou ne devraient pas se soumettre à l'autorité de la LEP?
(1610)
     En tant que chef national, j’ai la responsabilité de défendre et d’appuyer l’affirmation des droits issus de traités et des titres autochtones, ainsi que des droits des gouvernements des premières nations. Je consulte donc les dirigeants des gouvernements des premières nations qui semblent indiquer que nos peuples n’ont pas participé à l’élaboration de cette mesure législative.
     Nous n’avons pas contribué à orienter de manière concrète la façon dont cette mesure législative a été rédigée, édictée et mise en oeuvre. Les premières nations sont confinées à un rôle consultatif alors qu’en fait, comme je n’ai cessé de le répéter dans mon mémoire, il est temps de reconnaître la compétence des gouvernements de premières nations en la matière. J’ai fait allusion au fait qu’en omettant de reconnaître la compétence des premières nations dans ce domaine, le gouvernement fédéral crée des conflits quant à la reconnaissance de son application.
     Le problème ne se limite pas à cette loi. Prenez la Loi sur les pêches ou toute autre loi en vigueur. Je viens d’assister à un procès relatif à la Loi sur les pêches et son application aux premières nations, et la Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé nos droits en matière de pêches.
     Je pense donc que la constitutionnalité et l’application de ces actes législatifs sont discutables — je laisse aux juristes, dont je ne fais pas partie, le soin d’en débattre. Mais le principe en question ici concerne un intérêt commun et un respect pour l’environnement et la protection des espèces, comme les autres membres du groupe d’experts l’ont mentionné.
     J’épouse aussi l’idée que le Canada envisage de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones parce qu’il faut reconnaître la nécessité de mettre sur pied un processus intergouvernemental.
     Nous avons examiné la loi pour déterminer si elle tenait compte de ce principe, et nous suggérons maintenant qu’elle soit renforcée à cet égard. Je pense que nos suggestions quant aux moyens d’y parvenir sont constructives. Mais ce qui sous-tend tout cela, c’est vraiment le terme qui a été utilisé ici, c’est-à-dire le respect de la relation.
     Je suggère fortement que les traités originaux, auxquels j’ai fait allusion dans mon mémoire, servent de base sur laquelle on continuera de jeter les assises de nos relations de travail. En tant que chef national, non seulement je constate la nécessité de reconnaître la compétence des premières nations, mais je soutiens également que des mesures législatives comme celles-ci provoquent des conflits entre les premières nations elles-mêmes, et entre les premières nations et d’autres compétences.
     L’argument au sujet du parc est excellent. Voilà un autre exemple de conditions imposées de l’extérieur, qu’il s’agisse de lois ou, dans ce cas-ci, d’un parc, qui ont de telles répercussions sur les compétences des premières nations qu’elles les privent d’une source de nourriture. Comme d’autres dirigeants du grand nord, je reçois ce genre d’appels téléphoniques en particulier lorsque les gens essaient de nourrir leur famille.
     Donc, à mon avis, ce n’est pas simplement, comme vous l’avez demandé, une question d’application de compétences ou de leur observation par un groupe. Je pense que cette discussion va beaucoup plus loin que cela.
    Merci, chef. Si je vous comprends bien, vous demandez que les mesures législatives fédérales qui sont en vigueur dans ce domaine soient harmonisées avec vos droits issus de traités. Si vous me le permettez, je vais attendre d’avoir reçu une copie de votre mémoire pour prendre connaissances des détails.
     J’aimerais maintenant m’adresser à l’aîné Marcel pendant une minute.
     Monsieur Marcel, j’aimerais vous féliciter et vous remercier d’être venu nous relater ce que vous constatez de visu sur le terrain.
     Il y a à peine deux semaines, nous, les membres de l’opposition officielle, avons été très choqués d’entendre la réponse que le ministre a donnée à mon collègue, M. Scarpaleggia, lorsqu’au cours de la période des questions de la Chambre des communes, celui-ci lui a posé une question à propos de la qualité de l’eau. Pour la première fois au cours de ma carrière professionnelle, j’ai entendu le ministre qualifier d’« allégations » des résultats scientifiques — je n’avais jamais entendu qui que ce soit, encore moins un ministre de l’Environnement, dire une chose pareille. Selon moi, cela a représenté un moment stupéfiant dans l’histoire de la politique environnementale canadienne. Jamais je n’avais été témoin d’une chose pareille auparavant, et je ne l’ai observée nulle part ailleurs.
     Pouvez-vous — si vous le savez ou si vous êtes en mesure de nous le dire — m’indiquer si nous ou, plutôt, si le présent gouvernement fédéral contrôle de façon appropriée le respect des normes actuelles, que ce soit celles adoptées en vertu de la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les pêches ou d’autres mesures législatives? Vous avez plaidé votre cause de manière très convaincante et passionnée.
     Je dois dire que le gouvernement fédéral ne contrôle pas l’application d’aucun des règlements que tous les autres doivent suivre à Fort McMurray. Le gouvernement de l’Alberta fixe les règles et accorde les approbations. Ensuite, tout ce qui devrait être protégé par le gouvernement fédéral tombe à l’eau.
     Tout ce qui assure notre subsistance, tout ce que nous récoltons. Les terres dont je parle sont complètement dévastées. Je ne mange plus de poissons pêchés dans la rivière Athabasca River. Nous consommons encore les poissons du lac Athabasca. L’avis de sécurité qui déconseillait de manger du poisson plus d’une fois par mois a été levé depuis longtemps. C’est le gouvernement de l’Alberta qui l’a fait.
     Si vous examinez toutes nos autres sources de nourriture, telles que les orignaux et les canards, vous constaterez qu’elles sont toutes polluées. Lorsque vous voyez les horribles photos des 1 600 canards couverts de goudron qui se sont noyés sur le site de Syncrude, dites-vous bien que c’est seulement la pointe de l’iceberg. Il y a beaucoup plus que 1 600 canards noyés; ils se comptent par milliers.
     Certains de nos gens entretiennent ces bassins de décantation. Lorsqu’ils travaillent là-bas, ils ne signalent pas tous les animaux qu’ils voient mourir. Ils doivent s’assurer de conserver leur emploi et de nourrir leur famille.
     Je parle ainsi parce que j’ai l’impression que nous n’avons aucune voix au chapitre. La voix qui devrait dicter les règles du jeu là-bas est celle du gouvernement fédéral; c’est lui qui a le dernier mot à cet égard. Mon chef et mon conseil s’adresseront au gouvernement fédéral parce qu’en vertu du traité, il est responsable de protéger les terres, les terres ancestrales de la première nation Athabasca Chipewyan.
     En ce moment, tout est complètement dévasté. Je ne plaisante pas. Il n’y a plus de fourrures à chasser, plus de rats musqués. Vous auriez du mal à trouver 10 rats musqués sur ma réserve aujourd’hui alors qu’avant nous en attrapions 40 000 ou 50 000 au printemps.
(1615)
    Merci, monsieur Marcel. Je vais devoir vous interrompre maintenant parce que le temps de M. McGuinty est écoulé.
     Je demanderais à tous les témoins de répondre brièvement aux questions des membres, parce qu’ils disposent d’un temps limité.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    D'abord, merci à nos témoins de leur présence.
    Si je résume vos interventions — et vous le me direz si je me trompe —, sauf erreur vous ne demandez pas une modification majeure de la loi. Je comprends que vous recommandez quelques modifications, dont celles à l'article 36.2 concernant une place plus grande accordée au ministre des Affaires indiennes. Il y a cependant des complications quant aux conditions d'application.
    Je comprends que vous nous présentez deux enjeux majeurs. D'abord, il y a la reconnaissance du savoir traditionnel autochtone dans la prise de décision gouvernementale et dans les recommandations du COSEPAC. Le deuxième volet attire également mon attention.
    J'ai entendu ce que vous avez répondu à M. McGuinty lorsqu'il vous a posé la question de savoir si vous demandiez que les communautés ne soient pas soumises à la Loi sur les espèces en péril. Cependant, je n'ai pas compris votre intervention. Car les nations et les Premières nations souhaitent avoir des relations égales de nation à nation et de gouvernement à gouvernement. Il me semble que c'est ce que vous demandez aujourd'hui.
    Par exemple, quand je constate que le Conseil autochtone national sur les espèces en péril doit se présenter séparément devant le comité au cours des réunions concernant le COSEPAC, qu'il n'est pas partie prenante des discussions, que celles-ci se font à huis clos entre les provinces et le gouvernement fédéral, je pense que cela en dit long sur la place et la reconnaissance des Premières nations dans la prise de décision.
     N'est-ce pas cela que vous nous demandez aujourd'hui, soit que les Premières nations soient reconnues dans les faits et qu'elles participent de façon pleine et entière aux discussions, c'est-à-dire dans une relation de nation à nation?
(1620)

[Traduction]

