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Bonjour et merci de votre invitation.
Au Canada, comme dans d'autres pays, les pensions de retraite exigent des engagements à long terme de la part des employeurs et des gouvernements. Notre système public de pension possède des qualités évidentes, comme la capacité de lutter efficacement contre la pauvreté, du moins si on le compare aux systèmes en vigueur dans d'autres pays. Toutefois, nombreux sont les Canadiens qui s'inquiètent de l'avenir de la sécurité de la vieillesse. Compte tenu de phénomènes comme le vieillissement de la population, la crise financière de 2008 et le déclin des régimes de retraite privés à prestations déterminées, leurs préoccupations sont légitimes. La réforme des pensions est une entreprise difficile, car elle concerne des règles complexes et suppose des compromis politiques ainsi que, dans le cas du Régime de pensions du Canada, des discussions entre Ottawa et les provinces.
[Traduction]
Le rôle des provinces dans la sécurité de la retraite n'est qu'une des caractéristiques particulières du système de pension canadien. Par exemple, notre système de pension repose sur l'interaction entre différents paliers de régimes publics et privés.
En ce qui concerne les pensions publiques, le Canada verse une modeste pension fixe, la SV, qui fonctionne en tandem avec le RPC et le RRQ, et pour les personnes à faible revenu, avec le SRG. Si l'on compare les programmes de pension publics, on constate que, à l'évidence, le régime canadien offre des taux de remplacement relativement modestes. Pour le RPC, le taux de remplacement n'est que de 25 p. 100 des gains assurés. Ces faibles taux de remplacement s'expliquent par notre dépendance face à l'épargne individuelle et aux régimes de pension privés, qui sont considérés comme des sources complémentaires de revenu de retraite pour les travailleurs. La décision de compter, dans une large mesure, sur les régimes privés de pension et les économies personnelles s'est prise au milieu des années 1960, lorsque le RPC et le RRQ ont été adoptés. Cependant, il est intéressant de noter que le RPC et le RRQ ont été créés précisément après que les experts et les décideurs se soient rendu compte que la SV et les régimes de retraite privés ne peuvent garantir une réelle sécurité financière à la grande majorité des retraités canadiens. À ce titre, le RPC et le RRQ ont été conçus, en grande partie, pour compenser les carences des régimes privés et l'insuffisance des économies personnelles.
Créé en 1967, le SRG se voulait une mesure temporaire, qui est devenue permanente afin de garantir un soutien financier continu aux personnes âgées à faible revenu. Il est évident que le SRG, lorsqu'il est jumelé aux autres éléments du système public de pension, est un programme efficace pour combattre la pauvreté chez les aînés, un domaine où s'est distingué le Canada par rapport à plusieurs autres pays. En effet, pour contrer la pauvreté chez les personnes âgées, le Canada réussit aussi bien que la Suède, un pays social-démocrate, et beaucoup mieux que le Royaume-Uni et les États-Unis, notamment. Par exemple, deux universitaires américains ont, en utilisant une définition standard de la pauvreté, montré que le taux de pauvreté chez les aînés est nettement plus bas au Canada qu'aux États-Unis, ce qui s'explique en partie par le succès du SRG. Néanmoins, malgré les extraordinaires améliorations réalisées depuis 40 ans — d'après la Luxembourg income study, le taux de pauvreté chez les personnes âgées a chuté, passant de 36,9 p. 100 en 1971 à 6,3 p. 100 en 2004 —, la pauvreté chez les aînés au Canada s'est accrue entre le milieu des années 1990 et le milieu de la décennie actuelle. Accroître le SRG contribuerait à réduire encore plus la pauvreté chez les aînés au pays.
[Français]
Malgré l'importance de la lutte contre la pauvreté, les régimes de pension modernes font plus que réduire la pauvreté, car l'un de leurs principaux objectifs consiste à remplacer le revenu. En effet, habituellement, lorsqu'un travailleur prend sa retraite, il ne veut pas simplement éviter la pauvreté; il veut maintenir le niveau de vie qu'il a atteint pendant sa vie active. C'est une remarque importante.
Au Canada, le RPC et le RRQ, soit le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, sont des composantes particulièrement cruciales du système public de pension. Avec le déclin des régimes privés de pension à prestations déterminées et la lente érosion de la couverture des régimes privés en général — la participation des travailleurs a diminué, pour passer de 46 p. 100 à 38 p. 100 entre 1977 et 2008 — le RPC et le RRQ sont plus que jamais indispensables. C'est en partie pour cette raison que plusieurs experts et décideurs font valoir I'importance d'améliorer la protection du revenu offerte par ces régimes de prestations liées au revenu, soit le RPC et le RRQ.
De plus, tous les efforts visant à améliorer la protection offerte doivent prendre en considération les défis financiers, démographiques et économiques et, en particulier, la nécessité de maintenir la viabilité financière du RPC et du RRQ.
[Traduction]
Depuis le début de ma présentation, je parle du RPC et du RRQ indistinctement, comme s'ils formaient un seul programme, ce qui n'est évidemment pas le cas, car le RRQ, un programme provincial, relève du gouvernement du Québec. Néanmoins, bien qu'ils soient différents, le RPC et le RRQ sont très semblables, pour ce qui est de leur conception. Dès le départ, on a voulu que ces programmes se ressemblent beaucoup ou soient même identiques.
