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Nous sommes le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. C'est la séance n
o 12. Nous sommes le mercredi 21 avril 2010. Il est 15 h 30. Nous sommes dans la pièce 308 de l'Édifice de l'Ouest.
À l'ordre du jour, il y a le projet de loi . Nous avons avec nous, chers membres, M. Guy André, qui est député de la circonscription de Berthier—Maskinongé, et M. Yvon Lévesque, député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui a demandé s'il pouvait prendre place comme deuxième témoin. Avez-vous objection?
Je ne vois pas d'objection, alors prenez place, M. Lévesque. Bienvenue à notre comité.
Messieurs André et Lévesque, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et vous connaissez le système aussi bien que moi, je crois.
Monsieur André, vous voulez commencer, je crois. Allez-y.
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Merci, madame la présidente.
Je voulais juste faire un bref rappel au Règlement au sujet de la récente comparution de la ministre au sujet du Budget principal des dépenses et du rapport sur les plans et les priorités. Je sais que cela concerne M. Lessard, et je voulais donc qu'il soit présent au moment où je soulèverais cette question. Mes collègues et moi avions convenu de demander à la ministre de rester plus longtemps. Je pense que le délai fixé était de 90 minutes, et nous étions d'accord, puisqu'il s'agissait de poser des questions à la ministre et, bien entendu, de lui laisser le temps de répondre.
M. Lessard a passé environ six minutes à poser des questions à la ministre, si bien que cette dernière n'a pas eu l'occasion de répondre. Nous estimons que ces questions peuvent être posées en dehors d'une séance de comité, si c'est ce que souhaite faire un membre, et ce en les faisant inscrire au Feuilleton. Donc, je suis d'avis que, à l'avenir, si nous demandons à la ministre de rester aussi longtemps, il faudrait aussi que cette dernière ait la possibilité de répondre aux questions. Selon moi, il n'est pas approprié qu'un membre consacre sept minutes qui lui sont imparties à ses questions, sans que l'on puisse obtenir les réponses à ces questions. Si nous souhaitons que la ministre reste plus longtemps, il faudrait que ce soit donnant, donnant.
Madame la présidente, collègues de tous les partis, je vous remercie bien sûr de nous avoir invités ici, M. Yvon Lévesque, député, et moi-même, afin de discuter avec vous du projet de loi . J'ai déposé ce projet de loi à la Chambre pour la première fois lors de la deuxième session de cette législature, en mai 2009. Il vise à modifier la Loi sur l'assurance-emploi, afin de rendre admissibles les personnes ayant perdu leur emploi à la suite d'un conflit de travail, que ce soit un lock-out ou bien encore une grève.
Comme vous le savez, le Bloc québécois maintient toujours que le régime de l'assurance-emploi ne remplit pas ses objectifs et devrait être reformé en profondeur, car il est peu accessible pour des milliers de travailleurs et de travailleuses. Le Bloc québécois propose donc une bonification complète du Régime d'assurance-emploi qui comprend notamment une amélioration de l'accessibilité au régime et l'élimination, bien sûr, du délai de carence. Cela dit, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui ne modifie pas en profondeur le Régime d'assurance-emploi. Tel n'est pas l'objectif, d'ailleurs, du projet de loi .
Ce projet de loi, madame la présidente, vise à combler une omission majeure, un manque à la Loi sur l'assurance-emploi, qui touche les milliers de travailleurs et travailleuses dont l'entreprise ferme à la suite d'un conflit collectif, que ce soit une grève ou un lock-out.
Actuellement, la Loi sur l'assurance-emploi établit les prestations en vertu d'un salaire donné, sur une période de référence donnée. C'est ce qu'on appelle « la période de référence », que vous connaissez sûrement tous très bien étant membres de ce comité. Vous savez tous que la période de référence normale est de 52 semaines précédant le début de la demande de prestation, ou de la période entre le début d'une demande de prestation antérieure et le début de la nouvelle demande de prestation, et qu'elle est fondée sur le revenu assurable de l'assuré.
