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Bonjour à vous tous. Je déclare ouverte cette 31
e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Avant de nous attaquer à notre programme, je voudrais demander aux membres du comité de bien vouloir approuver une motion, qui va nous permettre de proposer et de mettre au point notre budget pour ce projet de loi. Quelqu'un pourrait-il proposer la motion que vous avez devant vous?
Madame Folco.
(La motion est adoptée. [Voir Procès-verbaux et témoignages])
La présidente: Merci beaucoup.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 28 avril 2010, nous examinons aujourd'hui le projet de loi .
Nous allons consacrer la première demi-heure de notre réunion à l'auteure du projet de loi, soit Mme Bonsant.
Bienvenue au comité. Nous vous invitons à présenter votre projet de loi, et nous ouvrirons ensuite une courte période de questions et réponses. Ensuite, nous passerons aux autres témoins qui sont présents.
Madame Bonsant, si vous voulez bien nous faire un exposé de 10 minutes, nous aurons par la suite des questions à vous poser. Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je suis très heureuse de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour discuter de mon projet de loi , auquel je travaille depuis près de quatre ans.
Le projet de loi, intitulé , comporte deux volets. Il propose d'abord de modifier le Code canadien du travail afin d'octroyer un congé non rémunéré aux employés qui doivent s'absenter à la suite d'un suicide, de la disparition de leur enfant ou d'un acte criminel perpétré contre un membre de leur famille immédiate.
La période d'absence prévue par le projet de loi va comme suit. Pour les parents d'enfants mineurs, on prévoit jusqu'à 104 semaines d'absence en cas de décès résultant d'un acte criminel ou en cas de préjudice grave qui requiert la présence du salarié auprès de son enfant. C'est la même chose pour un enfant porté disparu: ses parents peuvent garder leur lien d'emploi pour un maximum de 52 semaines d'absence. Pour l'époux, le conjoint de fait ou le parent, on prévoit 52 semaines en cas de décès par suicide et 104 semaines si le décès résulte d'un acte criminel.
Ce projet de loi apporte aussi des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin que ces personnes puissent toucher un nouveau type de prestations spéciales, soit les congés pour raisons familiales. Cela dit, pour les parents dont les enfants mineurs sont disparus ou ont subi des préjudices corporels graves à la suite d'un acte criminel, pour les parents dont les enfants se sont suicidés, pour un employé dont le conjoint s'est suicidé, pour les parents d'un enfant mineur qui est décédé à la suite d'un acte criminel et pour un employé dont le conjoint est décédé à la suite d'un acte criminel, l'admissibilité à cette nouvelle prestation sera fondée sur les règles des prestations spéciales existantes. Un prestataire devra avoir accumulé un minimum de 600 heures d'emploi assurable avant d'être admissible à un maximum de 52 semaines de prestations.
En décembre 2007, l'Assemblée nationale du Québec a fait figure de pionnière en la matière en adoptant la Loi 58. Dans le cadre de cette loi, des salariés et leur famille victimes d'acte criminel ont droit à un congé non rémunéré, tout en gardant leur lien d'emploi pour une période allant jusqu'à 104 semaines. Les familles de salariés québécois vivant le deuil d'un suicide ou d'un enfant disparu ont droit à 52 semaines de prestations.
Malheureusement, les lois fédérales actuelles créent une discrimination envers les 275 000 Québécois et Québécoises dont l'emploi est régi par le Code canadien du travail. En effet, ces travailleurs ne profitent pas de ce lien d'emploi et ont droit à un simple congé de maladie de 15 semaines. Jusqu'à maintenant, l'inaction des législateurs à cet égard crée deux catégories de travailleurs: d'une part, ceux qui peuvent vivre cette période difficile en conservant leur lien d'emploi et, d'autre part, ceux qui ont le choix entre retourner travailler rapidement ou perdre leur emploi. De plus, c'est une chose que de permettre aux gens de prendre un congé, mais s'ils n'ont pas de revenus pour subvenir à leurs besoins entre-temps, le résultat sera le même. Ils n'auront d'autre choix que de revenir au travail rapidement. Il est d'autant plus difficile pour eux de reconstruire leur vie.
De l'avis du Bloc québécois, qui s'est toujours préoccupé du sort des victimes et de leurs proches, le palier fédéral doit immédiatement emboîter le pas au Québec. Il est bien connu que le suicide, les crimes violents et les disparitions sont la cause de détresse psychologique pour bien des parents et des conjoints. L'attente, l'inquiétude, le deuil, et bien souvent la dépression, font partie intégrante du quotidien des familles de victimes, souvent durant une période prolongée. En effet, particulièrement dans le cadre des assassinats et des disparitions, il peut s'écouler plus de deux ans entre le moment de l'acte criminel et la résolution de l'enquête. Durant cette période, les proches sont très affectés par les événements et ne peuvent pas poursuivre leurs activités quotidiennes. Ils ont accès à du soutien et à de l'aide, mais n'ont aucun soutien financier. Des soucis financiers supplémentaires sont la dernière chose dont ils ont besoin.
Il est terrible de penser que les salariés qui vivent ces épreuves sont abandonnés à leur sort et qu'ils doivent continuer à travailler pendant ce temps comme si rien ne leur était arrivé, puisqu'ils doivent subvenir aux besoins de leur famille comme vous et moi.
Ces personnes ont besoin d'une période de répit pour passer à travers cette épreuve et les amener, à leur rythme, à un retour au travail progressif. Si je me bats encore aujourd'hui et que j'en appelle à la collaboration de tous les partis, c'est pour venir en aide à ces familles. Après tout, les proches des victimes, par l'angoisse, la souffrance et les autres répercussions liées à l'acte violent, ne sont-elles pas aussi des victimes?
Une disparition ou un homicide sont plus longs et plus complexes à vivre que d'autres formes de deuil, particulièrement lorsque des circonstances de viol ou de violence ont eu lieu. Des sentiments de frustration, de colère et d'impuissance sont davantage présents. C'est d'autant plus vrai lorsqu'un acte criminel ou un suicide en est la cause.
Les détracteurs de mon projet de loi affirmeront que ces nouvelles mesures coûteront trop cher à l'État. J'ai entendu certains députés déclarer à tort que ce projet de loi coûtera 400 millions de dollars. Heureusement, le genre d'événements tragiques qui nécessiteraient des prestations pendant 52 semaines est peu fréquent. Au même titre, les personnes qui deviendraient admissibles à l'assurance-emploi avec l'adoption de ce projet de loi ne sont pas nombreuses.
