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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 031 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour à vous tous. Je déclare ouverte cette 31e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Avant de nous attaquer à notre programme, je voudrais demander aux membres du comité de bien vouloir approuver une motion, qui va nous permettre de proposer et de mettre au point notre budget pour ce projet de loi. Quelqu'un pourrait-il proposer la motion que vous avez devant vous?
    Madame Folco.
     (La motion est adoptée. [Voir Procès-verbaux et témoignages])
    La présidente: Merci beaucoup.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 28 avril 2010, nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-343, Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance-emploi (congé pour raisons familiales).
    Nous allons consacrer la première demi-heure de notre réunion à l'auteure du projet de loi, soit Mme Bonsant.
    Bienvenue au comité. Nous vous invitons à présenter votre projet de loi, et nous ouvrirons ensuite une courte période de questions et réponses. Ensuite, nous passerons aux autres témoins qui sont présents.
    Madame Bonsant, si vous voulez bien nous faire un exposé de 10 minutes, nous aurons par la suite des questions à vous poser. Merci.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je suis très heureuse de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour discuter de mon projet de loi C-343, auquel je travaille depuis près de quatre ans.
    Le projet de loi, intitulé Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance-emploi (congé pour raisons familiales), comporte deux volets. Il propose d'abord de modifier le Code canadien du travail afin d'octroyer un congé non rémunéré aux employés qui doivent s'absenter à la suite d'un suicide, de la disparition de leur enfant ou d'un acte criminel perpétré contre un membre de leur famille immédiate.
    La période d'absence prévue par le projet de loi va comme suit. Pour les parents d'enfants mineurs, on prévoit jusqu'à 104 semaines d'absence en cas de décès résultant d'un acte criminel ou en cas de préjudice grave qui requiert la présence du salarié auprès de son enfant. C'est la même chose pour un enfant porté disparu: ses parents peuvent garder leur lien d'emploi pour un maximum de 52 semaines d'absence. Pour l'époux, le conjoint de fait ou le parent, on prévoit 52 semaines en cas de décès par suicide et 104 semaines si le décès résulte d'un acte criminel.
    Ce projet de loi apporte aussi des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin que ces personnes puissent toucher un nouveau type de prestations spéciales, soit les congés pour raisons familiales. Cela dit, pour les parents dont les enfants mineurs sont disparus ou ont subi des préjudices corporels graves à la suite d'un acte criminel, pour les parents dont les enfants se sont suicidés, pour un employé dont le conjoint s'est suicidé, pour les parents d'un enfant mineur qui est décédé à la suite d'un acte criminel et pour un employé dont le conjoint est décédé à la suite d'un acte criminel, l'admissibilité à cette nouvelle prestation sera fondée sur les règles des prestations spéciales existantes. Un prestataire devra avoir accumulé un minimum de 600 heures d'emploi assurable avant d'être admissible à un maximum de 52 semaines de prestations.
    En décembre 2007, l'Assemblée nationale du Québec a fait figure de pionnière en la matière en adoptant la Loi 58. Dans le cadre de cette loi, des salariés et leur famille victimes d'acte criminel ont droit à un congé non rémunéré, tout en gardant leur lien d'emploi pour une période allant jusqu'à 104 semaines. Les familles de salariés québécois vivant le deuil d'un suicide ou d'un enfant disparu ont droit à 52 semaines de prestations.
    Malheureusement, les lois fédérales actuelles créent une discrimination envers les 275 000 Québécois et Québécoises dont l'emploi est régi par le Code canadien du travail. En effet, ces travailleurs ne profitent pas de ce lien d'emploi et ont droit à un simple congé de maladie de 15 semaines. Jusqu'à maintenant, l'inaction des législateurs à cet égard crée deux catégories de travailleurs: d'une part, ceux qui peuvent vivre cette période difficile en conservant leur lien d'emploi et, d'autre part, ceux qui ont le choix entre retourner travailler rapidement ou perdre leur emploi. De plus, c'est une chose que de permettre aux gens de prendre un congé, mais s'ils n'ont pas de revenus pour subvenir à leurs besoins entre-temps, le résultat sera le même. Ils n'auront d'autre choix que de revenir au travail rapidement. Il est d'autant plus difficile pour eux de reconstruire leur vie.
    De l'avis du Bloc québécois, qui s'est toujours préoccupé du sort des victimes et de leurs proches, le palier fédéral doit immédiatement emboîter le pas au Québec. Il est bien connu que le suicide, les crimes violents et les disparitions sont la cause de détresse psychologique pour bien des parents et des conjoints. L'attente, l'inquiétude, le deuil, et bien souvent la dépression, font partie intégrante du quotidien des familles de victimes, souvent durant une période prolongée. En effet, particulièrement dans le cadre des assassinats et des disparitions, il peut s'écouler plus de deux ans entre le moment de l'acte criminel et la résolution de l'enquête. Durant cette période, les proches sont très affectés par les événements et ne peuvent pas poursuivre leurs activités quotidiennes. Ils ont accès à du soutien et à de l'aide, mais n'ont aucun soutien financier. Des soucis financiers supplémentaires sont la dernière chose dont ils ont besoin.
(0855)
    Il est terrible de penser que les salariés qui vivent ces épreuves sont abandonnés à leur sort et qu'ils doivent continuer à travailler pendant ce temps comme si rien ne leur était arrivé, puisqu'ils doivent subvenir aux besoins de leur famille comme vous et moi.
    Ces personnes ont besoin d'une période de répit pour passer à travers cette épreuve et les amener, à leur rythme, à un retour au travail progressif. Si je me bats encore aujourd'hui et que j'en appelle à la collaboration de tous les partis, c'est pour venir en aide à ces familles. Après tout, les proches des victimes, par l'angoisse, la souffrance et les autres répercussions liées à l'acte violent, ne sont-elles pas aussi des victimes?
    Une disparition ou un homicide sont plus longs et plus complexes à vivre que d'autres formes de deuil, particulièrement lorsque des circonstances de viol ou de violence ont eu lieu. Des sentiments de frustration, de colère et d'impuissance sont davantage présents. C'est d'autant plus vrai lorsqu'un acte criminel ou un suicide en est la cause.
    Les détracteurs de mon projet de loi affirmeront que ces nouvelles mesures coûteront trop cher à l'État. J'ai entendu certains députés déclarer à tort que ce projet de loi coûtera 400 millions de dollars. Heureusement, le genre d'événements tragiques qui nécessiteraient des prestations pendant 52 semaines est peu fréquent. Au même titre, les personnes qui deviendraient admissibles à l'assurance-emploi avec l'adoption de ce projet de loi ne sont pas nombreuses.
    Bien que le deuil soit personnel à chacun, on peut penser que la baisse de revenus encourue par des prestations d'assurance-emploi n'est pas envisageable pour une partie des personnes admissibles. Également, nous pouvons imaginer que le fait de continuer à travailler soit pour certains une manière de reprendre une vie normale après un certain temps. De plus, une certaine partie de la population ne travaille pas, n'est pas dans un emploi assurable par le programme d'assurance-emploi ou encore travaille un nombre insuffisant d'heures pour être admissible aux prestations.
    Il faut donc exclure les travailleurs autonomes. Ceux et celles qui n'ont pas travaillé pour une période minimale de 26 semaines, l'année précédant l'acte criminel ou la disparition, ne sont pas admissibles. Ils représentent environ 18 p. 100 de la population active. Il faut également exclure les suicides commis par des célibataires ou des personnes sans famille proche.
    Pour toutes ces raisons, on est loin des 400 millions de dollars estimés par ce gouvernement. Bien qu'il soit difficile d'évaluer le nombre exact de personnes qui percevraient des prestations créées par ce projet de loi, une étude du Bloc québécois a établi qu'environ 8 000 personnes seraient touchées par les mesures du projet de loi.
    En fixant les prestations à 340 $ et le seuil d'admissibilité à 65 p. 100, un objectif visé par les mesures globales du Bloc québécois, il en coûterait environ 50 millions de dollars par année. Toutefois, en prenant le seuil d'admissibilité actuel de 45 p. 100, il est réaliste de conclure qu'un investissement d'une trentaine de millions de dollars accompagnerait l'adoption du projet de loi C-343. Trente millions de dollars par année pour encourager les familles des victimes, c'est un bien petit montant à payer.
    Le programme d'assurance-emploi est suffisamment financé par les employés et les employeurs pour permettre aux familles affligées par un événement aussi traumatisant de toucher des prestations. Le gouvernement, quant à lui, n'investit rien dans l'assurance-emploi.
    Depuis que je travaille à ce projet, j'ai reçu de nombreux appuis de la population et de la société civile. Il est évident que cette initiative touche les gens et les interpelle. Plusieurs efforts citoyens ont émergé de la solidarité de ces familles. Par exemple, en 2004, les familles québécoises touchées par ces tragédies se sont regroupées pour créer l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, un organisme québécois qui vient en aide aux familles des victimes.
    Depuis le début, l'AFPAD appuie notre projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme, puisqu'il cadre dans l'ensemble de ses revendications. Je remercie d'ailleurs son président, M. Michel Laroche, de sa collaboration dans ce dossier. Dans leur travail acharné pour soutenir ces familles, les membres de l'association constatent bien que celles-ci doivent pouvoir vivre leur épreuve sans soucis financiers.
    Des membres de l'AFPAD avaient d'ailleurs rencontré le caucus des députés conservateurs en 2007. Ces derniers avaient appuyé sans détour le projet de loi. J'ose espérer qu'ils sauront être fidèles à leur parole trois ans plus tard.
    L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, dont Mme Arlène Gaudreault est présidente, est un autre exemple de groupes d'aide formés par solidarité envers les victimes et leur famille. Je la remercie de son dévouement et de son travail.
(0900)
    En terminant, je crois sincèrement que ces mesures apporteraient une aide indispensable aux familles des victimes qui vivent actuellement des périodes douloureuses sans soutien financier. Je me suis engagée en politique pour changer les choses, et j'espère que mes collègues seront aussi touchés que moi par le sort des familles de ces mêmes victimes.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer. Nous ne pourrons nous permettre qu'un seul tour de table avec Mme Bonsant.
    Les tours seront de cinq minutes, et la première intervenante sera Mme Folco.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue, madame Bonsant. C'est pour moi un grand plaisir d'entendre ce plaidoyer plein de ferveur et de sentiments, dans le meilleur sens du mot. J'ai quand même quelques questions.
    Il me semble important que votre projet de loi aille dans la même direction que celle que nous avions prise dans le cas du congé de compassion. Je m'en souviens, j'étais secrétaire parlementaire de la ministre à l'époque. Nous avions voulu que le système d'assurance-emploi reconnaisse que, parfois, les membres d'une famille ont besoin de rester chez eux pour aider un père, une mère, un membre proche de la famille, dans des circonstances dramatiques, tragiques et ainsi de suite. Je crois donc que votre projet de loi va dans le même sens.
    Tout d'abord, j'ai une question d'éclaircissement. Votre projet de loi s'applique à une personne qui meurt à la suite d'un accident criminel, mais je n'ai pas très bien compris comment cela se passe pour les proches d'une personne qui s'est suicidée, c'est-à-dire qui a commis l'acte elle-même. J'aimerais bien que vous éclaircissiez cela.
    Comme je n'ai que cinq minutes et que j'ai une autre question à vous poser — vous connaissez le système —, je vous demanderais d'être assez brève.
    Merci.
    Quand nous avons préparé le projet de loi, nous avons conclu que le deuil n'était pas le même pour les proches de ceux qui se sont suicidés. Le suicide n'est pas un acte violent, c'est un choix personnel. Nous croyons donc que ce deuil se vit mieux, plus vite, parce que c'est un choix personnel. C'est pourquoi on a établi une période de 52 semaines, mais je suis ouverte à l'idée d'amender mon projet de loi si vous trouvez que ce n'est pas assez.
    Je suis étonnée de vous entendre dire cela. En effet, j'aurais pensé que c'était le contraire pour le conjoint ou la conjointe du suicidaire. Comme il y a beaucoup de suicides chez les jeunes, le père ou la mère pourraient se demander ce qu'ils ont fait pour que leur enfant commette cet acte, et ainsi de suite.
    L'autre question porte sur les travailleurs autonomes. Vous savez que ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Une grande partie des travailleurs autonomes sont des femmes avec des enfants, etc. Sauf erreur, vous voulez les exclure, comme vous l'avez dit dans votre présentation verbale. Compte tenu de la façon dont vous avez présenté cela, j'ai l'impression que, quand on vous a présenté un chiffre de 340 à 410 millions de dollars, vous vous êtes dit que c'était un gros chiffre et qu'il allait falloir le réduire. Cela a été fait en mettant de côté les travailleurs autonomes, en les excluant. J'espère que ce n'est pas la vraie raison, mais c'est l'impression que j'ai eue en vous entendant.
    Il y a aussi la catégorie des personnes seules. Du moins dans les milieux urbains, mais aussi dans les milieux ruraux, les gens vivent de plus en plus seuls, et c'est le cas notamment des personnes âgées. Je sais que des familles se créent autour de ces personnes. Ce ne sont pas des familles avec des liens du sang, mais ce sont certainement des familles au sens de la relation que ces gens entretiennent. Pourquoi les exclure de votre projet de loi?
(0905)
    Le projet de loi que je présente ne touche pas aux travailleurs autonomes parce qu'un autre projet de loi, le projet de loi C-56, a été déposé l'année dernière pour traiter de prestations spéciales.
    Le projet de loi C-56.
    C'est cela. Quant à mon projet de loi, le projet de loi C-343, il vise à modifier les lois pour y inclure la notion de « congé pour raisons familiales ». On ne peut pas aller d'un projet à l'autre et répéter la même chose. Alors que le projet de loi C-56 portait sur les travailleurs autonomes, ceux qui ont leur propre entreprise, mon projet de loi s'applique à d'autres personnes touchées par ces violences.
    Par contre, le projet de loi C-56 émane du gouvernement.
    C'est ça.
    Me reste-t-il du temps? Non, alors je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Lessard, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame Bonsant, de nous présenter ce matin ce projet de loi que je qualifierais de très humanitaire.
    Je vais poursuivre dans la même foulée que Mme Folco et tenter d'apporter des précisions. Vous allez me dire si je me trompe, mais votre projet de loi a été déposé au moment où les travailleurs autonomes n'avaient pas droit à l'assurance-emploi.
    C'est exact.
    Cela veut donc dire que le projet de loi C-56 a été déposé après le vôtre. Je conclus donc que le projet de loi est perfectible — et c'est là que la question de Mme Folco devient intéressante. On devra donc probablement en tenir compte lors de l'adoption d'amendements afin de l'adapter à la nouvelle réalité législative.
    Par ailleurs, vous parlez de crimes et d'actes violents. Je pense que le suicide est parfois aussi un acte violent. Ce n'est pas nécessairement un crime, pour les raisons que vous avez mentionnées plus tôt.
     Je voudrais maintenant revenir sur la question des coûts que vous avez soulevée. Depuis que je suis à la Chambre des communes, j'ai compris que, tout comme on dit que son chien a la rage quand on veut le tuer, on multiplie les coûts d'un projet de loi quand on veut le tuer. Quelqu'un — cela pourrait être vous — peut-il me dire comment vous êtes arrivés aux coûts dont vous nous faites part?
    Merci, monsieur Lessard.
    Je vais passer la parole à M. Couture, mon recherchiste. Il va vous expliquer tous les chiffres, puisqu'ils sont parfois un peu complexes.
    En ce qui a trait aux coûts du projet de loi, on s'est basé sur les statistiques de Juristat. On est donc arrivé à un nombre approximatif de suicidés. Il faut se rendre compte que les parents et conjoints de suicidés vont former la clientèle la plus touchée par le projet de loi. Selon Statistique Canada, il y a environ 3 500 cas de suicide par année.
    Ensuite, il y a la question des enfants disparus et des enfants ayant subi des préjudices corporels graves. Selon les Services nationaux des enfants disparus, il y a eu, en 2009, environ 86 longues disparitions d'enfants, c'est-à-dire des disparitions d'enfants qui seraient prises en compte directement par le projet de loi. Somme toute, c'est assez mineur. Cependant, la Bibliothèque du Parlement...
    De quelle période est-il question, monsieur Couture?
    On parle de 2009.
    Cependant, la Bibliothèque du Parlement a aussi étudié les coûts de notre projet de loi. Étant donné les hypothèses, selon le document de la Bibliothèque du Parlement, on arrive à un total allant de 14,6 à 72,8 millions de dollars. Le Bloc québécois, au départ, avait évalué les coûts à 50 millions de dollars en fonction des statistiques disponibles, mais on est capable de vivre très honnêtement avec l'hypothèse préconisée par la Bibliothèque du Parlement.
(0910)
    J'ai le temps de poser une autre question. J'ai tenté de trouver la réponse à cette question, mais peut-être allez-vous me la donner.
    En ce qui concerne la période qui serait couverte par les prestations, elle commencerait dès le moment où on constate la disparition et irait jusqu'à 11 jours après qu'on a retrouvé la personne ou élucidé la situation. Pourquoi avoir choisi cette période de 11 jours?
    Selon les statistiques, beaucoup d'enfants sont retrouvés après deux semaines. Pour cette raison, nous avons choisi la période de 11 jours exactement, comme c'est le cas pour le projet de loi dont le Québec est pionnier. Bref, selon les statistiques, on retrouve l'enfant qui est disparu ou qui a fait une fugue dans l'espace de 10 jours.
    Ça se fait donc dans l'espace de 10 jours.
    Merci.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Allen.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Bonsant, je tiens à vous remercier d'avoir proposé ce projet de loi.
     S'agissant de l'évaluation des coûts, d'après ce que j'ai pu comprendre, il y aura des mesures de compensation, pour ainsi dire. Donc, si une personne est visée par un autre—je crois que l'exemple donné était celui du Québec, où l'on applique au congé des mesures de compensation, étant donné que la période de prestations serait réduite. Quand M. Couture nous a présenté des statistiques, est-ce que ces derniers tenaient compte de cette compensation, ou s'agissait-il simplement d'un calcul simple — soit x nombre de personnes multiplié par x montant de prestations donne tant? En avez-vous tous tenu compte en faisant cette comparaison?
    Si je vous en parle, c'est parce qu'il existe de nombreux régimes d'assurance privés parrainés par des employeurs qui couvrent de longues périodes de maladie.

