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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 022 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour. Je déclare ouverte la 22e séance du Comité permanent des finances. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la sécurité du revenu de retraite des Canadiens et Canadiennes.
    Quatre témoins se sont joints à nous aujourd'hui.

[Français]

    Nous entendrons d'abord M. Daniel Béland, qui assume la chaire de recherche du Canada en politiques publiques à la Johnson-Shoyama Graduate School of Public Policy de l'Université de Saskatchewan.

[Traduction]

    Mme Arlene Borenstein est aussi parmi nous. Elle représente le groupe Rights For Nortel Disabled Employees.
    M. Keith Ambachtsheer, directeur du Rotman International Centre for Pension Management, participera à la réunion par vidéoconférence.
    Un autre témoin nous parlera de Paris: M. Edward Whitehouse, chef de l'analyse des politiques de pensions de la Division des politiques sociales, de l'Organisation de coopération et de développement économiques.
    Je vous remercie de votre participation aujourd'hui. Nous écouterons les témoignages dans l'ordre où j'ai fait les présentations. Vous avez chacun 10 minutes pour votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Monsieur  Béland, vous avez la parole.
    Au Canada, comme dans d'autres pays, les pensions de retraite exigent des engagements à long terme de la part des employeurs et des gouvernements. Notre système public de pension possède des qualités évidentes, comme la capacité de lutter efficacement contre la pauvreté, du moins si on le compare aux systèmes en vigueur dans d'autres pays. Toutefois, nombreux sont les Canadiens qui s'inquiètent de l'avenir de la sécurité de la vieillesse. Compte tenu de phénomènes comme le vieillissement de la population, la crise financière de 2008 et le déclin des régimes de retraite privés à prestations déterminées, leurs préoccupations sont légitimes. La réforme des pensions est une entreprise difficile, car elle concerne des règles complexes et suppose des compromis politiques ainsi que, dans le cas du Régime de pensions du Canada, des discussions entre Ottawa et les provinces.

[Traduction]

    Le rôle des provinces dans la sécurité de la retraite n'est qu'une des caractéristiques particulières du système de pension canadien. Par exemple, notre système de pension repose sur l'interaction entre différents paliers de régimes publics et privés.
    En ce qui concerne les pensions publiques, le Canada verse une modeste pension fixe, la SV, qui fonctionne en tandem avec le RPC et le RRQ, et pour les personnes à faible revenu, avec le SRG. Si l'on compare les programmes de pension publics, on constate que, à l'évidence, le régime canadien offre des taux de remplacement relativement modestes. Pour le RPC, le taux de remplacement n'est que de 25 p. 100 des gains assurés. Ces faibles taux de remplacement s'expliquent par notre dépendance face à l'épargne individuelle et aux régimes de pension privés, qui sont considérés comme des sources complémentaires de revenu de retraite pour les travailleurs. La décision de compter, dans une large mesure, sur les régimes privés de pension et les économies personnelles s'est prise au milieu des années 1960, lorsque le RPC et le RRQ ont été adoptés. Cependant, il est intéressant de noter que le RPC et le RRQ ont été créés précisément après que les experts et les décideurs se soient rendu compte que la SV et les régimes de retraite privés ne peuvent garantir une réelle sécurité financière à la grande majorité des retraités canadiens. À ce titre, le RPC et le RRQ ont été conçus, en grande partie, pour compenser les carences des régimes privés et l'insuffisance des économies personnelles.
    Créé en 1967, le SRG se voulait une mesure temporaire, qui est devenue permanente afin de garantir un soutien financier continu aux personnes âgées à faible revenu. Il est évident que le SRG, lorsqu'il est jumelé aux autres éléments du système public de pension, est un programme efficace pour combattre la pauvreté chez les aînés, un domaine où s'est distingué le Canada par rapport à plusieurs autres pays. En effet, pour contrer la pauvreté chez les personnes âgées, le Canada réussit aussi bien que la Suède, un pays social-démocrate, et beaucoup mieux que le Royaume-Uni et les États-Unis, notamment. Par exemple, deux universitaires américains ont, en utilisant une définition standard de la pauvreté, montré que le taux de pauvreté chez les aînés est nettement plus bas au Canada qu'aux États-Unis, ce qui s'explique en partie par le succès du SRG. Néanmoins, malgré les extraordinaires améliorations réalisées depuis 40 ans — d'après la Luxembourg income study, le taux de pauvreté chez les personnes âgées a chuté, passant de 36,9 p. 100 en 1971 à 6,3 p. 100 en 2004 —, la pauvreté chez les aînés au Canada s'est accrue entre le milieu des années 1990 et le milieu de la décennie actuelle. Accroître le SRG contribuerait à réduire encore plus la pauvreté chez les aînés au pays.

[Français]

    Malgré l'importance de la lutte contre la pauvreté, les régimes de pension modernes font plus que réduire la pauvreté, car l'un de leurs principaux objectifs consiste à remplacer le revenu. En effet, habituellement, lorsqu'un travailleur prend sa retraite, il ne veut pas simplement éviter la pauvreté; il veut maintenir le niveau de vie qu'il a atteint pendant sa vie active. C'est une remarque importante.
    Au Canada, le RPC et le RRQ, soit le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, sont des composantes particulièrement cruciales du système public de pension. Avec le déclin des régimes privés de pension à prestations déterminées et la lente érosion de la couverture des régimes privés en général — la participation des travailleurs a diminué, pour passer de 46 p. 100 à 38 p. 100 entre 1977 et 2008 — le RPC et le RRQ sont plus que jamais indispensables. C'est en partie pour cette raison que plusieurs experts et décideurs font valoir I'importance d'améliorer la protection du revenu offerte par ces régimes de prestations liées au revenu, soit le RPC et le RRQ.
    De plus, tous les efforts visant à améliorer la protection offerte doivent prendre en considération les défis financiers, démographiques et économiques et, en particulier, la nécessité de maintenir la viabilité financière du RPC et du RRQ.

[Traduction]

    Depuis le début de ma présentation, je parle du RPC et du RRQ indistinctement, comme s'ils formaient un seul programme, ce qui n'est évidemment pas le cas, car le RRQ, un programme provincial, relève du gouvernement du Québec. Néanmoins, bien qu'ils soient différents, le RPC et le RRQ sont très semblables, pour ce qui est de leur conception. Dès le départ, on a voulu que ces programmes se ressemblent beaucoup ou soient même identiques.
    Le gouvernement du Québec a mis en place son propre régime pour alimenter la Caisse de dépôt et placement, et investir une partie des fonds versés pour les retraites dans l'économie de la province. Le but n'était pas d'avoir des prestations différentes ou un taux de cotisation différent au Québec. Le régime a été créé pour des raisons macro-économiques, et non pour des objectifs de politique sociale dans le sens étroit du terme. Il est donc important de comprendre ici que dès le départ, le RRQ et le RPC ont été conçus pour être fondamentalement semblables sur le plan des avantages de la politique sociale.
    À l'heure actuelle, si on regarde les prestations de retraite, les deux programmes ont le même taux de cotisation et le même taux de remplacement. En fait, comme l'a expliqué Edward Tamagno, entre autres, maintenir le parallélisme entre le RPC et le RRQ est un objectif capital depuis leur création dans les années 1960. C'est en partie pour cette raison qu'on doit garder à l'esprit qu'une réforme majeure du RPC est impossible, improbable ou problématique sans la participation du Québec, car il faut maintenir une bonne coordination des politiques du RPC et du RRQ.
    De plus, chaque province a un rôle à jouer dans la réforme du RPC, car tout changement apporté au RPC doit avoir reçu l'approbation d'au moins les deux tiers des provinces, qui représentent au moins deux tiers de la population canadienne. La réforme du RPC est donc un processus complexe, non seulement à cause de la nature délicate des questions et des compromis qui entrent en jeu, mais aussi à cause des consultations fédérales-provinciales qu'elle implique.
    Mais, comme l'a démontré la réforme du RPC de 1997, qui a été suivie d'une réforme similaire au Québec, lorsque les décideurs fédéraux et provinciaux s'entendent sur la nécessité de la réforme, il est possible d'apporter des changements importants au RPC et au RRQ, comme la hausse des cotisations, même s'ils sont susceptibles de provoquer la controverse.
(1540)

[Français]

    Récemment, on a beaucoup parlé de la réforme du RPC et du RRQ. Il est donc important d'examiner les principes sur lesquels pourraient se fonder les futures réformes.
     Premièrement, en raison des problèmes auxquels sont confrontés les régimes de pension privés et de l'insécurité, légitime, vécue par plusieurs Canadiens, il est nécessaire de mettre au premier rang du projet de réforme du RPC l'accroissement de la sécurité économique des retraités. Le RPC et le RRQ sont des outils indispensables pour améliorer la sécurité financière des retraités. Avec des prestations plus élevées, on améliorerait considérablement la situation, surtout lorsqu'il s'agit du maintien du revenu, qui, comme la réduction de la pauvreté, est un objectif important.
    Deuxièmement, il est important de garder à l'esprit l'importance d'assurer la viabilité financière à long terme du RPC et du RRQ. Même si le RPC est financièrement viable dans un avenir prévisible, ce n'est pas le cas du RRQ, qui fera face à des difficultés financières significatives à compter des années 2040, peut-être même plus tôt.
     Au Québec, des discussions sur l'avenir du RRQ ont cours depuis quelques années. Il sera essentiel d'en tenir compte lorsque viendra le temps d'examiner une possible réforme du RPC, pour les raisons évoquées plus tôt. Il est important de maintenir la coordination, de prendre en considération les questions de mobilité de la main-d'oeuvre et d'intégration économique, notamment. On aurait pu, dès le départ, penser à établir des programmes coordonnés. Il faut maintenant faire des efforts pour maintenir le degré de coordination entre les deux programmes.

[Traduction]

