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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 013 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde. Je déclare ouverte la treizième séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Conformément à l'ordre de renvoi présenté le mercredi 3 mars, nous nous pencherons sur le projet de loi C-308.
    Cet après-midi, nous souhaitons la bienvenue à deux témoins du Congrès du travail du Canada, soit à Mme Barbara Byers, vice-présidente exécutive, et à M. Sylvain Schetagne, économiste principal du Service des politiques sociales et économiques.
    Bienvenue. Nous sommes heureux que vous soyez ici avec nous. Vous aurez 10 minutes pour votre déclaration préliminaire, puis les membres du comité vous poseront leurs questions.
    Je me chargerai de la déclaration préliminaire, puis Sylvain et moi répondrons tour à tour aux questions.
    Avant tout, j'aimerais remercier le comité de s'être accommodé à nos horaires. Sylvain a un fils qui a peur que son père l'oublie après sa journée d'école, donc nous avons dit au comité que nous pourrions être ici à condition que Sylvain puisse partir au plus tard à 16 h 30. Merci beaucoup. Je crois qu'il est tout à l'honneur du comité d'avoir fait preuve d'une telle considération à notre égard.
    Au nom du Congrès du travail du Canada et de nos trois millions de membres qui sont répartis d'un bout à l'autre du pays, nous vous remercions de nous permettre de vous parler une fois de plus de l'assurance-chômage — ou de l'assurance-emploi, comme certains l'appellent. Nous rassemblons des personnes de toutes les régions du pays, qui proviennent de fédérations de travailleurs, de nos groupes et de nos conseils du travail.
    Pendant longtemps, la campagne sur l'assurance-chômage du CTC a reposé sur trois piliers. Nous savons qu'il y a beaucoup à faire en ce qui concerne l'assurance-emploi, mais comme nous l'avons dit, il y a trois choses que nous devons absolument régler. La première est l'accès. La deuxième est le niveau des prestations. La troisième est la période de prestations.
    Pendant mon exposé, je ne passerai pas beaucoup de temps sur la question de l'accès aux prestations et du niveau des prestations, parce que je souhaite plutôt m'attarder sur la question de la période de prestations. Mais laissez-moi vous dire que l'accès est d'une importance capitale: ça n'a aucun sens d'avoir un super programme auquel personne ne peut avoir accès. Nous nous sommes longtemps battus en disant que nous avions besoin d'une période de référence de 360 heures, ce que prévoit le projet de loi.
    Ce n'est pas au hasard que nous avons choisi le nombre 360; nous sommes partis du concept d'une semaine de 30 heures, pendant 12 semaines. Concrètement, la période de référence qui est maintenant requise est encore plus longue qu'elle ne l'était avant que l'on passe du « cumul des semaines » au « cumul des heures ». En effet, la période exigée était plus courte lorsque l'on appliquait le cumul des heures; je crois que c'était 15 heures pendant 12 semaines. Donc, chose certaine, nous appuyons la prolongation de la période de référence à 360 heures, pour tous les prestataires.
    De façon similaire, en ce qui concerne le niveau des prestations, le projet de loi accroîtrait légèrement les prestations d'assurance-emploi, les portant à 60 p. 100 de la rémunération des 12 « meilleures semaines » de l'année précédente. Nous devons garder en tête que les 12 meilleures semaines ne sont pas toujours les 12 dernières semaines, donc la notion de « meilleures » est très importante. Nous voyons d'un bon oeil cette proposition du passage à 60 p. 100 de la rémunération des 12 meilleures semaines.
    Les prestations moyennes actuelles sont très faibles. En ce moment, personne ne se paie du bon temps sur l'assurance-emploi — j'ignore même si ça a déjà été possible... La moyenne est d'environ 350 $ par semaine, ce qui permet à peine à une personne célibataire de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté et, assez clairement, si vous êtes une femme en position de recevoir de l'assurance-emploi, la moyenne est encore plus basse; c'est le cas dans tous les domaines pour les femmes. Soit dit en passant, là encore, les taux étaient plus élevés avant: 70 p. 100 et 66 p. 100. Donc, nous ne sommes même pas revenus au point où nous en étions avant.
    Nous souhaitons consacrer la plupart du temps dont nous disposons cet après-midi à la question de la période de prestations et de l'épuisement des prestations, parce que cela devient de plus en plus problématique. Actuellement, les nouveaux prestataires ont droit, en moyenne, à 38 semaines ou 9 mois de prestations. C'est la somme de la moyenne de 31 semaines d'avant la récession, des 5 semaines ajoutées par le budget, ainsi que des 2 semaines supplémentaires que garantit en moyenne une augmentation de 2 p. 100 du taux de chômage national.
    Nous savons qu'il est encore très difficile de trouver un emploi. Entre le début de la récession et septembre 2009, la durée moyenne des périodes de chômage est passée de 13,6 à 17 semaines.
    En février 2010, plus d'une personne sans emploi sur cinq avait passé plus de six mois en chômage. Il s'ensuit que les personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi risquent de les épuiser dans un très proche avenir, si ce n'est déjà fait. Ainsi, bien qu'il y ait une diminution des conditions d'accès et une augmentation du niveau des prestations, nous continuons de croire que la période de prestations est une préoccupation qui doit être prise en main.
    La récession est un « test de tension » pour l'actuel régime d'assurance-emploi, la première épreuve associée à l'augmentation rapide du chômage depuis l'adoption du nouveau régime fondé sur les heures de travail vers le milieu des années 1990.
(1535)
    Depuis le début de la crise, en octobre 2008, il y a eu une légère augmentation de la proportion des personnes sans emploi qui reçoivent des prestations régulières d'assurance-emploi sous l'effet de deux principaux facteurs.
    Premièrement, les phases initiales du ralentissement économique ont été marquées par d'importantes mises à pied de personnes dont les emplois avaient habituellement été stables auparavant. Avant la récession, une plus forte proportion des personnes sans emploi étaient des personnes devenant ou redevenant membres de la population active, qui devaient avoir accumulé 910 heures de travail pour avoir droit à des prestations. Cette condition rendait inadmissibles de nombreux jeunes travailleurs et travailleuses, ainsi que les parents, presque tous des femmes, qui retournaient au travail après un congé, et les nouveaux immigrants et immigrantes.
    Deuxièmement, le régime d'assurance-emploi répond automatiquement aux ralentissements économiques, bien que ce soit avec un important retard. Il ne s'en occupe pas tout de suite, parce que les conditions d'admissibilité et la période de prestations dépendent du taux de chômage régional. Au milieu de 2009, la condition d'admissibilité à l'assurance-emploi avait baissé par rapport à octobre 2008 dans environ 40 des 58 régions de l'assurance-emploi, ces 40 régions comptant pour plus de 80 p. 100 des travailleurs et travailleuses.
    Pourtant, le fait est que de nombreux travailleurs et travailleuses ont été laissés en plan. Et là encore, il s'agit principalement de femmes et de jeunes travailleurs et travailleuses. Depuis octobre 2008, le nombre de personnes sans emploi qui ne reçoivent pas de prestations régulières d'assurance-emploi a augmenté rapidement. La proportion des personnes sans emploi qui reçoivent des prestations a augmenté de façon marquée dans le cas des hommes, mais a à peine augmenté pour les femmes. Entre juillet 2008 et juillet 2009, la proportion des personnes sans emploi recevant des prestations est passée de 37 à 45 p. 100 pour les hommes, et pour les femmes, ce taux est passé de 44,7 à 45,2 p. 100 — ce qui est vraiment minime.
    La proportion des personnes sans emploi recevant des prestations demeure très faible dans de nombreuses parties du pays. Cela tient particulièrement au fait qu'il est difficile d'avoir droit à des prestations quand les emplois disparaissent subitement dans des régions où le taux de chômage était auparavant bas.
    La condition d'admissibilité en heures de travail continue d'empêcher de nombreux travailleurs et travailleuses de recevoir des prestations. Des études estiment que cela revient à environ 160 000 personnes au cours de tout mois et à un nombre beaucoup plus élevé au cours d’une année. Une étude de RHDCC a porté sur une proposition visant à ramener temporairement à 360 heures la condition d'admissibilité et a montré que cela aurait permis à environ 184 000 personnes de plus d'avoir droit à des prestations d'assurance-emploi au cours d'une année — une facture de 1,14 milliard de dollars.
    Comme il est proposé dans le projet de loi, le CTC croit que le seuil de 360 heures devrait remplacer également la condition de 910 heures imposée aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active, parce que cela exclut de nombreux immigrants et immigrantes et parce que cela est peut-être la raison pour laquelle un si grand nombre de personnes sans emploi de Toronto et de Vancouver n'ont pas droit à des prestations.
    Outre les personnes sans emploi qui n'ont jamais droit à des prestations, de nombreux travailleurs et travailleuses touchent des prestations pendant un certain temps mais les épuisent avant de trouver un nouvel emploi. Un grand nombre de travailleurs et de travailleuses qui ont commencé à recevoir des prestations pendant le début de la crise, en 2008, les avaient épuisées à l'automne de 2009. Nous prédisons que le nombre de personnes qui auront épuisé leurs prestations ne cessera de croître pendant les prochains mois. Vous avez là les pourcentages pour ce qui est des personnes qui ont épuisé leurs prestations avant la récession et après.
    Actuellement, on peut s'attendre à ce qu'un nouveau prestataire d'assurance-emploi ait droit en moyenne à environ 38 semaines ou 9 mois de prestations. C'est la somme de la moyenne de 31 semaines d'avant la récession, des 5 semaines ajoutées par le budget et des 2 semaines supplémentaires, selon les modalités que vous connaissez. Nous croyons que le nombre total des nouveaux bénéficiaires de prestations régulières atteindra environ deux millions en 2009. Si le taux d'épuisement demeurait le même, nous risquerions de voir plus de 500 000 personnes et leurs familles épuiser leurs prestations pendant la dernière partie de 2009 et le début de 2010.
    Au stade actuel de la récession, comme je l'ai dit, les emplois sont encore très difficiles à trouver. Du début de la récession à septembre 2009, la durée moyenne des périodes de chômage est passée de 13,6 à 17 semaines, et plus d'une personne sans emploi sur cinq était en chômage depuis plus de six mois en septembre. Je sais qu'on a traité de cela plus tôt, mais je crois que ça vaut la peine de mettre l'accent sur ce point.
(1540)
    Le CTC a appelé à l’amélioration de l’accès par l’établissement d’une période des prestations régulières de 50 semaines. Que l'on nous comprenne bien: si la majorité des députés s’entendent pour approuver le projet de loi, nous ne voudrions pas que notre position sur la période de prestations empêche d’améliorer l’accès et le niveau des prestations, soit les deux autres aspects dont j'ai parlé plus tôt.
    Nous croyons quand même qu’il y a lieu de verser des prestations pendant une plus longue période, afin de mieux protéger les Canadiens et l’économie canadienne contre les conséquences d’un ralentissement économique comme celui que nous vivons actuellement.
    Nous vous recommandons avec insistance d'appuyer cet important projet de loi progressiste. Quand il aura été adopté, je crois qu'il faudra revenir à la question de la durée et que nous nous occupions de toutes ces personnes qui sont actuellement exclues.
    J'ai parlé très rapidement, et je m'en excuse auprès des interprètes. Ils ont la version anglaise de mon exposé, et nous vous transmettrons la traduction en français d'ici quelques jours.
    Merci beaucoup, madame Byers. Nous comprenons l'importance de ce dossier.
    Nous allons passer aux questions des membres du comité. Notre premier tour sera un tour de sept minutes, ce qui comprend le temps des questions et des réponses.
    La parole est d'abord à M. Savage.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à vous deux. Je vous assure que je ne vous retiendrai pas assez longtemps pour vous empêcher d'aller chercher votre fils; c'est la priorité numéro un. J'aimerais bien être chez moi pour pouvoir aller chercher mon fils moi aussi.
    J'aimerais que nous discutions un peu de certaines initiatives qui sont proposées dans le projet de loi, qui a été déposé par un de nos parlementaires les plus éminents, que nous ne nommerons pas pendant la séance d'aujourd'hui. Comme on le dit souvent au sujet de l'assurance-emploi, beaucoup de choses peuvent être faites pour rendre le régime plus solide et mieux adapté aux besoins d'un plus grand nombre de travailleurs. J'imagine qu'on pourrait également apporter des changements qui seraient profitables aux employeurs; je crois qu'il faut tenir compte des deux côtés de la médaille. Le projet de loi propose un certain nombre de changements.
    J'aimerais revenir sur une étude que les gens de la Bibliothèque du Parlement ont réalisée pour nous en mars — je crois que c'était pour nous, ou alors c'était pour moi. Ils ont comparé notre régime d'assurance-emploi à ceux de certains autres pays, en particulier des pays d'Europe.
    En ce qui concerne le délai de carence, par exemple, nous avons, comme vous le savez, un délai de deux semaines au Canada. On appelle cela le « délai de carence », mais il s'agit plutôt d'une « période de vaches maigres » pour les gens qui se retrouvent sans emploi. Il n'y a pas de délai de carence au Danemark; le délai, en Finlande, est de sept jours, et de huit jours en France; il n'y a pas de délai en Allemagne, et en Suède, le délai est de cinq jours. Nous faisons attendre les sans-emploi beaucoup plus longtemps que d'autres pays avant de leur verser des prestations.
    Pour ce qui est de la durée, si l'on ne tient pas compte des mesures de relance des différents pays, au Canada, comme vous le savez, la période de prestations dure de 14 à 45 semaines. Au Danemark, elle peut durer quatre ans. En Finlande, c'est 500 jours. En France, des prestations sont versées pendant au moins six mois. En Allemagne, la période de prestations dure de 6 à 18 mois, et en Suède, les sans-emploi peuvent toucher des prestations pendant 300 jours, mais cette période peut être prolongée de 150 jours de plus.
    Il y a toutes sortes de manières d'envisager la question. Par exemple, si l'on considère le niveau des prestations, nous versons 55 p. 100 de la rémunération hebdomadaire moyenne. Et vous avez raison: ce chiffre s'établissait à 70 p. 100 dans les années 1970 et, probablement, au début des années 1980. Au Danemark, ce taux s'établit à 90 p. 100; en Allemagne, c'est 67 p. 100 pour une personne qui a un enfant, et 60 p. 100 pour quelqu'un qui n'en a pas; en Suède, on verse 80 p. 100 de la rémunération pour les 200 premiers jours, et 70 p. 100 par la suite.
    Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos prestations d'assurance-emploi... Bien souvent, nous ne nous comparons qu'aux États-Unis, et en particulier à certains États où le niveau des prestations est peu élevé. D'autres États font meilleure figure. Il y a bien des manières de défendre l'idée qu'il faut investir, en particulier dans un contexte de relance, mais ce serait vrai même si la situation était différente; quand on parle de mesures de relance, il faut faire des investissements.
    En ce qui concerne la question de la relance, on dispose de beaucoup de données qui indiquent que l'assurance-emploi est la meilleure mesure qui soit, qu'elle fait en sorte que l'on donne de l'argent à des gens qui a) en ont besoin et b) vont le dépenser. Selon la fameuse étude qui est citée un peu partout, on réalise un bénéfice de 1,61 $ pour chaque dollar investi, alors je crois qu'on aurait pu faire beaucoup mieux au chapitre de l'assurance-emploi.
    La première question que j'aimerais vous poser serait de savoir si votre organisation dispose d'estimations à jour en ce qui concerne les coûts liés à ces différents éléments.
(1545)
    Non. Cela fait environ un an que nous nous sommes penchés pour la dernière fois sur le coût de certaines de nos propositions, et certaines informations sont toujours manquantes. Par exemple, la question des prestataires ayant épuisé leurs prestations et la question de la durée ont des répercussions sur le calcul du coût que représenterait la mise en œuvre d'une admissibilité de 50 semaines.
    Il y a donc toujours des inconnues dans l'équation, et, non, nous n'avons procédé à aucune mise à jour des estimations que nous avons essayé de produire à partir de l'information dont nous disposions il y a environ un an.
    D'accord.
    Puis-je ajouter quelque chose sur certains autres points que vous avez soulevés?
    Nous serions ravis si des améliorations étaient apportées au régime d'assurance-emploi. Nous affirmons depuis des années qu'il faut le moderniser. Il y a la question des femmes sur le marché du travail, des employés à temps partiel, etc. Nous serions ravis de voir des améliorations dans tous ces domaines. Pour parler franchement, il y a un montant de 57 milliards de dollars, versés par les travailleurs et les employeurs, qui aurait pu être placé dans un programme mieux conçu, et non dans un programme qui n'est pas là pour les gens lorsqu'ils en ont vraiment besoin.
    Mais il y a également une réalité dont nous devons tenir compte. Vous vous souvenez certainement d'un comité parlementaire qui, en 2003-2004, en est arrivé à 28 recommandations très pertinentes — il me semble qu'il y en avait 28. Mais, comme on l'a dit, le principal enjeu, c'est de se doter d'un régime dont les travailleurs peuvent bénéficier. Nous pouvons avoir un excellent régime d'assurance-emploi, mais si une foule de personnes sont exclues parce que le nombre d'heures requis est trop élevé, alors ce n'est que sur papier que ce régime fait bonne figure.
    J'aimerais dire une dernière chose sur la question des prestataires qui ont épuisé leurs prestations. Lorsque j'ai comparu devant ce comité antérieurement, nous avons entre autres demandé que RHDCC adopte une pratique qui est en usage aux États-Unis, semble-t-il, et qui consiste à produire un rapport mensuel sur le taux de prestataires ayant épuisé leurs prestations. Un tel rapport ne peut être obtenu de la même façon ici.
    C'est exact.
    En ce qui concerne la question de l'accès, selon les dernières statistiques, notre taux s'élevait à 40 p. 100 en 2008. Il y a eu une légère augmentation pendant la récession, mais rien de substantiel. Si l'on se compare encore une fois aux autres pays, par exemple... Au Canada, le taux est de 40 p. 100. Le gouvernement continue d'affirmer que 82 p. 100 des personnes qui pourraient être admissibles reçoivent des prestations, mais c'est une manière un peu biaisée de présenter les choses.
    Plus de la moitié des sans-emploi canadiens ne touchent pas de prestations d'assurance-emploi. C'est un des problèmes qui se posent relativement à toute cette question de l'accès: un nombre d'heures de travail insuffisant, l'endroit où habitent ces personnes, ou quelle que soit la raison qui fait qu'elles ne reçoivent pas de prestations. Par opposition, 70 p. 100 des chômeurs bénéficiaient de l'assurance-emploi en Allemagne, la dernière fois que cette statistique a été établie, et ce chiffre s'établissait à 85 p. 100 en Suède.
    L'enjeu véritable est donc une question d'accès, et les femmes et les travailleurs à temps partiel sont touchés de manière disproportionnée. Dans le cadre de l'étude que nous avons menée sur la pauvreté, nous avons entendu parler du problème de l'accès à maintes et maintes reprises.
    Seriez-vous d'accord pour dire que les travailleurs à temps partiel et les femmes sont particulièrement victimes de la situation actuelle?
    Oui, absolument. Rappelons-nous de ce qui s'est passé avant que la récession ne survienne. Rappelez-vous ce qui est arrivé, pendant la crise du SRAS, à Toronto, à des gens qui travaillaient à temps partiel dans des hôtels — essentiellement des femmes, encore une fois — et qui n'ont pas pu obtenir de prestations d'assurance-emploi parce qu'ils n'avaient pas accumulé assez d'heures, en dépit du fait qu'ils avaient cotisé à la caisse de l'assurance-emploi pendant des années. Nous devons faire quelque chose au sujet du nombre d'heures requis.
    En passant, nous ne cessons de demander aux gens de RHDCC pourquoi ils affirment que de 80 à 82 p. 100 des personnes admissibles à l'assurance-emploi reçoivent des prestations. Nous leur demandons pourquoi ce chiffre ne s'établit qu'à 100 p. 100. Si les chômeurs sont admissibles, 100 p. 100 d'entre eux devraient toucher des prestations, et non 80 p. 100, et encore moins 40 p. 100.
    M. Michael Savage: Et vous savez...
(1550)
    Mes excuses, monsieur Savage.
    M. Michael Savage: Mon temps est écoulé?
    La présidente: En effet.
    M. Michael Savage: Je vous remercie.
    La présidente: Merci beaucoup.
    Monsieur Lessard, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie, madame Byers et monsieur Schetagne, d'être ici cet après-midi pour témoigner à nouveau de cette nécessité d'avoir une réforme de l'assurance-emploi. Le projet de loi C-308 comporte seulement quelques éléments de cette réforme.
    Madame Byers, vous avez très bien résumé la situation et remis les choses en contexte. Vous avez bien fait de rappeler tout le débat qui a eu lieu en 2004 à la suite duquel 28 recommandations ont été formulées. À ce moment-là, nous étions quelques-uns du comité à avoir participé à ces travaux. Outre moi-même, il y avait M. Godin et le député du Parti libéral M. D'Amours. Même si les libéraux étaient au pouvoir à ce moment-là, quelques membres du Parti libéral étaient favorables à cette réforme et ont participé à la formulation des recommandations. Il y avait aussi des gens du Parti conservateur qui formait alors l'opposition officielle.
    Il est donc question en bonne partie de la nécessité d'avoir une réforme de l'assurance-emploi. En guise d'argument, on dit que la situation des chômeurs s'est améliorée depuis 2004. D'une part, il y en a moins, semble-t-il. D'autre part, ceux qui perdent leur emploi sont mieux traités grâce à des mesures en place.
    J'étais heureux de vous entendre parler particulièrement de la situation des femmes. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. La condition des chômeurs et des chômeuses s'est-elle suffisamment améliorée pour penser à renoncer à une réforme de l'assurance-emploi?