[Français]

    Quand on a étudié les statistiques, on a pris en considération les gens qui voulaient retourner tout de suite au travail. Il y a des gens qui sont incapables de fonctionner seuls à la maison. Ils retournent donc au travail. On a considéré les arguments des gens.
    Le gouvernement du Québec n'accorde pas de compensations financières, puisque l'assurance-emploi relève du gouvernement fédéral. La seule chose que le gouvernement provincial accorde est la période de deux ans de...
    Le lien d'emploi.
    Oui, le lien d'emploi. Excusez-moi, ça me touche. Tout le monde connaît quelqu'un qui s'est fait assassiné ou qui est décédé.
    Il y a donc maintien du lien d'emploi pendant deux ans, mais il n'y a pas de rémunération pendant cette période. Ainsi, les statistiques qu'on a étudiées et les témoignages de gens qui nous ont parlé démontrent que certains veulent retourner travailler, que certains ne sont pas assurés, et que certains qui ont 65 ans et plus n'ont pas droit aux prestations d'assurance-emploi. C'est ce qu'on a considéré. On a considéré la proportion actuelle des gens qui sont admissibles à l'assurance-emploi, soit 45 p. 100. C'est pourquoi on en est arrivés à un certain montant d'argent.

[Traduction]

    Donc, il serait juste de dire que le nombre est assez élevé, en réalité. Si l'on tient compte des mesures de compensation appliquées dans l'ensemble du Canada, en dehors du Québec, on constate que le coût pour le Trésor fédéral pourrait en être moindre, selon le régime concerné.
    Je voudrais vous citer l'exemple mon ancien employeur, qui offre un régime d'invalidité de courte durée auquel on a accès pendant un an, après quoi on est visé par le régime d'invalidité de longue durée, qui peut éventuellement supporter la totalité des coûts.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Il est évident que cela s'appliquerait à moi si — Dieu m'en garde — quelque chose de ce genre devait arriver à ma famille.
    Je présume que vos statistiques concernent l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne, notamment en ce qui concerne les décès et les suicides, et particulièrement les décès criminels, plutôt que simplement l'effet sur les employés fédéraux, car c'est cela essentiellement le champ d'application du projet de loi. En réalité, vous ne demandez pas que cette mesure soit d'application générale; vous voulez simplement utiliser votre pouvoir de persuasion pour convaincre d'autres personnes de faire ce que vous proposez — c'est-à-dire, de prévoir un régime de congés de 52 ou de 104 semaines.
    Je ne sais pas si vous avez bien réfléchi à l'ensemble des aspects du processus, et je comprendrais très bien si c'est le cas.
    Mon autre question concerne le régime d'invalidité de courte durée. Si ce régime vous assure pendant un an, alors que, d'après votre projet de loi, la couverture sera de 104 semaines, comment les travailleurs rémunérés qui sont touchés par l'assurance-emploi vont-ils réagir si les 52 premières semaines vous empêchent de travailler? Par la suite, qu'est-ce qu'il faut faire pour redemander les prestations d'assurance-emploi, étant donné que l'intéressé n'a plus de gains d'emploi depuis 52 semaines?
(0915)

[Français]

    C'est une excellente question.
    Vous soumettez effectivement qu'il y a un vide dans le projet de loi, dans la mesure où il faudrait que la période de référence calculée pour le revenu commence au moment où l'employé quitte son travail pour tomber en congé.

[Traduction]

    Cent quatre semaines, en d'autres termes.

[Français]

    Oui, effectivement.
    Parfait, merci.

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.
    Je vais accorder les 30 dernières secondes à Mme Bonsant.

[Français]

    Vous savez, c'est la première fois qu'on discute de ce projet de loi ici, en comité. Je suis très ouverte. Il y a des gens qui ont vécu des choses que je n'ai pas vécues. C'est pourquoi j'ai amené des témoins ici.
     Pour ce qui est du projet de loi, si des gens autour de la table ont des idées extraordinaires pour bonifier le programme et venir en aide à ces familles, monsieur Allen, je suis complètement ouverte d'esprit et de coeur.

[Traduction]

    Monsieur Vellacott, vous avez la parole.
    Je précise que notre gouvernement conservateur est vraiment très sensible à la situation des victimes de la criminalité et désire les appuyer, mais je constate que votre projet de loi, chère collègue, comporte un élément inquiétant, c'est-à-dire la partie du projet de loi où l'on indique que le parent peut prendre congé et continuer à toucher des prestations d'assurance-emploi si sa présence:
est requise auprès de son enfant mineur qui a subi, lors de la perpétration d'une infraction criminelle ou comme conséquence directe de celle-ci, un préjudice corporel grave le rendant incapable d'exercer ses activités régulières;
    Dans notre examen de ce projet de loi, la question que je me pose est celle-ci: ai-je raison de penser que si l'enfant mineur âgé de moins de 18 ans subit un préjudice corporel en perpétrant lui-même une infraction criminelle, selon ce que prévoit ce projet de loi, le parent de cet enfant pourrait prendre congé et toucher des prestations d'assurance-emploi pour soigner l'enfant en question? Je vous donne un exemple: si un jeune âgé de 16 ans tombe dans l'escalier pendant qu'il commet un vol et devient provisoirement infirme, selon les dispositions de ce projet de loi, le parent de l'enfant en question aurait le droit de rester à la maison et de toucher des prestations d'assurance-emploi pour le soigner.
    Si tel est le cas, ce n'est pas juste, à mon avis. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment cela qui est prévu, mais c'est ce que semble indiquer le texte. Vous devez absolument vous y intéresser, parce que l'impression donnée par le libellé du projet de loi n'est pas du tout appropriée.

[Français]

    Monsieur Vellacott, vous avez des enfants et j'ai, moi aussi, des filles. Savez-vous ce que font vos enfants 24 heures par jour? Non, on ne le sait pas.
    Beaucoup de parents vivent des choses liées à ce que les enfants font pour essayer d'appartenir à un groupe ou à quelque chose. Si l'enfant a commis une erreur, les parents doivent-ils payer? Non, je crois que le rôle des parents est d'être présents 24 heures par jour, pour appuyer leurs enfants. Si une personne a commis une erreur, si elle a déboulé les escaliers en essayant de voler quelqu'un... Je ne pense pas qu'un parent dise à son enfant d'aller voler puisque, s'il se blesse, il recevra des prestations d'assurance-emploi pendant 52 semaines. Il ne faut pas pénaliser les parents pour des choses qui arrivent très rarement.

[Traduction]

    Le fait est que vous présentez ce projet de loi comme étant une mesure qui vise à soutenir les victimes. Or on peut difficilement prétendre que cette mesure soutient les victimes si le parent ou la famille d'un enfant qui commet un acte criminel et, ce faisant, se blesse en tombant dans l'escalier ou d'une autre façon a le droit à ce moment-là de toucher des prestations. Ce n'est pas la « victime » qui en profite. Donc, je ne peux appuyer ce projet de loi pour cette raison.
    Je suis parent, évidemment. J'ai des enfants et des petits-enfants. Je comprends très bien ce que vous dites: les enfants font des erreurs. Mais, pour moi, votre projet de loi est gravement défectueux si, comme vous semblez le dire, votre objectif est celui que je viens de décrire.
    C'est ça ma question. Nous allons également la poser aux fonctionnaires. Je ne peux accepter cela.

[Français]

    Le projet de loi vise à venir en aide aux parents, aux familles et aux conjoints. Déjà, des programmes existent pour les victimes. Si vous lisez mon projet de loi avec attention, vous verrez qu'il vise à aider les parents qui prendront soin de ces enfants, le conjoint ou la conjointe. Il ne faut pas se radicaliser pour une ou deux exceptions. Si, à 14 ans, ma fille avait fait une erreur, je ne l'aurais pas mise à la porte pour autant. J'aurais été présente, afin de l'appuyer et de l'enligner dans le droit chemin. Toutefois, si je n'ai pas les moyens financiers de l'aider et que je dois retourner travailler, cette enfant serait laissée à elle-même. Il faut avoir le choix de pouvoir continuer à aider nos enfants. C'est un appui à la famille pour les enfants.