    En vue d'améliorer la sécurité économique des retraités, on doit penser à hausser le taux de cotisation combiné du RPC et du RRQ, car cela aidera à élever le taux de remplacement de ces programmes. C'est une question importante. Beaucoup de propositions sont sur la table, et nous devrions examiner ce qui est proposé par exemple par le Congrès du travail du Canada, qui préconise une forte augmentation du taux de remplacement.
    Nous pourrions aussi prendre en considération des propositions plus modestes. Puisque, au Québec, la hausse des cotisations au RRQ fait déjà l'objet de discussions, on pourrait profiter de l'occasion pour s'entendre sur un nouveau taux, plus élevé, autant pour le RPC que pour le RRQ. Ce changement permettrait d'augmenter le montant des prestations de retraite de l'ensemble des Canadiens, et de faire face aux difficultés financières futures du RRQ.
    Il y a donc deux aspects à considérer ici. Un débat est en cours au Québec sur la durabilité à long terme du RRQ du point de vue financier, et à l'échelle du pays, il y a un débat sur l'augmentation des prestations.
    Nous pourrions aussi envisager une hausse du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, qui se situe actuellement au niveau du salaire moyen, soit environ 47 000 $. Comparativement à ce qui se fait à l'étranger, c'est très peu. Le maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension est beaucoup plus élevé dans d'autres pays. Par exemple, aux États-Unis, il dépasse largement les 100 000 $.
    Il est important de comprendre que si on augmente ce montant maximum, nous pourrons augmenter la pension maximale du RPC, et peut-être du RRQ, si le même changement est apporté au Québec. Ce serait bénéfique pour les gens de la classe moyenne qui n'épargnent pas assez pour leur retraite, comme ce serait aussi le cas de bien des gens qui ont un revenu supérieur. Il faudrait donc également envisager la possibilité d'augmenter le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension.
    Je vous remercie.
(1545)
    Merci beaucoup pour votre exposé.
    Nous écouterons maintenant le témoin qui se trouve à Toronto.
    Monsieur Ambachtsheer, m'entendez-vous? Est-ce que vous nous voyez bien?
    Oui, nous vous entendons très bien.
    Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
    Merci de m'avoir invité.
    Le cycle de réforme du système de pension du Canada semble durer environ 15 ans. Nous avons créé le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec en 1965. Quinze ans plus tard, nous avons examiné les régimes complémentaires de retraite, les régimes de pension d'employeur et les REER, et nous avons élaboré un cadre législatif pour ces régimes. En 1995, soit après une autre période de 15 ans, nous avons procédé à une réforme du RPC et du RRQ afin d'en assurer la durabilité. Si on calcule 15 années de plus, on arrive à aujourd'hui.
    Pour être exact, ce qui retient notre attention aujourd'hui dans le dossier de la réforme des pensions n'est pas tellement le volet public du système, que nous avons créé et dont nous avons assuré la durabilité il y a 15 ans, mais il s'agit plutôt des régimes complémentaires aux régimes publics, soit les régimes de pension d'employeur et les régimes de retraite privés généralement appelés REER.
    Nous menons des recherches sur ces questions depuis cinq ans. Beaucoup de recherches utiles ont été réalisées, et nous en savons beaucoup plus sur ces questions qu'il y a cinq ans. On pourrait dresser une longue liste des choses que nous avons apprises, mais la mienne n'en contient que deux: premièrement, nous avons découvert un problème lié à la portée et aux coûts des régimes; deuxièmement, nous avons découvert un problème de durabilité des régimes de pension à prestations déterminées.
    Voici quelques faits qui vont vous permettre de situer ces deux problèmes dans le tableau général: la population active du Canada se chiffre à environ 18 millions de personnes; de ce nombre, 8 millions sont des travailleurs à faible revenu, c'est-à-dire qu'ils gagnent 30 000 $ ou moins, pour diverses raisons, notamment parce que certains travaillent à temps partiel. D'autres occupent réellement des emplois à faible revenu. Comme l'a fait remarquer l'intervenant précédent, notre système public de pension offre des taux élevés de remplacement du revenu pour les travailleurs à faible revenu. Je crois que la réforme actuelle est axée sur les travailleurs canadiens à revenu moyen ou élevé, à juste titre d'ailleurs, et elle vise à examiner sérieusement dans quelle mesure le système actuel convient à leur situation. Ça concerne environ 10 millions de travailleurs.
    Fait intéressant, dans cette catégorie précise de la population active, environ la moitié des travailleurs participent à un régime de pension d'employeur. Il y a donc cinq millions de travailleurs qui bénéficient d'un régime complémentaire de retraite et cinq millions qui n'en ont pas.
    Évidemment, les deux questions entourant la durabilité des régimes à prestations déterminées concernent les travailleurs qui participent à un tel régime. Quant à l'autre moitié des travailleurs, la question n'est pas tant de déterminer la durabilité que de savoir si ces travailleurs devraient bénéficier d'un quelconque régime de pension. Une autre question en découle: si nous leur demandons d'épargner par eux-mêmes en contribuant à des REER, est-ce une solution économiquement avantageuse dans la mesure où nous voulons les aider à accumuler un fonds de pension adéquat pour maintenir leur niveau de vie à la retraite?
    Je vais vous donner un bref aperçu de ce que nous avons appris au sujet de ces deux problèmes. Pour ce qui est de la durabilité des régimes à prestations déterminées, l'histoire nous apprend que ces pensions offertes par l'employeur étaient à l'origine des gratifications. Au fil des ans, elles ont évoluées et ont fini par prendre la forme de contrats financiers. Quand ces régimes sont devenus des contrats financiers, nous n'avons pas su nous ajuster relativement à la prévision des coûts de ces contrats et des fonds nécessaires pour en assurer le respect lorsqu'ils viendraient à échéance.
    Voilà essentiellement le problème avec les régimes à prestations déterminées. Pour le régler, il faut à mon avis se tourner vers la solution adoptée il y a près de 10 ans par les Néerlandais, qui sont les chefs de file mondiaux en matière de pensions. Ils ont commencé à considérer les obligations des régimes de pension à prestations déterminées au même titre que celles des compagnies d'assurance et des banques. Grosso modo, cela veut dire que si vous prenez un engagement financier, vous devez le respecter.
    Le respect de ces engagements financiers est assuré par l'établissement de règlements sur les besoins en capital, qui garantissent une provision suffisante pour satisfaire aux engagements. Les Néerlandais ont adopté ces mesures il y a près de 10 ans, et elles ont considérablement accru la durabilité des régimes à prestations déterminées en les rendant plus souples et adaptables à l'évolution des conditions au fil du temps.
(1550)
    Nous sommes aux prises avec des régimes à prestations déterminées qui ne sont pas assez souples pour s'adapter aux changements, et nous devons modifier nos règlements afin d'accroître leur flexibilité et par le fait même leur durabilité. Je serai heureux de discuter davantage de cette question si vous le désirez.
    Je vais maintenant passer à l'autre problème, celui de la portée et des coûts des régimes, qui touche les cinq millions de travailleurs qui ne participent pas à un régime de pension d'employeur. En effet, ce que nous disons à ces travailleurs, c'est de se débrouiller par eux-mêmes. Il est vrai que nous avons mis en place des règlements fédéraux permettant le report de l'impôt, ce qui incite les gens à placer une partie de leurs revenus dans un régime de retraite enregistré afin de payer l'impôt sur ces montants au moment où ils les retireront à la retraite.
    Nous avons donc prévu des dispositions à cet effet, mais nous n'avons pas prévu grand-chose du point de vue de la politique publique, c'est-à-dire relativement aux montants que ces gens devraient épargner, aux types de placements qu'ils devraient choisir et aux coûts possibles de l'établissement de leur propre programme d'épargne-retraite.
    Nous avons découvert qu'il est très difficile pour un travailleur canadien moyen qui ne dispose pas de régime de pension de calculer combien il doit épargner pour conserver un niveau de vie acceptable à la retraite, en tenant compte du fait que cette épargne s'ajoutera aux prestations des régimes publics. Les gens ont donc beaucoup de difficulté à s'y retrouver en matière d'épargne et de placements, notamment parce qu'ils possèdent généralement peu de connaissances en placements, et parce qu'à cela s'ajoutent d'autres questions. Par exemple, si l'argent est placé dans des fonds communs de placement vendus au détail — et c'est le cas d'une bonne partie des fonds de retraite —, je crois que la plupart d'entre vous sont au courant que les frais à payer pour ces véhicules de placement peuvent facilement atteindre 2 p. 100 par année ou même davantage. Il est donc assez évident que si vous payez des frais de 2 p. 100 par année pour un rendement brut de peut-être 4, 5 ou 6 p. 100, vous pourrez difficilement atteindre un taux acceptable de remplacement du revenu avec un niveau d'épargne raisonnable sur une période de 30 à 40 ans.
    Voilà donc les problèmes auxquels ces personnes font face. Il faut donc se demander si la situation est acceptable ou si cette question d'intérêt public revêt suffisamment d'importance pour qu'on envisage des moyens d'aider ces personnes afin qu'elles obtiennent, à un coût raisonnable, un taux acceptable de remplacement de leur revenu à la retraite.
    Deux solutions ont été proposées pour résoudre ce problème.
    La première, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, consiste simplement à élargir le Régime de pensions du Canada afin qu'il s'étende à des tranches de revenu plus élevées, par exemple, et peut-être à augmenter le taux de prestations. C'est une solution intéressante. Mais elle comporte aussi des faiblesses: est-ce qu'elle convient à tout le monde? Voulons-nous vraiment répandre le concept de l'épargne-retraite obligatoire et priver les gens de la liberté de choisir? Voilà donc le pour et le contre de l'expansion du RPC et du RRQ.
    L'autre solution qui a été proposée consiste à permettre la création de comptes d'épargne-retraite personnels, mais d'une façon qui rendrait l'épargne plus systématique, qui régulariserait les méthodes d'épargne, qui aiderait les gens à élaborer leur propre programme de placement sans pour autant qu'ils aient à devenir experts en la matière, et qui les aiderait aussi, au moment de leur retraite, à planifier le retrait progressif de leur épargne de manière à pouvoir en profiter jusqu'à la fin de leurs jours.
    Devrions-nous aider les gens en créant des structures qui pourraient combiner des services du secteur privé et de nouveaux règlements concernant la forme que ces programmes devraient avoir, et en particulier leur coût? Voilà les questions que nous nous posons, que nous débattons et sur lesquelles il nous faut maintenant parvenir à une décision.
(1555)
    Comme vous le savez tous, la prochaine réunion des ministres des finances au sujet de la réforme des pensions se tiendra à l'Île-du-Prince-Édouard à la mi-juillet, et j'estime qu'il est maintenant temps de cesser de discuter et de débattre de ces options. Il faut prendre des décisions et passer à l'action.
    Merci beaucoup.
    Merci pour cet exposé.
    Nous nous déplaçons maintenant à Paris.
    Monsieur Whitehouse, je suis James Rajotte, le président du comité. Merci d'être des nôtres aujourd'hui. Vous avez 10 minutes pour présenter une déclaration préliminaire.
    M. Ted Menzies, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, m'a demandé d'examiner le régime de pension canadien. J'ai été très heureux de découvrir un régime de pension que je décrirais comme très performant. Beaucoup de choses très positives se dégageaient du régime de pension canadien. En règle générale, lorsque j'étudie un pays de façon détaillée pour la première fois, je tends à constater beaucoup d'éléments négatifs.
    Je commencerai en parlant de trois aspects du régime canadien qui fonctionnent très bien et dont certains autres intervenants ont parlé.
    Selon moi, le premier de ces aspects est le caractère adéquat du régime. Des 30 pays membres de l'OCDE, le Canada affiche le quatrième plus faible taux de pauvreté parmi la population plus âgée; selon notre définition type de la pauvreté, ce taux et d'environ 4 p. 100, comparativement à une moyenne de plus de 13 p. 100 pour les 30 pays de l'OCDE.
    Pour ce qui est des revenus de vieillesse de tous les pensionnés, nous constatons que ces revenus sont élevés au Canada par rapport à l'ensemble de la population. Ces revenus sont d'environ 91 p. 100 par rapport à la moyenne, compte tenu des rajustements apportés pour pallier les différences au niveau de la taille des ménages. Ce pourcentage se compare très favorablement à la moyenne de l'OCDE qui se situe à 82 p. 100.
    Comme l'ont dit d'autres intervenants avant moi, la pension de base, les prestations de sécurité de la vieillesse et le régime fondé sur les revenus, le supplément de revenu garanti, semblent être des éléments qui offriront un filet de sécurité très efficace dans l'avenir.
    Je crois que personne n'a jusqu'ici parlé du fait que les dispositions d'exclusion du RPC/RRQ offrent également un filet de sécurité très efficace aux personnes dont la carrière est ponctuée de périodes d'arrêt.
    Ainsi, le régime de pension canadien semble être de caractère adéquat. Il a bonne allure également du point de vue de la pérennité financière. À l'heure actuelle, les dépenses relatives à la pension au Canada représentent environ 4,5 p. 100 du PIB. Ce pourcentage est d'environ 8 p. 100 en moyenne dans les pays membres de l'OCDE et d'environ 9 p. 100 du côté de l'Union européenne.
    Si nous nous tournons vers l'avenir — et j'ai passé beaucoup de temps à examiner les prévisions avec le Bureau de l'actuaire en chef du Canada —, les dépenses du Canada relatives à la pension augmenteront bien entendu au fur et à mesure que vieillira la population, et passeront d'environ 4,5 p. 100 du PIB à 6,2 p. 100 d'ici 2060. Toutefois, l'augmentation est beaucoup plus rapide dans d'autres pays. L'UE verra ce taux passer de 9 à 13 p. 100 environ de son PIB. Par conséquent, le Canada n'est pas aux prises avec les mêmes problèmes de pérennité financière que de nombreux autres pays membres de l'OCDE, tout particulièrement en Europe et en Asie orientale, c'est-à-dire au Japon et en Corée, où les populations vieillissent le plus rapidement.
    J'estime que le dernier aspect positif du régime de pension canadien est celui de la diversification des pensions. Tous ces différents régimes sont assujettis à différents niveaux de risque et d'incertitude. Les gens ont à composer avec différents risques et différentes incertitudes dans leur vie de tous les jours: les pertes d'emplois, les salaires constamment bas, les divorces et ainsi de suite. Nous sommes d'avis que l'équilibre qui caractérise le régime canadien de pension, qui se compose d'un volet public et d'un volet privé, constitue la meilleure façon de mettre les gens à l'abri des différents types de risques et d'incertitudes étant donné qu'il permet, d'une part, de mettre dès aujourd'hui de l'argent de côté en prévision de la retraite tout en offrant, d'autre part, la liberté aux gens de cotiser à tout moment et d'en retirer certains avantages immédiats.
    Les éléments dont je viens de parler sont ceux que nous considérons comme les aspects positifs du régime canadien.
    Je passerai maintenant à la rubrique diagnostic. Je parlerai de trois points qui concernent les enjeux propres au régime.
    Quelqu'un a posé une question à propos de la portée du régime de pension. Comme je l'ai dit, le régime public de pension, par l'entremise des prestations de sécurité de la vieillesse, du SRG et également grâce aux dispositions d'exclusion du RPC/RRQ, offre une portée globale très intéressante.
    Le plus gros problème réside du côté des régimes privés. Toutefois, le Canada n'est pas seul à vivre ce problème. Si nous comparons la portée des régimes privés en nous fondant sur l'âge, par exemple, les mêmes tendances se dégagent au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis, en ce sens que moins de jeunes que de vieux travailleurs adhèrent à ces régimes. En outre, en effectuant la comparaison en fonction des revenus, il y a beaucoup moins de gens à faible revenu qui cotisent à ces régimes que de gens qui gagnent un revenu important.
(1600)
    À l'heure actuelle, au Canada et dans d'autres pays dotés de régimes de pension grandement redistribués, nous pouvons nous fier sur le régime public pour voir aux besoins des gens à plus faible revenu pour la retraite. Toutefois, le groupe des personnes à faible et à moyen revenu pose problème, en ce sens que la portée des régimes de retraite privés est limitée sans toutefois que le régime public ne vienne compenser efficacement le manque à gagner.
    Nous avons examiné la question soulevée par Keith Ambachtsheer à savoir combien il faut cotiser pour recevoir une pension. Nous avons utilisé un revenu cible de retraite correspondant à la moyenne établie pour les pays de l'OCDE. En fait, les chiffres se sont révélés assez bas. La situation ressemble à ceci: si vous cotisez chaque année à partir de l'âge de 20 ans jusqu'à l'âge de 65 ans, vous n'avez qu'à cotiser environ 4 ou 5 p. 100 de votre revenu à un régime privé de retraite au Canada pour atteindre la moyenne de l'OCDE. Le problème, c'est que la plupart des gens sautent des années. Souvent, en début de carrière, ils retardent l'adhésion à un régime privé tandis qu'ils ont d'autres dépenses, alors qu'en fin de carrière, ils souhaitent prendre tôt leur retraite mais, bien entendu, en raison des années manquantes dont je viens de parler, le taux de cotisation s'est rapidement accru pour atteindre les 8 ou 9 p. 100 environ.
    Les données portent à croire que de nombreux cotisants, tout particulièrement ceux qui cotisent à des REER, y versent une part relativement faible de leur revenu.
    Le deuxième problème de diagnostic se situe au niveau du marché du travail. L'âge où les gens quittent le marché du travail au Canada se situe quelque peu en deça de la moyenne de l'OCDE. Ces chiffres m'ont beaucoup étonnés. En moyenne, les hommes quittent le marché du travail vers 63 ans et les femmes, vers 62 ans. Cette situation est fort semblable à celle du Royaume-Uni, mais les âges moyens que je viens de citer sont inférieurs à ceux observés en Australie, en Irlande, aux États-Unis, au Japon et en Suède, parmi les pays sur lesquels nous nous sommes penchés en détail.
