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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 023 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

    Avant d'entendre notre témoin, nous allons discuter de certains points concernant les travaux du comité .

[Français]

    Bienvenue à la 23e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous sommes aujourd'hui le 15 juin 2010.
    Avant de discuter du sujet d'aujourd'hui, soit les droits de la personne au Venezuela, et d'entendre notre témoin,

[Traduction]

    J'ai pensé qu'il serait approprié de rappeler aux membres du comité une petite question d'organisation. Nous aurons une réunion spéciale demain de midi à 14 heures au 131 rue Queen, pièce 8-53; je suppose que cela veut dire au huitième étage.
    Devons-nous passer par la sécurité? Est-ce que cela nous ralentira ou, si les gens apportent leur laissez-passer de député, pourront-ils passer rapidement?
    Les députés n'ont pas besoin de passer par la sécurité.
    Mais c'est à une certaine distance de la Colline parlementaire, alors, vous pourriez vouloir prévoir plus de temps pour vous assurer d'arriver à l'heure.
    Il y a trois points à l'ordre du jour. Nous allons discuter du rapport sur l'Iran et des motions de M. Dorion. Nous traiterons de l'examen périodique universel. Juste pour vous donner du temps pour y penser pour demain, je propose que nous traitions de ces questions dans cet ordre et que nous gardions une heure complète pour étudier les motions de M. Dorion, étant donné qu'elles n'ont pas été nécessairement traitées rapidement. Je pense qu'une heure au moins serait appropriée.
    Reste à voir si nous aurons une réunion jeudi. À la fin de la réunion de demain, nous devrions nous garder suffisamment de temps pour déterminer si nous voulons avoir une réunion jeudi.
    Alors, voilà pour les questions d'organisation.
    Monsieur Rochlin, est-ce que votre document est revenu?
    Très bien. Dans ce cas, nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous aujourd'hui en provenance de l'Université York... ou de l'Université de la Colombie-Britannique. Dans votre document, on lit Université York, mais sur votre carte, on lit Université de la Colombie-Britannique.
    Je suis de l'Université de la Colombie-Britannique.
    Très bien. Nous accueillons le professeur de sciences politiques James Rochlin de l'Université de la Colombie-Britannique qui a accepté de faire un arrêt à Ottawa à son retour d'Amérique du Sud, en route vers la Colombie-Britannique.
    Nous vous remercions beaucoup. Nous avons essayé d'avoir du beau temps pour vous. Nous allons maintenant vous donner la parole pour votre exposé.
    Merci beaucoup, monsieur Reid. Je suis reconnaissant et honoré d'être ici aujourd'hui.
    Je vais parler pendant environ 15 minutes, pas plus, pour tracer un bref tableau de la situation des droits de la personne au Venezuela et peut-être que nous pourrons parler davantage de certains des points que j'aurai soulevés par après, au cours de discussion.
    En ce qui concerne mes propres antécédents, je fais de la recherche sur l'Amérique latine depuis 1983. J'ai écrit 4 ouvrages dans le domaine de la sécurité et de la politique en Amérique latine, y compris mon premier livre intitulé Discovering the Americas, qui est une histoire de la politique étrangère canadienne face à l'Amérique latine jusqu'à l'époque de l'ALENA.
    Je reviens tout juste d'un voyage de six semaines en Amérique latine, en Colombie, en Équateur et au Venezuela. Au Venezuela, j'ai interviewé des groupes de défenseurs des droits de la personne, des universitaires, des groupes de gens d'affaires et des responsables gouvernementaux de diverses tendances idéologiques.
    Mon exposé aujourd'hui se divise en quatre parties brèves. Premièrement, je vais parler du contexte à partir duquel nous devrions envisager les droits de la personne au Venezuela. Je vais ensuite passer à une discussion des problèmes, ce que je considère comme les aspects positifs, les aspects négatifs et certaines des questions plus ambiguës liées aux droits de la personne au Venezuela. Je vais ensuite aborder la question des points de référence — à savoir, à quoi devrions-nous comparer les droits de la personne au Venezuela? Enfin, et je pense que c'est très important, je vais parler de ce que le Canada peut faire face à la question des droits de la personne au Venezuela.
    En ce qui concerne le contexte, vous savez probablement déjà, parce que je sais que vous avez entendu d'autres témoins avant moi, que chaque fois que nous discutons de la politique ou des droits de la personne au Venezuela, la discussion est fortement polarisée. Elle est fortement polarisée au Venezuela même et elle est fortement polarisée à l'extérieur du Venezuela. Au sein du Venezuela, vous avez une situation où les gens qui étaient récemment pauvres, qui ont profité des politiques économiques de Chávez, lui donnent un très fort appui, tandis que la classe moyenne, la classe supérieure ou ceux qui pourraient avoir des affinités pour l'entreprise locale ou internationale trouvent que ses politiques sont très contraires à leurs intérêts.
    À l'extérieur du Venezuela, je pense que la discussion est également polarisée entre ceux qui représentent, peut-être, les forces de la droite aux États-Unis, qui disent des choses très négatives au sujet de Chávez sans jamais faire état de ses réalisations positives. Je pense que ce point de vue a tendance à prévaloir dans les médias internationaux, nord-américains et de l'Europe de l'Ouest.
    Il existe un autre pôle, celui des universitaires et des ONG de gauche qui se sont fabriqués une image romantique de Chávez. Pour eux, tous les problèmes du Venezuela sont liés à ce qu'ils appellent l'impérialisme américain. Ce que je vous suggérerais, c'est que la voie la plus prudente serait probablement quelque part entre ces deux pôles, et non à l'une ou l'autre des extrémités, mais en prenant conscience des réalisations positives et des aspects négatifs, en termes de droits de la personne.
    Je vais commencer par certains aspects positifs et ensuite, je vais parler de certains des aspects négatifs et peut-être ensuite, de certaines questions ambiguës. Je vais parler de ces aspects sous forme de grands titres que nous pourrons peut-être étoffer davantage par après.