Le gouvernement du Québec a mis en place son propre régime pour alimenter la Caisse de dépôt et placement, et investir une partie des fonds versés pour les retraites dans l'économie de la province. Le but n'était pas d'avoir des prestations différentes ou un taux de cotisation différent au Québec. Le régime a été créé pour des raisons macro-économiques, et non pour des objectifs de politique sociale dans le sens étroit du terme. Il est donc important de comprendre ici que dès le départ, le RRQ et le RPC ont été conçus pour être fondamentalement semblables sur le plan des avantages de la politique sociale.
À l'heure actuelle, si on regarde les prestations de retraite, les deux programmes ont le même taux de cotisation et le même taux de remplacement. En fait, comme l'a expliqué Edward Tamagno, entre autres, maintenir le parallélisme entre le RPC et le RRQ est un objectif capital depuis leur création dans les années 1960. C'est en partie pour cette raison qu'on doit garder à l'esprit qu'une réforme majeure du RPC est impossible, improbable ou problématique sans la participation du Québec, car il faut maintenir une bonne coordination des politiques du RPC et du RRQ.
De plus, chaque province a un rôle à jouer dans la réforme du RPC, car tout changement apporté au RPC doit avoir reçu l'approbation d'au moins les deux tiers des provinces, qui représentent au moins deux tiers de la population canadienne. La réforme du RPC est donc un processus complexe, non seulement à cause de la nature délicate des questions et des compromis qui entrent en jeu, mais aussi à cause des consultations fédérales-provinciales qu'elle implique.
Mais, comme l'a démontré la réforme du RPC de 1997, qui a été suivie d'une réforme similaire au Québec, lorsque les décideurs fédéraux et provinciaux s'entendent sur la nécessité de la réforme, il est possible d'apporter des changements importants au RPC et au RRQ, comme la hausse des cotisations, même s'ils sont susceptibles de provoquer la controverse.
[Français]
Récemment, on a beaucoup parlé de la réforme du RPC et du RRQ. Il est donc important d'examiner les principes sur lesquels pourraient se fonder les futures réformes.
Premièrement, en raison des problèmes auxquels sont confrontés les régimes de pension privés et de l'insécurité, légitime, vécue par plusieurs Canadiens, il est nécessaire de mettre au premier rang du projet de réforme du RPC l'accroissement de la sécurité économique des retraités. Le RPC et le RRQ sont des outils indispensables pour améliorer la sécurité financière des retraités. Avec des prestations plus élevées, on améliorerait considérablement la situation, surtout lorsqu'il s'agit du maintien du revenu, qui, comme la réduction de la pauvreté, est un objectif important.
Deuxièmement, il est important de garder à l'esprit l'importance d'assurer la viabilité financière à long terme du RPC et du RRQ. Même si le RPC est financièrement viable dans un avenir prévisible, ce n'est pas le cas du RRQ, qui fera face à des difficultés financières significatives à compter des années 2040, peut-être même plus tôt.
Au Québec, des discussions sur l'avenir du RRQ ont cours depuis quelques années. Il sera essentiel d'en tenir compte lorsque viendra le temps d'examiner une possible réforme du RPC, pour les raisons évoquées plus tôt. Il est important de maintenir la coordination, de prendre en considération les questions de mobilité de la main-d'oeuvre et d'intégration économique, notamment. On aurait pu, dès le départ, penser à établir des programmes coordonnés. Il faut maintenant faire des efforts pour maintenir le degré de coordination entre les deux programmes.
[Traduction]
En vue d'améliorer la sécurité économique des retraités, on doit penser à hausser le taux de cotisation combiné du RPC et du RRQ, car cela aidera à élever le taux de remplacement de ces programmes. C'est une question importante. Beaucoup de propositions sont sur la table, et nous devrions examiner ce qui est proposé par exemple par le Congrès du travail du Canada, qui préconise une forte augmentation du taux de remplacement.
Nous pourrions aussi prendre en considération des propositions plus modestes. Puisque, au Québec, la hausse des cotisations au RRQ fait déjà l'objet de discussions, on pourrait profiter de l'occasion pour s'entendre sur un nouveau taux, plus élevé, autant pour le RPC que pour le RRQ. Ce changement permettrait d'augmenter le montant des prestations de retraite de l'ensemble des Canadiens, et de faire face aux difficultés financières futures du RRQ.
Il y a donc deux aspects à considérer ici. Un débat est en cours au Québec sur la durabilité à long terme du RRQ du point de vue financier, et à l'échelle du pays, il y a un débat sur l'augmentation des prestations.
Nous pourrions aussi envisager une hausse du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, qui se situe actuellement au niveau du salaire moyen, soit environ 47 000 $. Comparativement à ce qui se fait à l'étranger, c'est très peu. Le maximum des gains annuels ouvrant droit à une pension est beaucoup plus élevé dans d'autres pays. Par exemple, aux États-Unis, il dépasse largement les 100 000 $.
Il est important de comprendre que si on augmente ce montant maximum, nous pourrons augmenter la pension maximale du RPC, et peut-être du RRQ, si le même changement est apporté au Québec. Ce serait bénéfique pour les gens de la classe moyenne qui n'épargnent pas assez pour leur retraite, comme ce serait aussi le cas de bien des gens qui ont un revenu supérieur. Il faudrait donc également envisager la possibilité d'augmenter le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension.
Je vous remercie.
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Merci de m'avoir invité.
