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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 014 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

    Bonjour à tous et bienvenue à la 14e séance du Comité permanent de la défense nationale. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons étudier le rôle des soldats canadiens dans les missions de paix internationales après 2011.
    Nous avons la chance d'avoir avec nous deux témoins: M. Philippe Lagassé, qui est professeur adjoint à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, et le colonel à la retraite Michel Drapeau, qui est professeur auxiliaire à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
    Messieurs, vous disposez de cinq à sept minutes pour faire votre présentation. Les membres du comité vont ensuite pouvoir vous poser des questions et échanger avec vous.
    La parole est à vous.
    Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion d'émettre mon opinion sur un sujet qui me tient à coeur.

[Traduction]

    Lorsque le greffier du comité m'a téléphoné la semaine dernière, je travaillais déjà à finaliser le document qui vous a été distribué. Vous devriez tous en avoir un exemplaire en main. Il s'intitule L'après-Afghanistan: Où irons-nous? La première politique de défense du Canada. Bien qu'il ressorte clairement de la lecture de ce document que les missions de paix internationales demeureront, comme il se doit, un rôle prioritaire pour les Forces canadiennes après 2011, j'estime que nous devons accorder un répit bien mérité à nos soldats et à leurs familles avant de les déployer à nouveau dans le cadre d'une mission semblable.
    Ainsi, j'indique bien dans mon document que le rapatriement des troupes canadiennes en 2011 offrira aux Forces canadiennes une excellente occasion de s'occuper de plusieurs dossiers urgents. Il s'agit notamment de la restructuration des Forces canadiennes, et tout particulièrement de notre armée au sortir d'une mission de combat prolongée, et d'un examen critique du Quartier général de la Défense qui draine une large proportion de nos ressources limitées. Et il y a bien d'autres possibilités, y compris la civilarisation du régime de surveillance de la Défense, la restructuration du processus de grief des Forces canadiennes et la possibilité d'accorder une charte permettant l'octroi de diplômes au Collège militaire royal de Saint-Jean de telle sorte que cette institution nationale puisse à nouveau former des officiers francophones pour les trois branches de nos forces. Je suis bien évidemment disposé à répondre à vos questions au sujet de ces différentes propositions, dont certaines se retrouvent dans mon document.
    Comme vous le savez, le ministre de la Défense nationale a annoncé le week-end dernier que le lieutenant-général Andrew Leslie assumera le rôle de chef responsable de la transformation à compter de juin. Non seulement est-ce une bonne chose, mais c'est aussi l'expression manifeste de la nécessité pour le ministère de la Défense de se prêter à un quelconque processus de transformation en fonction des besoins et des enjeux futurs de notre pays. À mon avis, votre comité devra être prêt au cours des prochains mois à participer à cette démarche de transformation, voire même à la diriger, car bon nombre des changements qui m'apparaissent critiques ou pressants devront être opérés sous votre égide ou avec votre soutien. J'exhorte donc les membres du comité à assumer un rôle proactif dans ce dossier, tant dans une perspective générale que pour les aspects plus particuliers devant être modifiés et améliorés.
    Comme je l'ai déjà indiqué, exception faite d'une situation vraiment urgente exigeant un redéploiement, il convient d'offrir un répit aux Forces canadiennes. Ainsi épargnées des missions internationales, elles seront en mesure d'apporter les changements applicables et nécessaires à leurs structures, à leur configuration et à leur gouvernance.
    Avant de discuter avec vous de la nécessité de procéder à une telle transformation et des impacts sur la capacité de déploiement à court terme des Forces canadiennes dans le cadre d'opérations internationales pour la paix, j'aimerais vous soumettre quelques suggestions additionnelles.
    Premièrement, compte tenu de la situation actuelle en Haïti et du fait que la remise en état de ce pays exigera un effort s'apparentant presque au Plan Marshall, il serait peut-être avantageux pour nos deux nations que le Canada établisse, en temps et lieu, une garnison sur place pour former et soutenir les autorités civiles haïtiennes.
    Deuxièmement, il va de soi que la planète demeurera, à l'issue de notre mission en Afghanistan, fragilisée par de nombreuses situations périlleuses. J'estime donc que l'on commettrait une erreur grave en restructurant les Forces canadiennes uniquement en fonction du maintien de la paix. Je ne vous apprends certes rien: les forces aptes au combat, ne serait-ce que dans une capacité limitée, sont aussi à même de mener des opérations de maintien de la paix. La réciproque n'est toutefois pas vraie.
    Monsieur le président, je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé pour vous faire part de mes préoccupations et de mes suggestions. Je suis maintenant disposé à répondre à toutes vos questions.
(1105)

[Français]

    Merci.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier, ainsi que votre greffier, de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous.
    Les questions que vous abordez sont d'une grande importance pour les Forces canadiennes et pour la politique internationale du Canada. Les gouvernements de M. Paul Martin et de M. Stephen Harper ont investi plusieurs milliards de dollars dans la défense nationale et les Forces canadiennes. Le gouvernement de M. Harper s'est également engagé à augmenter les dépenses militaires à un rythme de plus de 2 p. 100 par année.
    La stratégie de défense nationale, par ailleurs, nous indique que les Forces canadiennes continueront de jouer un rôle actif dans le monde sans nuire à la défense du Canada ou du continent. Or, il est essentiel d'analyser où nos forces devraient être déployées à l'avenir, avec quels alliés et sous le commandement de quel organisme international, mais il est également important d'analyser le nombre, la durée et l'intensité de ces futures opérations.
    Depuis la fin de la guerre froide, les Forces canadiennes ont fourni des unités dans le cadre de presque chaque opération montée par l'ONU ou l'OTAN. De plus, lorsque le Canada a commencé à participer aux opérations expéditionnaires de l'OTAN, après les échecs des opérations de maintien de la paix de l'ONU, il y a environ 15 ans, la durée et l'intensité des déploiements des forces ont augmenté de façon précoce. La mission des forces à Kandahar, en Afghanistan, illustre très bien cette tendance. Les Forces canadiennes se retrouvent dans une mission qui a déjà duré plus longtemps, coûté plus cher et été plus meurtrière que toute autre mission depuis la guerre de Corée.
    Nous devons nous poser les questions suivantes en tentant de reconnaître les leçons de cette mission. Premièrement, les opérations de contre-insurrection et de combat menées avec les autres membres de l'OTAN seront-elles les meilleures pour les forces, à l'avenir? Deuxièmement, les missions de ce genre sont-elles essentielles à l'atteinte des objectifs des politiques étrangères et de sécurité nationale canadiennes? Troisièmement, les Forces canadiennes seront-elles en mesure, à l'avenir, de mener de nouvelles opérations d'une telle durée et d'une telle intensité sans épuiser leurs membres et sans dépasser les budgets planifiés?
    Ma réponse à chacune de ces trois questions est non. Les missions de combat et de contre-insurrection devraient être, pour les Forces canadiennes, des opérations de dernier recours et non leurs missions de préférence. Ces missions, par ailleurs, sont rarement essentielles à l'atteinte des principaux objectifs de la politique étrangère canadienne, soit la paix et la stabilité internationales, l'influence à l'échelle mondiale et la promotion des valeurs canadiennes. En outre, entreprendre de telles missions risque d'épuiser les Forces canadiennes à la longue et de compliquer les efforts des forces en vue de mener leurs opérations et de se rééquiper sans dépasser les allocations budgétaires prévues par le gouvernement. Que faire, alors?

[Traduction]

    Le Canada devrait continuer de déployer les Forces canadiennes pour participer à des opérations expéditionnaires, en coopération avec nos alliés de l'OTAN ou, mieux encore, dans le cadre d'une mission menée par les Nations Unies. On devrait toutefois s'efforcer à l'avenir de mieux choisir l'endroit et le moment où les Forces canadiennes seront déployées. En exerçant ainsi un plus grand discernement, le gouvernement sera mieux en mesure d’atteindre les objectifs de sa politique étrangère de façon réaliste et économique, tout en évitant une surcharge des forces armées et en maintenant la capacité militaire requise pour respecter nos engagements en matière de défense du Canada et de l'Amérique du Nord.
    Je propose donc que les prochains gouvernements canadiens adoptent les critères suivants pour guider leurs décisions concernant le déploiement des Forces canadiennes dans le cadre d'opérations expéditionnaires.
    Premièrement, le gouvernement ne devrait déployer que les forces nécessaires pour faire respecter la souveraineté canadienne et fournir une aide suffisante aux autorités civiles. Protéger le Canada et les Canadiens doit être la grande priorité et une priorité réelle, plutôt que de pure forme.
    Deuxièmement, le gouvernement devrait déployer les Forces canadiennes de manière sélective. En pratique, cela signifie qu’il ne faut pas accepter plus d’un engagement à la fois de la force terrestre, de la force navale et de la force aérienne.
    Troisièmement, le gouvernement doit éviter les missions dont le succès est improbable. Cela comprend les missions où la dynamique locale ou régionale empêche d’atteindre les objectifs, celles où les grands partenaires du Canada n’assument pas leur engagement à atteindre les objectifs et celles dont les objectifs sont grandioses, hors de portée ou détachés de la réalité sur le terrain.
    Quatrièmement, le gouvernement doit éviter les missions qui comportent des engagements à long terme ou permanents. Une date ferme doit être établie pour chaque déploiement des Forces canadiennes et les services militaires doivent être prêts à prendre une pause opérationnelle s’ils sont déployés pendant plus de trois ans.
    Cinquièmement, le gouvernement doit évaluer si l’intervention militaire est le moyen le plus efficace et rentable pour atteindre un objectif. Si ce n’est pas le cas, d’autres formes d’intervention devraient être envisagées.
    Sixièmement, les dépenses en capital du MDN devraient représenter 25 à 30 p. 100 de l’ensemble du budget de la défense. Ottawa devrait éviter le déploiement des Forces canadiennes pour effectuer des opérations qui risqueraient de réduire ce pourcentage.
    Enfin, les opérations expéditionnaires ne devraient être menées que si elles font clairement l’objet d’un mandat populaire. L’unité nationale revêt une importance fondamentale sur le plan de la survie pour l’État canadien. Il faut bien s'assurer d'éviter tout déploiement militaire pouvant mettre en péril cette unité.
    Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
(1110)

[Français]