[Traduction]

    Je pense que vous aurez beaucoup de mal à en convaincre le public.

[Français]

    Cela me surprendrait.

[Traduction]

    J'essaie sincèrement d'être direct et transparent avec vous; j'essaie de vous aider, mais le fait est que cela me pose problème.
(0920)
    Vous avez une minute.
    Merci beaucoup, monsieur Vellacott et madame la présidente.
    J'ai plusieurs questions à poser, et il est évident qu'une minute ne me permettra pas d'aller bien loin.
    Mon questionnement concerne en partie la question de la preuve que l'événement a bien eu lieu. Dans le texte de votre projet de loi, on dit que les circonstances entourant l'événement permettent de tenir pour probable que le décès résulte d'un suicide. Il y en a d'autres aussi, mais dans chaque cas, l'expression employée est la même: « tenir pour probable ». Bien sûr, dans la plupart des cas, il s'agit d'essayer de le prouver hors de tout doute raisonnable, ou selon la prépondérance des probabilités; mais s'il s'agit de preuves circonstancielles, cela doit être la seule conclusion rationnelle. Par contre, l'expression « tenir pour probable » est très vague. La question qui se pose dans ce contexte est celle-ci: qui décidera ce que signifie « tenir pour probable »? Est-ce la police, les employés, l'employeur? Et comme c'est un terme très général, que se passe-t-il si l'on se trompe? Les prestations ont déjà été versées et on apprend par la suite que « tenir pour probable » était beaucoup trop vague.
    Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps pour répondre à ma question, mais il reste que cet élément — et d'autres aussi sur lesquels je ne pourrai vous interroger — suscite en moi de très graves préoccupations.

[Français]

    Nous connaissons nos enfants puisque nous les avons élevés. Si nous voyons qu'un enfant a une attitude changeante, notre rôle est de nous rendre compte de ce qui se passe. Par contre, comment être en mesure de déterminer ces choses-là? Ils sont mineurs. C'est notre responsabilité de prendre soin de nos jeunes. C'est de cette façon qu'il faut le faire.
    Également, il y a déjà des prestations pour les victimes d'actes criminels. Comprenez-moi bien: c'est pour les familles, c'est pour les parents avec qui ils vivent. C'est pourquoi il faut vraiment séparer les deux choses.

[Traduction]

    Madame Bonsant, je crois savoir que vous comptez rester à la table avec nous pour toute la réunion.

[Français]

    Oui, madame la présidente.

[Traduction]

    Donc, si vous avez d'autres questions à poser à un moment donné, vous pourrez continuer à les lui adresser.

[Français]

    Ça me fera plaisir.

[Traduction]

    C'est parfait.
    Nous allons maintenant accueillir les autres témoins qui se présentent devant le comité ce matin.
    Bienvenue à vous tous et merci infiniment de votre présence.
    Nous accueillons ce matin M. Michel Laroche, président de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues; Mme Arlène Gaudreault, présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes; et M. Martin Provencher, qui comparaît à titre personnel.
    Merci à vous tous d'être présents.
    Je vous invite maintenant à faire votre exposé liminaire d'un maximum de sept minutes. Si vous me regardez de temps en temps, vous verrez mon signal lorsqu'il ne vous restera plus qu'une minute. À la suite de vos exposés, nous ouvrirons de nouveau la période des questions.
    Qui voudrait commencer?
    Monsieur Laroche, vous avez la parole.

[Français]

    J'adresse mes salutations à tous. Mon nom est Michel Laroche. Je suis président de l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, qui regroupe 575 familles au Québec et plus de 10 000 personnes. Nous formons un tout petit groupe de bénévoles. Nous oeuvrons au sein d'un conseil d'administration de 11 personnes qui travaillent pour tenter d'améliorer les conditions de vie des familles durement éprouvées au lendemain d'un drame.
    L'association regroupe donc deux types de membres. Il y a d'abord des familles dont un ou plusieurs proches ont été assassinés, et ensuite des familles dont un membre a disparu dans des circonstances d'apparence criminelle.
    Nous appuyons les modifications au Code canadien du travail dans le but d'octroyer un congé non rémunéré pouvant aller de 52 à 104 semaines aux employés qui doivent s'absenter à la suite de la disparition de leur enfant mineur ou à la suite du décès de leur époux, de leur conjoint ou d'un enfant.
    Nous souscrivons aussi aux modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin que ces personnes puissent toucher des prestations qui pourraient s'échelonner jusqu'à 52 semaines au lieu des 15 semaines actuellement prévues.
    Nous sommes conscients du fait que les victimes et les proches des victimes d'actes criminels prennent de plus en plus de place sur l'échiquier politique et législatif et nous en sommes ravis. En effet, plusieurs projets de loi et plusieurs modifications apportées au Code criminel tiennent compte des besoins et des attentes des proches des victimes ou des personnes assassinées. Toutefois, on peut faire plus.
    Le projet de loi C-343 constitue une belle occasion de démontrer jusqu'à quel point on peut faire plus, car les familles des victimes ont parfois besoin d'un soutien concret et financier au lendemain d'un drame. En tant que société, ne devons-nous pas tout faire pour aider ces gens? Le mouvement de défense des droits des victimes a pris de l'ampleur et on a fini par comprendre que les proches des victimes avaient besoin qu'on s'occupe d'eux.
    Notre association est née pour apporter du soutien et de la compréhension aux familles éprouvées, et je pense qu'elle s'acquitte bien de sa tâche. Cependant, les proches ont aussi besoin de ressources financières. C'est là une réalité et notre association ne peut combler ces besoins. Oui, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels du Québec prévoit une indemnité pour rembourser les frais funéraires. Oui, elle offre des services de réadaptation psychologique et quelques autres indemnités, mais cela ne suffit pas. Elle ne paie pas l'épicerie, le loyer et les dépenses courantes du ménage au lendemain d'un assassinat ou d'une disparition.
    Maintenant, permettez-moi de vous décrire la réalité en ayant en tête les drames vécus par certains de nos membres. Je ferai abstraction des noms de ces personnes.
    Parlons d'abord du cas d'une femme. Il y a quelques années, ses deux enfants ont été assassinés par son ex-conjoint qui s'est suicidé. Elle s'est retrouvée sans emploi puisque son ex-conjoint l'employait. Elle était seule au monde, car elle n'avait plus ses parents, et était si meurtrie à la suite de cette terrible tragédie que l'aide sociale a dû temporairement la prendre en charge. Après plusieurs mois, elle s'est relevée. Elle est retournée à l'université, a écrit un livre sur son drame intitulé La Survivante et, aujourd'hui, elle donne des conférences et apporte du soutien aux autres qui ont subi d'effroyables épreuves.
    N'oublions pas qu'au lendemain d'un tel drame, la santé physique et mentale des proches est affectée au plus haut point. Malgré leur peine et leur souffrance, plusieurs doivent subvenir à leurs besoins en retournant travailler. Il est terrible de penser qu'ils soient abandonnés à leur sort et qu'ils doivent retourner sur le marché du travail comme si rien ne s'était passé. Souvent, ils essaient, mais doivent cesser parce qu'une profonde dépression les envahit.
    J'ai en tête le cas d'une autre mère dont l'enfant lui a été ravi par son conjoint qui a mis fin à ses jours après l'assassinat. Quinze semaines après le drame, elle a dû être hospitalisée. Ce n'est qu'un an après qu'elle a commencé à se sentir un peu mieux. Elle m'a avoué que la première année suivant le drame avait été la plus difficile, lors de la date d'anniversaire de l'enfant, à Noël et à plein d'autres occasions de la vie quotidienne qui l'ont ramenée à la perte de son enfant.
(0925)
    Il faut dire que ces témoignages proviennent de gens qui se sont confiés à moi dernièrement, et c'est pourquoi je les rapporte aujourd'hui.
     Une autre avait quatre enfants. Son mari l'a assassinée. C'est la mère de celle-ci qui a pris la charge de ses enfants. Elle a fait un AVC et est retournée travailler. Elle a dû arrêter, sa santé lui ayant fait défaut. Elle est devenue prestataire de l'aide sociale et n'avait que de minces revenus pour faire vivre les enfants.
    Par contre, certains réussissent à remonter la pente plus rapidement. Cela dépend des cas.
    Une autre était médecin urgentologue. Ses deux enfants de trois et cinq ans ont été assassinés par son mari. Elle n'a rien vu venir. Nous l'avons accompagnée dans son épreuve. Elle a repris le travail, même si les pleurs des enfants qui arrivaient à l'urgence lui rappelaient la tragédie. Aujourd'hui, elle siège au conseil d'administration de notre association et est en mesure, par son courage et sa détermination, d'aider d'autres victimes. Elle demeure néanmoins très fragile, même si elle présente une image de femme solide.
    Que dire, maintenant, des cas de disparition? Malheureusement, plusieurs cas de disparition ont secoué le Québec, au cours des dernières années. Pensons notamment à Cédrika Provencher, Julie Surprenant, Jolène Riendeau, David Fortin, Diane Grégoire et Marilyn Bergeron, pour ne nommer que ceux-là.
    J'ai annexé à mes notes trois témoignages dont deux sont liés à des disparitions, soit celui de Caroline Lachance, la mère de David Fortin, disparu depuis 21 mois, et celui d'Andrée Béchard, la mère de Marilyn Bergeron, disparue depuis 33 mois. C'est pathétique et terriblement émouvant. Je vous invite à les lire.
    Les proches affectés par une disparition ne peuvent que difficilement poursuivre leurs activités quotidiennes. Ils ont accès à du soutien, à de l'aide, mais n'ont aucun soutien financier. Des soucis financiers supplémentaires sont la dernière chose dont ils ont besoin. Ai-je besoin de vous en dire davantage? Les mesures prévues dans le projet de loi C-343 sont attendues depuis longtemps et reflètent bien les besoins des proches de personnes assassinées ou disparues.
    En terminant, n'y aurait-il pas lieu, cependant, de ne pas restreindre les mesures touchant les disparitions à la disparition d'un enfant mineur? L'article 2 du projet de loi, qui modifie le Code canadien du travail par adjonction du paragraphe 206.5 notamment, de même que l'article 3 du projet de loi, qui modifie la Loi sur l'assurance-emploi, devraient parler de la disparition d'un enfant et non seulement de la disparition d'un enfant mineur.
    Je vous remercie de m'avoir permis de faire cette intervention.
(0930)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Gaudreault.

[Français]