     Eh bien, pour être bref, oui. Une relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, et la reconnaissance, le soutien et le respect des traités.
     En outre, il faut se souvenir qu’aucun de nous n’a créé ni la Loi sur les Indiens, ni le système de réserves, ni le statut d’Indien inscrit et non inscrit. Nous avons hérité de ces régimes. Dans le cadre des excuses qui nous ont été présentées au cours de l’été de 2008, le gouvernement fédéral et tous les partis ont admis que les approches unilatérales adoptées dans le passé et imposées de l’extérieur ne fonctionnaient pas, et qui plus est, qu’elles provoquaient de graves traumatismes et causaient d’importants dégâts.
     Donc, ce que les aînés et les peuples autochtones partout au pays nous disent, c’est qu’à l’avenir nous devons être des partenaires à part entière. Je pense que c’est l’esprit de l’ère dans laquelle nous entrons, une période de réconciliation entre nos peuples et au sein de ceux-ci, et entre les Autochtones et les gouvernements.
     Quel meilleur champ de compétence choisir que celui de la protection des espèces en péril et de l’environnement? J’ai été élevé avec ces enseignements que feu mon grand-père m’inculquait. Nous ne pouvons plus chasser les phoques comme nous le faisions quand j’étais enfant à cause des risques d’empoisonnement. Dans mes territoires, 27 des rivières sont complètement polluées. Peu importe où nous allons, il y a des peuples autochtones. Nous habitons partout au pays. Nous entretenons une relation très étroite avec le territoire. C’est logique. En fait, cela ajoute, comme je l’ai dit dès le début, une immense valeur.
     Je crois que non seulement la constitution comporte de graves lacunes en matière de reconnaissance des droits issus de traités et des titres, mais que nous nous privons également d’un incroyable potentiel qui n’a pas encore été exploité d’une façon qui profiterait à tous ainsi qu’à l’environnement .
     Cette fois, ma réponse était un peu plus concise.

[Français]

    Après avoir parlé des compétences, j'aimerais aborder la question du savoir traditionnel. Quand on lit la loi, on constate que le paragraphe 15(2) est, entre autres, censé faire en sorte que le savoir traditionnel autochtone doit être pris en considération dans la préparation des rapports sur la situation des espèces. Donc, dans la loi, c'est prévu qu'il doit y avoir une prise en compte.
    Comment estimez-vous que ce savoir autochtone est, dans les faits, pris en compte lors de l'évaluation et des rapports des situations d'espèces? Y a-t-il un problème? Je suppose qu'il y en a un. Comment pouvons-nous faire en sorte qu'il y ait cette prise en compte du savoir traditionnel dans les rapports d'évaluation?

[Traduction]