    Lorsque nous regardons les aspects positifs des droits de la personne au Venezuela, les principales réalisations ont été faites dans le domaine du développement social et économique, en particulier une redistribution du revenu. D'après les données statistiques de la CEPALC, le président Chávez a réduit la pauvreté de 34 p. 100 au cours des 11 dernières années, de 1999 à 2009. Lorsque nous regardons un autre indicateur de la réduction de la pauvreté et du développement social, l'indice de développement humain des Nations Unies, qui classe les pays de la première place jusqu'à environ la 180e place — et je dirais que c'est une mesure encore plus fidèle —, l'an dernier, en 2009, le Venezuela arrivait au 58e rang. À titre de comparaison, cela le plaçait en avant du Brésil, 75e rang, de la Colombie, 77e rang, du Pérou, 78e rang, et de l'Équateur, 80e rang. L'indice de développement humain du Venezuela s'est amélioré entre 2005 et 2009. En 2005, le Venezuela arrivait au 75e rang et, en 2009, au 58e rang.
(1315)
    Plus précisément, il y a un plus grand accès à l'éducation au Venezuela à tous les niveaux, depuis l'école primaire jusqu'à l'université. Il y a un plus grand accès aux soins médicaux; il y a des subventions pour le logement et pour l'alimentation. Il y a eu une redistribution limitée des terres. Je ne pense pas que nous devrions sous-estimer la valeur de ces réalisations. Et je dirais que personne dans ma génération, et je suis à la mi-cinquantaine, n'a fait plus pour aider les pauvres que Chávez. En même temps, il y a des problèmes distincts en ce qui concerne les droits de la personne au Venezuela. Et une trinité de ces problèmes, liés les uns aux autre, comprendrait l'impunité. Et peu importe à qui vous parlez au Venezuela, que ce soit les ONG, les universitaires ou les gens sur la rue, même le gouvernement, l'impunité pour le crime semble un problème énorme et croissant. Les crimes surviennent ou les problèmes surviennent et ils ne font tout simplement pas l'objet d'une enquête ou d'un suivi.
    En ce qui concerne la criminalité, les crimes violents en particulier ont augmenté sous le gouvernement Chávez. Comme vous le savez, Caracas figure maintenant au deuxième rang des villes les plus violentes d'Amérique latine, ne cédant le pas qu'à Ciudad Juárez — c'est la ville frontière entre le Mexique et les États-Unis et qui est sur la ligne de front en ce qui concerne les guerres de narcotrafiquants.
    Liée à la criminalité et à l'impunité, la corruption est le troisième problème. L'Organisation des États américains a publié un rapport majeur sur la corruption au Venezuela avec la participation du gouvernement; encore une fois, c'est quelque chose qui touche les gens de toutes les classes sociales, que vous ayez affaire à la bureaucratie, aux tribunaux, à la police, etc.
    Un autre aspect clairement négatif des droits de la personne au Venezuela, c'est la détérioration des conditions imposées à la population carcérale, qui a doublé au cours des 11 dernières années, même si les crimes ont monté en flèche.
    Lorsque nous regardons les aspects plus nuancés des droits de la personne au Venezuela, c'est là qu'il y a certains débats. Un de ces derniers comprend la liberté d'expression. Lorsque nous regardons les plaintes concernant la liberté d'expression, elles ont tendance à être concentrées spécifiquement au niveau des médias électroniques, de la télévision et de la radio, là où les masses prennent leur information. Les plaintes n'ont pas tendance à porter sur les médias imprimés. Le fait est que six stations de télévision et 32 stations de radio ont été fermées par le gouvernement Chávez au cours des deux dernières années. Un autre fait, c'est qu'un certain nombre de journalistes ont été attaqués par des assaillants inconnus en toute impunité.
    Où est le débat ici, alors? Lorsque nous regardons le point de vue des ONG qui représentent ces journaliste et qui disent que les stations de télévision ont été fermées, elles vous diront qu'il y a un problème avec la liberté d'expression, la liberté de parole, et qu'il y a un totalitarisme croissant au sein du gouvernement qui tente de limiter la liberté de parole. Lorsque vous demandez au gouvernement quel est le problème, il vous répondra que ces stations ont été fermées parce qu'elles diffusaient des messages subversifs et qu'elles tentaient d'encourager l'utilisation des armes contre le gouvernement démocratiquement élu, que cela n'est pas une question de liberté d'expression, mais une question de terrorisme, de subversion, de trahison. Nous pourrons développer davantage ce débat plus tard.
    Il y a également une tendance vers la persécution des opposants politiques du gouvernement. Cela comprendrait un cas récent, l'affaire Azocar, dans laquelle un opposant de Chávez s'est vu interdire de présenter sa candidature à cause d'une accusation de corruption. Un cas semblable, celui de l'ancien gouverneur de Zulia, un État important du Venezuela où est située Maracaibo, a été accusé de corruption et a subi des pressions pour fuir le pays. Mon point de vue, c'est que ces personnes sont probablement coupables de corruption; cependant, il y a une règle de deux poids deux mesures, c'est-à-dire que les supporters du gouvernement Chávez ne sont pas accusés de corruption et il est probable qu'un grand nombre d'entre eux sont aussi coupables que son opposition. Alors, il a été facile pour lui d'accuser sélectivement ses opposants de corruption, mais il y a une règle de deux poids deux mesures.
(1320)
    Un autre problème nuancé en ce qui a trait aux droits de la personne serait le genre de démocratie pratiqué au Venezuela. Au Canada, dans les pays développés nordiques, nous sommes habitués à un mode de démocratie fondé sur des freins et contrepoids. Le modèle vénézuélien et le modèle appliqué dans d'autres pays de l'ALBA ont tendance à être davantage fondés sur le référendum. Ce que vous obtenez dans ce genre de situation, je dirais, bien que ce soit suffisamment démocratique en termes de vote, c'est la tyrannie de la majorité, c'est-à-dire que la même majorité domine à chaque élection et que la minorité est constamment exclue.
    Dans un pays comme le Canada, lorsque nous regardons qui sont nos minorités ou lorsque nous examinons la protection des droits des minorités, nous pourrions envisager des gens de couleur, des groupes ethniques, des minorités religieuses, des gens ayant des orientations sexuelles différentes et ainsi de suite. Lorsque nous regardons le contexte vénézuélien, il est important de comprendre que ce qui se passe, c'est une guerre entre les classes. Cette perspective, l'analyse de classe, n'en est pas une que nous utilisons de manière typique au Canada, mais je vous dirais que si vous ne comprenez pas cela, vous ne comprendrez pas ce qui se passe au Venezuela. Lorsque nous regardons cette tyrannie de la majorité, ce que nous voyons, c'est que la majorité de la population des pauvres, ou de ceux qui ont profité des politiques de Chávez, domine tandis que la classe moyenne, la classe aisée et les intérêts d'affaires trouvent très peu d'espace pour l'expression de leurs intérêts, et cela semble se perpétuer.
