Bienvenue à la 46e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je mentionne pour le compte rendu que nous sommes aujourd'hui le lundi 7 février 2011.
J'aimerais aussi préciser que la séance d'aujourd'hui est télévisée.
Vous avez reçu l'ordre du jour. Nous continuons notre étude du
Pour nous aider dans notre étude, nous accueillons plusieurs témoins. Tout d'abord, nous avons Lianna McDonald, représentante du Centre canadien de protection de l'enfance. Nous sommes heureux de vous revoir. Nous accueillons aussi Signy Arnason. Bienvenue.
Nous accueillons également Karyn Kennedy et Pearl Rimer, les représentantes de BOOST Child Abuse Prevention and Intervention. Bienvenue à toutes les deux.
Nous recevons Michael Spratt et Leonardo Russomanno, qui représentent la Criminal Lawyers' Association.
Nous avons aussi Andrew McWhinnie, à titre personnel.
Je pense que vous savez comment les choses fonctionnent. Vous avez 10 minutes chacun pour faire vos exposés. Chaque organisme doit partager ce temps entre ses représentants. Ensuite, nous passerons aux questions.
Nous allons commencer par M. McWhinnie. Vous avez 10 minutes.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Andrew McWhinnie. Je suis titulaire d'une maîtrise en psychologie avec spécialisation en psychologie du comportement criminel. Les hommes qui ont eu des démêlés avec la justice en raison de leur comportement sexuel constituent environ le tiers de ma pratique privée. Je travaille aussi avec des hommes et des femmes qui ont été victimes d'agressions sexuelles. De plus, je consulte, sur les plans national et international, des organismes de correction au sujet des stratégies de réintégration des personnes accusées d'agression sexuelle ou d'autres crimes d'ordre sexuel. On appelle ces organismes des cercles de soutien et de responsabilité. J'aimerais ajouter que je suis heureux d'avoir la chance de vous parler aujourd'hui.
Il y a trois choses dont j'aimerais parler. Tout d'abord, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-54, bien qu'il semble bon dans son ensemble, pose un problème particulier. En effet, il vise à protéger les enfants en tentant d'instaurer des peines minimales obligatoires appliquées aux cas d'agressions sexuelles perpétrées contre des enfants ou en les rendant plus sévères; cependant, cela pourrait entraîner l'effet contraire, c'est-à-dire diminuer la sécurité des enfants. En même temps, notre meilleur moyen de défense contre ces conséquences involontaires, et je parle de la justice, sera paralysé par ce projet de loi. Nous pouvons et nous devons mieux protéger nos enfants.
La majorité des agressions sexuelles perpétrées contre des enfants, c'est-à-dire plus de 80 p. 100, le sont par un membre de la famille de l'enfant ou par une personne de son entourage. Nous devons aussi garder à l'esprit que la majorité de ces agresseurs retourneront dans leur collectivité. Rendre la peine minimale obligatoire plus sévère pourrait en fait aggraver la situation des enfants potentiellement victimes et de leur famille, les victimes dont on n'entend pas parler, car bon nombre de familles, y compris les enfants, sont à la charge du contrevenant. Même si certaines personnes trouvent l'idée indigeste, permettre au contrevenant de continuer à vivre dans sa collectivité signifie souvent qu'il pourra subvenir aux besoins de sa famille pendant qu'il reçoit ses traitements. Nous ne pouvons et ne devrions pas passer outre cette réalité ou en diminuer l'importance.
Le projet de loi suggère pratiquement une peine d'emprisonnement de cinq ans s'appliquant automatiquement au délinquant incestueux, même si la plupart des auteurs de ces crimes sont traduits en justice plusieurs années après les évènements. Les délinquants incestueux ont le plus bas taux de récidive, et pourtant la peine la plus sévère suggérée par le projet de loi C-54 leur est réservée. Cela n'a aucun sens et ne correspond pas à ce que veulent les familles canadiennes.
D'autres soutiennent qu'une peine d'emprisonnement automatique diminue les chances que le délinquant reçoive ses traitements dans la collectivité. Les délinquants ne sont pas traités en prison lorsqu'ils purgent une peine de 30 à 90 jours. Toutefois, si le délinquant pouvait demeurer dans sa collectivité, les traitements pourraient alors commencer au cours de cette même période. Ce n'est pas à négliger, puisque nous savons que les délinquants qui ont été traités récidivent moins que ceux qui ne l'ont pas été. Fait encore plus important, l'une des plus grandes différences entre les agresseurs d'enfants et les délinquants commettant des infractions autres que sexuelles repose sur leur passé de victimes d'agressions sexuelles. Nous devrions en tenir compte.
Même après avoir purgé une peine minimale obligatoire, les délinquants retourneront dans leur collectivité — ou dans une collectivité où on ne connaît pas leur passé — et dans leur famille, mais ils n'auront reçu aucun traitement, ils seront sans emploi, sans soutien et méprisés. Comment cette situation aide-t-elle le projet de loi à parvenir à l'un de ses buts principaux, c'est-à-dire empêcher les crimes sexuels perpétrés contre les enfants?
Dans sa forme actuelle, le projet de loi pourrait très bien avoir justement l'effet contraire. Évidemment, tous les délinquants ne sont pas membres de familles intactes, ils n'ont pas tous un emploi, ils n'habitent pas tous dans des collectivités où ils auraient la possibilité de recevoir des traitements, et ils n'ont pas tous été victimes de terribles agressions sexuelles. Il est vrai, aussi, que certaines familles préféreraient qu'ils soient retirés de la collectivité. Mais le projet de loi ne fait pas la différence. Il a plutôt pour effet de paralyser la partie de notre système judiciaire qui est la mieux placée pour évaluer ces circonstances variées. En effet, les juges ne seront pas en mesure d'évaluer les besoins de ce groupe de délinquants complexe et diversifié pour prononcer des peines qui répondent à leurs besoins et qui auraient pour effet de protéger les enfants canadiens.
D'autres pays, notamment les États-Unis, se sont penchés sur le problème avant nous. Nous devons analyser attentivement leur expérience. Certains pays membres de l'Union européenne, par exemple la Lettonie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Belgique, ainsi que certains États des États-Unis, examinent présentement leurs lois dans le but de diminuer les peines d'emprisonnement qui s'appliquent à certains types de délinquants. Je témoignerai bientôt devant la Cour suprême de la Californie, qui est intéressée à chercher d'autres options que l'emprisonnement pour certains des prédateurs sexuels violents de cet État qui sont actuellement assujettis à ses lois sur l'emprisonnement. Ces pays se sont rendu compte, à leurs dépens, que des lois plus sévères visant à augmenter le taux d'emprisonnement représentent une solution trop coûteuse qui entraîne de graves répercussions sur leurs économies fiscale et sociale.
Certaines personnes aiment penser que les victimes souhaitent qu'on punisse sévèrement les délinquants en les condamnant à des peines d'emprisonnement plus longues, mais ce n'est pas toujours le cas. Bon nombre d'entre elles veulent seulement trois choses: faire cesser les agressions et empêcher que d'autres enfants en soient victimes, fournir l'aide et le soutien nécessaires au délinquant afin de l'empêcher de récidiver, et connaître les raisons qui ont poussé le délinquant à les choisir comme victimes. En d'autres mots, elles veulent avoir accès au counselling et au soutien appropriés.
Enfin, je veux insister sur le fait que sur les plans national et international, les pratiques exemplaires reconnaissent que la prévention du crime à l'aide de traitements, surtout pour les jeunes à risque, et le soutien aux victimes, surtout pour celles qui pourraient devenir des agresseurs, constituent des pratiques qui font vraiment une différence dans les sociétés qui se donnent pour mission de protéger leurs membres les plus vulnérables.