    J'aimerais également réitérer un point dont il a été question tout à l'heure quant à la moyenne des frais. Les gens s'inquiètent de payer des frais relativement élevés au Canada. Si vous faites les calculs, des frais annuels de 1 p. 100 sur l'actif signifie qu'un peu plus de 20 p. 100 de vos cotisations servent à éponger les frais. Si ces frais sont de 2 p. 100, cela signifie que 40 p. 100 de vos cotisations serviront à éponger les frais relatifs à la pension.
    Si nous comparons cette situation à celle d'autres pays, nous constatons par exemple que les frais de gestion des fonds industriels en Australie correspondent à environ 0,5 et 1 p. 100 de l'actif, bien que les fonds de détail en Australie ressemblent à ceux du Canada. Au Royaume-Uni, une fois de plus, il n'est pas rare de voir des frais de 2 p. 100 exigés des cotisants aux régimes personnels de pension. Toutefois, le gouvernement du Royaume-Uni a fait deux choses. D'une part, il a adopté des mesures en vue d'imposer un plafond qui limiterait ces frais à 1 p. 100 et, d'autre part, il cherche à limiter les frais du nouveau régime NEST, le National Employment Savings Trust, quelque part entre 0,3 et 0,5 p. 100.
    Qu'entrevoyons-nous pour l'avenir? Différents intervenants ont jusqu'ici parlé de différentes options. L'une d'elles serait un régime apparenté au RPC/RRQ auquel s'ajouterait une augmentation proportionnelle du taux de cotisation et des prestations du RPC/RRQ.
    Une deuxième option serait d'obliger les gens à cotiser à une forme quelconque de régime privé de retraite, par exemple un REER ou un nouveau type de régime à cotisations déterminées, comme l'a fait le Royaume-Uni, pour tenter de s'assurer que les frais sont moins importants que ceux exigés en lien avec les REER existants.
    Une autre option serait de laisser les gens libres de cotiser ou non à un régime privé tout en rajustant les incitatifs, c'est-à-dire en optant peut-être pour des régimes de cotisation à parts égales plutôt que de déclarer ces sommes déductibles d'impôt, afin de les rendre plus attrayants pour les travailleurs à plus faible revenu qui bénéficient du taux d'impôt marginal le plus bas.
    Enfin, j'aimerais parler de ce qu'on pourrait qualifier de troisième option, c'est-à-dire du modèle adopté par la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, c'est-à-dire le système d'adhésion automatique en vertu duquel les travailleurs sont automatiquement inscrits à des régimes de retraite privés. Ils doivent s'exclure du régime s'ils ne souhaitent pas en bénéficier.
    Je terminerai ma déclaration sur ces visions d'avenir et je serai heureux de répondre à vos questions.
(1605)
    Merci beaucoup pour cet exposé, monsieur Whitehouse.
    Notre dernier témoin est Mme Arlene Borenstein, du Rights for Nortel Disabled Employees.
    Je vous invite à procéder à votre déclaration préliminaire de 10 minutes.
    Mesdames et messieurs, bon après-midi. Je me nomme Arlene Borenstein et je suis une employée de Nortel en congé pour invalidité de longue durée, ou ILD. Merci de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de comparaître devant les membres du comité. Je m’adresse à vous au nom de tous mes collègues en ILD à Nortel, que vous connaissez désormais sans doute. Nous constituons un groupe très petit et vulnérable d’hommes et de femmes, dont certains sont célibataires et d’autres ont des familles nombreuses. Nous avons tous été fauchés par la maladie dans la force de l’âge, et il nous a été impossible de gagner notre vie depuis en moyenne dix ans. La faillite de Nortel a placé notre petit groupe de 400 personnes — dont très peu sont en mesure de prendre part à cette tentative de défense de ses propres intérêts — au sein d’un groupe beaucoup plus vaste de plus de 20 000 anciens employés de Nortel.
    Mon exposé d’aujourd’hui est axé sur deux questions, soit le revenu de travail et sa protection relativement à la sécurité du revenu de retraite des Canadiens, et les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a la responsabilité de protéger les prestations de revenu des travailleurs en invalidité.
    On dit souvent que le système de revenu de retraite canadien repose sur trois piliers. Les deux premiers, fournis par notre gouvernement fédéral, visent à offrir aux Canadiens un revenu de retraite minimum. Il s’agit de la sécurité de la vieillesse, ou SV, avec le supplément de revenu garanti, ou SRG, et du régime de pensions du Canada ou régime de rentes du Québec, qui tous deux prennent acte de la nécessité d’offrir une prestation d’invalidité aux personnes âgées de moins de 65 ans. Le troisième pilier est la responsabilité faite à chacun de décider dans quelle mesure il convient de tirer parti des régimes enregistrés d'épargne, des comptes d'épargne libres d'impôts ou des régimes de pension agréés. Ces trois piliers sont une façon pratique de présenter le système de revenu de retraite canadien, mais ils n’offrent aucun revenu de retraite à moins que l’intéressé ait la capacité de gagner son pain. Il se peut donc que l’absence d’un revenu entraîne une absence de retraite.
    À l’occasion de notre conférence de presse d’hier, j’ai demandé aux députés et à tous les autres Canadiens de songer à leur atout le plus précieux dans la vie. Cet atout, c’est la capacité de gagner un revenu. Toute votre planification — pour vous-même, vos enfants, votre avenir — prend pour acquis que vous continuerez à gagner ce revenu. La plupart des gens sont conscients de l’importance de protéger cet atout et achètent une assurance-vie, mais ils ignorent que le risque de perdre la capacité de gagner un revenu pour cause de maladie est beaucoup plus élevé que le risque d’un décès prématuré.
    Un travailleur sur sept souffre d’une invalidité de cinq ans ou plus avant la retraite. Je peux vous dire, au nom de tout mon groupe, que si vous êtes l’un de ces travailleurs sur sept, toute votre planification pour votre famille et votre retraite est mise en veilleuse — surtout si vous avez quelque chose qu’on désigne fiducie de santé et de bien-être ou fiducie de soins de santé au bénéfice d’employés, un employeur en faillite, une invalidité de longue durée auto-assurée et des cotisations qui disparaissent. Les gens achètent ce que la Cour suprême du Canada qualifie de contrat visant la tranquillité d’esprit pour protéger leur revenu. Mais nous n’avons pas cette tranquillité, vous pouvez m’en croire.
    Le coût de la perte d’un revenu d’invalidité équivaut à ne jamais avoir eu ce revenu. Le coût financier, dans le cas d’une invalidité qui dure jusqu’à l’âge de 65 ans, peut s’élever à plusieurs fois le revenu annuel du ménage avant l’invalidité. Ces coûts sont de même assez élevés pour les invalidités de courte durée d’une ou de deux années, parce qu’il faut souvent contracter des dettes dont on ne se libère qu’avec difficulté. Les répercussions financières ne proviennent pas uniquement de la perte de revenu, mais aussi des dépenses supplémentaires pour les soins de santé et les autres éléments qui se rapportent à l’invalidité. Il saute aux yeux qu’aucun de nous ne peut épargner en vue de sa retraite à partir d’une prestation d’invalidité mensuelle moyenne de 800 $ du Régime de pensions du Canada, soit, pour un célibataire, plus de 8 700 $ sous le seuil de pauvreté.
(1610)
    Il appartient au gouvernement fédéral de protéger les prestations de revenu des travailleurs en invalidité, pour les raisons suivantes.
    Le gouvernement fédéral est déjà conscient de cette responsabilité, puisqu’il offre une prestation d'invalidité du RPC, et je suppose qu’il est protégé pour cela. De plus, il réglemente les compagnies d’assurance, sous l’angle de la suffisance de leurs réserves. Si une compagnie d’assurance fait faillite, les Canadiens qui souscrivent à une police d’invalidité privée ou de groupe peuvent exercer un recours auprès des assureurs.
    Le gouvernement fédéral est le seul à légiférer les prestations auto-assurées. Deux organismes gouvernementaux, l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, et le Régime de pensions du Canada, sont les dépositaires des règles pour le régime d’invalidité de longue durée de Nortel.
    Il s’agit pour l’instant d’une pratique administrative de l’ARC pour les fiducies de santé et de bien-être, mais nous apprenons qu’une fiducie de santé et de bien-être pour les employés est en cours de création législative en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, tandis que nous essayons tous d’attirer votre attention sur les difficultés inhérentes à ces instruments, des plans et des négociations sont en cours en vue non seulement de maintenir ces fiducies, mais de les rendre moins sûres encore pour les employés.
    Étant donné que le programme d’invalidité du Régime de pensions du Canada autorise des entreprises qui auto-assurent leurs régimes, comme Nortel, à être un deuxième payeur, ce programme a le devoir de diligence, envers le contribuable canadien, de veiller à ce que les régimes soient bien financés, réglementés et légiférés, pour éviter que les bénéficiaires deviennent, de façon inutile et inéquitable, des demandeurs d’autres services gouvernementaux.
    Si le gouvernement protège les rentes d’invalidité de tous les Canadiens qui souscrivent un contrat d’assurance-invalidité traditionnel, mais non les rentes d’un régime auto-assuré, cette inaction va à l’encontre de la Charte des droits et libertés, de toutes les lois provinciales sur les droits de la personne, et des autres États membres des Nations Unies, ce qui est particulièrement grave puisque le Canada a signé il y a quelques mois à peine la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.
    Quel genre de société sommes-nous si aucune modification de la loi sur les faillites n’est proposée? Je peux vous affirmer que pas un seul Canadien ne répondrait dans l’affirmative à la question suivante: faut-il que 400 employés de Nortel qui ont payé pour une assurance invalidité, et qui souffrent aujourd’hui de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de schizophrénie, de dépression, de la maladie de Crohn, du VIH, du cancer ou d’accidents vasculaires cérébraux, soient acculés à la pauvreté afin de permettre à des détenteurs d’obligations pourries, à des avocats de Bay Street, à des syndics de faillite de Toronto ou à de grosses banques d’investissement de faire main basse sur la centaine de millions de dollars manquants qui devait revenir aux invalides? Est-ce vraiment dans la nature de notre pays?
    Les employeurs font usage de ces mécanismes d’auto-assurance pour une seule et unique raison: épargner et conserver une plus grande part de leurs profits. Ils économisent de 10 à 20 p. 100 sur l’assurance invalidité de groupe traditionnelle, ce qui revient concrètement, en moyenne, à entre 64 et 130 $ par employé par an. Je n’ai aucune hésitation à vous dire à tous ici, au nom des employés invalides de Nortel et sans même le leur demander, que chacun d’eux aurait payé de sa poche sans rechigner — mais nous ne savions pas que nous étions auto-assurés, ou même ce que cela signifiait.
    Les contribuables canadiens dans leur ensemble ne comprendraient pas pourquoi l’argent gagné à la sueur de leur front serait consacré à d’autres consultations encore, alors que la réponse saute aux yeux et que les fonds sont entre les mains de ceux qui en ont la responsabilité financière et juridique.
    Pour le Canada, les répercussions sont trop minces pour qu’il puisse même les sentir, mais pour nous, les 400 employés de Nortel, cela représente absolument tout.
    Merci.
(1615)
    Merci infiniment de votre exposé.
    Nous passons maintenant aux questions des membres, à commencer par M. McKay.
    Pour nos invités par vidéoconférence et par audio, les questions sont ordinairement posées à un invité en particulier. Si vous souhaitez répondre, toutefois, faites-moi signe et je veillerai à vous en donner la possibilité.
    Nous commençons par M. John McKay. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Ce groupe de témoins est excellent et réfléchi.
    Je commence par m’adresser à M. Béland. Permettez-moi de discuter du parallèle établi entre le RPC et le RRQ, et de voir si le parallèle au fil du temps auquel vous faites référence peut se maintenir au fil du temps.
    La démographie du Québec se distingue considérablement de celle du reste du pays. Sa population vieillit davantage, son taux de natalité est plus faible et il adopte des formes de limitation des naissances qui n’ont pas cours dans les autres régions du pays. Il souffre de problèmes de productivité, son taux de chômage moyen est plus élevé, et son gouvernement est aux prises avec des difficultés financières découlant de décisions politiques prises depuis quelques années — on peut dire qu’il a appuyé Québec Inc., ou la Caisse si vous préférez. Le RRQ, en particulier, a fait certains investissements dont il aura de la difficulté à se rétablir.
    Quand vous établissez donc un parallèle entre le RPC et le RRQ, ne parlez-vous pas en fait de deux situations profondément différentes, entre le Québec et ce que nos amis du Bloc désignent le reste du Canada?
    Ce sont deux situations différentes. Vous avez raison de dire que la démographie explique en grande partie pourquoi les projections à long terme ne sont pas aussi bonnes pour le RRQ que pour le RPC. C’est un facteur de grande importance. Je ne crois pas que le facteur principal soit la Caisse par rapport à l’Office d'investissement du RPC. Selon moi, ce n’est pas pour cela que le RRQ devra faire face à de plus grands défis à longue échéance. Ce n’est pas l’explication principale. Je crois que l’enjeu ici est la question démographique.
    Bien entendu, la situation était différente à l’époque de la création des deux programmes au milieu des années 1960; la démographie québécoise était alors très favorable. Par la suite, elle a entamé une baisse importante.
    Le parallèle peut-il se maintenir? Je crois que c’est possible. Il y a différentes questions concernant le RRQ. On observe des différences entre les programmes sur le plan des prestations d’invalidité et des prestations au survivant. Certaines modifications de ces aspects du Régime pourraient aider le RRQ à se maintenir à flot à long terme.
    Cela signifie donc un RRQ moins généreux?
    En l’occurrence, oui, à moins d’augmenter le taux de cotisation. Ce ne sera peut-être pas nécessaire, mais tout dépend de jusqu’où on veut aller vers...
    On a de difficulté à imaginer comment M. Charest, ou un autre dirigeant, pourrait proposer une augmentation dans les taux de cotisation.
    Des documents de la Régie des rentes discutent en fait de l’augmentation des taux de cotisation, entre autres mesures. J’ai mentionné les prestations d’invalidité et les prestations au survivant. Il s’agit d’une augmentation de moins d’un pour cent.
    En gros, une augmentation des cotisations et des prestations moins généreuses?
    Ces possibilités sont discutées dans certains documents concernant les prestations d’invalidité et les prestations au survivant. Pour prendre un exemple, un document que j’ai avec moi, publié en 2008 par la Régie des rentes du Québec sous le titre Vers un Régime de rentes du Québec renforcé et plus équitable, propose d’autres pistes.
    Je dis en fait que nous devrons à tout le moins prendre acte que notre système de pension de l'État va connaître un tournant. Il n’y a rien de mal à ce que le RRQ et le RPC empruntent deux voies différentes. Le taux de remplacement du RRQ pourrait être plus bas ou plus élevé, c’est vraiment sans importance, ou le taux de cotisation au RRQ pourrait être considérablement plus élevé qu’ailleurs au Canada. Je dis simplement que nous devons prendre acte du problème possible et que nous devons à tout le moins discuter de la question.
    Je crois que vous avez raison de mettre cette question en valeur. Elle risque d’engendrer des difficultés sociales que nous ne pouvons pas encore très bien saisir.
    Je veux maintenant passer à M. Ambachtsheer — pas parce que la conversation ne m’intéresse pas, mais parce que le temps m’est compté.
    Vous avez soulevé une question intéressante. Vous discutez des gens plus haut dans l’échelle, et non des gens qui ont la capacité d’avoir un régime de pension. Vous dites que la moitié des travailleurs a un régime, et l’autre moitié non. La moitié qui a ce régime... Vous avez mentionné une charge pour un régime de pension en fiducie, la même charge que d’autres ont mentionnée et qui existe je crois aux Pays-Bas. On crée de solides règles de capital pour cette charge, si l’on veut. L'idée est intéressante. Si une entreprise a une charge semblable à toutes autres charges, elle devra l’inscrire dans ses registres, et la charge sera divulguée de prime abord.
    Pourriez-vous développer un peu votre pensée? L’idée me fascine.
(1620)
    L’histoire a sa place ici, l’histoire de contrats qui deviennent de plus en plus obligatoires au fil des décennies. C’est un élément important du contexte de notre sujet.
    De notre point de vue actuel, nous observons un problème constant: durant les années 1980 et 1990, les promoteurs de ces régimes de pension à prestations déterminées ont assumé des risques énormes dans leurs investissements. Les fonds contenaient beaucoup d’argent, dont le rendement était considérable dans les années 1980 et 1990. On a ainsi donné naissance, sans justification, à une règle empirique qu’on pourrait décrire ainsi: plus le risque est grand, plus le rendement est élevé. Nous avons bâti sur cela un modèle de régimes à prestations déterminées qui prenait pour acquis que si on mettait beaucoup d’argent, puis qu’on prenait des risques financiers, les risques garantiraient en fait que tout finirait bien.
    C’est alors que nous en sommes arrivés à la dernière décennie, au début des années 2000, puis plus récemment à l’épisode de 2008. Il s’est avéré que le risque est en fait risqué, et qu’il finit par se retourner contre vous. Nous en sommes aujourd’hui au point où l’ancien modèle qui sous-tendait les régimes à prestations déterminées, la règle empirique voulant que le risque multiplie suffisamment le rendement pour garantir que tout aille bien, sont bel et bien morts.
    Je dis que nous devons désormais regarder la réalité en face, ne pas supposer que la décennie qui vient et la suivante seront à nouveau à l’image des années 1980 et 1990, où l’on croyait que le risque remettrait tout en ordre. Ce que nous devons faire...
    Il est bien dommage que ça ne se soit pas passé ainsi pour les gens de Nortel.
    C'est un exemple classique de ce qui peut arriver si l’on prend pour acquis que le risque est synonyme de rendement.
    C’est exactement cela.
    L’entreprise peut faire faillite et engendrer une situation comme celle que nous venons d’entendre concernant l’invalidité et les charges pour les pensions. D’un seul coup, on en arrive à une fin discordante, puis tout s’enraye. La seule façon de régler une telle situation est en fait d’adopter le même type de règlement obligatoire que pour les compagnies d’assurance et les banques.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur McKay.

