:
Monsieur le président, j'aimerais exprimer ma gratitude pour l'invitation à prendre la parole devant ce comité aujourd'hui.
De même, j'aimerais féliciter ce comité d'accorder son attention à cette question urgente des droits de la personne au Venezuela. C'est un honneur que de prendre la parole devant cette assemblée distinguée.
Plus particulièrement, c'est un honneur de prendre la parole devant un de mes héros personnels et un grand défenseur des droits de la personne au Canada et dans le monde, l'honorable Irwin Cotler.
Alors, c'est vraiment un plaisir que d'être ici. Je sais que le temps qui m'est accordé est limité, alors, je vais aller droit au but.
À un certain moment, la communauté juive du Venezuela était une communauté prospère et en croissance. Les gens vivaient avec un sentiment de paix et de sécurité et de continuité, vivant en harmonie avec leurs concitoyens vénézuéliens. À son apogée il y a seulement 10 ans, la communauté juive du Venezuela comptait 24 000 membres. Aujourd'hui, 12 000 Juifs vivent au Venezuela, et leur nombre diminue d'année en année.
Juste la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de discuter avec le grand rabbin du Venezuela, le rabbin Pynchas Brener, qui a dit qu'en ce moment même, la communauté retient son souffle et attend de voir qui d'autre partira. La communauté a perdu la moitié de son effectif au cours de la dernière décennie et, au moment où l'année scolaire prend fin, c'est maintenant que de nombreuses familles vont annoncer que c'est maintenant à leur tour de quitter le Venezuela, endroit que de nombreuses familles ont considéré comme leur pays pendant de nombreuses générations.
Pourquoi ces gens partent-ils? Pourquoi les Juifs quittent-ils le Venezuela? C'est parce que le gouvernement de Hugo Chávez a créé un climat de peur et de terreur pour les citoyens juifs du Venezuela. En 2004 et en 2007, le gouvernement a procédé à deux rafles distinctes dans des établissements communautaires juifs. Le prétexte invoqué était de trouver des armes et des produits de contrebande dans ces établissements. Le véritable but de ces rafles était de démontrer que la communauté juive et tous ceux qui appuient Israël ne sont pas les bienvenus au Venezuela.
La rafle de 2004, par exemple, a été effectuée à l'école communautaire juive Colegio Hebraica à 6 h 30 un jour de classe. Trente-cinq policiers, dont un grand nombre étaient armés et masqués, ont tenu les enfants en otage à l'intérieur de l'école dont les portes avaient été verrouillées pendant qu'on fouillait les lieux. Évidemment, la fouille n'a donné aucun résultat tangible. Elle a été infructueuse comme l'a déclaré le gouvernement, mais le message d'intimidation avait clairement été passé.
Une rafle semblable a été effectuée en 2007 au Centro Social, Cultural y Deportivo Hebraica, un club social et sportif. Encore une fois, les représentants du gouvernement n'ont rien trouvé à l'intérieur de l'établissement communautaire juif, bien que les membres de la communauté juive craignent que pendant la rafle, le gouvernement ait mis la main sur les dossiers de la communauté juive à partir des ordinateurs du club.
En janvier 2009, aux petites heures du matin le jour du sabbat, 15 hommes non identifiés se sont introduits par effraction dans la synagogue Tiferet Israel à Caracas. Ils ont saccagé des bureaux, ils ont écrit des messages de menace sur les murs intérieurs de la synagogue et ils ont profané des objets sacrés. Un mois plus tard, en février, une bombe a été lancée dans la synagogue Beth Shmuel, endommageant la propriété et transmettant un message de menace à la communauté juive.
Pour votre information, j'aimerais présenter à titre de témoignage, comme nous en avons discuté auparavant, monsieur le président, certaines photographies que j'ai prises au cours d'une visite que j'ai effectuée après ces attaques dirigées contre la communauté.