[Traduction]

    Absolument pas. Le régime de l'assurance-emploi a besoin d'une réforme; il faut qu'on le modernise. C'est un besoin criant. Actuellement, il exclut des milliers de travailleurs parce que, comme nous l'avons dit dans notre exposé, ils n'ont pas accumulé suffisamment d'heures. Certains d'entre eux ont travaillé des années, mais ils ne peuvent pas bénéficier du régime lorsqu'ils se retrouvent au chômage.
    Je me rappelle avoir travaillé à ce dossier, même sur la question des prestations spéciales, il y a un certain nombre d'années, dans ma vie antérieure, alors que j'étais présidente de la Fédération du travail de la Saskatchewan. Une femme qui travaillait pour Canada Safeway avait pris un congé de maternité. Elle était admissible, selon l'ancien système des semaines accumulées. Quelques années plus tard, elle a eu un deuxième enfant mais, à ce moment-là, selon le régime des heures accumulées, elle n'était plus admissible parce qu'elle n'avait pas accumulé suffisamment d'heures. Il y a une discrimination évidente à l'endroit des gens qui ne travaillent ni à temps plein ni toute l'année.
    Non seulement le régime ne fonctionne pas pour les gens qui perdent leur emploi et qui ne peuvent avoir accès aux prestations, mais il ne fonctionne pas pour les communautés. Si on examine le taux de prestataires en fonction du nombre de chômeurs, les 40 p. 100 dont nous parlions se sont élevés pour approcher 54 ou 55 p. 100 au milieu de la récession. Comparons maintenant ces chiffres aux statistiques du début de la récession des années 1990. À ce moment-là, 83 p. 100 des chômeurs touchaient des prestations, ce qui signifie que ces personnes pouvaient dépenser de l'argent dans leur communauté, et aider ainsi d'autres personnes à conserver leur emploi.
    Dans la réalité d'aujourd'hui, le filet de sécurité sociale actuel fait en sorte qu'environ un chômeur sur deux n'a non seulement pas d'argent pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, mais n'en a pas non plus pour aider d'autres membres de sa communauté à conserver leur emploi. Non seulement ces personnes se retrouvent aujourd'hui dans une moins bonne position à titre de chômeurs, mais la situation des communautés dans lesquelles elles vivent a également empiré.

[Français]

    On comprend bien que, selon vous, la réforme s'impose. Or, l'autre élément du débat qu'il faut prendre en compte et qui nous est servi, c'est la question des coûts. On sait que la cotisation a été gelée pour un bout de temps à 1,73 $. De plus, le gouvernement a limité les augmentations à un rythme de 15 ¢ jusqu'à 1,43 $.
    Étant donné la fin d'un certain nombre de programmes temporaires prévue cet automne, en 2011 et en 2012, et compte tenu des prévisions d'augmentation à compter de 2012, le gouvernement pourra, selon nous, dégager à nouveau 19 milliards de dollars en surplus qu'il pourra utiliser à d'autres fins. Selon vous, pourrait-on se servir de cette cagnotte pour payer les coûts d'une réforme en profondeur?
(1555)

[Traduction]

    Oui. Nous avons toujours soutenu qu'une réforme était nécessaire. Auparavant, nous rencontrions chaque année des représentants de la Commission de l'assurance-chômage, ainsi que l'actuaire en chef, pour discuter des taux qui seraient souhaitables. Je ne veux pas dire que nous exercions une grande influence, car l'actuaire recevait des directives; on lui disait: « Voici ce que vous devez faire. »
    Tout au long de ce processus, nous avons soutenu qu'on adoptait une vision à trop court terme, qu'on se donnait un horizon d'une année, et non de cinq ans. Si on s'était penché sur la question à ce moment-là, je crois qu'une personne sensée aurait dit qu'il ne fallait pas réduire les cotisations, mais qu'il fallait en fait commencer à utiliser cet argent de manière à ce qu'il bénéficie réellement aux sans-emploi.
    Monsieur Lessard, il me semble que vous avez d'abord dit que certaines personnes estiment que les sans-emploi bénéficient actuellement d'un grand nombre de mesures améliorées. J'aimerais bien voir certaines personnes ici présentes, et certains de nos parlementaires, passer à travers le processus que doivent franchir les personnes qui essaient de demander des prestations d'assurance-emploi. Ce n'est pas facile, les prestations ne sont pas extraordinaires, et le régime ne fonctionne pas pour les travailleurs. De plus, la période de prestations est trop courte, pour les personnes qui en obtiennent.