    Merci, messieurs.
     Je vais maintenant donner la parole à M. Wilfert.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à vous, messieurs.
    Pourriez-vous m'indiquer d'abord à qui ce document a été distribué au sein du gouvernement?
    Aux membres de ce comité.
    Et à personne d'autre?
    Je tiens à vous féliciter pour ce document, et surtout pour les sections concernant l'intérêt national. J'aimerais examiner ces questions de façon plus approfondie. Bien évidemment, tous les pays sont régis par leur intérêt national. Quel est exactement le nôtre pour la suite des choses?
    Nous avons participé à des missions de maintien de la paix dans des contextes aussi variés que Chypre, certaines régions d'Afrique et Haïti. Comment pouvons-vous nous assurer de travailler dans le sens de notre intérêt national en étant capable d'harnacher nos forces de manière plus efficiente dans la conjoncture de transformation dont vous nous avez parlé? J'ai l'intime conviction que notre comité devrait agir comme chef de file en la matière. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je vous ai demandé à qui vous aviez remis votre document. Il m'apparaît manifeste que les instances gouvernementales — les ministres et leurs collaborateurs — auraient grand besoin de prendre connaissance des constatations que vous y articulez.
    Je crois que vous avez maintenant tous un exemplaire de ce document auquel je mettais la touche finale lorsque votre greffier a communiqué avec moi. Comme il s'agit d'une publication, il bénéficiera ultérieurement d'une plus large diffusion.
    Je dis simplement que les Forces canadiennes vivent actuellement, qu'elles le veuillent ou non, une transformation de leur philosophie et de leur structure. C'est la réalité. La nomination d'un haut gradé de l'armée, un fait sans précédent au cours des 40 dernières années, pour mener cette opération de transformation montre bien que les Forces canadiennes reconnaissent elles-mêmes qu'elles doivent revenir aux bases fondamentales et trouver un juste équilibre entre une armée qui a été, depuis 40 ans, formée et consacrée quasi exclusivement aux missions de maintien de la paix, surtout depuis que nous avons quitté l'Allemagne autour de 1993, et une armée maintenant engagée dans un conflit à part entière, pour la première fois de notre histoire... Je parle de conflit à part entière, mais il s'agit en fait d'une mission contre-insurrectionnelle. À bien des égards, notre armée est devenue axée essentiellement sur la situation afghane. Nous avons acheté des tanks et des avions, et nous nous sommes dotés d'une capacité de combat qui, bien que réduite en nombre, est assez imposante et n'a rien à envier, livre pour livre, homme pour homme, aux forces d'ailleurs dans le monde.
(1115)
    Nous ne voudrions pas perdre ce bel élan.
    Surtout pas, d'autant plus que nous l'avons acquis à prix fort. Nous avons encore perdu un marin il y a quelques heures à peine.
    Nous nous sommes donnés cette capacité de combat avec tous ces officiers et sous-officiers, dont de nombreux militaires chevronnés, qui ont livré bataille sur le terrain. À notre retour d'Afghanistan, la dernière chose que nous voudrons faire, si l'on fait abstraction des situations d'extrême urgence, c'est de demander à nos soldats d'endosser de nouvelles couleurs afin de repartir en mission pour le maintien de la paix.
    Pour prendre une décision éclairée, nous devrons nous demander si nos forces armées, et notamment leur structure administrative très lourde, leur formation et leur équipement, correspondent vraiment à nos besoins. Que pouvons-nous faire dans le sens de l'intérêt national? J'ai soulevé certaines préoccupations, notamment quant à la sous-représentation des Autochtones. Les membres des minorités visibles sont également sous-représentés au sein des Forces canadiennes et nous savons que la situation ne va pas s'améliorer compte tenu des problèmes de recrutement et de maintien en poste que nous vivons actuellement. Nous devons marquer une pause pour analyser les choses avant de procéder à une restructuration.
    Mais tout cela dépendra de la forme que prendront — et ce sera au gouvernement de nous le dire — nos grands objectifs de politique étrangère et du genre de forces armées dont nous aurons besoin pour atteindre ces objectifs.
    Je crois que nous devons, d'abord et avant tout, définir quelle sera la mission de nos forces et quel rôle elles sont appelées à jouer. À mon point de vue, ce rôle peut essentiellement s'articuler autour de deux volets. Il y a tout d'abord la défense du Canada — les forces aériennes, marines et terrestres — et tout ce qui en découle. Nous devons conserver une force résiduelle pouvant être déployée et intervenir isolément ou de concert avec nos alliés.
    Il nous faut également maintenir notre tradition de collaboration avec nos alliés au sein de l'OTAN et des NU sur nos principales plateformes — aériennes, maritimes et même spatiales — car notre politique étrangère en dépend. Par conséquent, nous devons accepter d'assumer notre part des missions internationales, qu'ils s'agissent de situations comme l'Afghanistan ou de cas totalement différents, ou encore de véritables mandats de maintien de la paix des Nations Unies. Nous pouvons le faire en mettant à contribution notre capacité de combat et les structures de nos forces armées. Il ne s'agit pas pour nos militaires de servir au sein des forces de l'OTAN ou des NU; il s'agit d'abord et avant tout de répondre à nos besoins en matière de sécurité nationale.
    Il faut notamment pour ce faire tenir compte de l'intérêt national, ce qui exige entre autres, comme je l'ai d'ailleurs précisé, une bonne capacité de recrutement et de formation. À l'heure actuelle, on manque d'officiers francophones. Il y a un déficit de capacité à ce chapitre. Si nous pouvions réouvrir le collège, je crois que ce problème pourrait être partiellement réglé. C'est un élément du processus — davantage à long terme qu'à court terme.
    Je suis certes d'accord avec votre dernier commentaire au sujet du collège, mais pour ce qui est de la transformation, il est difficile d'aller de l'avant sans connaître les objectifs visés. J'en conclus que nous devons composer non seulement avec la réalité des forces, mais aussi avec les objectifs globaux de la politique étrangère canadienne en alliant ces deux éléments, tout en évitant de perdre l'élan imprimé sur le terrain.
    Par ailleurs, nos forces traversent une période d'adaptation, et il est possible que nous devions consolider notre position à l'échelle planétaire. Il serait peut-être bon que nous ciblions davantage nos actions. Les Australiens ont décidé de se concentrer sur une seule partie du monde, une stratégie qui a porté fruit dans leur cas. Notre zone de prédilection pourrait être hémisphérique, asiatique ou peu importe, mais il faut que ces choses soient bien claires. Il va de soi que nous ne pouvons pas agir en vase clos.
    Vous avez soulevé une question que je trouve fort intéressante. Devrions-nous continuer à mettre l'accent sur les opérations menées sous l'égide des Nations Unies, ou devrions-nous nous en remettre à l'OTAN? Vous avez exposé quelques arguments probants à ce sujet.
    Pourriez-vous nous en dire davantage? La mission en Somalie n'en était pas une de maintien de la paix, mais bien de rétablissement de la paix. Quiconque a pu voir l'équipement déployé là-bas sait fort bien que l'on cherchait à rétablir la paix. Certains de mes commettants croient aujourd'hui que notre mission en Afghanistan vise le maintien de la paix. Pourriez-vous nous en parler brièvement?
    Les missions de maintien de la paix s'inscrivent dans un continuum qui va des opérations de base de type constabulaires — dont Chypre serait un bon exemple pour la majorité des 40 années que nous avons passées là-bas — jusqu'aux opérations plus robustes d'application de la paix, comme celle menée en Somalie. On pourrait dire que les premières phases de notre déploiement en Afghanistan s'apparentaient également à une mission de maintien de la paix.
    Une force de commandement et de contrôle apte au combat, bien entraînée, adéquatement armée et habilement dirigée peut s'acquitter de tout l'éventail des missions de maintien, d'application et de rétablissement de la paix. Nous n'avons jamais nourri d'ambitions expansionnistes et nous voulons, en tant que puissance intermédiaire, mettre nos forces militaires au service de notre démocratie et notre politique étrangère pour essayer d'instaurer la paix toutes les fois que cela est possible.
    Si l'on fait exception du grand échec que nous avons dû essuyer — et je parle bien sûr du Rwanda —, nos missions et le déploiement de nos forces se sont plutôt bien déroulés. Si je pense par exemple à la Bosnie, nous avons su déployer des forces en quantité suffisante pour une mission apte à remplir un mandat bien défini. Je peux vous assurer que nous avons grandement contribué à restaurer la paix et la stabilité dans ces pays du monde.
    Avions-nous suffisamment de ressources? En avons-nous assez fait? Ce n'est jamais assez, mais il faut dire que nous nous retrouvions, avant la mission en Afghanistan, avec une force de maintien de la paix que l'on pouvait qualifier de constabulaire à la lumière de son équipement, de son entraînement et de sa philosophie. Nous avions toute une génération d'officiers, presque deux générations en réalité, qui n'avaient jamais rien fait d'autre. Ce déficit s'est creusé encore davantage lorsque nous avons quitté l'Allemagne en 1992.
    Je crois que nous avons fait fausse route, car en définitive les soldats que nous souhaitons pouvoir déployer pour assurer la paix doivent être formés au combat et dirigés en ce sens, sans quoi la mission est vouée à l'échec.
(1120)
    Merci beaucoup, et merci de votre patience, monsieur le président.

[Français]