:
À la suite des attaques les plus récentes survenues en 2009, j'ai visité la communauté juive à Caracas dans un geste de solidarité et pour obtenir de l'information sur ce qui s'est véritablement passé dans cette attaque contre la communauté juive. J'ai gardé le contact avec des membres de la communauté au cours de la dernière année et il m'ont demandé d'exprimer leur gratitude au gouvernement canadien, au Parlement, pour les motions qui ont été déposées, pour les diverses pétitions qui ont été présentées au nom de la communauté juive aux abois du Venezuela, et pour le geste diplomatique courageux que le Canada a posé en acceptant de représenter les intérêts consulaires d'Israël après l'expulsion de l'ambassadeur d'Israël en janvier 2009.
Le gouvernement du Venezuela est sensible à la façon dont il est perçu par la communauté des nations et nous avons été rassurés par la condamnation internationale qui constitue le seul rayon d'espoir pour l'avenir de la liberté politique et religieuse au Venezuela. Et pourtant, ceci étant dit, la communauté juive vit dans la peur. Je vous demande d'écouter certains propos des étudiants, certains jeunes Juifs qui grandissent dans le Venezuela de Chávez.
Orly Margulis, qui termine maintenant sa 8e année, a écrit — et je n'ai pas changé un seul mot du courriel qu'elle m'a fait parvenir — ce qui suit:
J'ai l'impression que l'antisémitisme est un problème énorme au Venezuela. J'ai peur de sortir à cause de l'insécurité et de tous les problèmes que le gouvernement vénézuélien a causés. Le président déteste le peuple juif et il a récemment maudit Israël et nous a blâmés pour les morts à Gaza, ce qui me met très en colère. Je suis triste que ce pays — un pays qui a accueilli les Juifs après la Deuxième Guerre mondiale — est maintenant devenu un des endroits les plus dangereux au monde et un pays qui est très antisémite.
Elle est en 8e année.
Eduardo Herdan, 11e année, dit ceci:
Depuis que la guerre a éclaté à Gaza il y a un an et demi, le président du Venezuela a attaqué progressivement la communauté juive. Que ce soit verbalement, en nous insultant à la télévision nationale, ou en expulsant l'ambassadeur d'Israël, nous avons ressenti son antisémitisme. Les remarques du président ont été communiquées à la population vénézuélienne qui devient de plus en plus hostile à l'égard de la communauté juive.
Monsieur le président, les enfants ont peur. Ils frissonnent lorsqu'ils voient des images ou entendent des enregistrements de leur président; ils ont peur lorsqu'ils l'entendent parler d'Israël.
Écoutez les propos qu'il a tenus la semaine dernière, en réponse à l'incident touchant la flottille sur la côte de Gaza. Je ne vous demande pas d'examiner son approche politique, mais d'écouter son langage.
Dans une diatribe dans laquelle il accusait Israël de financer l'opposition à son gouvernement, il a accusé le Mossad d'avoir envoyé des équipes d'assassinat au Venezuela pour le cibler, et il a affirmé que les forces israéliennes étaient présentes partout dans les Caraïbes; Chávez a également dit: « Maldito seas, Estado de Israel. Maldito seas, terrorista y asesino. » Cela veut dire: maudit soit l'État d'Israël; maudits soyez-vous, vous les terroristes et les assassins.
Savez-vous pourquoi ces paroles ont amené les citoyens juifs du Venezuela à craindre pour leur sécurité, pour leurs institutions qu'ils ont bâties à force de travail et pour la sécurité de leurs enfants? Ce n'est pas seulement à cause de leur affinité ou de leur amour pour l'État d'Israël. C'est parce que les mots prononcés par Chávez sont les mots mêmes que les vandales ont écrits sur les murs de la synagogue qui a été profanée lors de cette entrée par effraction survenue tôt le matin, comme en témoignent certaines des photographies qui circulent.