Il existe une pratique offrant le soutien et les encouragements nécessaires pour vivre de façon responsable et sécuritaire parmi les délinquants adultes; il s'agit des cercles de soutien et de responsabilité. Ces cercles sont en fait une innovation canadienne et ont été créés par les membres d'une Église mennonite dans le Sud de l'Ontario. Ils sont formés de quatre à sept citoyens bénévoles qui accompagnent, soutiennent et responsabilisent un délinquant sexuel à la suite de sa libération. Les bénévoles sont triés sur le volet et reçoivent une formation appropriée.
Lors d'une étude sur l'efficacité de ces cercles, on a découvert que leurs participants avaient 83 p. 100 moins de chances de récidiver, 73 p. 100 moins de récidives violentes et 72 p. 100 moins de récidives de n'importe quel type, comparativement à un groupe d'individus qui n'avaient pas participé à ces cercles. De plus, si on examinait le nombre total de nouvelles accusations portées contre les membres des deux groupes, au lieu de seulement prendre en compte les cas de récidive, on se rendait compte que les membres du groupe témoin avaient écopé de 76 p. 100 de plus de mises en accusation que les participants aux cercles de soutien et de responsabilité.
J'ai remis un rapport contenant ces données à la greffière. Vous pourrez le consulter après sa traduction.
Les cercles de soutien et de responsabilité sont parrainés en partie par le service d'aumônerie du Service correctionnel du Canada et par d'autres organismes à vocation religieuse ou non de la collectivité. Pour l'instant, plus de 350 bénévoles de partout au pays travaillent avec 160 délinquants.
Le budget annuel pour les cercles de soutien et de responsabilité au Canada est de 2,5 millions de dollars, ce qui représente une fraction des coûts que le projet de loi et d'autres mesures sévères contre le crime engendreront. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Lettonie et plusieurs États des États-Unis ont emboîté le pas au Canada en élaborant des cercles de soutien et de responsabilité sur leurs territoires.
Même si le projet de loi est potentiellement bon et pourrait parvenir à réaliser sa promesse de protéger les enfants, il présente aussi plusieurs défauts graves, surtout du côté des peines obligatoires générales qui ne protégeront en rien les enfants. En fait, elles pourraient représenter un danger encore plus grand pour eux.
D'autres pays tentent de trouver des solutions de remplacement à l'augmentation des taux d'emprisonnement. On ferait beaucoup mieux d'investir les ressources que nécessitera l'instauration des mesures minimales obligatoires proposées par le projet de loi C-54 dans de meilleurs traitements pour les délinquants sexuels et dans le financement d'autres solutions, tels les cercles de soutien et de responsabilité.
Ces deux solutions, c'est-à-dire les cercles de soutien et de responsabilité et les traitements, se sont révélées très efficaces pour diminuer le taux de récidive dans les crimes commis contre les enfants, ce qui rend notre société et les autres nations beaucoup plus sécuritaires.
Merci, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de vous parler de ce sujet très important. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président et bonjour aux membres du comité.
Je m'appelle Michael Spratt. Je suis avocat de la défense en droit pénal. Je travaille à Ottawa, dans le cabinet Webber Schroeder Goldstein Abergel. Je pratique exclusivement dans le domaine du droit pénal. À ma gauche, M. Russomanno, qui exerce dans le même cabinet, lui aussi exclusivement en droit pénal. Nous sommes tous deux membres de la Criminal Lawyers' Association. Je siège au conseil de l'organisation, dont est membre M. Russomanno.
La Criminal Lawyers' Association a été fondée en 1971 et regroupe plus de un millier d'avocats en droit pénal. Nous sommes régulièrement consultés par les gouvernements et des comités comme le vôtre au sujet des projets de loi qui touchent le droit pénal. L'association appuie les projets de loi qui sont justes, constitutionnels, et étayées par des preuves. Elle est en faveur d'une protection des membres vulnérables de notre société, en l'occurrence les enfants.
L'association reste opposée à l'utilisation des peines minimales obligatoires, qui ne sont pas justes et n'atteignent pas les objectifs voulus par le projet de loi. Le projet de loi est un autre exemple de la préférence que le gouvernement accorde aux peines minimales obligatoires et ce, en dépit des preuves que celles-ci ne fonctionnent pas. Elles ne permettent pas d'atteindre les objectifs souhaités. Le titre abrégé du projet de loi étant la « protection des enfants contre les prédateurs sexuels », je suppose qu'il a pour but de protéger les enfants. Malheureusement, tel qu'il est construit et en grande partie en raison de l'utilisation des peines minimales obligatoires, ce projet de loi n'atteindra pas son objectif.
Les peines minimales obligatoires présentent beaucoup de problèmes. Premièrement, elles retirent aux juges leur pouvoir discrétionnaire. Elles sont une dérogation à l'un des fondements historiques de notre système de justice — le pouvoir d'un juge de première instance d'imposer une peine juste et appropriée. Les juges sont les mieux placés pour déterminer les peines appropriées. Ils entendent les faits et les circonstances de l'infraction. Ils prennent connaissance de faits détaillés sur le délinquant: sa situation personnelle, le traitement qu'il a souhaité suivre et, dans bien des cas, les rapports de professionnels de la santé sur le risque de récidive. Ils entendent également les déclarations des victimes. Grâce à ces informations, ils sont les mieux placés pour fixer une peine équitable pour le délinquant et proportionnelle à l'infraction, et pour aboutir à une décision qui reflète les principes de la détermination de la peine.
Les peines minimales obligatoires limitent ce pouvoir discrétionnaire des juges. En fait, elles aboutissent à un aspect encore plus insidieux en transférant ce pouvoir discrétionnaire à la police et aux procureurs, qui décident des modes d'accusation. Est-ce une infraction punissable par voie de déclaration sommaire ou par voie de mise en accusation? La couronne a le pouvoir discrétionnaire d'entendre des plaidoyers pour une infraction moindre qui n'entraîne pas de peine minimale obligatoire.
Le retrait du pouvoir discrétionnaire des juges masque le processus décisionnel. Les juges doivent fournir des raisons suffisantes de leurs décisions, qui peuvent être revues par les tribunaux d'appel, contrairement à celles de la police et des procureurs. Le pouvoir de ces derniers n'est pas susceptible de révision et n'est pas rendu public. En bref, le retrait du pouvoir discrétionnaire ébranlera la confiance dans le système judiciaire.
Les peines minimales obligatoires entraînent deux conséquences négatives en même temps. Elles poussent quelqu'un qui n'est peut-être pas coupable à plaider coupable afin d'éviter une peine minimale obligatoire si le procureur propose d'ignorer les accusations. En même temps, elles incitent à porter les affaires en justice, à utiliser les tribunaux pour plaider une affaire. Cela arrive souvent. En raison du caractère extrême des peines minimales obligatoires, il n'y a ni risque, ni avantage à porter une affaire devant les tribunaux.
Nous sommes tous conscients du fait que les ressources ne sont pas infinies. Ce que je viens de mentionner ne tient même pas compte de l'augmentation de la population carcérale. Les peines minimales obligatoires concernent de façon disproportionnée les minorités, en particulier les groupes autochtones. Dans sa décision historique rendue dans l'affaire Gladue, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'en raison de leur expérience unique et des désavantages historiques qu'ils ont subis, les peines imposées aux peuples autochtones sont différentes et supposent de prendre en compte d'autres considérations.