    Merci, monsieur Drapeau.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier nos deux invités. Je trouve qu'ils ont fait une excellente présentation. Cela commence très bien la discussion qu'on doit avoir. Je ne vous cacherai pas qu'on a discuté longuement. Parle-t-on de peace making ou de peace building? Pour moi, les mots peace making veulent dire « établissement de la paix », alors que les mots peace keeping signifient les missions de paix traditionnelles.
    Je constate que vos présentations contenaient beaucoup d'éléments, et M. Wilfert en a souligné quelques-uns: les intérêts nationaux, ainsi que l'importance des pauses pour les forces armées parce qu'elles sont peut-être un peu fatiguées. J'ai bien apprécié aussi, monsieur Wilfert, votre acte de contrition à l'égard du Collège militaire royal du Canada. Je crois qu'il s'agit d'une erreur historique. Je vois que, maintenant, le Parti libéral est plus enclin à corriger l'immense injustice qui a été faite. J'accueille donc très favorablement votre remarque. Ce n'est pas quémander, c'est un terme à propos pour le président du comité.
    Vous avez soulevé une chose dans votre document dont vous n'avez pas encore parlé. Il s'agit de l'importance du contrôle du Parlement. Je pense qu'on est en plein dans le sujet, actuellement. Quand on parle de transformation, je me demande si ce n'est pas le temps de faire le grand ménage, alors qu'on est sur le point de s'arrêter en Afghanistan. Je parle de grand ménage, et je trouve que le Parti conservateur, lorsqu'il est arrivé au pouvoir, n'a pas procédé de la bonne façon. Ne serait-ce pas le temps de refaire la politique étrangère? Il faudrait une politique qui permette au Canada de dire ce qu'il veut faire dans le monde et quels sont les intérêts nationaux qu'il veut défendre. Une fois cette politique étrangère faite, on passe à la politique de la défense, car c'est un bras très important de la politique étrangère. Que fait-on de notre armée? Je pense que le temps est venu de poser ces questions. Le temps est aussi venu de faire un plan d'acquisition de matériel. C'est la logique qu'a toujours défendue le Bloc québécois. On définit d'abord la politique étrangère, puis la politique de la défense et ensuite le plan d'acquisition de matériel pour accomplir ce qui est demandé.
    Croyez-vous que ce serait le temps de procéder ainsi? Ce que vous nous donnez est large, mais si on était capable de franchir ces trois étapes dans l'ordre, je pense qu'on pourrait parvenir à nos fins. J'aimerais connaître votre opinion à tous les deux là-dessus.
    Monsieur Bachand, sur le plan académique, on peut voir que les politiques étrangères et les politiques de défense s'imbriquent, mais de façon linéaire. Je n'y crois pas. La plupart du temps, les pays répondent à des crises et à des urgences et, surtout depuis le début du XXe siècle, on se déploie pour les guerres comme elles viennent. C'est ce que le Canada fait. On a fait la guerre avec des uniformes qui n'étaient pas appropriés et des véhicules qui n'étaient pas blindés, au tout départ, quand on était à Kaboul. Nous n'avions pas d'avions ni de chars d'assaut. On s'est équipés au cours des combats. C'est ce qui arrive la plupart du temps: les pays font de leur mieux et se mobilisent au fur et à mesure.
    Il est très rare qu'un pays, à la fin d'une guerre, puisse revenir vainqueur, la tête haute, et être capable d'en tirer des leçons et de se faire une image relativement claire de l'avenir. On sait que l'avenir sera aussi dangereux qu'il l'est maintenant. L'Afghanistan n'est qu'un avant-goût de ce qui nous attend. Le Canada n'a pas seulement l'occasion, mais l'obligation de se préparer non pas pour le prochain Afghanistan, mais pour les 100 prochaines années, peut-être, en se dotant de forces, en les structurant et en les équipant. On peut prendre un, deux ou trois ans, le temps qu'il faudra. Ce n'est pas de la partisanerie; nous avons tous un intérêt commun, la sécurité nationale, et il faut avoir les meilleures forces que l'on peut. On sait déjà qu'on aura de la difficulté à garder les effectifs actuels, parce que le recrutement est difficile. Il y a beaucoup de concurrence, que ce soit en raison du commerce ou de toute autre chose. Il y aura des limites à ce qu'on pourra acheter, car cela coûte une fortune. On sait que nos navires doivent être remplacés, tout comme nos avions de combat. On fait une pause pour étudier cela et ensuite on recommence à nouveau. Cela ne se fera pas du jour au lendemain parce qu'on doit être alerte constamment. S'il y avait une urgence, une catastrophe de n'importe quelle sorte, les forces seraient appelées à se déployer immédiatement avec ce qu'elles ont. Il faut faire une pause maintenant avant de renvoyer nos forces à l'étranger et d'accepter une nouvelle mission.
    On doit faire le point et étudier ce que vous mentionnez, la question des acquisitions, de la structure des forces, du recrutement, de l'entraînement et du point de mire des forces. Présentement, l'armée est une armée de combat, mais ce n'est pas le cas des autres éléments. Tout cela a besoin d'examen et je crois vraiment, comme démocrate, que ce comité est le point de départ pour débattre des intérêts politiques, diplomatiques, militaires et tout le reste.
(1125)
    Monsieur Lagassé, j'aimerais connaître votre point de vue.
    En principe, oui, le gouvernement devrait énoncer sa politique étrangère avant d'énoncer sa politique de défense. Cela dit, je mettrais l'accent sur deux points.
    Premièrement, la politique de défense n'est pas uniquement le résultat de la politique étrangère, mais elle est aussi — et c'est d'autant plus important — l'énonciation de sa politique de sécurité nationale. Il faut reconnaître les deux: la défense du Canada est aussi importante que les objectifs de la politique étrangère.
    À mon avis, il faut également reconnaître que la politique étrangère change assez rapidement. Le plus important est vraiment d'avoir des forces flexibles et de commencer les achats le plus vite possible. Alors, en principe je suis d'accord avec vous, mais je crois que la stratégie déjà énoncée par le gouvernement conservateur est suffisante, pour l'instant, pour nous donner un indice de ce qu'on doit acheter et nous indiquer si on a le budget pour le faire. Cette stratégie a été énoncée.
    En principe, les forces ne changeront pas vraiment de nature. Ce seront des forces flexibles, qui peuvent mener des opération de combat et également défendre le Canada et contribuer à la défense du continent. Le plus important présentement, d'après moi, serait d'encourager véritablement cette stratégie et ces achats.
    J'aimerais maintenant répondre à l'autre question, soit celle du contrôle du Parlement. Ce n'est pas votre rôle, mesdames et messieurs, de contrôler la politique du gouvernement. Vous êtes ici pour donner des conseils au gouvernement. Le gouvernement demeure responsable des politiques de défense. Si le comité tente de dénoncer une politique de défense comme telle, il ne joue tout simplement pas son rôle. Son rôle est de donner des conseils au gouvernement.
    Je crois que la seule façon de maintenir le gouvernement responsable et redevable de ses politiques est de lui permettre d'énoncer ses politiques. Je reconnais l'enthousiasme démocrate qu'on a, mais il faut tout de même reconnaître notre système parlementaire. Votre rôle est vraiment de conseiller et non de tenter de contrôler les responsabilités de l'exécutif.
    Merci, monsieur Lagassé.
     Je vais maintenant donner la parole à M. Harris.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lagassé, il semble y avoir à ce sujet un léger désaccord quant à savoir si nous devons nous montrer plus proactifs dans les conseils que nous dispensons ou s'il nous faut plutôt attendre que le gouvernement établisse ses politiques pour ensuite les critiquer. Je penche du côté d'une approche un peu plus proactive, surtout lorsqu'il est question de maintien de la paix ou de missions de paix, lesquelles s'assimilent plus à une action susceptible de définir une nation que certains autres aspects de la défense.
    Colonel Drapeau, j'ai trouvé vos commentaires fort intéressants et j'aimerais bien que vous nous en disiez davantage. Je ne suis certes pas un expert de la contre-insurrection, mais l'Histoire m'a appris que les opérations semblables exigent le déploiement d'effectifs très considérables pour obtenir des résultats très limités, comme en témoignent les études menées au fil des ans sur les opérations militaires de cette nature. Est-ce que le Canada est capable de mener à bien des opérations semblables?
    À mon point de vue, nous devons nous limiter à un rôle accessoire dans le cadre d'une mission dirigée par quelqu'un d'autre. Le Canada devrait-il consacrer de grandes quantités de ressources — et je ne parle pas de spécialisation — à ces opérations ou pourrait-il emprunter d'autres avenues avec des forces aptes au combat? Pour la défense du pays, je conviens avec vous que nous avons besoin de telles forces prêtes à combattre, mais si nous devions nous spécialiser sous d'autres aspects de notre capacité d'intervention, devrions-nous opter pour la contre-insurrection ou envisager d'autres possibilités?
(1130)
    Pour être bref et direct, je vous dirais que j'envisagerais certes d'autres avenues en m'inspirant de l'expérience actuelle en Afghanistan pour faire le point.
    J'estime que lorsque nous réfléchirons à tous les succès obtenus à notre retour au pays — et j'utilise le « nous » au sens le plus large possible —, nous constaterons qu'il nous a été difficile, au sein de l'alliance des forces de l'OTAN, de mobiliser tous les intervenants pour les inciter à mettre l'épaule à la roue. Il ne fait aucun doute que le Canada a fait sa part et même bien davantage. Mais, en dernière analyse, les 100 000 soldats que nous avons déployés en tout et partout en Afghanistan sont bien loin d'être suffisants pour faire de cette mission anti-insurrectionnelle non seulement une réussite, mais un succès incontestable.
    Alors pourquoi donc le Canada, petite force militaire, voudrait-il se lancer à nouveau dans une mission aussi périlleuse? Il faut en outre se demander si notre intérêt national est bien servi et ce que nous tirons d'une opération semblable qui n'est qu'une possibilité parmi d'autres dans le continuum des missions de combat. Je ne crois pas que le Canada dispose de forces armées d'une taille suffisante pour s'engager dans une autre opération de ce type. Je ne pense pas non plus que c'est ce que souhaite la nation canadienne. Si nous devions récidiver, nous voudrons sans doute nous assurer que nous engageons le combat aux côtés de tous nos alliés, sans exception, de telle sorte que nous fassions notre juste part, mais pas davantage.
    Je ne suis donc pas favorable à ce que nous équipions et déployons nos forces dans le cadre d'autres missions de contre-insurrection. Cela ne figurerait pas en tête de ma liste des choses à faire, bien au contraire.
    Je vous remercie.
    Tout en reconnaissant, bien évidemment, comme nous en sommes tous conscients, que nous avons subi là-bas de bien lourdes pertes, j'estime intéressant de souligner que plusieurs de nos efforts de combat ont aussi été couronnés de succès. Vous avez indiqué que nous pouvons désormais compter sur des soldats exercés au combat et que, chose intéressante, cette expérience est particulièrement importante dans le cas des sous-officiers, les commandants sur le terrain qui dirigent les forces, les commandants de peloton, etc.
    Je mets ces constatations en parallèle avec vos commentaires au sujet de la lourdeur de l'organisation pour ce qui est de ses officiers ou de ses têtes dirigeantes. Vous avez considéré des ratios permettant d'évaluer la situation au Canada par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni; je ne sais pas si ce sont les meilleurs bases de comparaison possibles. Ces pays ont des armées gigantesques et il se peut qu'il y ait certaines économies d'échelle.
    Si nous donnons suite à votre suggestion de transformer nos forces pour les rendre plus efficientes, il faudrait notamment, je présume, réduire le nombre d'officiers et confier à chacun davantage de forces directes, peut-être réduire le personnel à l'administration centrale du MDN ou reconfigurer l'organisation d'une manière ou d'une autre. Quelles sont les tâches superflues que l'on pourrait supprimer, si je puis m'exprimer ainsi?