    Enfin, en ce qui concerne les intérêts nuancés, j'ai commencé par mentionner certains des aspects positifs du gouvernement Chávez en terme de réalisations sociales et économiques. Ce que nous avons vu au cours des deux dernières années, ce sont des erreurs commises par le gouvernement Chávez qui sont venues ternir ces réalisations ou qui sont en train de créer des problèmes économiques graves. Comme vous le savez peut-être, l'économie du Venezuela s'est contractée de 5,9 p. 100 au premier trimestre de cette année, indice de la plus grave récession dans tous les pays d'Amérique du Sud à l'heure actuelle.
    Les politiques fortement socialistes fonctionnent dans le secteur pétrolier. La part du gouvernement dans le secteur pétrolier s'élève à 86 p. 100; c'est-à-dire que lorsque vous additionnez toutes les taxes dans le programme, la part du gouvernement dans le secteur pétrolier est de 86 p. 100 . Le gouvernement peut s'en tirer parce que le pétrole est un produit tellement précieux. Lorsque vous essayez d'appliquer des points de vue idéologiques semblables dans les secteurs agricoles ou manufacturiers, cela ne fonctionne pas. Lorsque vous essayez d'appliquer ces politiques dans le secteur agricole, les agriculteurs cessent de produire et le résultat que nous voyons à l'heure actuelle au Venezuela, c'est qu'il y a constamment des pénuries de produits alimentaires à cause de ces politiques. De la même manière, lorsque vous essayez d'appliquer ces politiques dans le secteur manufacturier, les usines ferment leurs portes. Elles déménagent, disons, en Colombie où la fiscalité est moins lourde. Ce que je suggère, alors, c'est que le genre de politiques qui fonctionnent dans le secteur pétrolier ne fonctionnent pas dans d'autres secteurs. Elles ont créé des pénuries alimentaires; elles ont également créé un chômage plus élevé, ce qui a exacerbé cette situation économique.
    Enfin, il y a une tentative de la part du gouvernement de contrôler le taux de change de la monnaie du pays, ce qui, je pense, n'a absolument pas fonctionné. Le taux de change officiel est de 4,3 p. 100; je pense que sur le marché noir, c'est maintenant environ le double de cela, alors, vous avez un marché parallèle qui est perçu comme la véritable économie. Lorsque cela se produit, et lorsque le gouvernement tente de le rattraper, un des résultats, c'est une inflation élevée. Le Venezuela est maintenant aux prises avec un des taux d'inflation les plus élevés en Amérique latine; on l'estime à environ 30 p. 100 si elle se maintient pour le reste de l'année, et à certains endroits, elle est plus élevée. L'inflation élevée touche davantage les pauvres, alors, bien qu'il y ait eu de nombreuses réalisations, certaines des politiques, surtout au cours de la dernière année, semblent avoir contribué à une détérioration de la situation.
    Je vais passer à un autre point majeur: quel est le point de référence? Lorsque vous comparez n'importe quel pays d'Amérique du Sud ou d'Amérique latine au Canada, la comparaison ne tiendra pas la route. Quel serait le point de référence naturel avec lequel comparer le Venezuela? Ce serait son voisin d'à côté. C'est un pays qui a une géographie semblable, une taille semblable, une population semblable et un PIB semblable. C'est le pays avec lequel le Canada a adopté hier, à la Chambre des communes, un accord de libre-échange: la Colombie.
    Tout le monde vous dira que lorsque vous examinez les droits de la personne en Colombie, du côté positif, la situation s'améliore. La situation en Colombie est plus sûre qu'elle ne l'a jamais été, et je travaille en Colombie depuis 1987. Mais en même temps, la situation des droits de la personne en Colombie est absolument déplorable. On a déplacé de force 286 000 personnes l'an dernier, 21 syndicalistes ont été assassinés l'an dernier et 90 p. 100 des forces paramilitaires en Colombie qui se sont rendues aux autorités n'ont pas fait l'objet d'une enquête. Il y a eu toutes sortes de scandales et je pourrais continuer ainsi longtemps.
(1325)
    Si on examine la situation des droits de la personne au Venezuela, et que l'on remet les choses en contexte, je dirais en toute objectivité que la situation est bien pire en Colombie.
    Finalement, que peut faire le Canada? Comme je l'ai dit, j'ai commencé ma carrière en étudiant les politiques étrangères du Canada en Amérique latine, et j'ai d'ailleurs écrit un livre à ce sujet. J'ai ainsi constaté que le Canada avait tenté par le passé de participer à la résolution de conflits. De la révolution cubaine en 1959 à la révolution sandiniste au Nicaragua de 1979 à 1989, les libéraux et les conservateurs, sous les gouvernements Trudeau, Clark et Mulroney, ont réussi à résoudre des conflits et à agir comme médiateurs. L'une des problématiques observées à l'heure actuelle en Amérique du Sud, c'est la course effrénée aux armements à laquelle se livrent la Colombie et le Venezuela, une entreprise de près de 10 milliards de dollars chacun. On constate également qu'une certaine forme de polarisation et qu'un climat d'animosité se sont installés dans la région.
    Je recommande fortement d'orienter les politiques étrangères canadiennes vers la résolution de conflits plutôt que de favoriser la constitutionnalisation de l'extrémisme, et il est urgent d'agir.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur, pour ce très intéressant exposé.
    Nous passons donc maintenant aux questions. Normalement, la parole est donnée d'abord au Parti libéral, suivi du Bloc, du NPD, puis du Parti conservateur. Vu le temps qu'il nous reste, nous pouvons nous permettre des interventions de huit minutes. La parole est donc aux libéraux.
    Qui va prendre la parole, M. Cotler ou M. Silva?
    En fait, nous allons partager notre temps. Je vais tenir compte du fait que nous n'avons que huit minutes pour les questions et les réponses, et je vais donner la moitié de mon temps à M. Cotler.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir accepté notre invitation. Votre exposé était très intéressant. Vos remarques étaient très intelligentes, songées et équilibrées, alors merci beaucoup de nous en avoir fait part.
    J'aimerais qu'on parle un peu de ce problème. Vous nous avez dit qu'il y avait une recrudescence de violence au Venezuela, et que le taux de criminalité était particulièrement à la hausse. Est-ce en raison d'une affluence de drogues? Que se passe-t-il sur le terrain? Vous pouvez peut-être nous en parler.