Il se pourrait d'ailleurs que les peines minimales obligatoires soient contraires à la Constitution, notamment dans les cas où les considérations que dicte la Cour suprême ne peuvent être prises en compte parce que la peine minimale obligatoire impose un résultat — résultat parfois inapproprié.
Enfin, les peines minimales obligatoires ne contribuent guère à promouvoir les principes de détermination de la peine. M. Russomanno — si je lui laisse un peu de temps — vous dira pourquoi les peines minimales obligatoires ne présentent pas d'avantages au plan de la dissuasion et pourquoi elles ne découragent pas les gens de commettre des crimes.
En dehors de cela, comme vous le savez déjà, les peines minimales obligatoires peuvent interférer avec la réadaptation, qui constitue un principe fondamental de la détermination des peines. Elles l'ignorent ou la dévalorisent et placent parfois le délinquant dans une situation pire. Comme vous le dira M. Russomanno, les peines minimales obligatoires n'ont pas de caractère dissuasif.
Par contre, elles sont bonnes pour dénoncer les comportements et à titre de châtiment. Malheureusement, ces deux principes ne conduisent pas à la sécurité. Ils ne diminuent pas le risque de première infraction ou de récidive, et aboutissent souvent à l'utilisation excessive de ressources rares et peuvent entraîner des peines inappropriées.
Je cède la parole à M. Russomanno pour le temps restant.
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je ferai d'abord quelques remarques préliminaires.
Comme Me Spratt, j'exerce dans un cabinet et pratique exclusivement le droit pénal à Ottawa et dans les collectivités avoisinantes. En fait, mes observations sont celles de quelqu'un qui a une grande confiance dans notre système de justice. J'ai tout à fait confiance dans nos juges et dans la capacité de nos tribunaux de tous niveaux —- qu'il s'agisse des tribunaux provinciaux, des cours supérieures, des tribunaux d'appel ou de la Cour suprême — de déterminer efficacement les peines, notamment en se fondant sur les principes que le Parlement a adoptés en vertu de l'article 718 du code.
C'est d'ailleurs un bon point de départ pour une discussion sur les peines, car l'article 718 du code traite des différents principes sur lesquels on se penche pour les déterminer. La dissuasion en est un, ainsi que le châtiment, la neutralisation et la réhabilitation. En fonction d'une série de circonstances ou d'infractions données, il revient à nos tribunaux de déterminer quels principes sont primordiaux.
Je tiens à recommander aux membres la lecture d'un entretien de la juge en chef Beverley McLachlin, que je pourrais mettre à disposition de tous ceux que cela intéresse. Il s'agissait d'un entretien accordé au magazine Maclean's en novembre dernier. Vous comprendrez certainement que madame la juge McLachlin n'avait pas toute liberté d'exprimer ses sentiments lorsque le journaliste lui a demandé sans ambages si elle était d'accord avec l'opinion selon laquelle les tribunaux dorlotent les criminels.
La raison pour laquelle je fais allusion à cet entretien en général et à sa réponse en particulier est que, à mon humble avis, outre d'enlever le pouvoir discrétionnaire des juges, les peines minimales obligatoires donnent le message que nous ne pouvons pas faire confiance à notre système de justice. Nous ne pouvons pas faire confiance aux juges pour déterminer des peines appropriées. C'est très important, car à mon humble avis, cela envoie un message erroné.
J'inviterais donc le comité à se pencher sur la question de savoir s'il y a là un problème à corriger. Y a-t-il, selon ce sentiment, des délinquants qui profitent du cercle vicieux du système judiciaire? Les juges qui déterminent les peines les dorlotent-ils? À mon humble avis, non.
J'attire l'attention des membres sur ce que dit la juge McLachlin dans cet entretien, à savoir que dans l'ensemble: « Vous devez comprendre qu'en vertu du Code criminel, les juges ont à prendre en compte non seulement le châtiment, mais aussi la réadaptation. C'est ce qu'on leur enjoint de faire. »
Elle fait ici allusion à l'article 718 du code. Les juges ont à examiner un certain nombre de facteurs dans la détermination de la peine. Et aux yeux de ceux qui pensent que les juges sont trop mous, la conduite sanctionnée mérite tout simplement un plus grand châtiment.
Voilà la question centrale. À mon humble avis, lorsqu'on prend les cas dont la Cour d'appel a été saisie, nous avons déjà toute une gamme de peines qui ont été examinées par la cour d'appel et par la Cour suprême du Canada. Pour ces types d'infractions — et je peux certainement inviter les membres à s'y reporter —, la dissuasion et la dénonciation sont déjà considérées comme des principes primordiaux, et ce, pour des raisons évidentes dont on est tous conscients, à savoir que tout le monde se soucie des victimes vulnérables. Tels sont les principes primordiaux: la dissuasion et la dénonciation.
Nos cours d'appel ne cessent de réaffirmer ces principes en disant que la prison est la norme pour ces délinquants. Lorsque vous êtes reconnu coupable d'avoir commis ces infractions, l'emprisonnement est la peine appropriée.
Je sais que dans quelques-uns des précédents débats que j'ai passés en revue sur ce projet de loi, on s'est inquiété des peines avec sursis qui étaient imposées. Lorsque les tribunaux examinent si une peine avec sursis est appropriée, ils ont le devoir de déterminer si les principes de la détermination de la peine peuvent être respectés par une telle condamnation.
Je m'arrêterai là, puisque mon temps de parole s'est écoulé, mais je vous remercie de me l'avoir accordé. Et je serai heureux de communiquer aux membres tous les documents qu'ils désirent consulter.
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Monsieur le président, distingués membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous parler du projet de loi et du problème plus large qu'est l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet.
J'ai eu l'honneur de témoigner devant le comité il y a quelques mois au sujet du projet de loi , qui nous a permis de fournir des renseignements généraux importants sur notre organisme et d'autres données pertinentes à propos de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Mon objectif aujourd'hui est donc de vous donner des renseignements et de vous faire part de nos observations sur projet de loi en particulier, et de présenter des arguments qui militent en faveur de cette nouvelle mesure législative.
Aujourd'hui, le témoignage du Centre canadien de protection de l'enfance sera fondé sur son rôle dans le fonctionnement de Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d'exploitation sexuelle des enfants sur Internet, de même que sur son rôle de coordination avec la police et les secteurs public et privé dans la lutte contre la victimisation des enfants sur Internet.
Je suis accompagnée de ma collègue, Signy Arnason, la directrice de Cyberaide.ca. Plus tard, elle vous parlera des signalements reçus par la centrale au cours de la dernière année.
Comme indiqué plus tôt, Cyberaide a été créé en 2002 en partenariat avec le gouvernement du Canada, divers gouvernements provinciaux, un comité consultatif national sur l'application de la loi, un groupe de travail fédéral et un comité directeur. Comme d'autres centrales de signalement internationales, Cyberaide emploie des analystes qui examinent, confirment et acheminent les rapports aux services policiers compétents. Le site accepte les signalements des cas liés au matériel d'exploitation des enfants, mieux connu sous l'appellation de pornographie juvénile, le leurre d'enfants, le tourisme pédophile, l'exploitation des enfants par la prostitution et la traite des enfants. Le Centre canadien de protection de l'enfance, un organisme caritatif voué à la sécurité personnelle des enfants, est propriétaire du site et en assure le fonctionnement.
Depuis le lancement du site à l'échelle nationale, près de 48 000 signalements ont été reçus du public par rapport à l'exploitation sexuelle des enfants, ce qui s'est traduit par plus de 70 arrestations et par le retrait de nombreux enfants de milieux malsains ou violents.