Le cycle de réforme du système de pension du Canada semble durer environ 15 ans. Nous avons créé le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec en 1965. Quinze ans plus tard, nous avons examiné les régimes complémentaires de retraite, les régimes de pension d'employeur et les REER, et nous avons élaboré un cadre législatif pour ces régimes. En 1995, soit après une autre période de 15 ans, nous avons procédé à une réforme du RPC et du RRQ afin d'en assurer la durabilité. Si on calcule 15 années de plus, on arrive à aujourd'hui.
Pour être exact, ce qui retient notre attention aujourd'hui dans le dossier de la réforme des pensions n'est pas tellement le volet public du système, que nous avons créé et dont nous avons assuré la durabilité il y a 15 ans, mais il s'agit plutôt des régimes complémentaires aux régimes publics, soit les régimes de pension d'employeur et les régimes de retraite privés généralement appelés REER.
Nous menons des recherches sur ces questions depuis cinq ans. Beaucoup de recherches utiles ont été réalisées, et nous en savons beaucoup plus sur ces questions qu'il y a cinq ans. On pourrait dresser une longue liste des choses que nous avons apprises, mais la mienne n'en contient que deux: premièrement, nous avons découvert un problème lié à la portée et aux coûts des régimes; deuxièmement, nous avons découvert un problème de durabilité des régimes de pension à prestations déterminées.
Voici quelques faits qui vont vous permettre de situer ces deux problèmes dans le tableau général: la population active du Canada se chiffre à environ 18 millions de personnes; de ce nombre, 8 millions sont des travailleurs à faible revenu, c'est-à-dire qu'ils gagnent 30 000 $ ou moins, pour diverses raisons, notamment parce que certains travaillent à temps partiel. D'autres occupent réellement des emplois à faible revenu. Comme l'a fait remarquer l'intervenant précédent, notre système public de pension offre des taux élevés de remplacement du revenu pour les travailleurs à faible revenu. Je crois que la réforme actuelle est axée sur les travailleurs canadiens à revenu moyen ou élevé, à juste titre d'ailleurs, et elle vise à examiner sérieusement dans quelle mesure le système actuel convient à leur situation. Ça concerne environ 10 millions de travailleurs.
Fait intéressant, dans cette catégorie précise de la population active, environ la moitié des travailleurs participent à un régime de pension d'employeur. Il y a donc cinq millions de travailleurs qui bénéficient d'un régime complémentaire de retraite et cinq millions qui n'en ont pas.
Évidemment, les deux questions entourant la durabilité des régimes à prestations déterminées concernent les travailleurs qui participent à un tel régime. Quant à l'autre moitié des travailleurs, la question n'est pas tant de déterminer la durabilité que de savoir si ces travailleurs devraient bénéficier d'un quelconque régime de pension. Une autre question en découle: si nous leur demandons d'épargner par eux-mêmes en contribuant à des REER, est-ce une solution économiquement avantageuse dans la mesure où nous voulons les aider à accumuler un fonds de pension adéquat pour maintenir leur niveau de vie à la retraite?
Je vais vous donner un bref aperçu de ce que nous avons appris au sujet de ces deux problèmes. Pour ce qui est de la durabilité des régimes à prestations déterminées, l'histoire nous apprend que ces pensions offertes par l'employeur étaient à l'origine des gratifications. Au fil des ans, elles ont évoluées et ont fini par prendre la forme de contrats financiers. Quand ces régimes sont devenus des contrats financiers, nous n'avons pas su nous ajuster relativement à la prévision des coûts de ces contrats et des fonds nécessaires pour en assurer le respect lorsqu'ils viendraient à échéance.
Voilà essentiellement le problème avec les régimes à prestations déterminées. Pour le régler, il faut à mon avis se tourner vers la solution adoptée il y a près de 10 ans par les Néerlandais, qui sont les chefs de file mondiaux en matière de pensions. Ils ont commencé à considérer les obligations des régimes de pension à prestations déterminées au même titre que celles des compagnies d'assurance et des banques. Grosso modo, cela veut dire que si vous prenez un engagement financier, vous devez le respecter.
Le respect de ces engagements financiers est assuré par l'établissement de règlements sur les besoins en capital, qui garantissent une provision suffisante pour satisfaire aux engagements. Les Néerlandais ont adopté ces mesures il y a près de 10 ans, et elles ont considérablement accru la durabilité des régimes à prestations déterminées en les rendant plus souples et adaptables à l'évolution des conditions au fil du temps.
Nous sommes aux prises avec des régimes à prestations déterminées qui ne sont pas assez souples pour s'adapter aux changements, et nous devons modifier nos règlements afin d'accroître leur flexibilité et par le fait même leur durabilité. Je serai heureux de discuter davantage de cette question si vous le désirez.
Je vais maintenant passer à l'autre problème, celui de la portée et des coûts des régimes, qui touche les cinq millions de travailleurs qui ne participent pas à un régime de pension d'employeur. En effet, ce que nous disons à ces travailleurs, c'est de se débrouiller par eux-mêmes. Il est vrai que nous avons mis en place des règlements fédéraux permettant le report de l'impôt, ce qui incite les gens à placer une partie de leurs revenus dans un régime de retraite enregistré afin de payer l'impôt sur ces montants au moment où ils les retireront à la retraite.
Nous avons donc prévu des dispositions à cet effet, mais nous n'avons pas prévu grand-chose du point de vue de la politique publique, c'est-à-dire relativement aux montants que ces gens devraient épargner, aux types de placements qu'ils devraient choisir et aux coûts possibles de l'établissement de leur propre programme d'épargne-retraite.