[Français]

    Monsieur Carrier, s'il vous plaît, pendant sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins qui nous exposent des informations intéressantes. Je commencerai par M. Béland qui est notre premier témoin.
    Dans votre présentation, vous parliez du taux de pauvreté de nos aînés, qui est nettement plus bas au Canada, comparativement à d'autres pays. Malgré tout, il y a quand même beaucoup de nos aînés qui vivent sous le seuil de la pauvreté, mais comparativement à d'autres on peut s'encourager. Vous dites que c'est en partie dû au succès du Supplément de revenu garanti.
    Je voudrais que vous me confirmiez: avant d'établir le Supplément de revenu garanti, on tient compte du revenu de chaque personne, incluant le RPC et le RRQ que les personnes reçoivent. Est-ce bien le cas?
(1625)
    Oui.
    Donc, la pauvreté de ceux qui reçoivent le Supplément de revenu garanti est due, dans une bonne proportion, à la déficience de notre régime de pensions, du RPC ou du RRQ.
    Dans certains cas, oui.
    Dans quelle proportion, même dans le cas où il y a un RPC ou un RRQ, les gens ont-ils accès au Supplément de revenu garanti?
    Je n'ai pas le chiffre.
    Approximativement, selon vos études? Vous n'avez pas d'idée?
    Non.

[Traduction]

    Est-ce que je peux répondre à la question?

[Français]

    De toute façon, je pense qu'on pourrait sûrement conclure que le Supplément de revenu garanti est une compensation du gouvernement, en vertu de sa responsabilité sociale, qui est dû au manque de prévision de revenu de retraite ou d'épargne de retraite des citoyens. Est-ce bien le cas?
    Oui, c'est un outil pour lutter contre la pauvreté. En fait, ça complète le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec; mais c'est pour les gens à bas revenus seulement. Donc, évidemment ceux qui ont...
    Dans l'étude que l'on fait sur les régimes de retraite, ne pourrait-on pas plutôt arriver à la conclusion qu'il faille nécessairement améliorer le RPC ou le RRQ? Ça éviterait que le gouvernement supplée d'avantage, par le Supplément de revenu garanti, de façon à ce que les citoyens contribuent davantage, malgré leur propre décision, de même que les employeurs qui participent à parts égales, si je comprends bien.
    C'est possible. Ça dépend de l'augmentation dont on parle, si vous augmentez le taux de remplacement du RPC. Cela dit, il va toujours y avoir des gens qui n'auront pas assez de revenus, pour une raison ou pour une autre, qui n'auront pas participé au marché du travail.
    Dans certains cas.
    Dans certains cas, en effet, et c'est pourquoi je ne pense pas qu'on puisse abolir le programme. Le Supplément de revenu garanti va rester.
    Sans l'abolir, au moins, ça pourrait être limité à des cas d'exception où il n'y aurait pas de revenu de travail qui engagerait une participation à un RPC ou un RRQ.
    Selon la réforme, ça pourrait réduire le fardeau fiscal lié au Supplément de revenu garanti, si le Régime de pensions du Canada ou le Régime de rentes du Québec était bonifié. C'est ce que vous voulez dire?
    En fait, c'est comme un vase communicant: s'il y a une expansion du Régime de pensions du Canada, ça pourrait nous faire faire des économies en ce qui à trait au Supplément de revenu garanti. C'est bien ce que vous voulez dire?
    Oui, c'est ce que je veux dire.
    D'après vous, ne serait-ce pas une orientation normale vers laquelle un gouvernement responsable devrait aller?
    Ce sont des coups différents, c'est financé de façon différente. Quand il y a une augmentation des contributions, ça touche aussi les employeurs. C'est une réalité macroéconomique qu'il faut prendre en considération: le financement n'est pas le même. Donc, je dirais qu'il faut les deux.
    Par ailleurs, je ne vois pas la réforme du Régime de pensions du Canada comme étant une réforme orientée simplement en fonction du combat contre la pauvreté. Encore là, si on augmente les prestations du Supplément de revenu garanti, on peut obtenir des résultats intéressants à un coût relativement limité. Je ne pense pas qu'il faille penser la réforme du Régime de rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada seulement dans la perspective de la lutte contre la pauvreté. J'ai déjà mentionné que le maintien du revenu était très important. Ainsi, je ne pense pas que ce soit une alternative. Ces programmes se complètent et ont des rôles différents.
    Cela dit, c'est vrai que, si on augmente la taille du Régime de pensions du Canada et celle du Régime de rentes du Québec, si les prestations étaient plus élevées, ça pourrait certainement aider certaines personnes à passer au-dessus du seuil de la pauvreté. Par conséquent, ça pourrait aider à combattre la pauvreté et peut-être à réduire les coûts du...
    Encore là, ça dépend de quelle réforme on parle. Il faut des chiffres concrets.
    En le disant ainsi, c'est comme si on établissait les faits, les données sans donner d'orientation — de votre part, en tout cas. Vous nous laisser un peu l'odieux ou l'importance de la décision.
    Tout à fait.
    Monsieur Ambachtsheer, m'entendez-vous? Avez-vous la traduction?

[Traduction]

    Je peux effectivement vous entendre.