Faisant office de porte d'entrée pour les Canadiens, le site reçoit des renseignements sur divers types de comportements préoccupants et d'activités néfastes envers les enfants. Souvent, la centrale est la première à être au courant des nouvelles tendances et des moyens par lesquels les adultes ciblent les enfants ou les exploitent à des fins sexuelles. Cela inclurait les signalements liés aux nouvelles infractions indiquées dans le projet de loi C-54.
Compte tenu de ces données, la loi proposée reconnaît, à juste titre, qu'Internet facilite les crimes à l'égard des enfants. On sait très bien qu'Internet facilite l'exploitation sexuelle des enfants d'un certain nombre de façons. Les personnes ayant un intérêt sexuel envers les enfants utilisent souvent la technologie à mauvais escient pour entrer en contact avec eux, normaliser leur déviance sexuelle et alimenter leurs fantasmes. Par conséquent, en réponse à ce problème en croissance, le nombre de signalements à Cyberaide et d'autres sites ne cesse d'augmenter chaque année.
En plus des signalements au sujet de la pornographie juvénile, Cyberaide continue de recevoir des signalements concernant ce qu'on appelle généralement, dans le domaine public, le conditionnement. Souvent, il s'agit d'adultes qui envoient du matériel sexuellement explicite à un ou plusieurs enfants ciblés. Dans la majorité des cas signalés, les enfants ont moins de 13 ans et ont reçu des images ou des vidéos sexuellement explicites où on peut voir le contrevenant se masturber ou des photos de ses organes génitaux, ou de la pornographie intégrale adulte. Le processus de conditionnement est souvent utilisé pour abaisser les inhibitions des enfants, tenter de normaliser l'activité sexuelle et pour inciter l'enfant à s'engager dans des interactions sexuelles. Dans la plupart des cas, les enfants n'ont pas la maturité, la capacité émotive et le développement requis pour gérer à court ou à long terme les conséquences de tels actes.
À ce jour, peu de choses ont été faites sur le plan de la justice pénale pour s'attaquer à ces agissements, tout à l'opposé de l'opinion et de l'indignation de la plupart des Canadiens.
Certains des signalements les plus préoccupants concernent des adultes qui acceptent ou qui s'entendent pour commettre une infraction sexuelle à l'égard d'un ou de plusieurs enfants. Il est difficile de croire que des gens puissent offrir leurs très jeunes enfants à d'autres personnes pour que celles-ci les exploitent sexuellement. Dans un signalement à Cyberaide, on a indiqué que le modérateur d'un forum faisait des tractations pour échanger sa fille de 12 ans contre la fille de quatre ans d'une autre personne. Selon les renseignements fournis, il aurait été question que la deuxième personne ait des relations sexuelles avec l'adolescente, la rendrait enceinte et que ce serait filmé.
Jusqu'à maintenant, nous avons reçu une poignée de signalements de ce genre. De toute évidence, c'est très préoccupant et il faut intervenir immédiatement. Le recours aux nouvelles dispositions du projet de loi aidera grandement la police dans ses efforts pour déposer des accusations contre les personnes qui se livrent à ce genre d'activités néfastes.
Tout comme la mesure législative canadienne sur le leurre d’enfants, ces deux nouvelles dispositions seront efficaces parce que la police pourra intervenir rapidement et empêcher que des enfants ne deviennent des victimes. La mesure législative canadienne sur le leurre d’enfants a prémuni un nombre incalculable d'enfants contre des crimes sexuels graves. De plus, notre organisme est d'avis que lorsque le public prendra connaissance de ces nouvelles dispositions et comprendra son rôle dans le signalement, plus d'enfants seront à l'abri de l'exploitation sexuelle.
Le caractère public d'Internet, combiné avec la nature virale de la pornographie juvénile, donne au public l'occasion de signaler et d'aider à repérer ce genre de matériel et de comportement néfaste envers les enfants. Bien que notre organisme appuie les nouvelles dispositions incluses dans le projet de loi , il faut noter l'éducation du public et les mesures de sensibilisation doivent aussi être des éléments clés pour combattre ce problème. Des mesures de sensibilisation visant à éduquer les parents et les adultes sur les limites qu'il convient d'observer dans les relations adultes-enfants sont essentielles, tout comme l'éducation du public sur les lois de protection des enfants. La responsabilité qu’ont les adultes de prendre les mesures nécessaires pour signaler les incidents et protéger les enfants est aussi primordiale.
En conclusion, il est crucial que les gouvernements reconnaissent que les enfants sont particulièrement vulnérables, sans oublier que dans la société d'aujourd'hui, les enfants sont branchés à un monde technologique qui permet d'avoir accès à eux comme jamais auparavant. C'est pourquoi le Centre canadien de protection de l'enfance appuie le projet de loi et exhorte le gouvernement à agir rapidement et à adopter cette importante mesure législative afin de mieux protéger les enfants canadiens.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci.
Je tâcherai d'être brève.
Comme l'a dit ma collègue, je m'appelle Signy Arnason et je suis la directrice de Cyberaide.ca, sous les auspices du Centre canadien de protection de l'enfance.
Je vais commencer par dire que nous comptons sur le public pour visiter les sites et nous faire les signalements. Comme on l'a dit plus tôt, nous avons reçu plus de 48 000 signalements de la part des Canadiens.
Actuellement, nous n'avons aucune des catégories proposées dans le nouveau projet de loi, qui concerne l'envoi de matériel sexuellement explicite à un enfant et l'utilisation des télécommunications pour faciliter la perpétration d'une infraction sexuelle contre un enfant. Nous acceptons le signalement des cas de pornographie juvénile, d’images d'exploitation sexuelle des enfants, de leurre d'enfants, de tourisme pédophile, d'exploitation des enfants par la prostitution et de traite d’enfants.
Nous constatons certainement que les Canadiens trouvent toujours des moyens de nous rejoindre et de signaler ce genre d'incident. Relativement au processus de conditionnement, nous croyons que le nombre de cas signalés est beaucoup plus bas que le nombre de cas réels et qu'il en va de même pour l'envoi de matériel sexuellement explicite à un mineur. On ne parle pas seulement des parents, mais aussi des enfants, des adolescents qui vivent chez leurs parents et qui craignent de leur dire qu’une telle chose leur est arrivée, par peur de représailles, comme se voir couper l'accès à Internet ou une punition quelconque.
Aujourd'hui, je suis ici simplement pour vous donner quelques exemples de ce que nous avons vu au cours de la dernière année. La plupart du temps, cela concerne des enfants de moins de 13 ans.
En janvier de cette année, nous avons eu le cas d'une jeune fille de 10 ans. On nous a signalé qu'elle était branchée sur la messagerie instantanée et qu’un suspect, qui avait indiqué qu'il avait 22 ans, lui envoyait des images sexuellement explicites de lui-même. Le même mois, nous avons eu le cas d'une jeune fille de 12 ans qui, lorsqu'elle a ouvert son compte Facebook, a vu un homme en train de se masturber. En décembre 2010 on nous a signalé le cas d'un enfant de 11 ans qui a reçu un courriel avec des images d'un adulte montrant ses organes génitaux. Enfin, nous avons le cas d'un suspect qui a contacté une jeune fille de 12 ans sur MSN Messenger et qui a utilisé sa caméra web pour qu'elle le voie se masturber. Ce n'est qu'un échantillon des signalements que nous avons reçus au cours de la dernière année.