Nous avons découvert qu'il est très difficile pour un travailleur canadien moyen qui ne dispose pas de régime de pension de calculer combien il doit épargner pour conserver un niveau de vie acceptable à la retraite, en tenant compte du fait que cette épargne s'ajoutera aux prestations des régimes publics. Les gens ont donc beaucoup de difficulté à s'y retrouver en matière d'épargne et de placements, notamment parce qu'ils possèdent généralement peu de connaissances en placements, et parce qu'à cela s'ajoutent d'autres questions. Par exemple, si l'argent est placé dans des fonds communs de placement vendus au détail — et c'est le cas d'une bonne partie des fonds de retraite —, je crois que la plupart d'entre vous sont au courant que les frais à payer pour ces véhicules de placement peuvent facilement atteindre 2 p. 100 par année ou même davantage. Il est donc assez évident que si vous payez des frais de 2 p. 100 par année pour un rendement brut de peut-être 4, 5 ou 6 p. 100, vous pourrez difficilement atteindre un taux acceptable de remplacement du revenu avec un niveau d'épargne raisonnable sur une période de 30 à 40 ans.
Voilà donc les problèmes auxquels ces personnes font face. Il faut donc se demander si la situation est acceptable ou si cette question d'intérêt public revêt suffisamment d'importance pour qu'on envisage des moyens d'aider ces personnes afin qu'elles obtiennent, à un coût raisonnable, un taux acceptable de remplacement de leur revenu à la retraite.
Deux solutions ont été proposées pour résoudre ce problème.
La première, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, consiste simplement à élargir le Régime de pensions du Canada afin qu'il s'étende à des tranches de revenu plus élevées, par exemple, et peut-être à augmenter le taux de prestations. C'est une solution intéressante. Mais elle comporte aussi des faiblesses: est-ce qu'elle convient à tout le monde? Voulons-nous vraiment répandre le concept de l'épargne-retraite obligatoire et priver les gens de la liberté de choisir? Voilà donc le pour et le contre de l'expansion du RPC et du RRQ.
L'autre solution qui a été proposée consiste à permettre la création de comptes d'épargne-retraite personnels, mais d'une façon qui rendrait l'épargne plus systématique, qui régulariserait les méthodes d'épargne, qui aiderait les gens à élaborer leur propre programme de placement sans pour autant qu'ils aient à devenir experts en la matière, et qui les aiderait aussi, au moment de leur retraite, à planifier le retrait progressif de leur épargne de manière à pouvoir en profiter jusqu'à la fin de leurs jours.
Devrions-nous aider les gens en créant des structures qui pourraient combiner des services du secteur privé et de nouveaux règlements concernant la forme que ces programmes devraient avoir, et en particulier leur coût? Voilà les questions que nous nous posons, que nous débattons et sur lesquelles il nous faut maintenant parvenir à une décision.
Comme vous le savez tous, la prochaine réunion des ministres des finances au sujet de la réforme des pensions se tiendra à l'Île-du-Prince-Édouard à la mi-juillet, et j'estime qu'il est maintenant temps de cesser de discuter et de débattre de ces options. Il faut prendre des décisions et passer à l'action.
Merci beaucoup.
M. Ted Menzies, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, m'a demandé d'examiner le régime de pension canadien. J'ai été très heureux de découvrir un régime de pension que je décrirais comme très performant. Beaucoup de choses très positives se dégageaient du régime de pension canadien. En règle générale, lorsque j'étudie un pays de façon détaillée pour la première fois, je tends à constater beaucoup d'éléments négatifs.
Je commencerai en parlant de trois aspects du régime canadien qui fonctionnent très bien et dont certains autres intervenants ont parlé.
Selon moi, le premier de ces aspects est le caractère adéquat du régime. Des 30 pays membres de l'OCDE, le Canada affiche le quatrième plus faible taux de pauvreté parmi la population plus âgée; selon notre définition type de la pauvreté, ce taux et d'environ 4 p. 100, comparativement à une moyenne de plus de 13 p. 100 pour les 30 pays de l'OCDE.
Pour ce qui est des revenus de vieillesse de tous les pensionnés, nous constatons que ces revenus sont élevés au Canada par rapport à l'ensemble de la population. Ces revenus sont d'environ 91 p. 100 par rapport à la moyenne, compte tenu des rajustements apportés pour pallier les différences au niveau de la taille des ménages. Ce pourcentage se compare très favorablement à la moyenne de l'OCDE qui se situe à 82 p. 100.
Comme l'ont dit d'autres intervenants avant moi, la pension de base, les prestations de sécurité de la vieillesse et le régime fondé sur les revenus, le supplément de revenu garanti, semblent être des éléments qui offriront un filet de sécurité très efficace dans l'avenir.
Je crois que personne n'a jusqu'ici parlé du fait que les dispositions d'exclusion du RPC/RRQ offrent également un filet de sécurité très efficace aux personnes dont la carrière est ponctuée de périodes d'arrêt.
Ainsi, le régime de pension canadien semble être de caractère adéquat. Il a bonne allure également du point de vue de la pérennité financière. À l'heure actuelle, les dépenses relatives à la pension au Canada représentent environ 4,5 p. 100 du PIB. Ce pourcentage est d'environ 8 p. 100 en moyenne dans les pays membres de l'OCDE et d'environ 9 p. 100 du côté de l'Union européenne.