[Français]

    Je voudrais ajouter qu'il est certain que, dans les prochains mois, il y aura un débat sur la façon d'augmenter les cotisations. Il y a déjà eu une annonce à cet égard dans le dernier budget.
    La situation actuelle fait en sorte qu'on parte d'un point précis dans le temps pour évaluer la situation de la caisse. On ne prend pas en considération les surplus accumulés dans le passé. Cela suscite une grande interrogation, car on doit en tenir compte. Autrement, on va se donner comme mesure d'évaluation un point x, sans considérer le fait que des milliards de dollars ont été accumulés avant ce point x. On va se baser sur ce point x pour évaluer ensuite quelles seront les cotisations à venir et quelle sera la balance.
    Il faut, dans l'équation, prendre en considération l'ensemble du cycle économique pour voir quelle est la situation de la caisse. Il est très clair — on le disait avant les réformes — que la caisse a dégagé des surplus considérables et qu'on pourrait améliorer le régime. Ce régime est bon pour les travailleurs qui perdent leur emploi et également bon pour les communautés parce qu'il s'agit d'un stimulus économique qui les soutient. Ça devrait également être considéré dans le débat lorsqu'on discutera de la façon dont on financera le régime à la suite de la crise économique majeure qu'on vient de vivre.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Godin, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Dans le projet de loi, il est question de 360 heures. L'ancien projet de loi C-280 parlait de congé de maternité et de congé parental, mais pas celui-ci.
    Quelle est la recommandation du CTC à cet égard?

[Traduction]

    Nous croyons que les 360 heures devraient s'appliquer quel que soit le type de prestations. Est-ce bien ce que vous vouliez savoir?
    Nous croyons que les 360 heures devraient s'appliquer à tous les types de prestations, et que la question de savoir où vit une personne ou ce qu'elle fait ne devrait pas être prise en considération. Il faudrait que les 360 heures soient la règle, tout simplement. Cela rendrait les choses plus simples.

[Français]

    Auparavant, si je me souviens bien, il fallait 15 heures par semaine pendant 10 semaines, ou 150 heures. Par la suite, le seuil a été augmenté à 910 heures. L'argument invoqué par l'ancien gouvernement libéral et le gouvernement conservateur actuel était que les jeunes devraient travailler beaucoup d'heures pour éviter qu'ils soient prestataires de l'assurance-emploi. Il ne faudrait pas les encourager à ne pas travailler. C'était l'argument, si vous vous en souvenez bien.
    Et les femmes enceintes, dans tout ça? Est-ce qu'une femme doit décider de ne pas tomber enceinte un beau soir parce que le gouvernement pourrait penser qu'elle abuse du système? Récemment, une jeune fille m'a téléphoné à mon bureau. Elle est enceinte depuis trois mois. Elle travaillait chez Jiffy Products à Shippagan, qui a mis à pied un quart de travail. Elle avait travaillé 423 heures. Elle m'a téléphoné, en larmes, en me demandant ce qu'elle allait faire et qui allait l'engager maintenant qu'elle était enceinte de trois mois. Comment peut-on aller chez un employeur et lui demander d'être engagé pendant quelques mois alors qu'on va bientôt être en congé de maternité?
(1600)

[Traduction]

    Si la question que vous posez, Monsieur Godin, est de savoir si nous souhaiterions que l'exigence soit abaissée pour les congés de maternité, nous serions favorables à toute amélioration de ce genre. Mais l'idée que nous avons toujours défendue, c'est que la première mesure importante à prendre est de ramener le seuil à 360 heures pour tout le monde. Soyons clairs: personne ne présente de demande d'assurance-emploi en se disant qu'il fera la belle vie.
    Mais il y a tout de même des gens qui le pensent.
    Je le sais. Je comprends tout cela, mais...
    Vous n'avez qu'à écouter ce qui s'est dit à la Chambre des communes la semaine dernière alors que l'on cherchait à savoir qui avait volé quoi et qui ne l'avait pas fait. C'était le gouvernement précédent. Et j'ai demandé qui était au pouvoir de 2006 à 2010.
    L'argent appartient toujours aux travailleurs et aux entreprises qui ont contribué au régime. Il doit être remis aux personnes en difficulté, qui n'ont pas de travail et qui ont une famille à nourrir.
    Mme Barbara Byers: Absolument.
    M. Yvon Godin: Notre pays compte 1,4 million d'enfants qui ont faim. Nous pouvons attribuer cette situation au régime d'assurance-emploi et aux changements mis en œuvre par ces gouvernements.
    Tout à fait et, en passant, vous n'avez qu'à regarder qui a contribué au surplus du régime. Lorsque le gouvernement a proposé le concept de l'heure de travail assurable, rappelez-vous qu'il fallait travailler 15 heures par semaine pour avoir droit à des prestations d'assurance-chômage. Nous avons dit que chaque heure devait être assurable et que les personnes qui travaillaient moins que le nombre d'heures correspondant à un emploi à temps plein devaient avoir droit à un certain type de prestations si elles se retrouvaient dans une période de chômage, longue ou courte.
    Ce que nous n'avions pas prévu en appuyant le nouveau calcul fondé sur les heures, au lieu des semaines, c'est que le nombre d'heures exigé allait être si élevé que certaines personnes ne pourraient être admissibles aux prestations. Regardez qui sont ceux qui ont contribué au surplus: un grand nombre de travailleurs à temps partiel, des personnes qui ont travaillé moins de 15 heures par semaine, des personnes qui ne peuvent obtenir...

[Français]

    Recommandez-vous que le gouvernement accorde la recommandation royale?

[Traduction]

    La recommandation portant sur les 360 heures...?
    Eh bien, le projet de loi...
    Mme Barbara Byers: Le projet de loi, oui.
    M. Yvon Godin: Si nous ne demandons pas l'approbation de la recommandation royale, nous n'irons nulle part.
    Absolument.
    Ce n'est tout simplement pas... Le CTC ne va pas tout simplement dire: s'il vous plaît...
    Non.
    Alors, nous n'avons qu'à laisser cette recommandation franchir toutes les étapes. Si les membres du Parlement s'expriment et qu'ils souhaitent modifier ce projet de loi, les changements devraient être entérinés.
    Absolument. Nous disons donc qu'à la fin, en ce qui a trait au... Je crois que je vous comprends. Nous ne disons pas qu'au niveau de la période de versement, nous voulons faire traîner les choses. Ce que nous disons, c'est qu'il faut faire adopter ces deux autres éléments, à savoir l'accès aux prestations et le niveau de prestations, puis reprendre les discussions et proposer d'autres éléments, parce que les chômeurs sont étouffés.
    Vous avez encore une minute, monsieur Godin.
    Encore une minute...?
    Avez-vous dit que la période de versement des prestations devrait être de 50 semaines?
    Oui.

[Français]

    Ça devrait être 50 semaines?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Comme dans certains pays? Car il y a des pays où on a 50 semaines.

[Traduction]

    Et davantage, selon les statistiques qui vous ont été présentées. En fait, il y a la situation des États-Unis, pays auquel nous ne nous comparons pas souvent, qui nous est si favorable.

[Français]

    Pensez-vous que les travailleurs abuseraient du système, qu'ils ne voudraient qu'être prestataires de l'assurance-emploi plutôt que de travailler? Pensez-vous, comme certains gouvernements le disent, qu'il faut resserrer les règles de l'assurance-emploi parce que tout le monde préférerait devenir prestataire de l'assurance-emploi? Pensez-vous que les travailleurs canadiens sont aussi lâches et paresseux que ça?

[Traduction]