Par contre, la période de référence peut être prolongée dans certains cas jusqu'à un maximum de 104 semaines pour différentes raisons dont, par exemple, l'incapacité de travailler à la suite d'une maladie ou encore d'une blessure. Si une personne ne travaille pas au cours de la période de référence, elle ne cotise évidemment pas au Régime d'assurance-emploi et n'est donc pas couverte par le régime.
Alors, qu'arrive-t-il à la suite d'un long conflit de travail, dans le cas d'une grève ou d'une fermeture d'entreprise? Évidemment, si le conflit de travail est de courte durée, la personne licenciée pourra obtenir des prestations d'assurance-emploi si cette période s'inscrit dans la période de référence. Toutefois, si le conflit de travail est de longue durée, c'est-à-dire d'une durée supérieure à la période de référence, la personne licenciée n'aura finalement pas cotisé au Régime d'assurance-emploi pendant la période de référence, et ne se qualifiera donc pas aux prestations de l'assurance-emploi en raison des dispositions de la loi actuelle. Ainsi, la Loi sur l'assurance-emploi ne prévoit rien pour les cas de très longs conflits de travail, qui se terminent malheureusement par la fermeture d'entreprises.
Prenons un exemple concret, madame la présidente, qui s'est produit au Québec. On connaît le cas des 425 travailleurs et travailleuses de Domtar à Lebel-sur-Quévillon, qui ont été mis à pied en décembre et privés d'assurance-emploi. Je tiens d'ailleurs, madame la présidente, à saluer mon collègue ici présent, le député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui est à l'origine du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Cette entreprise est située dans sa circonscription.
Je veux également souligner tout particulièrement la présence, parmi nous, de M. Mario Pothier, président de la section locale 1492 du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et, bien sûr, celle de Josselin Bouchard, un travailleur qui a été directement engagé dans ce conflit de travail, à Lebel-sur-Quévillon.
Ce sont des gens qui ont écopé en raison de l'omission actuelle relative à la Loi sur l'assurance-emploi.
Ainsi, en lock-out depuis environ trois ans, la compagnie Domtar a finalement annoncé la fermeture définitive de son usine à Lebel-sur-Quévillon, le 19 décembre 2008. Étant donné la longue durée du conflit, trois ans, et le fait que les travailleurs et travailleuses licenciés n'ont accumulé aucune heure travaillée au cours de la période de référence, soit 52 semaines, ils n'étaient pas admissibles à l'assurance-emploi, bien qu'ils aient cotisé pendant 25 ou 30 ans à ce régime.
En somme, bien qu'en lock-out depuis plus de trois ans, les employés de Domtar avaient toujours un lien d'emploi. Ils ne cotisaient pas, puisqu'ils percevaient des prestations d'un fonds de grève, et ils n'ont évidemment accumulé aucune heure travaillée au cours de la période de référence. Ainsi, en vertu de l'article 27, ils n'étaient pas admissibles au Régime d'assurance-emploi.
Cette situation est exceptionnelle et choquante. Il s'agit là d'une lacune majeure de la Loi sur l'assurance-emploi qu'il faut corriger dans les meilleurs délais. J'en appelle, ici, aux députés de tous les partis: ils doivent être vraiment à l'écoute de ce projet de loi. Nous devons agir pour aider ces travailleurs et travailleuses qui sont laissés pour compte par le Régime d'assurance-emploi.
N'oublions pas que parmi ces travailleurs et travailleuses, à Lebel-sur-Quévillon, plusieurs avaient travaillé sans interruption — comme je l'ai indiqué auparavant — pendant 25, 30, 35 ans et même plus. Ils ont évidemment payé des cotisations pendant toutes ces années, sans jamais recevoir une cenne de l'assurance-emploi. Ils ont perdu leur emploi par suite d'un long lock-out de trois ans, ils ont tous fait une demande, par principe, pour retirer de l'assurance-emploi, mais les prestations d'assurance-emploi leur ont été refusées, madame la présidente. Pourquoi devraient-ils se voir refuser des prestations d'assurance-emploi? C'est inconcevable, c'est honteux et c'est triste. Ces travailleurs ont payé souvent très cher cette injustice.