Bien que le deuil soit personnel à chacun, on peut penser que la baisse de revenus encourue par des prestations d'assurance-emploi n'est pas envisageable pour une partie des personnes admissibles. Également, nous pouvons imaginer que le fait de continuer à travailler soit pour certains une manière de reprendre une vie normale après un certain temps. De plus, une certaine partie de la population ne travaille pas, n'est pas dans un emploi assurable par le programme d'assurance-emploi ou encore travaille un nombre insuffisant d'heures pour être admissible aux prestations.
Il faut donc exclure les travailleurs autonomes. Ceux et celles qui n'ont pas travaillé pour une période minimale de 26 semaines, l'année précédant l'acte criminel ou la disparition, ne sont pas admissibles. Ils représentent environ 18 p. 100 de la population active. Il faut également exclure les suicides commis par des célibataires ou des personnes sans famille proche.
Pour toutes ces raisons, on est loin des 400 millions de dollars estimés par ce gouvernement. Bien qu'il soit difficile d'évaluer le nombre exact de personnes qui percevraient des prestations créées par ce projet de loi, une étude du Bloc québécois a établi qu'environ 8 000 personnes seraient touchées par les mesures du projet de loi.
En fixant les prestations à 340 $ et le seuil d'admissibilité à 65 p. 100, un objectif visé par les mesures globales du Bloc québécois, il en coûterait environ 50 millions de dollars par année. Toutefois, en prenant le seuil d'admissibilité actuel de 45 p. 100, il est réaliste de conclure qu'un investissement d'une trentaine de millions de dollars accompagnerait l'adoption du projet de loi . Trente millions de dollars par année pour encourager les familles des victimes, c'est un bien petit montant à payer.
Le programme d'assurance-emploi est suffisamment financé par les employés et les employeurs pour permettre aux familles affligées par un événement aussi traumatisant de toucher des prestations. Le gouvernement, quant à lui, n'investit rien dans l'assurance-emploi.
Depuis que je travaille à ce projet, j'ai reçu de nombreux appuis de la population et de la société civile. Il est évident que cette initiative touche les gens et les interpelle. Plusieurs efforts citoyens ont émergé de la solidarité de ces familles. Par exemple, en 2004, les familles québécoises touchées par ces tragédies se sont regroupées pour créer l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, un organisme québécois qui vient en aide aux familles des victimes.
Depuis le début, l'AFPAD appuie notre projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme, puisqu'il cadre dans l'ensemble de ses revendications. Je remercie d'ailleurs son président, M. Michel Laroche, de sa collaboration dans ce dossier. Dans leur travail acharné pour soutenir ces familles, les membres de l'association constatent bien que celles-ci doivent pouvoir vivre leur épreuve sans soucis financiers.
Des membres de l'AFPAD avaient d'ailleurs rencontré le caucus des députés conservateurs en 2007. Ces derniers avaient appuyé sans détour le projet de loi. J'ose espérer qu'ils sauront être fidèles à leur parole trois ans plus tard.
L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, dont Mme Arlène Gaudreault est présidente, est un autre exemple de groupes d'aide formés par solidarité envers les victimes et leur famille. Je la remercie de son dévouement et de son travail.
En terminant, je crois sincèrement que ces mesures apporteraient une aide indispensable aux familles des victimes qui vivent actuellement des périodes douloureuses sans soutien financier. Je me suis engagée en politique pour changer les choses, et j'espère que mes collègues seront aussi touchés que moi par le sort des familles de ces mêmes victimes.
Merci, madame la présidente.
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Merci, madame la présidente.
Bienvenue, madame Bonsant. C'est pour moi un grand plaisir d'entendre ce plaidoyer plein de ferveur et de sentiments, dans le meilleur sens du mot. J'ai quand même quelques questions.
Il me semble important que votre projet de loi aille dans la même direction que celle que nous avions prise dans le cas du congé de compassion. Je m'en souviens, j'étais secrétaire parlementaire de la ministre à l'époque. Nous avions voulu que le système d'assurance-emploi reconnaisse que, parfois, les membres d'une famille ont besoin de rester chez eux pour aider un père, une mère, un membre proche de la famille, dans des circonstances dramatiques, tragiques et ainsi de suite. Je crois donc que votre projet de loi va dans le même sens.
Tout d'abord, j'ai une question d'éclaircissement. Votre projet de loi s'applique à une personne qui meurt à la suite d'un accident criminel, mais je n'ai pas très bien compris comment cela se passe pour les proches d'une personne qui s'est suicidée, c'est-à-dire qui a commis l'acte elle-même. J'aimerais bien que vous éclaircissiez cela.
Comme je n'ai que cinq minutes et que j'ai une autre question à vous poser — vous connaissez le système —, je vous demanderais d'être assez brève.
Merci beaucoup, monsieur Vellacott et madame la présidente.
J'ai plusieurs questions à poser, et il est évident qu'une minute ne me permettra pas d'aller bien loin.
Mon questionnement concerne en partie la question de la preuve que l'événement a bien eu lieu. Dans le texte de votre projet de loi, on dit que les circonstances entourant l'événement permettent de tenir pour probable que le décès résulte d'un suicide. Il y en a d'autres aussi, mais dans chaque cas, l'expression employée est la même: « tenir pour probable ». Bien sûr, dans la plupart des cas, il s'agit d'essayer de le prouver hors de tout doute raisonnable, ou selon la prépondérance des probabilités; mais s'il s'agit de preuves circonstancielles, cela doit être la seule conclusion rationnelle. Par contre, l'expression « tenir pour probable » est très vague. La question qui se pose dans ce contexte est celle-ci: qui décidera ce que signifie « tenir pour probable »? Est-ce la police, les employés, l'employeur? Et comme c'est un terme très général, que se passe-t-il si l'on se trompe? Les prestations ont déjà été versées et on apprend par la suite que « tenir pour probable » était beaucoup trop vague.
Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps pour répondre à ma question, mais il reste que cet élément — et d'autres aussi sur lesquels je ne pourrai vous interroger — suscite en moi de très graves préoccupations.
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J'adresse mes salutations à tous. Mon nom est Michel Laroche. Je suis président de l'Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, qui regroupe 575 familles au Québec et plus de 10 000 personnes. Nous formons un tout petit groupe de bénévoles. Nous oeuvrons au sein d'un conseil d'administration de 11 personnes qui travaillent pour tenter d'améliorer les conditions de vie des familles durement éprouvées au lendemain d'un drame.
L'association regroupe donc deux types de membres. Il y a d'abord des familles dont un ou plusieurs proches ont été assassinés, et ensuite des familles dont un membre a disparu dans des circonstances d'apparence criminelle.
Nous appuyons les modifications au Code canadien du travail dans le but d'octroyer un congé non rémunéré pouvant aller de 52 à 104 semaines aux employés qui doivent s'absenter à la suite de la disparition de leur enfant mineur ou à la suite du décès de leur époux, de leur conjoint ou d'un enfant.