    Monsieur Harris, vous n'avez pas idée du nombre d'études qui ont pu être réalisées à ce sujet. Lorsque j'étais au sein des forces, j'ai moi-même participé à trois ou quatre missions visant à trouver un moyen de réduire la taille du Quartier général de la Défense nationale, qui employait à l'époque entre 10 000 et 15 000 personnes, incluant civils et militaires, ce qui est énorme.
    En outre, nous avons mis sur pied après notre déploiement en Afghanistan différentes organisations, dont Commandement Canada et Commandement expéditionnaire Canada, qui drainent elles aussi notre bassin d'officiers et d'agents civils supérieurs.
    Je veux simplement faire valoir que la lourdeur actuelle de nos structures administratives nous prive d'effectifs qui pourraient grossir les rangs de nos unités de combat, de nos escadrons, etc. Le moment est venu de nous pencher sur la question à nouveau et je ne crois pas que les Forces canadiennes, compte tenu des pressions qui s'exercent sur elles, de leur petite taille et des problèmes de recrutement et de rétention qu'elles connaissent, peuvent continuer à maintenir un ministère de la Défense nationale dans ses dimensions actuelles, sans compter toutes ces nouvelles instances administratives mises en place il y a quatre, cinq ou six ans, je ne sais plus trop. Dans le cadre du processus de transformation, il faudra chercher à réduire la taille d'une partie de ces structures, plutôt que de les considérer comme un fait accompli.
(1135)
    J’ai une dernière question, et vous pouvez intervenir tous les deux si vous voulez faire une observation. Selon vous, en ce qui concerne les opérations de paix, l'armée canadienne pourrait-elle jouer un rôle dans un troisième type d'activité?
    Vous avez présenté toute la gamme des rôles, du maintien de l’ordre jusqu’aux combats intenses. Dans un commandement militaire, pourrait-on envisager une démarche différente concernant la résolution de conflits et les activités de consolidation de la paix, dans le cadre de laquelle les militaires travailleraient activement avec la société civile et des groupes opposés pour rapprocher les gens et aider les pays aux prises avec un conflit militaire, dans un certain effort de réconciliation? Bien sûr, les soldats seraient présents, mais ils seraient également là pour rapprocher les gens, au lieu de s'interposer entre eux ou de les combattre. Croyez-vous que nos forces pourraient jouer un tel rôle militaire?
    Soyez bref.
    La réponse courte, c’est que je l’ignore, car cette question chevauche la diplomatie et l’armée. S'il y a un moyen de le faire, pourquoi pas? S’il existe un moyen d’empêcher la perte d'un soldat, ce serait intéressant d'essayer, mais j’ignore comment on pourrait intégrer cela dans le mandat d'une des forces armées combattantes. Si c’est possible, libre à vous.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président, et je remercie également les deux témoins d'être des nôtres.
    Tout d'abord, je tiens à dire que les Forces canadiennes, au moins au cours des deux dernières années, ont dépassé leurs objectifs de recrutement, ce qui présente un défi sur le plan de la formation. De surcroît, les départs naturels ont diminué.
    Monsieur Lagassé, vous avez parlé de la défense du Canada et des demandes d’aide au pouvoir civil qui doivent être formulées avant tout déploiement, quelle que soit la raison. N'est-il pas juste de dire que les situations d’aide au pouvoir civil peuvent se présenter très rapidement et que nous pourrions ne pas être en mesure d’y donner la priorité si nos forces sont déjà déployées ailleurs?
    Effectivement, je crois que c'est une partie du problème. Admettons que l’on doive déployer les Forces canadiennes après 2011 dans une opération d'envergure internationale et qu’une crise interne majeure éclate en même temps — qu’il s’agisse de la gestion de conséquences environnementales ou d’une autre situation pour laquelle le vaste concours des Forces canadiennes est instantanément nécessaire. Si les Forces canadiennes étaient incapables d’intervenir d'une manière à laquelle s’attendent les Canadiens, le gouvernement aurait beaucoup de mal à expliquer pourquoi.
    Si l'on considère l'armée en fin de compte comme une police d'assurance, il faut reconnaître que nous avons besoin d'une certaine force pour être en mesure d’intervenir, quel que soit l'événement qui se produit au Canada. Il faudrait donner la priorité au pays pour pouvoir composer avec une telle situation.
    Je suis conscient que cela peut nuire à notre activité sur la scène internationale et à notre capacité de déployer des forces à l’étranger et de participer à ces types d'opérations. Cependant, si nous prenons la politique pour ce qu’elle dit, que nous prenons au sérieux notre engagement concernant la défense du Canada et des Canadiens et la paix du pays et que nous en faisons notre priorité, nous devrions retenir un nombre suffisant de militaires pour être en mesure d'entreprendre ces types d'opérations, indépendamment de nos autres opérations à l’étranger.
    De toute évidence, l'opération en Afghanistan a nécessité beaucoup de ressources, mais nous avons néanmoins pu déployer 4 500 personnes pour assurer la sécurité des Jeux olympiques ainsi que 2 000 personnes en Haïti. C'est là que les réserves ont un rôle à jouer, bien entendu. Nous avons une grande capacité pour ce faire. Certes, il s’agit d’une police d'assurance, mais par ailleurs, où la défense du Canada commence-t-elle? Ce n’est pas nécessairement au Canada. Il se peut que ce soit dans un pays étranger, comme c’est déjà arrivé par le passé. La police d'assurance n'est pas seulement à l'intérieur de nos frontières. Selon moi, elle s’inscrit dans le cadre de notre obligation envers la communauté internationale de faire partie des alliances et du groupe de pays qui font la bonne chose.
    La contribution à la défense est importante; je suis d'accord avec vous. Par ailleurs, j’insiste de nouveau sur le point suivant: quel genre de réponse un gouvernement donnerait-il aux Canadiens si une crise majeure ou une catastrophe naturelle...? Prenons un exemple qui s’inspire de la situation américaine actuelle dans le golfe du Mexique. Si les forces n’étaient pas en mesure d'aider suffisamment les collectivités côtières au Canada et que le gouvernement répondait qu’il a des obligations internationales ailleurs, les Canadiens ne seraient pas très satisfaits. Autrement dit, il faut avoir la capacité de répondre à ces crises, quels que soient nos engagements de sécurité à l’étranger.
(1140)
    Vous dites donc que nous ne devrions jamais envoyer de troupes à l’étranger parce qu’un grand incident pourrait survenir au pays. À mon avis, cette démarche est irréaliste.
    Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que j’aimerais, c'est…
    On dirait bien.
    … que nous nous rendions compte qu'il faut garder une partie de nos forces au Canada pour ces types d'opérations. Si nous prenons au sérieux la politique de votre gouvernement, « Le Canada d'abord », qu’il s’agit de la vraie priorité du gouvernement et que nous devons le prendre au mot, c’est donc ce qu’il faudrait mettre en oeuvre au moyen de la politique.
    « Le Canada d'abord » ne signifie pas nécessairement que tout doit se faire à l'intérieur des frontières du Canada, par contre.
    J’aimerais passer à un autre sujet. Vous avez proposé de n’aller nulle part sauf s’il y a une certaine garantie de réussite. Il est plutôt difficile de le garantir quand il s’agit d’opérations semblables à celles que nous avons menées. D’ailleurs, en Bosnie, nous avions envoyé les casques bleus initialement pour le maintien de la paix, mais l’opération est devenue très différente. Nous n’avons pas de boule de cristal pour prédire ce qui va se produire.
    Pour cette raison, il y a eu des réflexions par rapport aux interventions au Congo ou au Soudan. Sur votre échelle de « probabilité de réussite », où mettriez-vous quelques déploiements potentiels dans de tels pays?
    Ils ne seraient pas très élevés. Je serais très réticent à envoyer les forces sans engagement important à de telles missions de la communauté internationale, particulièrement de nos principaux alliés.
    Pour en revenir à ce point, je crois qu'il est juste de dire que nous n’aurions pas pu avoir de boule de cristal en 2005, quand nous avons décidé de nous rendre à Kandahar. Cependant, les documents de l’époque devraient révéler que l’on a quelque peu pris cette décision au pied levé et que nous ne comprenions peut-être pas clairement ce que la réussite de la mission entraînerait et à quoi elle ressemblerait. Le simple fait de vouloir participer à la défense sur la scène internationale et de vouloir jouer un rôle à l’étranger peut parfois engendrer de grandes difficultés et des engagements que nous ne sommes tout simplement pas prêts à respecter à long terme. C'est vraiment ce que j’essaie de dire. Notre enthousiasme quant au rôle que nous voulons jouer dans le monde ne devrait pas dépasser notre évaluation de ce que nous pouvons réellement apporter à long terme.
    En effet, c'est un bon point. Je crois qu'il est également juste de dire que, même pendant la guerre de Corée et la Seconde Guerre mondiale, des groupes non négligeables de Canadiens étaient farouchement opposés à ces opérations. Je doute donc que, quoi que nous fassions, les Canadiens nous appuient entièrement. Il y a aura probablement toujours un nombre important de personnes qui vont s’opposer à nos actions.
    Je crois que vous êtes en train de déformer légèrement ce que j’essaie de dire. Pour être honnête, je ne suis pas en train de dire que toute la population doit appuyer une mission. Je dis tout simplement que, sur ce dernier point, lorsqu’il s'agit d’unité nationale, il ne faut pas entreprendre des missions qui divisent grandement le pays, que ce soit en fonction de la langue ou de la région. Nous devons tout simplement en être conscients lors du déploiement.
    Pour revenir au point de départ, quand il y a une crise existentielle majeure et que la survie de l'État canadien ou l'ordre international est en jeu, il faut bien sûr s’attendre à un engagement complet. Selon moi, l’on ne peut pas nécessairement faire la même revendication en ce qui concerne la mission à laquelle nous participons actuellement.
    C'est un bon point. Les opérations évoluent parce que l'ennemi y est notamment pour quelque chose. Elles ne changent pas simplement parce que nous, qui représentons 3 p. 100 des forces en présence, voulons qu’elles évoluent d'une certaine manière.
    J’aimerais connaître votre point de vue à propos des intérêts nationaux. Il semble que nous mettons les intérêts nationaux, les valeurs, etc. dans le même sac. Pouvez-vous nous donner votre opinion quant aux intérêts nationaux sur lesquels nous devrions mettre l’accent quand nous nous rendons quelque part? La paix est une évidence même. C'est dans l'intérêt de tous. S’agit-il de l’économie? Est-ce la sécurité, et si c’est le cas, où commence-t-elle? Je crois qu’elle commence à l’étranger et non au Canada. À votre avis, comment devons-nous définir les intérêts nationaux et les valeurs?
    Je crois qu’au Canada, les deux intérêts nationaux majeurs constituent notre mode de vie à la fois sur le plan des valeurs et de la prospérité économique. Pouvons-nous établir un lien direct entre ces valeurs et intérêts et de nombreuses opérations internationales que nous avons menées par le passé? Oui, c’est possible. Par ailleurs, il y a certaines autres opérations pour lesquelles un lien direct ne peut être établi.
    Dans l'avenir, voici certaines opérations pour lesquelles j’estime que nous pouvons démontrer un apport quant à ces intérêts. D'abord et avant tout, il faudrait garder les lignes de communication maritimes, qui sont vitales pour l’armée et pour notre prospérité en tant que nation commerçante. Vient ensuite la stabilité des grandes régions pour lesquelles nous avons un intérêt, comme l'Europe orientale ou occidentale. C’est moins le cas de l'Asie centrale, car je doute que l'on puisse actuellement établir un lien démontrable entre notre mode de vie principal et la prospérité économique de cette région, ainsi que de certains endroits de la région du Pacifique. Une instabilité majeure dans cette région, particulièrement l'hostilité entre certaines grandes puissances de la région, nous toucherait directement, mais il faudrait en même temps évaluer cette situation en tenant compte de ce que nous pourrions faire pour la résoudre.