    Pourrait-on aussi établir un lien entre cette situation et les problèmes de violence contre les minorités religieuses, comme la communauté juive? Pourquoi sont-elles la cible de violences ?
    J'aimerais beaucoup que vous puissiez répondre à ces questions avant que je ne cède la parole à M. Cotler.
    Ce sont des questions importantes. Merci de me les avoir posées.
    Il est vraiment difficile de comprendre pourquoi la criminalité est en hausse, car on s'attendrait à ce que les programmes sociaux et la réduction de la pauvreté aient l'effet contraire. En principe, le taux de criminalité devrait diminuer.
    On constate toutefois que les crimes se concentrent dans les quartiers pauvres. C'est au sein des communautés démunies que se produisent les meurtres, et la plupart de ces crimes violents surviennent les vendredis et les samedis soirs et semblent être liés à la consommation d'alcool, à des fêtes qui tournent mal ou à guerres territoriales entre les membres de gangs de rue. Je n'ai pas d'autre explication.
    La drogue ne contribue pas au problème.
    Rien ne prouve que la consommation de drogues soit à l'origine de la hausse de criminalité, même si c'est un problème de plus en plus important presque partout dans le monde; ma petite ville de Kelowna n'échappe pas à ce fléau non plus. Il se peut qu'il y ait un lien entre les deux, mais cela n'a pas encore été démontré.
    Pour ce qui est de la communauté juive ou de l'antisémitisme, nous savons que des synagogues ont été attaquées dans les dernières années, et que d'autres incidents du genre se sont produits. Le gouvernement affirme qu'il n'a rien à voir avec ce qui s'est passé et qu'une enquête a été menée à cet égard.
    Le gouvernement s'est montré très dur envers certains éléments de la politique étrangère israélienne, ce qui ne constitue pas de l'antisémitisme en soi, mais certains l'ont perçu comme tel. Je peux vous dire qu'aucune preuve n'indique que le gouvernement puisse être associé à des actes antisémites, mais certains en sont venus à cette conclusion à la lumière de la violence perpétrée contre les synagogues et de la politique gouvernementale qui se veut très critique à l'égard de l'État d'Israël.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Nous avons entendu des témoins qui ont été très critiques à l'égard du système judiciaire. Et je ne parle pas seulement de l'impunité des crimes ou de la corruption, mais bien du noyau de l'appareil judiciaire. On a fait état de l'intimidation des avocats, des juges et des témoins. À preuve, une avocate a été emprisonnée récemment à ce propos. Le Barreau du Haut-Canada émettait dernièrement un énoncé concernant l'emprisonnement de la juge Afiuni. Pouvez-vous nous parler des problèmes qui touchent l'appareil judiciaire, mis à part ceux concernant l'aspect criminel de la chose?
(1330)
    Bien sûr. On a rapporté que des personnes avaient été attaquées par des assaillants dont on ne connaît pas l'identité, et il n'y a pas que les intervenants du système judiciaire qui soient la cible de ces attaques, mais aussi les opposants du gouvernement en général. J'ai parlé aux représentants de différentes ONG qui sont persuadés que leur ligne téléphonique est mise sur écoute. On use aussi d'autres tactiques que je qualifierais de politiques d'intimidation.
     C'est ce que je pourrais vous dire à ce sujet. On recourt certainement à l'intimidation, mais on le fait d'une telle manière qu'il est difficile de documenter les incidents. Il n'est pas évident de prouver quoi que ce soit quand on ne peut pas donner l'identité de notre assaillant, quand on entend des voix en interférence sur notre ligne téléphonique ou quand on vous harcèle injustement sous prétexte d'avoir été mêlé à une affaire de corruption, que ce soit vrai ou non.
    Qu'en est-il de l'emprisonnement des avocats des droits de la personne et des juges qui ont pu prendre des décisions un peu plus libérales?
    Oui, je sais de quel cas vous voulez parler. Vous faites référence à l'emprisonnement d'une avocate qui a libéré une personne qu'on avait condamnée à la prison. Le gouvernement considère qu'il s'agit d'une violation du processus judiciaire. D'autres voient la chose comme de l'intimidation.
    D'accord.
    Avez-vous d'autres questions? Il vous reste un peu de temps.
    Très bien. Et quelle est votre opinion personnelle?
    Je crois que le gouvernement veut intimider ceux qui s'opposent à lui, et il le fait abondamment et de façon très subtile. J'ai cru comprendre qu'il préférait s'en prendre à des avocats de petite envergure, car les risques de se faire pincer sont moins grands. Il sait que les avocats chevronnés pourraient trouver des moyens légaux pour prouver ses agissements.
    Je peux vous en parler plus longuement si j'ai encore une minute, car je sais que nous sommes limités dans le temps. Je crois que le problème pour le gouvernement Chavez ne se limite pas aux critiques de ses opposants officiels. En effet, on dénote de plus en plus de discorde au sein de son propre parti, le PSUV. Au cours de la dernière année, le vice-président du PSUV a remis sa démission en signe de protestation. Un autre grand fervent du PSUV, le gouverneur de Lara, a remis sa démission en affirmant que Chavez était un mégalomane qui cherche à s'investir personnellement du pouvoir, qui pense à ses propres intérêts plutôt qu'à ceux de la révolution, et qui ne laisse pas suffisamment de place aux débats à l'interne. Donc, d'un point de vue politique, il n'y a pas que les membres de l'opposition qui sont insatisfaits du gouvernement, mais aussi les membres de son propre parti, et c'est un signe inquiétant à mon avis.
    Permettez-moi de prendre encore quelques secondes. Un nombre croissant de gens ne se reconnaissent plus dans les politiques du gouvernement, pas plus que dans celles de l'opposition. Jusqu'à présent, l'opposition a surtout rejoint la classe supérieure et la classe moyenne, mais n'a pas su gagner les plus démunis ou les nouveaux pauvres. Parmi eux, beaucoup en ont assez des onze années de règne du président et de tous les abus qui se produisent, mais ils n'ont toujours pas l'impression qu'ils peuvent s'en remettre aux partis de l'opposition. Il existe un groupe appelé « Ni », pour ni l'autre ni l'autre. Ce n'est pas encore un groupe organisé, et il n'a pas encore de chef. Je serais porté à croire que cela pourrait devenir une importante force de résistance, et c'est sans compter les problèmes qu'éprouve le gouvernement avec son propre parti.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Dorion, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Rochlin. Vous avez rencontré là-bas des groupes de divers horizons. Pouvez-vous en énumérer certains?
(1335)