Nous souscrivons aussi aux modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin que ces personnes puissent toucher des prestations qui pourraient s'échelonner jusqu'à 52 semaines au lieu des 15 semaines actuellement prévues.
Nous sommes conscients du fait que les victimes et les proches des victimes d'actes criminels prennent de plus en plus de place sur l'échiquier politique et législatif et nous en sommes ravis. En effet, plusieurs projets de loi et plusieurs modifications apportées au Code criminel tiennent compte des besoins et des attentes des proches des victimes ou des personnes assassinées. Toutefois, on peut faire plus.
Le projet de loi constitue une belle occasion de démontrer jusqu'à quel point on peut faire plus, car les familles des victimes ont parfois besoin d'un soutien concret et financier au lendemain d'un drame. En tant que société, ne devons-nous pas tout faire pour aider ces gens? Le mouvement de défense des droits des victimes a pris de l'ampleur et on a fini par comprendre que les proches des victimes avaient besoin qu'on s'occupe d'eux.
Notre association est née pour apporter du soutien et de la compréhension aux familles éprouvées, et je pense qu'elle s'acquitte bien de sa tâche. Cependant, les proches ont aussi besoin de ressources financières. C'est là une réalité et notre association ne peut combler ces besoins. Oui, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels du Québec prévoit une indemnité pour rembourser les frais funéraires. Oui, elle offre des services de réadaptation psychologique et quelques autres indemnités, mais cela ne suffit pas. Elle ne paie pas l'épicerie, le loyer et les dépenses courantes du ménage au lendemain d'un assassinat ou d'une disparition.
Maintenant, permettez-moi de vous décrire la réalité en ayant en tête les drames vécus par certains de nos membres. Je ferai abstraction des noms de ces personnes.
Parlons d'abord du cas d'une femme. Il y a quelques années, ses deux enfants ont été assassinés par son ex-conjoint qui s'est suicidé. Elle s'est retrouvée sans emploi puisque son ex-conjoint l'employait. Elle était seule au monde, car elle n'avait plus ses parents, et était si meurtrie à la suite de cette terrible tragédie que l'aide sociale a dû temporairement la prendre en charge. Après plusieurs mois, elle s'est relevée. Elle est retournée à l'université, a écrit un livre sur son drame intitulé La Survivante et, aujourd'hui, elle donne des conférences et apporte du soutien aux autres qui ont subi d'effroyables épreuves.
N'oublions pas qu'au lendemain d'un tel drame, la santé physique et mentale des proches est affectée au plus haut point. Malgré leur peine et leur souffrance, plusieurs doivent subvenir à leurs besoins en retournant travailler. Il est terrible de penser qu'ils soient abandonnés à leur sort et qu'ils doivent retourner sur le marché du travail comme si rien ne s'était passé. Souvent, ils essaient, mais doivent cesser parce qu'une profonde dépression les envahit.
J'ai en tête le cas d'une autre mère dont l'enfant lui a été ravi par son conjoint qui a mis fin à ses jours après l'assassinat. Quinze semaines après le drame, elle a dû être hospitalisée. Ce n'est qu'un an après qu'elle a commencé à se sentir un peu mieux. Elle m'a avoué que la première année suivant le drame avait été la plus difficile, lors de la date d'anniversaire de l'enfant, à Noël et à plein d'autres occasions de la vie quotidienne qui l'ont ramenée à la perte de son enfant.
Il faut dire que ces témoignages proviennent de gens qui se sont confiés à moi dernièrement, et c'est pourquoi je les rapporte aujourd'hui.
Une autre avait quatre enfants. Son mari l'a assassinée. C'est la mère de celle-ci qui a pris la charge de ses enfants. Elle a fait un AVC et est retournée travailler. Elle a dû arrêter, sa santé lui ayant fait défaut. Elle est devenue prestataire de l'aide sociale et n'avait que de minces revenus pour faire vivre les enfants.
Par contre, certains réussissent à remonter la pente plus rapidement. Cela dépend des cas.
Une autre était médecin urgentologue. Ses deux enfants de trois et cinq ans ont été assassinés par son mari. Elle n'a rien vu venir. Nous l'avons accompagnée dans son épreuve. Elle a repris le travail, même si les pleurs des enfants qui arrivaient à l'urgence lui rappelaient la tragédie. Aujourd'hui, elle siège au conseil d'administration de notre association et est en mesure, par son courage et sa détermination, d'aider d'autres victimes. Elle demeure néanmoins très fragile, même si elle présente une image de femme solide.
Que dire, maintenant, des cas de disparition? Malheureusement, plusieurs cas de disparition ont secoué le Québec, au cours des dernières années. Pensons notamment à Cédrika Provencher, Julie Surprenant, Jolène Riendeau, David Fortin, Diane Grégoire et Marilyn Bergeron, pour ne nommer que ceux-là.
J'ai annexé à mes notes trois témoignages dont deux sont liés à des disparitions, soit celui de Caroline Lachance, la mère de David Fortin, disparu depuis 21 mois, et celui d'Andrée Béchard, la mère de Marilyn Bergeron, disparue depuis 33 mois. C'est pathétique et terriblement émouvant. Je vous invite à les lire.
Les proches affectés par une disparition ne peuvent que difficilement poursuivre leurs activités quotidiennes. Ils ont accès à du soutien, à de l'aide, mais n'ont aucun soutien financier. Des soucis financiers supplémentaires sont la dernière chose dont ils ont besoin. Ai-je besoin de vous en dire davantage? Les mesures prévues dans le projet de loi sont attendues depuis longtemps et reflètent bien les besoins des proches de personnes assassinées ou disparues.
En terminant, n'y aurait-il pas lieu, cependant, de ne pas restreindre les mesures touchant les disparitions à la disparition d'un enfant mineur? L'article 2 du projet de loi, qui modifie le Code canadien du travail par adjonction du paragraphe 206.5 notamment, de même que l'article 3 du projet de loi, qui modifie la Loi sur l'assurance-emploi, devraient parler de la disparition d'un enfant et non seulement de la disparition d'un enfant mineur.
Je vous remercie de m'avoir permis de faire cette intervention.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, je m'appelle Arlène Gaudreault et je suis présidente de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Je suis un membre fondateur de cette association où j'agis comme bénévole depuis 1982.
L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes regroupe d'autres organismes qui travaillent auprès des femmes, des enfants et des aînés. Bon an, mal an, notre association regroupe en moyenne 200 organismes. Nous sommes un organisme pionnier au Canada. Nous avons mis en place la déclaration de la victime au tribunal. Nous avons créé le premier service d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec — je l'ai coordonné — et nous avons aussi mis sur pied le premier service d'aide aux victimes et aux témoins au Palais de justice de Montréal.