Ce projet de loi propose d'exclure de la période de référence la période couverte par le conflit collectif. Ainsi, le travailleur qui perdrait son emploi à la suite de la fermeture d'une entreprise subséquente à un lock-out ou à une grève verrait le calcul de ses prestations basé sur la période de 52 semaines précédant le conflit. Que le conflit dure deux ou trois ans, on calculerait en fonction de la période précédant le conflit.
Au Québec, selon les données du ministère du travail que nous avons étudiées, de 1995 à 2004, il y a eu en moyenne un peu moins de quatre conflits de travail de longue durée par année. Ce sont des conflits qui peuvent se résoudre, comme dans le cas du Journal de Québec, après plus de 14 mois. Le cas des employés de Domtar est exceptionnel, car au Québec, à peine 8 conflits de travail ont duré plus de 721 jours entre 1995 et 2004, et à peine 0,5 p. 100 des conflits au cours des 20 dernières années se sont éternisés plus de deux ans.
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Vous devrez excuser ma voix; je suis un peu enrhumé.
Je voudrais dire, tout d'abord, que je vous suis reconnaissant d'avoir proposé cette mesure. En ce qui me concerne, c'est une très bonne idée. Je n'y avais pas pensé moi-même, mais selon moi, c'est le prolongement logique de la protection que nous accordons aux travailleurs. Aucun travailleur ne souhaite faire la grève; aucun travailleur ne décide facilement de faire la grève. En général, c'est quelque chose qui se produit dans le contexte normal de la négociation d'un contrat. À un moment donné, le travailleur n'a d'autre choix que de retirer sa main-d'oeuvre et de faire valoir ses arguments de cette façon-là.
La plupart des travailleurs acceptent de plein gré de cotiser à l'assurance-emploi pendant qu'ils travaillent, et, en fait, bon nombre des travailleurs que j'ai connus au fil des ans ne se prévalent jamais des prestations de l'assurance-emploi, étant donné qu'ils ne sont pas au chômage. Mais nous savons tous que lorsqu'on est au chômage pendant un certain temps, et surtout si on est en grève… Les travailleurs de Vale Inco à Sudbury qui sont actuellement en grève touchent 200 $ par semaine. Cela ne paie pas grand-chose et, comme vous nous l'avez fait remarquer tout à l'heure, il peut arriver assez rapidement que ses actifs disparaissent, si on se voit dans l'obligation de les vendre ou d'y avoir recours parce qu'on a besoin d'argent pour nourrir ses enfants.
Avez-vous proposé cette mesure en raison de la situation au Québec en particulier, où le taux de syndicalisation de la main-d'oeuvre est très élevé? Avez-vous fait une évaluation au sujet de la situation ailleurs au Canada?
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Parlons de l'ensemble des démarches entourant les modifications au programme d'assurance-emploi présentées par le Bloc québécois —, ce projet de loi comme les autres projets de loi. Des consultations ont été engagées auprès des syndicats, bien sûr, et en rapport avec les employeurs et d'autres institutions.
Je vous donne un exemple relatif au délai de carence, aux projets de loi portant sur la suppression du délai de carence et à ce projet de loi. Les employeurs ne sont pas toujours très heureux de laisser leurs employés sans revenu, dans une situation de délai de carence, par suite d'un lock-out ou d'une mise à pied temporaire.
Lorsqu'on bonifie le Régime d'assurance-emploi, je crois que c'est l'ensemble de la société qu'on aide. C'est pour cela qu'en règle générale, les mesures proposées par les projets de loi qui touchent à l'assurance-emploi sont souvent très bien acceptées par des employeurs, des employés, des groupes sociocommunautaires, des groupes socioéconomiques, des chambres de commerce. En effet, ils savent très bien que lorsqu'on prive un milieu d'un revenu, on pénalise l'ensemble de ce milieu. Ce sont des travailleurs qui sont appauvris, qui ne peuvent pas acheter, et cela a parfois des conséquences sur la famille et les enfants.