[Traduction]

    Oui, absolument.
    J'ai rencontré un groupe de journalistes appelé Public Space, qui était d'avis qu'on faisait atteinte à la liberté d'expression. J'ai aussi rencontré un groupe appelé PROVEA, qui se penche sur les cas d'emprisonnement. J'ai également rencontré l'organisme de défense des droits de la personne que l'on considère comme le plus équilibré du Venezuela. Je n'ai pas le nom exact avec moi, mais je peux vous le faire parvenir. J'ai rencontré les universitaires Manuel Manrique, Steve Ellner et d'autres. J'ai rencontré le responsable adjoint de PDVSA, la compagnie pétrolière du Venezuela, la quatrième en importance au monde, pour savoir ce qu'il pensait des droits de la personne et des sources journalistiques.

[Français]

    Je m'excuse, mais pourriez-vous répéter aussi les données des Nations Unies qui portent sur l'indice de qualité de vie, l'évolution que cela a connue depuis 1999?

[Traduction]

    L'index de qualité de vie, oui. Un des moyens qu'emploie l'Organisation des Nations Unies pour mesurer le développement social et la situation des droits de la personne, l'indice généralement jugé comme le plus fiable, si je ne m'abuse. On l'appelle « indice du développement humain », ou IDH. Il s'agit d'un classement annuel des pays en fonction d'un certain nombre de critères: accès aux soins de santé, accès à l'éducation, accès à de la nourriture, répartition des richesses, ou le coefficient de Gini du pays, et de façon générale, les droits de la personne. On collige en quelque sorte différents indicateurs. En 2009, le Venezuela s'est classé au 58e rang. En comparaison, le Brésil a obtenu la 75e place, la Colombie est arrivée 77e, le Pérou 78e, et l'Équateur était en 80e place. On peut donc en conclure que le Venezuela s'en est très bien tiré en ce qui a trait à l'indice du développement humain. Sous la direction du gouvernement Chavez, on a eu un excellent accès...

[Français]

    Y a-t-il un point de comparaison dans le passé? Peut-on comparer aussi avec le passé? A-t-on l'indice pour une autre date?

[Traduction]

    Oui. Si on pense aux résultats de 2005, par exemple, le Venezuela s'était classé au 75e rang, et il a aujourd'hui grimpé à la 58e place.

[Français]

    Merci.
    Pour ce qui est de ce rapport de l'Organisation des États Américains et de la participation du gouvernement, y a-t-il véritablement eu participation du gouvernement? C'est le rapport qui parle de la corruption au sein du gouvernement finalement — le gouvernement aurait participé à cela.
     Dans quelle mesure y aurait-il participé, et quel aurait été l'intérêt pour le gouvernement de participer à une telle étude?

[Traduction]

    L'Organisation des États américains a d'abord remercié le gouvernement Chavez d'avoir participé et contribué activement à l'enquête associée au rapport sur la corruption. Hugo Chavez a reconnu qu'il y avait un problème de corruption et il tente de remédier à la situation. Je pense que c'est une politique très réaliste de reconnaître que le gouvernement va perdre des appuis s'il trempe dans la corruption. Le gouvernement sait qu'il y a un problème de corruption; il veut prendre des mesures pour rectifier les choses.

[Français]

    Vous avez parlé de ces incidents concernant des synagogues. Y en a-t-il eu plusieurs ou un seul? En effet, la semaine dernière, quelqu'un est venu nous parler de cette profanation d'une synagogue et on n'a parlé d'aucun autre cas. Y a-t-il eu plusieurs cas ou un seul?
(1340)

[Traduction]

    À ma connaissance, il n'y a eu qu'un cas rendu public, et c'est une affaire qui a été signalée au cours des deux dernières années.

[Français]

    Cela fait environ un an et demi.
    Y a-t-il d'autres groupes religieux qui ont des problèmes face au gouvernement? Qu'en est-il, par exemple, de la relation avec l'Église catholique?

[Traduction]

    Le gouvernement a adopté une politique très critique à l'égard des positions officielles de l'Église catholique. L'institution de l'Église catholique, pas le peuple catholique en tant que tel, mais la position politique de l'Église a été très sévère envers le gouvernement. C'est généralement ce qui se passe au fil des ans en Amérique latine. L'Église catholique est très critique à l'endroit des gouvernements de gauche.

[Français]

    Actuellement, à ma connaissance, l'opposition n'a aucune représentation parlementaire parce qu'elle a boycotté les dernières élections.
    Avez-vous l'impression qu'elle va répéter ce...? Je pense qu'elle considère que c'est une erreur. Va-t-elle répéter ce boycott lors des prochaines élections? D'ailleurs, quand auront-elles lieu?

[Traduction]

     L'opposition va prendre part aux prochaines élections législatives, qui auront lieu en septembre. Elle a déjà désigné des candidats pour les élections primaires, et elle reconnaît qu'elle a fait une grave erreur en boycottant les dernières élections.
    L'opposition était centralisée sous un seul et même parti, l'Acción Democrática. Aujourd'hui, en raison des graves erreurs politiques qu'a commises ce parti, on assiste à la naissance d'autres partis de l'opposition. Ils ne veulent pas être associés à ces erreurs.
    La faiblesse des partis de l'opposition est toujours la même: il leur faut gagner les quartiers pauvres pour être élus au Venezuela. Ils doivent obtenir le soutien des plus démunis. Il ne suffit pas de représenter les intérêts de la classe riche, relativement peu nombreuse, et de la classe moyenne. Jusqu'à maintenant, ces nouveaux partis d'opposition (l'un deux se nomme Primero Justicia) n'ont pas réussi à rallier les plus démunis ou ceux qui ont déjà été dans le besoin.

[Français]

    Je peux continuer à parler?
    Oui, vous avez encore une minute.
    Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur le rôle de Cuba et la présence cubaine au Venezuela?

[Traduction]

    La présence cubaine au Venezuela est très positive. Pour ce qui est des soins de santé, on compte entre 20 000 et 30 000 médecins et praticiens paramédicaux cubains là-bas, et cela a eu un impact énorme sur les appuis récoltés par le président Chavez.
    On a permis aux populations des régions rurales d'avoir accès à un médecin, chose qui ne leur était pas toujours possible autrefois. J'ai parlé à des familles qui reçoivent aujourd'hui la visite d'un médecin, sans qui au moins un de leurs enfants aurait sans doute perdu la vie. Il existe également un programme qui offre chaque année à quelque 15 000 étudiants en médecine vénézuéliens d'aller étudier dans une faculté de médecine à Cuba avant de revenir au pays. La première cuvée d'étudiants est revenue l'an dernier.

[Français]

    Pouvez-vous répéter le chiffre? C'est 50 000?

[Traduction]

    C'était 15 000.