    Une légère variante de cette question consisterait à nous demander s’il faut également afficher une certaine camaraderie et un peu de solidarité envers notre principal partenaire commercial. Oui, nous le devons. Dans certains cas, il est important de montrer aux États-Unis que nous sommes de bons alliés et que nous prenons également leur sécurité au sérieux. Cela peut souvent justifier le déploiement des Forces canadiennes. Cependant, il faut décider combien de ces forces envoyer et à quel coût, pour montrer que nous sommes de bons alliés. Pour l’Afghanistan, je ne suis pas tout à fait certain que nous avons établi cet équilibre de la manière la plus efficace possible.
(1145)
    Je vous remercie.
    Monsieur Dosanjh.
    J'ai juste une question. Je trouve intéressant que le colonel Drapeau parle de l'intérêt national et qu’à la fin, vos cinq ou six points définissent en quelque sorte ce concept, directement ou indirectement.
    J’aimerais avoir des éclaircissements. Dans les points 3 et 4 en particulier, êtes-vous en train de dire que nous n'avons pas examiné ces questions correctement avant de nous rendre en Afghanistan?
    Oui. Je veux dire par là que nous pouvons tirer la leçon suivante de la mission à Kandahar en particulier: nous n'avons pas tenu compte de toute la dynamique régionale quand nous nous sommes initialement engagés dans cette mission. Nous n'avons pas vérifié si notre plus important partenaire dans cette mission y était entièrement engagé en 2005, étant donné que ses forces étaient également occupées à régler un autre conflit majeur dans la région. Avant de nous engager dans la mission à Kandahar, nous n'avons pas vraiment analysé si nos objectifs, tels que l’élaboration du Pacte pour l'Afghanistan, étaient réalisables, compte tenu de notre engagement. Or, nous avons pourtant pris ouvertement un engagement à long terme dans un sens. Ce n’était peut-être pas en connaissance de cause, mais nous ne savions pas s'il y aurait une relève quelconque après un certain temps, et cet aspect n’a pas été négocié avec les autres alliés de l'OTAN avant le déploiement. Nous nous sommes exposés à beaucoup de risques et de coûts.
    Je n'ai qu'une autre question, après quoi mon collègue prendra le relais.
    En ce qui concerne l'unité nationale, ce point est très important. De toute évidence, nous avons connu des expériences par le passé en ce qui concerne la question de l'unité nationale et de la guerre. Cependant, croyez-vous qu’une mission de paix ou une mission comme celle de l’Afghanistan pourrait susciter des divisions semblables à ce que nous avons connu par le passé?
    À mon avis, même un déploiement pour le maintien de la paix dans certaines régions du Moyen-Orient — à savoir Israël, le Liban ou d’autres pays environnants — pourrait engendrer quelques divisions importantes dans notre société relativement à ce que sont nos engagements réels. Ce serait particulièrement le cas si nous ne maintenions pas une stricte neutralité, ce que nous avons délaissé au cours des dernières d'années. J'ai donc de sérieux doutes quant à certains types d'opérations de paix dans cette région du monde, notamment.
    Vous vouliez partager votre temps? Il vous reste encore deux minutes.
    Vous parlez de moderniser nos forces. Quoi que nous fassions, elles vont devoir évoluer dans un nouveau monde technologique. Lors de la guerre de l’Indépendance, les soldats britanniques défilaient dans la rue et on tirait sur eux depuis la forêt, ils n’ont pas réussi à s'adapter. Cela me rappelle ce que vivent actuellement nos troupes en Afghanistan, où nos ennemis ont recours à une nouvelle manière de faire la guerre contre nous, ce qui a causé la plupart des décès dans nos rangs.
     Selon vous, faut-il transformer nos pratiques de la sorte pour fournir des réponses de haute technologie aux nouveaux types d'outils utilisés contre nous?
    Je ne pense pas que la façon de conduire la guerre en Afghanistan ait rien de nouveau. Le recours aux bombes de circonstance remonte aussi loin que l'invention de la poudre à fusil. Une bombe de circonstance ne coûte pas grand-chose et il n'y a pas besoin de grandes compétences pour la construire, ni pour la dissimuler et qu'elle cause les dégâts voulus.
    La lutte contre un ennemi qui est doté de moyens rudimentaires, qui ne se montre pas — il ne porte pas d'uniforme, il agit dans le noir et ne s'engage pas dans le combat — date d'aussi loin que la guerre, d'aussi loin que la contre-insurrection. Il nous faut prendre des mesures, et nous en avons prises, notamment en nous munissant d'autres véhicules blindés, en recourant plus au déploiement tactique pour essayer d'en tirer des leçons, et c'est toujours ce que nous faisons. Mais au bout du compte, ce n'est pas le meilleur exemple de conduite de la guerre. Ce n'est certainement pas une opération militaire classique en soi.
    Indépendamment des énormes succès remportés et des dures leçons apprises en Afghanistan, les Forces doivent tourner le regard vers l'avenir, et non pas tant se rééquiper que se reconfigurer. Dans certains cas, il faudra du nouvel équipement et mettre au rencart une partie de l'équipement. De retour au Canada, qu'allons-nous faire, par exemple, des chars d'assaut achetés? Avant d'aller en Afghanistan, nous avions passé 50 ans sans le moindre char d'assaut au Canada — nous en avions en Europe, mais pas ici. Alors une certaine restructuration s'imposera.
    En fait, quand on parle de restructuration, je me demande bien par où on commencerait. C'est pourquoi je dis qu'il nous faut un temps de réflexion.
    Il y a un enjeu sur lequel nous devons nous pencher de toute urgence, celui du Grand Nord. Qu'allons-nous faire, comment allons-nous assurer une présence militaire? Quand? Sous quelle forme et dans quel but, dans le Nord? Je pense qu'il est de plus en plus reconnu qu'il nous faut faire plus, et je pense que le gouvernement actuel fait des progrès en ce sens.
    Deuxièmement, et je terminerai ici, je pense que notre milice a joué un rôle de force parallèle, et non de force totale. Nous avons largement exploité les ressources de la milice depuis notre déploiement en Afghanistan: de 15 à 20 p. 100 des soldats qui sont en Afghanistan sont des membres de la réserve. C'est bien; ils ont servi comme renfort individuel. Qu'allons-nous faire maintenant pour assurer la sécurité du pays, pour assurer une présence militaire partout au Canada, dans chaque province et chaque territoire? Y a-t-il meilleur usage à faire de l'argent investi dans la milice et, de fait, les sommes qui y sont investies suffisent-elles? Et faudrait-il équiper et former la milice comme elle l'est maintenant, ou encore comme elle devrait l'être dans le futur?
(1150)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Drapeau.
    Je donne maintenant la parole à M. Braid.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président et merci beaucoup messieurs, d'être ici aujourd'hui.
    Si je vous ai bien compris, il me semble avoir entendu que notre priorité devrait être la protection du Canada et du territoire canadien. Pour commencer, j'aimerais vous demander, si vous le voulez bien, d'expliquer certaines des menaces qui pourraient peser sur le territoire canadien et auxquelles nous devrions nous préparer.
    D'abord et avant tout, le Canada est un pays commerçant, et nous sommes tributaires du commerce international. Alors, il est absolument essentiel, en premier lieu, d'avoir des routes de navigation ouvertes. Il est important d'affirmer notre gouvernance territoriale sur l'océan et nous avons là un vaste territoire à couvrir; des étrangers viennent pêcher dans nos eaux, polluer nos eaux. Il est tout à fait primordial d'assurer une présence et d'être en mesure de les intercepter. Alors, je dirais que ce sont là nos priorités absolues.
    Deuxièmement, compte tenu de la menace omniprésente du terrorisme, il faut aussi protéger notre espace aérien.
    Je commencerais par là. Nous avons une frontière mitoyenne avec les États-Unis et nous avons conclu avec eux un arrangement en matière de défense. La menace terrestre n'est donc pas aussi grande.
    Mais comme je le disais tout à l'heure, il nous faudra maintenir une présence militaire dans le Nord, ne serait-ce que pour assurer, affirmer ou défendre notre souveraineté. Je pense que c'est l'essentiel des mesures à prendre.
    La dernière chose, c'est qu'il faudrait répartir l'effectif dans tout le Canada pour qu'il puisse intervenir en cas de catastrophe naturelle. Je répondrais à votre question par une autre question: comment réagirions-nous demain s'il survenait une catastrophe, disons, en Colombie Britannique, où nous n'avons pas d'effectif? C'est une chose qui me préoccupe.
    Je vous remercie.
    Je reviendrais sur ces éléments fondamentaux: la gestion des catastrophes naturelles et des conséquences; la protection de l'infrastructure essentielle aussi, qui doit se faire avec beaucoup plus d'efficacité; la sécurité informatique; la recherche et sauvetage, qu'on renvoie toujours aux calendes grecques. Deux gouvernements subséquents ont déjà repoussé cette question à plus tard. C'est inacceptable. Si la protection des Canadiens est la priorité des forces de défense canadienne, la force de recherche et sauvetage devrait être en tête de liste en matière d'approvisionnement.
    Je vous remercie.
    Monsieur Drapeau, vous avez parlé du fléau du terrorisme international comme de l'une des menaces qui pèsent sur le Canada et le territoire canadien. Comment faire face au terrorisme en provenance de l'étranger? Comment y réagir?
(1155)
    En un mot, je vous dirais que je l'ignore, parce que je ne sais pas s'il existe une « solution militaire » à ce problème. Je dirais plutôt qu'il nous faudra probablement revenir à l'essentiel — nous, de concert avec nos alliés — pour déterminer s'il n'y a pas meilleur moyen de conjuguer nos efforts nationaux et internationaux. Je pense surtout à l'efficacité de notre appareil de renseignement, qui semble faire quelque doute. C'est par là que je commencerais.
    Nous pouvons investir énormément en ressources automatisées, humaines, etc. Mais à moins d'avoir des renseignements valables en temps opportun et d'en échanger une partie — et je ne suis pas sûr que nous le fassions actuellement —, je ne crois pas que nous ayons la clé, la bonne formule. Ce n'est pas une critique; c'est seulement un constat. Ils sont plus astucieux et plus technologues, mieux capables de franchir les frontières, d'emprunter les voies aériennes ou maritimes, etc. Donc, le renseignement revêt une importance primordiale. De plus, non seulement la coopération, mais aussi la mise en commun des services de renseignement, des forces constabulaires et de l'armée pourraient donner jour à une nouvelle formation, une nouvelle organisation pour faire face à cette menace. Je ne crois toutefois pas que nous en soyons déjà là.
    Monsieur Drapeau, permettez-moi de poursuivre. Vous avez dit aussi dans votre déclaration qu'à l'avenir, après l'Afghanistan, vous ne recommanderiez pas un rôle de « maintien de la paix » exclusif parce que ce serait dangereux. Pourriez-vous préciser votre pensée et expliquer pourquoi?
    Si c'est ce que vous avez compris de mes propos, c'est que je me suis mal exprimé. Je n'appuierais pas le déploiement rapide d'une force opérationnelle des Forces canadiennes à moins d'une urgence véritable, ce que je ne vois pas se profiler à l'horizon. C'est une première chose.
    Deuxièmement, ce que je ne ferais pas à cause des leçons que nous avons apprises à très gros prix, c'est rétablir un rôle de maintien de la paix, ou une mentalité ou une philosophie de maintien de la paix au sein de nos Forces. Nous devons entretenir ce que nous avons acquis par l'expérience et la connaissance du combat, notre maturité, nous assurant de le maintenir à ce niveau particulier. Autrement dit, si nos Forces peuvent jouer dans la LNH du combat — l'Afghanistan —, elles pourront s'acquitter de n'importe quelle mission de maintien de la paix.
    Il n'en est pas de même de l'inverse. Si nous abaissons les niveaux de notre équipement, de notre formation et de nos attentes à l'égard de nos Forces pour qu'elles soient tout juste « assez bonnes » pour assurer le maintien de la paix, le jour où elles devront aller au combat, nous allons les trouver déficientes. C'est ce qui nous est arrivé au début, en Afghanistan: pour tout équipement, nous avions de vieux Iltis. Ce n'était pas tellement les armes, mais plutôt le fait que l'équipement n'était pas assez blindé et que nos soldats n'avaient pas connu le champ de bataille. Je ne dis pas qu'il nous faut aller sur le front. Je propose plutôt d'augmenter l'intensité pour qu'ils soient préparés à intervenir dans le pire des cas...