Si nous nous tournons vers l'avenir — et j'ai passé beaucoup de temps à examiner les prévisions avec le Bureau de l'actuaire en chef du Canada —, les dépenses du Canada relatives à la pension augmenteront bien entendu au fur et à mesure que vieillira la population, et passeront d'environ 4,5 p. 100 du PIB à 6,2 p. 100 d'ici 2060. Toutefois, l'augmentation est beaucoup plus rapide dans d'autres pays. L'UE verra ce taux passer de 9 à 13 p. 100 environ de son PIB. Par conséquent, le Canada n'est pas aux prises avec les mêmes problèmes de pérennité financière que de nombreux autres pays membres de l'OCDE, tout particulièrement en Europe et en Asie orientale, c'est-à-dire au Japon et en Corée, où les populations vieillissent le plus rapidement.
J'estime que le dernier aspect positif du régime de pension canadien est celui de la diversification des pensions. Tous ces différents régimes sont assujettis à différents niveaux de risque et d'incertitude. Les gens ont à composer avec différents risques et différentes incertitudes dans leur vie de tous les jours: les pertes d'emplois, les salaires constamment bas, les divorces et ainsi de suite. Nous sommes d'avis que l'équilibre qui caractérise le régime canadien de pension, qui se compose d'un volet public et d'un volet privé, constitue la meilleure façon de mettre les gens à l'abri des différents types de risques et d'incertitudes étant donné qu'il permet, d'une part, de mettre dès aujourd'hui de l'argent de côté en prévision de la retraite tout en offrant, d'autre part, la liberté aux gens de cotiser à tout moment et d'en retirer certains avantages immédiats.
Les éléments dont je viens de parler sont ceux que nous considérons comme les aspects positifs du régime canadien.
Je passerai maintenant à la rubrique diagnostic. Je parlerai de trois points qui concernent les enjeux propres au régime.
Quelqu'un a posé une question à propos de la portée du régime de pension. Comme je l'ai dit, le régime public de pension, par l'entremise des prestations de sécurité de la vieillesse, du SRG et également grâce aux dispositions d'exclusion du RPC/RRQ, offre une portée globale très intéressante.
Le plus gros problème réside du côté des régimes privés. Toutefois, le Canada n'est pas seul à vivre ce problème. Si nous comparons la portée des régimes privés en nous fondant sur l'âge, par exemple, les mêmes tendances se dégagent au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis, en ce sens que moins de jeunes que de vieux travailleurs adhèrent à ces régimes. En outre, en effectuant la comparaison en fonction des revenus, il y a beaucoup moins de gens à faible revenu qui cotisent à ces régimes que de gens qui gagnent un revenu important.
À l'heure actuelle, au Canada et dans d'autres pays dotés de régimes de pension grandement redistribués, nous pouvons nous fier sur le régime public pour voir aux besoins des gens à plus faible revenu pour la retraite. Toutefois, le groupe des personnes à faible et à moyen revenu pose problème, en ce sens que la portée des régimes de retraite privés est limitée sans toutefois que le régime public ne vienne compenser efficacement le manque à gagner.
Nous avons examiné la question soulevée par Keith Ambachtsheer à savoir combien il faut cotiser pour recevoir une pension. Nous avons utilisé un revenu cible de retraite correspondant à la moyenne établie pour les pays de l'OCDE. En fait, les chiffres se sont révélés assez bas. La situation ressemble à ceci: si vous cotisez chaque année à partir de l'âge de 20 ans jusqu'à l'âge de 65 ans, vous n'avez qu'à cotiser environ 4 ou 5 p. 100 de votre revenu à un régime privé de retraite au Canada pour atteindre la moyenne de l'OCDE. Le problème, c'est que la plupart des gens sautent des années. Souvent, en début de carrière, ils retardent l'adhésion à un régime privé tandis qu'ils ont d'autres dépenses, alors qu'en fin de carrière, ils souhaitent prendre tôt leur retraite mais, bien entendu, en raison des années manquantes dont je viens de parler, le taux de cotisation s'est rapidement accru pour atteindre les 8 ou 9 p. 100 environ.
Les données portent à croire que de nombreux cotisants, tout particulièrement ceux qui cotisent à des REER, y versent une part relativement faible de leur revenu.
Le deuxième problème de diagnostic se situe au niveau du marché du travail. L'âge où les gens quittent le marché du travail au Canada se situe quelque peu en deça de la moyenne de l'OCDE. Ces chiffres m'ont beaucoup étonnés. En moyenne, les hommes quittent le marché du travail vers 63 ans et les femmes, vers 62 ans. Cette situation est fort semblable à celle du Royaume-Uni, mais les âges moyens que je viens de citer sont inférieurs à ceux observés en Australie, en Irlande, aux États-Unis, au Japon et en Suède, parmi les pays sur lesquels nous nous sommes penchés en détail.
J'aimerais également réitérer un point dont il a été question tout à l'heure quant à la moyenne des frais. Les gens s'inquiètent de payer des frais relativement élevés au Canada. Si vous faites les calculs, des frais annuels de 1 p. 100 sur l'actif signifie qu'un peu plus de 20 p. 100 de vos cotisations servent à éponger les frais. Si ces frais sont de 2 p. 100, cela signifie que 40 p. 100 de vos cotisations serviront à éponger les frais relatifs à la pension.