    Non. La réalité, c'est que peu importe le programme social, peu importe le milieu de travail ou encore le Parlement ou l'administration, voire l'entreprise, il y aura toujours un petit nombre de personnes, mais vraiment un très petit nombre qui, si je puis m'exprimer ainsi, chercheront à faire une entorse aux règles...
    On retrouve cela aussi chez les gens bien nantis.
    Oui, mais la grande majorité des gens ne le font pas. Pendant 17 ans, j'ai été travailleuse sociale en Saskatchewan. Les gens ne veulent pas compter sur le bien-être social. Ils ne veulent pas non plus dépendre de l'assurance-emploi. S'ils se retrouvent dans de telles situations, c'est en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. Je veux dire, regardez ce qu'il en est.
    Non, les gens ne veulent pas recourir à l'assurance-emploi s'ils peuvent trouver autre chose.
    Merci beaucoup, madame Byers.
    Passons maintenant à M. Komarnicki, s'il vous plaît.
(1605)
    Merci, madame la présidente.
    Il n'y a aucun doute que nous sommes nombreux à vouloir des améliorations au programme d'assurance-emploi, mais c'est un programme d'assurance et, évidemment, comme avec tout programme, si on augmente le montant des prestations, il faut tenir compte des coûts que cela entraîne.
    Par exemple, il y a une partie de ce projet de loi qui traite de l'élimination d'une des conditions requises actuelles aux fins d'admissibilité aux prestations de chômage régulières, à savoir le nombre d'heures qui varie selon le taux de chômage régional. Je prends pour acquis que vous vous opposez à cette exigence qui varie selon la région.
    Oui.
    Il y a un facteur coût dont il faut tenir compte. Certains ont estimé que ce coût s'élèverait à 1,148 milliard de dollars; je crois que ce chiffre vient du directeur parlementaire du budget. Je sais que d'autres ont dit que, selon la mesure dans laquelle cette modification est liée aux prestations, cela pourrait se chiffrer jusqu'à 4 milliards de dollars par année.
    Ces chiffres ne tiennent pas compte du fait que ce projet de loi particulier prévoit que, même si l'on adopte une condition d'admissibilité aux prestations régulières uniforme de 360 heures d'emploi assurable, le nombre de semaines de prestations continue de varier en fonction des heures d'emploi assurable et du taux de chômage régional, tel que précisé dans une nouvelle annexe. Cette annexe, jointe au projet de loi, précise que l'exigence uniforme de 360 heures s'applique à tout le monde, mais que tous n'obtiennent pas le même montant de prestations, parce que ces prestations s'échelonnent selon le nombre d'heures, la région du prestataire et le taux de chômage en vigueur dans cette région.
    Alors, vous opposez-vous à la façon dont les prestations sont calculées nonobstant l'exigence uniforme de 360 heures aux fins d'admissibilité? De plus, avez-vous une idée de ce qu'il en coûterait si nous supprimions les taux de chômage régionaux?
    Avant que Sylvain aborde certaines questions techniques, je veux simplement... Vous avez dit qu'il s'agissait d'un programme d'assurance, ce qui, à mon avis, est assez curieux. On a dépouillé ce programme d'une somme de 57 milliards de dollars, n'est-ce pas? Alors, il n'était pas considéré comme un programme d'assurance, même s'il cumulait à ce moment-là une somme d'argent très importante qui aurait pu servir, et devrait servir aujourd'hui, pour aider les travailleurs. Mais, soudainement, lorsque l'on dit, comme on l'a dit au fil des ans, qu'il faut utiliser ces fonds pour venir en aide aux gens dans le besoin, on répond « Oh, c'est un programme d'assurance, il doit s'autosuffire. »
    Eh bien, je vous propose une bonne façon de faire en sorte qu'il s'autosuffise: rendez-lui les 57 milliards de dollars que vous lui devez.
    Avant de revenir à Sylvain, mon ami, M. Godin, nous a déjà parlé de ce qu'ont fait nos collègues libéraux, lorsqu'ils ont utilisé une bonne partie de cet argent pour financer leurs projets politiques favoris. N'oublions pas que nous avons mis en place un office de financement de l'assurance-emploi chargé d'établir les taux en se fondant sur le principe général selon lequel les taux et les prestations doivent s'équivaloir, au fil du temps. En un sens, cela permet de s'assurer que personne ne peut utiliser cet argent comme un revenu général. Ce fonds doit servir aux fins pour lesquelles il a été constitué et c'est l'assurance-emploi. Nous avons mis en vigueur un mécanisme qui garantit que cela ne se reproduira plus.
    Cela étant dit, je reviens à ma question. Êtes-vous d'accord ou non avec le projet de loi qui vise à utiliser les taux de chômage régionaux et le nombre d'heures pour déterminer la longueur de la période de versement des prestations? Si vous vous y opposez, combien en coûterait-il pour éliminer cette façon de faire, ou avez-vous déjà établi le coût de cette décision?
    La position du CTC a toujours été de réduire le nombre d'heures d'emploi assurable à 360 aux fins d'admissibilité à une période de prestations pouvant aller jusqu'à 50 semaines. C'était et c'est toujours notre position. Ce projet de loi améliore l'accès au programme, plus précisément l'accès aux prestations en réduisant le seuil d'accès à 360 heures, mais ne prévoit rien pour augmenter le nombre de semaines de prestations à 50.
    Maintenant, pour ce qui est d'établir les coûts pour ces 50 semaines, comme je l'ai dit précédemment, pour déterminer combien une telle mesure pourrait coûter, nous devons prendre en compte combien de ces 50 semaines seront utilisées. Comme nous le savons, pour faire ce calcul, nous devons savoir combien de personnes ont épuisé ou épuiseront leurs prestations. Malheureusement, nous ne disposons pas de ce renseignement. Nous savons que ce ne sont pas tous les Canadiens qui utiliseront ces 50 semaines. Actuellement, nous estimons qu'ils utilisent en moyenne 38 semaines, alors si nous faisons nos calculs en se fondant sur ce chiffre, nous pouvons établir un coût estimatif, mais nous ne connaissons pas ces facteurs, une information nécessaire pour produire une estimation. Ça, c'est une chose.
    Ensuite, j'aimerais parler des mécanismes. Vous avez dit que le système mis en place devait permettre, au fil des ans, d'atteindre un certain équilibre. Mais, à quel moment cela commence-t-il à s'équilibrer? Est-ce que ce sera rétroactif à la mise en œuvre de ce système? Est-ce que les 57 milliards de dollars...
(1610)
    Eh bien, l'argent a déjà été dépensé.
    Est-ce que ce montant sera pris en compte dans le calcul?
    L'argent a déjà été dépensé.
    Donc, d'après ce que je vois, indépendamment si le projet de loi établit à 360 heures la période d'admissibilité, vous vous opposez au fait qu'il ne prolonge pas la période de versement des prestations de la même façon, sans savoir ce qu'il en coûterait d'éliminer cet aspect du programme.
    L'autre aspect que vous avez abordé, c'est la majoration du taux des prestations de 55 à 60 p. 100. Encore une fois, selon les estimations de coûts établies par les analystes de l'équipe de recherche de la bibliothèque, je crois que c'est de l'ordre de 1,1 milliard de dollars. Lorsque vous ajoutez ce montant au milliard et plus associé à la période d'admissibilité de 360 heures, et que vous y ajoutez quelques millions de plus que vous n'avez pas calculé... Si on additionne tous ces coûts, vous serez d'accord avec moi pour dire que cela contribue à faire grimper le montant des cotisations que les employeurs et les employés auront à payer? Êtes-vous d'accord avec cela?
    Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Malgré le fait qu'il y a certains éléments d'information manquants, lorsque nous prenons en compte le niveau de cotisations versées au cours des 10 dernières années, soit avant la crise financière, ainsi que le montant cumulé de 57 milliards de dollars, nous croyons qu'au fil du temps, avec l'effet stimulant que de telles mesures auraient sur nos communautés au niveau de la création d'emplois, cela aurait pour effet de réduire le taux de chômage et le recours à ce régime, offrant ainsi des emplois aux travailleurs de sorte qu'ils n'auraient pas à percevoir des prestations d'assurance-chômage. Puis, grâce à ce stimulant économique, nous pourrions offrir de bons emplois aux travailleurs, nous permettant ainsi de rééquilibrer automatiquement les comptes.
    Je tiens simplement à rappeler une certaine réalité: les taux ont été gelés pour qu'ils ne puissent augmenter par suite des effets de la récession et des incidences sur le coût de l'assurance-emploi afin que, lorsque ce gel prendra fin, la législation mise en œuvre assure que les prestations soient généralement égales aux cotisations.
    Si, actuellement, le compte d'assurance-emploi est déficitaire, et vous conviendrez avec moi que si rien ne change, il faudra majorer de façon substantielle les taux de cotisation afin que ce qui est prévu dans ce projet de loi se réalise, particulièrement en ce qui a trait aux améliorations que vous souhaiteriez y apporter. Êtes-vous d'accord avec cela?
    En fait, je ne suis pas d'accord avec cela, pour le moment. Si vous regardez ce qui a été versé dans le système depuis 1996 et, même en tenant compte du fait que nous venons tout juste de sortir de l'une des récessions économiques les plus importantes, le solde est toujours positif.
    Il y a toujours des surplus même lorsque l'on prend en compte le coût réel de la crise; on n'a qu'à regarder les énormes surplus découlant des versements en trop au système d'assurance-emploi. Ça, c'est le premier facteur. Si vous y ajoutez le surplus actuel, et tenez compte de l'argent accumulée précédemment, nous pouvons nous permettre de mettre en place ce que nous proposons.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Komarnicki.
    Nous allons amorcer notre deuxième série de questions. Le temps permis sera de cinq minutes par question, et j'invite M. Savage à commencer.
    Merci, madame la présidente.
    Le montant moyen versé au titre de l'assurance-emploi par semaine varie en ce moment de 330 $ à 340 $.
    Il est de 350 $.
    Il est de 350 $ maintenant?
    Oui.
    Le maximum s'élève à environ 440 $; nous ne parlons donc pas d'un énorme montant d'argent.
    Je suis ce qui se passe aux États-Unis. Ils ont prolongé la période de prestations dans certains domaines. On commence à entendre certains législateurs faire les mêmes commentaires que nous avons parfois entendus ici, au Canada: c'est-à-dire que le régime de l'assurance-emploi est en train de devenir trop lucratif et que l'on paye les gens pour qu'ils restent à la maison, etc. Je pense que ces paroles sont souvent très insultantes pour les gens qui ne touchent presque jamais de prestations d'assurance-emploi parce qu'ils le veulent, mais parce qu'ils n'ont pas le choix. Ils n'ont pas demandé à se retrouver dans cette situation.
    On a laissé entendre l'an dernier que, si on adoptait un nombre d'heures standard pour l'ensemble du pays, des gens voudraient alors présenter une demande au titre de l'assurance-emploi, des gens seraient prêts à tout pour le faire, ce qui est ridicule puisque la première condition à satisfaire pour toucher des prestations, c'est d'avoir été congédié. Vous ne pouvez pas quitter votre emploi et toucher des prestations; ce n'est tout simplement pas possible. Alors, pour présenter une demande d'assurance-emploi, pour tirer profit de ce qu'on appellerait la libéralisation de l'assurance-emploi, il vous faudrait attendre d'être congédié pour recevoir un misérable montant de prestations pendant une courte période.
    J'aimerais vous poser une question difficile. Je sais que vous n'aimez pas qu'on vous la pose, et je vous l'ai peut-être déjà posée. Pour ce qui est de l'assurance-emploi, il y a un certain nombre de choses qu'on peut faire.
    On peut éliminer le délai de carence, ce qui n'est pas prévu dans ce projet de loi, mais je pense que le projet de loi de M. Ouellet le proposait. On prévoit ici de prolonger la période de prestations. D'augmenter le taux. On pourrait le calculer en fonction des 12 semaines les mieux payées, mais cela ne figure pas dans le projet de loi.
    Harmoniser le taux à l'échelle nationale pour éliminer les taux régionaux, éliminer les distinctions entre les personnes qui deviennent membres de la population active et les personnes qui redeviennent membres de la population active, accroître le maximum annuel de la rémunération assurable, et augmenter le montant des gains qu'une personne peut obtenir sans que ses prestations d'assurance-emploi ne soient réduites: il y a bien des choses qu'on peut faire.
    Et il y a un équilibre ici entre les coûts et les avantages. Sans vous obliger à vous en tenir à ce que vous allez répondre, j'aimerais savoir dans quel ordre vous feriez ces changements si seulement un tel montant d'argent était disponible. Sans tenir compte des 57 milliards de dollars, dont nous n'allons pas parler si je comprends bien...
(1615)
    Oui.
    Comment vous y prendriez-vous pour établir l'ordre de priorité de ces changements?
    Je l'ai dit clairement au début, et je pense que nous l'avons dit clairement chaque fois que nous avons comparu devant le comité, les trois priorités sont l'accès au régime — il s'agit des 360 heures —, le niveau des prestations et la durée des prestations, qu'il faut augmenter. Nous voulons que les gens puissent avoir accès au régime quand ils en ont besoin et que, quand ils y sont, ils aient au moins un semblant de revenu pour la période au cours de laquelle ils sont sans emploi, et qu'ils aient dans une certaine mesure la possibilité de prolonger leur période de prestations s'ils en ont besoin.
    J'aimerais revenir sur le point que vous avez soulevé à propos des gens qui disent que l'assurance-emploi paye les gens pour rester à la maison. Le régime paye les gens pour rester à la maison uniquement s'il n'y a pas d'emplois, si ces gens ne peuvent trouver un autre emploi. Pour en revenir à certaines de nos positions, le Canada a besoin d'une stratégie nationale pour la formation et l'emploi dans le domaine manufacturier pour tirer le meilleur des gens, aussi bien pendant qu'ils travaillent que pendant qu'ils ne travaillent pas.
    Ce serait intéressant... Si jamais je trouve le temps, je vais aller déterrer ces 28 recommandations, parce que je serais prête à parier qu'elles ne sont pas très différentes de ce dont nous avons besoin maintenant. Mais revenons aux trois priorités: l'accès, le niveau des prestations et la durée des prestations.
    L'accès, le niveau des prestations et la durée des prestations, donc 360, 60, 50. Voilà un chiffre accrocheur.
    Ce sont de beaux chiffres ronds.
    Vous avez moins d'une minute.
    D'accord. Où voulais-je en venir avec cela?
    Donc s'il s'agit des changements à apporter... Le gouvernement a présenté un projet de loi récemment, que nous allons tous appuyer je crois, pour permettre aux militaires actifs des Forces canadiennes de prolonger leur période d'admissibilité aux prestations de maternité ou parentales. Mais je pense que le coût total associé à ce projet de loi est de 500 000 $ ou 600 000 $, et 60 personnes par année en seront touchées. Ce n'est pas une mesure imposante.
    J'imagine que l'un des problèmes, c'est que ce montant va provenir du fonds de l'assurance-emploi. Dans le budget de l'an dernier, le gouvernement a dit que la première série de semaines supplémentaires qu'il allait accorder ne serait pas financée à même le fonds de l'assurance-emploi, mais que les changements apportés à l'automne le seraient. Est-ce que la provenance de cet argent vous préoccupe? Devrait-il provenir d'un revenu consolidé maintenant ou du fonds de l'assurance-emploi?
    Je ne suis pas certaine que cela réponde à vos questions, mais, à une certaine époque, le taux de chômage avait dépassé un certain montant et le gouvernement a contribué au fonds. Comme je l'ai déjà dit, il y a des gens qui cotisent au régime de l'assurance-emploi et qui ne peuvent pas tirer des prestations quand ils en ont besoin; il est certain que nous voulons qu'un plus grand nombre de personnes aient accès à l'aide dont ils ont besoin, quel que soit leur emploi.
    Je ne suis pas certaine que cela réponde à vos questions, mais...
    Mon temps est écoulé de toute façon, mais merci beaucoup.
    Je pense que c'est jusqu'en 1990 que le gouvernement a en fait...
    Oui.
    ... contribué au fonds de l'assurance-emploi, de même que les employeurs et les employés.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Vellacott, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous deux, Barbara et Sylvain, d'être ici.
    Ma question s'adresse à Barb. Si l'un des membres de votre organisation syndicale perdait malheureusement son emploi à cause de la récession mondiale, mais qu'il pouvait redevenir membre de la population active en acceptant un poste non syndiqué, l'encourageriez-vous?
    Les gens veulent travailler. Évidemment, nous préférerions qu'un plus grand nombre d'emplois soient syndiqués, pour que ce genre de choix ne soit pas nécessaire, mais les gens veulent travailler. Il est certain que nous ne dirions pas à quelqu'un: « N'acceptez pas cet emploi parce qu'il n'est pas syndiqué. »
(1620)
    D'accord. Bien.
    Sylvain a peut-être des chiffres à nous donner en réponse à ma prochaine question. Pouvez-vous nous dire combien le Congrès du travail du Canada dépense directement pour aider les travailleurs à obtenir une formation axée sur les compétences, à chercher du travail, à préparer leur curriculum vitae et à mener ce genre d'activités qui leur permettront de retourner au travail ou de faire la transition vers un autre emploi?
    Nous exploitons un certain nombre de centres d'action par l'entremise de syndicats affiliés. Vous en connaissez probablement certains. Par exemple, le Syndicat national de l'automobile a plusieurs centres d'action. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec Centraide; nous partageons des centres d'emploi avec des organismes de Centraide pour aider les gens qui sont dans ce genre de situation. Le CTC est un organisme de coordination, alors il n'offre pas ce genre de service directement, mais nous le faisons par l'entremise d'organismes affiliés.
    En fait, voici où je veux en venir. Avez-vous une idée ou est-ce que quelqu'un a des chiffres à fournir — Sylvain peut-être — pour nous donner une idée de ce que cela représente pour tous les organismes affiliés?
    Eh bien, pour pouvoir faire une estimation des coûts, il faudrait connaître l'ampleur du travail accompli; or, une bonne partie de ce travail est fait par des bénévoles. Quel salaire donneriez-vous à quelqu'un qui aide bénévolement ses frères et soeurs à trouver un autre emploi, que ce soit au sein de son organisation syndicale locale ou du groupe de travail pour la reclassification par exemple? Doit-on tenir compte de ce que cette personne reçoit comme salaire ou de ce qu'elle vaut de façon générale dans l'économie? Si nous partons de cette hypothèse, il est très difficile de déterminer ce que cela représente.
    En effet. Oui, je comprends... Je trouve qu'il est louable que des gens contribuent en faisant notamment du bénévolat pour aider leurs frères et soeurs, mais vous ne conservez aucun dossier. À mon avis, ce serait bien pour vous de le faire — pour vos propres fins probablement. C'est une humble suggestion de ma part. Mais vous n'en avez aucune idée. Vous savez que cela se produit, mais personne ne tient de livres ni ne calcule le montant que cela représente?
    Je sais que nos syndicats affiliés auraient ces chiffres. Cette question ne nous a certainement jamais été posée ici, et nous pourrions chercher à obtenir une réponse. Mais les syndicats qui offrent ce genre de service le sauraient sans aucun doute; ils sauraient combien d'argent ils y consacrent et ce que représente le bénévolat, comme le dit Sylvain.
    Pourriez-vous obtenir cette information et la fournir au comité? Puisque vous parlez au nom de ces syndicats affiliés. Je n'aurai pas l'occasion de parler à tous ces groupes ici, et vous les représentez, en quelque sorte. Serait-il au moins possible d'essayer d'obtenir cette information?
    Nous pourrions voir de quelle information ils disposent.
    S'ils disposent de quelque chose...?
    C'est une possibilité.
    M. Maurice Vellacott: Oui.
    Mme Barbara Byers: Il est possible toutefois qu'on nous dise: « Écoutez, nous devons nous occuper des gens sans emploi, alors nous allons vous fournir cette information plus tard. » C'est un fait: ces gens travaillent bénévolement.
    D'accord.
    Ma dernière question a trait à la priorité absolue du gouvernement, c'est-à-dire permettre aux gens de recommencer à travailler; j'imagine que vous êtes d'accord avec cette priorité. Barbara et Sylvain, quel conseil pourriez-vous donner au gouvernement sur ce qui devrait être fait pour aider les Canadiens à redevenir membres de la population active?
    Quel genre d'approche, quelles formules originales et créatives le gouvernement pourrait-il ou devrait-il adopter? Cela dépasse un peu la nature du projet de loi, mais essayez-vous.
    Nous ne nous sommes pas vraiment préparés, avec tous nos...
    Sylvain meurt d'envie de répondre à cette question.
    Non, je ne meurs pas d'envie de répondre; j'espère que j'y survivrai.
    En premier lieu, pour trouver un emploi vous devez bien sûr avoir des ressources. Vous devez [Note de la rédaction: difficultés techniques]... pour payer votre facture de téléphone. Vous devez pouvoir aller à la bibliothèque publique afin d'avoir accès à Internet et de consulter les offres d'emploi. Vous devez être en mesure d'acheter le journal.
    Si vous ne recevez plus de prestations d'assurance-emploi et si vous n'êtes pas vraiment admissible à l'aide sociale dans votre province, quels types de ressources avez-vous pour chercher un emploi aujourd'hui?
    En ce moment, les nombreux Canadiens qui sont en train d'épuiser leurs prestations sont une grande préoccupation. Nous sommes allés dans des collectivités et nous avons parlé à des travailleurs dans le cadre de nos projets de recherche et de nos activités en cours. Lorsque nous leur disons: « d'accord, vous êtes sans emploi » et que nous leur demandons ce qui s'est passé, ils nous disent chaque fois qu'ils ont été forcés de toucher des prestations d'assurance-emploi; c'est la première chose qu'on entend. La deuxième, c'est: « Que vais-je faire ensuite? »; n'oubliez pas qu'il n'y a pas d'emploi dans leur région.
    L'été dernier, j'étais à Miramichi, où l'assise manufacturière a été détruite. Il y avait quatre ou cinq usines importantes. L'une des grandes usines de pâtes et papiers est en train d'être complètement démolie. La ville a perdu 3 000 emplois. Les gens savent qu'ils épuiseront leurs prestations. Ils savent qu'il n'y a pas d'emploi en ville, ni dans la province. L'option d'aller en Alberta n'est plus ce qu'elle était autrefois.
    Qu'allons-nous faire pour eux? Ils ne pourront plus profiter de la prolongation des versements de prestations, à laquelle les réformes adoptées leur donnaient droit. Ils ne disposeront pas des ressources nécessaires pour chercher un emploi.
    Nous insistons sur le fait que la reconstruction doit s'accompagner d'une politique industrielle. Comment faire pour créer les prochains emplois? Où allons-nous les créer? Allons-nous y arriver? Nous avons des idées; nous savons quoi faire.
    Des idées sont proposées actuellement dans cette ville. L'une d'entre elles vise à trouver des façons d'utiliser les ressources disponibles pour un nouveau départ, pour transformer les ressources locales en énergie, par exemple. Des propositions sont faites, mais personne les examine parce qu'il n'y a aucune stratégie industrielle.
    Nous avons fait d'autres propositions: des politiques d'approvisionnement qui permettraient de créer des emplois au Canada, et des politiques vertes qui créeraient des emplois dès maintenant et qui offriraient une meilleure économie, axée sur l'écologie, dans l'avenir.
    Ce ne sont pas les idées qui manquent. Nous devons seulement les mettre en application.
(1625)
    Merci beaucoup pour vos réponses. L'heure qui vous était consacrée est maintenant écoulée, alors je tiens à vous remercier grandement de votre présence et de l'information que vous nous avez transmise. Vous pouvez maintenant partir.
    Nous allons passer à nos autres points à l'ordre du jour.
    Merci.
    Merci beaucoup.