    Madame la présidente, mesdames et messieurs, je m'appelle Arlène Gaudreault et je suis présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Je suis un membre fondateur de cette association où j'agis comme bénévole depuis 1982.
    L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes regroupe d'autres organismes qui travaillent auprès des femmes, des enfants et des aînés. Bon an, mal an, notre association regroupe en moyenne 200 organismes. Nous sommes un organisme pionnier au Canada. Nous avons mis en place la déclaration de la victime au tribunal. Nous avons créé le premier service d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec — je l'ai coordonné — et nous avons aussi mis sur pied le premier service d'aide aux victimes et aux témoins au Palais de justice de Montréal.
    M. Laroche vous a brossé un portrait des problèmes que connaissent les familles lors d'un événement criminel et lors d'un suicide. Alors, je pense qu'on peut parler de personnes qui vivent une onde de choc, un profond bouleversement, et qui vivent avec de graves séquelles. On sait maintenant que le quart des personnes qui vivent un crime violent vont développer un trouble de stress post-traumatique, que 15 à 20 p. 100 des victimes de crimes violents vont avoir des séquelles chroniques et que, dans les cas d'homicides, les personnes vont vivre souvent un deuil qui est beaucoup plus long. On estime que les gens vont avoir besoin de deux ans pour récupérer et souvent vont vivre des deuils complexes qui vont perdurer pendant des années.
    Évidemment, dans le cadre de notre mission, pendant les 30 années de notre existence, nous avons rencontré souvent des personnes qui ont perdu leur emploi parce que l'employeur brisait le lien d'emploi, qui n'était pas protégé. On a rencontré souvent des victimes qui subissaient des pressions de leur employeur pour revenir rapidement au travail, pour reprendre leurs tâches. On a vu des parents privés de leur salaire s'occuper de leurs enfants pendant plusieurs mois — des enfants qui avaient été gravement blessés. Je vous dirais qu'on accompagne très régulièrement des personnes victimes qui se battent pour obtenir une indemnisation et le droit à la réadaptation. Cela fait partie des situations quotidiennes que l'on rencontre.
    La question du retour au travail pour les victimes d'actes criminels, pour les familles, a été très peu étudiée. C'est une question qui est encore négligée aujourd'hui. On commence à peine à s'intéresser à la question des proches de victimes d'homicide et des familles des victimes en général.
    Les modifications au Code canadien du travail qui sont proposées, comme Mme Bonsant le disait, s'inspirent largement de la Loi 58 mise en oeuvre au Québec en 2006. Il faut dire que tous les partis sans exception se sont ralliés à cette loi. Si vous relisez les comptes rendus des débats à l'Assemblée nationale, vous constaterez qu'il n'y a pas eu beaucoup de discussions. Cela a vraiment fait consensus et nous espérons que ce sera le cas aussi de tous les partis au sein du gouvernement canadien.
    Du point de vue de notre association, il apparaît nécessaire d'enchâsser dans le Code canadien du travail l'obligation d'accorder un congé aux employés lorsqu'un membre de leur famille a été victime d'un acte criminel violent ou s'est suicidé. Ainsi, les demandes de congé et les conditions qui entourent leur intégration au travail ne seront plus laissées — il me semble important d'insister sur cette question — à l'arbitraire des décisions de l'employeur, à sa bonne capacité d'empathie et à sa bonne volonté.
    Nous sommes aussi favorables aux modifications à la Loi sur l'assurance-emploi parce que cela assure un meilleur soutien financier à des personnes qui sont dans une situation vulnérable — je pense que tout le monde ici comprend cela — à des moments où on doit prendre soin des siens. Il s'agit donc d'une aide financière qui permet aux personnes de reprendre leur vie de la façon qui leur apparaît la plus appropriée et qui leur permet aussi... On sait qu'après un crime violent, il y a toutes sortes de démarches judiciaires en indemnisation par rapport à toutes sortes d'instances de recours. Il y a toutes sortes de dépenses imprévues.
    En effet, les coûts sont très élevés pour les victimes de crime. Par exemple, Statistique Canada nous dit qu'en 2003, les coûts se chiffraient à 70 milliards de dollars, dont 67 p. 100 étaient assumés par les victimes. De ce montant, il y a eu des coûts de 18 milliards de dollars pour les crimes violents.
(0935)
    Cette aide nous apparaît être un volet essentiel de l'ensemble des mesures et des programmes qui sont mis en oeuvre pour les victimes d'actes criminels au Canada.
    Je voudrais insister sur un élément soulevé par M. Laroche en ce qui concerne les programmes d'indemnisation. Au Québec, tout comme au sein de ce comité, on dit que les programmes d'indemnisation aident les familles, et que certains éléments sont couverts par les programmes d'indemnisation. Or, ce n'est pas exact. Dans les cas d'homicide et dans d'autres cas où les gens qui ont besoin d'indemnisations ne sont pas les victimes directes, les programmes d'indemnisation ne couvrent pas les pertes de revenu.
    L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes appuie ce projet de loi parce qu'il reconnaît que les victimes ont besoin de soutien, parce qu'il témoigne de notre solidarité collective et parce qu'il envoie le message qu'on n'est pas indifférents. On appuie aussi ce projet de loi parce qu'au Canada, on a une déclaration de principes qui date de 2003. Selon le premier principe, on doit traiter les victimes avec respect, équité et compassion. Cela met en avant des droits qui font partie du Code canadien du travail et qui sont accordés par l'entremise du programme d'assurance-emploi, alors que les droits des victimes qui sont inclus dans les lois n'ont souvent aucune force exécutoire.
    On aimerait soulever deux ou trois points. La notion de préjudice corporel n'est pas définie et nous apparaît restrictive. Inclut-elle seulement les préjudices physiques? Les préjudices psychologiques sont-ils couverts? On peut penser aux enfants qui sont victimes d'agressions sexuelles: ils n'ont pas de blessures physiques, mais ils subissent de graves préjudices. Cette notion devrait être clarifiée.
    Je souligne qu'en matière d'indemnisation, la notion de blessure ou de lésion inclut le choc des blessures physiques, le choc mental et le choc nerveux. La suggestion qu'on voudrait faire, c'est d'examiner les lois qui s'apparentent ainsi que les décisions des tribunaux. C'est la première recommandation.
    La notion de disparition et d'enlèvement comprend aussi beaucoup de zones grises.
    Puis-je continuer mon allocution?
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Peut-on demander à Mme Gaudreault de nous remettre son texte? À moins que ce ne soit déjà dans le texte qui est ici.
    Ce que vous dites est extrêmement intéressant. Même si vous ne pouvez pas le faire verbalement, vous pourrez peut-être le faire par écrit.
    Je pourrais le faire lors de la période de questions.
    Il reste toute la question des coûts. Je vais certainement intervenir sur la question des coûts.
    Je veux aussi revenir sur la question des disparités entre les provinces et du rôle d'autres instances, comme l'ombudsman, par exemple, et le ministère de la Justice, qui peuvent avoir un rôle à jouer dans ce dossier.
    Je le ferai peut-être pendant la période de questions. Effectivement, j'ai pris le temps de préparer un document assez long. C'est une loi qui est complexe.

[Traduction]

    Oui, ce serait sans doute la meilleure solution. Vous aurez l'occasion de développer votre réflexion pendant la période des questions. Très bien.

[Français]

    Je m'organiserai pour donner mes informations pendant la période de questions.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Provencher, vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour. On m'a demandé de venir témoigner aujourd'hui. Je ne suis pas ici pour émouvoir qui que ce soit en parlant de ce que j'ai vécu. Je vais donner des détails dont je n'ai jamais parlé malgré le fait que notre cas ait été très médiatisé.
    La disparition de ma fille a provoqué beaucoup de choses. Quand on perd un enfant, on met de côté sa carrière et tout, comme vous l'auriez tous fait. Probablement, toutes les personnes qui sont assises à cette table décideraient de retourner au travail à une date inconnue. C'est un point très important, parce que le projet de loi de Mme Bonsant et de son équipe en vient à cela. J'ai eu quand même une certaine chance dans ma malchance. J'avais une assurance collective, un employeur qui a reconnu mon travail et qui m'a laissé la latitude de revenir quand j'ai été prêt à le faire.
    Quand on apprend une disparition et qu'on vit un drame comme celui-là, plus rien n'existe. Vous pourriez donner votre maison, j'en suis certain, votre salaire ou ce que vous voulez, sauf le lien avec votre enfant. Malheureusement, c'est ce qui nous prend sur le coup et je crois qu'il est sain de le faire. La triste réalité des choses est qu'on doit gagner un salaire, on doit gagner sa vie. Il arrive un moment où le travail devient important. C'est important d'y retourner. On a déjà tellement de combats à livrer, de choses à gérer, qu'il est important de pouvoir revenir. J'étais directeur des réclamations pour une compagnie d'assurances et expert en sinistres. J'ai remis ma carrière en jeu parce que je suis devenu un personnage public et je dois traiter des cas qui ne sont pas nécessairement toujours amusants.
    Il pourrait peut-être éventuellement y avoir de l'aide. Je suis certain que la plupart des gens ne pourraient pas refaire la même carrière après un tel événement. J'ai eu l'avantage de pouvoir revenir au travail à ma guise. J'avais un assureur collectif qui était mon employeur et qui m'a soutenu. J'ai arrêté de travailler pendant deux ans pour chercher ma fille et j'ai eu la latitude de pouvoir revenir quand je le pouvais. Plus tôt, on parlait de travailleurs autonomes. C'est aussi important. Ma conjointe, qui n'est pas la mère des enfants, était coiffeuse. Malheureusement, quand on a une clientèle, on est obligé de retourner au travail si on ne veut pas perdre tout ce qu'on a bâti pendant des années. La clientèle qu'on a fidélisée nous fait carrément vivre.
    Sur le coup, on peut la mettre de côté, mais on en a besoin. C'est ce qui nous raccroche, à un certain moment. Sûrement, quand elle a dû rentrer travailler, tout le monde n'avait pas la meilleure des coupes sur la tête. Elle a dû parler longuement du dossier. On est toujours replongés dans une situation. Pas plus tard qu'hier, on est arrivés à l'hôtel. Des gens me reconnaissaient et pleuraient devant moi. C'est long et on doit vivre au fil des années. Ma fille n'a pas encore été retrouvée. Cela va me suivre pendant 10 ou 15 ans, si alors on ne l'a toujours pas retrouvée, parce que ça fera partie de notre quotidien jusqu'à ce qu'elle soit retrouvée.
    Je parle en tant que personne qui a vécu un tel drame. Plus tôt, il a été question de quelqu'un qui tomberait dans l'escalier alors qu'il commettrait un crime. Je crois que les parents n'ont pas commis de crime. Ils pourraient quand même tout laisser pour aider leur enfant, parce que c'est quand même leur enfant. Il faut donc appuyer ce projet de loi, parce que c'est ce qui m'a aidé en partie à passer à travers certaines étapes. C'est aussi simple que ça.
    Monsieur Laroche, vous pouvez probablement confirmer que tout le monde n'a pas pu bénéficier de l'aide que j'ai eue. Il doit y avoir des témoignages inverses.
    Merci.
(0940)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Provencher.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de table, qui sera de sept minutes, les sept minutes devant comprendre à la fois les questions et les réponses.
    M. Silva sera le premier intervenant.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je ne vais poser que deux questions. Je serai bref parce que je sais que Mme Bonsant voudrait avoir un peu de temps pour clarifier certaines choses. La première question s'adresse d'ailleurs à elle.
    Vous avez choisi de vous baser sur la loi qui existe au Québec. Je veux savoir pourquoi vous avez fait ce choix. Je vais donner à Mme Gaudreault le temps de répondre aussi.
    Par ailleurs, le projet de loi proposé est le même que celui du Québec. J'aimerais savoir s'il y a eu des problèmes au Québec, si ce projet de loi fonctionne bien. Vous avez indiqué qu'il avait l'appui de tous les députés à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si ça venait de nos propositions, de nos commissions ou de nos rapports. Trois ans plus tard, quelles sont les réalités?
    Madame Bonsant, pouvez-vous d'abord répondre? Par la suite, ce sera à Mme Gaudreault.
    On a choisi la Loi 58 parce que c'était le seul modèle qu'on avait, le Québec ayant été un pionnier dans ce domaine. C'est pourquoi on a suivi ce modèle. Comme je vous l'ai dit plus tôt, je suis très ouverte à le bonifier, si c'est ce que veut le comité.
    Je vais laisser la parole à Mme Gaudreault pour qu'elle puisse dire ce qu'elle n'a pas eu le temps de dire.
(0945)
    Je pense que cette question sur ce qui s'est passé au Québec est très bonne. Effectivement, à l'époque, on se disait qu'il pourrait y avoir 5 000 demandes, ou 1 500 demandes au mieux.
    Ainsi, pour préparer ma comparution devant le comité, j'ai essayé d'avoir de l'information. J'ai donc fait appel au cabinet du ministre du Revenu. On n'a pas de statistiques sur le nombre de victimes d'actes criminels qui se sont prévalues des dispositions de la Loi 58. Cependant, dans le tableau de l'annexe 6 du rapport de la Commission des normes du travail du Québec, on indique que sur 3 818 plaintes formulées en vertu de la Loi sur les normes du travail, il n'y en a que 16 qui l'ont été par des victimes d'actes criminels. C'est un ordre de grandeur, mais il n'y a pas de statistiques. On m'a dit qu'il n'y avait pas moyen de le savoir, parce que lorsque les plaintes entrent dans le système, on ne différencie pas les gens qui veulent un congé de maladie de ceux qui veulent un congé familial. Toutefois, je pense que ce qu'on voit sur le terrain, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de victimes qui se sont prévalues de ces dispositions.
    Pour ce qui est des congés de compassion, il y a des statistiques sur le site Internet. À ce sujet, on remarque qu'il y a actuellement une grande partie des citoyens canadiens qui ne connaissent pas les congés de compassion; 40 p. 100 ne sont pas du tout au courant de leur existence, et 10 p. 100 sont peu au courant de leur existence. C'est pourtant une mesure qui existe depuis bien longtemps.
    Si on me le permet, je voudrais aussi ajouter qu'on observe qu'il y a beaucoup de gens qui font partie des familles des victimes d'homicides et de leurs proches qui ne se prévalent pas des services disponibles. C'est soit qu'ils ne les connaissent pas, soit qu'ils n'en ressentent pas nécessairement le besoin sur le coup. Il est donc très difficile d'évaluer le nombre de personnes qui voudraient se prévaloir de ces mesures. On remarque que beaucoup de gens veulent retourner à leur vie habituelle, reprendre leur vie le plus rapidement possible. C'est important. L'insertion dans le monde du travail est quelque chose d'important. Il est vrai que certains ont besoin de plus de temps et sont plus vulnérables pour toutes sortes de raisons. Cependant, ce n'est pas documenté dans les recherches en victimologie.
    On est dans le domaine du nouveau droit. En ce moment, vous faites du nouveau droit. Ce que vous faites, en l'occurrence le projet de loi que vous êtes en train d'examiner, est très novateur pour le Canada, si on le situe par rapport à d'autres pays.
    Pour conclure, je veux vous dire que le Canada est un chef de file dans le développement d'initiatives en faveur des victimes. On va de l'avant avec un tel projet. Il est vrai qu'on n'a pas toutes les données. Or, est-ce qu'on les a toutes quand on décide de construire des prisons et que des milliards de dollars doivent être investis? Est-ce qu'on sait combien cela va coûter pour les programmes, demain matin, quand les détenus de pénitenciers fédéraux vont demander à avoir accès aux programmes?
    Peut-être qu'on devrait faire preuve d'un peu de flexibilité envers les victimes d'actes criminels, qu'on a longtemps laissées pour compte.
    Me reste-t-il du temps? Deux minutes?
    Monsieur Laroche, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Je ne veux pas nécessairement donner suite à tout cela. Toutefois, j'aimerais faire une intervention qui, je l'avoue, se veut très délicate.
    En tant que président de l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues du Québec, je reçois souvent des commentaires de gens qui me disent que le gouvernement actuel adopte des lois en matière de justice et de sécurité publique qui répondent souvent à leurs besoins et à leurs attentes. À l'occasion, j'ai eu à émettre des communiqués pour souligner les bons coups du gouvernement.
    Ce que j'ai envie de vous dire, c'est que si vous éprouvez une certaine sympathie pour les victimes d'actes criminels, pourquoi ne pas continuer dans la même veine, dans la même trajectoire, et ne pas souscrire à un projet comme celui-ci qui, il me semble, donnerait l'occasion aux proches des victimes de combler véritablement leurs besoins? Cette fois-ci, il s'agit d'un besoin financier. Oui, il y a l'aide psychologique, comme on le mentionnait plus tôt; oui, il y a les funérailles. Cependant, il y a plein d'autres besoins qui ne sont pas couverts au lendemain du drame, alors que les gens vivent leur deuil et ne sont pas capables de retourner travailler.
    Pour le moment, c'est l'objet de mon intervention.
(0950)