[Français]

    Vous avez entendu les questions que j'ai posées en français. Je voudrais connaître votre opinion sur la possibilité que la part de responsabilité du gouvernement dans le Supplément de revenu garanti puisse être réduite en augmentant plutôt la responsabilité à la base par une contribution plus importante de chaque travailleur et employeur.
(1630)

[Traduction]

    Je dois dire que la réponse de l’intervenant précédent m’a parue tout à fait convaincante, et que ma réponse est très semblable à la sienne. Je crois que la façon dont nous abordons la pauvreté est une question nationale. Il existe tout un débat sur la nature du seuil de pauvreté, comment le calculer et comment donner un revenu à ceux qui tombent d’une façon ou d’une autre sous ce seuil.
    Ce que le Canada a prévu, du moins pour les plus de 65 ans, est le Supplément de revenu garanti, outil essentiel pour relever les gens au-dessus du seuil de pauvreté. Comme l’a fait observer notre intervenant de l’OCDE, ce programme a très bien réussi, sur une période de 20 à 30 ans, à réduire la pauvreté parmi les aînés. J’estime que nous ne devons pas chercher à modifier un programme qui s’est révélé à la fois réussi et possible de financer.
    De mon point de vue actuel, la question n’est pas tant la pauvreté parmi les aînés — nous avons donné la preuve que ce problème est largement résolu — que les travailleurs à revenu moyen démunis d’un régime de retraite. C’est un problème différent, qui nécessite une conception différente. On pourrait se servir du RPC ou RRQ pour aborder la question des travailleurs à revenu moyen, mais cela obligerait par exemple à faire passer le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, ou MGAP, de 47 000 $ à un chiffre très supérieur. Cela suppose une augmentation des prestations de 25 p. 100 du remplacement du revenu à un chiffre plus élevé, par exemple 50 p. 100. C’est un tout autre débat. Il s’agit non pas de lutter contre la pauvreté, mais de créer des mécanismes qui permettent aux travailleurs à revenu moyen de conserver un niveau de vie raisonnable lorsqu’ils cessent de travailler. C’est un débat différent.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Block, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue parmi nous. La discussion est très bonne jusqu’ici. Je voudrais simplement orienter la discussion un peu vers un sujet qui a été mentionné à notre comité des finances à un stade précédent de notre étude. L’un des thèmes qui a été proposé à notre comité consisterait à préconiser une assurance subventionnée par l'État ou des filets de sécurité pour les régimes de pensions. Nous sommes tous probablement d’accord qu’il est globalement bon que les gens aient de l’assurance. Nous, les Canadiens, tirons confort du fait que nos foyers et nos voitures sont assurées — et nous avons tous recours, dans une mesure ou une autre, à l’assurance santé.
    Mais j’ai des observations à formuler concernant l’élaboration de plans qui visent à garantir les pensions. D’après ce que j’ai pu lire et apprendre sur les fonds de garantie des pensions, je dirais que la préparation de ce type de plan s’accompagne d’une série particulière de circonstances et de difficultés. Ainsi, un fonds de garantie pourrait dissuader un employeur en difficulté financière de bien gérer son régime de pension si le passif de ce régime était protégé — ce qui est un exemple d’un risque moral. Le promoteur de régime pourrait faire des investissements plus risqués sans assumer les risques de perte, ce qui augmenterait potentiellement les coûts de garantie du fonds.
    Certains ont fait valoir aussi que la création de ce fonds mènerait au subventionnement impropre de promoteurs faibles aux dépens de promoteurs forts. Une prime fondée sur le risque donnerait l’impression qu’on pénalise la plupart des régimes vulnérables, lesquels rechercheraient la protection offerte. On pourrait en venir ainsi à contribuer à la liquidation du régime ou à exacerber la situation d’un promoteur en difficulté financière, puisqu’on lui imposerait des coûts supplémentaires.
    Pour finir, on me dit aussi que ces plans se sont révélés à l’épreuve assez problématiques. En fait, les fonds de garantie établis aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Ontario sont tous très déficitaires et pourraient nécessiter un apport de fonds publics pour satisfaire à leurs obligations.
    Ceci dit, j’aimerais poser deux questions à M. Whitehouse. Existe-t-il des ressorts qui ont réussi à régler la question du risque moral lié à un fonds de garantie des pensions? Dans l’affirmative, quelles sont les caractéristiques du système de revenu de pension et de retraite de ce pays qui lui ont permis de régler la question?
(1635)
    Merci beaucoup pour cette question.
    Comme vous l’avez exprimé avec justesse, tous les plans qui ont été mis en application ont connu des complications immédiates. La Pension Benefit Guaranty Corporation mise sur pied aux États-Unis au milieu des années 1970 était déjà déficitaire deux ou trois ans plus tard en raison de problèmes dans l’industrie de l’acier, dans les lignes aériennes, et ainsi de suite.
    Le Royaume-Uni a essayé d’aborder la question du risque moral, c’est-à-dire qu’il s’est efforcé de percevoir des primes pour son fonds de protection des pensions en fonction d’une évaluation des risques. Ici encore, je crois qu’il existe un problème et que la récente crise financière à fortement augmenté les manques à gagner dans les bilans. La plupart des pays offrant d’importants régimes à prestations déterminées — le Canada, l’Irlande, le Royaume-Uni, les États-Unis ou même les Pays-Bas — étaient dans une situation analogue juste après la crise, soit sous-financés à raison d’environ 25 p. 100. Sans compter le risque, que nous a décrit l’ancienne employée de Nortel, qu’une entreprise en faillite laisse derrière elle un régime fortement déficitaire.
    Je crains fort que la conception de tous ces fonds fasse problème. Je ne crois pas qu’un seul pays ait réussi à créer un fonds de protection qui évite le problème du risque moral, et qui n’en arrive pas à grever les finances publiques.
    Merci. Nous avons donc traité de ces difficultés.
    Je me demande si vous pourriez proposer des politiques qui soient à la fois susceptibles de réduire le risque pour les cotisants exposés à la perte de la pension promise, et plus efficaces qu’un fonds de garantie des pensions?
    Je crois que le problème qui se pose dans beaucoup de pays réside en partie dans le fait qu'on y a délaissé les régimes à prestations déterminées pour passer à des régimes à contributions déterminées. Le Canada est un peu en retard sur les États-Unis et le Royaume-Uni, mais la transition se fait néanmoins.
    Le problème, c'est que nous sommes maintenant aux prises avec des régimes à prestations déterminées qui reposent sur des données démographiques très anciennes. Les régimes sont fermés aux nouveaux membres et ils touchent des pensionnés et des travailleurs âgés. C'est très difficile à financer quand il n'y a nul mouvement continu et que les cotisations au régime sont taries. Les possibilités deviennent extrêmement rares quand les régimes sont fermés aux nouveaux membres ou à de nouvelles cotisations de la part des membres existants, comme c'est le cas de nombreux régimes.
    C'est un problème très difficile qui ne se posera plus à long terme quand des régimes à cotisations déterminées auront été mis en place. Les gens auront leurs comptes particuliers.
    Monsieur le président, si je peux me permettre, mes propos de tout à l'heure se voulaient une réponse à votre question, qui portait sur le fait de commencer à réglementer les régimes à prestations déterminées de la même manière qu'on réglemente les banques et les compagnies d'assurance. Autrement dit, s'il y a un risque dans le bilan, il doit y avoir un mécanisme pour contrer le risque afin de prévenir toute issue néfaste. C'est ainsi qu'on procède dans le cas des banques et des compagnies d'assurance. Nous avons omis de le faire dans le cas des régimes à prestations déterminées. Tant que nous ne nous y mettrons pas, ces problèmes continueront de se poser.
    Je suis entièrement d'accord avec tout ce qui a été dit au sujet des régimes d'assurance. Ils ne fonctionneront jamais, mais jamais.
    Merci beaucoup, monsieur Ambachtsheer.
    Vous avez le temps de poser une courte question.
    Pouvez-vous nous suggérer d'autres témoins que nous pourrions inviter à comparaître devant nous pour y aller de quelques suggestions supplémentaires à ce sujet?
    Monsieur Whitehouse.
    Je pourrais vous suggérer mes homologues de l'OCDE. Je connais des gens à l'OCDE qui sont experts en la matière; je pourrais vous communiquer leurs noms.
    Ce serait parfait. Merci.
    Merci, madame Block.
    Je donne maintenant la parole à M. Marston.
(1640)
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, j'ai pris beaucoup trop de notes pendant les exposés.
    Je tiens à remercier tous ceux qui sont venus nous informer.
    Madame Borenstein, c'est moi qui ai présenté la motion au sujet de l'invalidité de longue durée à la Chambre. J'ai offert le soutien de notre parti au projet de loi de M. Eggleton à ce sujet. Nous ferons de notre mieux pour faire avancer les choses.
    Monsieur Béland, vous avez parlé du Régime de pensions du Canada. J'ai remarqué un certain déplacement du débat du régime public au régime privé. De mon point de vue, le régime public doit devenir la base qui permettra de procurer au moins un minimum à la population.
    En ce qui concerne le fait de vivre dans la pauvreté... Le chiffre de 4 p. 100 a été mentionné il y a quelques minutes. Le chiffre avancé par Statistique Canada est 266 000. Le dernier que j'ai entendu indiquait qu'il y avait augmentation et nous avons donc proposé une augmentation immédiate du SRG.
    En ce qui concerne le RPC, vous savez sans doute que certaines provinces et le Parti libéral ont suggéré la mise sur pied d'un régime complémentaire au RPC. Nous avons certaines inquiétudes concernant les frais d'administration. Nous avons proposé de faire croître les actifs principaux du RPC.
    Je vois également une différence au niveau de la proposition du Parti libéral voulant que la participation au régime soit facultative. Je ne crois pas que ça marchera. Soixante trois pourcent des Canadiens et des Canadiennes n'ont ni régime de pension ni économies et ce chiffre met en évidence l'importance de mettre en place un régime de base qui soit obligatoire.
    J'aimerais vous entendre comparer les deux types de régime, si vous le voulez bien.
    Le régime complémentaire est mieux que rien. Il vaut mieux avoir un régime complémentaire que de ne rien faire au sujet du RPC et des régimes publics de pension, mais je crois que les Canadiens connaissent déjà l'existence du RPC et du RRQ. Ces programmes fonctionnent, mais ils sont relativement modestes par rapport aux normes internationales. Il existe différentes façons d'augmenter les cotisations et les prestations. On pourrait intervenir en passant par le taux de remplacement ou par une augmentation du MGAP, ou bien les deux. Pour moi, c'est simplement une façon plus directe et probablement plus efficace d'améliorer la sécurité de la retraite à long terme des Canadiens.
    Je crois en l'amélioration d'un régime qui existe déjà plutôt qu'en la création d'un régime qui viendrait s'y ajouter. Il existe déjà bon nombre d'options de régimes complémentaires offerts aux Canadiens. Il y a les REER, qui sont facultatifs, naturellement, et les régimes privés de pension, mais la couverture est limitée. Certaines personnes n'ont aucune couverture. Ce qu'il y a de bien avec le RPC et le RRQ, c'est que tous les travailleurs cotisent et participent. C'est un programme qui devrait être élargi.
    Je ne suis pas en train de dire qu'il faudrait forcément doubler le taux de remplacement. Faire simplement passer de 25 p. 100 à 30 p. 100 le taux de remplacement ou le MGAP représenterait une augmentation importante qui serait largement au-dessus du salaire moyen. Cela pourrait aider beaucoup de ceux qui n'épargnent pas suffisamment en vue de la retraite. Encore une fois, ça ne touche pas seulement les personnes à faible revenu, mais la classe moyenne, en fait.
    Ça enlèverait de la pression.
    Je crois important d'augmenter la pension maximum que l'on peut obtenir en vertu du RPC. Encore une fois, il s'agit ici d'une question de maintien du revenu. Il ne s'agit pas tant de combattre la pauvreté, bien qu'il pourrait y avoir des effets positifs à cet égard également.
    Merci.
    Monsieur Ambachtsheer, pendant votre présentation d'ouverture et à plusieurs autres moments, je vous ai entendu parler du rôle de la réglementation gouvernementale dans le régime de pension à prestations déterminées.
    Au Canada, on a vu des cas de sociétés qui se seraient placées sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour se soustraire à leurs obligations à cet égard. Au début de votre exposé — du moins je crois que c'était le vôtre —, vous avez expliqué comment ce qui était au départ une gratification est devenu un contrat; aujourd'hui, les travailleurs considèrent que les régimes privés de pension de leurs employeurs sont des contrats.
    Il y a eu le cas Hollinger; ce groupe a vendu un certain nombre de journaux, mais a conservé la charge à payer au titre des pensions. Les employés reçoivent actuellement des avis les informant que le groupe se prépare à la liquidation. Chez-moi, à Hamilton, quand Canwest a vendu CH TV à VisionTV, je crois, le régime de pension présentait un déficit de 5 millions de dollars. Le groupe a liquidé le régime de pension des employés, mais a versé 41 millions de dollars au « côté cadres » juste avant la liquidation.
    Pour moi, les abus de ce genre plaident fortement en faveur d'une forme quelconque d'intervention gouvernementale; j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Il y a également un projet de loi de la Chambre des communes qui vient d'être soumis à l'examen d'un comité. C'est le projet de loi C-501 et je pense qu'il y est question de conférer un statut privilégié aux pensions dans les cas relevant de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.
(1645)
    À court terme, ça pourrait aider certains travailleurs un certains temps, mais ça ne règle pas fondamentalement la question que les régimes à prestations déterminées, en particulier dans le secteur privé, sont des contrats incomplets, même aujourd'hui. Alors, le problème des droits de propriété se pose toujours.
    La seule façon de composer avec le problème des droits de propriété — et il se pourrait que cette possibilité ne vous convienne pas entièrement — est de mettre sur pied des comptes de pension individuels qui appartiendraient aux travailleurs eux-mêmes. Au moins, les droits de propriété seraient clairs. Voilà pourquoi je crois que le secteur privé tend inévitablement vers la mise sur pied de comptes de ce genre.
    Je reconnais qu'une augmentation du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec constitue une solution raisonnable et attrayante à de nombreux égards, mais j'ai lu quelque part que la politique est l'art du possible et la réalité est qu'il y a au Canada un très important contingent de petits employeurs qui seraient forcés d'augmenter leurs coûts de main-d'oeuvre et c'est un aspect de la question dont on ne peut faire abstraction. Quand on préconise une augmentation obligatoire, il ne faut pas regarder seulement les travailleurs; il faut regarder la totalité du régime et le fait est qu'il y aura une énorme résistance à ce genre d'approche.
    Je me suis creusé la tête à essayer de trouver une solution qui serait davantage acceptée, qui répondrait à certains besoins de couverture et à la question des droits de propriété tout en bénéficiant du soutien d'un plus grand nombre de personnes.
    Il existe maintenant une nouvelle branche de l'économique appelée économie comportementale. Elle nous enseigne que, même si la théorie économique présuppose que les gens sont rationnels et agissent de façon rationnelle en tout temps, la réalité est toute autre. Comment faire alors pour concevoir des régimes de revenus de retraite qui tiennent compte de cette réalité?
    Vous avez parlé plus tôt de la notion de régime à participation facultative. Je reconnais qu'on pourrait mettre sur pied le meilleur des régimes facultatifs du monde et que son acceptation serait relativement faible. Mais nous avons appris que la notion d'adhésion automatique à un régime bien conçu... Imaginons que chaque travailleur canadien qui n'a aucun régime de pension reçoive une lettre le 1er janvier d'une année future qui dirait: « Félicitations, en date du 1er janvier, vous êtes devenu membre de... » Dans mon article C.D. Howe, c'est ce que j'appelle le régime supplémentaire de retraite du Canada. « Vous n'avez pas à faire pleins de choix. Voici votre taux de cotisation. Voici la pension cible qui devrait en résulter compte tenu d'hypothèses raisonnables. Voici la tendance de votre programme d'investissement au fur et à mesure que vous vieillirez, à moins que vous ne fassiez quelque chose. »
    Ce genre de modèle est extrêmement intéressant dans le sens que, si les gens font confiance au système, ils seront nombreux à embarquer et à dire merci beaucoup de faire tout ça pour moi.
    Merci beaucoup, monsieur Ambachtsheer.
    Merci, monsieur Marston.
    Je donne maintenant la parole à M. Eyking, pour une série de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et je remercie le comité de m'accueillir ici aujourd'hui.
    Je remplace M. McCallum. Ça tombe bien pour moi parce qu'il y a des employés de Nortel dans ma circonscription qui m'ont fait part de la situation extrêmement difficile dans laquelle ils se trouvent. Je pense entre autres à Derrick McPhee. Il a la sclérose en plaques et il a été à l'effectif de Nortel. Quand vous avez parlé de ce sujet, on a pu voir combien ils sont mal en point, et ils doivent composer avec la maladie après avoir perdu leur emploi.
    Que faudrait-il faire pour aider ces employés? Que fait-on pour eux en ce moment? Est-ce qu'ils touchent des prestations du RPC ou...?
    Parlez-vous des personnes ayant une invalidité de longue durée, la SR?
    M. Mark Eyking: Oui.
    Mme Arlene Borenstein: Nous ne savons même pas qui sont les 400 employés. Nous sommes en contact avec une centaine d'entre eux. Il semble que la plupart d'entre nous remplissons les conditions d'accès aux pensions d'invalidité du RPC, malgré les sévères exigences d'admissibilité. C'est encore plus difficile que de se qualifier pour le régime d'invalidité à long terme de Nortel. Mais le montant mensuel moyen n'est que d'environ 800 $, d'après les chiffres de 2008 que j'ai reçus de Service Canada. Comme j'ai dit plus tôt, cela nous place à environ 8 000 $ au-dessous du seuil de pauvreté pour une personne seule et ça nous oblige à nous en remettre aux programmes sociaux gouvernementaux.
    Tout amendement à la législation sur la faillite contribuerait à constituer un filet de sécurité qui empêcherait les gens comme nous de passer à travers les mailles du filet. Il manque un élément dans la loi, qui concernerait les régimes de retraite autogérés.
(1650)
    Il doit y avoir un filet de sécurité, et cela m'amène à ma seconde question. Je demanderai à M. Ambachtsheer de nous parler de ce filet de sécurité.
    Aujourd'hui, on entend parler d'employeurs qui font faillite et qui s'esquivent avec l'argent amassé, et de gestionnaires de fonds qui empochent au moins 2 p. 100 de l'argent; on dirait que certaines personnes s'enrichissent, pendant que d'autres, en l'occurrence les employés, se retrouvent le bec à l'eau. Que se passerait-il si nous avions un système semblable au système d'assurance-emploi auquel cotiseraient les employés et les employeurs? Je ne sais pas si ce serait le gouvernement qui gérerait le fonds en question, mais les cotisants seraient prémunis contre certains risques. Toutes les entreprises du Canada cotiseraient à des genres de régimes d'assurance; ainsi, en cas de faillite, l'assurance pourrait couvrir une partie de l'échec.
    Des idées novatrices de ce genre ont-elles été proposées dans d'autres pays, c'est-à-dire y a-t-il des régimes comme ceux-là, auxquels tout le monde cotise? Il y aurait deux composantes, soit un fonds dans lequel les deux parties verseraient de l'argent, et une assurance à laquelle l'entreprise cotiserait. Toutes les entreprises du pays disposeraient d'un tels fonds, qui pourrait être administré en guise de complément à un régime qui ne suffirait pas.
    Je présume que c'est à moi que s'adresse cette question.
    Oui.
    Merci.
    Je ne crois pas que nous ayons besoin d'examiner ce qui se passe dans les autres pays; nous avons seulement à nous pencher sur les concepts fondamentaux du monde de l'assurance. Si nous souhaitons appliquer le principe d'une promesse d'assurance qui serait tenue, il faut disposer de fonds. Permettre aux entreprises de s'autoassurer malgré un risque évident de faillite pourrait réellement mettre les employés dans l'embarras, et comme cela a été souligné, ils n'en sont même pas conscients.
    Ainsi, il y a clairement une faille dans le concept de l'assurance. Je ne crois tout simplement pas que dans notre pays, il soit sensé de permettre l'autoassurance de ce type de prestations. Il faut soit les financer séparément et les appuyer par un fonds en fiducie créé par l'entreprise elle-même, soit recourir à un tiers assureur qui se conforme aux règlements sur l'assurance.
    Mais l'argent doit être protégé.
    C'est ce que nous devrions faire d'une manière prospective. Et rétrospectivement, il reste à savoir ce que nous devrions faire pour les personnes qui n'ont pas eu la chance de bénéficier de ce type de protection. Il s'agit-là d'une question à traiter séparément.
    Merci.
    Merci, monsieur Eyking.
    Monsieur Paillé.