    Encore une fois, je tiens à réitérer que c'est une question de reconnaissance. Il faut effectivement reconnaître les compétences. Plus de 633 gouvernements des premières nations travaillent tous à la reconstruction de leurs nations et sont en train de se sortir d'un héritage de déconnexion, de conflits et de fossés internes. C’est en grande partie l’oeuvre de l’éloignement des enfants de leur domicile, car ils n’ont pas eu l’occasion de passer du temps avec leurs grands-parents sur la terre, avec l'environnement. D’après moi, dans un esprit de réconciliation quant à l’impact qu’ont eu les pensionnats, il nous incombe de revenir à l’inclusion et à la participation entières.
    Pour ce qui est de votre question, j’aimerais reprendre ce que nous avons laissé entendre. Nous avons des exemples de premières nations qui ont mis en place leurs propres outils de gouvernance pour protéger ce savoir et pour établir des procédures ou des protocoles quant à l’utilisation de ces connaissances. Selon nous, c'est un moyen de reconnaître, d’englober, de mettre à profit et de respecter les protocoles concernant non seulement le savoir des premières nations, mais aussi la mise en oeuvre des traités.
    Nous devons nous rappeler que nous sommes en train d'aider à reconstruire les familles et les collectivités, tout en reconnaissant que les gouvernements ont créé, par les textes de loi et les politiques, des outils qui divisent. Il faut reconnaître, tout au long de notre travail, que nous soutenons la reconstruction des nations et des collectivités. Nous devons respecter l'histoire qu’a racontée l’aîné tout à l’heure.
    Ainsi, avec beaucoup de respect, je laisse simplement entendre qu'il subsiste un lien étroit avec l'aspect de la reconnaissance des compétences.
    Un certain nombre de scientifiques font partie du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC. Le Sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones regroupe 12 membres qui examinent toutes les évaluations. Le COSEPAC fait beaucoup de travail en bibliothèque; il examine des rapports et consulte quelques personnes. Le Sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones fait beaucoup de travail sur le terrain; il consulte des aînés et tient des réunions. C’est beaucoup de cette recherche initiale, si vous voulez.
    Le COSEPAC n'a pas les fonds nécessaires pour la recherche initiale, et vous avez fait allusion au paragraphe 15(2). C'est un tout autre monde quand il est question de l'accès aux connaissances traditionnelles ou de leur apprentissage.
    En ce qui concerne les améliorations, nous pourrions créer de meilleurs contrats avec le gouvernement, notamment, pour apprendre les connaissances traditionnelles. C’est ce que nous avons essayé de faire sur la côte Est, avec le saumon atlantique. Il y a un cas où plusieurs de nos collectivités autochtones ont collaboré avec le COSEPAC et le Sous-comité des connaissances traditionnelles pour en apprendre ou échanger davantage à propos du saumon dans le cadre de cette évaluation qui aura lieu à l'automne. Cependant, le problème, c’est que nous sommes un intermédiaire. Le gouvernement fédéral et ses exigences juridiques en matière de droits de propriété intellectuelle constituent un obstacle énorme à l’échange de nos connaissances traditionnelles sur le saumon quand il est très clair que nous voulons le faire, car nous voulons participer à cette évaluation et aider le COSEPAC à cet égard. Or, c’est un intermédiaire du gouvernement fédéral qui est la pierre d'achoppement en raison de la relation que nous avons eue avec lui au fil des années.
(1625)
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Madame Duncan, la parole est à vous.
    J’aimerais également vous remercier tous les trois d’être des nôtres. Nous avons attendu assez longtemps pour entendre vos témoignages et nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir tous consacré du temps, vous qui avez un horaire chargé. J’aurais aimé que le comité passe une journée entière à discuter avec vous ou qu’il y consacre davantage de séances. C’est ce qui est frustrant: notre comité a tellement de pain sur la planche. Nous reconnaissons la valeur de chacune de vos paroles et nous vous remercions de vos mémoires. Nous avons également hâte de recevoir le mémoire du grand chef.
    D’emblée, monsieur McNeely, je tiens à vous dire que j'ai vraiment aimé votre description des liens qui unissent la Convention sur la biodiversité, les obligations du gouvernement fédéral relativement à cette convention et la LEP. Un certain nombre d'organisations ont dit vouloir témoigner également pour établir ce lien. Je vous remercie donc d’avoir porté cela à notre attention ainsi que d’avoir parlé de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et de la manière dont ils sont reliés.
    Il est très intéressant d'entendre vos témoignages ensemble. Lorsqu’on les met en commun, je crois que vous présentez un cas vraiment convaincant de la contradiction du gouvernement fédéral. De fait, dans sa sagesse ou autre, il a édicté la loi distincte sur la protection des espèces en voie de disparition dans le cadre de la mise en oeuvre des obligations de la Convention sur la biodiversité. Or, cette loi semble être dissociée de tous les autres pouvoirs du gouvernement fédéral d'intervenir pour protéger les espèces en péril et leurs habitats.
    M. Marcel l’a fait savoir très clairement — au nom de sa bande, si je ne m’abuse — grâce à son étude de cas à cet égard sur le bison des bois et le caribou des bois. Nous avons donc un scénario dans lequel nous avons — et je tire cette conclusion des propos du grand chef Atleo — le problème du délai et du respect que l'on doit aux premières nations à titre d'ordre de gouvernement, pas seulement d'organisme ou d'autre entité simplement consultative.
    Je regarde la situation dont a parlé l'aîné Marcel ainsi que les documents supplémentaires qui ont été déposés par le gouvernement fédéral. En 2008, le gouvernement du Canada a déterminé que tous les troupeaux de caribous n’étaient pas en nombre suffisant pour assurer une croissance autonome en Alberta, que les effets étaient observés presque partout dans la province et que les baisses étaient le résultat d'effets cumulatifs sur l'habitat du caribou. Qui plus est, on a déterminé que l'expansion des sables bitumineux avait de graves répercussions sur le caribou et qu’elle contrevenait peut-être à la LEP.
    Le problème, c’est que le gouvernement fédéral a transféré au gouvernement provincial la responsabilité de déterminer le type d'habitat désigné pour une espèce alors que, comme l’a souligné le grand chef Atleo, il y a une relation très nette entre les premières nations, les Inuits et les Métis et les espèces qui ont de la valeur aux yeux de ces premières nations.
    Cela soulève une plus grande question. Les retards observés dans la mise en oeuvre de la désignation de l'habitat de ces espèces en péril sont-ils associés au fait que le gouvernement fédéral n’intervient pas lorsque les premières nations lui demandent de le faire, quand il y a des approbations de projets? D’après votre expérience, voyez-vous une contradiction quelconque ou un problème relativement au retard au moment où l’on consulte les premières nations?
    Que se passe-t-il dans la relation entre… ? Il peut y avoir des espèces qui sont sur le point d'être inscrites. Or, vous pourriez vouloir qu’elles le soient ou non. On recommande de protéger l'habitat. Il y a des retards et, en fait, des infractions à la loi dans la mesure où on ne respecte pas ces délais. Pourtant, entretemps, on met de l’avant des projets qui peuvent influer sur la perpétuation de cette espèce ou de l'habitat.
    C'est une grande question, mais je crois que vous soulevez des enjeux intéressants relativement au rôle des premières nations dans l’application de la présente loi. Il semble y avoir certaines frustrations, car même si des comités sont désignés, on vous consulte seulement en partie et peut-être trop tard dans le processus.
    Je me demandais si vous pouviez nous parler de la relation concernant les projets mis de l'avant, d'autres responsabilités du gouvernement fédéral et de l’exercice des responsabilités en vertu de la présente loi.
(1630)
    Mme Duncan a utilisé plus de quatre minutes de son temps. Il ne reste donc que quelques minutes.
    Posiez-vous cette question à quelqu’un en particulier, madame Duncan?
    J’aimerais entendre la réponse des trois témoins, car je crois qu’ils ont soulevé une question très claire. Ils ont l’impression que l’on ne respecte peut-être pas leur rôle en vertu de cette loi comme on devrait le respecter et ils ont soulevé des questions précises à propos de l’incidence de projets particuliers sur les espèces en péril. Je leur saurais gré de leurs recommandations quant à la manière de procéder.
    Étant donné qu’il ne reste que quelques minutes, je vous serais tous reconnaissant de répondre brièvement.
    Merci pour la question.
    Nous avons répertorié un certain nombre d'articles qu’il faudrait modifier pour prévoir la tenue de consultations auprès des premières nations concernées. Bien sûr, cela signifie que ce doit être fait en temps opportun.
    Nous avons également proposé la reconnaissance officielle d'une relation avec la Couronne par le ministre d'AINC, en raison du lien avec les terres de réserve, qui sont fédérales.
    Permettez-moi de faire un lien avec la question précédente et de proposer de nouveau la création d'un organisme consultatif axé sur les premières nations qui aiderait à régler les problèmes des retards et de la mise en oeuvre que nous venons de soulever.
    J'ai collaboré avec de nombreuses organisations qui surveillent l'environnement dans la région de Fort McMurray. Le gouvernement les tient vraiment responsables — en apparence, du moins — pour que tout soit protégé, qu'aucune espèce ne s’éteigne, etc.
    En ce qui concerne le pouvoir dont je parle, l’organisation en question compte 47 membres. Nous étions là un moment donné. J'avais formé un comité des aînés comme on me l’a demandé. Quand j'ai commencé à travailler avec mes aînés à ce comité, le gouvernement et les entreprises ne savaient que faire de nous. Le savoir qu'ils ont…
    Je leur ai dit que les connaissances dont ils disposaient concernant le développement des sables bitumineux et ce qu'ils faisaient dataient d’il y a 50 ou 60 ans. Le savoir dont je parlais remonte à des milliers d'années. Il y a une grande différence.
    Ainsi, si vous voulez vraiment vous pencher sur ce qui se passe en matière d’environnement, vous assurer qu'il s'agit de développement durable et sauver les espèces, parlez aux gens qui sont là et qui utilisent ces ressources depuis des milliers d’années.
    Il ne faut pas se diriger vers un universitaire en pensant que cette personne est au courant. S’il le sait, c’est qu'il l’a lu ailleurs. C’est ainsi qu’il est au courant. Or, je suis au courant parce que je vis cette vie depuis maintenant 72 ans.
    Merci.
    L’Énoncé des répercussions socioéconomiques, l’ERSE, est un élément clé qui est absent de la LEP. En vertu de la directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation, le Canada doit produire l’ERSE et le Résumé de l’étude d'impact de la réglementation, qui s’inspire en grande partie de cet Énoncé des répercussions socioéconomiques.
    Cependant, dans la dernière publication qui, si je me souviens bien, remonte au mois de janvier, le gouvernement a rejeté les trois populations de raie tachetée. À la lecture de ce Résumé de l’étude d'impact de la réglementation, on dirait qu’il s'agit d'un énoncé économique. Il n'y a pas de volets social et culturel. Demandez au ministère de l'Environnement et au MPO combien d'économistes sociaux y travaillent. Ces ministères ont des économistes qui peuvent dire combien vont coûter les débarquements de poissons ou les emplois, mais qui ne peuvent énumérer les avantages sociaux qui découlent de l'inscription ou non d'une espèce.
    C’est très difficile. Il existe de nombreuses mesures pour ce faire dans le monde, mais nous ne l’avons pas encore fait avec notre Loi sur les espèces en péril.
(1635)
    Merci.
    Monsieur Warawa, je vous laisse conclure cette série de questions de sept minutes.
    Je vous remercie, messieurs Atleo, Marcel et McNeely. Merci à chacun d’être des nôtres.
    J’ai trois questions à poser, mais je n’aurai probablement pas assez de temps. J’aimerais aborder le sujet de la consultation, savoir si vous trouvez que les délais de la LEP sont réalistes et connaître les facteurs socioéconomiques dont on tient compte. Je vais d’abord aborder la question de la consultation.
    Monsieur Marcel, j’ai été ravi de vous rencontrer, il y a de cela presque un an. Si je me souviens bien, c'était à Fort Chipewyan, ou peut-être à Fort McMurray. J’oublie où c’était, mais j’ai été ravi de vous rencontrer et d’entendre votre témoignage.
    À quand remonte la dernière fois qu’un Comité permanent de l’environnement est venu rencontrer et consulter les aînés et les entendre parler de leur expérience et des connaissances traditionnelles? C'était quand au juste?
    Avant cela, je doute que nous… Du moins, je ne me souviens pas de la visite de votre comité.
    Pour ce qui est de l’Alberta, la consultation est majoritairement menée par une tierce partie. Ainsi, le gouvernement albertain ne se rend jamais dans la collectivité.
    Monsieur Marcel, vous nous dites que, d’après vos souvenirs, c’était la première fois qu’un comité parlementaire permanent venait vous écouter et vous consulter?
    Vous êtes venus dans la collectivité de Fort Chipewyan. C’était l’été dernier, si je ne m’abuse.
    Nous y étions, mais vous souvenez-vous d’une autre fois avant cette visite?
    Je ne m’en souviens pas. Je ne crois pas que vous soyez venus auparavant.
    Il faut assurément que le gouvernement fédéral s’améliore, et il le peut. Nous y sommes allés, nous vous avons écoutés, et j’estime que c’était un pas dans la bonne direction. Êtes-vous d’accord?
    J’en conviens. Cependant, le comité doit comprendre que lorsqu’on transfère le pouvoir de consulter à une autre partie, comme le gouvernement de l'Alberta, si cette autre partie le transfère à son tour à un autre tiers, soit l'industrie, les entreprises du secteur n'ont pas le pouvoir de nous consulter. Nous sommes une première nation qui forme un gouvernement. L’industrie est exactement ce qu’elle est: l'industrie.
    Pour qu’une consultation soit authentique, sérieuse et respectueuse des deux parties, il faut la mener entre deux gouvernements, comme on a conclu les traités. Quand on a signé les traités, c’était entre le gouvernement et nos premières nations.
    Merci beaucoup pour votre témoignage, monsieur Marcel.
    Monsieur Atleo, j’ai une question pour vous au sujet de la consultation. Je vois que je n’aurai pas le temps d’aborder les autres sujets.
    Pourriez-vous nous parler de la relation de l’Assemblée des Premières Nations avec le COSEPAC, de votre participation au sous-comité, de la nature de cette consultation et des améliorations possibles?
    J'aimerais aussi aborder cette question, parce que les échéances, en fait, ne sont pas réalistes. Cela avait été démontré devant le tribunal. Il a fallu faire intervenir le tribunal dans le cas du naseux de Nooksack, dans l'Ouest. Nous suggérons des solutions depuis longtemps: le concept des plans d'action en matière d'intendance, des ententes bilatérales qui respectent la compétence des premières nations, les traités et ce comité consultatif.
    Je pense que ce qu'il faut, comme vous l'avez dit, c'est renforcer ces processus, reconnaître les compétences. Et cela doit se faire avec une participation. Si nous voyons un comité consultatif particulier des premières nations, nous pourrons alors faciliter les échanges avec d'autres comités qui existent. J'oublie quel article permet à un ministre de mettre sur pied un tel comité consultatif.
    Au sujet de ce que vous disiez sur la relation entre les premières nations et le gouvernement, et le travail qui se fait sur ce plan, ce qu'il faut, c'est appliquer le genre de solutions qui feront en sorte que nous ne soyons pas simplement préoccupés par le CANEP, qui a ses propres problèmes et défis. Nous devons renforcer cette relation, et je peux vous dire que nous avons des moyens de stimuler la participation. Nous devrions tirer leçon de l'expérience des quelques dernières années, laquelle a été compliquée en partie par le refus historique de reconnaître les compétences — les droits issus de traité et les titres et droits ancestraux. La question de la consultation réelle entre gouvernements reviendra sans cesse sur le tapis. Ce n'est pas quelque chose qui disparaîtra. La reconnaissance des compétences est incontournable.