[Traduction]

    Merci.
    Madame Beaudin, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Je vous remercie beaucoup, madame Bonsant, d'avoir présenté ce projet de loi. Je vous remercie tous d'être venus témoigner, particulièrement M. Laroche.
    Je vais poser toutes mes questions, puis je vais vous laisser répondre. De cette façon, vous pourrez profiter complètement du temps alloué.
    Monsieur Laroche, j'aimerais savoir si vous avez une idée du nombre de personnes, par exemple parmi vos membres, qui souhaitent retourner sur le marché du travail.
    Madame Gaudreault, savez-vous s'il y a eu des projets similaires dans d'autres pays? J'aimerais aussi que vous reveniez sur la définition du préjudice, que vous avez abordée plus tôt. J'aimerais qu'on parle de ce qui se fait au Québec, de ce qu'on pourrait établir ou mieux définir dans ce projet de loi.
    D'après ce que je comprends, un bon nombre de personnes qui ne sont pas salariées vivent des situations tragiques de ce genre et ne reçoivent aucune aide financière. Ici, on parle au moins d'aider les personnes salariées par l'entremise du programme d'assurance-emploi.
    Monsieur Laroche, vous avez dit plus tôt souhaiter qu'on ne se limite pas aux cas des enfants mineurs, mais qu'on englobe les cas de tous les enfants. Est-ce seulement pour les enfants disparus que vous souhaiteriez élargir le champ d'application?
    Voilà mes questions.
    Oui, je parlais principalement des enfants disparus. J'avais en tête le cas d'une jeune fille de 19 ans qui a disparu. La mère et la famille de cette jeune fille sont bouleversées depuis sa disparition. J'en parlais plus tôt quand j'ai mentionné les témoignages joints à mes notes. L'un de ces cas est celui de Marilyn Bergeron. L'autre jeune fille, qui a 19 ans, a disparu il y a 33 mois. Ses deux parents ont dû cesser de travailler. Ils ont eu d'énormes difficultés.
     Pourquoi ne pas offrir les prestations dans les cas d'enfants disparus, même s'ils ne sont pas mineurs?
    Vous parlez uniquement des cas de disparition?
    Oui. Vous m'avez demandé si j'avais une idée du nombre de personnes qui souhaitent retourner au travail. Comme je suis à la fois président-directeur général et porte-parole de mon association, je ne dispose pas d'un système de statistiques sophistiqué. Toutefois, je sais que certaines personnes retournent rapidement travailler. J'ai parlé plus tôt de l'une de ces personnes. C'est épouvantable. Elle est retournée travailler comme urgentologue. Elle a vu ma note à ce sujet et m'a dit qu'elle n'était pas aussi solide qu'elle pouvait en avoir l'air. Elle m'a dit qu'elle semblait courageuse et déterminée, mais que comme je ne vivais pas avec elle tous les jours, je ne pouvais pas savoir ce qui se passait dans sa vie. Je me suis demandé si je devrais retirer son cas de mon intervention, mais j'ai décidé de ne pas le faire. J'ai simplement modifié mon discours. Dans certains cas, les gens semblent bien solides, mais ne le sont pas, en réalité.
    Comme vous pouvez le voir, il y a d'autres exemples. Il est faux de dire que toutes ces personnes cessent leurs activités, font une dépression et ne vont pas travailler pendant un an. Ce n'est pas le cas. Beaucoup de gens retournent travailler. Il arrive aussi qu'ils essaient de le faire, mais qu'ils soient obligés d'arrêter.
    Merci.
    Je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre parce que le temps alloué est très court.
    On sauverait des coûts sociaux en permettant aux gens de bien se remettre sur pied. Quand ils reviennent trop vite au travail et sont malades, ils ont alors recours à des services psychologiques ou à d'autres services de santé. Il est difficile de calculer ce que ça représente.
    Vous m'avez demandé si de telles mesures étaient appliquées dans d'autre pays. Je sais que c'est le cas en Suède et dans certains États américains. On dit qu'à cet égard, la Californie possède un bon régime de congés familiaux. J'ai demandé à mes collègues français si c'était le cas en France, et ils m'ont répondu que non. Nous serions donc en avance sur la France dans ce domaine.
    Pour ce qui est de votre question sur le nombre de personnes, je la trouve importante. J'espère que ce projet de loi va être adopté. On pourrait suggérer que le gouvernement du Canada fasse un certain suivi et documente ces questions, qui sont vraiment négligées. Au ministère de la Justice, le Centre de la politique concernant les victimes fait de la recherche. Toute la question du droit à la réparation, au rétablissement et au retour au travail serait un très beau sujet de recherche dont pourrait se saisir le ministère de la Justice. Le projet de loi sera peut-être adopté. C'est du moins ce que nous souhaitons.
(0955)
    Monsieur Provencher, si, au moment où vous avez vécu cette tragédie, les mesures prévues dans ce projet de loi avaient existé, en auriez-vous profité?
    Oui, si je n'avais pas eu d'assurances, j'en aurais certainement profité. Je n'y aurais peut-être pas eu recours sur le coup, puisque, comme je le disais tout à l'heure, quand un tel drame arrive, il n'y a vraiment plus rien qui a de l'importance. On n'a même pas le temps de faire les démarches pour avoir accès à de l'aide, et ce, malgré la résilience ou peu importe. Dans le fond, nous sommes tous des êtres humains et nous avons tous nos blessures. Ce n'est pas parce qu'on paraît fort qu'on l'est, comme le disait M. Laroche.
    Quand je me retrouve seul, c'est autre chose, et les moments où on est confrontés à ça... Donc, c'est sûr qu'on aurait profité de ces mesures.
    Aujourd'hui, je suppose que vous profitez également de tout le soutien de l'association de M. Laroche et qu'au Québec, vous recevez de l'aide d'autres organismes.
    Oui, on a de l'aide, mais j'en ai moins sollicité, peut-être en raison de ma personnalité. Il y a des choses que je n'ai pas été obligé de faire parce qu'elles sont venues à moi malgré tout cela. Il y a des choses que vraiment, comparativement à d'autres familles, je n'ai pas eu à vivre. Le fait que le dossier ait été médiatisé a peut-être apporté beaucoup parce que j'ai eu beaucoup de soutien de gens que je ne m'attendais pas à recevoir. Malgré tout cela, on croule sous les dettes. Quand il y a un arrêt de travail parce qu'on décide de se battre, de chercher, quand on décide de mettre la carrière de côté et qu'on ne sait pas ce qu'on va faire, c'est certain qu'on croule sous les dettes.
    Alors, ce que Mme Bonsant propose dans son projet de loi, c'est ce qui m'a apporté un baume, comme je le disais tout à l'heure. J'ai eu cette aide indirectement, car j'avais un employeur qui m'appréciait, qui reconnaissait mon travail. Alors je n'ai pas eu de problèmes et je suis revenu au travail lorsque je l'ai voulu, au rythme que j'ai voulu, dans le poste que j'occupais. C'est important, très important.
    Merci beaucoup.
    M. Martin Provencher: Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Allen.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier tous nos témoins pour leur présence.
    Si vous me permettez, je voudrais citer des extraits des textes que vous nous avez présentés aujourd'hui. Le premier est celui de Mme Lachance, qui écrit ceci au troisième paragraphe:
Reprendre le travail après 15 semaines est tout à fait impensable, irréaliste, mais comme les comptes continuent d'entrer à la poste, il faut avoir un revenu pour les acquitter.
    Dans l'autre texte, Ghislaine Fréchette dit ceci:
Est-ce que j'ai repris mon travail? J'ai essayé, j'aurais voulu que ce soit comme avant, mais je n'ai pas l'énergie pour compléter une journée de sept heures, je ne suis pas capable de me présenter tous les jours. Il y a longtemps que les quelques journées prévues à mes conditions de travail pour cet événement de vie sont écoulées.
    Dans un sens, je suis très réticent à soulever la question, car j'ai l'impression de manquer de sensibilité. Mais j'essaie de voir cela dans l'optique de l'employeur qui souhaite une certaine productivité, et là nous parlons justement d'une employée qui retourne au travail trop rapidement — par exemple, après avoir touché des prestations d'assurance-emploi pendant 15 semaines pour un congé de maladie, alors que quand l'employée retourne au travail, elle n'est pas en mesure de faire une journée complète de 7,5 heures ou une semaine complète de travail. À mon avis… et si nous posions la question aux employeurs, ils nous diraient que la productivité de tels employés est inférieure. Donc, il ne semble pas approprié de forcer un employé à retourner au travail alors que cet employé ne sera pas vraiment productif. Et M. Provencher nous a clairement expliqué tout à l'heure, par rapport à sa propre situation, que son employeur s'en était rendu compte, mais que lui avait l'avantage d'avoir un bon employeur. Cela ne veut pas dire que tous les autres sont mauvais; en général, ils appliquent le règlement, quel qu'il soit. C'est pour cela que je trouve important de reconnaître la nature du système actuel. J'invite tout le monde à y réfléchir.
    J'ai une autre façon de voir les choses, notamment pour ce qui est du coût. Encore une fois, j'hésite à insister sur l'aspect financier de la chose, mais pour moi, c'est une façon de faire comprendre aux gens les raisons pour lesquelles il faut faire les choses d'une certaine manière. J'ai ma propre façon d'aborder ces questions, et j'ai toujours cru qu'il faut tenir compte de ce que j'appellerais « le coût global ». Je veux dire par là qu'il faut tenir compte du coût global pour la société et pour le Trésor public. Et en ce qui concerne le Trésor, si nous acceptons d'accorder à quelqu'un un congé prolongé, comme il en est question ici et comme le prévoit le projet de loi de Mme Bonsant, avec une forme de rémunération qui permet aux intéressés de contourner leurs difficultés financières, allons-nous en fin de compte réduire le coût global? Allons-nous finir par réduire le coût des prestations sociales — ce qu'on appelle l'assistance sociale en Ontario, ou des services et soins de santé qui pourraient être requis pour des problèmes de dépendance et d'itinérance, étant donné que ces personnes n'auraient pas eu les moyens de garder leur maison, qu'elles finiraient par la perdre et que leur productivité serait complètement perdue?
    Je me rends bien compte, madame Gaudreault, que c'est une étude qui mérite d'être menée, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Je vous serais donc très reconnaissant de me signaler les différents éléments qui correspondent au coût. Je suis tout à fait sincère quand je vous dis que je serais ravi de profiter de l'information que vous pourriez posséder à ce sujet. Il reste qu'une étude s'impose, à mon avis, mais je vous invite à réagir. Vous êtes tous invités à me faire part de vos observations à cet égard, si vous le désirez.
    J'ai une dernière remarque à faire. Pour des raisons personnelles, je vous suis reconnaissant d'avoir soulevé la question de la santé mentale. C'est quelque chose qui me tient à coeur et à l'ensemble de ma famille. Donc, je vous félicite et je vous adresse les remerciements de ma famille pour avoir soulevé cet aspect du problème, dont il faut absolument tenir compte. C'est extrêmement important pour ceux d'entre nous dont un être cher est atteint de troubles mentaux. Par conséquent, il convient de reconnaître que les maladies mentales existent et qu'elles peuvent avoir un impact sur, non seulement la famille immédiate, mais toute la famille élargie. Donc, je vous félicite et je vous remercie d'en avoir parlé.
    J'invite maintenant ceux et celles qui désirent réagir à le faire maintenant, si vous le souhaitez…
(1000)

[Français]