En effet, l'ensemble des mesures qui sont proposées dans le projet de loi , comme dans les autres projets de loi, ont été faites par le Bloc québécois après consultation avec l'ensemble des acteurs socioéconomiques du Québec.
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Merci, madame la présidente.
D'abord, je voudrais vous féliciter tous les deux d'avoir réussi à faire avancer le projet de loi jusqu'à cette étape: M. Lévesque, d'en avoir été l'instigateur en raison de ce qu'il a observé dans sa propre collectivité, et M. André, d'avoir accompli le travail qui lui a permis de le faire avancer jusqu'ici.
Je ne sais pas si j'ai vraiment une question à poser. J'ai une brève observation à faire, et ensuite je vais vous laisser la parole.
Les travailleurs qui font la grève ou qui sont en lock-out ont effectivement besoin de protection en vertu du Régime d'assurance-emploi. Et il y a une autre catégorie de personnes dont il faut s'occuper. Je ne sais pas si c'est ce à quoi Ed faisait indirectement allusion tout à l'heure, mais il existe effectivement un autre groupe de personnes qui ont souffert au cours de la récente récession, c'est-à-dire ceux et celles dont les heures de travail ont été réduites par une entreprise en difficulté, qui se voit dans l'obligation de réduire les heures de travail de ses employés — dans certains cas, pendant longtemps — et éventuellement de les mettre à pied, si la compagnie doit fermer ses portes. À ce moment-là, ces personnes n'ont pas le nombre d'heures nécessaire pour être jugées admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Et elles sont prises entre l'arbre et l'écorce, car si elles décident d'abandonner leur emploi quand on leur annonce que leurs heures de travail seront réduites, elles ne seront pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi, étant donné qu'il s'agit d'un départ volontaire. Mais si, après avoir décidé de continuer à travailler pour cette entreprise, elles sont mises à pied, cet état de chose a également des conséquences pour les prestations qu'elles vont recevoir.
Je me demande donc ce que vous en pensez.
Souhaitez-vous réagir, monsieur André?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup, chers collègues, d'être ici aujourd'hui pour nous parler de ce projet de loi.
Si je comprends bien, vous souhaitez que lors d'un arrêt de travail causé par un conflit collectif, les travailleurs qui sont sans revenu fassent partie des exceptions, tels les détenus et les personnes qui ne peuvent plus travailler et n'ont plus de revenu pour cause de maladie. Vous souhaitez que ces travailleurs sans revenu fassent également partie des exceptions en vertu de la loi.
Monsieur Lévesque, vous avez dit quelque chose d'intéressant plus tôt lorsque vous parliez du cas de Lebel-sur-Quévillon, sur lequel j'aimerais revenir. Vous disiez que c'était une ville mono-industrielle et donc que ces personnes tiennent à leur emploi puisque les possibilités de travailler dans d'autres entreprises sont très rares.
Par la même occasion, vous avez parlé de la situation économique. En effet, cela peut donner envie à un employeur, par exemple après trois ans de lock-out, de faire des mises à pied, comme ça a été le cas chez vous.
J'aimerais savoir si vous croyez que ce projet de loi peut redonner un peu de pouvoir aux employés, ou tout au moins les rassurer, et peut-être limiter la tendance à l'exagération de certains employeurs qui décident d'effectuer des mises à pied en masse au bout d'un certain nombre d'années de grève ou de lock-out.
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Je ne crois pas que le projet de loi proprement dit donne plus de pouvoir aux travailleurs ou aux employeurs. C'est tout simplement un projet de loi qui vise à rendre justice à des travailleurs qui ont versé des cotisations pendant 30 ans et, dans certains cas, 40 ans pour se protéger d'une fermeture d'entreprise.
Si une entreprise qui se considère comme étant en difficulté financière décide un jour de forcer ses travailleurs à faire la grève, ou de décréter un lock-out pour se protéger et essayer de redresser sa situation, les travailleurs n'ont aucun contrôle sur ça. Le projet de loi vise à rendre justice à ces travailleurs.