M. Laroche vous a brossé un portrait des problèmes que connaissent les familles lors d'un événement criminel et lors d'un suicide. Alors, je pense qu'on peut parler de personnes qui vivent une onde de choc, un profond bouleversement, et qui vivent avec de graves séquelles. On sait maintenant que le quart des personnes qui vivent un crime violent vont développer un trouble de stress post-traumatique, que 15 à 20 p. 100 des victimes de crimes violents vont avoir des séquelles chroniques et que, dans les cas d'homicides, les personnes vont vivre souvent un deuil qui est beaucoup plus long. On estime que les gens vont avoir besoin de deux ans pour récupérer et souvent vont vivre des deuils complexes qui vont perdurer pendant des années.
Évidemment, dans le cadre de notre mission, pendant les 30 années de notre existence, nous avons rencontré souvent des personnes qui ont perdu leur emploi parce que l'employeur brisait le lien d'emploi, qui n'était pas protégé. On a rencontré souvent des victimes qui subissaient des pressions de leur employeur pour revenir rapidement au travail, pour reprendre leurs tâches. On a vu des parents privés de leur salaire s'occuper de leurs enfants pendant plusieurs mois — des enfants qui avaient été gravement blessés. Je vous dirais qu'on accompagne très régulièrement des personnes victimes qui se battent pour obtenir une indemnisation et le droit à la réadaptation. Cela fait partie des situations quotidiennes que l'on rencontre.
La question du retour au travail pour les victimes d'actes criminels, pour les familles, a été très peu étudiée. C'est une question qui est encore négligée aujourd'hui. On commence à peine à s'intéresser à la question des proches de victimes d'homicide et des familles des victimes en général.
Les modifications au Code canadien du travail qui sont proposées, comme Mme Bonsant le disait, s'inspirent largement de la Loi 58 mise en oeuvre au Québec en 2006. Il faut dire que tous les partis sans exception se sont ralliés à cette loi. Si vous relisez les comptes rendus des débats à l'Assemblée nationale, vous constaterez qu'il n'y a pas eu beaucoup de discussions. Cela a vraiment fait consensus et nous espérons que ce sera le cas aussi de tous les partis au sein du gouvernement canadien.
Du point de vue de notre association, il apparaît nécessaire d'enchâsser dans le Code canadien du travail l'obligation d'accorder un congé aux employés lorsqu'un membre de leur famille a été victime d'un acte criminel violent ou s'est suicidé. Ainsi, les demandes de congé et les conditions qui entourent leur intégration au travail ne seront plus laissées — il me semble important d'insister sur cette question — à l'arbitraire des décisions de l'employeur, à sa bonne capacité d'empathie et à sa bonne volonté.
Nous sommes aussi favorables aux modifications à la Loi sur l'assurance-emploi parce que cela assure un meilleur soutien financier à des personnes qui sont dans une situation vulnérable — je pense que tout le monde ici comprend cela — à des moments où on doit prendre soin des siens. Il s'agit donc d'une aide financière qui permet aux personnes de reprendre leur vie de la façon qui leur apparaît la plus appropriée et qui leur permet aussi... On sait qu'après un crime violent, il y a toutes sortes de démarches judiciaires en indemnisation par rapport à toutes sortes d'instances de recours. Il y a toutes sortes de dépenses imprévues.
En effet, les coûts sont très élevés pour les victimes de crime. Par exemple, Statistique Canada nous dit qu'en 2003, les coûts se chiffraient à 70 milliards de dollars, dont 67 p. 100 étaient assumés par les victimes. De ce montant, il y a eu des coûts de 18 milliards de dollars pour les crimes violents.
Cette aide nous apparaît être un volet essentiel de l'ensemble des mesures et des programmes qui sont mis en oeuvre pour les victimes d'actes criminels au Canada.
Je voudrais insister sur un élément soulevé par M. Laroche en ce qui concerne les programmes d'indemnisation. Au Québec, tout comme au sein de ce comité, on dit que les programmes d'indemnisation aident les familles, et que certains éléments sont couverts par les programmes d'indemnisation. Or, ce n'est pas exact. Dans les cas d'homicide et dans d'autres cas où les gens qui ont besoin d'indemnisations ne sont pas les victimes directes, les programmes d'indemnisation ne couvrent pas les pertes de revenu.
L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes appuie ce projet de loi parce qu'il reconnaît que les victimes ont besoin de soutien, parce qu'il témoigne de notre solidarité collective et parce qu'il envoie le message qu'on n'est pas indifférents. On appuie aussi ce projet de loi parce qu'au Canada, on a une déclaration de principes qui date de 2003. Selon le premier principe, on doit traiter les victimes avec respect, équité et compassion. Cela met en avant des droits qui font partie du Code canadien du travail et qui sont accordés par l'entremise du programme d'assurance-emploi, alors que les droits des victimes qui sont inclus dans les lois n'ont souvent aucune force exécutoire.
On aimerait soulever deux ou trois points. La notion de préjudice corporel n'est pas définie et nous apparaît restrictive. Inclut-elle seulement les préjudices physiques? Les préjudices psychologiques sont-ils couverts? On peut penser aux enfants qui sont victimes d'agressions sexuelles: ils n'ont pas de blessures physiques, mais ils subissent de graves préjudices. Cette notion devrait être clarifiée.
Je souligne qu'en matière d'indemnisation, la notion de blessure ou de lésion inclut le choc des blessures physiques, le choc mental et le choc nerveux. La suggestion qu'on voudrait faire, c'est d'examiner les lois qui s'apparentent ainsi que les décisions des tribunaux. C'est la première recommandation.
La notion de disparition et d'enlèvement comprend aussi beaucoup de zones grises.
Puis-je continuer mon allocution?
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Bonjour. On m'a demandé de venir témoigner aujourd'hui. Je ne suis pas ici pour émouvoir qui que ce soit en parlant de ce que j'ai vécu. Je vais donner des détails dont je n'ai jamais parlé malgré le fait que notre cas ait été très médiatisé.
La disparition de ma fille a provoqué beaucoup de choses. Quand on perd un enfant, on met de côté sa carrière et tout, comme vous l'auriez tous fait. Probablement, toutes les personnes qui sont assises à cette table décideraient de retourner au travail à une date inconnue. C'est un point très important, parce que le projet de loi de Mme Bonsant et de son équipe en vient à cela. J'ai eu quand même une certaine chance dans ma malchance. J'avais une assurance collective, un employeur qui a reconnu mon travail et qui m'a laissé la latitude de revenir quand j'ai été prêt à le faire.