Ils ont écrit en janvier 2009, le matin du sabbat, sur les murs de la synagogue: « Israel malditos. No los queremos. Asesinos. » Cela veut dire: Israël maudite; nous ne voulons pas d'assassins.
Tout cela pendant que l'empereur de ce même pays maudit Israël et traite les Juifs d'assassins dans ses discours politiques.
D'une part, le gouvernement prend officiellement ses distances des actes de vandalisme et de terrorisme qui ont été commis et, d'autre part, Chávez se fait l'écho de ces actes dans ses discours.
Ernesto Spiro, un enseignant de l'école, un dirigeant de la communauté juive de Caracas, m'a dit qu'il avait peur pour ses proches et qu'il était incertain de son avenir. En tant que fils de survivants de l'Holocauste, la seule chose qui empêche la haine du gouvernement vénézuélien à l'égard des Juifs de se transformer en une manifestation plus agressive à leur égard, c'est « la peur d'être reconnu par le monde pour ce que nous, Juifs vénézuéliens, savons ».
Il a dit:
Sincèrement, si j'avais eu les moyens économiques nécessaires pour supporter ma famille, il y a longtemps que nous aurions émigré dans un autre pays... Ma mère, qui est amoureuse du Venezuela, nous parle tristement, mais constamment, du sentiment qu'elle a, que le temps de quitter le pays approche.
Il écrit qu'il est enseignant depuis 1995:
J'ai vu des centaines de mes élèves quitter le Venezuela pour de bon. Je me sens comme le capitaine d'un navire en train de couler, qui est le dernier à l'abandonner.
Monsieur le président, les enfants du Venezuela ont peur. Ils ont de la difficulté à dormir la nuit. Les familles font des préparatifs de départ, pour aller rejoindre ceux qui, nombreux, sont déjà partis.
Le Canada a des liens diplomatiques et économiques avec le Venezuela. Il est temps de faire valoir ces liens. Il est temps d'adopter une position de principe.
En réponse aux attaques de 2009 sur les établissements communautaires juifs, des arrestations ont été effectuées et un simulacre de justice a été présenté au monde; pourtant, il n'y a pas eu de procès. La communauté juive et le monde ignorent toujours la peine qui a été infligée aux personnes qui ont supposément été arrêtées pour répondre de ces crimes ou ce qui leur est advenu.
Il y a un consensus tacite au sein de la communauté juive du Venezuela selon lequel le gouvernement Chávez est le seul organisme dans le pays qui possède les moyens, la coordination et la volonté politique tordue pour perpétrer de telles attaques. La communauté internationale, dirigée par le Canada, doit exiger une enquête impartiale, indépendante et sanctionnée internationalement sur les attaques de janvier et de février 2009.
De même, les membres de la communauté juive savent que l'antisémitisme est la politique officielle du gouvernement Chávez. Que ce soit parce qu'il cherche l'admiration d'Ahmadinejad ou de l'Iran ou pour d'autres motifs politiques ou personnels — je ne spéculerai pas —, Chávez a créé un climat de terreur et de peur pour la communauté juive vénézuélienne.
Nous ne devrions pas ignorer le fait que les mêmes mots qui ont été écrits dans le cadre d'un acte d'intimidation et de vandalisme sont utilisés par Chávez dans ses discours politiques. Les vandales de la synagogue sont soit des agents du gouvernement soit des gens qui suivent le leadership très peu subtil du gouvernement. Ni l'une ni l'autre de ces possibilités ne devrait être acceptable pour le Canada et pour la communauté internationale.
Maurisio Rubenstein, un élève de 10
e année, a dit — ce texte a été traduit de l'Espagnole par une de ses compagnes de classe — ce qui suit:
Le gouvernement vénézuélien montre de l'antisémitisme de nombreuses façons différentes, mais tout tombe en place avec la certitude que nous n'avons pas confiance dans notre gouvernement. Notre propre président maudit Israël et l'attaque verbalement... Chaque fois que des synagogues ou des lieux religieux sont attaqués, tout le monde garde le silence... Je me sens comme si le passé se répétait. Je me sens comme si l'Holocauste était sur le point de se reproduire de nouveau. Je crois que nous ne devrions jamais le laisser se reproduire.