Enfin, pour ce qui est de l’utilisation d’un moyen de télécommunication pour perpétrer une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, nous avons eu le cas d'une femme de 21 ans qui était sur un site de réseautage et qui a été approché par un jeune homme lui demandant de trouver des enfants de 13 ans et qui lui a offert 300 $ si elle pouvait l'aider à entrer en contact avec des enfants de cet âge.
Ce n'est qu'un échantillon des cas signalés sur notre site, qui sert de portail pour les Canadiens.
Je vous remercie de l'occasion de témoigner.
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Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour.
Je vous remercie de l'occasion de venir vous parler du projet de loi , la Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels.
Je m'appelle Karyn Kennedy. Je suis la directrice générale de BOOST Child Abuse Prevention and Intervention, et je suis accompagnée de Pearl Rimer, notre directrice de la recherche et de la formation.
BOOST est établi à Toronto et a des bureaux à Barrie et Peterborough. Depuis 30 ans, BOOST offre des programmes et des services aux enfants et aux jeunes qui ont été victimes de violence, et à leur famille. Nous avons travaillé en collaboration avec nos partenaires communautaires pour améliorer la prévention, les enquêtes, le traitement et les poursuites judiciaires relatives à l'exploitation sexuelle des enfants.
BOOST a fourni des services à des dizaines de milliers d'enfants et de jeunes et a formé plus de 50 000 professionnels de partout dans la province. Nous sommes considérés comme un chef de file, un champion et une voix des victimes dans le domaine de l'exploitation sexuelle des enfants.
J'aimerais vous parler de plusieurs articles du projet de loi, à commencer par les deux nouvelles infractions. Voici une citation provenant d'une recherche de mes collègues de Cyberaide.ca:
Il faut changer notre manière de voir le problème des images d'abus pédosexuels sur Internet et d'envisager des solutions. La vérité est que les abus sexuels commencent en dehors d'Internet.
BOOST applaudit le fait que le projet de loi reconnaît que les crimes d'ordre sexuel à l'égard des enfants qui commencent sur Internet sont extrêmement graves et doivent être contrés avant qu'ils ne deviennent des infractions dans le monde réel.
Relativement aux deux nouvelles infractions, la création de ces lois est importante parce qu'elles reconnaissent l'idée de conditionnement et son lien avec la façon dont la technologie peut faciliter la perpétration d'infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants. Cette reconnaissance permettra à la loi de mieux protéger les enfants, puisqu'il y aura plus d'occasions de procéder à des arrestations et d'interrompre le processus de conditionnement et de planification avant son passage dans le monde réel et à des actes sexuels concrets ou qu’une victime soit potentiellement traumatisée en raison du contenu des communications en ligne par le contrevenant.
Une intervention rapide ne fera pas que prévenir que la commission d'autres crimes; ce sera aussi l'occasion de fournir aux victimes et à leur famille les renseignements qui réduiront davantage les risques auxquels sont exposés les enfants et les jeunes. De plus, lorsqu'un traitement est requis, il pourra être fourni afin de contrecarrer les effets négatifs du crime sur les victimes.
On sait très bien que les délinquants sexuels utilisent couramment la technologie pour fournir du matériel sexuellement explicite afin de désensibiliser les enfants et de les encourager à trouver normales des activités inappropriées avec les enfants. Nous savons, grâce à la recherche de Wolak, Mitchell et Finkelhor, qu'environ un jeune sur vingt-cinq fera l'objet de sollicitation sur Internet où le prédateur sexuel tente de le rencontrer dans le monde réel, et dans plus de 25 p. 100 de ces incidents, on demande au jeune de donner une photo à caractère sexuel de lui-même.
Pour que ces mesures législatives soient efficaces, il faut offrir de la formation à la police, aux procureurs de la Couronne et au pouvoir judiciaire sur ce qu'est le conditionnement et sur les méthodes de cueillette et d'utilisation des renseignements. Ces nouvelles lois enverront un message clair selon lequel le gouvernement entend se tenir au courant des moyens qu'emploient les prédateurs sexuels pour commettre des infractions à l'égard des enfants. La technologie est en constante et rapide évolution. Par l'adoption d'une définition large, soit l'interdiction d'utiliser tout « moyen de télécommunication », on s'assure de pouvoir suivre l'évolution de la technologie.
En soi, ces crimes ne semblent peut-être pas si graves, mais l'objectif ultime de ces délinquants est de commettre une infraction d'ordre sexuel dans le monde réel, avec l'aide de la technologie. De nouvelles recherches établissent un lien entre les cyberprédateurs et les infractions réelles. Selon les données officielles, environ 15 p. 100 des cyberprédateurs avaient déjà commis des infractions réelles à l'égard des enfants. Toutefois, selon les données sur la déclaration volontaire, Hanson et Babchishin ont indiqué que 56 p. 100 des cyberprédateurs ont admis avoir commis des infractions réelles, tandis que Hernandez et Bourke indiquent plutôt que ce chiffre est de 85 p. 100.
La recherche nous démontre aussi que la majorité des délinquants qui produisent du matériel d'exploitation des enfants sont connus de leurs victimes: 50 p. 100 des images d'exploitation sexuelle — c'est-à-dire la pornographie juvénile — sont produites par des membres de la famille. Pour citer Taylor et Quayle:
La protection des enfants est d'une importance capitale étant donné que ceux qui produisent des images d'exploitation sexuelle des enfants sont généralement des adultes qui s'occupent d'un enfant ou qui ont régulièrement accès à un enfant. L'absence de contacts avec un enfant est probablement le facteur le plus important pour limiter la production de pornographie juvénile.
Cela fait de l'occasion le facteur principal de ce crime.
Cela m'amène à la question de la supervision. Les nouvelles recherches qui établissent un lien entre les cyberprédateurs et les infractions réelles font état de l'importance que les tribunaux interdisent à un délinquant d'avoir accès à un enfant et d'utiliser Internet à moins d'être supervisé. En apparence, ces conditions semblent être des stratégies adéquates pour protéger les enfants. Cependant, il doit y avoir des mesures pour la mise en oeuvre, l'application et la surveillance de ces conditions. Qui s'assurera que les délinquants n'iront pas dans un café Internet ou n'utiliseront pas leur téléphone cellulaire ou leur BlackBerry pour se connecter sur Internet? Un mécanisme clair doit être adopté pour déterminer de quelle façon on exercera cette supervision et qui le fera.
Il ne faut surtout pas oublier qu'aujourd'hui, Internet fait partie intégrante du quotidien. Après leur séjour en prison, comment les délinquants pourront-ils se trouver un emploi? Si le gouvernement n'accompagne cette interdiction d'aucune ressource monétaire ou humaine, le projet de loi pourrait entraîner l'effet contraire à son objectif. Ainsi, les délinquants pourraient souffrir d'isolement social et devenir plus tendus; ils seraient alors susceptibles de récidiver et de s'en prendre à d'autres enfants ou à d'autres jeunes. Il est essentiel que le délinquant demeure sous la supervision d'une personne qui connaît bien Internet.
Une agence de protection de l'enfance pourrait aussi intervenir lorsqu'un délinquant est en situation d'autorité ou de confiance. Il faudra absolument un mécanisme qui établira un lien entre le tribunal de la famille et le tribunal criminel dans les cas où des ordonnances de surveillance émanent de l'une ou l'autre de ces autorités, ou bien des deux. Dans bien des cas de leurre, le délinquant n'est pas un proche de la victime, et il s'agit parfois d'un adolescent. En pareil cas, l'intervention d'une agence de protection de l'enfance est peu probable. C'est donc au tribunal que revient la responsabilité de veiller à ce que le délinquant se conforme à l'ordonnance de surveillance et à ce que des comptes soient bien rendus au public.