[Français]

    Thank you very much.
    Je vais donner la parole à Mme Faille, étant donné qu'elle remplace M. Paillé.
    Je crois que vous allez partager votre temps de parole avec M. Bachand.
    Je n'ai qu'une courte question à la suite des propos de M. Drapeau. Je siège au Comité permanent des comptes publics, ce qui fait que je travaille sur les rapports de la vérificatrice générale, et nous avons actuellement devant nous deux rapports. Une critique de la vérificatrice générale porte sur les acquisitions militaires et une autre sur l'évaluation des programmes.
    Monsieur Drapeau, dans votre document, vous avez insisté sur la question de la gouvernance, soit sur la nécessité pour la Défense nationale d'exercer l'autorité sur son budget et sur l'approvisionnement en systèmes d'armes d'importance. Questionnés à ce sujet, les hauts dirigeants du ministère de la Défense nationale et de celui des Travaux publics et des Services gouvernementaux nous ont présenté leurs doléances. À notre grande surprise, ils ont surtout affirmé que, malheureusement, à ce jour, ils n'avaient pas de règles pour déterminer ce qui constituait un achat urgent. Quant aux acquisitions, ils n'étaient pas dans la possibilité de faire des achats rapidement.
    Malheureusement, l'élément déclencheur d'urgence a été les catastrophes que vous avez énoncées: l'arrivée en Afghanistan avec des équipements inadéquats, la mauvaise gestion du matériel qui arrive, des inventaires inadéquats, les Leopard C1 et Leopard C2, ceux-ci étant incapables de prendre les équipements militaires nécessaires au théâtre d'opérations.
    J'aimerais entendre votre opinion à propos des achats militaires. Quel rôle pourrions-nous jouer? Quelles améliorations pourraient être apportées du point de vue des mécanismes de contrôle à l'intérieur des différents ministères? On sait qu'actuellement on a une unité spéciale à la Défense nationale et que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux travaille maintenant de façon plus conjointe; on a reçu la procédure qui y est suivie. Par contre, pour les approvisionnements à la base, il a de la difficulté à faire des évaluations de programme, à déterminer ce qui va arriver dans l'avenir ainsi qu'à faire les achats urgents.
(1200)
    Madame Faille, je ne sais pas par où commencer, mais laissez-moi prendre au plus court. Comme j'étais officier de la logistique au sein des Forces canadiennes, j'ai acquis de l'expérience avec les achats publics. Depuis ce temps, je m'aperçois que le problème réside peut-être dans l'abondance et la duplication de contrôles. Nous avons deux ministères qui ont effectivement chacun une responsabilité et un désir ardent d'aller chercher le meilleur possible pour nos soldats, je n'en doute pas du tout. Cependant, ils ne travaillent pas à l'unisson, mais de façon linéaire.
     Le ministère de la Défense nationale a une cellule, une division des achats publics très importante avec une bureaucratie très lourde. Et une fois qu'elle a fait son travail de façon minutieuse, ça se rend à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui a une bureaucratie encore plus lourde. Ça peut donc prendre 20 ans pour faire l'acquisition d'un vaisseau et ça coûte une fortune. Or, lorsque se pointe à l'horizon un nouveau danger auquel on doit répondre, le chef de la Défense nationale, le premier ministre ou les gens responsables d'approvisionner nos militaires en situation de combat doivent suivre des procédures extraordinaires. Ils diront: « We want it, we want it now. » En réalité, pour ce qui est des systèmes d'achats publics, tant le ministère de la Défense nationale que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ou encore les deux ensemble, sont incapables de réagir.
    Que peut-on retenir de tout ça? Ça nous coûte probablement beaucoup plus cher. On a probablement ajouté, au fil des ans, des couches de peinture pour s'assurer d'avoir un meilleur système, plus confortable, pour éviter les abus, les fraudes ou les erreurs. Et où est-on rendu? On est embourbé.
    Alors, ma recommandation est simple: revenons peut-être à ce que nous avions il fut un temps. Donnons au ministre de la Défense nationale, qui a la responsabilité ultime de défendre la sécurité du pays et de motiver ses soldats à aller au combat, les outils nécessaires, c'est-à-dire une agence d'achats publics — ce que j'appelle une agence d'approvisionnement. Ça a déjà existé. Quand j'étais dans les Forces canadienne en 1960, on avait exactement ça. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pourrait alors s'occuper du matériel de bureau et des produits qui ne sont pas purement militaires.
    Je ne pense pas être le seul à réclamer ce genre de choses. Lorsqu'il est question de configuration et de reconfiguration, c'est une des étapes par laquelle je commencerais, c'est-à-dire déterminer ce qu'on fait.
    Merci. Le temps est écoulé.
    On a cinq minutes pour M. Boughen.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je n'ai aucune question à poser. Je laisserai la parole à mon collègue.
    Monsieur Payne.
    Merci, monsieur le président et merci à vous, monsieur Boughen.
    Je vous souhaite la bienvenue messieurs.
    J'écoutais avec intérêt, monsieur Lagassé, ce que vous disiez au sujet du troisième point vignette, sur les missions expéditionnaires et les capacités, le fait que le Canada doit éviter ce genre de situations qui auraient de toute évidence moins de chances de succès. Je pense que c'est un élément important et j'aimerais que vous précisiez votre pensée, particulièrement sur la collaboration avec nos alliés, que ce soit les Nations Unies, l'OTAN...
    Tout d'abord, permettez-moi de vous décrire un peu le contexte. Je serai bref.
    L'idée n'est certainement pas nouvelle. Aux États-Unis, avant 2001, ils avaient ce qu'ils appelaient la doctrine Weinberger, devenue ensuite la doctrine Powell: on ne doit s'engager dans une situation qu'avec une certaine capacité, une force d'une certaine envergure, en ayant au préalable défini ses objectifs. Je pense que c'est un principe simple, que nous devrions aussi avoir à coeur, en tant que pays qui, toujours, se joint à d'autres, et en tant qu'allié plus modeste. C'est-à-dire qu'à moins que nos alliés se mobilisent en sachant précisément ce qu'ils cherchent à accomplir, à moins qu'ils s'engagent avec une certaine capacité et sachent exactement le rôle qu'ils veulent que nous jouions, et à moins aussi que nous sachions ce que nous pouvons apporter... C'est la clé du succès.
    Si, par contre, nos alliés plus imposants ne savent pas exactement ce qu'ils espèrent accomplir, si nous n'avons pas d'indication claire qu'ils s'investissent résolument dans la mission qu'ils ont à l'esprit, et si nous ne sommes pas bien sûrs de notre rôle dans l'équation, à part simplement remplir les tâches les plus difficiles, nous devrions nous garder d'y participer.
    Ce n'est certainement pas une idée fantasque. Nous avons maintenant l'expérience. Nous nous acquittons de la mission depuis cinq ans. Il ne faudrait jamais accepter une mission parce qu'aucun autre pays ne veut s'occuper d'une certaine région d'un pays instable. En résumé, c'est un mauvais motif pour s'engager dans une opération. Bon, nous pouvons penser que c'est notre obligation en tant qu'alliés. D'un autre côté, nous en ressortons perdants, quand personne ne veut se proposer pour prendre notre relève le moment venu.
(1205)
    Je vous remercie.
    À ce propos, nous avons évidemment lu beaucoup au sujet de l'OTAN et de sa réticence à exposer les troupes militaires d'autres pays à une situation dangereuse. À votre avis, y a-t-il moyen de pousser l'OTAN, ainsi que les autres pays, à assumer leur juste part du fardeau, si on peut dire?
    L'idée ne m'enthousiasme pas. En deux mots, à moins de savoir, en nous joignant à une opération, que nos alliés américains, britanniques ou australiens sont prêts à mobiliser pour elle un effectif important, je pense le Canada devrait bien y penser avant de s'engager. Je ne crois pas que nos alliés allemands et français aient démontré qu'ils sont prêts à prendre des risques et à subir les conséquences de tâches difficiles. J'hésiterais à dire qu'à l'avenir, les Forces canadiennes devraient s'engager dans des opérations avec des pays qui n'ont pas démontré en Afghanistan qu'ils sont prêts à subir des pertes ou à prendre de gros risques.
    D'accord.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Une minute.
    Alors, je serai très bref.
    Que pensez-vous de l'évolution actuelle du droit humanitaire international en ce qui a trait aux opérations de paix, de maintien ou de rétablissement de la paix?
    Il sera extrêmement difficile de mener même ce genre d'opérations dans l'avenir, comme on le voit — et comme vous le constatez tous — avec la situation actuelle en ce qui concerne les détenus. Le fait reste que les options qu'avait le Canada en Afghanistan et face à ces détenus étaient limitées. On aurait pu construire nos propres prisons, ce qui aurait été très coûteux et aurait constitué une cible très facile, et nous n'en avions tout simplement pas les ressources nécessaires. On aurait pu remettre ces prisonniers aux États-Unis, ce qui était déjà politiquement inacceptable au Canada depuis 2002, ou encore au pays où nous menons nos opérations, avec leur permission. Cela aussi est inacceptable pour diverses raisons — du moins dans l'esprit de certains critiques.
    Maintenant, le pays hôte pourrait un jour être clairement résolu à respecter les droits de la personne et à appliquer ce type de normes. Nous pourrions compter sur lui pour composer avec les prisonniers et les détenus. Il n'en serait pas ainsi de toutes les opérations. Nous devons nous montrer très prudents et être conscients, en nous engageant dans une situation, que ce pourrait être le cas et que nous n'aurions qu'une marge de manoeuvre très limitée avec les prisonniers. Le droit humanitaire international soulève aussi la question — et j'espère que quelqu'un d'autre abordera le sujet — de savoir précisément qui nous devons traiter comme des combattants et qui n'en est pas. Mais je pense que la politique actuelle consistant à traiter tout le monde conformément à la Convention de Genève est la bonne.
    Merci beaucoup.
    Nous laissons maintenant la parole à M. Bagnell, pour cinq minutes.
    Je vous remercie.
    En fait, je n'ai qu'une question à poser, à laquelle je vous invite tous deux à répondre.
    Vous savez qu'il y a au Canada un grand mouvement d'ONG en faveur de la création d'un ministère de la paix. Je suis sûr que vous avez reçu des courriels à ce sujet. J'aimerais savoir ce que vous pensez du concept. Est-ce que chacun de vous peut répondre?
    Je ne suis ni pour, ni contre. Je pense que nous sommes un peuple pacifique, et notre gouvernement dans son ensemble est certainement un ministère de la paix, de par sa politique étrangère et ses politiques nationales. Quant à dire si nous devrions avoir un pareil ministère, je pencherais plutôt pour une réduction du gouvernement que son élargissement.
    Je pense qu'une agence serait très probablement une meilleure solution, une agence qui pourrait vraiment assurer la collaboration de tout le gouvernement, entre l'ACDI, certains éléments des Forces canadiennes, le MAECI, Sécurité publique et la GRC. Ce serait quelque chose que je verrais d'un bon oeil.
    Par contre, l'idée qu'un ministère entier se consacre à cette tâche... je ne vois pas exactement quelles responsabilités il assumerait et comment il rendrait compte du type d'actions qu'il entreprendrait.
    Une agence sous l'égide du ministère des Affaires étrangères me semblerait plus appropriée. C'est ce que nous avons avec le GTSR, le nouveau concept que nous avons formulé pour composer avec les États défaillants et fragiles. Je pourrais concevoir qu'on donne plus d'ampleur à ce volet particulier des fonctions du ministère.
(1210)
    Merci beaucoup.
    J'accorde maintenant la parole à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'adresse par votre intermédiaire à M. Lagassé. Ne pensez-vous pas que l'annonce précoce de l'échéance officielle d'un déploiement expéditionnaire donnerait certains avantages aux belligérants, sur le plan de la planification?
    Je vous pose cette question parce que vous avez dit dans vos observations préliminaires qu'avant que le Canada déploie ses soldats, nous devrions avoir une idée claire de leur mission et du moment de leur retour.
    Si le Canada déployait ses troupes indépendamment pour entreprendre des opérations de combat d'envergure, j'accepterais votre point de vue. Cependant, ce n'est pas ce que nous faisons. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, nous avons toujours déployé nos troupes dans le cadre de coalitions plus vastes. Nous savons que la coalition plus vaste sera dirigée par l'une de nos grandes puissances alliées, que ce soit les États-Unis, la Grande-Bretagne et ainsi de suite, et que c'est cette dernière qui fournira la très grande majorité des troupes et qui assumera la majeure partie des coûts de la mission.
    Il n'est pas question qu'il y ait une date de fin des opérations pour l'alliance tout entière ou pour la mission tout entière. Il s'agit simplement de dire que, connaissant la taille de nos forces et les limites de sa contribution, le Canada devrait préciser clairement à ses alliés de plus grande taille quel effort il est prêt à consentir et pendant combien de temps, avant que nous devions revenir pour faire une pause et refaire nos forces en vue, peut-être, d'un nouveau déploiement.
    Je ne pense pas que ce soit en dehors du domaine des possibilités. Je ne pense pas que cela signalerait quoi que ce soit d'autre à un adversaire que notre volonté de nous engager à long terme. Nous essayons en réalité de signaler à nos alliés que nous pouvons déployer nos troupes pendant un certain temps, mais que nous nous attendons à ce qu'ils nous remplacent pendant que nous nous reposons, que nous récupérons et que nous nous préparons pour des déploiements futurs.
    Je suis d'accord avec l'idée qu'on ne devrait pas préciser une date de fin des opérations pour la mission tout entière. Quant à la contribution du Canada, par contre, étant donné que nous sommes une puissance secondaire dans la plupart de ces opérations, ce serait, à mon avis, une décision prudente et sage et cela permettrait à nos alliés de se préparer à nous remplacer de manière prudente et efficace.
    Vous ne pensez pas que les progrès réalisés seraient un facteur contribuant à la décision, collective, du Parlement de mettre un terme au déploiement.
    Est-ce que cela se serait appliqué, par exemple, dans le cas de la Seconde Guerre mondiale? Le Canada n'avait pas été menacé à ce moment-là. Aurait-il été faisable ou crédible que le Canada dise, à ce moment-là, à ses alliés, que nous n'avons qu'un petit nombre de soldats, que nous voulons nous reposer après tant de mois de déploiement et que c'est ce que nous allons faire, que vous soyez prêts ou non, que vous aimiez cela ou non?
    Eh bien, premièrement, le Canada a déclaré la guerre à l'Allemagne le 9 septembre 1939. Il est faux de dire que le Canada n'a pas été menacé. Le Canada a été directement menacé.
    Il y a un second point qui, à mon avis, doit être signalé. Le Parlement ne décide pas. C'est une prérogative de la Couronne. Vous pouvez conseiller la Couronne sur le moment de déployer les troupes, mais la décision de déployer les troupes appartient à la Couronne et à l'organe exécutif. Cela doit être clair.