[Français]

    Je vous remercie.
    Il arrive que le gouvernement nous impose plusieurs choses à la fois, sur le plan parlementaire. Les deux vice-présidents du comité devaient être à la Chambre pour discourir du projet de loi C-9. C'est la raison pour laquelle vous voyez parfois cette table ronde.
    J'aimerais adresser ma première question à M. Béland.
     Vous dites à la page 4 de votre document que « Même si le RPC est financièrement viable dans un avenir prévisible, ce n'est pas le cas du RRQ, qui fera face à des difficultés financières de taille à compter des années 2040, voire avant [...]» Vous dites que le RRQ « fera » face à des difficultés, ce qui, à mon avis, est un peu trop affirmatif. Pour ma part, j'aurais plutôt dit qu'il « ferait » face à des difficultés. Je note qu'une référence de l'une de vos notes en bas de page s'intitule « Débâcle à la Caisse: Que faire avec le Régime de rentes du Québec? »
    Vous savez que le Régime de rentes du Québec est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec, où les rentes sont déposées. La caisse, de son côté, fait des placements, comme l'indique son nom. Oui, il y a eu une dégringolade. Certains ont parlé de débâcle.
    Compte tenu du fait que la nouvelle administration de la caisse semble gérer ses risques de manière plus opportune, n'essayez-vous pas un peu de faire peur au monde en disant que le Régime de rentes du Québec fera face à des difficultés financières énormes à compter de 2040?
(1655)
    Ai-je dis « énormes »?
    Non, mais le fait que vous ayez utilisé le mot « fera » m'a fait ajouter le mot « énormes ». Selon une de nos expressions populaires, c'est comme faire peur au monde.
    J'ai écrit le texte en anglais, et celui-ci a ensuite été traduit. Je ne sais pas quel terme j'ai utilisé en anglais.
    Nous sommes dans un pays bilingue, pour l'instant, et comme vous parlez très bien le français...
     Regardez ce que j'ai ici. C'est un document de la Régie de rentes du Québec qui a été publié en 2008, avant même la crise financière. On y dit qu'il va y avoir des problèmes significatifs à partir des années précédant 2050. C'est dans les documents qui ont été publiés avant la crise financière, avant la débâcle à la caisse. J'ai d'ailleurs fait référence au document de la Régie de rentes. Celui que j'ai cité a été publié après la débâcle, et c'est pourquoi j'ai dit « peut-être ». Je reste au conditionnel. L'année qui figurait dans le texte que j'ai vu était 2037. Je ne pense pas que ce soit réaliste. En effet, cette année est déjà en partie effacée par les rendements qui ont été supérieurs l'année suivante, etc. Je suis tout à fait conscient de ça. Il serait préférable de dire « ferait » plutôt que « fera », j'en conviens. Je n'ai pas trouvé ce que j'avais écrit en anglais. Quoi qu'il en soit, il est préférable d'utiliser le conditionnel.
    Je me disais, comme vous étiez si affirmatif, que vous pourriez laisser votre carrière à l'Université de Saskatchewan et faire beaucoup d'argent en faisant des placements et en vous assurant du rendement.
    Non. Il y a la question du rendement, mais il faut faire attention. Il y a quand même des réalités démographiques. Je vous parle d'un rapport de la Régie de rentes du Québec qui a été publié en 2008, avant qu'on obtienne les résultats de la caisse pour cette année-là, avant même la crise financière. Or on parlait déjà de problèmes significatifs. En revanche, si on fait les ajustements rapidement, ces problèmes peuvent être réglés.
    Voilà. Vous souligniez avant que si les gouvernements... Vous avez dit: « Il est donc important d'examiner [...] » Vous avez aussi dit: « Avec des prestations plus élevées [...] » On semble comparer des pommes et des oranges, ou ne pas mettre au même niveau le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec.
     Comme le temps alloué est très court...
    En gros, c'est la même chose pour les retraites. C'est le même taux de remplacement et de contribution, pour le moment. Je dis qu'il faut essayer de travailler ensemble en vue de régler les problèmes à long terme sur le plan financier, pour ce qui est du Régime de rentes du Québec, et d'améliorer les pensions de tous les Canadiens. Je ne dis pas que...
    Excusez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais poser une question à ce monsieur qu'on voit à l'écran. J'imagine qu'il est à Toronto.
     On a longuement parlé, ici, de la capacité des entreprises de se financer si les retraites étaient considérées comme des salaires différés, si la protection du régime de retraite était prioritaire, c'est-à-dire qu'en cas de faillite, les créanciers, par exemple les gens de Nortel, pouvaient avoir préséance sur tout le monde.
     Avez-vous fait des analyses pour déterminer si, oui ou non, les sociétés seraient en difficultés financières ou ne pourraient pas se financer, comme le laisse entendre la légende urbaine?

[Traduction]