Par exemple, une personne qui est mise en prison — c'est bizarre — a droit à 104 semaines de prestations. C'est défini. C'est différent pour le travailleur en grève ou en lock-out.
On vient de vivre une situation de lock-out de plus de trois ans sur laquelle les travailleurs n'avaient aucun contrôle. Il y avait de petites entreprises à proximité. Certains, pendant que leurs collègues s'assuraient qu'aucun travailleur ne prenait leur place, allaient dans les environs « faire des timbres d'assurance-emploi » — c'est l'expression qu'ils utilisent. Un roulement s'est établi.
D'autres, par contre, quelque 180 travailleurs, n'ont pas pu trouver d'emploi à proximité, la ville la plus proche étant à une distance de 170 kilomètres. Alors, l'entreprise ferme ses portes et les travailleurs n'ont pas accès à l'assurance-emploi. Combien pensez-vous que les maisons valent après la fermeture d'une entreprise quand il n'y a pas d'autre entreprise dans la région?
Ces personnes ont payé leur maison 150 000 $ ou 200 000 $, dans un endroit isolé. Au bout du compte, elles se retrouvent avec des maisons dont la valeur originelle de 150 000 $ en moyenne passe à 40 000 $ ou 30 000 $ dans certains cas. Elles ont tout perdu et n'ont aucun contrôle sur cela.
Ça n'arrive pas qu'à Lebel-sur-Quévillon. Ça peut arriver n'importe où ailleurs. Dans un grand centre comme Montréal ou Toronto, si on parle de 425 travailleurs, c'est une goutte d'eau dans la mer. Il reste qu'une partie de ces travailleurs pourront peut-être être de nouveau admissibles à l'assurance-emploi, selon leur champ de compétence, en travaillant dans de petites entreprises des environs, mais ce n'est pas donné à tous.
Pourquoi pénaliser un travailleur dont l'entreprise n'a pas voulu faire des mises à pied, ou n'a pas été assez honnête pour effectuer des mises à pied, au moment où elle fermait? Ça n'empêcherait pas l'entreprise de négocier un retour au travail, si la fermeture n'est pas définitive. Si elle est fermée temporairement, ça donne à ces travailleurs les droits qu'ils ont acquis pendant toutes ces années. Cependant, cela n'a pas été fait.
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Merci. On va se partager la présentation. De plus, celle-ci va être brève.
Nous voudrions vous remercier au nom de nos deux organisations, soit le Conseil national des chômeurs et chômeuses et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des ressources humaines, nous vous remercions de nous avoir invités à échanger avec vous sur le projet de loi .
Nous avouons d’emblée être favorables au projet de loi, du moins à son intention, qui consiste à faire du conflit collectif un motif pour prolonger la période de référence. Je profite cependant de l'occasion pour mentionner que le texte du projet de loi recèle certaines erreurs. En effet, avant d’établir les motifs de la prolongation, il faut saisir la définition de « période de référence ». Cette définition se trouve au paragraphe 8(1) de la loi. La période de référence ne peut dépasser un maximum de 52 semaines précédant la demande d’assurance-emploi. Or le projet de loi ne modifie pas cette notion de la période de référence.
Examinons maintenant la prolongation de cette même période de référence. La loi permet la prolongation de cette période de référence d’un nombre équivalent de semaines pendant lesquelles, au cours de la période de référence, on se retrouverait dans l’une des situations prévues au paragraphe 8(2). Le projet de loi vise à ajouter l’arrêt de travail dû à un conflit collectif comme raison de prolongation de la période de référence. Nous sommes tout à fait favorables à cette première proposition du projet de loi. Nous pensons que ça s'inscrit dans la modernisation dont devrait faire l'objet l'assurance-emploi. Nous ne comprenions pas comment il se faisait que ça n'ait pas été encore inclus dans les motifs d'exception.
Pierre.
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Madame la présidente, je prends le relais, puisque c'est un mémoire conjoint de la FTQ et du Conseil national des chômeurs et chômeuses.