    Pour ce qui est des pactes internationaux, revenons à l'Agenda 21. Nous avons cherché à pousser le pays à faire un pas en avant et à déterminer par quels moyens il compte souscrire à la notion qu'ont les peuples indigènes de la « durabilité ». Voilà un excellent exemple de cas qu'il faudrait décrire en ces termes. Il ne s'agit pas uniquement de ces comités. Il faut accepter l'idée des traités et de l'application des titres et des droits. Les milliers d'années d'expertise que nous possédons sont un atout.
    Au sujet des pêches, il existe un concept de gestion locale intégrée. Qu'on ait été pêcheur dans l'Atlantique pendant cinq ou six générations ou, comme moi — je peux retracer mes ancêtres jusqu'à la 26e génération dans mon coin de pays —, il y a des gens qui s'intéressent à ce qui arrive. Je pense que le rôle que peuvent jouer ces comités, c'est de nous amener à concevoir des approches qui mobilisent la population, où la responsabilité est partagée de manière à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence de l'extérieur. Ils peuvent faciliter plus efficacement le processus de mobilisation.
(1640)
    Est-ce qu'il reste du temps au chef pour parler de l'importance des facteurs socio-économiques dans la désignation de l'habitat essentiel?
    Encore une fois, ce ne sera que pour les relier à la nécessité pour les premières nations de participer à la désignation ainsi qu'à l'inscription des espèces. Jusqu'à maintenant, leur participation est insuffisante. Ce que nous savons, c'est que lorsque les gens partent en quête de leur provision de caribou pour l'hiver... Je reviens encore sur ce qu'on disait tout à l'heure au sujet des autres compétences, les provinces ou les territoires, qui prennent des mesures et qui exercent leurs responsabilités juridictionnelles, lesquelles empiètent sur les titres et droits ancestraux issus de traités et leur font concurrence, ainsi que sur le droit même de l'individu de s'approvisionner pour l'hiver.
    C'est ce qui se passe en ce moment même. Je dois bientôt m'entretenir avec les chefs du Nord du Québec, dans les territoires innus. Nous devons être très attentifs à la corrélation entre cette loi, la durabilité, les titres et droits et l'accès aux aliments, et il faut respecter et soutenir la participation des peuples qui vivent le plus près de la terre.
    Monsieur McNeely, je suis impatient de discuter des incidences socio-économiques, et je vous remercie pour vos commentaires. Vous avez dit qu'il y a une période de temps très courte pour l'habitat essentiel, et pour que le gouverneur en conseil intervienne.
    Je pense qu'il ne me reste plus de temps, et je tiens à laisser une chance équitable aux autres — à moins que vous vouliez répondre en quelques mots.
    Avez-vous un bref commentaire à faire?
    Les échéances ne sont serrées que dans le contexte actuel de la mise en oeuvre, dans cet environnement. Si nous repoussions les échéances à trois ans, ce ne serait pas assez. Cinq ans ne suffiraient pas. Ce dont on a désespérément besoin, c'est de principes éthiques en matière de respect et de développement durable, fondés d'abord et avant tout sur notre Convention sur la diversité biologique. Ce n'est pas une convention à part de tout le reste; elle fait partie intégrante des mouvement de défense des droits de la personne, de protection de l'environnement, de développement durable. Quand on aura cet environnement, les échéances, soudainement, seront loin de poser le problème qu'elles posent dans l'environnement actuel.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Nous commençons maintenant le tour de cinq minutes.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    J'essaie de comprendre tous ces enjeux, et vous avez soulevé bon nombre d'éléments importants.
    Est-ce que le problème ici, c'est, par exemple, que des espèces qui, de l'avis des collectivités autochtones, d'après leurs connaissances traditionnelles, ne devraient pas être inscrites le sont, et qu'il pourrait arriver l'inverse, soit qu'une espèce n'est pas inscrite alors qu'elle devrait l'être? Est-ce le noeud du problème?
    Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Est-ce que c'est un problème unidirectionnel, c'est-à-dire que nous devrions inscrire des espèces et protéger l'habitat que nous n'inscrivons pas et ne protégeons pas, alors que les connaissances traditionnelles dicteraient de le faire? Est-ce là le problème, ou est-ce dans les deux sens?
(1645)
    Est-ce que cette question s'adresse à chacun d'entre nous?
    Je la pose à qui veut bien y répondre.
    Monsieur McNeely, cela semblait vous intéresser.
    Ce n'est pas tellement l'inscription d'une espèce en particulier, mais plutôt la question de l'habitat. Pour les peuples autochtones, c'est toujours une question d'habitat. Nous sommes interreliés, nous avons une relation interdépendante avec l'habitat, alors, nous sommes tout aussi concernés. Cela concerne notre culture, notre identité, nos connaissances. Il ne s'agit pas que d'inscrire une espèce ou non. C'est dans un grande mesure une porte d'entrée pour nous dans la fédération du Canada. Cette loi date de 1982, mais c'est une occasion de vraiment l'appliquer.
    Je passe du coq à l'âne, je crois, mais au sujet de l'ours polaire, je ne me rappelle plus quelle est sa situation. Est-ce qu'il est inscrit au nombre des espèces en péril? Il me semble que le gouvernement l'envisageait. Pouviez-vous m'éclairer?
    Je crois que l'espèce a été déclarée préoccupante. On en a beaucoup parlé, mais je ne suis pas...
    Cette espèce n'est pas encore inscrite, je crois.
    Il en a été question, en tout cas.
    Grand chef?
    Je voulais seulement répondre à la question que vous avez posée, si c'est, je crois que vous avez dit « dans les deux sens ».
    Ce n'était que ma façon de formuler ma pensée.
    De certaines façons, il existe quelques exemples, dont un justement chez nous: la loutre de mer. Nous l'appelons k'wak'wak, ce qui signifie qu'elle mange le meilleur de tout. Tout ce que vous aimeriez déguster, la loutre de mer le déguste encore plus que vous: oursins, palourdes et tous les mollusques et crustacés. Tout est déséquilibré chez nous, à Ahousat. Nos gens n'arrivent jamais à comprendre comment on en arrive à inscrire des espèces.
    Bien sûr, nous avons depuis bien longtemps une étroite relation avec la loutre de mer, et d'ailleurs, la nation Okanagan s'est récemment mise à parler du chinook, de la nécessité de protéger le chinook.
    C'est donc l'un et l'autre, n'est-ce pas, des espèces sont désignées et d'autres non, même quand les premières nations font des suggestions, à la lumière de leur interaction avec les espèces, des aspects sociaux, des besoins en matière d'alimentation, de leurs droits et de leurs titres. Je reviens encore une fois à l'affaire qui vient de passer en cour en Colombie-Britannique, où je suis allé au nom de ma propre collectivité d'Ahousat.
    Cela nous ramène vraiment à la question de tout à l'heure sur le COSEPAC, et l'illustre. Nous participons aux démarches du COSEPAC, mais pas dans une mesure appropriée, pour ce qui est de la manière dont les connaissances traditionnelles sont obtenues ou exploitées. Comment sont-elles prises en considération? Nous exprimons ici une idée commune que nous devons avoir une participation beaucoup plus grande, et que nous devons renforcer ce respect ou cette reconnaissance non seulement de l'information, mais aussi des facteurs juridictionnels qui doivent être pris en compte quand on envisage d'inscrire une espèce.
    En ce moment-même, nous avons chez nous, dans mon territoire, une situation fondamentale de rupture d'équilibre, en ce qui concerne la loutre de mer. Je rentre chez nous bientôt, j'espère, et, comme toujours, c'est encore aux collectivités locales — les pêcheurs, notre communauté de pêche — de trouver le moyen de composer avec cette notion de protection d'une certaine espèce qu'on nous impose de l'extérieur.
    Alors, il est important d'y voir une valeur ajoutée. D'une façon quelconque, nous nous laissons obnubiler par l'idée que cela fait perdre de la valeur ou que c'est un manque de respect envers d'autres compétences. Non, ce que nous voulons, c'est le respect et la reconnaissance mutuels.
    Maintenant, en matière de protection de l'habitat, évidemment, le gouvernement fédéral — rappelez-moi ce que dit la loi — a juridiction sur ses terres. Mais pour ce qui est des habitats qui, soit chevauchent les territoires fédéral et provinciaux, soit sont situés complètement sur un territoire provincial, où commence et où prend fin le pouvoir du gouvernement fédéral?
    Par exemple, à propos des sables bitumineux, vous avez parlé d'une chute importante de la population du caribou des bois. D'autres en ont aussi parlé, comme le Dr Schindler, qui dit que même avec la technique SAGD, les caribous sont effrayés à des centaines de milles à la ronde. Toute cette exploitation se fait aux termes de baux émis par le gouvernement provincial, et pourtant, cette activité a une incidence sur vos droits issus de traités conclus avec le gouvernement fédéral.
    Comment composons-nous avec tout cela? Je crois que tout le monde en est frustré. Comment composer avec la situation quand elle relève de la compétence provinciale, alors qu'elle a une incidence sur le traité no 8, dont le gouvernement fédéral assume la responsabilité fiduciaire? Comment y voir clair?
(1650)
    Monsieur Scarpaleggia, votre temps est écoulé.
    Monsieur Marcel, voulez-vous répondre brièvement à ses commentaires sur le caribou des bois?
    Merci.
    Le problème pour moi, c'est quand on a une espèce comme le bison des bois; c'est une espèce menacée, et pourtant, l'Alberta ne fera rien pour protéger ce troupeau en dehors de ses parcs. Le gouvernement fédéral a des parcs. Dans ces parcs, le bison est protégé, mais dès qu'il en sort, l'Alberta ne le protège plus. Ce n'est qu'une question de temps avant que le dernier bison sauvage soit tué.
    Merci, monsieur Marcel.
    Votre temps est écoulé, monsieur Scarpaleggia. Merci beaucoup.
    Monsieur Calkins, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être venus jusqu'ici.
    Je vous écoute avec un vif intérêt. Je précise d'abord que j'ai passé une grande partie de ma vie antérieure — avant d'arriver ici — comme agent de conservation, gardien de parc national, technicien en pêches, et j'ai consacré beaucoup de temps à la conservation et à la préservation de nos terres, de nos espaces et de nos espèces sauvages. Alors, j'aimerais poser ces questions en toute sincérité, parce que j'ai besoin de comprendre ce qui manque.
    Le paragraphe 7(1) de la LEP — c'est de cela dont il s'agit, c'est un examen de la loi en question — établit le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, qui se compose du ministre de l'Environnement, du ministre des Pêches et des Océans et du ministre responsable de l'Agence Parcs Canada qui, dans le cas de notre gouvernement, est le même que le ministre de l'Environnement.
    L'article 8 de la loi crée le Conseil autochtone national sur les espèces en péril, composé de six personnes provenant strictement des peuples autochtones. Son rôle est double: conseiller le ministre en matière d'application de la loi et fournir au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril des conseils et des recommandations, rien de plus.
    Ensuite, un article de la loi, l'article 14, crée le COSEPAC. Le paragraphe 15(2) de la LEP porte sur les questions qui concernent les peuples autochtones, dans le sens où le COSEPAC doit exécuter sa mission en se fondant sur la meilleure information accessible sur la situation, etc., par l'intermédiaire de la communauté scientifique. Il est question ici des connaissances traditionnelles autochtones.
    Le paragraphe 15(3) stipule que pour l'exécution de sa mission, le COSEPAC doit prendre en compte les dispositions applicables des traités et des accords sur les revendications territoriales. Le paragraphe 16(2) décrit la composition du COSEPAC en stipulant spécifiquement que chaque membre doit posséder une expertise liée soit à une discipline telle que la biologie de la conservation, et patati et patata, et parle des connaissances traditionnelles des peuples autochtones en matière de conservation des espèces sauvages.
    Le paragraphe 18(1) stipule que le COSEPAC doit constituer des sous-comités de spécialistes chargés de l'assister dans l'élaboration et l'examen des rapports de situation, et mettre sur pied un sous-comité compétent en matière de connaissances traditionnelles des peuples autochtones.
    Ensuite, au paragraphe 18(3), il est question de la composition desdits sous-comités et du fait que leurs membres doivent être nommés par le ministre après consultation de toute organisation autochtone qu'il estime indiquée.
    Ce n'est qu'un échantillon des articles de la loi que j'ai pu trouver en quelques minutes ici, juste avant que vienne mon tour de poser des questions. Alors, j'ai trouvé tout un article sur la consultation strictement limitée aux peuples autochtones, pour conseiller le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril. Je peux trouver au moins cinq articles dans la loi qui parlent des peuples autochtones et de la manière dont ils doivent être consultés, et ils doivent participer aux travaux du COSEPAC.
     Pouvez-vous me dire, alors, en dépit de tout ce que je viens de dire, comment il fait que cela ne fonctionne pas pour les peuples autochtones?
    Permettez-moi d'essayer de vous l'expliquer. Il existe au Canada 53 langues autochtones. Nous avons sept familles de langues. Dans toute l'Europe, il n'y a qu'une seule famille de langues.
    Il y a dans tout le pays une grande diversité de peuples autochtones, tout comme il y a une grande diversité d'écorégions. L'eau douce, l'eau salée, les chaînes de montagnes, les plaines — tout ce qui peut exister dans le monde, nous l'avons au Canada.
    Les peuples autochtones sont, comme on le dit en français, les Autochtones du territoire. Cette diversité est très difficile à... Vous savez, on ne peut pas simplement venir ici et dire voici ce que veulent exprimer les Autochtones, ou voici leur point de vue sur cette question. C'est impossible. Les points de vue sont très, très variés dans tout le pays.
    Il est très difficile pour six membres d'un Comité autochtone national sur les espèces en péril, quand ils sont éparpillés dans tout le pays, de se réunir et de consulter chacune de ces collectivités sur la nature des enjeux. Ils n'ont pas vraiment d'appui d'un quelconque secrétariat. Environnement Canada contrôle chaque petit détail de ce que fait le comité. On ne lui donne pas vraiment les outils dont il a besoin.
    C'est pareil pour le Sous-comité sur les connaissances traditionnelles du COSEPAC. On a 10 ou 12 personnes pour faire le travail, la même quantité de travail que font tous les autres scientifiques du COSEPAC. Lui, il a un secrétariat. Il a une personne et demie comparativement au COSEPAC, qui a des centaines et des centaines de scientifiques et de documents de recherche pour l'appuyer.
    C'est une question d'outils. Nous l'avons dit, la loi est bien rédigée. Certains de ses articles prévoient notre participation; le problème, c'est d'avoir les outils pour avoir une participation réelle.
    Il y a beaucoup de chemin à faire. Il reste encore beaucoup à faire avant d'atteindre notre but; c'est vrai, je suis d'accord.
(1655)
    Mon temps est-il écoulé, monsieur le président?
    Oui, il vient juste de l'être.
    M. Blaine Calkins: Oh, c'est dommage.
    Merci.
    Le président: Monsieur Ouellet, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Vous constatez à quel point tout le monde est, avec raison, très intéressé à vous poser des questions .
    Monsieur Marcel, vous avez dit tout à l'heure que la loi ancestrale est la chose la plus importante. Je parle de la loi qui a trait aux animaux. D'ailleurs, vous l'avez depuis de très nombreuses années.
     Que pensez-vous que vos lois auraient pu faire? M. McNeely a dit qu'il y a plusieurs groupes des Premières nations au Canada. Cette loi aurait pu prévenir la perte des animaux. Autrement dit, votre loi ancestrale aurait pu faire en sorte de protéger les animaux en danger.