    Monsieur Ambachtsheer, il ne nous reste que très peu de temps, donc pouvez-vous répondre à la question très brièvement, s'il vous plaît?
    Je n'ai pas fait d'analyses moi-même, mais je suis au courant d'analyses que d'autres personnes ont réalisées. En fait, peut-être que notre représentant de l'OCDE serait mieux positionné pour répondre à la question. Je sais qu'il existe une condition de priorité dans certains pays européens; cela ne semble pas avoir empêché les entreprises de trouver des fonds pour fonctionner.
    Je crois plutôt qu'il faut comprendre que c'est le fait de changer rétroactivement la solvabilité qui crée le problème; si l'on expose clairement les faits avant d'agir, ce n'est plus la même chose.
(1700)
    D'accord. Merci.
    Nous laisserons maintenant la parole à M. Wallace, s'il vous plaît. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier nos invités de leur participation aujourd'hui, et adresser un merci bien spécial à notre invité de Paris, parce qu'il est plutôt tard là-bas.
    Faisons le point sur ce que nous avons entendu dire récemment lors de nos rencontres sur les pensions. La première possibilité consiste à augmenter la cotisation de l'employeur et des employés au RPC, pour en gros doubler les sommes mises de côté. La deuxième possibilité consiste à verser une somme additionnelle au RPC de façon volontaire; les personnes peuvent décider de le faire ou non, ce qui, franchement, à mon avis, revient à peu près à la même chose que de mettre de l'argent dans un REER. La troisième possibilité, qui nous provient du secteur privé, consiste à laisser ce secteur jouer un rôle plus important en adhérant à des régimes interentreprises et à d'autres systèmes du genre. Le secteur privé souhaite qu'il existe un programme d'adhésion automatique afin qu'il puisse obtenir de l'argent de tout le monde. Et il y a les coûts qui y sont associés. Voilà l'essentiel de ce dont nous avons parlé.
    Je souhaiterais que M. Whitehouse nous dise si, selon son expérience et les connaissances qu'il a de ce que coûte l'administration d'un régime facultatif et l'administration d'un régime obligatoire dans différents pays du monde... Je sais que récemment, en Nouvelle-Zélande, on a fait certains changements et instauré un nouveau régime de pension. En outre, je sais que le Royaume-Uni a connu quelques problèmes. Q'est-ce qui se passe dans les autres pays pendant que nous faisons cette étude sur les pensions?
    Merci beaucoup. En effet, il est 23 heures, mais comme je suis un oiseau de nuit, l'heure n'est pas un problème; c'est donc avec grand plaisir que je discuterai avec vous.
    Je crois que dans beaucoup de pays, ça fait déjà un bon moment que l'on fait des pieds et des mains en ce qui concerne les coûts des régimes de pension privés. Lorsqu'on choisit les régimes de pension privés à participation obligatoire, pour lesquels on a opté au Chili et ailleurs en Amérique latine, ainsi que dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale, dans un contexte où seuls un petit nombre de régimes privés existent parallèlement — habituellement, il n'y en a qu'entre 10 et 25 —, le seuil le plus bas auquel on peut amener les coûts équivaut chaque année à environ 0,7 p. 100 des avoirs.
    J'ai parlé très brièvement du cas de l'Australie et du Royaume-Uni, des pays très semblables au Canada, où on a mis sur pied des régimes de pension personnels à participation volontaire, soit des régimes auxquels on ne cotise que si on le veut bien; dans ces pays, les coûts s'élevaient en général à environ 2 p. 100 des avoirs. En Australie, on s'est tourné vers les régimes interentreprises, vers les fonds industriels, et les coûts à assumer sont beaucoup moins élevés; ces coûts représentent de 0,5 p. 100 à 1 p. 100 des avoirs. Au Royaume-Uni, on a commencé par apporter des changements d'ordre réglementaire en établissant un plafond à 1 p. 100, et, aujourd'hui, on s'apprête à mettre sur pied une structure plus centralisée.
    Beaucoup des possibilités que vous avez offertes au début... Je crois que de payer à la fois une cotisation facultative au RPC et une cotisation obligatoire, c'est différent. Il s'agit d'opter pour des prestations définies, plutôt que pour un régime à cotisations déterminées; en gros, pour ce qui est de cette option, c'est le RPC qui assume les risques d'investissement pour les cotisants.
    Ce n'est pas la même chose, mais je crois que pour diminuer les coûts et réduire les factures, et je parle ici d'atteindre une proportion se situant entre 0,3 p. 100 et 0,5 p. 100, il faudrait mettre en place un système beaucoup plus centralisé et un organisme central pour la collecte des cotisations, et recourir à des services centralisés de gestion des biens à l'externe.
    Il y a deux exemples que j'aimerais que nous examinions ensemble. On peut voir un modèle d'organisme central en Suisse; là-bas, les coûts que représentent les régimes de pension privés à participation obligatoire sont peu élevés et représentent seulement 2,5 p. 100 des revenus. Toutefois, dans un tel contexte, il faut faire preuve de beaucoup de prudence pour éviter que les coûts n'augmentent. Un autre bon exemple serait le Thrift Savings Plan des États-Unis, le régime à cotisations déterminées destiné aux employés fédéraux de ce pays, où on s'en tient à des coûts qui ne représentent qu'entre 0,1 et 0,2 p. 100 des avoirs.
    Y aurait-il des commentaires de Toronto?
    Oui. Je suis cofondateur d'une entreprise appelée CEM Benchmarking, qui mesure les coûts des pensions dans le monde. Nous disposons de très bonnes données sur différents pays, grâce à une entreprise dont le siège social se trouve ici même à Toronto.
    Examinons par exemple les données concernant le Canada, soit celles touchant l'épargne-retraite nationale et celles touchant l'épargne-retraite personnelle — l'épargne-retraite nationale est formée du RPC et de tous les régimes de pension d'employeurs, et s'élève à 1,1 billion de dollars. Au Canada, en moyenne, les coûts équivalent chaque année à 0,4 p. 100 des avoirs. Pour ce qui est des régimes personnels, qui, aujourd'hui, se résument essentiellement aux REER, un vaste éventail de données ont été recueillies, mais en moyenne, le taux mesuré est d'environ 2 p. 100. Ainsi, il existe bel et bien une différence notable entre ce que je pourrais appeler les approches « nationales » et les approches « personnelles », et c'est quelque chose que l'on peut observer dans de nombreux pays. À l'échelle internationale, le rapport entre les deux formules est à peu près le même.
(1705)
    Merci.
    Merci, monsieur Wallace.
    Nous redonnerons maintenant la parole à M. McKay.
    M. Wallace a anticipé ma question, mais je voudrais quand même poursuivre un peu là-dessus. En gros, pour ce qui est de ce que l'on décrit comme un super RPC ou des épargnes supplémentaires, vous avez trois choix: vous pouvez cotiser sur une base volontaire, vous pouvez cotiser par obligation ou vous pouvez y aller avec la cotisation par défaut. D'après tout ce que vous avez dit, il semble que de cotiser sur une base volontaire soit une perte de temps. Ce ne sera donc pas cela. Ainsi, il reste la cotisation par défaut et la cotisation obligatoire. J'aimerais bien savoir quelle solution vous choisiriez, et ce sont vos points de vue, monsieur Whitehouse et monsieur Ambachtsheer, que j'aimerais d'abord connaître.
     Maintenant, je parlerai de la deuxième question dont nous avons beaucoup discuté, soit du choix entre un régime public ou privé. Je crois que ce que vous disiez, monsieur Ambachtsheer, c'est que si l'on optait pour un régime public, soit un régime national, les coûts seraient de 0,4 p. 100, et que si l'on optait pour un régime privé, les coûts seraient de 2 p. 100. Toutefois, il est clair que si vous n'offriez aucun régime ou système privé, vous vous attireriez les foudres de beaucoup de compagnies d'assurance et de banques.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces deux questions, s'il vous plaît?
    Très bien. Je serai heureux de commencer.
    Tout d'abord, lorsque vous parlez de paiement par défaut, ça me rappelle Rogers.
    Ce qui n'a pas été une expérience heureuse.
    Cette situation était très différente, parce qu'ils disaient essentiellement: « Nous allons prendre votre argent, à moins d'indication contraire ». En ce qui concerne l'adhésion automatique, on dit: « Nous allons vous permettre de placer votre argent dans un compte de pension qui vous appartient si vous nous y autorisez ». Je pense que le contexte est différent.
    Par ailleurs, l'adhésion automatique s'est avérée extrêmement efficace aux États-Unis — où elle est utilisée depuis des années dans les régimes 401(k) —, présentant un taux de rétention de 95 p. 100, ce qui est beaucoup plus élevé que dans le cas de l'adhésion volontaire. C'était mon premier point.
    En ce qui concerne l'achat en gros ou au détail, ça ne se résume pas à la distinction public-privé. Par exemple, lorsqu'on examine les régimes américains 401(k) de très grande envergure qui figurent dans notre base de données, on constate que leurs taux sont aussi de 0,33 p. 100 par année. C'est donc l'ampleur du régime qui s'avère déterminante. Autrement dit, l'importance du régime crée des économies d'échelle, ce qui réduit le coût unitaire.
    Il faut aussi savoir dans l'intérêt de qui les décideurs agissent. Le problème avec les fournisseurs, c'est qu'ils sont en conflit d'intérêts. Ils veulent maximiser leurs bénéfices nets et agir dans le meilleur intérêt de l'employé. Je ne dis pas qu'ils penchent totalement d'un côté ou de l'autre, mais ce conflit existe.
    Si on élimine ce conflit, c'est-à-dire si on prend des dispositions pour que toutes les décisions sont prises dans l'intérêt des prestataires, l'importance du régime, conjuguée à cet élément, provoquera la hausse des coûts.
    Monsieur Whitehouse? Allô, monsieur Whitehouse.
    Monsieur Whitehouse, il nous reste environ une minute. Avez-vous un commentaire à faire concernant cette question? Monsieur Whitehouse, m'entendez-vous?
    Il est 23 h 30. Il s'est peut-être endormi.
    Je vais revenir à M. Ambachtsheer et à la question du public et du privé. L'importance du régime constitue une distinction intéressante. Quel en est le seuil critique? Cent milliards de dollars? Un billion de dollars? Cet élément me semble assez important, et vous le comprenez bien.
(1710)
    En effet. Les fonds qui figurent dans la base de données de CEM vont de 100 millions à 400 milliards de dollars. En fait, ça varie énormément. Or, on constate que chaque décuplement entraîne une réduction d'environ 20 points — ou 0,2 p. 100. La différence entre un fonds de 100 millions et un autre de 20 milliards est donc non négligeable.
    Il serait toutefois intéressant de se demander si un fonds peut être trop important, si la trop grande importance d'un fonds pourrait entraîner des déséconomies d'échelle. En théorie, je crois que oui, mais nous n'avons pas encore constaté cette situation dans notre base de données, où les fonds les plus importants du monde atteignent 200 ou 300 milliards de dollars.
    On peut aussi examiner les choses du point de vue du nombre d'adhérents au fonds, au régime de pension. Ici encore, ça fonctionne mieux s'il y a 100 000 adhérents au lieu de 20. Cependant, je ne pense pas qu'il soit important de dépasser ce nombre. Je crois que les effets d'échelle sont très bons à 100 000.
    Merci.
    Passons à M. Généreux, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci à tous les témoins.
    J'aimerais poser une question à M. Béland. Dans votre texte, j'ai aussi souligné la phrase qui dit: «  Même si le Régime de pensions du Canada est financièrement viable dans un avenir prévisible, ce n'est pas le cas du Régime de rentes du Québec [...] » Ça me soulage de faire partie du Canada et non d'un pays de sept millions de personnes.
    Une voix: Oh, oh!
    M. Bernard Généreux: Je savais que cela allait susciter une réaction. D'ailleurs, ne vous sentez pas mal à l'aise de « faire peur au monde » avec les mots « fera » ou « ferait ». Depuis 20 ans, ce sont les champions toutes catégories dans l'art de « faire peur au monde ». On n'a besoin de personne d'autre pour ça.
    Cela dit, j'aimerais que vous reveniez sur le rapport dont vous avez fait mention tout à l'heure, c'est-à-dire sur ce que dit exactement le rapport et l'aspect des années variables. On s'entend bien pour dire qu'il y aura toujours de bonnes et de mauvaises années à la Bourse ou ailleurs, donc qu'il y aura des années variables. Cependant, on parle quand même ici d'une longue période de temps, de presque 30 ou 40 ans.
    Vous avez absolument raison. Évidemment, M. Paillé aussi a raison en ce sens que ce sont des prévisions actuarielles liées à des réalités économiques, financières, qui changent, c'est vrai, mais aussi à des réalités démographiques de fond.
    J'ai mentionné le rapport de la Régie de rentes du Québec. La raison principale, qui est évoquée aussi dans d'autres travaux que j'ai cités dans le petit texte que je vous ai donné, qu'on a fait distribuer, c'est une situation démographique et cette dernière est la raison principale pour laquelle il y a ce défi, dirais-je. Néanmoins, c'est un défi facile à relever. Ça ne demande pas de changements énormes.
    L'idée n'est pas de « faire peur au monde », mais d'inciter à l'action. Et je pense qu'on peut faire d'une pierre deux coups: on peut améliorer les prestations pour tout le monde au Canada et au Québec, sur les deux plans, et on peut résoudre les problèmes ou les défis à long terme.
    En fait, mon but n'est pas de dire que tel plan est mieux qu'un autre. C'est une réalité, ce sont des faits. Il est vrai que ce sont des prévisions. Toutefois, elles sont axées quand même sur des réalités démographiques qu'on ne peut pas nier.
    Vous m'avez fait une si belle passe que je ne pouvais pas la manquer.
    Dans certains pays du monde, on a décidé d'opter pour l'adhésion automatique. J'aimerais que vous m'en parliez, M. Béland et M. Ambachtsheer. Là où l'adhésion automatique a été implantée, comment cela peut-il améliorer véritablement le système à très long terme? C'est l'employeur et l'employé qui contribuent au régime, évidemment.
    Sauf erreur, d'après les témoignages qu'on a entendus jusqu'à maintenant, il n'y a pas de solution unique à ce sujet. Des solutions variables devront s'accorder les unes aux autres. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
(1715)
    Je conviens de cette idée de mécanisme lié à la théorie économique.
    C'est vrai que l'idée que les gens soient automatiquement inclus dans le système et qu'ensuite ils puissent décider de se retirer a des effets positifs par rapport à un système purement volontaire par lequel les gens choisissent d'épargner. Dans ce dernier cas, ils épargnent automatiquement jusqu'à ce qu'ils décident de se retirer.
    Des études ont démontré — M. Ambachtsheer pourrait mieux en parler que moi — qu'en général, les gens épargnent davantage s'ils sont automatiquement poussés à épargner et qu'ils peuvent volontairement se retirer, plutôt que l'opposé.
    À mon avis, c'est vrai que l'argument de base est valide. La question est de savoir si c'est la solution aux défis à relever. Personnellement, je pense qu'on peut augmenter les prestations du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec, et que ce serait un grand pas dans la bonne direction.
    L'autre perspective est-elle possible? Oui, ça peut se faire en même temps. Je ne vois pas de contradiction entre l'idée d'augmenter les prestations des deux régimes et le fait d'explorer d'autres possibilités pour ce qui est de l'épargne volontaire ou automatique.
    D'accord. Je vous remercie.
    May I get an answer from the gentleman in Toronto?