    J'espère que mon intervention au sujet des coûts a été bien comprise. Il est difficile d'évaluer les coûts actuellement. Il nous manque des données, par exemple en ce qui touche les disparitions. Les coûts relatifs aux disparitions nous semblent très élevés. Ce que je veux dire, c'est que lorsque cette loi sera mise en vigueur, il serait intéressant de faire un suivi auprès des personnes qui se prévalent des dispositions de la loi, de déterminer la durée des congés et de dresser le profil de ces personnes pour qu'on ait des données à cet sujet. Actuellement, en ce qui concerne l'état des connaissances en victimologie, on n'a pas toutes ces données, les États-Unis et le reste du Canada non plus.
    Une autre chose qui est importante est l'équité entre toutes les victimes. Toutes les victimes au Canada, qu'elles habitent au Québec, au Yukon ou n'importe où, devraient être traitées de façon équitable. La question d'avoir droit à ce type de congé devrait être discutée. Je sais qu'il y a des champs de compétence fédérale et provinciale. Ici, on parle d'une clientèle d'employés qui relève de la compétence du fédéral.
    Quand on envisage la question du droit des victimes et qu'on considère notre déclaration canadienne des droits des victimes, on devrait avoir le souci, comme Canadiens, de faire en sorte que toutes les victimes au Canada soient traitées de façon équitable. Il faut que ces dispositions soient mises en application partout au Canada et qu'à ce moment, ça soit discuté par des instances comme le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les victimes d’actes criminels, que ce soit soumis à l'ombudsman fédéral pour les victimes, qui a quand même un rôle à jouer en ce qui a trait aux enjeux systémiques — ce qui est important, il faut le rappeler. Il y a aussi un comité consultatif au ministère de la Justice. Il faudrait que ça change pour les victimes et qu'on ait ce souci d'équité pour toutes les personnes et pour les personnes qui sont particulièrement vulnérables.
    Je voudrais émettre un commentaire par rapport à ce qui a été dit plus tôt, relativement à ce qui est probable. Ce genre de loi ne relève pas du droit criminel, mais du droit du travail et du droit qui s'apparente aussi au Programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Dans ces droits, il est toujours question de la prépondérance de preuves et non de la preuve hors de tout doute raisonnable.
    J'aimerais aussi préciser que lorsqu'une personne a été négligente ou a participé à la faute, ou à ce qu'on appelle au Québec la « faute lourde », elle ne profitera pas des avantages prévus par la loi. Je ne vois pas, dans ce cas, pourquoi les citoyens canadiens devraient s'opposer à la loi ou que votre parti, le Parti conservateur, devrait s'opposer à la loi en s'appuyant sur cet argument. En même temps — et c'est aussi une discussion qu'on a souvent eue au sein de notre association —, en ce qui concerne les questions de faute lourde, on a un malaise.
    On distingue souvent les victimes innocentes des victimes non innocentes. C'est une distinction qui rejette dans la non-compassion des parents qui n'ont rien à voir avec l'acte criminel de leurs enfants. Il peut arriver qu'une fille ou un garçon fasse partie d'un gang de rue et fasse des choses épouvantables sans que les parents l'aient voulu. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas être compatissant à leur endroit si leur enfant est blessé à la suite de pareils événements.
    En même temps, ce n'est pas simple. Mon intervention ne vise pas à demander que la loi soit amendée en ce sens, mais à dire qu'en tant que Canadiens, on devrait y réfléchir. On devrait tenir une réflexion à ce sujet, peut-être ultérieurement, et éviter de cibler, de mettre dans des camps les victimes innocentes et celles qui ne le sont pas. Parfois, les victimes qui ne sont pas innocentes sont des personnes qu'on n'a pas aidées ou pour lesquelles on n'était pas là à temps. Il faut donc faire très attention à ça.
    Ce sont les deux remarques que je voulais faire à la suite de questions qui ont émergé tout à l'heure.
(1005)

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Je voudrais aussi dire que le gouvernement du Canada s'est retiré des programmes d'indemnisation depuis 1992.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Vellacott, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je suis profondément touché — et je crois que c'est le cas de nous tous autour de cette table — quand j'entends les récits de Martin, d'Arlène et de Michel. Je vous comprends, et je crois pouvoir parler pour mes collègues conservateurs. Nous sommes très sensibles à vos propos.
    Comme je vous le disais tout à l'heure — et je crois que Michel en a également parlé — le gouvernement conservateur tient évidemment à soutenir les victimes de la criminalité afin de s'assurer que ces dernières auront davantage voix au chapitre et pourront plus facilement accéder aux services disponibles. Si j'avais plus de temps, je pourrais probablement vous citer au moins une demi-douzaine d'initiatives concrètes et pratiques qui ont été prises par le gouvernement en vue d'aider les victimes, et il est sûr qu'on peut faire davantage.
    Je voudrais attirer votre attention sur quelque chose que j'ai du mal à comprendre. S'agissant de la façon dont le Bloc québécois a voté sur toutes ces mesures, qu'on parle de questions liées aux victimes, à la criminalité et surtout à l'aide pour les victimes… J'avoue être vraiment déconcerté par — 

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Si le député veut soulever nos votes passés, nous retournerons débattre de la nature des projets de loi passés. C'est la première fois que l'on débat d'un projet de loi qui concerne les victimes, madame la présidente.

[Traduction]

    Monsieur Lessard…

[Français]

    Madame la présidente, je n'accepterai pas qu'il continue de la sorte. On n'est pas ici pour faire de la vulgaire petite politique sur un sujet aussi important.

[Traduction]

    Une voix: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Monsieur Lessard, vous aurez l'occasion d'exprimer votre désaccord et d'avancer vos propres arguments quand ce sera votre tour de poser des questions.
    Y a-t-il un autre rappel au Règlement?
    Madame la présidente, me permettriez-vous de parler pendant 30 secondes seulement?
    Je ne veux vraiment pas lancer tout un débat.
    M. Vellacott a la parole pour poser une question…
    Cela concerne la nature des rappels au Règlement, par opposition au contenu des rappels au Règlement.
    D'accord, mais nous n'allons pas traiter cette question maintenant. Merci.
    Monsieur Vellacott, veuillez continuer.
     Quoi qu'il en soit, je suis perplexe. En ce qui concerne Mme Bonsant, je ne suis pas au courant de son bilan personnel, mais je suis tout à fait au courant du bilan de son parti en ce qui concerne le projet de loi S-6, Loi renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves. À l'heure actuelle, des meurtriers peuvent présenter une demande de libération conditionnelle tous les deux ans, après avoir purgé une peine de 15 ans, ce qui signifie que les familles doivent se présenter à de multiples reprises devant la Commission des libérations conditionnelles et revivre les circonstances entourant les crimes atroces dont ils ont été victimes, de même que leur deuil. Les groupes de victimes demandent depuis des années que la clause de la dernière chance soit abrogée. Or le projet de loi S-6 aurait abrogé la clause de la dernière chance de manière à garantir que les criminels condamnés pour meurtre ne puissent plus bénéficier d'une libération conditionnelle anticipée, et que les familles n'aient plus à revivre leur deuil chaque année.
     Le projet de loi C-16, Loi mettant fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d'autres crimes graves , anciennement le projet de loi C-42, aurait effectivement mis fin à la détention à domicile pour des crimes graves tels que la corruption d'enfants, l'incendie criminel et des voies de fait graves. Il est évident que cette mesure aurait eu une incidence sur les victimes et sur tous ceux qui font l'objet d'actes criminels.
     Le projet de loi S-10, Loi sur les peines sanctionnant le crime organisé en matière de drogues , soit l'ancien projet de loi C-15, prévoyait des peines minimales pour les crimes graves liés aux drogues.
     Le projet de loi C-268 concernant des peines minimales pour les infractions de traite de personnes, a été déposé par ma collègue, Joy Smith, la députée conservatrice du Manitoba. Cette mesure aurait prévu des peines plus sévères pour ceux qui participent à la traite des enfants.
    Le Bloc québécois a voté contre toutes ces mesures, sans exception.

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.

[Traduction]

    Je passe directement à mes arguments maintenant, et je vous signale, monsieur Lessard, que je compte utiliser mon temps de parole.
    Monsieur Lessard, nous n'allons pas débattre de cette question maintenant.
    Vous aurez l'occasion de remettre les pendules à l'heure tout à l'heure, si vous le désirez. Nous n'allons pas ouvrir un grand débat là-dessus maintenant.
(1010)

[Français]

    Madame la présidente, je fais appel de votre décision. Quand on invoque le Règlement à propos de quelque chose qui est contraire au Règlement, il faut entendre l'argument et ne pas nous renvoyer au débat.
    Ce qu'il soulève n'a rien à voir avec le présent débat, madame la présidente. J'en appelle donc de votre décision.

[Traduction]

    Je vais lever la séance si les membres refusent de respecter le Règlement. Il n'est pas question de débattre maintenant des propos de M. Vellacott.
    Vous avez parfaitement le droit d'être en désaccord avec lui. Vous aurez l'occasion de poser une question. Vous êtes libre d'exprimer votre désaccord. Pour le moment, il ne fait absolument rien qui soit contraire au Règlement, et en fait, il lui reste plus de trois minutes pour poser ses questions.
    C'est fini, monsieur Lessard.

[Français]

    Madame la présidente...

[Traduction]

    Laissez-moi finir, je vous prie. Ne m'interrompez pas.
    Vous avez eu l'occasion à maintes reprises de profiter de vos sept minutes au complet pour faire vos propres remarques. Tel est votre droit comme député et membre du comité.
    M. Vellacott a exactement le même droit. Quand il aura fini, vous aurez l'occasion d'exprimer votre désaccord. Mais nous n'allons pas ouvrir un débat maintenant sur ses propos. Tel n'est pas l'objet de la présente réunion.
    Donc, monsieur Lessard, je vous demande de ne pas soulever ce rappel au Règlement. Si vous avez un rappel au Règlement différent, je suis prête à vous écouter, mais n'invoquez plus le Règlement pour nous faire part de votre désaccord concernant les propos de M. Vellacott.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame la présidente, j'en appelle de votre décision. J'invoque le Règlement de la façon suivante, madame la présidente. Prenez le temps de m'écouter, madame la présidente.
    L'intervention de M. Vellacott a pour but de prêter des intentions à Mme Bonsant, en faisant allusion à des projets de loi sur lesquels le Parlement a été appelé à se prononcer dans le passé. Ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui. De plus, cette intervention est mal intentionnée, parce qu'il lui prête des intentions. À cet égard, mon rappel au Règlement doit être retenu. M. Vellacott doit être rappelé à l'ordre et revenir au débat et au sujet qui fait l'objet de notre étude.

[Traduction]

    Monsieur Lessard, je crois bien que vous venez de soulever le même rappel au Règlement qu'il y a quelques instants. Ma décision est donc la même.
    M. Vellacott se contente d'énumérer un certain nombre de projets de loi qui ont été présentés. Encore une fois, vous aurez l'occasion d'exprimer votre désaccord, mais pour le moment, je lui permets de continuer. Nous sommes effectivement en train d'étudier le projet de loi, et ses questions portent également sur le projet de loi.
    Nous commençons à manquer de temps…

[Français]

    J'en appelle de votre décision, madame la présidente. On peut se prononcer sur votre décision.
     Je demande de le rappeler à l'ordre. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il donne son opinion lorsqu'il pose des questions, mais cela doit porter sur le projet de loi dont on débat, madame la présidente.

[Traduction]

    Si vous voulez bien faire preuve de patience, je vais arriver rapidement à l'essentiel de mon propos. Il y a un préambule, mais les éléments qui suivront sont tout à fait pertinents.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant une minute.

    J'ai consulté le greffier afin de faire confirmer la justesse de ma décision.
    Monsieur Lessard, ce n'est pas un rappel au Règlement, et je vous demande donc de lui permettre de continuer.
    Si vous refusez, je vais mettre fin à la réunion. Je vous invite donc à respecter les convenances et à permettre à M. Vellacott de continuer. Il lui reste trois minutes et demie pour poser sa question.
    Je vous remercie.
(1015)
    Si M. Lessard avait bien voulu faire preuve de patience… J'ai dit dès le départ, et je me permets de le répéter, que je suis perplexe par rapport à l'intention et à la structure de ce projet de loi. À mon avis, c'est un élément tout à fait pertinent en ce qui concerne mes observations sur le projet de loi. J'aimerais simplement que M. Lessard attende que j'ai présenté mes arguments et posé ma question pour intervenir.
    Je suis perplexe, en ce sens que votre bilan jusqu'ici… Et cela m'inquiète parce que cela m'amène à vous signaler un défaut grave, par rapport aux projets de loi déposés précédemment.
    Je crois que Mme Bonsant est bien intentionnée, et j'estime que ce projet de loi compte un certain nombre d'éléments positifs.
    Mais je dois vous dire, en toute sincérité — et d'autres membres et d'autres témoins l'ont fait avant moi — que la partie du projet de loi que j'ai mentionnée tout à l'heure, où il est question de la présence de l'employé auprès de son enfant mineur âgé de moins de 18 ans qui a subi, lors de la perpétration d'une infraction criminelle ou comme conséquence directe de celle-ci, un préjudice corporel grave le rendant incapable d'exercer ses activités régulières… On me dit qu'il pourrait s'agir d'un enfant qui s'est fait mal au moment de perpétrer une infraction criminelle. En d'autres termes, l'enfant serait l'auteur du crime, et ce projet de loi permettrait aux parents de cet enfant de prendre congé et de toucher des prestations d'assurance-emploi, etc. Je trouve cela inquiétant.
    J'ai d'autres observations à faire, d'ailleurs. À mon avis, il s'agit là d'un défaut grave. Je comprends très bien ce que vont dire les parents, mais je vais écarter d'office leurs arguments en disant que je suis moi-même parent. J'ai quatre enfants et huit petits-enfants. Je comprends tout cela. Je n'ai pas besoin de recevoir des leçons à ce sujet parce que je comprends très bien de quoi il s'agit.
    J'ai appris à mes enfants, même s'ils ne sont pas toujours d'accord avec moi, que nos actes peuvent avoir des conséquences. Je présume que vous, en tant que parents et grands-parents, avez dû faire la même chose. Si mon enfant avait commis un crime, je ne voudrais certainement pas encourager ou faciliter ce genre de comportement. Je voudrais au contraire éviter de le faire.
    Je veux être là pour les aider, je veux les accompagner, mais favoriser une telle chose va trop loin. Si je vous dis que je veux être là pour leur préparer à manger ou faire leur lessive et ce genre de choses, on peut dire que c'est un comportement habilitant. Par contre, je souhaite que mon enfant exprime son regret, son repentir, je veux qu'il change son comportement… Je suppose qu'on pourrait dire que mon appui est en quelque sorte conditionnel. Pour moi, nos actes ont nécessairement des conséquences, et j'espère que la personne qui a conçu ce projet de loi est du même avis.
    Je voudrais néanmoins demander à Michel, à Arlène et à Martin s'ils estiment que ce libellé pose problème.
    Êtes-vous d'accord pour que les parents d'un enfant qui a commis un acte criminel puisse profiter de dispositions législatives de ce genre?
    Il faut que je pose la question à nos témoins parce que je compte poser la même question à mes électeurs. Je ne crois pas que mes électeurs seraient favorables à une telle mesure, mais il me faudra sans doute leur poser la question également.
    Je vous invite donc à me dire si vous estimez que le libellé actuel du projet de loi pose problème. Ou, au contraire, acceptez-vous complètement l'idée selon laquelle un enfant qui commet un crime serait également couvert, au même titre que la victime d'un acte criminel, à qui, me semblait-il, ce projet de loi était destiné?
    Comme M. Vellacott a utilisé presque la totalité de son temps de parole pour poser sa question, il ne vous reste plus que quelques secondes pour répondre.
    Merci.