Quand on apprend une disparition et qu'on vit un drame comme celui-là, plus rien n'existe. Vous pourriez donner votre maison, j'en suis certain, votre salaire ou ce que vous voulez, sauf le lien avec votre enfant. Malheureusement, c'est ce qui nous prend sur le coup et je crois qu'il est sain de le faire. La triste réalité des choses est qu'on doit gagner un salaire, on doit gagner sa vie. Il arrive un moment où le travail devient important. C'est important d'y retourner. On a déjà tellement de combats à livrer, de choses à gérer, qu'il est important de pouvoir revenir. J'étais directeur des réclamations pour une compagnie d'assurances et expert en sinistres. J'ai remis ma carrière en jeu parce que je suis devenu un personnage public et je dois traiter des cas qui ne sont pas nécessairement toujours amusants.
Il pourrait peut-être éventuellement y avoir de l'aide. Je suis certain que la plupart des gens ne pourraient pas refaire la même carrière après un tel événement. J'ai eu l'avantage de pouvoir revenir au travail à ma guise. J'avais un assureur collectif qui était mon employeur et qui m'a soutenu. J'ai arrêté de travailler pendant deux ans pour chercher ma fille et j'ai eu la latitude de pouvoir revenir quand je le pouvais. Plus tôt, on parlait de travailleurs autonomes. C'est aussi important. Ma conjointe, qui n'est pas la mère des enfants, était coiffeuse. Malheureusement, quand on a une clientèle, on est obligé de retourner au travail si on ne veut pas perdre tout ce qu'on a bâti pendant des années. La clientèle qu'on a fidélisée nous fait carrément vivre.
Sur le coup, on peut la mettre de côté, mais on en a besoin. C'est ce qui nous raccroche, à un certain moment. Sûrement, quand elle a dû rentrer travailler, tout le monde n'avait pas la meilleure des coupes sur la tête. Elle a dû parler longuement du dossier. On est toujours replongés dans une situation. Pas plus tard qu'hier, on est arrivés à l'hôtel. Des gens me reconnaissaient et pleuraient devant moi. C'est long et on doit vivre au fil des années. Ma fille n'a pas encore été retrouvée. Cela va me suivre pendant 10 ou 15 ans, si alors on ne l'a toujours pas retrouvée, parce que ça fera partie de notre quotidien jusqu'à ce qu'elle soit retrouvée.
Je parle en tant que personne qui a vécu un tel drame. Plus tôt, il a été question de quelqu'un qui tomberait dans l'escalier alors qu'il commettrait un crime. Je crois que les parents n'ont pas commis de crime. Ils pourraient quand même tout laisser pour aider leur enfant, parce que c'est quand même leur enfant. Il faut donc appuyer ce projet de loi, parce que c'est ce qui m'a aidé en partie à passer à travers certaines étapes. C'est aussi simple que ça.
Monsieur Laroche, vous pouvez probablement confirmer que tout le monde n'a pas pu bénéficier de l'aide que j'ai eue. Il doit y avoir des témoignages inverses.
Merci.
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Je pense que cette question sur ce qui s'est passé au Québec est très bonne. Effectivement, à l'époque, on se disait qu'il pourrait y avoir 5 000 demandes, ou 1 500 demandes au mieux.
Ainsi, pour préparer ma comparution devant le comité, j'ai essayé d'avoir de l'information. J'ai donc fait appel au cabinet du ministre du Revenu. On n'a pas de statistiques sur le nombre de victimes d'actes criminels qui se sont prévalues des dispositions de la Loi 58. Cependant, dans le tableau de l'annexe 6 du rapport de la Commission des normes du travail du Québec, on indique que sur 3 818 plaintes formulées en vertu de la Loi sur les normes du travail, il n'y en a que 16 qui l'ont été par des victimes d'actes criminels. C'est un ordre de grandeur, mais il n'y a pas de statistiques. On m'a dit qu'il n'y avait pas moyen de le savoir, parce que lorsque les plaintes entrent dans le système, on ne différencie pas les gens qui veulent un congé de maladie de ceux qui veulent un congé familial. Toutefois, je pense que ce qu'on voit sur le terrain, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de victimes qui se sont prévalues de ces dispositions.
Pour ce qui est des congés de compassion, il y a des statistiques sur le site Internet. À ce sujet, on remarque qu'il y a actuellement une grande partie des citoyens canadiens qui ne connaissent pas les congés de compassion; 40 p. 100 ne sont pas du tout au courant de leur existence, et 10 p. 100 sont peu au courant de leur existence. C'est pourtant une mesure qui existe depuis bien longtemps.
Si on me le permet, je voudrais aussi ajouter qu'on observe qu'il y a beaucoup de gens qui font partie des familles des victimes d'homicides et de leurs proches qui ne se prévalent pas des services disponibles. C'est soit qu'ils ne les connaissent pas, soit qu'ils n'en ressentent pas nécessairement le besoin sur le coup. Il est donc très difficile d'évaluer le nombre de personnes qui voudraient se prévaloir de ces mesures. On remarque que beaucoup de gens veulent retourner à leur vie habituelle, reprendre leur vie le plus rapidement possible. C'est important. L'insertion dans le monde du travail est quelque chose d'important. Il est vrai que certains ont besoin de plus de temps et sont plus vulnérables pour toutes sortes de raisons. Cependant, ce n'est pas documenté dans les recherches en victimologie.
On est dans le domaine du nouveau droit. En ce moment, vous faites du nouveau droit. Ce que vous faites, en l'occurrence le projet de loi que vous êtes en train d'examiner, est très novateur pour le Canada, si on le situe par rapport à d'autres pays.
Pour conclure, je veux vous dire que le Canada est un chef de file dans le développement d'initiatives en faveur des victimes. On va de l'avant avec un tel projet. Il est vrai qu'on n'a pas toutes les données. Or, est-ce qu'on les a toutes quand on décide de construire des prisons et que des milliards de dollars doivent être investis? Est-ce qu'on sait combien cela va coûter pour les programmes, demain matin, quand les détenus de pénitenciers fédéraux vont demander à avoir accès aux programmes?
Peut-être qu'on devrait faire preuve d'un peu de flexibilité envers les victimes d'actes criminels, qu'on a longtemps laissées pour compte.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup, madame Bonsant, d'avoir présenté ce projet de loi. Je vous remercie tous d'être venus témoigner, particulièrement M. Laroche.
Je vais poser toutes mes questions, puis je vais vous laisser répondre. De cette façon, vous pourrez profiter complètement du temps alloué.
Monsieur Laroche, j'aimerais savoir si vous avez une idée du nombre de personnes, par exemple parmi vos membres, qui souhaitent retourner sur le marché du travail.