    Nous allons reprendre, mesdames et messieurs. Un témoin doit prendre la parole, mais je ne sais pas s'il est arrivé. En attendant, Mme Folco aimerait présenter quelque chose.
    Madame Folco.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Le point que je veux faire valoir concerne les mots « handicapé » et « déficience ». Ça ne concerne pas vraiment les personnes qui ne lisent qu'en anglais. Par contre, pour nous qui lisons en français, je recommande très fortement que, dans le cadre de ce rapport et de toutes les discussions de ce comité, nous utilisions les termes suivants. On pourrait parler des obstacles auxquels font face les personnes handicapées ou des obstacles concernant les personnes handicapées plutôt que le terme « invalidité ». Celui-ci fait référence à un état et non à une personne. Une personne ne peut pas être invalide. En fait, elle peut l'être, mais ça a une tout autre signification en français. Je ne veux pas utiliser le temps du comité pour discuter de cette question. Ce n'est pas une motion, mais plutôt une recommandation concernant la terminologie. Ça touche tout le monde autour de cette table et peut-être même les personnes qui se trouvent au fond de la salle et qui nous aident grandement.
(1630)

[Traduction]

    Avez-vous un mot à suggérer que nous pourrions utiliser à la place?
    En français, je suggère que nous utilisions les mots:

[Français]

« personnes handicapées ». En d'autres mots, on devrait parler de personnes qui ont un handicap plutôt que de personnes invalides ou ayant une déficience. C'est autre chose complètement. On m'a proposé cette formulation et celle-ci a été vérifiée dans les dictionnaires. Je suggère donc qu'on utilise le terme « personnes handicapées ».

[Traduction]

    Est-ce que l'un des députés du Bloc voudrait faire un commentaire à ce sujet?
    Monsieur Lessard.

[Français]

    Madame la présidente, nous sommes d'accord avec Mme Folco. Il est tout à fait juste de parler de personnes ayant un handicap. Le mot « invalide » invoque souvent la maladie. Or, la plupart des personnes qui ont un handicap ne sont pas malades; elles ont un handicap.

[Traduction]

    Avant tout, merci beaucoup, madame Folco, d'avoir soulevé ce point, parce que nous voulons nous assurer que la communication en anglais et en français est adéquate. Merci pour ce point.
    Si c'est le souhait du comité, s'il y a consensus, je demanderai au greffier et à l'analyste de faire le changement approprié. Y a-t-il consensus?
    Tout le monde est d'accord?
    Je pense qu'elle a le droit...
    La présidente: Êtes-vous en train de dire...
    M. Ed Komarnicki: Je crois qu'elle a raison.
    Nous avons vérifié dans le dictionnaire, monsieur Komarnicki.
    Monsieur Lessard, aviez-vous un autre commentaire?

[Français]

    Il serait intéressant de demander l'opinion des personnes qui rédigent régulièrement des textes pour nous. Il s'agit de concepts qui leur sont familiers. Je ne sais pas si Mme Collin est d'accord.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Le titre donné à l'étude sur laquelle on va se pencher mercredi pose problème. On parle des « obstacles liés à l'invalidité ». Il s'agit des obstacles auxquels font face les personnes handicapées. Le mot «  invalidité » n'est utilisé que dans le cadre du Régime de pensions du Canada.
    Merci.
    C'est la qualité du français qui est en cause. J'aimerais aussi mentionner que, dans notre calendrier, au 28 avril, on peut lire: « etude de projet de raport ». Or, le mot « étude » prend un accent aigu et le mot « rapport » prend deux p. Je sais que c'est une petite chose, mais j'aimerais bien que ma langue soit respectée. Merci.

[Traduction]