En vertu du projet de loi, les ordonnances de surveillance du tribunal pourraient être de durée illimitée. Il serait donc plus difficile de veiller à ce qu'un individu respecte les conditions, car ce dernier pourrait se trouver sous la supervision de différentes personnes au fil du temps. Il faut aussi prévoir un mécanisme pour réévaluer les ordonnances si la situation du délinquant évolue.
J'aimerais aussi parler des peines minimales obligatoires. Il est bon d'en accroître la durée. La victime constate alors que le crime dont elle a été la cible est grave et lourd de conséquences. Les répercussions d'une infraction d'ordre sexuel varient d'une victime à l'autre. En prévoyant des peines minimales obligatoires pour toute infraction d'ordre sexuel à l'égard d'enfants, on envoie aux victimes le message qu'aucune infraction n'est plus grave qu'une autre. L'expérience de chaque victime est très personnelle. Selon la loi, toute infraction d'ordre sexuel à l'égard d'enfants doit être prise au sérieux.
Accroître certaines peines minimales obligatoires et en prévoir de nouvelles pourrait aussi améliorer les possibilités de traitement en cours de détention, ainsi que les possibilités d'amener les délinquants à suivre un traitement. De plus, on pourra ainsi mener des études sur le traitement pour mieux comprendre les infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants, les infractions en ligne et leur rapport avec les véritables crimes.
J'aimerais terminer en disant qu'à titre d'organisme communautaire qui offre des services aux enfants victimes de mauvais traitements, nous croyons que le projet de loi s'attaque à bon nombre des aspects essentiels de la protection des enfants contre les délinquants sexuels. Et même si nous pensons que certains aspects devraient être approfondis, par exemple la supervision, nous croyons que le projet de loi contribuera fortement à protéger les enfants contre les délinquants sexuels.
Merci.
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On devrait toujours éviter de complexifier le Code criminel. Si la solution à un problème s'y trouve déjà, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter des dispositions inutilement répétitives.
La disposition relative aux infractions d'ordre sexuel impliquant des enfants en est un bon exemple. Cette nouvelle infraction comporte une peine minimale obligatoire. Essentiellement, la peine minimale obligatoire est la seule distinction entre cette disposition et celle qui existait déjà. Selon mon expérience, lorsqu'un juge s'occupe d'une affaire d'infraction d'ordre sexuel impliquant des enfants, la situation d'autorité ou de confiance du délinquant et l'âge de la victime sont bien souvent des circonstances très aggravantes dont il tient déjà compte dans la peine.
Pour ce qui est des autres infractions, celles qui visent à conditionner les victimes, je ne crois pas que nous soyons contre la criminalisation de ce genre de comportement. Cela étant dit, je pense que, dans les faits, on ne fera pas bien souvent appel à une telle disposition. Le libellé actuel du Code criminel l'englobe peut-être même déjà, par exemple dans les dispositions visant les tentatives — c'est une tentative d'agression sexuelle, ou une tentative de contacts sexuels. Quoi qu'il en soit, la création des nouvelles infractions ne nous pose pas vraiment problème, car vous cherchez à réglementer des actes que nous jugeons indésirables aussi.
En ce qui a trait aux nouvelles conditions de probation, je suis heureux que le tribunal puisse à son gré imposer l'interdiction d'utiliser Internet ou de fréquenter certains lieux. Il est intéressant de constater que le gouvernement cherche à laisser ces exceptions à la discrétion des juges. Je suis content que le pouvoir judiciaire discrétionnaire demeure intact dans ce domaine, en partie du moins. Mais selon mon expérience des déclarations de culpabilité liées à ce type d'infractions, il arrive déjà souvent que les juges assortissent aux ordonnances de probation l'interdiction de fréquenter certains lieux où se trouvent des enfants, d'entrer en contact avec des enfants ou d'utiliser Internet, et ce, pour un maximum de trois ans.
Je suis donc heureux qu'en vertu du projet de loi, ce soit encore aux juges de décider des ordonnances de probation. Par contre, la complexification du Code criminel me plaît moins. Ainsi, il devient moins accessible au grand public, ce qui est néfaste du point de vue éducatif ou même dissuasif.
Mon opinion des peines minimales obligatoires est assez claire. C'est la principale différence entre les dispositions relatives aux infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants et celles qui portent sur les infractions d'ordre sexuel qui font déjà partie du Code criminel. Comme je l'ai dit, l'âge de l'enfant, les circonstances entourant l'infraction, la situation d'autorité ou de confiance du délinquant et le conditionnement des victimes sont autant de circonstances aggravantes qui entrent couramment, et j'ose même dire toujours, en ligne de compte lorsque les juges imposent une peine convenable.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont présents.
C'est vraiment très peu de temps, compte tenu du fait qu'on discute d'un problème aussi complexe et important. Il est déjà important pour la nature humaine, mais il l'est particulièrement depuis l'arrivée des ordinateurs et d'Internet. C'est le genre de problème auquel je n'ai pas eu à faire face comme parent, mais je m'aperçois que la situation va être très différente pour mes enfants.
Je voudrais d'abord préciser que j'ai de l'expérience en droit criminel. Je n'ai pratiqué que cela. J'ai remarqué que généralement, il s'agit de délinquants particuliers. Quand ils ont un casier judiciaire, ça ne concerne que ce domaine, quoique certains d'entre eux soient également malhonnêtes.
Avez-vous l'impression que c'est une déviation ou une maladie mentale qui pousse ces gens à commettre ce genre de crime? Le cas échéant, y a-t-il des traitements qui permettent, sinon de les guérir complètement, à tout le moins de faire cesser chez eux ce comportement délinquant?
Ma question s'adresse à ceux qui voudront y répondre.
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Merci, monsieur le président.
Et merci aux témoins d'être venus.
Madame Kennedy, j'aimerais commencer par vous, car je m'oppose à votre position au sujet de la disponibilité des traitements, notamment à l'échelle provinciale. Ce n'est pas plus rose au niveau fédéral, soit dit en passant. Cependant, plusieurs provinces n'offrent pratiquement aucun traitement pour les peines de courte durée dont il est question ici, soit de 90 jours à un an. Il n'y en a tout simplement pas. C'est mon expérience, et je vais faire appel à des témoins qui viendront confirmer cela.
Encore une fois, le gouvernement fédéral renvoie la balle aux provinces, mais n'offre aucun soutien financier. Ai-je tort? D'après mon expérience, à la fois en tant qu'avocat en exercice et membre du comité depuis sept ans, et d'après les témoignages que nous avons entendus, les provinces n'offrent pas ces services. De plus, la grande majorité des peines minimales obligatoires imposées seront purgées dans des prisons provinciales, car elles sont de deux ans ou moins. Alors, je ne suis pas d'accord avec vous.
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Je ne tiens pas à trop entrer dans les détails. Je voulais seulement dire que je conviens d'après mon expérience — je précise pour ceux qui ne le savent pas que j'ai pratiqué le droit criminel pendant près de 30 ans — que de fait, la prison est la norme. Mais je tirerais peut-être de cela deux conclusions différentes des vôtres.
La première, c'est que je pense que cela coupe l'herbe sous le pied de ceux qui estiment inutiles les peines minimales obligatoires, les tribunaux ayant décrété que la prison devrait être la norme. Tout le monde, dans le système, le sait, et si cela doit faire augmenter le nombre de procès et de plaidoyers de culpabilité, les tribunaux sont prêts à l'accepter. D'après eux, si la perspective de la prison n'est pas dissuasive, il y a d'autres justifications à la peine d'emprisonnement. Je dois avouer que je suis de cet avis, tout comme notre gouvernement d'ailleurs.