    Même lorsque nous utilisons la Seconde Guerre mondiale comme exemple, c'était un effort allié et il y a eu certaines missions où le Canada a dit clairement qu'il ne contribuerait pas. Nous n'avons pas été un acteur important dans le Pacifique. Il était parfaitement légitime de notre part de dire que nous n'allions pas nous engager sur ce théâtre d'opérations particulier après Hong Kong. Il est correct pour tout allié comme le Canada de délimiter ce qu'il fera et comment il contribuera. Nous verrons des choses très semblables dans les conflits de l'avenir.
    Jamais le Canada n'a déclaré que la mission en Afghanistan devait prendre fin à une certaine date. Il a simplement dit que la contribution canadienne à la mission plus vaste de l'OTAN devait avoir des limites. Autrement, vous vous exposez à beaucoup d'abus de la part de vos alliés qui ne feraient que supposer que vous êtes prêts à assumer un coût extraordinaire, parce que vous n'avez pas signalé que vous partiez ou que vous aviez des limites. Pour une puissance de plus petite taille comme le Canada, il est tout à fait raisonnable de déclarer qu'il y a des limites à ce qu'elle peut faire et qu'elle s'attend à un appui.
    Ma prochaine question concerne ce que Laurie Hawn a dit plus tôt concernant l'intérêt national des Canadiens et où nous livrons les combats. Par exemple, la mission afghane ne visait pas uniquement à remplir nos obligations face à l'OTAN; l'objectif était de garder les combats là où était la source de la menace, et le Canada a été nommé parmi les pays contre lesquels on voulait user de représailles.
    À votre avis, quelle devrait être la réponse du Canada à un incident comme celui qui est survenu au cours du week-end à Times Square? Devrions-nous simplement attendre et ruminer cette question ou attendre que l'OTAN tire une conclusion quelconque? Est-ce que nous déterminons s'il y a une menace plus grande ou non, une menace immédiate? Que devrions-nous faire, selon vos affirmations initiales, à la lumière d'un possible déploiement?
(1215)
    Supposons un instant que nous n'ayons pas gardé une certaine capacité au Canada pour faire face à une menace et que la bombe ait effectivement sauté. Ma réaction initiale aurait été de dire que nous aurions dû avoir suffisamment de soldats pour faire face aux conséquences de cette attaque. Ce serait mon premier point.
    Mon deuxième point, c'est que, d'après ce que nous avons entendu jusqu'ici, l'un des présumés auteurs de l'attentat était d'origine pakistanaise ou un citoyen pakistanais, et je ne crois pas que le Canada serait en mesure de provoquer un changement de régime au Pakistan, ou qu'il voudrait le faire, simplement parce qu'un citoyen de ce pays a préparé une attaque en sol canadien.
    Nous devrions entreprendre un effort coordonné, à facettes multiples, pour améliorer la sécurité sur notre territoire, pour améliorer la capacité de notre agence civile à faire face à cette menace initialement et, peut-être, si nous pouvions établir clairement, par l'intermédiaire des services de renseignements, que cette personne a reçu un entraînement dans certains camps, que nous pourrions préparer des opérations limitées contre ces camps ou contre certaines personnes qui ont facilité cette attaque. C'est quelque chose d'entièrement différent, cependant, que de dire que le Canada devrait alors s'engager dans un exercice de transformation d'une nation à grande échelle dans une certaine partie du monde dont nous savons très peu de choses.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lagassé.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole à M. Hawn pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons parlé un peu de l'ONU, mais de toute évidence, monsieur Lagassé, lorsque les gens pensent au maintien de la paix, la plupart des gens pensent automatiquement à l'ONU, les casques bleus, et tout cela. Nous savons, évidemment, comment cela a changé.
    L'ONU est un concept extraordinaire qui, à mon avis, s'est révélé un échec lamentable lorsqu'il s'agit de faire face à des situations dans le monde. Pouvez-vous nous parler de l'avenir de l'ONU dans les missions de paix, dans l'ensemble?
    Elle n'a pas de capacité propre pour faire quoi que ce soit. Elle devra toujours faire les choses par l'intermédiaire des États membres. Pouvez-vous faire des observations là-dessus?
    Les missions de l'ONU, et en particulier les missions de maintien de la paix de l'ONU, donnent les meilleurs résultats lorsque les belligérants se sont déjà entendus pour dire qu'ils sont épuisés, qu'ils ont besoin d'une tierce partie pour intervenir ou simplement pour agir comme une partie neutre pour les séparer. Les missions de ce type, de première génération, les missions d'interposition où les combattants ont déjà accepté de déposer les armes et de négocier, peuvent réussir.
    Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est qu'il ne semble plus y avoir de conflits de ce genre. La plupart des conflits qui devaient se terminer d'un commun accord sont terminés. Ce qui reste, c'est un certain nombre de conflits qui semblent perpétuels, pour lesquels les Nations Unies ne sont pas vraiment en mesure d'apporter beaucoup de soutien.
    En ce qui concerne le point que vous faites valoir, l'ONU n'a pas la capacité d'imposer la paix. Elle n'a pas la capacité de créer la paix. Elle peut encourager la paix, elle peut faciliter la paix et le Canada ne devrait s'engager que dans les opérations de l'ONU qui sont de première génération par nature — c'est-à-dire où il existe déjà une certaine paix et où notre présence vise simplement à faciliter les négociations.
    À partir de là, parce que l'ONU n'a pas la capacité de faire appel aux États membres, s'il y a une opération de casques bleus non classique comme l'Afghanistan, elle peut discuter et elle peut adopter des résolutions, mais elle doit se tourner vers un organisme comme l'OTAN si elle veut un instrument pour faire cela.
    De toute évidence, il est difficile de dire ce que l'avenir nous réserve, mais en ce qui concerne le principe de la « responsabilité de protéger », qui a été adopté par l'ONU — c'était une initiative canadienne, et tout cela, et c'est bien beau —, comment cela s'articule-t-il avec le maintien de la paix traditionnel et où allons-nous à partir de là?
    Quel sera l'orientation de l'ONU à partir d'ici? Doit-elle accepter le fait que les deux tiers de ses États membres sont des dictatures? Probablement que la façon dont l'ONU a fonctionné dans le passé n'a pas réussi et que fera-t-elle à partir de là? De toute évidence, cela a des répercussions pour le Canada.
    Il y a deux points. La responsabilité de protéger et la charte de l'ONU sont en très profonde contradiction. C'est un point majeur qu'il faut prendre en considération et dont on doit être conscient: la responsabilité de protéger, qui, en fin de compte, nie la pleine souveraineté des États lorsque ces derniers abusent de leurs citoyens, et la charte dont un des piliers est la souveraineté.
    Alors, qu'il soit clair que la responsabilité de protéger et l'ONU ne sont pas des éléments qui vont bien ensemble. La responsabilité de protéger, si elle doit être appliquée, et si les Forces canadiennes doivent faire partie de cet effort, se fera sous l'égide soit d'une opération dirigée par les Américains soit d'une opération de l'OTAN. Nous devrions être pleinement conscients de cela, que si nous souscrivons à la responsabilité de protéger, nous souscrivons aux opérations d'imposition de la paix, en vertu du chapitre VII, sous l'égide de l'OTAN ou des États-Unis.
(1220)
    Je pose la question une nouvelle fois. Que croyez-vous que l'ONU fera à cet égard, résoudre ce conflit ou simplement l'accepter et dire qu'en fait, elle n'a pas vraiment de rôle à jouer?
    L'ONU essaiera, comme elle le fait toujours, d'équilibrer des principes très contradictoires dans son document fondateur et dans ses aspirations. Nous devrions peut-être continuer à encourager cette idée et à encourager l'ONU à accepter l'idée, tout en reconnaissant, d'autre part, que l'ONU ne sera pas, en définitive, l'outil principal de la responsabilité de protéger.
    Ma dernière question porte sur le fait de préciser des dates de fin d'opération, et ainsi de suite, pour notre propre engagement, et vous avez fait valoir certains arguments très valables. Est-ce qu'une autre considération ne serait pas, cependant, l'effet que cela aurait sur d'autres alliés de petite taille, parce que nous faisons tous face à la même situation? Il n'y a qu'un seul allié de grande taille dans cette opération, et il s'agit évidemment des Américains, et environ 39 alliés de petite taille. Si un petit allié, respecté, crédible et qui apporte une grande contribution comme le Canada limite son effort, est-ce que cela n'aura pas un effet d'entraînement sur les autres pays?
    Ce sera un bon effet d'entraînement, où nous allons signaler aux autres alliés de petite taille que nous allons nous engager pendant une certaine période de temps et que nous allons sans doute nous attendre qu'un autre allié de petite taille prenne la relève pendant trois ans, et ensuite, trois ans plus tard, nous pourrons peut-être le remplacer. Cela mettrait en place un mécanisme par lequel les alliés de petite taille ne sentiraient pas nécessairement qu'un engagement initial les enliserait dans une situation où personne d'autre ne voudrait les remplacer. Si tous les alliés de petite taille indiquaient clairement qu'ils participent à des opérations limitées dans le temps et qu'ils s'attendent que l'alliance trouve quelqu'un d'autre pour les remplacer après une certaine période de temps, cela pourrait, en fait, encourager les alliés de plus petite taille à s'engager dans des régions très dangereuses sachant qu'ils auront une porte de sortie. Le problème que nous avons actuellement, c'est que les alliés de plus petite taille ignorent ou n'ont pas de garantie qu'un autre État viendra les remplacer lorsqu'ils seront rendus à la limite de leurs forces.
    Je suis d'accord pour dire que c'est une possibilité. Mais l'envers de cela est également une possibilité, à savoir que tout le monde dira simplement: « pas moi ». C'est justement contre cela que nous nous battons en ce moment.
    Oui, mais nous devons, à tout le moins, essayer de mettre sur pied ces effets de réputation. C'est de cette façon que l'alliance fonctionne. L'alliance doit fonctionner avec l'idée que tout le monde fait sa part et si les petits États estiment être victimes d'abus, comme certaines personnes au Canada le pensent, alors, cela incite simplement tous les petits alliés à ne jamais contribuer à moins qu'il y ait une date de fin des opérations ferme ou une forme quelconque de garantie.
    C'est un bon point.
    Merci beaucoup.
    Nous n'aurons pas le temps de faire un troisième tour complet, mais je vais accorder une minute à MM. Wilfert, Bachand et Harris. Nous avons encore cinq minutes; alors, une minute pour chacun des députés et...
    Vous n'avez pas besoin de commenter. J'ai écouté mon collègue ici et je suis rarement en désaccord avec lui. Je voulais signaler qu'une étude a été réalisée par le Human Security Centre à Vancouver qui a examiné la réduction des conflits; ces gens ont examiné les infractions à l'égard des droits de la personne dans le monde entre 1990 et 2005 et ils ont constaté qu'il y avait un certain nombre de facteurs qui expliquent la diminution: la décolonisation, la fin de la guerre froide, la croissance des démocraties, etc. Ils ont dit que les Nations Unies ont joué un rôle décisif et impressionnant durant cette période et, en fait, leur conclusion était que l'ONU a joué un rôle crucial en ouvrant la porte à des progrès considérables en matière de prévention des conflits, qui est une des questions dont nous discutons — le maintien de la paix et la consolidation de la paix.
    Je pensais simplement dire cela aux fins du compte rendu, monsieur le président, parce que je pense que cela fait partie de la discussion qui occupera le présent comité pendant un certain temps.
    Vous n'avez pas besoin de répondre, mais cela a pris moins d'une minute.
    Vous avez raison.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez une minute.
    Je vais me dépêcher, monsieur le président.
    Monsieur Lagassé, j'aimerais que vous précisiez votre pensée. Un peu plus tôt, vous avez dit qu'il n'était pas du ressort des comités d'aller trop loin du côté des décisions gouvernementales. Je ne sais pas si vous avez lu la réponse de M. Milliken sur l'enjeu des documents, mais il est clair que le Parlement, et donc ses comités, a des rôles assez importants à jouer. On doit s'assurer que le gouvernement fait bien son travail, et pour ce faire, il faut nous fournir tous les instruments.
    J'aimerais vous donner l'occasion, en 30 secondes, de clarifier votre point de vue qui m'a fait sursauter un peu.
    Si vous voulez ma réponse complète, je vous reporte à ma nouvelle étude de l'IRPP qui a été publiée le mois dernier et qui traite exactement de ce sujet. Cette étude s'intitule « Accountability for National Defence: Ministerial Responsibility, Military Command and Parliamentary Oversight », si ça vous intéresse.
    Toutefois, je peux vous répondre très rapidement que, en effet, le Parlement a la responsabilité de revoir les décisions du gouvernement. Cependant, pour qu'un gouvernement soit compétent et entièrement responsable de ses politiques, la prise de décisions doit lui revenir.
    Effectivement, le comité a comme rôle de conseiller le gouvernement, mais votre rôle premier est de revoir les décisions du gouvernement et de s'assurer que le gouvernement est responsable, et non pas de prendre vous-mêmes des décisions, tout simplement.
(1225)
    Merci bien.
    Monsieur Harris, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci.
    Premièrement, je rejette totalement les hypothèses au sujet des Nations Unies qui sont sous-jacentes dans les propos de M. Hawn. Je ne les partage pas; j'ignore ce qu'en pensent les autres membres du comité.
    En fait, en date du 9 septembre, selon cet article, il y avait 83 853 gardiens de la paix de l'ONU — un chiffre record — plus 12 000 policiers participant à un total de 15 opérations dans le monde. La différence, c'est que le Canada n'a pas eu d'autre participation que de fournir 55 personnes à ces opérations, et environ 4,5 millions de dollars en 2010, et une moyenne de 9 millions de dollars par année au cours des six ou sept années précédentes. Alors, si le Canada décide de n'avoir aucune participation à l'ONU... Peut-être que nous avons été brûlés au Rwanda et en Somalie.
    Partagez-vous les points de vue rétrogrades qu'il n'y a aucune possibilité que l'ONU puisse faire quelque chose dans le monde, à part appuyer les dictatures militaires, et qu'elle mérite d'être ignorée par des pays raffinés comme le Canada?
    Je veux donner officiellement mon appui à l'ONU, aussi imparfaite soit-elle. C'est une bonne chose que nous ayons une ligue des nations comme les Nations Unies. L'ONU rend des services inestimables en matière de sécurité dans le monde. Elle ne fait peut-être pas aussi bien qu'elle pourrait le faire, mais amener une centaine d'États membres différents à se concentrer sur un point précis n'est pas une mince tâche.