[Français]

    Vous avez dit 15 000, d'accord.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Marston, nous vous écoutons.
    Bienvenue. Nous sommes très heureux de vous recevoir. Votre rapport nous offre, selon moi, un témoignage très équilibré.
    Je ne voudrais d'aucune façon minimiser l'attaque perpétrée contre le temple, car cet événement revêt certainement une importance toute particulière, mais si on veut relativiser les choses, on peut penser à ce qui s'est passé à Hamilton trois jours après les attentats du 11 septembre, alors qu'une bombe incendiaire avait été lancée sur le temple Hindu Samaj. C'était de toute évidence un cas d'islamophobie dont des innocents ont fait les frais.
    Nous avons entendu plusieurs témoignages à l'effet que le jour où l'attaque a eu lieu au Venezuela, différents slogans tapissaient les murs, et on a raconté plus tard que Chavez avait utilisé exactement les mêmes mots dans un discours. En avez-vous entendu parler?
(1345)
    Je suis désolé, mais je ne suis pas au courant de cette affaire.
    D'accord.
    Nous avons entendu différents témoins, et vous avez très bien résumé la situation. Des gens sont venus nous supplier en affirmant que cette constitution était extrêmement efficace, qu'elle avait permis de rallier la population. Ils ont en fait apporté la constitution avec eux, et différentes discussions ont lieu à ce sujet.
    Par contre, on nous a aussi dit qu'on avait fermé des stations de télévision et de radio. Certains maintenaient que la station de télévision était à la tête de la principale force de résistance et d'opposition contre lui, et qu'elle ne faisait pas que du bon journalisme, mais qu'elle recevait des appuis financiers et qu'elle travaillait dans les coulisses. Que pouvez-vous nous dire là-dessus?
    Laissez-moi vous présenter quelques faits. Il est question de Globovision, une station de télévision qui appartenait à M. Zuloaga, qui a été détenu brièvement au cours du week-end et qui se dit victime de la liberté d'expression.
    Lors d'une importante conférence de journalistes tenue à Aruba au mois de mars, M. Zuloaga a dit publiquement — et sa déclaration a été enregistrée — qu'il aurait souhaité que le coup d'État de 2002 contre Chavez ait fonctionné.
    Prenons ces stations de radio ou de télévision qui ont été fermées — RCTV, par exemple, qui était devenue le porte-parole du coup d'État de 2002. Pour comprendre la portée de la situation, imaginons qu'un gouvernement étranger quelconque décidait d'orchestrer un coup d'État militaire au Canada, et que la CBC devenait le porte-parole des auteurs du coup d'État. S'agit-il de liberté d'expression ou de subversion?
    C'est exactement ce à quoi je voulais en venir, au fait qu'il s'agit de subversion.
    Vous avez indiqué que certaines personnes croyaient que leur ligne téléphonique avait été mise sur écoute. Je vous dirais, en passant, que j'ai déjà travaillé pour une compagnie de téléphone, et il est impossible d'entendre un dispositif d'écoute.
    D'accord.
    S'ils entendent des interférences, c'est que leur câble est défectueux.
    Pour revenir à la question précédente, je dois dire que je crois sincèrement qu'il y a une distinction à faire entre la liberté d'expression et la subversion. Je vous ai donné des exemples de subversion. Il n'en demeure pas moins qu'une foule de journalistes ont été attaqués par des assaillants dont on n'a pu découvrir l'identité. On recense des tonnes de cas de ce genre.
    C'était ma prochaine question.
    On nous a dit que les forces militaires étaient proches de la population, mais que le noyau de la corruption se trouvait au sein des forces policières et que c'était là que se trouvaient les vrais truands. En fait, certains soupçonnent les policiers d'avoir eux-mêmes attaqué la synagogue. Il y a toutefois un fossé entre le gouvernement et les forces policières, et ce sont elles qui agissent impunément.
    Croyez-vous que la situation est telle qu'on nous l'a décrite?
    C'est un cas hypothétique, et je pense qu'il est possible de trouver des délinquants partout, des gens qui décident de faire leur propre justice. Il s'est cependant produit suffisamment d'incidents que je qualifierais personnellement de tentatives d'intimidation.
    Si je peux préciser ma pensée encore une fois, j'ajouterais que j'ai interrogé rondement le représentant de Public Space, aussi un défenseur de la liberté d'expression, au sujet du harcèlement dont sont victimes les journalistes et de la fermeture de ces 32 stations de radio. J'ai insisté pour qu'il me dise si on avait donné une raison quelconque à ces travailleurs qui ont été congédiés, et il m'a répondu que les journalistes sont souvent mal formés au Venezuela. Il se peut qu'ils rapportent mal les faits, qu'ils n'aient pas cherché à connaître le fond de l'histoire, ou encore qu'ils fassent des déclarations non fondées qui pourraient nuire grandement au gouvernement. Il faut donc tenir compte de nombreuses complications et nuances dans ces cas-là.
    Revenons un moment à l'antisémitisme. Vous avez semblé tenir des propos prudents concernant M. Chavez et son agressivité contre Israël. C'est évident.
    Il critique la politique étrangère israélienne.
    D'après des témoins que nous avons entendus, il sent la pression des bases américaines qui entourent son pays, d'où sa coopération avec Cuba et l'Iran. Cependant, grâce au concours des auxiliaires médicaux cubains qui se trouvent dans son pays — je pense que vous avez dit qu'ils étaient 30 000 —, presque personne n'y a de raisons de désespérer pour ses concitoyens. Cependant, les rumeurs que nous avons entendues sur l'influence américaine m'inquiètent. Avez-vous entendu quelqu'un impliquer la CIA?
(1350)
    L'impliquer dans quoi?
    Dans une tentative visant à faire tomber le gouvernement ou à préparer sa chute.
    J'ai interrogé deux stratèges militaires, deux professeurs très respectés, des critiques de Chavez, pour savoir s'ils pensaient que les États-Unis étaient mêlés au coup d'État de 2002. Ils ont répondu: « Oui, absolument; ils étaient au large des côtes du pays et ils ont fait partie de ceux qui tiraient les ficelles. »
    Dans ses entrevues, Chavez prétend que ses ravisseurs de 2002 étaient Américains. Il l'a affirmé à Larry King. Et ces deux professeurs l'affirment aussi.
    Ces réponses ne m'ont peut-être pas effrayé, mais elles m'ont impressionné. En effet, si un partisan du gouvernement avait prétendu que la CIA ou les États-Unis étaient mêlés à l'affaire, ce serait une chose. Mais lorsque j'entends des critiques de ce gouvernement, des personnes très conservatrices, très respectées, l'affirmer également, je pense que leurs propos sont crédibles.
    Il vous reste une minute.
    Y a-t-il maintenant une distance entre M. Chavez et la révolution telle qu'elle était, à l'origine? Je pense à la mégalomanie à laquelle vous avez fait allusion, il y a un moment. Je suis seulement curieux à ce sujet.