[Français]

    Ce n'est pas grave, madame la présidente.

[Traduction]

    Je voulais poser mes questions…

[Français]

     Il n'a qu'à lire le paragraphe 206.8(2).

[Traduction]

    C'est mon temps de parole, et je voudrais adresser mes questions…
    Silence, s'il vous plaît.

[Français]

    Lisez le projet de loi, monsieur Vellacott.
    On peut lire, au paragraphe 206.8(2)...

[Traduction]

    J'ai déjà lu le projet de loi.

[Français]

    ... et je cite:
    (2) Toutefois, l’employé ne peut bénéficier de ces dispositions si les circonstances permettent de tenir pour probable que lui-même—ou, dans le cas de l’article 206.7, la personne décédée, s’il s’agit de l’époux, du conjoint de fait ou d’un enfant majeur,—a été partie à l’infraction criminelle ou a contribué au préjudice par sa négligence grossière ou, dans la province de Québec, par sa faute lourde.
    Il est exclu. Lisez le paragraphe et vous allez comprendre.

[Traduction]

    Monsieur Vellacott, votre temps est écoulé.
    Votre temps est écoulé.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entamer le deuxième tour. Nous avons suffisamment de temps pour un petit tour de cinq minutes chacun.
    Nous allons commencer par Mme Folco.
    Merci, madame la présidente.
    Je ne crois pas que j'aurai besoin de cinq minutes. Je voulais simplement dire, que, étant donné le sujet…

[Français]

    Attendez, je vais parler en français, comme ça il fera l'effort.
    Compte tenu du sujet que nous avons devant nous, qui est un sujet difficile pour au moins trois des quatre personnes qui sont ici devant nous, je trouve aberrant que le député du Parti conservateur, M. Vellacott, ait pris la peine de parler d'une liste qui ne touche en aucune façon le présent projet de loi. Je trouve qu'il a montré un manque de respect envers les personnes qui se sont déplacées et qui avaient déjà vécu des moments extrêmement difficiles. Je trouve que jouer politiquement sur les sentiments de ces personnes est absolument inacceptable.
    Je n'ai pas de questions à poser, madame Bonsant. Par ailleurs, pourquoi n'utiliseriez-vous pas le temps qu'il me reste pour relire cet article à l'intention de M. Vellacott? Ça lui ferait du bien.
(1020)
    Cela va me faire plaisir. Je vais le lire plus lentement pour faciliter la tâche à l'interprète.
    Je cite le paragraphe 206.8(2) du projet de loi que vous avez devant vous:
    (2) Toutefois, l’employé ne peut bénéficier de ces dispositions si les circonstances permettent de tenir pour probable que lui-même—ou, dans le cas de l’article 206.7, la personne décédée, s’il s’agit de l’époux, du conjoint de fait ou d’un enfant majeur,—a été partie à l’infraction criminelle ou a contribué au préjudice par sa négligence grossière ou, dans la province de Québec, par sa faute lourde.
    Si vous vous donnez la peine de lire le projet de loi, vous pourrez lire le mot « exclusion ». En anglais, c'est « exclusion ». C'est la même chose. Si vous vous donnez la peine de lire ce paragraphe et d'essayer de le comprendre, vous verrez que le jeune n'est pas une victime, il est le criminel.
    Je vais laisser la parole à M. Laroche qui, je crois, a des choses à dire.
    J'aimerais faire le lien avec ce que Mme Bonsant vient de dire et attirer votre attention sur la notion de faute lourde. J'ai déjà vécu un cas semblable. Un jeune, au cours d'une transaction de drogue, a été assassiné par celui avec qui il faisait la transaction. Le jeune est mort. Ses parents ne savaient pas du tout qu'il faisait du trafic de drogue, mais lorsque la mère a voulu obtenir des indemnités pour les frais funéraires, on les lui a refusées. Pourtant, la mère n'avait commis aucune faute. Elle n'a pas pu obtenir 3 000 $ pour les frais funéraires parce son fils avait été impliqué dans un crime. C'est la notion de faute lourde. Dans ce cas, la personne est exclue. Il n'y a pas de problème.
    Notre organisme est une association non partisane. Je ne veux surtout pas faire de politique. Cependant, j'aimerais m'adresser surtout aux députés du Parti conservateur, même si mes collègues ne sont pas nécessairement favorables à cela. Vous savez qui a fondé notre association. Je suis son successeur. Vous avez adopté plusieurs projets de loi et apporté plusieurs amendements au Code criminel, tant en matière de justice qu'en matière de sécurité publique. Nous avons trouvé ces dispositions satisfaisantes et, à ce moment-là, nous les avons appuyées. Je répète ce que je disais tout à l'heure. Mes gens, les victimes, sont favorables à ces projets de loi. On voit également que vous avez un certain capital de sympathie pour les victimes d'actes criminels. Alors, continuez donc, ne le perdez pas. Vous avez une belle occasion de continuer à combler les besoins de nos victimes. Pourquoi bloquer un tel projet de loi? Je ne comprends pas.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au représentant du Parti conservateur, qui dispose de cinq minutes.
    Monsieur Vellacott.
    Je voudrais poursuivre notre dialogue, si vous me permettez, en vue d'en arriver à un projet de loi approprié, si telle est votre intention, et j'espère que c'est le cas. Donc, si vous consultez l'article que vous avez cité, soit le projet de paragraphe 206.8(2) — et les autres membres autour de la table voudront peut-être le lire également — l'exclusion tout à fait critique que je vous ai signalée et dont vous m'avez fait part, en vous appuyant peut-être sur ce qu'un autre avait déduit, concerne un enfant mineur âgé de 16 ou de 17 ans. Si vous examinez le paragraphe que vous n'avez cité, eh bien, le libellé que vous proposez est le suivant:
s'il s'agit de l'époux, du conjoint de fait ou d'un enfant majeur
    Donc, je maintiens ce que je vous disais tout à l'heure, à savoir que vous n'avez pas exclu les enfants mineurs, âgés de 16 ou de 17 ans, ou peu importe, s'ils ont moins que l'âge de la majorité.
    Donc, je maintiens — et j'insiste là-dessus — que vous ne m'avez rien dit de nouveau en citant le paragraphe, puisque le problème de l'enfant mineur reste entier. Quand les enfants se détournent du droit chemin et font des choses qu'ils ne devraient pas faire, je compatis, mais dans le contexte de votre projet de loi, cela pose problème, et le paragraphe que vous n'avez cité ne le règle pas.
    Je voudrais donc poser la question à nos collègues, car je n'ai pas obtenu leur réponse précédemment; qu'en pensez-vous?
    Martin, Arlène et Michel, je vous pose la question, car nous avons déjà entendu le point de vue de France à ce sujet. Que pensez-vous de cet aspect du projet de loi, que je qualifierais de troublant ou préoccupant? Préféreriez-vous que l'exclusion de ce paragraphe soit plus générale, ou êtes-vous favorables à la formulation mentionnée précédemment?
(1025)
    Qui voudrait commencer?
    Madame Gaudreault.

[Français]

    Cette question relative à une faute lourde est traitée de façon différente selon les juridictions. Il y a des juridictions qui vont exclure toutes les questions de faute lourde sans exception, qu'elle soit mineure ou majeure. Toutefois, sur le plan de l'indemnisation, par exemple, d'autres vont accepter des dossiers même s'il y a une faute lourde, mais ils vont enlever un pourcentage des prestations. Certains pays et certains États américains font cela.
    Vous avez toute la latitude nécessaire. Vous êtes des décideurs et vous adoptez les lois. Vous pourriez décider que, en tant que gouvernement, vous avez une attitude plus compatissante envers des parents dont l'enfant est un mineur, parce que ces jeunes sont moins responsables, parce que parmi ces mineurs qui commettent des actes criminels, certains ont aussi été victimes. Souvent, la distance entre la victimisation et la délinquance n'est pas très grande. Vous pourriez décider d'être généreux.
    Je vais vous dire quelque chose. Je travaille dans ce domaine depuis des années, soit depuis 40 ans. Vous devriez venir au Centre régional de réception quand les détenus des pénitenciers fédéraux arrivent et qu'on les examine pendant huit semaines. Tout au long de leur peine, ils ont accès à tous les programmes possibles et imaginables. Ils peuvent participer trois fois ou dix fois au programme sur la toxicomanie ou au programme sur la gestion de la colère. Quand il est question des victimes, on dirait que l'on se met à grappiller les sous et à compter. Je ne dis pas qu'on ne doit pas offrir de programmes aux détenus, mais je dis que la société canadienne doit être plus généreuse. On peut l'être par rapport à des enfants mineurs qui ont commis des gestes regrettables et délictueux. On parle ici des parents. Vous pourriez le faire comme société.

[Traduction]

    Pour moi, c'est le moment de conclure.
    Si je peux me permettre de réagir à ce que vous avez dit, Arlène, il me semble que, à moins que la définition ne soit considérablement élargie, la victime serait normalement la personne qui a été la cible de l'acte criminel. Si nous décidons que tout le monde est victime et que chaque personne qui est la moindrement touchée est une victime, nous aurons à ce moment-là adopté une définition très large, ce qui risque de nous poser des problèmes, à mon humble avis.
    Selon moi, la victime est la personne qui a été la cible de l'acte criminel. Je suis très sensible à l'idée de soutenir cette personne, etc. Mais je dirais que cet aspect-là est très préoccupant, étant donné que ce paragraphe n'exclut pas un mineur âgé de 16 ou de 17 ans. C'est une situation qu'il faut chercher à régler, et c'est aux parents de trouver des solutions avec leur enfant et de l'appuyer dans la mesure du possible, mais je ne suis pas favorable à l'idée de verser des prestations d'assurance-emploi aux parents.

[Français]

    Si vous étiez le parent à qui cela arrivait, est-ce que vous aimeriez en plus que la société vous stigmatise? Aimeriez-vous que la société vous mette dans une poubelle et referme le couvercle? Aimeriez-vous que l'on dise que vous n'êtes pas un bon parent?

[Traduction]

    Non, vous partez encore dans une digression. Ce qu'il faut surtout comprendre, c'est que la victime est la personne qui a été la cible de l'acte criminel, ou encore la personne qui est décédée, le cas échéant, mais pas tous les autres…
    Merci beaucoup, monsieur Vellacott.

[Français]

    J'espère que vous ne refuserez pas d'adopter le projet de loi pour cette seule raison. Vous êtes là pour trouver des accommodements. Vous êtes là pour trouver des nuances. C'est ce à quoi on s'attend, en tant qu'organisme qui défend les droits des victimes et qui représente les victimes. Comme gouvernement conservateur, vous avez aussi fait une proposition, en mars 2010, qui abondait dans ce sens. Vous pouvez faire un bon geste et aller de l'avant.