La deuxième chose, et vous ne serez peut-être pas d'accord, c'est qu'à mon avis, les représentants élus des Canadiens ont tout autant le droit que les juges de décider de ces choses, et il est parfaitement légitime que le gouvernement affirme que la prison devrait être la norme. De fait, ce devrait être invariablement la norme.
Je voulais revenir brièvement sur l'éloquent plaidoyer de Me Spratt en faveur du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Vous auriez dû être là quand nous avons débattu du projet de loi portant sur les rabais de peine accordés aux auteurs de meurtres multiples. Nous tentions alors de conférer aux juges le pouvoir d'imposer des peines plus sévères. J'ai parfois l'impression que l'appui au pouvoir judiciaire discrétionnaire est fonction de ce qu'on approuve ou non les peines sévères. La norme invariable, comme vous le proposez je l'espère, est au moins uniforme.
Rapidement, monsieur McWhinnie, je tiens à vous dire ma reconnaissance pour votre travail auprès des cercles de soutien et de responsabilité. Vous savez, j'espère, qu'il y a quelques mois à peine, notre gouvernement a renouvelé et augmenté le financement du programme national des cercles de soutien. Je l'ai su du Comité central mennonite, qui l'avait préconisé avec vigueur. Quoi qu'il en soit, notre gouvernement croit en une approche équilibrée, pas seulement en matière de réadaptation et de prévention, mais aussi en ce qui concerne les mesures appropriées de dissuasion.
Permettez-moi de vous proposer une autre perspective sur la question du tort que fait aux familles l'emprisonnement d'un des leurs. Je suis assez âgé pour me souvenir qu'il y a 30 ans, on a employé le même raisonnement au sujet des conjoints violents. Si vous savez quelque chose de la violence conjugale, vous savez que les femmes défendent vaillamment leurs agresseurs. Mais la société a changé. Avec le temps, nous avons fini par comprendre que même si emprisonner ou pénaliser un conjoint violent prive les personnes dont la victime a la charge, c'est une nécessité. Je pense que nous en sommes au point où il faudrait en faire autant des auteurs d'inceste.
En ce qui concerne le point de vue des tribunaux sur la détermination de la peine, j'aimerais porter l'attention des criminalistes sur un jugement rendu il y a environ deux mois par cinq juges de la Cour d'appel de l'Alberta. Selon eux, l'énorme disparité des peines imposées suscite une crise de confiance dans le système judiciaire. Ils soutiennent qu'il faut empêcher les juges de première instance de faire intervenir leurs opinions personnelles et leurs penchants dans le processus de détermination de la peine; que la vaste discrétion dont jouissent ces juges en matière de détermination de la peine fait de la quête de justes sanctions au mieux une loterie et, au pire, un mythe et qu'en fait, elle pousse inévitablement les procureurs et les avocats de la défense à « magasiner les juges ». Cette analyse me paraît tout à fait juste, d'après mon expérience, et c'est une bonne raison pour avoir des peines minimales obligatoires.
Savez-vous, en passant, combien il y de criminalistes en Ontario?
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D'accord. Revenons sur deux articles du projet de loi.
J'ai une question à poser aux avocats de la Criminal Lawyers's Association. J'ai déjà soulevé le sujet auparavant. L'article 172.2 qui est proposé crée une nouvelle infraction, celle qui consiste à faciliter la perpétration d'une infraction. C'est une espèce de tentative d'infraction. C'est nouveau, et ce pourrait être utile dans certains cas, mais on ne sait pas vraiment à quel point.
Je crains que quelqu'un puisse être victime d'un piège ou d'une mise en scène, disons Bob, de Moose Jaw, qui est en visite à Vancouver. Cet article crée cette pseudo-tentative de faire un arrangement avec quelqu'un. Il n'y a plus la défense de l'intention criminelle, en ce qui concerne la connaissance de l'âge du tiers. L'article impose la présomption que le tiers avait moins de 18 ans, si cette personne a été présentée à l'accusé comme ayant moins de 18 ans. C'est imposer une présomption. Ensuite, l'article supprime l'autre moyen de défense, puisque même si le tiers visé par l'arrangement n'existait pas, l'accusé est quand même coupable.
C'est ce qui me fait craindre que Bob de Moose Jaw puisse tomber dans un piège ou être victime d'une mise en scène. Cela me déplaît et m'inquiète, et pourtant je sais qu'il y a des gens qui cherchent à faire ce genre d'arrangements avec des enfants, dans un but criminel. Alors, je voudrais savoir si c'est possible.
L'un des autres témoins pourrait peut-être me répondre. Deuxièmement, il y a ces nouvelles peines minimales obligatoires pour l'infraction sexuelle constituée par les actions indécentes. C'est la nouvelle version de l'article 173. Il ne s'agit pas d'infraction sur Internet. C'est au paragraphe 2:
Toute personne qui, en quelque lieu que ce soit, à des fins d’ordre sexuel, exhibe ses organes génitaux devant une personne âgée de moins de seize ans est coupable...
C'est de l'outrage à la pudeur; c'est un homme ou une femme qui exhibe ses organes sexuels.
Si cela se passe dans un petit village des Territoires du Nord-Ouest, une peine minimale est imposée même si le délit semble relativement mineur. Quel que soit l'auteur de l'acte, aussi malavisé puisse-t-il être, quelle que soit la situation au sein de la famille ou en dehors, cette personne sera emmenée loin, à 500 milles de là, par avion ou en traîneau à chiens. Je ne sais pas comment cela se fait. Je cherche seulement à savoir si la peine minimale est utile ou non. Je ne pense par qu'elle ait un sens dans le Grand Nord. En ville, il y a une prison locale, mais pas dans les régions rurales. C'est une différence.
Je pose donc ma première question aux avocats, et la seconde au groupe de témoins.
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Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma question s'adresse à Mme Kennedy.
Dans une séance précédente, nous avons entendu le témoignage de Ellen Campbell, présidente fondatrice du Canadian Centre for Abuse Awareness. Mme Campbell a été victime d'exploitation sexuelle durant son enfance. Elle a dit que les enfants victimes d'infractions sexuelles se sentent souvent exclus et diminués quand la sanction ne correspond pas au crime. Je pense qu'elle a dit mot pour mot que la peine minimale était importante pour passer un message clair, mais surtout, pour que les victimes comprennent bien que leur vie a de la valeur.
Mme Campbell a ensuite parlé de gens qui se sont suicidés, après avoir eu le courage de dénoncer ce qui leur était arrivé. Certains d'entre eux avaient environ 30 ou 40 ans. Ils regrettaient d'en avoir parlé et ils se sont suicidés.
Je me demande si, grâce à votre travail de défense des victimes et, surtout, à vos relations avec les familles et les victimes, vous pouvez nous donner une idée de ce qu'elles vivent. J'ai vu des familles qui ont nécessité des soins continus durant des années pour des problèmes d'alcool et de drogue dus au crime dont elles avaient été victimes. C'est comme si les familles recevaient une peine d'emprisonnement à vie obligatoire pour les crimes perpétrés contre elles.
Je me demande si vous pourriez faire quelques commentaires à ce sujet.
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Bien sûr. Je connais Ellen Campbell et son opinion sur la question, et je suis en bonne partie d'accord avec elle.
Lorsqu'un jeune déclare qu'il a été victime d'une agression sexuelle durant l'enfance, il lui faut beaucoup de courage. En général, il a gardé le secret assez longtemps, parfois de nombreuses années.