[Traduction]

    Oui, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous utilisons les animaux depuis des siècles, voire des millénaires, et c'est très réel. Les lois qui nous guident sont celles du règne animal. Les animaux ne se laisseraient jamais multiplier au point d'atteindre un surpeuplement mettant en péril leur espèce. La nature est régie par ses propres lois. Nous le savons tous. Il y a, d’une part, des prédateurs et, d’autre part, des proies. Leur survie dépend de cette fonction.
    Quand on vient imposer des lois à la façon de contrôler les populations que j'ai mentionnées — et le travail même des hommes menace la survie de ces troupeaux —, alors vous comprenez là où je veux en venir.

[Français]

    Alors, pourquoi vous trois ne demandez pas, au nom des Premières nations du Canada — non seulement d'une Première nation, mais de toutes les Premières nations — un retrait complet et absolu de cette loi? Pourquoi ne demandez-vous pas que cette loi ne s'applique pas sur vos territoires? Dites-moi pourquoi vous ne demandez pas cela aujourd'hui.

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.
    Pourquoi ne demandez-vous pas d'être exclus de cette loi et de créer votre propre loi?
    Eh bien, si nous devions appliquer les lois des premières nations, surtout celles de ma nation, nous ne serions pas aux prises avec la situation dévastatrice actuelle. Tout serait durable. Les comités de ce genre surveillent les questions en matière de développement durable. Mais à quoi bon si les personnes qui sont ici, à Ottawa, ne font rien quand quelqu'un détruit ces terres?
(1700)

[Français]

    D'accord.
    Monsieur McNeely, vous avez dit, lorsque vous avez répondu à mon collègue tout à l'heure, qu'il y a des espèces que vous aimeriez voir sur la liste de retrait afin qu'elles soient protégées et que pour d'autres espèces, ce serait moins important qu'elles soient sur ladite liste.
    Pourquoi ne demandez-vous pas d'être totalement et complètement en exclus de cette loi, qu'il soit écrit dans cette loi que cela ne s'applique pas sur les territoires des Premières nations et que vous fassiez vos propres lois?