    C'est bien noté. Merci beaucoup.
    Je crois que notre témoin vient tout juste d'arriver, alors je vais le laisser prendre place, puis nous commencerons.
    Bonjour, monsieur Farrell, et bienvenue.
    Nous sommes heureux que vous ayez pu vous joindre à nous. Nous prenons pour acquis que vous avez été retardé, mais ça ne nous a pas posé de problème.
    Oui, je suis vraiment désolé.
    Nous devions discuter de certaines choses en comité, alors vous êtes arrivé juste au bon moment.
    Avant tout, je vais vous présenter, monsieur Farrell.
    D'accord. Merci.
    Je précise, pour le compte rendu, que nous poursuivons notre étude du projet de loi C-395. Nous accueillons John Farrell, directeur administratif, Employeurs des transports et communications de régie fédérale, ou ETCOF.
    Monsieur Farrell, vous aurez 10 minutes pour présenter votre exposé, puis nous passerons aux questions.
    Merci.
(1635)
    Bonjour. J'ai donné au greffier un exemplaire de ma déclaration et j'en ai aussi fourni un aux interprètes.
    Je suis désolé de mon retard. Je devais régler plusieurs problèmes d'ordre familial aujourd'hui.
    Je m'appelle John Farrell et je suis le directeur administratif des Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité.
    L'ETCOF est une organisation qui représente des associations d'employeurs et des employeurs importants à l'échelle fédérale dans les secteurs des transports et des communications.
    Il y a une liste des membres de l'ETCOF à l'annexe A de notre document, que vous n'avez pas. Alors, pour le compte rendu, voici les entreprises représentées par l'ETCOF: Air Canada; la BC Maritime Employers Association; Bell Canada; la Société canadienne des postes; le Conseil des aéroports du Canada; l'Association canadienne des radiodiffuseurs; la Société Radio-Canada; la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada; le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée; l'Alliance canadienne du camionnage; FedEx; l'Association des employeurs maritimes; Nav Canada; Purolator; Telus; la Western Grain Elevator Association; WestJet; et VIA Rail Canada.
    L'ETCOF compte environ 586 000 employés, dont 212 000 sont syndiqués.
    Le projet de loi C-395 propose de prolonger la période de référence pour les prestations d'assurance-emploi d'une durée équivalente à la période d'arrêt de travail dû à un conflit de travail, c'est-à-dire une grève ou un lock-out. Actuellement, en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, cette période, d'une durée indéfinie, ne peut pas être prise en compte dans le calcul de la période de référence.
    Les grèves et les lock-out sont autorisés par les lois et règlements sur le travail de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada comme moyens pour les parties qui négocient une convention collective d'exercer une pression économique afin d'atteindre leurs objectifs et de déterminer les conditions d'emploi. Lorsqu'une grève ou un lock-out a lieu, l'une des deux parties ne consent pas à accepter les conditions d'emploi proposées. La grève est considérée comme un droit fondamental par les syndicats.
    Les grèves sont beaucoup plus fréquentes que les lock-out. Selon des données que j'ai obtenues de RHDCC, au cours des 15 dernières années, 83 p. 100 des arrêts de travail étaient des grèves alors que 17 p. 100 étaient des lock-out. Les lock-out sont rarement utilisés par les employeurs, essentiellement parce que les employeurs veulent poursuivre l'exploitation de leur entreprise; ils ne veulent pas que les activités cessent.
    Les employés qui participent à des grèves le font de leur plein gré. Ils cessent de fournir des services pour exercer une pression économique sur leur employeur afin d'atteindre leurs objectifs de négociation collective. Les syndiqués ont un choix. Ils passent au vote pour autoriser leur syndicat à aller en grève; pour rejeter ou accepter une proposition de l'entreprise en vue d'un règlement; pour déclencher une grève ou non.
    En situation de grève, les syndiqués peuvent se prévaloir de leur droit de ne plus fournir leurs services et de ne pas toucher de rémunération. Lorsqu'ils sont en situation de grève ou de lock-out, les employés ont normalement droit à une indemnité de grève, qui n'est pas imposable. Les cotisations, comme les cotisations syndicales des employés, sont déductibles d'impôt, et puisque l'indemnité de grève n'est pas imposable, c'est comme si les employés recevaient un revenu exempt d'impôt.
    Dans certains cas, les employés peuvent toucher jusqu'à 400 $ ou 500 $ par semaine en indemnité de grève, ce qui représente beaucoup puisque libre d'impôt. Ça n'arrive pas dans tous les cas, mais ça arrive avec certains syndicats qui, pour des mouvements de grève, ont l'habitude d'octroyer des sommes par rotation à des unités de négociation, comme dans le cas du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. L'indemnité de grève peut alors atteindre 400 $ ou 500 $ par semaine.
    Les employés ont également le droit de chercher un emploi lucratif chez d'autres employeurs en situation de grève ou de lock-out.
    Dans le cas d'un lock-out, il est évident que c'est l'entreprise qui en est à l'origine. Un lock-out a habituellement lieu parce qu'un employeur doit satisfaire à des exigences économiques ou opérationnelles pour le bien de son entreprise, et que le syndicat et les employés ne consentent pas à accepter les conditions d'emploi.
    Dans certains cas, les lock-out sont nécessaires pour neutraliser des tactiques syndicales perturbatrices, comme des grèves tournantes coûteuses ou des menaces à l'entreprise si une grève qui risque de se produire à un moment inopportun est susceptible d'avoir de graves conséquences économiques pour l'entreprise. En d'autres mots, le lock-out est généralement utilisé par les employeurs en réaction à des grèves possibles; il s'agit d'une tactique de défense pour gérer l'entreprise de la manière la plus appropriée.
(1640)
    Le déclenchement d'un lock-out découle d'un choix, tout comme les grèves. C'est indéniable. Les lois du travail autorisent le déclenchement de lock-out — et de grèves aussi.
    Le fait de prolonger la période pendant laquelle les employés en grève ou en lock-out sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi ne les encourage aucunement à tenter de trouver un compromis lorsque la grève traîne en longueur.
    L'actuelle Loi sur l'assurance-emploi prévoit des situations où la période de référence peut être prolongée, par exemple — vous les connaissez probablement déjà — lorsqu'une personne est malade, blessée, mise en quarantaine, enceinte, détenue en prison ou si elle reçoit une aide financière en vertu d'un programme d'emploi ou d'une loi provinciale parce qu'elle a dû cesser de travailler du fait que son travail aurait présenté un danger pour un enfant à naître, un enfant allaité ou une autre personne.
    Ces situations surviennent sans que personne n'en ait décidé ainsi, contrairement aux grèves. Il est donc logique que la loi prévoit la prolongation de la période de référence dans ces circonstances.
    De plus, le programme d'assurance-emploi est financé par les employeurs et les employés, qu'ils soient syndiqués ou non. Les employeurs versent 58 p. 100 des cotisations. Le régime d'assurance-emploi verse des prestations aux employés qui se retrouvent malgré eux pour un certain temps sans emploi, et non parce qu'ils prennent part à un conflit de travail qui porte sur les conditions d'emploi. Ce serait injuste pour les employeurs et les employés non syndiqués, qui cotisent tous deux au fonds d'assurance-emploi.
    Il est bien que la période de référence soit de 52 semaines et qu'il y ait un délai raisonnablement court entre le moment où une personne occupe un emploi rémunérateur et celui où il touche des prestations. Les employés en grève ou en lock-out ne sont plus sur le marché du travail parce qu'ils sont mêlés à un conflit de travail, et non parce qu'ils sont au chômage et cherchent activement un emploi. Qui plus est, les employés en grève ou en lock-out sont libres de chercher un autre emploi et ils ont droit à une indemnité de grève exempte d'impôt pendant la durée de la grève ou du lock-out.
    Il serait injuste pour les employeurs de prolonger indéfiniment la période de référence pour qu'elle couvre toute la durée de la grève ou du lock-out. Ce serait contraire au principe de longue date selon lequel le régime d'assurance-emploi ne doit favoriser aucune partie dans les conflits de travail.
    Madame la présidente, j'ai terminé mon exposé.
    Merci beaucoup, monsieur Farrell.
    Nous allons entamer notre première série de questions. Les membres du comité auront sept minutes chacun.
    Commençons avec Mme Minna.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion de cet après-midi.
    J'aimerais seulement m'assurer de certaines choses. Le projet de loi s'adresse seulement aux personnes qui perdent leur emploi une fois la grève terminée, et non à tout le monde. Il s'appliquerait dans le cas des personnes qui sont licenciées, pour quelle que raison que ce soit, après avoir repris le travail à la suite d'une grève. J'ai l'impression que le nombre de licenciements ne sera probablement pas très grand, à moins que l'entreprise ne ferme ses portes.
    Je suis consciente que, comme vous le dites, les grévistes ont le droit de vote, mais nous savons tous les deux que les négociations sont difficiles. Parfois, on ne choisit pas l'issue et on se retrouve tout simplement pris dans une impasse. Les travailleurs n'ont pas toujours le choix. Et c'est vrai pour les deux parties. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes contre le fait qu'ils reçoivent une aide financière? Voilà ma première question. Le projet de loi s'applique seulement une fois qu'ils se retrouvent sans emploi.
    Mon autre question concerne votre remarque selon laquelle ils peuvent trouver un autre emploi ailleurs. Mais cet emploi serait pris en considération par l'assurance-emploi; la période pendant laquelle ils gagnent un salaire à temps plein serait alors exclue. Ce salaire serait pris en considération dans le calcul et presque entièrement déduit. Mais je ne crois pas que cet aspect ait un lien pertinent avec le projet de loi.
    Voici mon autre question: pourriez-vous m'expliquer brièvement ce qui pose le plus problème selon vous dans le cas des gens qui ont pris part à une grève mais qui ont perdu leur emploi après leur retour au travail? Bien entendu, le période pendant laquelle ils n'ont pas travaillé est exclue, selon la durée.
(1645)
    Ce que je veux dire, c'est qu'au fond, les employés prennent la décision de déclencher une grève ou un lock-out. Ils prennent part de leur plein gré à une grève pendant un certain temps. Avec un peu de chance, à la fin de la grève, la plupart des employés reprendront le travail, mais ce n'est pas toujours le cas.
    À plusieurs reprises, nous avons constaté qu'à la fin d'une grève, les employeurs ont perdu des clients. Leur carnet de commande s'est dégarni. Dans certains cas — et c'est regrettable —, l'entreprise doit cesser ses activités. Ce sont les conséquences possibles d'une grève. Les parties qui prennent part à une grève doivent reconnaître qu'ils en sont rendus là et doivent le faire en toute connaissance de cause.
    En bref, si nous conservons les dispositions non limitatives en place, grâce auxquelles les employés peuvent prolonger une grève sans se soucier de savoir s'ils seront admissibles à des prestations d'assurance-emploi à la fin de la grève — alors que certains employés, tout particulièrement les employés non syndiqués, n'ont pas droit à une telle prolongation —, les entreprises elles-mêmes seront désavantagées en cas de long arrêt de travail. Alors que l'arrêt de travail semble tirer à sa fin, il n'y a rien qui incite les employés à mettre un terme à la grève parce qu'ils savent que dès qu'elle sera finie, ils auront droit à des prestations intégrales d'assurance-emploi...
    Mais seulement s'ils ont perdu leur emploi.
    Ou s'ils sont licenciés.
    Ou s'ils sont licenciés. C'est ce que je voulais dire. J'ai l'impression que vous dites qu'ils devraient être pénalisés, d'une certaine façon, d'avoir fait la grève parce qu'en décidant de déclencher une grève...
    Je ne dis pas qu'ils devraient être pénalisés. Je dis seulement qu'ils ont fait le choix d'y prendre part. Ils...
    Mais ils ont le droit de le faire...
    Oui. Ils en ont le droit, mais c'est une façon de dire qu'ils n'acceptent pas les conditions d'emploi que leur offre leur employeur, et cela implique des conséquences.
    J'ai déjà eu cette discussion avec d'autres témoins.
    Revenons un peu en arrière; pourriez-vous nous parler plus en détail du concept de neutralité. Vous dites que l'adoption de cette mesure nuirait à la neutralité des négociations entre les employés et les employeurs. Pourquoi?
    Le versement des prestations d'assurance-emploi constitue généralement une disposition neutre qui ne porte pas préjudice aux employeurs et qui ne favorise pas les employés dans un conflit de travail. Si nous prolongeons la période de référence pour qu'elle couvre toute la durée du conflit de travail, nous offrons des avantages supplémentaires aux employés qui font le choix délibéré de prendre part à une grève.
    Une grève vise à exercer une pression économique sur l'employeur pour qu'il hausse les salaires ou qu'il améliore les conditions de travail plus qu'il n'en a les moyens. Par conséquent, une prolongation enfreint la neutralité des dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi.
    J'essaie de cerner clairement les gens qui... Ce n'est pas tous les employés en grève qui reçoivent beaucoup d'argent. Les montants que vous avez mentionnés tout à l'heure sont probablement les plus élevés. Ce n'est pas tout le monde qui reçoit de telles indemnités de grève. Je ne vois pas en quoi quiconque tirerait profit de la poursuite de la grève; ils le feraient au cas où ils seraient congédiés pour ne pas perdre...? J'ai de la difficulté à comprendre cette mentalité; je n'arrive pas à comprendre qu'une personne puisse penser que la majorité des gens n'appuieraient pas une négociation ou une entente si elle était acceptable dans l'ensemble parce que leurs arrières sont protégés — de toute façon, certains d'entre eux ne récupéreront pas leur emploi. Je ne vois pas en quoi la neutralité dépend de ce facteur.
(1650)
    Est-ce que tout dépend de ce facteur? Non, peut-être pas, mais il influence le processus décisionnel de la personne en grève, et compte tenu des conséquences qu'entraîne une grève qui s'éternise...
    À votre avis...
    Je suis désolée, madame Minna. Votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur Farrell.
    Je cède maintenant la parole à Mme Beaudin.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Farrell.
    Je veux être certaine de bien comprendre ce que vous avez dit, surtout compte tenu de la traduction. Vous dites qu'un employeur impose un lock-out à la suite de tactiques perturbatrices de la part des syndicats, mais que, dans le cas d'une grève, c'est la volonté des employés de déclarer une grève. Ai-je bien compris cela?

[Traduction]

    Pas tout à fait. Ce sont les employés et leur syndicat qui prennent ensemble la décision de déclencher une grève, et ils procèdent de différentes façons.
    Pour ce qui est des lock-out, l'entreprise qui décide de déclencher un lock-out lors d'un conflit de travail est responsable de sa décision. Elle a le choix de procéder ou non au lock-out, mais...

[Français]

    D'accord. Je ne veux pas aller plus loin dans la description des deux, mais cela me paraissait particulier de penser que, par exemple, les employés font une grève sans avoir de raisons valables. Je pense que les employés ont certainement une raison valable de faire des grèves pour revendiquer des droits.
    Vous savez, le projet de loi C-395 ne vise qu'une chose très simple, c'est de permettre à des travailleurs qui perdent leur emploi à cause d'un licenciement survenu après un conflit collectif de recevoir les prestations d'assurance-emploi auxquelles ils ont droit et pour lesquelles ils ont cotisé toute leur vie. C'est essentiellement cela, le projet de loi C-395.
    Ne trouvez-vous pas injuste le fait que des travailleurs soient privés d'une assurance à laquelle ils ont droit et à laquelle ils ont contribué pendant peut-être 25 ans de leur vie, à cause d'un licenciement qui survient à la suite d'un conflit collectif? Ne trouvez-vous pas cela injuste?

[Traduction]

    Honnêtement, non, parce qu'ils ont fait le choix de prendre part à un conflit de travail; ce projet de loi propose de prolonger la période de référence des employés qui font ce choix. À mon avis, cette décision leur revient, mais elle peut avoir des effets néfastes sur la durée de la grève et sur les employeurs.

[Français]

    D'accord, merci.
    Il est question de prolonger la période de référence et non pas les prestations. Plus tôt, vous disiez qu'il y avait environ 83 p. 100 de grèves et 17 p. 100 de lock-out. Y a-t-il plusieurs de ces situations qui se sont terminées par un licenciement ou qui sont devenues des conflits collectifs où il y a eu des licenciements et des fermetures d'usines?

[Traduction]

    Oui. Le licenciement et, dans les cas extrêmes, la cessation des activités de l'entreprise sont au nombre des conséquences regrettables qu'un conflit de travail peut entraîner.

[Français]

    Vous savez, au Québec, dans une ville mono-industrielle comme Lebel-sur-Quévillon — on a entendu des témoins ici la semaine dernière à ce sujet —, comme cela peut souvent être le cas, les employés ne sont jamais tentés de maintenir un état de grève et ne souhaitent pas que cela perdure, parce qu'ils perdent leur emploi. D'abord, ils perdent leurs salaires. Souvent, il n'y a pas d'autres industries sur place pour les embaucher. Leurs maisons perdent de la valeur et, souvent, ils doivent même déménager. Alors, dans une telle situation, personne ayant contribué à l'assurance-emploi pendant 25 ans et vivant un conflit collectif et par la suite un licenciement ne souhaite vivre cet état de fait. Personne ne souhaite cela. Ce n'est pas vrai qu'on va créer des facteurs incitatifs.
    Tout le monde se valorise et se réalise par le travail. Il faut aussi croire à cela. Tout le monde a une famille à nourrir. Alors, je ne vois pas comment vous situez les facteurs incitatifs dans ces cas-là.
(1655)

[Traduction]

    Je suis content que vous mentionniez le cas de Lebel-sur-Quévillon parce que je dispose de bien des renseignements sur ce conflit et je le connais bien. En fait, dans le cadre de mon travail, je suis responsable depuis 1984 de la coordination des négociations collectives de l'industrie des pâtes et papiers dans l'Est du Canada, c'est-à-dire de la frontière du Manitoba jusqu'à Terre-Neuve.
    J'ai donc eu l'occasion de suivre le déroulement de divers conflits de travail, y compris celui survenu à Lebel-sur-Quévillon, depuis ses tout débuts en 2005. Je sais aussi que par le passé, l'usine a connu plusieurs grèves et conflits de travail de longue durée. Ce n'est pas nouveau. En fait, je dirais que les employés — le syndicat de Quévillon — étaient en quelque sorte des militants.
    Je sais aussi que l'industrie des pâtes et papiers, tout particulièrement au Québec, en Ontario et dans les Maritimes — au fond, partout au Canada —, éprouve des problèmes considérables, comme vous le savez probablement. Une industrie qui fabrique des produits pour lesquels la demande a diminué de 25 p. 100, par exemple, est grandement en difficulté.
    À Quévillon, l'employeur n'a pas imposé un lock-out à ses employés. L'entreprise a cessé ses activités en raison de la situation économique de l'usine. Elle éprouvait des problèmes en raison du coût élevé des fibres, de la baisse de la demande sur le marché, du coût élevé de l'énergie et du taux d'imposition haut dans la collectivité.