    Je considère comme une manifestation très importante le refus d'un vice-président de parti, qui traite M. Chavez de mégalomane, réclame plus de discussions internes et affirme que la révolution est devenue davantage une question d'ego pour le président qu'une solution pour le peuple. Cela m'inquiète. Je pense que 11 années de pouvoir finissent par rouiller un gouvernement et que les gens sont...
    Une voix: Treize ans.
    M. James Rochlin: C'est vrai. Pardonnez-moi.
    Je pense que les mesures économiques dont il a été question, le taux élevé d'inflation, les mesures stériles dans le secteur agricole, la bureaucratie... Je n'ai pas eu le temps d'aborder ces problèmes, mais bien que l'accès aux soins de santé et aux programmes sociaux soit plus facile, il y a simplement beaucoup de bureaucratie.
    Une travailleuse m'a dit qu'elle devait se décider entre continuer à travailler pour un maigre salaire ou cesser de travailler et recevoir une allocation. Dans ce cas, elle devrait passer ses journées à faire la queue pour obtenir de la nourriture subventionnée. La bureaucratie prend beaucoup de place.
    Personnellement, je pense qu'une bonne fraction de la population souhaite l'émergence d'un candidat du juste milieu, dont les sympathies vont aux pauvres, qui entend bien la voix de la majorité de la population, sans être aussi idéologue. Je pense que le coup d'État de 2002 a vraiment radicalisé Chavez, et c'est compréhensible. Mais, ce faisant, il a en quelque sorte agi contre son propre intérêt.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Pour la prochaine série de questions, nous passons aux conservateurs. Vous commencez, monsieur Sweet?
    Monsieur le président, je serai bref, puis je céderai le reste de mon temps à M. Hiebert.
    Merci, monsieur Rochlin, de votre témoignage et, aussi, de tout votre bon travail. Vous étudiez dans le sud depuis près de 30 ans maintenant.
    Vous avez dit que deux critiques du gouvernement avaient mentionné que les États-Unis étaient mêlés au coup d'État. Il semble commode à certains chefs de désigner un ennemi et de détourner le peuple de ses problèmes.
    Parlant d'ennemis, certains témoignages ont désigné la Colombie. Un témoin d'une ONG qui a beaucoup de crédibilité a qualifié cette accusation de ridicule, parce que beaucoup de Vénézuéliens sont d'anciens Colombiens, n'est-ce pas?
    C'est vrai. Et c'est également vrai que la Colombie et le Venezuela dépendent économiquement l'un de l'autre. Entre ces deux pays, une énorme contrebande fait transiter dans un sens les denrées colombiennes et dans l'autre l'essence vénézuélienne à très bon marché, à 15 ¢ le gallon. Il y a donc des relations au niveau populaire. C'est pratique pour les présidents des deux pays de se trouver un ennemi extérieur. Politiquement, cela répond au schéma classique qui consiste à incriminer quelqu'un d'autre pour ses propres problèmes.
(1355)
    Enfin, je voulais vous donner l'occasion d'apporter une précision. Vous avez parlé de stations de télévision et de stations radiophoniques qui auraient été des complices du coup d'État. Cette histoire ne semble pas vouloir se terminer. S'il y en avait au début une ou deux, nous sommes maintenant rendus à six stations de télévision et 32 stations radiophoniques, huit ou neuf ans après le coup, et le président continue d'en rajouter. Il continue d'intimider tous ceux qui dénoncent le gouvernement. Vous avez bien sûr mentionné que, d'après certains initiés, il essaie de galvaniser les énergies et de concentrer tout le pouvoir entre ses mains.
    Je tiens simplement à m'assurer que nous ne commencerons pas à trouver une justification aux persécutions subies par les médias libres.
    Non, je pense qu'il est important de maintenir la liberté d'expression et de dénoncer tous les attentats contre elle. Je pense que nous sommes placés devant une situation nuancée, dans laquelle des éléments haut placés de la télévision et de la radio tiennent un discours que je qualifierais de subversif ou dans laquelle des journalistes font des déclarations très irresponsables. Il semble également exister une politique d'intimidation, de la part du gouvernement, contre les journalistes de l'opposition. C'est en quelque sorte un mélange. Mais nous ne devrions pas oublier que certaines des stations qui ont été fermées... J'ai mentionné le géant Globovisión, l'équivalent d'ABC ou de NBC aux États-Unis. Le comportement de son dirigeant tenant des propos que je qualifierais de subversifs est douteux.
    Je terminerais par une observation supplémentaire. Dans le pays avec lequel nous sommes à la veille de signer un accord de libre-échange — la Colombie —, on ne trouve aucun média d'opposition — ni de la presse écrite ni de la radio ni de la télévision. Absolument aucun. Tout spécialiste de la Colombie vous l'affirmera. Je ne dis pas que cela justifie les actions de Chavez, mais comparativement à la Colombie, la situation de la liberté d'expression au Venezuela est beaucoup plus enviable et beaucoup plus variée.
    Russ.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre témoignage. Je l'ai trouvé très intéressant, très instructif et très agréable.
    Dans vos observations, vous avez parlé de l'indicateur de développement humain, l'IDH. Je remarque qu'il est constitué de trois paramètres — l'espérance de vie, l'alphabétisation et l'instruction ainsi que le produit intérieur brut ou PIB.
    Ainsi que les soins de santé et la redistribution des revenus: l'indice de Gini.
    Oui, le PIB; c'est donc en grande partie un indicateur économique.
    Non. Il possède une base sociale: l'accès aux soins de santé, l'accès à l'éducation. L'indice de Gini est une mesure de la répartition de la richesse, et non de la force de l'économie.
    D'accord.
    Je suppose que j'essaie de dire qu'un indicateur primordial — difficile à quantifier — serait la situation des droits de la personne dans un pays, si nous parlons de bien-être économique. Je ne suis pas surpris des belles réalisations du Venezuela en matière de prix du pétrole, depuis 2005. J'attire simplement votre attention sur la possibilité que ce soit une explication.
    Mes collègues ont soulevé ces problèmes de façon indépendante. Si nous faisons la synthèse de ce que nous avons entendu, c'est que des juges sont emprisonnés. Il n'y a pas longtemps, un témoin nous a parlé de la juge Afiuni. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler.
    Oui. C'est l'un des cas dont nous venons de parler.
    Il y a ce juge de la Cour suprême qui, essentiellement, affirme que ce tribunal n'a pas pour vocation d'être un frein pour l'exécutif. Vous avez mentionné l'inexistence de freins et de contrepoids appropriés.
    Nous avons également parlé des attaques contre des synagogues.
    Nous avons discuté des adversaires politiques que l'on empêche de se présenter comme candidats ou que l'on emprisonne.
    Nous avons traité de la corruption de la fonction publique. On nous a dit, mais il n'en est rien transpiré, qu'un ministre du gouvernement avait admis que, dans ce pays, de 15 à 20 p. 100 des crimes, y compris violents, étaient commis par la police.
    Nous avons parlé de la fermeture de certains médias, des attaques et de l'intimidation dont étaient victimes des journalistes.