[Traduction]

    Les peuples autochtones du pays ont appuyé sans réserve la Loi sur les espèces en péril, depuis les premiers projets de loi jusqu’au tout dernier, le projet de loi C-5. Nous savons que les espèces ne connaissent pas de frontières. Elles se déplacent à la grandeur du pays comme bon leur semble. Nous faisons partie de ce cycle.
    En mettant de l’avant une loi sur les espèces en péril, nous espérons pouvoir commencer à mettre en oeuvre, au Canada, notre Convention sur la diversité biologique. Voilà pourquoi nous sommes ici. Voilà pourquoi on nous a reconnus à l'échelle internationale, dans le cadre du Plan d’action 21, en vertu de la déclaration de Johannesburg sur le développement durable et en vertu de la Convention sur la diversité biologique, comme un élément essentiel de tout ce processus.
    Des expressions comme « approche préventive » et « développement durable » ne nous sont pas étrangères; nous les comprenons parce qu’elles font partie de notre langage. Les Mi'kmaq ont un mot appelé netukulimk qui est souvent traduit par « récolter », mais c'est bien plus que cela. C'est l'idée d'exploiter les ressources dont on a besoin aujourd'hui, tout en s'assurant qu'il en restera pour demain et pour les générations futures. Il y a aussi l'idée de respecter ce qu'on prend. Tous ces sens sont inclus dans la définition.

[Français]

    Alors, pourquoi ne demandez-vous pas...
     Excusez-moi, mais votre temps est écoulé.
    Ma question est courte et vous pouvez me donner une réponse courte.
     Pourquoi ne voulez-vous pas laisser le fédéral pour vous joindre aux provinces? Ça vous donnerait davantage une notion de territoire.

[Traduction]