[Français]

    Monsieur Lagassé?

[Traduction]

    Le Canada n'a pas abandonné les Nations Unies; les grandes nations industrialisées occidentales dotées d'une capacité militaire à grande échelle, déployable partout dans le monde, ont abandonné les Nations Unies. Nous faisons partie d'un groupe nombreux qui a abandonné les missions de maintien de la paix de première et de deuxième génération de l'ONU à partir de 1995.
    Est-ce que le Canada peut contribuer à des missions renouvelées de consolidation de la paix ou de maintien de la paix de première génération dans un sens traditionnel, où les belligérants s'entendent pour déposer les armes et négocier? Oui.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Hawn, vous avez une minute.
    Je n'allais pas, mais...
    Évidemment, le Canada appuie l'ONU — et je l'appuie personnellement. Nous appuyons le concept de l'ONU. Nous avons des difficultés avec la façon dont l'ONU a exécuté sa mission. Le Canada est encore un des principaux contributeurs de l'ONU en termes d'appui financier, et le reste. Nous sommes probablement le contributeur le plus fiable à cet égard. Mais nous avons des difficultés considérables avec la façon dont l'ONU a rempli sa mission et c'est là la raison des questions. Il doit y avoir certains changements ici. L'ONU doit s'adapter à la réalité que deux tiers de ses membres ne sont pas des démocraties — et comment faites-vous face à cela?
    Vous pouvez faire des observations ou non, mais voilà quel était le point. L'ONU ne s'est pas bien adaptée aux réalités des 20 dernières années.
    Je suis d'accord.
    Très bien.

[Français]

    Je remercie nos témoins. Messieurs Drapeau et Lagassé, merci bien. Ça a été une séance très profitable aux membres du comité.
    Nous allons suspendre la séance pour quatre minutes, puis revenir à huis clos.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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