    Il n'en a pas été question, mais une loi punirait de 6 à 30 mois de prison les personnes qui insultent M. Chavez.
    Quand on réunit toutes ces pièces, on n'obtient pas une belle image. Je trouve qu'il y a lieu de s'inquiéter.
    La comparaison avec la Colombie pourrait être une façon de dire que la situation est pire au Venezuela. Ne serait-ce pas une évaluation juste?
(1400)
    Non. Je pense que cette évaluation serait tronquée et que ce mode de comparaison fait partie du problème dont souffre la politique étrangère du Canada. Tout ce que je vous ai entendu dire est comme un composite des maux et défauts du Venezuela. Et c'est un composite véridique; tout ce que vous avez mentionné, c'est vrai. Mais je n'ai rien entendu de positif. Je n'entends que du négatif. Je devine un déséquilibre dangereux, qui polarise les opinions et qui nuit à la résolution des différends.
    Ma comparaison avec la Colombie se situe uniquement dans un contexte particulier. Je pense que ces problèmes sont des problèmes. Je pense que c'est un problème que Chavez soit mégalomane. Je pense qu'il y a un problème avec tout ce que vous avez mentionné, en partie, mais nous devons tenir compte des réalisations positives.
    Un aspect qui, notamment, m'inquiète beaucoup, dans la question générale de la politique étrangère du Canada, c'est que nous sommes de plus en plus considérés comme une annexe des États-Unis qui est dépourvue de politique indépendante. Nous avions une position équilibrée qui nous a permis d'être un médiateur dans le conflit avec Cuba et dans le conflit avec l'Amérique centrale. Je pense qu'il serait très dangereux pour nous d'adopter une position rigide et de fermer les yeux sur ce qui se passe dans un pays — la Colombie, par exemple — tout en ne voyant que les défauts du Venezuela.
    N'y a-t-il pas, au gouvernement, un endroit pour signaler ce genre de problèmes? Je vous entends bien quand vous dites que nous ne pouvons pas choisir, que nous ne pouvons pas examiner à la loupe la situation dans un pays sans le faire pour l'autre. Mais je ne suis pas persuadé que, en tant que gouvernement, nous ne pouvons pas nous concentrer sur ces problèmes à mesure que nous les constatons. C'est un peu comme l'histoire des coquillages sur la plage. Il faut aider ceux que l'on trouve.
    Bien sûr. Je pense qu'il est important que nous critiquions les atteintes aux droits de la personnes au Venezuela. Dans le même temps, je pense que nous aurions beaucoup plus d'influence si nous disions que nous respectons beaucoup les belles réalisations de ce pays, que nous admirons énormément la redistribution de la richesse. Pourtant, nous sommes très préoccupés par les atteintes aux droits de la personne contre les journalistes, contre les juges, par la tyrannie de la majorité et par toutes les autres choses semblables qui se passent dans ce pays.
    Si nous nous arrêtons uniquement aux choses négatives, les Vénézuéliens ne nous écouteront pas. Ils n'écouteront pas notre ambassadeur, nous ne pourrons pas avoir de rencontres avec le Venezuela et nous allons être perçus comme faisant partie du problème. C'est pourquoi j'essaie de préconiser une approche équilibrée.
    Je pense que nous devrions critiquer...
    J'ai une autre question.
    Est-ce que j'ai le temps?
    En fait, vous avez dépassé le temps qui vous était alloué d'une minute 45 secondes.
    La séance est près de se terminer, mais avec l'indulgence du comité, j'aimerais poser une question.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Une voix: Allez-y.
    Le président: Bien.
    Vous avez précisé la valeur de l'indicateur du développement humain pour l'année dernière, l'année, je suppose, sur laquelle les données sont à jour...
    Il s'agit de 2009.
    ... et pour 2005.
    M. Chavez exerce le pouvoir depuis 1998, je pense.
    Par simple curiosité: avez-vous des chiffres antérieurs à ceux-là? Sont-ils accessibles?
    Je ne les ai pas, mais vous pourriez facilement les trouver.
    D'accord. Je les ferai trouver par nos recherchistes.
    Deuxièmement, vous avez mentionné la tendance au Venezuela, mais vous n'avez pas parlé de celle qui existe dans les pays voisins, bien que vous ayez fourni des statistiques, par exemple sur le Pérou et l'Équateur. Ces pays ont-ils été plus ou moins stagnants dans ces domaines ou ont-ils amélioré leur position?
    L'une des manières de mesurer l'inégalité — c'est probablement la méthode la plus utilisée par les économistes — est le coefficient de Gini. Plus il est élevé, plus grande est l'inégalité. En 2005 encore, le Brésil occupait ce rang. Grâce aux mesures de Lula, qui a choisi une position médiane, à la fois bien disposée envers le capital, mais également soucieuse du bien-être social, le coefficient a sensiblement diminué.
    Le pays qui conserve le plus élevé...
    Donc le coefficient de Gini a diminué, signe d'une amélioration du classement du Brésil. Est-ce exact?
(1405)
    Cela signifierait qu'il y a moins d'inégalité; bien que je n'aie pas suivi l'actualité brésilienne, je soupçonne que c'est ce qui s'est passé, d'après les mesures adoptées par Lula.
    Actuellement, la Colombie est le pays dont le coefficient de Gini est le plus élevé en Amérique du Sud et, je suppose, en Amérique latine — cela n'a pas changé. Son coefficient se situe autour de 0,59 ou 0,60.
    Exact. La valeur du coefficient peut seulement varier entre 0 et 1, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Donc 1 correspond à l'inégalité totale, quand une personne possède tout et 0 correspond à l'égalité entre tous les citoyens?
    C'est exact. Je pense que le Canada se situe quelque part autour de 0,42 ou 0,43.
    D'accord.
    C'est le résultat de la fusion de différentes mesures du développement, qui vont de la mesure de l'égalité sociale à celle de l'accès aux soins de santé et à toute une gamme d'autres choses. Est-ce que les statistiques des Nations Unies ventilent ces mesures et classent les pays selon ces mesures individuelles ou bien est-ce simplement l'indice composite que l'on utilise?
    Vous pouvez chercher dans les rapports plus volumineux les pourcentages qui ont varié d'une année à l'autre — le taux d'alphabétisation, par exemple, ou les coefficients de Gini, etc.
    D'accord.
    Merci beaucoup, vous nous avez donné beaucoup de travail — que nous allons maintenant confier à nos recherchistes — je vous en suis donc très reconnaissant.
    Je vous suis également très reconnaissant à vous tous, qui m'avez accordé le temps supplémentaire de poser ces questions.
    Professeur, je vous remercie d'avoir bien voulu prendre le temps de vous déplacer et de nous présenter votre exposé. Je pense que tous seront d'accord pour dire qu'il a été agréable d'entendre quelqu'un qui n'avait pas d'opinion partisane et qui s'efforçait d'être objectif. J'y suis très sensible et je vous en remercie.
    Merci beaucoup.
    J'ai été honoré d'être ici. Merci de m'avoir invité.
    Bien.
    La séance est levée.
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