    Rapidement, monsieur McNeely.
    C'est juste à cause de ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous sommes une fédération. Nous faisons partie de cette fédération et nous voulons faire partie de cette solution, au lieu d'essayer de créer une foule de lois différentes, comme c'est le cas à l'heure actuelle. Des questions de compétence se posent, mais nous devons inclure cette mesure dans l'accord en vigueur.
    Merci, monsieur McNeely.
    Je crois, chef Atleo, que vous avez une opinion différente sur ce sujet. D'après ce que je peux lire dans votre mémoire — j'ai un avantage sur les autres membres du comité parce que j'ai les copies des mémoires —, vous demandez que les premières nations soient exemptes de la LEP.
    C'est donc une opinion assez différente.
    En effet. Une fois de plus, c'est une question de reconnaissance juridictionnelle. Cela revient aux arguments précédents sur la compétence des provinces et des territoires. Si les lois provinciales ou territoriales ne prévoient pas de protection, la LEP contient un article qui peut être appliqué en guise de filet de sécurité. À ma connaissance, cette disposition n'a pas encore été appliquée.
    Donc, relativement aux observations faites tout à l'heure sur l'aspect intergouvernemental de ces questions, elles auraient pu être réglées conformément à la démarche prévue par la loi, mais cela n'a pas encore été le cas. Voilà pourquoi nous voulons réitérer la recommandation de mettre sur pied un groupe consultatif des premières nations qui pourrait s'occuper de ces questions intergouvernementales ou aider à les régler. Mais il ne faut pas se leurrer: en ce qui concerne le traité, le titre et les droits, nous revenons à l'idée de base que les terres des premières nations devraient être soustraites à l'application de la LEP.
    Comment s'y prendre pour faire bouger les choses ici? Comme M. McNeely l'a déjà dit, les espèces ne connaissent pas de frontières. Ce qui importe, c'est leur habitat général. Nous parlons de plusieurs paliers de gouvernement. Nous allons ajouter une autre couche: les collectivités des premières nations qui disposent de leurs propres lois, règlements, mesures législatives, ou peu importe la façon dont elles décident de procéder.
    Comment intégrer cela aux autres compétences, à savoir les gouvernements fédéral et provinciaux?
(1705)
    Les plans d'intendance auxquels j'ai fait allusion sont un exemple; le traité, le titre et les droits sont respectés, ainsi que la compétence des premières nations. Et il y en a d'autres dans les territoires de ces régions.
    C'est quelque chose qui en est à ses premiers balbutiements. Terry Tobias a accompli un travail phénoménal; il a rédigé le livre Living Proof, en partenariat avec l'Union of BC Indian Chiefs. La cartographie des relations qu'entretiennent les premières nations avec leurs territoires est une tâche énorme. Quand on parle des terres des premières nations, deux éléments entrent en ligne de compte. La reconnaissance d'AINC concerne la relation, par l'entremise de la Loi sur les Indiens, pour le ministre des Affaires indiennes. Mais nos terres ne se limitent pas aux terres de réserve. Il reste encore des questions territoriales à régler partout au pays.
    J'aimerais tout simplement attirer votre attention sur ce problème. Quand on pense à nos frères et soeurs autochtones dans l'Atlantique, il ne faut pas oublier que les plus vieux traités autochtones se trouvent dans ces régions. Il reste à trouver une place où... les aînés exhortent sans cesse la mise en oeuvre et l'exécution des accords que nos ancêtres respectifs ont forgés. Pourtant, au moment d'élaborer des lois, on ne reconnaît pas les compétences, ce qui entraîne des conflits.
    Alors, voici où nous en sommes: nous cherchons à faire des suggestions constructives sur la reconnaissance de la compétence des premières nations.
    Merci, monsieur le chef national.
    Monsieur Woodworth, vous avez la parole. Je tenais d'abord à obtenir ces précisions. Votre temps commence maintenant.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus. Comme vous pouvez le voir, les limites de temps imposées nous empêchent d'avoir une discussion vraiment satisfaisante sur certaines de ces questions très complexes.
    Je tiens à féliciter M. Atleo d'avoir été élu chef national. J'ai du mal à croire que cela fait déjà quelques mois. Je sais que la lutte a été chaude et, d'après ce que je viens d'entendre, je suis sûr que votre élection est bien méritée.
    J’ai trouvé intéressant le fait de reconnaître qu’on peut parfois être en désaccord avec une liste de recommandations. Cela me paraissait évident, et j'ai d'ailleurs été étonné d'entendre un des députés libéraux faire des observations plutôt scandaleuses et simplistes sur le fait que le ministre ne met pas systématiquement les opinions scientifiques sur un piédestal parce qu'elles sont réfutables.
    J'aimerais dire, surtout à M. McNeely, que j'ai pris note de vos observations selon lesquelles dans le contexte actuel, sans les outils nécessaires et sans l'éthique nécessaire, il faut parfois beaucoup de temps avant de tirer des conclusions sur les listes des espèces en péril. J'ai également pris note de votre autre observation, à savoir la variété des points de vue dans tout le pays, ce qui signifie que le fait de réunir seulement six membres au COSEPAC ne résout pas nécessairement le problème.
    Je suis d'accord avec vous, mais j'irais peut-être encore plus loin: une fois que le COSEPAC aura formulé une recommandation ou mené à bien une évaluation et qu'il consultera le ministre, on devra se poser plusieurs questions. L'évaluation identifie-t-elle correctement les espèces en péril? Comment trouver un terrain d'entente en cas de désaccord? Où se trouve l'habitat de l'espèce? Quelles sont les activités au sein de cet habitat? Quelles premières nations pourraient intervenir dans cet habitat et ces activités? Qu'en est-il des personnes non autochtones qui pourraient y participer? De quelles méthodes de protection devrait-on disposer et où peut-on trouver des mesures correctives?
    Je suis inquiet parce que l'une des questions dont nous sommes saisis au comité, c'est le délai approprié pour réaliser ces consultations. À mes yeux, il s'agit de consultations assez complexes qui doivent comporter une dimension socioéconomique.
    Je vous serais donc reconnaissant de nous faire part de votre point de vue — et je m'adresse particulièrement à M. McNeely puisque c'est lui qui a soulevé cette question. Supposons que nous sommes toujours dans la situation actuelle, c'est-à-dire que nous n'avons aucune éthique de réconciliation et aucun outil supplémentaire; si on me demandait de proposer un délai au ministre pour réaliser ces consultations, quelle serait la meilleure réponse que je pourrais donner du point de vue des premières nations, en gardant à l'esprit que nous devrions solliciter l'avis des premières nations durant ces consultations? D'après vous, combien de temps serait requis, avec les outils actuels, pour trouver des réponses à ces questions?
(1710)
    Un des outils dont nous disposons dans l'Atlantique, sous l'égide du ministère des Pêches et des Océans, c'est le Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques et la Stratégie des pêches autochtones. Ces deux programmes ont été mis en oeuvre à la suite de décisions des tribunaux, obligeant le MPO à travailler avec les collectivités autochtones pour appliquer les droits autochtones issus de traités au secteur des pêches.
    L'établissement d'une telle relation est fondamental pour la mise en oeuvre de la Loi sur les espèces en péril dans la région des Maritimes ou dans la région de l'Atlantique en général. Quand la LEP est entrée en vigueur, nous n'avons eu aucun mal à communiquer avec le ministère des Pêches et des Océans pour lui poser des questions comme: « Qu'est-ce qui s'en vient? Sur quoi devrions-nous axer nos consultations maintenant? » Nous connaissions ces gens. Nous avions déjà une relation avec eux, non seulement une relation de travail mais aussi des ententes financières et d'importants accords de contribution; nous nous sommes donc appuyés sur cette relation. Et la Loi sur les espèces en péril s'imbrique très bien dans le tout. Nous savons ce qui s'en vient bien avant que le COSEPAC ne déclenche son processus d'évaluation, et nous pouvons intégrer cette information dans le processus.
    Pour l'instant, en fait — j'étais en train de parler de l'analyse socioéconomique —, nous avons parlé avec le ministère des Pêches et des Océans de la possibilité que certains des représentants à Ottawa viennent chez nous pour élaborer un processus destiné à inclure les connaissances traditionnelles sur le plan social. C'est donc une bonne piste.
    Maintenant, pour ce qui est des terres, nous n'avons pas bénéficié d'une telle relation avec Environnement Canada, ce qui signifie que nous n'avons pas pu contribuer aux listes d'oiseaux, d'animaux ou de plantes. Mais, pour les poissons marins, oui.
    En êtes-vous arrivé à une conclusion quant à un délai raisonnable que je pourrais recommander, si on me demandait de faire une recommandation?
    D'après notre accord de collaboration, les délais actuels sont adéquats, à condition que nous ayons un engagement et une relation préalables, comme ce que nous avons le ministère des Pêches et des Océans.
    Et s'il n'y en a pas? Dans le cas des terres et des oiseaux, et compte tenu du fait que certaines espèces se déplacent partout au pays...
    Si on utilise la LEP et la consultation initiale comme point de départ, alors oui, il faudrait pas mal de temps avant de recueillir certains de ces points de vue et d'en faire une analyse pour chaque espèce.
    Monsieur Woodworth, votre temps est écoulé. Je sais que le temps passe vite quand on s'amuse.
    Madame Dhalla, on vous écoute.
    C'est la première fois que je rends visite au comité, alors je vais céder mon temps de parole à mes collègues. Ils ont travaillé très fort au nom de notre caucus et ils ont d'autres questions à poser à nos invités.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le président, avant d'aller plus loin, je tiens à préciser un point auquel j'ai fait allusion tout à l'heure dans l'intérêt de M. Woodworth. Nous devons reconnaître qu'il y a des divergences d'opinions scientifiques et que la prise de décision fondée sur des preuves scientifiques est de plus en plus importante pour la LEP et, de façon générale, pour l'environnement. Mais aux fins du compte rendu, je n'ai jamais entendu un ministre de l'Environnement, de n'importe quel pays, qualifier les preuves scientifiques d'« allégations ». C'est exactement ce que notre ministre de l'Environnement a dit à la Chambre.
    Permettez-moi de m'adresser au chef Atleo pour un instant. J'aimerais que vous nous aidiez à comprendre un point. Je vous mets peut-être dans une position difficile parce que, selon vous, le traité no 8 et les autres droits issus de traités, en général, empêchent l'application de la LEP aux territoires des premières nations, mais je veux comprendre comment vous envisagez la question de l'indemnisation.
    Jusqu'à présent, la loi est essentiellement muette là-dessus, sauf dans certains passages qui portent exclusivement sur des cas extraordinaires, comme l'entrave officielle au manque de terrains.... Pour ma part, je ne souscris pas au point de vue exprimé par de nombreuses personnes d'extrême-droite qui parlent d'inscrire les droits de propriété dans la Constitution, etc. Je crois tout simplement qu'une telle mentalité n'est pas au diapason des connaissances du XXIe siècle sur des questions comme les espèces en péril qui se déplacent et qui migrent.
    Comment entrevoyez-vous l'indemnisation? Par exemple — et je vous pose là une colle —, croyez-vous que, dans l'avenir, nous devrions fournir une indemnisation pécuniaire ou financière? Devrions-nous indemniser les personnes qui prennent différentes mesures pour protéger les espèces? Faut-il accorder une indemnisation aux terres autochtones ou aux territoires des premières nations en échange d'une bonne intendance qui est, après tout, une forme générale de capital naturel?
(1715)
    Personnellement, j'aimerais savoir ce que les aînés pensent de la question.
    Brièvement, je pense par exemple aux systèmes émergents d'échange de droits d'émission de carbone et à l'idée qu'il soit possible, dans un marché émergent, d'être récompensé parce qu'on a omis de couper un arbre. Il s'agit d'un concept intéressant qui commence tout juste à voir le jour. C'est une nouvelle discussion, mais ne vous y trompez pas, d'un point de vue personnel, ahousaht et nuu-chah-nulth, il s'agit d'une conversation au sujet de ce qu'on a perdu. Il n'y a pas de bisons dans nos territoires, mais il y a plein d'autres espèces auxquelles nous n'avons plus accès, et ce fait a de profondes répercussions économiques, sociales et sur la santé. Comment peut-on calculer la valeur de telles choses?
    J'aime partager l'histoire suivante: il y a environ 15 ans seulement, lorsque je suivais le programme de gestion des cadres de Stanford, le professeur a agité le doigt dans ma direction et a déclaré: « L'environnement et la justice sociale n'ont rien à voir avec l'économie de marché. » Cet incident s'est produit il n'y a pas si longtemps, dans une des plus grandes universités privées au monde; il semble donc que nous ne fassions que commencer à traiter des questions que nous abordons aujourd'hui.