Je voudrais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe du projet de loi . On croit que cette deuxième proposition, qui vise à dépasser la prolongation maximale de 104 semaines, ne peut se réaliser sans avoir redéfini la période de référence, qui demeure, dans ce projet de loi, la période de 52 semaines qui précède la demande de chômage.
Je vous référerais à la page 3 du document — que vous avez tous en versions française et anglaise. C'est une transcription de cette partie de la Loi sur l'assurance-emploi, soit le paragraphe 8(1), qui définit la période de référence, et les paragraphes 8(2), 8(3), 8(4), etc., qui définissent les motifs exceptionnels de la possible prolongation de la période de référence. Vous constaterez, en comparant le projet de loi, que ce dernier ne vise que le paragraphe 8(2), c'est-à-dire les motifs qui peuvent entraîner la prolongation de cette période de référence, et non pas une modification de la définition de la période de référence, qui reste une période de 52 semaines.
Par ailleurs, madame la présidente, on comprend très bien l'intention derrière le projet de loi. C'est-à-dire qu'on cherche à assimiler toute la période d'un conflit collectif à la période de référence et permettre de prolonger cette dernière de 52 semaines supplémentaires pour inclure la dernière année de travail qui précède le conflit collectif, afin de qualifier des travailleurs qui seraient victimes d’une mise à pied après un conflit collectif. Je dois vous avouer que, pendant la première heure, mes oreilles ont parfois bourdonné. On a assimilé la volonté du projet de loi à recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant la durée du conflit collectif. Ce n'est pas cela, le projet de loi. Si on identifie que la période du conflit collectif donnerait droit à des heures de travail pour pouvoir se qualifier, on se trompe là aussi. Il faut saisir ce que sont une période de référence et la possible prolongation de cette période de référence.
Non seulement nous comprenons, mais nous sommes favorables à cette intention du projet de loi, c'est-à-dire de prolonger la période de référence, parfois, de plus de 104 semaines. On pense d'ailleurs que d'autres motifs de prolongation de la période de référence devraient aussi permettre de dépasser ce maximum de 104 semaines. On pense ici aux travailleurs, aux travailleuses qui sont — et je cite l'alinéa 8(2)a) — « incapable[s] de travailler par suite d'une maladie [ou] d'une blessure ».
Il y a des gens qui sont victimes d'un accident de travail et qui vont être couverts par un régime provincial de santé et sécurité. Il y a des gens qui vont être victimes d'une grave maladie et qui vont être parfois couverts par un régime d'assurance-salaire. Par contre, si une personne a passé les deux dernières années sous un régime de la CSST ou sous un régime d'assurance-salaire, lorsqu'elle retournera au travail, elle ne pourra pas bénéficier de l'assurance-emploi s'il y a perte d'emploi, parce que, en effet, la période de référence est de 52 semaines et peut être prolongée au maximum de 52 autres semaines. Je vous réfère encore une fois au paragraphe 8(2) à la page 3 . En d'autres mots, malgré les motifs prévus pour possiblement prolonger la période de référence — il y a entre autres: maladie, blessures, détenu, recevoir une indemnité de départ, etc. —, on limite ça à 104 semaines. Il serait possible, toujours dans l'esprit de ce projet de loi — en comprenant un peu l'intention qu'il y a derrière —, qu'il y ait certaines situations exceptionnelles qui puissent permettre d'aller un peu plus loin que 104 semaines.
Je voudrais aussi porter à votre attention la Loi sur l'assurance parentale du Québec. Ce n'est pas la première fois que je viens ici et ce n'est pas la première fois, mesdames et messieurs les députés, que je vous parle de la Loi sur l'assurance parentale québécoise. Cette loi est un prolongement de la Loi sur l'assurance-emploi. Nous avons, au Québec, à partir de 1998, et ça a été mis en application le 1er janvier 2006, rapatrié une partie de la Loi sur l'assurance-emploi. C'est cette partie de la Loi sur l'assurance-emploi qui touche aux prestations de maternité et parentales. Quand on a créé ce projet de loi en 1998, et on l'a finalisé en 2006, on a calqué la Loi sur l'assurance-emploi.