[Traduction]

    Pouvez-vous répondre brièvement, monsieur Ambachtsheer?
    Il existe un livre intitulé Nudge: la méthode douce pour inspirer la bonne décision qui explique les grandes lignes de l'économie comportementale. Ça commence avec l'exemple d'une cafétéria d'école secondaire; on nous demande d'imaginer quels changements subirait le régime alimentaire des jeunes si on modifiait l'ordre dans lequel les aliments sont offerts. Pensez-y un instant; nous sommes probablement tous d'accord sur le fait que cette réorganisation pourrait avoir une réelle incidence sur la qualité de leur régime alimentaire.
    La force de cette analogie réside dans le fait qu'elle explique comment les gens prennent leurs décisions. En passant, une bonne partie des mesures prises par l'administration Obama s'appuient sur ces notions comportementales. Si je vous parle de ce livre, c'est parce que nous pourrions faire la même chose avec l'épargne-retraite en sachant que notre manière de concevoir les mécanismes aura des répercussions sur le comportement des gens. Si nous pouvons évaluer adéquatement ce qui est le plus sensé, nous pourrons en tenir compte lors de l'élaboration.
    Merci.
    Passons à M. McKay.
    Je sais que vous essayez de m'inciter à prendre la bonne décision, monsieur le président.
    La question des superpriorités — dont Nortel est un exemple classique — fait partie des éléments qui reviennent constamment sur le tapis. Des gens qui avaient droit à leurs prestations de retraite ont tout perdu parce que d'autres personnes les devançaient en cas de faillite.
    Évidemment, diverses entités financières font preuve de résistance et soutiennent que la création d'une superpriorité pour les régimes de pension — tant les régimes à prestations déterminées que les autres — entraînerait la disparition du financement et l'augmentation du coût du capital, puisque les entreprises choisiront de prêter leur argent à des pays où ce type de superpriorité n'existe pas.
    Je crois savoir que M. Whitehouse est de retour avec nous. Je pourrais peut-être adresser ma question à ces trois messieurs — M. Béland, M. Ambachtsheer et M. Whitehouse. J'aimerais connaître votre avis en ce qui concerne la superpriorité pour les gens comme ceux que Mme Borenstein représente.
    Chacun d'entre vous peut-il émettre un bref commentaire, s'il vous plaît?
    Monsieur Whitehouse, nous pourrions peut-être commencer avec vous.
    Je pense que plusieurs pays ont réglé cette question, mais nous ne devons pas perdre de vue que le type de sous-capitalisation dont nous avons été témoins après la crise économique et financière mondiale est très rare. Comme je l'ai dit plus tôt, le manque à gagner de la plupart des régimes de pension à prestations déterminées des pays de l'OCDE où ce type de régime est courant était alors d'environ 25 p. 100 en moyenne.
    Lorsqu'une entreprise fait faillite et que son régime est partiellement capitalisé, cela pose évidemment problème, et certains pays, tels que le Royaume-Uni, font maintenant passer plus haut dans l'ordre de priorité en cas de faillite les passifs non capitalisés qui découlent des régimes de retraite. Le percepteur désire toujours passer en premier, évidemment, puis il y a les banques et les créanciers obligataires, mais ils essaient de faire passer les pensionnés avant eux. Ils ont aussi mis en place un fonds de protection des rentes pour mettre à l'abri les passifs associés aux régimes de pension à prestations déterminées.
(1720)
    Merci.
    Allez-y, monsieur Ambachtsheer, s'il vous plaît.
    Je dirais que cette question est en train de devenir futile. La plupart des sociétés ont déjà mis fin à leurs régimes de pension à prestations déterminées et sont passées à un système axé sur les comptes de pension individuels.
    Nous pouvons dire que la situation dont vous parlez tire réellement à sa fin — dans la mesure où aucun nouveau régime de pension à prestations déterminées n'est créé par le secteur privé. En ce qui concerne la modification rétroactive de ces priorités, je ne suis pas avocat, mais je pense que c'est juridiquement impossible. Je ne crois pas non plus qu'il soit important de le faire éventuellement, parce que ce n'est pas dans cette direction que se dirigent les régimes de pension.
    Allez-y, monsieur Béland, s'il vous plaît.
    Je suis d'accord avec cette réponse. Nous nous orientons dans une autre direction. Ce n'est probablement pas là que nous devrions concentrer nos efforts en ce moment.
    Je veux donner à M. Paillé les 30 secondes qu'il me reste afin qu'il puisse poser d'autres questions sur le RRQ.

[Français]

    Monsieur Paillé, vous avez une minute.
    Oui, je suis très heureux que mon lobbying ait bien fonctionné. Ma question s'adresse à la personne de l'OCDE. On dit que les entreprises auraient des difficultés de financement si les obligations des régimes de retraite devenaient une créance prioritaire au même titre que les salaires.
     À mon avis, ce n'est qu'une rumeur urbaine parce que les investisseurs intégreraient ces risques à leurs modèles. Est-ce que vous avez des analyses qui disent que gérer le placement, dans le fond, c'est gérer les risques et que cela n'empêcherait pas les sociétés saines de se financer sur les marchés?

[Traduction]

    Monsieur Whitehouse, pouvez-vous nous donner une brève réponse?
    La réglementation concernant les régimes de pension à prestations déterminées s'est grandement améliorée au cours des 20 ou 30 dernières années, avant quoi elle était quasi inexistante. Il est maintenant exigé presque partout que ces actifs soient gardés séparés de ceux de l'entreprise en tant que telle, et qu'ils suffisent, dans une certaine mesure, à couvrir leur passif. Une partie du problème réside dans le fait que pendant les années 1980 et 1990, l'évaluation actuarielle — qui s'appuyait, comme l'a dit M. Ambachtsheer, sur un rendement anormalement élevé du capital investi —a donné à entendre que ces régimes enregistraient des surplus appréciables. Les législateurs étaient ravis, mais les gens du fisc l'étaient moins. Ils ont dit que les entreprises surcapitalisaient leurs régimes de pension, qui ressemblaient en fait à des plans d'épargne libres d'impôts pour l'entreprise. Le fisc a alors réagi en disant aux entreprises qu'il ne les laisserait pas surcapitaliser de plus de 5 p. 100 leurs régimes de pension. Les entreprises ont alors dû essayer de ne pas dépasser les 5 p. 100 de surcapitalisation ni de sous-capitalisation. Avec la fluctuation des marchés, il était très difficile de respecter cette marge de manoeuvre.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

[Français]

    On pourrait lui demander de saluer le secrétaire parlementaire et les deux porte-parole en matière de finances qui sont à Paris pendant que le gouvernement dépose un projet loi sur les valeurs mobilières.

[Traduction]

    Je vais le rencontrer demain.
    Saluez-le de notre part.
    Monsieur Weston, allez-y, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci à nos invités. Aujourd'hui, le témoignage de Mme Borenstein a été très émouvant. Tout le monde s'est exprimé clairement.
    J'ai trois questions pour vous, monsieur Béland, et également pour vous, monsieur Ambachtsheer. Selon vous, qui sont les personnes les plus vulnérables, au Canada, en ce qui a trait aux schemes en matière de pension aujourd'hui et dans 20 ans, si les tendances se maintiennent?
    D'autre part, d'après vous, qui sont les personnes traitées avec le plus grand manque de justice, aujourd'hui et dans 20 ans, si ça continue de la sorte?
    Quel est le nombre de personnes influencées dans les deux groupes que je viens de nommer?
(1725)
    Je n'ai pas compris la dernière question, mais je vais répondre aux deux premières.
    Qui sont les personnes les plus vulnérables? Évidemment, il y a celles qui n'ont aucune couverture privée, qui n'ont pas de pension privée, qui sont incapables d'épargner. Ça, c'est une catégorie importante. Il y a la question du genre: les femmes célibataires sont aussi plus vulnérables, durant leur vieil âge, que les femmes mariées. Il y a ces catégories, il y a des chiffres assez clairs à ce sujet. Je crois que — on en a parlé beaucoup aujourd'hui — ceux qui n'ont pas accès à une pension privée ou à l'épargne privée sont vulnérables et seront vulnérables encore plus à l'avenir. Je pense que c'est assez clair.
    Qui sont les personnes traitées avec le moins de justice? Il faut d'abord définir ce qu'on entend par « justice »; c'est une question qui est en fait chargée, il faudrait m'expliquer un peu ce que vous entendez par « justice ». Néanmoins, c'est certainement ceux dont les employeurs n'offrent pas de protection, qui doivent se débrouiller, ou encore ceux qui sont incapables d'épargner. Encore là, je ne suis pas certain de la question, de ce que vous voulez dire. La « justice », dans quel sens l'entendez-vous?
    Quant à la dernière question, je ne l'ai pas comprise; je ne pourrai donc pas y répondre.
    Selon vous, combien de personnes sont-elles touchées par cette vulnérabilité ou ce manque de justice?
    On a parlé des taux de pauvreté, des problèmes liés au remplacement du revenu. La question est de savoir si ça va augmenter à l'avenir ou si la situation va se maintenir. Je pense que le risque est que la vulnérabilité de certaines catégories augmente à cause des transformations. Il y a un déclin dans la couverture privée, il y a de moins en mois de gens dont les employeurs contribuent au régime, c'est donc un problème. En plus, il y a le passage des plans à prestations déterminées aux plans à cotisations déterminées, ce qui pourrait réduire aussi à terme la sécurité financière de millions de personnes.
    Encore là, je n'ai pas de boule de cristal, quelle sera la situation économique et financière? On n'avait pas prévu la crise de 2008. Il y a beaucoup d'incertitudes, mais je pense que le passage au système à cotisations déterminées augmentera l'incertitude, l'insécurité dans les futures crises financières. La prochaine fois devrait être encore pire que ce qu'on a vu en 2008, si on continue dans cette voie et si on n'augmente pas la protection offerte par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec. Je pense qu'il y a une vulnérabilité qui ne fera que s'accroître sur le plan financier, ce qui pourrait donc créer aussi des injustices.
    Monsieur Ambachtsheer.
    Vous avez cinq minutes.

[Traduction]

     M. Ambachtsheer, soyez bref.
    Oui. Je pense que pour répondre à cette question, il faut tout d'abord préciser que nous savons maintenant que la période de l'après-guerre — les années 1950, 1960, 1970, 1980 et 1990 — a été dans l'ensemble une période où la croissance économique était relativement importante. Nous avons connu une certaine inflation, mais celle-ci a été contrôlée. Dans l'ensemble, c'était une période économique où il faisait bon vivre et prendre sa retraite. Il y a maintenant une importante question qui se pose concernant les décennies à venir, étant donné les changements démographiques et les faibles perspectives de croissance. Je pense que nous devons nous attendre à des temps plus risqués. La question est donc de savoir quels groupes sont les plus vulnérables dans ce contexte.
    Je crois qu'il y a deux manières de répondre à cette question. L'une s'appuie sur le seuil de pauvreté. Y aura-t-il davantage de gens qui tomberont sous ce seuil? Comment pouvons-nous remédier à cette situation? Je crois cependant qu'il existe un autre aspect très important. Ici encore, le cas de Nortel est un exemple classique. Je pense que nous allons nous retrouver avec un nombre appréciable de travailleurs qui s'en tirent relativement bien et qui, pour quelque raison que ce soit, croient qu'ils auront une bonne rente assez tôt mais qui se trompent. Certaines circonstances — si leur entreprise fait faillite ou s'ils n'apprennent pas à épargner — feront en sorte que leur niveau de vie sera beaucoup moins élevé qu'ils le croyaient.
(1730)
    Merci beaucoup.
    M. Marston posera une très brève question, qui sera la dernière.
    Ce ne sera vraiment pas long.
    Tout d'abord, je dirai à l'intention de mes amis libéraux qui parlaient d'établir une superpriorité que le projet de loi C-501 est présentement étudié par un comité, et que nous examinons la possibilité d'établir une priorité, et non pas une superpriorité. Je suis certain que nous pouvons collaborer à cet égard.
    J'ajouterai aussi, à l'intention de mes amis du secteur privé qui sont ici, que j'apprécie réellement votre engagement aujourd'hui.
    Le RPC est sécuritaire et bien géré. C'est un régime à prestations déterminées et, comme nous l'avons entendu, ce type de régime est en train de disparaître. C'est donc un résultat très concret que nous pouvons chercher à atteindre.
    Je ne vais pas poser de question parce que je suis bien conscient qu'il ne reste pas suffisamment de temps, monsieur le président.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci. Je vous en sais gré.
    Je veux remercier tous nos témoins, tout particulièrement ceux de Toronto et de Paris qui ont fait acte de présence malgré l'heure avancée. Nous mesurons pleinement l'importance de cette discussion. Si vous avez autre chose à ajouter, vous pouvez en faire part au greffier. Nous verrons à ce que cette information soit transmise à tous les membres du comité. Nous pourrions aussi vous demander de revenir pour en discuter plus avant. Merci à ceux d'entre vous qui sont avec nous à Ottawa.
    La séance est levée.
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