[Français]

    Oui, oui.

[Traduction]

    En plus, les coûts associés à la main-d'œuvre de l'usine étaient élevés...

[Français]

    Excusez-moi, mais j'ai très peu de temps. On a entendu parler de cette situation la semaine dernière.
    J'ai une miniquestion. Croyez-vous que l'adoption d'un tel projet de loi changerait le rapport de force entre les employeurs et les employés?

[Traduction]

    Je crois que l'adoption d'un tel projet de loi avantagera les syndicats et désavantagera les entreprises.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Godin.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je dois vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Vous avez peut-être de l'expérience par rapport au travail, mais, si vous avez vérifié, vous aurez remarqué que j'en ai moi aussi. Or je n'ai encore jamais vu, dans le cadre d'une négociation de convention collective — qu'il y ait grève ou non —, un employeur annoncer à l'avance qu'il est prêt à signer un contrat, mais qu'il met à la porte 25 p. 100 des employés.
    Normalement, c'est après que la convention collective est signée que les gens ne sont pas rappelés au travail. Ensuite, c'est la grosse surprise.
    N'êtes-vous pas d'accord avec moi?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain de comprendre la question.
    Eh bien, je vais la formuler en anglais.
    M. John Farrel: D'accord.
    M. Yvon Godin: J'ai négocié moi-même 35 conventions collectives et je n'ai jamais vu un employeur, à la fin d'une grève ou d'un lock-out, avertir le syndicat qu'après la signature du contrat, l'approbation du contrat par scrutin et le retour au travail, 25 p. 100 des employés seraient licenciés. Normalement, c'est après le retour au travail que les gens apprennent avec étonnement qu'ils ne seront pas rappelés au travail.
    Parlez-vous précisément de la négociation collective lors de la grève à Domtar? Est-ce que...

[Français]

    Non, c'est en général.
    Vous êtes en train de dire, monsieur Farrell, que le syndicat va quasiment avoir un plus grand pouvoir de négociation, car, après que le contrat sera signé, après une grève, les gens pourront devenir prestataires de l'assurance-emploi. Le seul moment où les employés peuvent devenir prestataires de l'assurance-emploi, c'est quand l'employeur ne les rappelle pas au travail.
    Ces employés sont à l'emploi des employeurs. Quelle est la réponse, alors? On les renvoie à l'assistance sociale? On dit aux familles qu'elles n'ont pas le droit de vivre et qu'elles ne doivent pas chercher de travail?
(1700)

[Traduction]

    J'ai de la difficulté à comprendre la question. Je suis désolé.
    C'est pour cette raison que je veux que la Cour suprême soit bilingue.
    Eh bien, malheureusement je ne le suis pas, mais j'ai beaucoup de respect pour ceux qui le sont.

[Français]

    Je dis que lorsqu'on négocie une convention collective, il n'est pas normal que, lorsque vient le temps de la signer, les employés soient avisés à l'avance qu'ils perdront leur emploi. Voulez-vous que ces gens soient bénéficiaires de l'aide sociale?

[Traduction]

    Vous pensez qu'ils devraient dépendre de l'aide sociale?
    Dans le cas de Lebel-sur-Quévillon, comme je l'ai compris, le nombre d'employés qui travaillaient dans cette usine était plus élevé que les autres organisations semblables. Un des points soulevés dans les négociations collectives était le nombre d'employés qui seraient embauchés dans cette opération. Est-ce à cela que vous faites référence?
    Ils étaient en grève?
    Les employés de Lebel-sur-Quévillon ont été licenciés par l'entreprise.
    Bien, et normalement ils reçoivent des prestations d'assurance-emploi.
    Oui, en fait...
    Ce n'est pas d'eux que nous parlons. Nous parlons de ceux qui sont en grève et dont la grève dure 50 semaines. Après cela, une convention collective est signée et les gens retournent au travail. Et si l'entreprise ne réembauche pas tout le monde, alors ils ont droit à un prolongement pour pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi parce qu'ils ne reçoivent plus d'indemnités de grève. Les indemnités de grève sont terminées.
    M. John Farrell: C'est bien cela.
    M. Yvon Godin: Ils ne reçoivent pas d'indemnités de grève, donc, comme je l'ai dit, comment voulez-vous qu'ils vivent — de l'aide sociale?
    S'ils n'ont pas droit à l'assurance-emploi, ils devront donc se tourner vers...
    Ne serait-il pas mieux...
    M. John Farrell: ... un autre emploi.
    M. Yvon Godin: ... qu'ils reçoivent des prestations d'assurance-emploi pendant qu'ils cherchent un nouvel emploi? À moins que vous souhaitiez les punir et les saigner à blanc?
    Non, monsieur. Je ne souhaite punir personne, et les employeurs non plus ne souhaitent punir qui que ce soit.

[Français]

    C'est pourtant ce que vous êtes en train de dire. Vous dites qu'en changeant la loi, on favorise le syndicat. Le syndicat n'en retire aucun avantage. Il a négocié une convention collective, c'est la loi. Les travailleurs ont le droit de faire la grève.
    Dans le cas qui nous occupe, l'employeur a choisi de ne pas réintégrer tout le monde et il y a eu des mises à pied. C'est votre droit.

[Traduction]

    Oui, il s'agit d'un licenciement...

[Français]

    L'assurance-emploi permet aux gens de chercher de l'emploi. Une personne reçoit un revenu qui lui permet de faire vivre sa famille pendant qu'elle cherche un nouvel emploi. Voulez-vous empêcher ces gens de chercher un emploi puisque la compagnie que vous représentez ne leur propose pas de revenir au travail?

[Traduction]

    Non, je n'empêche personne de chercher du travail.
    Bien, vous êtes donc d'accord avec le projet de loi que nous avons devant nous.
    Ce n'est pas cela. J'ai dit dans mon exposé que j'étais contre.

[Français]

    Vous dites que vous n'êtes pas contre le fait que les employés reçoivent des prestations d'assurance-emploi pendant qu'ils cherchent un nouveau travail. On parle des familles. Un des droits fondamentaux des travailleurs de ce pays est de faire la grève. D'un autre côté, vous avez le droit d'imposer des lock-out. Il y a plus de grèves que de lock-out uniquement parce que lorsqu'on négocie une convention collective, l'employeur peut décider de respecter le contrat et attendre un an ou deux sans faire de changements. C'est la seule raison.
    Par contre, s'ils allaient chercher quelque chose au début ou qu'ils ne vous donnaient rien, vous auriez recours aux lock-out plus souvent, peut-être.

[Traduction]

    Je crois qu'en ce moment c'est une déclaration que fait mon collègue, ce n'est plus une question...
    Bien. Nous allons...
    Et... [Note de la rédaction: Inaudible]... votre collègue.
    Pardon?
    Monsieur Godin, il vous reste 30 secondes. Avez-vous terminé? Est-ce tout?

[Français]

    Me reste-t-il encore du temps?

[Traduction]

    Oui, 20 secondes.
    Une voix: Reprenez votre souffle.
    Je crois que je dérange les conservateurs. Ils veulent que je reprenne mon souffle de sorte que je ne puisse plus parler. Ils vont probablement voter contre le projet de loi.
    Merci, monsieur Godin.
    Nous allons laisser la parole à M. Komarnicki, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Lorsque vous avez commencé, vous avez d'abord dit que les projets de loi devaient être neutres parce qu'il y a toujours deux côtés à un conflit de travail, et qu'en général lorsqu'on traite avec le chômage ou l'assurance-emploi, il existe des causes qui viennent de l'extérieur des parties. Mais dans ce cas-ci, vous avez un employeur et un employé qui tous les deux ont des intérêts directs.
    Bien sûr, chacun — l'employeur et l'employé — contribue à l'AE, et l'employeur à un taux plus élevé de 1,4 p. 100 environ. Donc, lorsque l'on a un projet de loi comme celui-ci... et ce qu'il a de particulier c'est que l'on souhaite qu'il entre en vigueur le 1er janvier 2008 et que son application soit rétroactive. Le constat que l'on fait normalement est que si l'on veut agir de manière rétroactive c'est que l'on veut accorder des prestations qui n'existaient pas et qui seraient donc une charge additionnelle pour le compte AE, dont sont responsables les employeurs et les employés.
    La manière que je vois les choses, c'est qu'avant cette législation, il y avait certains employés qui n'étaient pas admissibles aux prestations et qui ne représentaient pas une charge au compte AE auquel les employeurs et les employés contribuent. Avec ce projet de loi, le compte AE aurait des dépenses additionnelles pour lesquelles l'employeur et l'employé devraient cotiser leur part respective. Ceci forcerait les deux parties à payer alors que le projet de loi ne bénéficierait qu'à une partie. La neutralité qui doit prévaloir dans les cas de conflit de travail en serait affectée. Êtes-vous d'accord avec cela? Est-ce cela que vous trouvez critiquable?
(1705)
    En ce qui concerne l'étendue des coûts additionnels qui seront créés pour le gouvernement, cela va arriver, mais je ne peux pas dire précisément ce qui va arriver. Ce que je sais, c'est que nous avons certains critères de qualifications aujourd'hui qui s'appliquent à tous les employés qui ont un emploi et que les employeurs paient des cotisations au fonds de l'AE dans une proportion de 58 p. 100 du total.
    Si les règles changent pour permettre un plus grand usage de ces prestations en prolongeant la période de référence pour certains groupes d'employés, eh bien certains groupes d'employés en bénéficieront largement alors que d'autres non, ceux qui ne sont pas syndiqués par exemple.
    Le fait est que la façon dont la législation fonctionne en ce moment est que les taux qui sont demandés des employeurs et des employés compensent à long terme les prestations qui sont versées. L'argent n'est pas retirée des recettes générales du gouvernement et ne sort pas du fonds de l'AE. C'est un type d'assurance. C'est comme ça que ça marche.
    Lorsque l'on se penche sur ce projet de loi en particulier, on s'aperçoit que les prestations seraient augmentées et donc que la charge serait plus lourde pour le compte de l'AE. D'autres personnes sont venues concernant un autre projet de loi; leur intention était de raccourcir la période de référence et d'augmenter le montant et la durée des prestations. Tout cela est très louable et bien, j'imagine, mais à la toute fin, quelqu'un devra payer. Ça finit toujours par être l'employeur et les employés, dans un conflit de travail assez important, alors que dans d'autres cas, ce sera une question de savoir ce que les employeurs et les employés sont prêts à payer et ce qu'ils souhaitent en échange.
    Je serais curieux de connaître l'opinion de vos syndiqués. Avez-vous fait des sondages ou leur avez-vous demandé s'ils avaient un intérêt particulier pour la hausse des cotisation à l'AE? Est-ce que les employeurs et les employés souhaitent une hausse des prestations? J'ai déjà voulu poser cette question à un membre du Congrès du travail du Canada qui était ici, parce qu'il est bien facile pour eux de dire qu'ils seraient tous heureux d'avoir plus de prestations, mais ultimement, les employés devront payer et des employeurs devront payer également parce qu'il s'agit d'un programme d'assurance. Ça n'arrive pas tout d'un coup. Il y a des avantages et des désavantages.
    Quel est, selon vos connaissances, le point de vue des employeurs et des employés? Est-ce que certaines prestations sont plus acceptables pour vos membres que d'autres? Peut-être pourriez-vous traiter ce sujet?
    Premièrement, le point de vue des employeurs dépend de l'industrie dans laquelle ils œuvrent, de la situation de leur entreprise, du marché dans lequel ils évoluent ainsi que de l'état général de l'économie. Manifestement l'économie actuelle n'est pas très solide. Nous nous relevons d'une récession très grave. Dans de nombreux cas, les employeurs font leur possible pour couvrir leur structure des coûts.
    Il y a 10 ans, qui aurait cru que AbitibiBowater, par exemple, serait une entreprise au bord de la faillite? Qui aurait cru que General Motors et Chrysler seraient au bord de la faillite? Qui aurait cru que Air Canada, qui opère un genre d'oligopole — ils ont énormément de contrôle sur le marché au Canada — serait incapable de rester compétitive pour joindre les deux bouts et remplir leurs obligations envers les régimes de retraite?
    Toutes ces questions sont importantes pour les employeurs. Chaque coût qu'un employeur doit assumer, particulièrement dans l'économie actuelle, doit être étudié à fond. Chaque coût qui est ajouté aux entreprises par les gouvernements n'est pas le bienvenu en ce moment. Lorsque l'on opère dans une économie solide, et que les gens font de l'argent comme de l'eau, et de plus que le dollar canadien est à 60 ¢, les dépenses sont bienvenues et l'on s'intéresse peu à ce que les gouvernements font. Mais dans l'état actuel des choses, tous les employeurs sont extrêmement préoccupés par leurs dépenses.
    Monsieur Komarnicki, je ne peux pas vous dire exactement le point de vue des employeurs au sujet de l'assurance emploi. Ce que je peux vous dire c'est que c'est la même chose que n'importe quelle dépense à laquelle ils doivent faire face. Ils ne cherchent pas à augmenter leurs dépenses en ce moment. Si notre économie reprend du mieux et devient solide, alors vous pourrez leur demander d'augmenter leurs dépenses dans certains secteurs.
(1710)
    Votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur Farrell.
    Nous avons le temps pour un deuxième tour de cinq minutes chacun.
    Si je comprends bien, vous n'avez plus de questions?
    Nous passerons donc la parole à M. Lobb, s'il vous plaît.
    Merci, M. Farrell.
    Selon votre expérience, pourriez-vous me dire quel est le plus long conflit de travail en cours au Canada actuellement? À peu près?
    Le plus long conflit de travail en cours au Canada actuellement? Je ne sais pas. Peut-être le savez-vous?
    Non, je vous le demande.
    M. John Farrell: Oh, je vois.
    M. Ben Lobb: Savez-vous combien de temps a duré le plus long conflit de travail des dix dernières années?
    Je pourrais vous parler de l'industrie des pâtes et papiers. C'est une industrie que je connais bien puisque j'y travaillais avant d'accepter mon poste à l'ETCOF.
    Dans l'industrie des pâtes et papiers, Stora Enso, une entreprise de Port Hawkesbury en Nouvelle-Écosse, a été affectée par une très longue grève en 2005. La grève a duré près de neuf mois. Les employés sont retournés au travail un certain temps, puis l'usine a fermé après la fin de la grève pour que les employés et l'employeur puissent s'entendre sur les améliorations à apporter à la structure de coûts de l'usine, ce qu'ils sont parvenus à faire.
    Dans cette situation, lorsque les employés ont cessé de travailler, ils ont eu droit à des prestations d'assurance-emploi parce qu'ils ont été mis à pied par l'entreprise et qu'ils n'étaient pas en grève. Les employés et le syndicat ont profité de cette période pour trouver une façon d'améliorer la convention collective, surtout pour le bénéfice de l'employeur, qui désirait alléger sa structure de coûts. Ils ont fini par trouver un terrain d'entente et régler leurs différends.
    En ce qui concerne les autres longs conflits, l'entreprise J.D. Irving, présente dans l'Est du Canada, a connu de longues grèves dans les secteurs où elle était présente. Ces grèves portaient sur la recherche de moyens pour améliorer le rendement et gérer les coûts.
    En plus de ce que qu'on appelle l'équité ou la neutralité entre l'employeur et l'employé dans les discussions entourant l'assurance-emploi, je crois qu'il est plutôt juste de dire qu'après un long arrêt de travail, que ce soit dans l'industrie manufacturière, des pâtes et papiers, des métaux, des usines ou ailleurs, il faut apporter des améliorations importantes aux immobilisations pour demeurer à jour dans un monde en constante évolution, sinon il faut faire des réparations majeures ou effectuer un entretien en profondeur pour que la mécanique fonctionne adéquatement de nouveau.
    On peut affirmer sans se tromper que le projet de loi tel qu'énoncé permettra éventuellement à un gréviste de recevoir de l'assurance-emploi. J'ai l'impression que l'employeur se retrouve avec tous les risques tandis que l'employé n'en court presque plus. Est-ce ainsi que vous interprétez la situation?
(1715)
    Oui, je pense qu'une partie du risque est transmise à l'employeur en raison du projet de loi.
    Monsieur Lobb, avez-vous terminé?
    Nous passerons la parole à M. Lessard, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Farrell, vous nous dites que vous connaissez la situation à Lebel-sur-Quévillon. Vous allez peut-être pouvoir éclairer un peu ma lanterne. Vous dites qu'il n'y a pas eu de lock-out à Lebel-sur-Quévillon. Or, j'y suis déjà allé. Ça a débuté par une grève, puis l'employeur a dit, presque au début de la grève, qu'il ne reprendrait pas les activités. Il a cessé les activités.
    Les employés se sont rendus au bureau de l'assurance-emploi pour obtenir des prestations. Le bureau de l'assurance-emploi a fait enquête parce que l'employeur s'est opposé au fait qu'on reçoive des prestations d'assurance-emploi. Le ministère du Travail du Québec a fait enquête et a décrété que c'était un lock-out. La raison pour laquelle les employés n'ont pas eu de prestations d'assurance-emploi dès le début était parce que c'était un lock-out. L'employeur a fait durer le lock-out pendant trois ans.
    Le saviez-vous? Si vous le saviez, pourquoi avoir dit autre chose?