Madame Gaudreault, savez-vous s'il y a eu des projets similaires dans d'autres pays? J'aimerais aussi que vous reveniez sur la définition du préjudice, que vous avez abordée plus tôt. J'aimerais qu'on parle de ce qui se fait au Québec, de ce qu'on pourrait établir ou mieux définir dans ce projet de loi.
D'après ce que je comprends, un bon nombre de personnes qui ne sont pas salariées vivent des situations tragiques de ce genre et ne reçoivent aucune aide financière. Ici, on parle au moins d'aider les personnes salariées par l'entremise du programme d'assurance-emploi.
Monsieur Laroche, vous avez dit plus tôt souhaiter qu'on ne se limite pas aux cas des enfants mineurs, mais qu'on englobe les cas de tous les enfants. Est-ce seulement pour les enfants disparus que vous souhaiteriez élargir le champ d'application?
Voilà mes questions.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais d'abord remercier tous nos témoins pour leur présence.
Si vous me permettez, je voudrais citer des extraits des textes que vous nous avez présentés aujourd'hui. Le premier est celui de Mme Lachance, qui écrit ceci au troisième paragraphe:
Reprendre le travail après 15 semaines est tout à fait impensable, irréaliste, mais comme les comptes continuent d'entrer à la poste, il faut avoir un revenu pour les acquitter.
Dans l'autre texte, Ghislaine Fréchette dit ceci:
Est-ce que j'ai repris mon travail? J'ai essayé, j'aurais voulu que ce soit comme avant, mais je n'ai pas l'énergie pour compléter une journée de sept heures, je ne suis pas capable de me présenter tous les jours. Il y a longtemps que les quelques journées prévues à mes conditions de travail pour cet événement de vie sont écoulées.
Dans un sens, je suis très réticent à soulever la question, car j'ai l'impression de manquer de sensibilité. Mais j'essaie de voir cela dans l'optique de l'employeur qui souhaite une certaine productivité, et là nous parlons justement d'une employée qui retourne au travail trop rapidement — par exemple, après avoir touché des prestations d'assurance-emploi pendant 15 semaines pour un congé de maladie, alors que quand l'employée retourne au travail, elle n'est pas en mesure de faire une journée complète de 7,5 heures ou une semaine complète de travail. À mon avis… et si nous posions la question aux employeurs, ils nous diraient que la productivité de tels employés est inférieure. Donc, il ne semble pas approprié de forcer un employé à retourner au travail alors que cet employé ne sera pas vraiment productif. Et M. Provencher nous a clairement expliqué tout à l'heure, par rapport à sa propre situation, que son employeur s'en était rendu compte, mais que lui avait l'avantage d'avoir un bon employeur. Cela ne veut pas dire que tous les autres sont mauvais; en général, ils appliquent le règlement, quel qu'il soit. C'est pour cela que je trouve important de reconnaître la nature du système actuel. J'invite tout le monde à y réfléchir.
J'ai une autre façon de voir les choses, notamment pour ce qui est du coût. Encore une fois, j'hésite à insister sur l'aspect financier de la chose, mais pour moi, c'est une façon de faire comprendre aux gens les raisons pour lesquelles il faut faire les choses d'une certaine manière. J'ai ma propre façon d'aborder ces questions, et j'ai toujours cru qu'il faut tenir compte de ce que j'appellerais « le coût global ». Je veux dire par là qu'il faut tenir compte du coût global pour la société et pour le Trésor public. Et en ce qui concerne le Trésor, si nous acceptons d'accorder à quelqu'un un congé prolongé, comme il en est question ici et comme le prévoit le projet de loi de Mme Bonsant, avec une forme de rémunération qui permet aux intéressés de contourner leurs difficultés financières, allons-nous en fin de compte réduire le coût global? Allons-nous finir par réduire le coût des prestations sociales — ce qu'on appelle l'assistance sociale en Ontario, ou des services et soins de santé qui pourraient être requis pour des problèmes de dépendance et d'itinérance, étant donné que ces personnes n'auraient pas eu les moyens de garder leur maison, qu'elles finiraient par la perdre et que leur productivité serait complètement perdue?
Je me rends bien compte, madame Gaudreault, que c'est une étude qui mérite d'être menée, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Je vous serais donc très reconnaissant de me signaler les différents éléments qui correspondent au coût. Je suis tout à fait sincère quand je vous dis que je serais ravi de profiter de l'information que vous pourriez posséder à ce sujet. Il reste qu'une étude s'impose, à mon avis, mais je vous invite à réagir. Vous êtes tous invités à me faire part de vos observations à cet égard, si vous le désirez.
J'ai une dernière remarque à faire. Pour des raisons personnelles, je vous suis reconnaissant d'avoir soulevé la question de la santé mentale. C'est quelque chose qui me tient à coeur et à l'ensemble de ma famille. Donc, je vous félicite et je vous adresse les remerciements de ma famille pour avoir soulevé cet aspect du problème, dont il faut absolument tenir compte. C'est extrêmement important pour ceux d'entre nous dont un être cher est atteint de troubles mentaux. Par conséquent, il convient de reconnaître que les maladies mentales existent et qu'elles peuvent avoir un impact sur, non seulement la famille immédiate, mais toute la famille élargie. Donc, je vous félicite et je vous remercie d'en avoir parlé.
J'invite maintenant ceux et celles qui désirent réagir à le faire maintenant, si vous le souhaitez…
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J'espère que mon intervention au sujet des coûts a été bien comprise. Il est difficile d'évaluer les coûts actuellement. Il nous manque des données, par exemple en ce qui touche les disparitions. Les coûts relatifs aux disparitions nous semblent très élevés. Ce que je veux dire, c'est que lorsque cette loi sera mise en vigueur, il serait intéressant de faire un suivi auprès des personnes qui se prévalent des dispositions de la loi, de déterminer la durée des congés et de dresser le profil de ces personnes pour qu'on ait des données à cet sujet. Actuellement, en ce qui concerne l'état des connaissances en victimologie, on n'a pas toutes ces données, les États-Unis et le reste du Canada non plus.
Une autre chose qui est importante est l'équité entre toutes les victimes. Toutes les victimes au Canada, qu'elles habitent au Québec, au Yukon ou n'importe où, devraient être traitées de façon équitable. La question d'avoir droit à ce type de congé devrait être discutée. Je sais qu'il y a des champs de compétence fédérale et provinciale. Ici, on parle d'une clientèle d'employés qui relève de la compétence du fédéral.