    Le pays commence à reconnaître les peuples autochtones, mais les torts qu'on leur a causés sont indéniables; on s'est servi des pensionnats comme outil de destruction sous le couvert de l'éducation. Il est question ici de la nourriture et des médicaments des gens, ainsi que de la perturbation de l'équilibre fondamental. Est-il vraiment possible de compenser cela?
    D'abord, les arguments présentés ici touchent le rétablissement de l'équilibre entre les gens et l'environnement. Ensuite, il ne fait aucun doute que les premières nations veulent que justice soit rendue en ce qui a trait au territoire et à l'accès maintenant perdu, et qu'elles cherchent à concilier ce fait avec le régime de marché créé autour d'elles et imposé dans ses territoires. Nous avions auparavant un régime de marché qui fonctionnait, mais différemment.
    Je partage votre sentiment de frustration, chef Atleo, car je me souviens d'avoir débattu déjà très publiquement avec l'économiste en chef de l'Institut C.D. Howe. Il m'a demandé de prouver la valeur monétaire des milieux humides. Je lui ai dit en public que sa question était malhonnête sur le plan intellectuel, et qu'en sa qualité de spécialiste des sciences sociales et d'économiste, il devait me prouver qu'ils ne valent rien. Une fois qu'il aurait réussi, je l'écouterais. Bien sûr, il n'a pas su répondre.
    Dans le domaine de l'économie et des affaires, vous avez raison, le marché libre n'a pas trouvé le moyen de tenir compte du capital naturel, des services écologiques, de la valeur intrinsèque de l'ADN qui se trouve dans notre territoire et des quelque 70 000 espèces de notre pays. Nous ne savons même pas s'il y en a bien 70 000. Nous en étudions actuellement environ 7 700.
    J'essaie de mieux comprendre, grâce à votre sagesse et aussi peut-être à la sagacité de M. Marcel, ce que nous pouvons faire pour qu'on cesse de s'imaginer que toutes ces ressources peuvent être exploitées et constituent un capital illimité. Les espèces peuvent être mises en péril, elles peuvent disparaître, mais nous n'avons aucun moyen de faire des calculs relatifs à ces réalités. Nous n'assurons pas de suivi. Nous ne leur attribuons pas de valeur monétaire. Le PIB ne cesse d'augmenter, tandis que le capital naturel se fait rare.
    Comment peut-on résoudre ce problème? Je suis toujours d'avis que c'est là le défi qu'il faudra relever au cours du prochain siècle.
    Monsieur McGuinty, votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Marcel, vous pouvez répondre brièvement.
    Vous avez soulevé un point que les aînés et moi n'avons même pas encore abordé. Actuellement, nous travaillons plutôt à la préservation des habitats et des espèces. Ces questions sont au centre de nos préoccupations.
    J'ai fait une présentation il y a quelque temps, au cours de laquelle j'ai demandé: « Ces animaux peuvent-ils vraiment survivre ailleurs? » Vous parlez de compensation. Si vous détruisez le territoire, vous devez être en mesure d'en fournir un autre aux espèces en péril.
(1720)
    Monsieur Armstrong, la parole est à vous.
    Je remercie les témoins de leur présence. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos déclarations.
    Grand chef Atleo, on a déjà mené de nombreuses consultations avec les premières nations. Je pense que M. Calkins a expliqué bon nombre de leurs fonctions.
    Vous avez parlé d'un organisme consultatif autochtone qui conseillerait le ministre. Comment collaborez-vous au sein de votre organisation pour veiller à ce que tous les enjeux relatifs aux premières nations soient pris en considération? Un modèle de concertation semblable à celui que vous employez partout au pays pourrait-il être utilisé pour traiter de la Loi sur les espèces en péril?
    D'abord, je pense qu'il est important de placer la question dans le bon contexte. Lorsque j'étais chef régional de la Colombie-Britannique, on nous demandait toujours: « Comment consultez-vous les 203 premières nations? » Les dirigeants répondaient que ce n'est pas eux qui ont créé le système des 203 nations; il a été imposé par les gouvernements externes. Maintenant, les gouvernements nous disent qu'il est vraiment difficile de nous consulter. Comme on l'a dit plus tôt, la situation est compliquée.
    Il est question d'écosystèmes ainsi que d'enjeux relatifs aux listes des espèces protégées et à la protection des habitats qui sont compliqués. Nous parlons de pouvoir profiter des connaissances des personnes les plus proches de la terre et des territoires, des personnes qui, globalement, ont été exclues.
    L'Assemblée des Premières Nations a été créée il y a plus de 25 ans, partiellement en réponse à une approche en place depuis la proclamation royale. Plutôt que de travailler avec les premières nations comme s'il s'agissait de nations — les plus de 50 nations mentionnées plus tôt —, faites comme si elles étaient des collectivités individuelles. C'est plus facile de les séparer. Nous traitons des conséquences de cette approche historique, dont vous et moi avons hérité.
    Lorsque nous parlons de la manière dont nous allons régler les difficultés relatives aux listes, à la mise en application de la Loi sur les espèces en péril et au sens des consultations, il est vraiment question de... Comme je le dis depuis le début, nous comptons parmi nous un aîné qui représente le gouvernement de sa première nation. Selon le traité, les titres et les droits, il incombe au gouvernement fédéral et à ses provinces et territoires de collaborer avec les gouvernements des premières nations.
    L'Assemblée des Premières Nations est un organisme de défense. Comme vous l'avez sûrement compris, je ne suis pas le chef du gouvernement des premières nations. Mon rôle ressemble plutôt à celui du secrétaire général de l'ONU ou à celui d'un défenseur, de quelqu'un qui a été nommé par de nombreux chefs d'État ou de gouvernement.
    Au sujet du fait que les comités nationaux, où la nomination relève uniquement du ministre, ne tiennent pas ou ne peuvent pas tenir compte de la complexité, je pense que l'argument a déjà été exprimé clairement. C'est la réalité. Pour travailler efficacement, pour mettre en vigueur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones... En anglais, on n'utilise pas le terme « autochtone », on parle des « peuples indigènes », et je pense que nous entrons dans l'ère de la reconnaissance des peuples.
    Nous nous tournons vers des comités comme celui-ci, vers des lois comme celle-là, pour appuyer la reconstruction, si l'on veut, des nations, et pour soutenir la relation entre les peuples autochtones, les nations et le gouvernement fédéral. Nous pouvons combiner ces mesures à la brillante idée visant à instaurer une gestion locale, intégrée et améliorée des systèmes. La création d'une approche autoritaire est loin d'être satisfaisante, et ce, non seulement pour les peuples autochtones; je pense que les gens qui travaillent à la gestion des pêches veulent aussi participer. Il est impossible pour les gens d'Ottawa ou pour les petits groupes, comme le CANEP, qui prennent les décisions de connaître chacun des détails de toutes les situations.
    Selon moi, il est temps de laisser tomber l'idée qu'il soit possible de créer un seul petit organisme facile à gérer qui donnera les résultats escomptés. Je pense que nous sommes très loin d'exploiter tout le potentiel du pays. Sur ce plan, nous ne voyons pas loin.
    Même si elle est liée à la structure de bande prévue par la Loi sur les Indiens — je suis moi-même chef héréditaire —, l'Assemblée des Premières Nations représente une communauté très diverse. Pour que nous aidions à mettre au point des méthodes de consultation appropriées qui fassent appel aux autorités gouvernementales des premières nations, nous avons besoin d'appui et de reconnaissance.
(1725)
    Merci.
    Monsieur Armstrong, votre temps de parole est écoulé, et la séance tire à sa fin.
    Monsieur Watson, les cinq dernières minutes sont à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins de leur présence.
    J'ai une brève question, puis j'aimerais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue, M. Calkins.
    Si je comprends bien, certains demandent que le gouvernement consulte davantage les peuples autochtones au cours du processus. Pourtant, d'autres témoins nous ont fait reproche des délais beaucoup trop longs pour protéger les espèces. J'ai un peu de difficulté à concilier les deux points de vue. On demande de mener davantage de consultations, ce qui voudrait dire qu'il faudrait encore plus de temps, et pourtant, certains jugent que le processus est déjà trop long.
    Comment satisfaire les deux côtés? Pouvez-vous nous proposer une solution?
    En 1997, la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé la reconstitution des nations originales de notre pays dans le but de leur permettre de jouer un rôle important dans tous les aspects de leur gouvernance. Si le processus de consultation est aussi long en ce moment, c'est car, comme le chef national l'a dit, il existe tellement d'organismes différents. Qui doit-on consulter et de qui relève telle ou telle question?
    Il faut mener une discussion à l'échelle nationale, mais nous avons encore une loi absurde, la Loi sur les Indiens, que nous réparons toujours aujourd'hui. L'affaire McIvor, en Colombie-Britannique, est maintenant réglée. Le gouvernement fédéral doit appliquer encore une fois une solution temporaire à la loi. C'est toute cette relation qu'il faut remanier.
    Monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux ou trois questions. Je ne sais pas combien de temps il nous restera, mais je vais juste faire la proposition suivante au grand chef.
    Je ne constate rien nulle part qui vous empêche de recommander aux diverses nations du pays d'établir un groupe de représentants qui travaillerait à titre de comité national à l'extérieur du cadre de toute loi fédérale et que le CANEP pourrait consulter directement. Il s'agit là d'une mesure que vous pourriez prendre sans avoir à modifier la loi fédérale sur la question. Je vous propose d'y penser.
    Aussi, monsieur Marcel, je vous remercie de nous avoir fait part de vos observations et de vos préoccupations au sujet du caribou des bois et du bison, mais à ce que je sache, d'après ce que des professeurs comme David Schindler m'ont appris quand j'étudiais à l'université, depuis l'introduction du bison des plaines dans le parc national Wood Buffalo en 1925, je crois, la population de bisons est génétiquement diluée et formée d'un mélange de bisons des plaines et de bisons des bois. On s'inquiète là-bas que la tuberculose et la maladie du charbon sévissent au sein de la population; de très petits groupes de bisons des bois purs semblent grossir, comme celui de Hay-Zama, et il faut les protéger et les empêcher d'entrer en contact avec les autres afin de mettre un terme à la dilution du fonds génétique précieux du bison des bois.
    Je ne suis pas certain de comprendre la nature de vos préoccupations. La province de l'Alberta organise des chasses spéciales dans le but de freiner l'expansion continue de la population de bisons, et il me semble que votre témoignage aille directement à l'encontre de ce fait. Qui a raison dans ce cas-ci?
    Le problème, selon nous, c'est que la province de l'Alberta refuse de protéger les bisons qui se trouvent à l'extérieur des parcs. Le bison a été déclaré menacé en Alberta. Il n'est pas menacé seulement par la chasse, mais aussi par la construction. On détruit leur habitat.
    La harde de bisons dont je parle est là depuis aussi longtemps que je me souvienne. Ma grand-mère en parlait, ce qui veut dire qu'il y a au moins 200 ans que mon peuple, même dans mon temps, se sert de ces animaux.
    Si l'on commence à détruire une espèce menacée, les seuls bisons qui resteront en Alberta sont ceux qui vivent à l'intérieur des parcs nationaux, et dans le plus grand d'entre eux, le parc national Wood Buffalo, ils sont malades. Vous pouvez effectuer 50 tests de dépistage, les résultats pour chaque animal seront positifs. Or, lorsque l'on procède à l'opération et tout, on découvre que pas un seul d'entre eux n'est vraiment malade. Le seul fait qu'ils soient en contact les uns avec les autres a pour résultat que la maladie se répande et que les résultats soient positifs. Si la harde est aussi malade, vous savez... Elle compte maintenant 5 000 bisons et elle grandit chaque année.
    Il faut faire quelque chose au moins pour que l'Alberta comprenne que les bisons sauvages de la province sont une espèce menacée. Il faut prendre des mesures pour les protéger.
(1730)
    Merci.
    Notre temps est écoulé.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence. Nous vous sommes très reconnaissants de vos déclarations détaillées, de vos recommandations, ainsi que, bien sûr, de vos témoignages informés et de vos échanges avec le comité.
    Merci beaucoup, chef national Atleo, et merci à vous, messieurs Marcel et McNeely.
    M. Ouellet propose que nous levions la séance.
    La séance est levée.
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