[Traduction]

    Je peux lire une déclaration, un communiqué de presse signé par le PDG de l'entreprise le 25 novembre 2005...

[Français]

    Vous parlez de novembre 2005. Je vous arrête parce que je n'ai que cinq minutes. C'était la prétention de l'employeur en novembre 2005. Je vous parle de la réalité vécue par les travailleurs maintenant, en ce qui a trait à cette situation de lock-out.
    Est-il exact ou non de dire que c'était un lock-out pendant trois ans? D'abord, le saviez-vous?

[Traduction]

    Non, à ce...

[Français]

    Ne le saviez-vous pas?

[Traduction]

    Puis-je répondre?
    À ce que je sache.

[Français]

    Vous ne le saviez pas. Un peu plus tôt, vous avez dit que ce n'était pas un lock-out, mais je vous donne le bénéfice du doute. Comme j'ai besoin de comprendre, revenons maintenant à la logique.

[Traduction]

    S'il vous plaît, monsieur, ne me faites pas dire des choses que je n'ai pas dites. J'aime répondre aux questions, mais...
    À ma connaissance, en 2005, Domtar a fermé son usine de Lebel... L'entreprise a mis à pied les employés de Lebel-sur-Quévillon en raison des conditions économiques. À l'époque, le communiqué de presse publié par l'entreprise disait ceci: « Domtar prend des mesures afin d'atténuer les effets négatifs d'un ensemble de facteurs économiques: les pressions à la baisse sur les prix, l'accroissement du coût de l'approvisionnement en fibre, la hausse des coûts d'énergie et de transport... »

[Français]

    Vous l'avez déjà dit, monsieur Farrell, je m'excuse de vous arrêter.
    La question est de savoir si c'était un lock-out ou non. Si on se fie à la décision du ministère du Travail du Québec et des instances de l'assurance-emploi, c'était un lock-out. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas eu de prestations.
    Maintenant, je veux bien comprendre votre logique, parce que nous devrons aussi tenir compte de votre opinion lors de l'étude de ce projet de loi. Vous nous dites qu'après 52 semaines, ils ne devraient pas avoir droit au chômage, mais avant 52 semaines, peuvent-ils y avoir droit?

[Traduction]

    Avant 52 semaines, les dispositions actuelles permettent de recevoir des prestations d'assurance-emploi.

[Français]

    Par contre, vous ne voulez pas que ce soit prolongé, et ce, pour les raisons que vous avez mentionnées plus tôt. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais d'après ce que j'ai compris, vous êtes d'avis que si ça outrepasse 52 semaines, il faudra que les employés subissent les conséquences de leur décision. Est-ce exact?
(1720)

[Traduction]

    Essentiellement, oui.

[Français]

    Je n'ai pas d'autres questions.

[Traduction]

    Monsieur Casson, s'il vous plaît.
    Oh, M. Komarnicki était le suivant?
    M. Ed Komarnicki: Oui.
    La présidente: Entendu.
    Merci.
    Ce projet de loi, en plus de s'appliquer de manière rétroactive jusqu'à 2008 pour régler une situation particulière, ce qui est questionnable dans une loi d'application générale, cause un autre problème: dans un conflit de travail, il y a deux parties, et on doit rester neutre, parce que chaque partie peut décider d'entreprendre ou de continuer un arrêt de travail.
    En fait, si je me souviens bien, dans son rapport, M. Sims avait entendu tous les intervenants, les employeurs, les employés et les tiers qui pouvaient être affectés par ses travaux, et il avait présenté quelques suggestions qui sont éventuellement devenues le Code canadien du travail, qui tente d'équilibrer d'une manière plutôt délicate les droits de chacun. Le code tient compte de toutes sortes de facteurs. On ne peut pas s'engager plus avant dans un conflit.
    Maintenant, selon vos connaissances du Code canadien du travail, diriez-vous qu'on retrouve cet équilibre et qu'on ne devrait pas choisir à la pièce sans avoir une vue d'ensemble?
    Je pense que vous avez visé juste. En ce qui concerne les relations de travail, je crois que la stabilité est assez importante. La capacité des employeurs régis par les lois fédérales de travailler avec le Congrès du travail du Canada afin de façonner le Code canadien du travail ou la façon de gérer les normes en matières d'emploi constitue une relation ou un arrangement très important qui devrait faire partie du processus d'élaboration de toutes les lois portant sur le travail.
    À mon avis, si les lois sur le travail s'éparpillent dans toutes les directions, que ce soit en faveur des syndicats ou des employeurs, ce mouvement de balancier provoquera des conflits de travail. Nous devrions à tout prix éviter que les politiciens sélectionnent un ou deux éléments qui les intéressent particulièrement, parce qu'ils n'affectent qu'une petite partie de la population en général. On se retrouve avec un mouvement dans les relations de travail qui n'est pas sain pour les employeurs...
    M. Ed Komarnicki: Maintenant, l'autre aspect...
    M. John Farrell: ... ou les syndicats.
    Vous êtes engagé auprès d'entreprises régies par les lois fédérales et, bien entendu, le Code canadien du travail s'applique aux entreprises ou aux sociétés inscrites au fédéral. En ce qui concerne les succès sur le plan des relations de travail, tant chez les employeurs que les employés, j'ai pu constater que les grands employeurs ou syndicats réussissent remarquablement bien à négocier des conventions collectives appropriées. Connaissez-vous le pourcentage de négociations qui sont conclues sans grèves ou lock-out, à l'échelle nationale?
    Les conflits de travail qui se transforment en grève ou en lock-out sont très rares. D'une certaine manière, je crois que depuis une dizaine d'années, la situation s'est beaucoup améliorée au Canada, parce que dans tous les champs de compétences, les employeurs, les employés et les syndicats trouvent de meilleures solutions aux problèmes.
    La faible inflation constitue un facteur important qui influence la capacité des employés et des gestionnaires de travailler ensemble. Dans un environnement où l'inflation est faible, on n'a pas les mêmes pressions sur les salaires et les avantages sociaux que dans un milieu où l'inflation se tient à un niveau élevé. Cette situation contribue grandement à améliorer les relations, et je crois qu'elle a contribué à la diminution du nombre de conflits de travail que nous avons eus au cours des dernières années par rapport aux années 1970 et 1980, par exemple.
(1725)
    Merci, madame la présidente.
    Je n'ai plus de questions.
    Il nous reste environ trois minutes.
    Les Libéraux sont les suivants sur la liste. Y a-t-il d'autres questions?
    J'en ai une très brève, si je peux.
    Vous avez probablement juste assez de temps.
    J'aimerais retourner à M. Farrell, parce que ce domaine m'intéresse. Cette question de neutralité dont nous parlions m'intéresse.
    Comme vous le savez, les travailleurs sont en grève depuis maintenant 10 mois chez Vale Inco, à Sudbury. Cette grève se déroule selon les dispositions actuelles. La durée de la grève ne semble pas affecter ou inquiéter les travailleurs. On dirait qu'ils ont des enjeux bien plus fondamentaux à l'esprit.
    Je ne suis pas encore totalement certaine. J'essaie de cerner cette histoire de neutralité. Pourriez-vous me donner plus de détails qui vous permettent de croire que ça pourrait être un problème? J'ai vu de plus longues grèves à Toronto; on n'a qu'à penser aux éboueurs. Ces choses ne semblent pas rendre les grèves plus courtes. On dirait qu'il n'y a pas de répercussions.
    Dans les dispositions actuelles sur l'assurance-emploi, il y a une période de référence de 52 semaines. Vous devez avoir été employé — et rémunéré — pendant ces 52 semaines tout en cotisant au régime.
    Si, en s'engageant dans un conflit de travail, on peut prolonger son admissibilité sur une longue période en se fondant sur ce qui aurait pu se produire deux ou trois ans plus tôt par rapport à son dernier emploi et à ses dernières cotisations au régime d'AE, on devient avantagé si on reçoit des prestations après une longue période.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Farrell, je vous remercie d'avoir passé ce temps avec nous. Nous apprécions l'information que vous nous avez donnée.
    Merci.
    La séance est levée.
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