La réaction des gens aura une grande influence sur le temps qu'il faudra à la victime pour s'en remettre, si elle y parvient. Les victimes ont besoin de la confiance et du soutien des autres. Également, il importe que l'agresseur admette sa culpabilité.
Dans bien des cas, l'agresseur dit à l'enfant que personne ne le croira, qu'il devra aller en prison et qu'ils seront tous les deux retirés du foyer. L'agresseur s'arrange déjà pour que l'enfant se sente coupable. Si la victime estime que le système de justice ne traite pas le crime avec assez de sérieux et si l'agresseur n'admet sa culpabilité, la justice ne semble pas avoir été faite.
Par exemple, nous avons travaillé avec une fille âgée de 14 ans, qui est maintenant au début de la vingtaine. Elle a été agressée de nombreuses années par un voisin plus âgé, qui habitait de l'autre côté de la rue. L'agresseur a reçu une probation, et la victime et lui ont quitté le tribunal au même moment pour retourner à leurs maisons respectives. Il a continué d'habiter de l'autre côté de la rue, même s'il ne pouvait ni la traverser ni aller à la même église. Même s'il a été très difficile pour la victime de témoigner, elle a dû retourner à la maison et regarder son agresseur tondre la pelouse, tous les jours.
Les gens ont appris ce qui s'était passé. Pour la victime, justice n'a pas été faite. La jeune fille ne sentait pas qu'on tenait l'agresseur responsable des actes commis. Je peux vous donner bien des exemples du même genre.
Selon moi, si justice n'est pas faite, on nuit beaucoup aux enfants qui ont été victimes d'agression sexuelle.
Je remercie tous les témoins d'être présents cet après-midi.
Il est toujours délicat d'aborder des sujets comme ceux que nous traitons dans le cadre de l'étude du projet de loi . Bien souvent, on doit faire une comparaison entre les cas d'inceste et les cas de violence faite aux femmes. Pour ma part, je viens du Québec. D'importantes campagnes de sensibilisation y ont été mises sur pied afin d'inciter les femmes à dénoncer les maris violents. Dans le cadre de ma pratique, j'ai observé que la plainte était souvent retirée par la femme victime de violence avant même que la cause ne se rende au tribunal, parce que le mari était celui qui subvenait aux besoins de la dame et des enfants. Or la semaine suivante, la dame se faisait de nouveau battre par son mari.
Le gouvernement du Québec a décidé officiellement, indépendamment de toutes les positions, que les plaintes ne pourraient plus être retirées. Quand une femme dépose une plainte, elle ne peut plus la retirer. La situation est à peu près la même dans le cas des enfants, parce qu'ils ont peur. C'est difficile pour eux. Il n'est pas facile pour une personne d'avouer que son père a abusé d'elle pendant 10 ou 15 ans. Il faut comprendre que c'est véritablement terrifiant.
Quand on est avocat, qu'on connaît un peu le système et qu'on représente un accusé, on va voir le procureur de la Couronne et on lui dit qu'il n'y aura pas de procès et que le client va plaider coupable. Le juge demande alors aux deux avocats s'ils ont une suggestion commune à formuler. Ils peuvent alors lui suggérer d'imposer une peine d'emprisonnement de trois ans, même si cet acte peut donner lieu à une peine de 15 ans. Un individu a abusé de sa fille pendant presque 15 ans, mais personne ne veut de procès. On dit que la victime n'aura pas à témoigner, que ça va permettre d'économiser de l'argent, mais on ne pense pas à cet enfant terrifié à qui justice n'est pas rendue.
Il peut aussi arriver qu'en tant qu'avocat, on représente un homme de 72 ans qui a abusé de ses filles pendant 15 ans. Cet individu arrive au palais de justice, plaide coupable et ressort immédiatement, en fauteuil roulant, parce qu'il ne fait l'objet d'aucune punition. C'est ce qu'il fait. C'est incroyable. Chez nous, on appelle ça des « sentences bonbons ».
Je ne sais pas si vous avez des enfants, mais si c'est le cas, regardez-les droit dans les yeux. Ce qui se passe est incroyable. On abuse de jeunes filles pendant presque 15 ans, comme si elles étaient de la vulgaire viande pour les chiens, et on voudrait nous faire avaler l'argument voulant que des peines minimales ne devraient pas être imposées. Je regrette, mais les peines minimales sont nécessaires parce que c'est la seule façon de faire passer le message. Nous, les avocats, commençons à comprendre. Lorsqu'un individu aura commis un acte grave, nous enverrons un message clair à la population. C'est ce que je voulais dire. J'ai pratiqué assez longtemps comme avocat pour pouvoir dire que quelque chose ne tourne pas rond dans le système.
Par ailleurs, on a parlé plus tôt des peines minimales obligatoires. Or elles s'appliquent depuis longtemps dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. Il est plutôt intéressant de constater que la Société de l'assurance automobile du Québec est favorable à l'augmentation des peines minimales parce qu'elles ont permis de diminuer le nombre d'accidents et de décès. C'est le gouvernement qui a pris la décision. C'est donc dire que les peines minimales, c'est bon. Des peines minimales sont imposées dans les cas de meurtre et de possession d'armes à feu, et, fait intéressant, ça fonctionne bien. Pourquoi devrait-il en être autrement dans ce cas-ci? C'est ce que je voulais vous dire.
À mon avis, il est très important de comprendre que ce projet de loi ne s'adresse pas qu'aux conservateurs. Qu'il s'agisse des enfants des bloquistes, des libéraux, des néo-démocrates ou des nôtres, c'est pour eux que nous travaillons. Nous ne sommes pas que des partisans, nous sommes aussi des parlementaires. Je trouve incroyable qu'on perde du temps de la sorte. Nous devrions normalement tous voter en choeur en faveur de ce projet de loi, qui vise à protéger nos enfants.
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Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de répondre à la question.
Je n'ai pas eu la chance d'examiner toute la décision. Je crois avoir lu l'opinion incidente émise en Cour d'appel de l'Alberta dont monsieur le président vient de parler. Cela dit, je n'ai pas pris connaissance du premier jugement et je ne me prononcerai pas de façon catégorique sans réexaminer la décision, comme le feraient sûrement tous les membres du comité.
Selon ce que je comprends, la cour a conclu que la peine imposée par le juge était inappropriée. C'est pourquoi le jugement a été annulé. Cela se produit toutes les semaines, en cour d'appel, lorsqu'on examine les décisions rendues. Il ne s'agit pas de savoir si les juges qui imposent les peines sont d'accord, mais si une erreur a été commise et si la peine est trop faible.
On peut évaluer les décisions en cour d'appel et, d'après moi, c'est la bonne façon de s'y prendre. Les peines doivent se situer dans une certaine fourchette. Concernant les dispositions sur l'exploitation sexuelle, je vous demanderais de me démontrer que les agresseurs ont tendance à recevoir une probation. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit le cas. On encourage les gens à croire que les juges font partie d'un système de justice trop tolérant, qui ménage les criminels. À mon avis, il est tout à fait injustifié de parler ainsi de notre système de justice.
La bonne façon de procéder, c'est de casser les décisions inappropriées en cour d'appel. À la Cour d'appel de l'Alberta, on a jugé que la peine était manifestement inadéquate. Je ne remets pas cela en question. Il fallait imposer une peine plus sévère, voilà tout. Je pense que nous voyons les choses de façon différente concernant les peines qui correspondent au crime ou qui tiennent compte des circonstances.
Toutefois, il me paraît injustifié de dire que les juges ne respectent pas les principes d'adéquation de la peine et du crime de façon systématique.