Quand on envisage la question du droit des victimes et qu'on considère notre déclaration canadienne des droits des victimes, on devrait avoir le souci, comme Canadiens, de faire en sorte que toutes les victimes au Canada soient traitées de façon équitable. Il faut que ces dispositions soient mises en application partout au Canada et qu'à ce moment, ça soit discuté par des instances comme le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les victimes d’actes criminels, que ce soit soumis à l'ombudsman fédéral pour les victimes, qui a quand même un rôle à jouer en ce qui a trait aux enjeux systémiques — ce qui est important, il faut le rappeler. Il y a aussi un comité consultatif au ministère de la Justice. Il faudrait que ça change pour les victimes et qu'on ait ce souci d'équité pour toutes les personnes et pour les personnes qui sont particulièrement vulnérables.
Je voudrais émettre un commentaire par rapport à ce qui a été dit plus tôt, relativement à ce qui est probable. Ce genre de loi ne relève pas du droit criminel, mais du droit du travail et du droit qui s'apparente aussi au Programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Dans ces droits, il est toujours question de la prépondérance de preuves et non de la preuve hors de tout doute raisonnable.
J'aimerais aussi préciser que lorsqu'une personne a été négligente ou a participé à la faute, ou à ce qu'on appelle au Québec la « faute lourde », elle ne profitera pas des avantages prévus par la loi. Je ne vois pas, dans ce cas, pourquoi les citoyens canadiens devraient s'opposer à la loi ou que votre parti, le Parti conservateur, devrait s'opposer à la loi en s'appuyant sur cet argument. En même temps — et c'est aussi une discussion qu'on a souvent eue au sein de notre association —, en ce qui concerne les questions de faute lourde, on a un malaise.
On distingue souvent les victimes innocentes des victimes non innocentes. C'est une distinction qui rejette dans la non-compassion des parents qui n'ont rien à voir avec l'acte criminel de leurs enfants. Il peut arriver qu'une fille ou un garçon fasse partie d'un gang de rue et fasse des choses épouvantables sans que les parents l'aient voulu. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas être compatissant à leur endroit si leur enfant est blessé à la suite de pareils événements.
En même temps, ce n'est pas simple. Mon intervention ne vise pas à demander que la loi soit amendée en ce sens, mais à dire qu'en tant que Canadiens, on devrait y réfléchir. On devrait tenir une réflexion à ce sujet, peut-être ultérieurement, et éviter de cibler, de mettre dans des camps les victimes innocentes et celles qui ne le sont pas. Parfois, les victimes qui ne sont pas innocentes sont des personnes qu'on n'a pas aidées ou pour lesquelles on n'était pas là à temps. Il faut donc faire très attention à ça.
Ce sont les deux remarques que je voulais faire à la suite de questions qui ont émergé tout à l'heure.
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Si M. Lessard avait bien voulu faire preuve de patience… J'ai dit dès le départ, et je me permets de le répéter, que je suis perplexe par rapport à l'intention et à la structure de ce projet de loi. À mon avis, c'est un élément tout à fait pertinent en ce qui concerne mes observations sur le projet de loi. J'aimerais simplement que M. Lessard attende que j'ai présenté mes arguments et posé ma question pour intervenir.
Je suis perplexe, en ce sens que votre bilan jusqu'ici… Et cela m'inquiète parce que cela m'amène à vous signaler un défaut grave, par rapport aux projets de loi déposés précédemment.
Je crois que Mme Bonsant est bien intentionnée, et j'estime que ce projet de loi compte un certain nombre d'éléments positifs.
Mais je dois vous dire, en toute sincérité — et d'autres membres et d'autres témoins l'ont fait avant moi — que la partie du projet de loi que j'ai mentionnée tout à l'heure, où il est question de la présence de l'employé auprès de son enfant mineur âgé de moins de 18 ans qui a subi, lors de la perpétration d'une infraction criminelle ou comme conséquence directe de celle-ci, un préjudice corporel grave le rendant incapable d'exercer ses activités régulières… On me dit qu'il pourrait s'agir d'un enfant qui s'est fait mal au moment de perpétrer une infraction criminelle. En d'autres termes, l'enfant serait l'auteur du crime, et ce projet de loi permettrait aux parents de cet enfant de prendre congé et de toucher des prestations d'assurance-emploi, etc. Je trouve cela inquiétant.
J'ai d'autres observations à faire, d'ailleurs. À mon avis, il s'agit là d'un défaut grave. Je comprends très bien ce que vont dire les parents, mais je vais écarter d'office leurs arguments en disant que je suis moi-même parent. J'ai quatre enfants et huit petits-enfants. Je comprends tout cela. Je n'ai pas besoin de recevoir des leçons à ce sujet parce que je comprends très bien de quoi il s'agit.
J'ai appris à mes enfants, même s'ils ne sont pas toujours d'accord avec moi, que nos actes peuvent avoir des conséquences. Je présume que vous, en tant que parents et grands-parents, avez dû faire la même chose. Si mon enfant avait commis un crime, je ne voudrais certainement pas encourager ou faciliter ce genre de comportement. Je voudrais au contraire éviter de le faire.
Je veux être là pour les aider, je veux les accompagner, mais favoriser une telle chose va trop loin. Si je vous dis que je veux être là pour leur préparer à manger ou faire leur lessive et ce genre de choses, on peut dire que c'est un comportement habilitant. Par contre, je souhaite que mon enfant exprime son regret, son repentir, je veux qu'il change son comportement… Je suppose qu'on pourrait dire que mon appui est en quelque sorte conditionnel. Pour moi, nos actes ont nécessairement des conséquences, et j'espère que la personne qui a conçu ce projet de loi est du même avis.
Je voudrais néanmoins demander à Michel, à Arlène et à Martin s'ils estiment que ce libellé pose problème.
Êtes-vous d'accord pour que les parents d'un enfant qui a commis un acte criminel puisse profiter de dispositions législatives de ce genre?
Il faut que je pose la question à nos témoins parce que je compte poser la même question à mes électeurs. Je ne crois pas que mes électeurs seraient favorables à une telle mesure, mais il me faudra sans doute leur poser la question également.
Je vous invite donc à me dire si vous estimez que le libellé actuel du projet de loi pose problème. Ou, au contraire, acceptez-vous complètement l'idée selon laquelle un enfant qui commet un crime serait également couvert, au même titre que la victime d'un acte criminel, à qui, me semblait-il, ce projet de loi était destiné?
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Je voudrais poursuivre notre dialogue, si vous me permettez, en vue d'en arriver à un projet de loi approprié, si telle est votre intention, et j'espère que c'est le cas. Donc, si vous consultez l'article que vous avez cité, soit le projet de paragraphe 206.8(2) — et les autres membres autour de la table voudront peut-être le lire également — l'exclusion tout à fait critique que je vous ai signalée et dont vous m'avez fait part, en vous appuyant peut-être sur ce qu'un autre avait déduit, concerne un enfant mineur âgé de 16 ou de 17 ans. Si vous examinez le paragraphe que vous n'avez cité, eh bien, le libellé que vous proposez est le suivant:
s'il s'agit de l'époux, du conjoint de fait ou d'un enfant majeur
Donc, je maintiens ce que je vous disais tout à l'heure, à savoir que vous n'avez pas exclu les enfants mineurs, âgés de 16 ou de 17 ans, ou peu importe, s'ils ont moins que l'âge de la majorité.