Si nous comparons cette situation à celle d'autres pays, nous constatons par exemple que les frais de gestion des fonds industriels en Australie correspondent à environ 0,5 et 1 p. 100 de l'actif, bien que les fonds de détail en Australie ressemblent à ceux du Canada. Au Royaume-Uni, une fois de plus, il n'est pas rare de voir des frais de 2 p. 100 exigés des cotisants aux régimes personnels de pension. Toutefois, le gouvernement du Royaume-Uni a fait deux choses. D'une part, il a adopté des mesures en vue d'imposer un plafond qui limiterait ces frais à 1 p. 100 et, d'autre part, il cherche à limiter les frais du nouveau régime NEST, le National Employment Savings Trust, quelque part entre 0,3 et 0,5 p. 100.
Qu'entrevoyons-nous pour l'avenir? Différents intervenants ont jusqu'ici parlé de différentes options. L'une d'elles serait un régime apparenté au RPC/RRQ auquel s'ajouterait une augmentation proportionnelle du taux de cotisation et des prestations du RPC/RRQ.
Une deuxième option serait d'obliger les gens à cotiser à une forme quelconque de régime privé de retraite, par exemple un REER ou un nouveau type de régime à cotisations déterminées, comme l'a fait le Royaume-Uni, pour tenter de s'assurer que les frais sont moins importants que ceux exigés en lien avec les REER existants.
Une autre option serait de laisser les gens libres de cotiser ou non à un régime privé tout en rajustant les incitatifs, c'est-à-dire en optant peut-être pour des régimes de cotisation à parts égales plutôt que de déclarer ces sommes déductibles d'impôt, afin de les rendre plus attrayants pour les travailleurs à plus faible revenu qui bénéficient du taux d'impôt marginal le plus bas.
Enfin, j'aimerais parler de ce qu'on pourrait qualifier de troisième option, c'est-à-dire du modèle adopté par la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, c'est-à-dire le système d'adhésion automatique en vertu duquel les travailleurs sont automatiquement inscrits à des régimes de retraite privés. Ils doivent s'exclure du régime s'ils ne souhaitent pas en bénéficier.
Je terminerai ma déclaration sur ces visions d'avenir et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Mesdames et messieurs, bon après-midi. Je me nomme Arlene Borenstein et je suis une employée de Nortel en congé pour invalidité de longue durée, ou ILD. Merci de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de comparaître devant les membres du comité. Je m’adresse à vous au nom de tous mes collègues en ILD à Nortel, que vous connaissez désormais sans doute. Nous constituons un groupe très petit et vulnérable d’hommes et de femmes, dont certains sont célibataires et d’autres ont des familles nombreuses. Nous avons tous été fauchés par la maladie dans la force de l’âge, et il nous a été impossible de gagner notre vie depuis en moyenne dix ans. La faillite de Nortel a placé notre petit groupe de 400 personnes — dont très peu sont en mesure de prendre part à cette tentative de défense de ses propres intérêts — au sein d’un groupe beaucoup plus vaste de plus de 20 000 anciens employés de Nortel.
Mon exposé d’aujourd’hui est axé sur deux questions, soit le revenu de travail et sa protection relativement à la sécurité du revenu de retraite des Canadiens, et les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a la responsabilité de protéger les prestations de revenu des travailleurs en invalidité.
On dit souvent que le système de revenu de retraite canadien repose sur trois piliers. Les deux premiers, fournis par notre gouvernement fédéral, visent à offrir aux Canadiens un revenu de retraite minimum. Il s’agit de la sécurité de la vieillesse, ou SV, avec le supplément de revenu garanti, ou SRG, et du régime de pensions du Canada ou régime de rentes du Québec, qui tous deux prennent acte de la nécessité d’offrir une prestation d’invalidité aux personnes âgées de moins de 65 ans. Le troisième pilier est la responsabilité faite à chacun de décider dans quelle mesure il convient de tirer parti des régimes enregistrés d'épargne, des comptes d'épargne libres d'impôts ou des régimes de pension agréés. Ces trois piliers sont une façon pratique de présenter le système de revenu de retraite canadien, mais ils n’offrent aucun revenu de retraite à moins que l’intéressé ait la capacité de gagner son pain. Il se peut donc que l’absence d’un revenu entraîne une absence de retraite.
À l’occasion de notre conférence de presse d’hier, j’ai demandé aux députés et à tous les autres Canadiens de songer à leur atout le plus précieux dans la vie. Cet atout, c’est la capacité de gagner un revenu. Toute votre planification — pour vous-même, vos enfants, votre avenir — prend pour acquis que vous continuerez à gagner ce revenu. La plupart des gens sont conscients de l’importance de protéger cet atout et achètent une assurance-vie, mais ils ignorent que le risque de perdre la capacité de gagner un revenu pour cause de maladie est beaucoup plus élevé que le risque d’un décès prématuré.
Un travailleur sur sept souffre d’une invalidité de cinq ans ou plus avant la retraite. Je peux vous dire, au nom de tout mon groupe, que si vous êtes l’un de ces travailleurs sur sept, toute votre planification pour votre famille et votre retraite est mise en veilleuse — surtout si vous avez quelque chose qu’on désigne fiducie de santé et de bien-être ou fiducie de soins de santé au bénéfice d’employés, un employeur en faillite, une invalidité de longue durée auto-assurée et des cotisations qui disparaissent. Les gens achètent ce que la Cour suprême du Canada qualifie de contrat visant la tranquillité d’esprit pour protéger leur revenu. Mais nous n’avons pas cette tranquillité, vous pouvez m’en croire.