Monsieur le président, les rythmes de l'histoire nous ont enseigné des leçons tragiques sur la façon dont les communautés minoritaires sont marginalisées, terrorisées et, finalement, déshumanisées.
Premièrement, leurs croyances sont marginalisées. Aujourd'hui, les Juifs du Venezuela ont raison d'avoir peur d'exprimer leurs croyances personnelles et leur appui à Israël.
Deuxièmement, leurs lieux de rassemblement religieux sont terrorisés. Cela a certainement été le cas de la communauté juive de Caracas qui n'a aucune garantie que les rafles du gouvernement ou les attaques parrainées par le gouvernement ne se reproduiront pas.
Enfin, la communauté éprouve des craintes existentielles concernant la prochaine étape dans l'escalade de la rhétorique et des actions contre la communauté juive.
Si nous attendons trop longtemps, de deux choses l'une: ou bien tous les Juifs quitteront le pays, comme c'est le cas actuellement, ou bien la communauté sera victime d'une autre tragédie. Ni l'une ni l'autre de ces possibilités ne devrait être acceptable pour ceux qui sont préoccupés par la situation des droits de la personne au Venezuela.
Je vous remercie de votre temps et de l'attention que vous avez accordée à cette question pressante.
J'aimerais débuter, rabbin Scheier, en vous remerciant de votre présence. Je veux affirmer que je partage vos sentiments à propos de notre estimé collègue, le professeur Cotler. Mais je veux souligner, aux fins du compte rendu, que c'est moi qui vous ai appelé, et non le professeur Cotler, au cas où quelqu'un au comité voudrait le savoir.
Des voix: Oh, oh!
M. Mario Silva: Il y a une raison qui explique pourquoi je voulais vous appeler à témoigner devant le présent comité. Pour donner un petit contexte historique, nous nous sommes rencontrés à un certain nombre d'occasions et vous aviez parlé assez éloquemment de la communauté juive au Venezuela et vous aviez également apporté certains témoignages sur cette situation. C'est à cause de cette préoccupation que vous avez exprimée, et que j'ai partagée, que j'ai pensé qu'il était très important que le comité entreprenne une étude sur le Venezuela.
Ce que nous avons vu et lu est assez alarmant et très inquiétant. La façon dont un pays traite ses groupes minoritaires est une indication de la façon dont il réagit à l'égard des questions liées aux droits de la personne à une échelle plus grande.
Je veux savoir si ce qui est arrivé à la communauté juive et la façon dont elle a été harcelée constitue une situation qui est unique à la communauté juive. Le gouvernement s'en prend-il à d'autres communautés ou est-ce vraiment une campagne antijuive qui est entreprise par le gouvernement?
:
Très bien. Merci beaucoup.
J'ai quelques questions très brèves et ensuite, je vais laisser la parole à mon collègue, M. Cotler.
Premièrement, savez-vous quelle était la taille de la communauté juive il y a, disons, 10 à 15 ans, comparativement à sa taille actuelle?
Deuxièmement, vous avez parlé du président Chávez, mais une partie de la rhétorique la plus dangereuse et la plus antijuive vient non pas de Chávez lui-même, mais de son entourage immédiat, les conseillers et hauts dirigeants. J'ai entendu des témoignages et la langue utilisée est extrêmement consternante. Son silence et le fait qu'il ne condamne pas ces gens en dit long.
Chávez s'est montré extrêmement critique à l'égard d'Israël, mais il a fait très attention de ne pas trop attaquer la communauté juive. Ses conseillers supérieurs ont attaqué la communauté juive et ont fait certaines déclarations très antijuives et il les a tout de même gardés dans les postes importants qu'ils occupent dans son gouvernement. Il joue ce petit jeu et je me demande si vous pouvez étoffer certaines de ces déclarations qui ont été faites par certains de ses conseillers.