Donc, je maintiens — et j'insiste là-dessus — que vous ne m'avez rien dit de nouveau en citant le paragraphe, puisque le problème de l'enfant mineur reste entier. Quand les enfants se détournent du droit chemin et font des choses qu'ils ne devraient pas faire, je compatis, mais dans le contexte de votre projet de loi, cela pose problème, et le paragraphe que vous n'avez cité ne le règle pas.
Je voudrais donc poser la question à nos collègues, car je n'ai pas obtenu leur réponse précédemment; qu'en pensez-vous?
Martin, Arlène et Michel, je vous pose la question, car nous avons déjà entendu le point de vue de France à ce sujet. Que pensez-vous de cet aspect du projet de loi, que je qualifierais de troublant ou préoccupant? Préféreriez-vous que l'exclusion de ce paragraphe soit plus générale, ou êtes-vous favorables à la formulation mentionnée précédemment?
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Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je veux vous remercier très sincèrement d'être présents aujourd'hui. C'est l'une des séances du comité qui a le plus de valeur à mes yeux. Il s'agit de l'essence même de l'humain. Ça nous amène à réfléchir à ce que l'on veut, comme société.
Dans notre société, il y a des adultes et des enfants. Jusqu'à quel âge ceux-ci sont-ils considérés comme des enfants? Je vais vous donner un exemple. En vertu de certains droits internationaux, on ne doit pas stigmatiser un enfant qui a été enrôlé de force dans l'armée ou dans les combats. On a l'exemple du jeune Khadr qui, à 13 ans, a été entraîné de force et qui, à 15 ans, a été arrêté. Ce gouvernement a toléré non seulement que ce jeune soit emprisonné, mais également qu'il soit torturé. Il faut aussi parler de ça. En sommes-nous au point de légiférer sans faire de distinction, quand il s'agit d'enfants victimes de situations semblables? C'est de ça qu'il est question, ici. C'est un choix de société, une question de valeurs. C'est dans cette perspective que je demande à mon collègue M. Vellacott de réfléchir. C'est une dérive.
Sinon, on remet en question l'âge auquel on est encore enfant. Est-ce à cinq ans ou à six ans? Est-ce jusqu'à 16 ans, comme le reconnaissent les lois actuelles? Il semble que l'on n'ait plus à respecter ces lois et que l'âge puisse être fixé à 13 ans ou à 15 ans. C'est aussi ce dont il est question ici.
Plus tôt, M. Vellacott a mentionné des projets de loi, dont certains que nous avons appuyés. Ils pénalisent la personne qui a posé le geste criminel, mais ils ne contiennent rien, ou pratiquement rien, qui porte sur la victime. Depuis que je suis député, c'est la première fois que nous avons devant nous un projet de loi qui vise à venir en aide aux familles des victimes. Pourquoi ne l'accueille-t-on pas de cette façon?
Je demande à tous les parlementaires de se rappeler le projet de loi que les libéraux on proposé en 2005 et qui traitait des victimes du syndrome de stress post-traumatique ou de blessures de guerre. Qu'a-t-on fait, dans ce cas? On a élaboré un projet de loi, on l'a traité en priorité et rapidement, puis on l'a adopté. On s'est entendu pour dire, lors de l'ajournement de la session, qu'il n'était pas parfait. On le voit aujourd'hui, d'ailleurs. Les partis sont en train de s'entendre pour faire en sorte qu'il ne s'agisse pas d'une somme offerte en un seul versement, mais d'un montent échelonné. C'est l'expérience qui nous a permis de faire cela.
J'apprécie beaucoup le fait que des personnes ayant vécu cette expérience comparaissent aujourd'hui. L'une d'entre elles a subi un drame terrible, soit la disparition de son enfant. Deux autres personnes ont une expertise extraordinaire dans le domaine juridique. C'est exceptionnel. Dans deux semaines, nous allons recevoir M. Bolduc dont l'enfant a été victime d'un acte criminel.
Il y a deux questions importantes. Considère-t-on un enfant comme un enfant, avec les protections que ça implique? C'est un choix de société. L'autre question, qui est aussi un choix de société — et à cet égard, je vous remercie, madame Gaudreault —, consiste à se demander si on doit faire appel à du droit nouveau. Le Canada a souvent servi d'exemple en ce sens. Il ne s'agit pas de se demander si on a cette audace ou ce courage, mais si on a ce devoir.
J'aimerais réagir à ce qui vient de se dire, puisque je n'ai pas pu répondre tout à l'heure. Je ne suis pas ici non plus en raison d'une allégeance à un parti politique. Peu importe qui présente ce projet de loi, que ce soit le Parti conservateur, le NPD ou n'importe quel autre parti, je suis ici parce que j'ai vécu quelque chose, et que ce projet de loi est essentiel pour bien des parents. C'est même un principe. Je comprends l'inquiétude, je la comprends.
J'ai dit publiquement quelque chose plusieurs fois: celui qui a enlevé mon enfant, est-ce qu'on va automatiquement cataloguer ses parents, son frère, sa soeur? J'aimerais simplement donner mon opinion à ce sujet. Prenons le cas de quelqu'un qui commet un crime comme celui-là. Peut-être qu'un mineur a commis un crime, mais le parent reste toujours un parent, et il y a des choses dans la société qui passeraient et qui passent déjà beaucoup moins bien que ça. Je crois que tout le monde est ici pour adopter des lois et pour discuter. C'est donc mon point de vue.
Quand une personne sera arrêtée, dans le dossier de ma fille ou dans d'autres, je ne crois pas qu'on va dire aux parents qu'ils sont responsables. Ce n'est ni le père ni la mère qui sont responsables. Ils vont vivre eux-mêmes un drame qu'ils n'ont pas à subir. C'est mon opinion. Aider les parents dont l'enfant a commis un crime, peut-être... Comment peut-on modifier la loi si telle est la raison?
Il ne faut pas oublier le fondement même de ce projet de loi qui est excessivement important pour les victimes. Apportez-y les modifications que vous voulez, entendez-vous. Je représente probablement beaucoup d'autres parents, involontairement, et c'est ce que je crois. C'est important. On demande souvent à une autre personne de s'imaginer dans la même situation que soi-même. Or, si demain vous viviez une situation comme bien des parents en ont vécu, probablement que vous vous retrouveriez assis ici pour en parler comme nous en parlons. En tant que citoyens, c'est ce qu'on vous demande.