[Traduction]

    Très bien. Merci.
    Monsieur Lessard, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, je veux vous remercier très sincèrement d'être présents aujourd'hui. C'est l'une des séances du comité qui a le plus de valeur à mes yeux. Il s'agit de l'essence même de l'humain. Ça nous amène à réfléchir à ce que l'on veut, comme société.
     Dans notre société, il y a des adultes et des enfants. Jusqu'à quel âge ceux-ci sont-ils considérés comme des enfants? Je vais vous donner un exemple. En vertu de certains droits internationaux, on ne doit pas stigmatiser un enfant qui a été enrôlé de force dans l'armée ou dans les combats. On a l'exemple du jeune Khadr qui, à 13 ans, a été entraîné de force et qui, à 15 ans, a été arrêté. Ce gouvernement a toléré non seulement que ce jeune soit emprisonné, mais également qu'il soit torturé. Il faut aussi parler de ça. En sommes-nous au point de légiférer sans faire de distinction, quand il s'agit d'enfants victimes de situations semblables? C'est de ça qu'il est question, ici. C'est un choix de société, une question de valeurs. C'est dans cette perspective que je demande à mon collègue M. Vellacott de réfléchir. C'est une dérive.
    Sinon, on remet en question l'âge auquel on est encore enfant. Est-ce à cinq ans ou à six ans? Est-ce jusqu'à 16 ans, comme le reconnaissent les lois actuelles? Il semble que l'on n'ait plus à respecter ces lois et que l'âge puisse être fixé à 13 ans ou à 15 ans. C'est aussi ce dont il est question ici.
    Plus tôt, M. Vellacott a mentionné des projets de loi, dont certains que nous avons appuyés. Ils pénalisent la personne qui a posé le geste criminel, mais ils ne contiennent rien, ou pratiquement rien, qui porte sur la victime. Depuis que je suis député, c'est la première fois que nous avons devant nous un projet de loi qui vise à venir en aide aux familles des victimes. Pourquoi ne l'accueille-t-on pas de cette façon?
    Je demande à tous les parlementaires de se rappeler le projet de loi que les libéraux on proposé en 2005 et qui traitait des victimes du syndrome de stress post-traumatique ou de blessures de guerre. Qu'a-t-on fait, dans ce cas? On a élaboré un projet de loi, on l'a traité en priorité et rapidement, puis on l'a adopté. On s'est entendu pour dire, lors de l'ajournement de la session, qu'il n'était pas parfait. On le voit aujourd'hui, d'ailleurs. Les partis sont en train de s'entendre pour faire en sorte qu'il ne s'agisse pas d'une somme offerte en un seul versement, mais d'un montent échelonné. C'est l'expérience qui nous a permis de faire cela.
    J'apprécie beaucoup le fait que des personnes ayant vécu cette expérience comparaissent aujourd'hui. L'une d'entre elles a subi un drame terrible, soit la disparition de son enfant. Deux autres personnes ont une expertise extraordinaire dans le domaine juridique. C'est exceptionnel. Dans deux semaines, nous allons recevoir M. Bolduc dont l'enfant a été victime d'un acte criminel.
    Il y a deux questions importantes. Considère-t-on un enfant comme un enfant, avec les protections que ça implique? C'est un choix de société. L'autre question, qui est aussi un choix de société — et à cet égard, je vous remercie, madame Gaudreault —, consiste à se demander si on doit faire appel à du droit nouveau. Le Canada a souvent servi d'exemple en ce sens. Il ne s'agit pas de se demander si on a cette audace ou ce courage, mais si on a ce devoir.
(1030)

[Traduction]

    Merci, monsieur Lessard.
    Comme vous avez utilisé tout votre temps de parole pour faire une déclaration, je vais demander maintenant à M. Provencher de vous faire une réponse de quelques secondes seulement.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais réagir à ce qui vient de se dire, puisque je n'ai pas pu répondre tout à l'heure. Je ne suis pas ici non plus en raison d'une allégeance à un parti politique. Peu importe qui présente ce projet de loi, que ce soit le Parti conservateur, le NPD ou n'importe quel autre parti, je suis ici parce que j'ai vécu quelque chose, et que ce projet de loi est essentiel pour bien des parents. C'est même un principe. Je comprends l'inquiétude, je la comprends.
    J'ai dit publiquement quelque chose plusieurs fois: celui qui a enlevé mon enfant, est-ce qu'on va automatiquement cataloguer ses parents, son frère, sa soeur? J'aimerais simplement donner mon opinion à ce sujet. Prenons le cas de quelqu'un qui commet un crime comme celui-là. Peut-être qu'un mineur a commis un crime, mais le parent reste toujours un parent, et il y a des choses dans la société qui passeraient et qui passent déjà beaucoup moins bien que ça. Je crois que tout le monde est ici pour adopter des lois et pour discuter. C'est donc mon point de vue.
    Quand une personne sera arrêtée, dans le dossier de ma fille ou dans d'autres, je ne crois pas qu'on va dire aux parents qu'ils sont responsables. Ce n'est ni le père ni la mère qui sont responsables. Ils vont vivre eux-mêmes un drame qu'ils n'ont pas à subir. C'est mon opinion. Aider les parents dont l'enfant a commis un crime, peut-être... Comment peut-on modifier la loi si telle est la raison?
    Il ne faut pas oublier le fondement même de ce projet de loi qui est excessivement important pour les victimes. Apportez-y les modifications que vous voulez, entendez-vous. Je représente probablement beaucoup d'autres parents, involontairement, et c'est ce que je crois. C'est important. On demande souvent à une autre personne de s'imaginer dans la même situation que soi-même. Or, si demain vous viviez une situation comme bien des parents en ont vécu, probablement que vous vous retrouveriez assis ici pour en parler comme nous en parlons. En tant que citoyens, c'est ce qu'on vous demande.
(1035)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Provencher.
    Monsieur Komarnicki, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Il est certain, monsieur Provencher, qu'on peut difficilement imaginer ce que vit un parent qui perd un enfant ou dont l'enfant a été porté disparu. Vos arguments sont très convaincants. Nous tenons, d'ailleurs, à ce que vous sachiez que nous vous sommes reconnaissants de nous expliquer cela, mais pour le moment, nous nous intéressons surtout à certains aspects techniques du projet de loi.
    Je voudrais demander à France de m'expliquer le sens de l'expression « tenir pour probable ». La réponse que vous n'avez fournie tout à l'heure n'était pas suffisante — en tout cas, elle ne m'a pas satisfait. Qu'est-ce que cela signifie, à votre avis? Comme définiriez-vous le terme « probable »?

[Français]

    Vous me demandez de définir le mot « probable », mais dans quel cas ? Quelle est votre question? Vous voulez savoir quelle est la différence, selon moi, entre « grave » et « pas grave », entre « probable » et « pas probable », et d'autres choses comme ça?

[Traduction]

    Non, je vous demande simplement ce que signifie dans ce contexte le terme « probable ». Comment le définissez-vous? C'est tout de même un aspect clé du projet de loi. Si la barre n'est pas placée très haut pour ce qui est d'établir les faits — et cela semble être le cas — la question que je me pose maintenant est celle-ci: qu'arrive-t-il si vous vous trompez ou si quelqu'un se trompe dans son évaluation de la situation? Qu'allez-vous faire par rapport aux prestations qui auront déjà été versées? Et, selon votre projet de loi, qui déciderait que c'était sans doute le cas?

[Français]

    D'accord. Le 16 novembre, à la prochaine réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, on va débattre du projet de loi article par article. Cela va me faire plaisir, monsieur Komarnicki, de m'asseoir à la table et, en tant qu'élus, on en discutera, on établira les limites et on définira définitivement le mot « probable ». Je ne ferai pas ça toute seule, ce matin.
    Ce matin, on est là pour faire parler des gens qui veulent nous livrer leur témoignage, nous dire ce qu'ils ont vécu et ce dont ils ont besoin. Les échanges se font sur le plan humain plutôt que juridique. Je ne suis pas une criminologue ou une criminaliste, mais je suis prête à vous écouter.
    On verra ça le 16 novembre.

[Traduction]

    Très bien. Je vais revenir à la charge à ce moment-là et vous demander de le faire.
    Deuxièmement, on n'indique nulle part dans ce projet de loi ce qui doit se produire si on apprend par la suite que ce qui s'était probablement produit ne s'est pas du tout produit. Que propose votre projet de loi pour rectifier l'erreur des prestations versées erronément?

[Français]

    Monsieur Komarnicki, un projet de loi reste un projet de loi. Si vous êtes en train de me demander si j'ai un projet de loi parfait, je vais vous répondre que vous n'en avez pas non plus. Nous sommes des législateurs qui sont là pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C'est pour ça qu'on va l'étudier article par article et qu'on en décidera en comité.
    Je cède la parole à Mme Gaudreault.
    En ce qui a trait à cette notion de « probable » ou de « non probable », monsieur Komarnicki, le comité pourrait s'inspirer de ce qui se fait sur le plan de l'indemnisation. Par exemple, pour démontrer la faute lourde, il y a les rapports policiers, les rapports d'experts, les certificats médicaux. C'est sûr qu'en Ontario et au Québec, il y a des hauts régimes d'indemnisation. De temps en temps, il y a eu des erreurs d'indemnisation. Des recours subrogatoires existent. En plus, parfois on peut vivre avec ces erreurs parce qu'elles ne sont pas multiples.
    Vous pourrez donc vous inspirer de ce qui se fait en indemnisation, notamment, puisque la notion de faute lourde vient de l'indemnisation.
(1040)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je comprends ce que vous dites, mais le projet de loi n'indique aucunement qui doit prendre la décision. Le terme « probable » est sans doute aussi long et aussi large que la chaussure qu'on porte. Son sens peut varier considérablement. Il n'y a pas de description appropriée dans ce projet de loi, et à mon avis, il faut absolument rectifier ce problème.
    L'autre élément qui m'inquiète un peu concerne la nature des incidents qui sont inclus ou pas inclus, comme le suicide; par contre, votre définition ne comprend pas la mort accidentelle qui pourrait résulter de la perpétration d'un acte criminel. Je crois que vous y avez fait un peu allusion, mais une situation où le conjoint mourrait de cause naturelle à la suite d'un accident serait exclue. Avez-vous fait exprès d'exclure une telle situation?
    Encore une fois, j'adresse ma question à France.

[Français]

    Pour ma part, j'ai perdu une de mes nièces dans un accident d'automobile. Elle avait 15 ans et demi. La Société de l'assurance automobile du Québec a versé une indemnisation. Dans le cas d'une personne qui tombe d'une échelle alors qu'elle travaille dans un bâtiment, il y a la CSST. Je ne veux pas me mêler de choses déjà couvertes par certaines assurances.
    Mon projet de loi s'adresse aux familles des victimes et non aux victimes comme telles, parce qu'elles ont déjà droit à un certain montant d'argent. Je ne voulais pas non plus déposer un projet de loi qui couvre la planète au complet. Il y a déjà des montants d'argent qui sont distribués pour certaines choses.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Laroche, je vous invite à faire un très bref commentaire.

[Français]

    Je m'adresse à M. le député qui vient de prendre la parole. Si une indemnité était versée à tort, l'erreur pourrait toujours être corrigée.
    Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'un enfant est disparu depuis plus de sept ans, il est présumé mort et une compagnie d'assurance peut verser une indemnité. Si l'enfant réapparaît, ceux qui ont reçu l'indemnité doivent la remettre à la compagnie d'assurance. Il ne faudrait pas empêcher qu'un tel projet de loi soit adopté parce qu'on n'est pas sûr de faire les bonnes choses.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous avons à peu près fini, mais il nous reste encore une ou deux minutes et c'est le tour des libéraux. Je vais donc demander à Mme Folco de s'en tenir à deux minutes, au lieu de cinq.
    Merci beaucoup, madame la présidente.

[Français]

    Je ne parle pas en tant que membre du Parti libéral, je ne veux pas faire d'intervention politique, mais je voudrais vous remercier.
    Je voudrais remercier trois personnes. Je veux d'abord remercier Mme Bonsant, ça va de soi. Je voudrais aussi remercier trois personnes qui ont eu le courage de venir ici. M. Provencher a parlé de ce qu'il a vécu, mais on peut deviner, par leurs paroles, que M. Laroche et Mme Gaudreault ont vécu eux aussi des expériences dont ils ont fait abstraction lors de leur présentation. Il faut énormément de courage pour venir en parler, faire abstraction de sa propre expérience et aller plus loin.

[Traduction]

    Excusez-moi de vous interrompre. C'est qui ça?
    [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
    C'est un autre comité.
    On dirait qu'il y a interférence sur les lignes. Comme ils ne réussiront pas à régler le problème immédiatement, je pense que…
    Permettez-moi simplement de dire une dernière phrase.

[Français]

    Je voudrais simplement vous dire merci d'aller au-delà de votre propre expérience pour que d'autres personnes puissent retirer quelque chose de ce que vous avez vécu.
    Je voudrais simplement vous dire un grand merci d'être venus. Continuez le travail. Je ne sais pas si le projet de loi de Mme Bonsant sera adopté, mais continuez le travail. Parfois, il faut frapper à la porte très souvent avant qu'elle ne s'ouvre.
    Je vous dis un grand merci.

[Traduction]

    Merci, madame Folco.
    Je voudrais donc remercier tous nos témoins pour leur présence aujourd'hui, et notamment M. Provencher. Je crois pouvoir parler pour tout le monde en vous disant que nous sommes de tout coeur avec vous et votre famille.
    Merci infiniment.
    La séance est levée.
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