Le coût de la perte d’un revenu d’invalidité équivaut à ne jamais avoir eu ce revenu. Le coût financier, dans le cas d’une invalidité qui dure jusqu’à l’âge de 65 ans, peut s’élever à plusieurs fois le revenu annuel du ménage avant l’invalidité. Ces coûts sont de même assez élevés pour les invalidités de courte durée d’une ou de deux années, parce qu’il faut souvent contracter des dettes dont on ne se libère qu’avec difficulté. Les répercussions financières ne proviennent pas uniquement de la perte de revenu, mais aussi des dépenses supplémentaires pour les soins de santé et les autres éléments qui se rapportent à l’invalidité. Il saute aux yeux qu’aucun de nous ne peut épargner en vue de sa retraite à partir d’une prestation d’invalidité mensuelle moyenne de 800 $ du Régime de pensions du Canada, soit, pour un célibataire, plus de 8 700 $ sous le seuil de pauvreté.
Il appartient au gouvernement fédéral de protéger les prestations de revenu des travailleurs en invalidité, pour les raisons suivantes.
Le gouvernement fédéral est déjà conscient de cette responsabilité, puisqu’il offre une prestation d'invalidité du RPC, et je suppose qu’il est protégé pour cela. De plus, il réglemente les compagnies d’assurance, sous l’angle de la suffisance de leurs réserves. Si une compagnie d’assurance fait faillite, les Canadiens qui souscrivent à une police d’invalidité privée ou de groupe peuvent exercer un recours auprès des assureurs.
Le gouvernement fédéral est le seul à légiférer les prestations auto-assurées. Deux organismes gouvernementaux, l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, et le Régime de pensions du Canada, sont les dépositaires des règles pour le régime d’invalidité de longue durée de Nortel.
Il s’agit pour l’instant d’une pratique administrative de l’ARC pour les fiducies de santé et de bien-être, mais nous apprenons qu’une fiducie de santé et de bien-être pour les employés est en cours de création législative en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, tandis que nous essayons tous d’attirer votre attention sur les difficultés inhérentes à ces instruments, des plans et des négociations sont en cours en vue non seulement de maintenir ces fiducies, mais de les rendre moins sûres encore pour les employés.
Étant donné que le programme d’invalidité du Régime de pensions du Canada autorise des entreprises qui auto-assurent leurs régimes, comme Nortel, à être un deuxième payeur, ce programme a le devoir de diligence, envers le contribuable canadien, de veiller à ce que les régimes soient bien financés, réglementés et légiférés, pour éviter que les bénéficiaires deviennent, de façon inutile et inéquitable, des demandeurs d’autres services gouvernementaux.
Si le gouvernement protège les rentes d’invalidité de tous les Canadiens qui souscrivent un contrat d’assurance-invalidité traditionnel, mais non les rentes d’un régime auto-assuré, cette inaction va à l’encontre de la Charte des droits et libertés, de toutes les lois provinciales sur les droits de la personne, et des autres États membres des Nations Unies, ce qui est particulièrement grave puisque le Canada a signé il y a quelques mois à peine la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.
Quel genre de société sommes-nous si aucune modification de la loi sur les faillites n’est proposée? Je peux vous affirmer que pas un seul Canadien ne répondrait dans l’affirmative à la question suivante: faut-il que 400 employés de Nortel qui ont payé pour une assurance invalidité, et qui souffrent aujourd’hui de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de schizophrénie, de dépression, de la maladie de Crohn, du VIH, du cancer ou d’accidents vasculaires cérébraux, soient acculés à la pauvreté afin de permettre à des détenteurs d’obligations pourries, à des avocats de Bay Street, à des syndics de faillite de Toronto ou à de grosses banques d’investissement de faire main basse sur la centaine de millions de dollars manquants qui devait revenir aux invalides? Est-ce vraiment dans la nature de notre pays?
Les employeurs font usage de ces mécanismes d’auto-assurance pour une seule et unique raison: épargner et conserver une plus grande part de leurs profits. Ils économisent de 10 à 20 p. 100 sur l’assurance invalidité de groupe traditionnelle, ce qui revient concrètement, en moyenne, à entre 64 et 130 $ par employé par an. Je n’ai aucune hésitation à vous dire à tous ici, au nom des employés invalides de Nortel et sans même le leur demander, que chacun d’eux aurait payé de sa poche sans rechigner — mais nous ne savions pas que nous étions auto-assurés, ou même ce que cela signifiait.
Les contribuables canadiens dans leur ensemble ne comprendraient pas pourquoi l’argent gagné à la sueur de leur front serait consacré à d’autres consultations encore, alors que la réponse saute aux yeux et que les fonds sont entre les mains de ceux qui en ont la responsabilité financière et juridique.
Pour le Canada, les répercussions sont trop minces pour qu’il puisse même les sentir, mais pour nous, les 400 employés de Nortel, cela représente absolument tout.
Merci.
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À court terme, ça pourrait aider certains travailleurs un certains temps, mais ça ne règle pas fondamentalement la question que les régimes à prestations déterminées, en particulier dans le secteur privé, sont des contrats incomplets, même aujourd'hui. Alors, le problème des droits de propriété se pose toujours.