Toutefois, on l'a étudiée et on a cherché à la moderniser. On a cherché à la moderniser dans ses critères d'admissibilité, dans son calcul du taux de prestations et dans la période de prestations auxquelles on a droit. Je vous réfère toujours à ce document. J'espère que vous l'avez. À la page 5, vous retrouvez la partie de la Loi de l'assurance parentale qui touche à la période de référence et à la question de la prolongation de la période de référence. Je le répète, la Loi sur l'assurance parentale mise en place au Québec est un prolongement de la Loi sur l'assurance-emploi. Au Québec et au fédéral, elle est assimilée à l'équivalent de prestations d'assurance-emploi.
Quand je vous dis qu'on a modernisé cet aspect-là, ça signifie que le gouvernement québécois a réuni autour d'une grande table des représentants de la société civile. Des gens comme moi, des gens des organisations syndicales, des associations d'employeurs et de l'État ont réfléchi à la Loi sur l'assurance parentale. Je fais ce long préambule pour vous amener à la page 5 du document que nous avons déposé, soit à l'alinéa 31.2(1)d) du Règlement de la Loi sur l'assurance parentale. Vous retrouvez calqué le paragraphe 8(2) de la Loi sur l'assurance-emploi sur les motifs qui peuvent entraîner une prolongation de la période de référence. À cet égard, nous avons rajouté au Québec le motif qui résulte d'une grève ou d'un lock-out et qui permet la prolongation de la période de référence.
On pense qu'au fédéral la Loi sur l'assurance-emploi pourrait s'en inspirer. On pense que le minimum qui devrait sérieusement être envisagé par la Chambre des communes serait de faire du conflit collectif, ce grand oublié comme cela a été mentionné un peu plus tôt, un motif qui puisse ouvrir ou donner droit à la prolongation de la période de référence, comme les autres motifs prévus au paragraphe 8(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. Il s'agit simplement de rajouter comme autres motifs le conflit collectif, la grève et le lock-out.
Cette question, madame la présidente, et je termine là-dessus, ne dénote aucune partisanerie. Il n'y a vraiment aucune partisanerie. Nous croyons vraiment très humblement que le Comité permanent des ressources humaines pourrait aisément et unanimement en proposer l'adoption au Parlement canadien. Qu'en pensez-vous?
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Merci, madame la présidente.
D'abord, je tiens à vous dire que j'aime bien ce projet de loi. Vous avez clairement indiqué, dans vos remarques liminaires, que les personnes qui sont en grève et qui retournent au travail, ou qui sont congédiées quand l'entreprise ferme ses portes, ou une situation analogue se produit, ne devraient pas être pénalisées pour la période pendant laquelle elles ont été en lock-out ou en grève. Le fait est qu'elles ne sont pas au chômage. Leurs noms n'ont pas été biffés de la liste de paie. Elles continuent à travailler pour la compagnie en question; elles ne sont tout simplement pas payées au cours de cette période. Et c'est justement là qu'elles sont pénalisées. Donc, je comprends vos arguments, et je dois dire que je suis généralement d'accord avec ce que propose le projet de loi.
J'ai posé des questions tout à l'heure à notre collègue qui propose l'adoption du projet de loi. L'une des questions qui a été soulevées concerne la possibilité — et comme vous représentez un syndicat, il me semble important de vous poser la question — que cette mesure accorde un avantage injustifié aux travailleurs. En d'autres termes, si les employés savent qu'ils ne vont rien perdre pour la durée de la grève, n'est-il pas possible que les négociations soient encore plus ardues, étant donné qu'on accorde cet avantage aux travailleurs?
Cette possibilité a été évoquée, et même si je n'accepte pas cet argument-là, je tiens à ce que vous, à titre de représentants syndicaux, nous disiez ce que vous en pensez, étant donné que vous avez vécu des situations de ce genre et qu'il a dû vous arriver de négocier dans le contexte d'un débrayage ou d'un conflit de travail. Quel en serait l'effet, selon vous?