La seule façon de composer avec le problème des droits de propriété — et il se pourrait que cette possibilité ne vous convienne pas entièrement — est de mettre sur pied des comptes de pension individuels qui appartiendraient aux travailleurs eux-mêmes. Au moins, les droits de propriété seraient clairs. Voilà pourquoi je crois que le secteur privé tend inévitablement vers la mise sur pied de comptes de ce genre.
Je reconnais qu'une augmentation du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec constitue une solution raisonnable et attrayante à de nombreux égards, mais j'ai lu quelque part que la politique est l'art du possible et la réalité est qu'il y a au Canada un très important contingent de petits employeurs qui seraient forcés d'augmenter leurs coûts de main-d'oeuvre et c'est un aspect de la question dont on ne peut faire abstraction. Quand on préconise une augmentation obligatoire, il ne faut pas regarder seulement les travailleurs; il faut regarder la totalité du régime et le fait est qu'il y aura une énorme résistance à ce genre d'approche.
Je me suis creusé la tête à essayer de trouver une solution qui serait davantage acceptée, qui répondrait à certains besoins de couverture et à la question des droits de propriété tout en bénéficiant du soutien d'un plus grand nombre de personnes.
Il existe maintenant une nouvelle branche de l'économique appelée économie comportementale. Elle nous enseigne que, même si la théorie économique présuppose que les gens sont rationnels et agissent de façon rationnelle en tout temps, la réalité est toute autre. Comment faire alors pour concevoir des régimes de revenus de retraite qui tiennent compte de cette réalité?
Vous avez parlé plus tôt de la notion de régime à participation facultative. Je reconnais qu'on pourrait mettre sur pied le meilleur des régimes facultatifs du monde et que son acceptation serait relativement faible. Mais nous avons appris que la notion d'adhésion automatique à un régime bien conçu... Imaginons que chaque travailleur canadien qui n'a aucun régime de pension reçoive une lettre le 1er janvier d'une année future qui dirait: « Félicitations, en date du 1er janvier, vous êtes devenu membre de... » Dans mon article C.D. Howe, c'est ce que j'appelle le régime supplémentaire de retraite du Canada. « Vous n'avez pas à faire pleins de choix. Voici votre taux de cotisation. Voici la pension cible qui devrait en résulter compte tenu d'hypothèses raisonnables. Voici la tendance de votre programme d'investissement au fur et à mesure que vous vieillirez, à moins que vous ne fassiez quelque chose. »
Ce genre de modèle est extrêmement intéressant dans le sens que, si les gens font confiance au système, ils seront nombreux à embarquer et à dire merci beaucoup de faire tout ça pour moi.
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Merci beaucoup. En effet, il est 23 heures, mais comme je suis un oiseau de nuit, l'heure n'est pas un problème; c'est donc avec grand plaisir que je discuterai avec vous.
Je crois que dans beaucoup de pays, ça fait déjà un bon moment que l'on fait des pieds et des mains en ce qui concerne les coûts des régimes de pension privés. Lorsqu'on choisit les régimes de pension privés à participation obligatoire, pour lesquels on a opté au Chili et ailleurs en Amérique latine, ainsi que dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale, dans un contexte où seuls un petit nombre de régimes privés existent parallèlement — habituellement, il n'y en a qu'entre 10 et 25 —, le seuil le plus bas auquel on peut amener les coûts équivaut chaque année à environ 0,7 p. 100 des avoirs.
J'ai parlé très brièvement du cas de l'Australie et du Royaume-Uni, des pays très semblables au Canada, où on a mis sur pied des régimes de pension personnels à participation volontaire, soit des régimes auxquels on ne cotise que si on le veut bien; dans ces pays, les coûts s'élevaient en général à environ 2 p. 100 des avoirs. En Australie, on s'est tourné vers les régimes interentreprises, vers les fonds industriels, et les coûts à assumer sont beaucoup moins élevés; ces coûts représentent de 0,5 p. 100 à 1 p. 100 des avoirs. Au Royaume-Uni, on a commencé par apporter des changements d'ordre réglementaire en établissant un plafond à 1 p. 100, et, aujourd'hui, on s'apprête à mettre sur pied une structure plus centralisée.
Beaucoup des possibilités que vous avez offertes au début... Je crois que de payer à la fois une cotisation facultative au RPC et une cotisation obligatoire, c'est différent. Il s'agit d'opter pour des prestations définies, plutôt que pour un régime à cotisations déterminées; en gros, pour ce qui est de cette option, c'est le RPC qui assume les risques d'investissement pour les cotisants.
Ce n'est pas la même chose, mais je crois que pour diminuer les coûts et réduire les factures, et je parle ici d'atteindre une proportion se situant entre 0,3 p. 100 et 0,5 p. 100, il faudrait mettre en place un système beaucoup plus centralisé et un organisme central pour la collecte des cotisations, et recourir à des services centralisés de gestion des biens à l'externe.
Il y a deux exemples que j'aimerais que nous examinions ensemble. On peut voir un modèle d'organisme central en Suisse; là-bas, les coûts que représentent les régimes de pension privés à participation obligatoire sont peu élevés et représentent seulement 2,5 p. 100 des revenus. Toutefois, dans un tel contexte, il faut faire preuve de beaucoup de prudence pour éviter que les coûts n'augmentent. Un autre bon exemple serait le Thrift Savings Plan des États-Unis, le régime à cotisations déterminées destiné aux employés fédéraux de ce pays, où on s'en tient à des coûts qui ne représentent qu'entre 0,1 et 0,2 p. 100 des avoirs.