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Tout d'abord, je voudrais vous remercier d'être ici pour apporter votre témoignage au sujet de cet important projet de loi. J'ai deux questions pour M. Pothier et M. Ducharme, qui est aussi du syndicat, je crois.
Vous êtes un travailleur de Lebel-sur-Quévillon, donc vous êtes un syndiqué, monsieur Ducharme. J'ai deux questions qui relèvent un peu de l'application des règles pendant un conflit.
Et j'ai aussi une question pour vous, monsieur Céré, au sujet de l'admissibilité à l'assurance-emploi.
L'intervention de M. Vellacott, plus tôt, prête à interprétation en ce qui concerne les droits pendant un conflit. Selon moi qui ai participé à des négociations dans le passé, à moins que les choses n'aient changé, tout « tombe au neutre » — si on peut dire — et il n'y a aucun avantage marginal, ni aucune cotisation de part et d'autre pendant tout le conflit. Peut-être que vous pourriez m'éclairer quant à savoir si c'est toujours le cas.
Je vais poser les trois questions en file pour vous donner tout le temps de répondre. L'autre question, et M. Pothier y a répondu en partie, concerne le nombre de conflits. Pour avoir droit à l'assurance-emploi à la fin d'un conflit — c'est à la fin d'un conflit qu'on a droit à l'assurance-emploi — il faut qu'il y ait fermeture ou mise à pied temporaire. Combien de ces conflits y a-t-il au Québec? Selon vous, qui êtes dans les relations de travail, combien de cas connus pourraient être touchés par ce projet de loi? Ces deux questions sont pour vous.
Je vais poser tout de suite ma question à M. Céré. Cela donne-t-il des avantages supérieurs quant à l'admissibilité à l'assurance-emploi? Cela donne-t-il des droits supérieurs quant à l'admissibilité pendant une période de conflit, ou vient-on juste mettre en application ce qui existe déjà?
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En ce qui a trait à la première question, je vous dirais que durant une grève ou un lock-out, il n'y a plus aucun avantage. Cela n'a pas changé, c'est resté pareil, ce sont toujours les mêmes choses. L'employeur ne défraie plus aucun coût. Les coûts qu'un employeur doit assumer sont liés au versement de la masse salariale. En grève ou en lock-out, il n'y a plus de salaires versés, il n'y a plus d'avantages versés, pas un sou n'est remis.
En réponse à la deuxième question sur le nombre de conflits, je n'en connais pas d'autres, évidemment, d'aussi longue durée que celui de Lebel-sur-Quévillon. Aurait-il pu y en avoir d'autres? Certainement. Au Québec, au cours des dernières années, on a commencé à assister à des lock-out d'assez longue durée, de plus d'un an. En effet, cette situation aurait pu se produire ailleurs.
J'ai entre autres en mémoire un conflit qui a été très difficile, que tout le monde connaît, à tout le moins les gens du Québec: celui survenu chez Vidéotron. L'enjeu de la négociation chez Vidéotron, dont les employés étaient en lock-out, était les emplois. L'employeur souhaitait abolir l'ensemble des postes de techniciens, il était tellement déterminé à le faire que toute une flotte de camions avait même été vendue. C'était clair, c'était au point de non-retour. Ce conflit, qui a duré plus d'un an, a finalement eu un dénouement heureux, car l'employeur s'est engagé à garder ses techniciens, il a racheté une flotte de véhicules. Il y a eu un dénouement heureux.
À l'inverse, il aurait pu s'agir de centaines de travailleurs et travailleuses qui perdent leur emploi au moment de la fin d'un conflit. On se serait retrouvé exactement dans la même situation, où des gens ont versé des cotisations d'assurance-emploi pendant tout le temps qu'ils travaillaient et qui se retrouvent dans un conflit qu'ils n'ont pas recherché. Ils se seraient retrouvés à la fin du conflit sans emploi, le fruit d'une décision qu'ils n'avaient pas prise, et ils auraient pu subir la même situation que les gens de Lebel-sur-Quévillon. Ils auraient payé une assurance toute leur vie, comme travailleurs et travailleuses, sans pouvoir profiter de prestations.