:
Je vais d'abord répondre à la question concernant les chiffres. Il y a 10 ans, la communauté comptait 24 000 membres; aujourd'hui, elle en compte 12 000 et ce nombre continue de diminuer. En ce qui concerne la population étudiante, le directeur de l'école m'a dit qu'il y a un certain nombre d'années — je suppose que c'était il y a 10 ans également —, il y avait 3 000 élèves dans l'école; aujourd'hui, il y en a 1 100.
L'une des scènes les plus désolantes lorsqu'on visite l'école, c'est de voir le tableau des finissants, les bannières qui pendent du plafond de l'école. Elles deviennent de plus en plus courtes avec les années et les noms inscrits sur ces bannières sont écrits en caractères de plus en plus gros pour remplir l'espace disponible.
On craint qu'au cours de l'année qui vient, le nombre d'élèves inscrits à l'école tombera sous la barre des 1 000 élèves, ce qui sera un dur coup pour l'image que se fait d'elle-même la communauté, la fierté qu'elle place dans la fréquentation des écoles juives. Le fait de passer d'un nombre aussi élevé à un nombre aussi faible a des répercussions très graves sur la communauté.
Quant à la rhétorique de Chávez ou celle de son entourage immédiat, non seulement n'a-t-il pas pris ses distances par rapport à cette dernière mais, comme j'ai essayé de l'indiquer, dans ses derniers discours et dans son discours de la semaine dernière, c'est presque comme s'il recevait ses répliques... ou comme si les rédacteurs de son discours étaient les terroristes mêmes qui ont écrit sur les murs de la synagogue. Il s'agissait des mêmes mots, des mêmes sentiments. Nous ne devrions pas ignorer cela.
À un certain nombre d'occasions, il a lui-même fait certaines menaces très bien voilées. Je crois qu'à une occasion, dans son discours de Noël, il a dit: « Ceux qui ont assassiné notre Sauveur », et a parlé de leur emprise sur le monde dans ce contexte. Ce n'est pas seulement ses conseillers; c'est sa rhétorique à lui qui est également très menaçante pour la communauté.
J'aimerais examiner le lien iranien avec Chávez et ce qui pourrait arriver au Venezuela.
Comme vous le savez peut-être, les tribunaux argentins ont déterminé qu'en fait, sept dirigeants du gouvernement iranien, passés et actuels, ont participé à la planification et à la perpétration de la plus grande atrocité terroriste à survenir en Argentine depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir l'attentat à la bombe contre le centre communautaire juif AMIA en 1994. Suite à la décision des tribunaux argentins, Interpol possède actuellement un mandat d'arrêt contre le ministre de la Défense actuel de l'Iran, Ahmad Vahidi. Cela n'a pas empêché Ahmadinejad de la nommer ministre de la Défense. C'est comme s'il était récompensé de sa participation.
Alors, ma question, c'est: quels sont les indications de l'influence directe de l'Iran sur Chávez, ou son rôle, sur le climat de peur qui s'est installée? Y a-t-il des préoccupations dans la communauté face aux activités terroristes iraniennes que nous connaissons en Amérique latine, qui sont également potentiellement présentes au Venezuela?
:
Évidemment, la connexion avec l'Iran fait peur, non seulement à la communauté internationale, mais également à la communauté juive du Venezuela. Beaucoup ont laissé entendre que le moment des attaques a été choisi pour coïncider, je crois, avec la première rencontre officielle entre le Chávez et Ahmadinejad.
Que les rumeurs qui circulent dans la communauté soient vraies ou non, je l'ignore. Je veux simplement illustrer la peur qui existe dans la communauté. Plus d'une personne, plus d'un leader de la communauté, des personnes respectées qui ne sont pas du genre à prêter foi aux rumeurs, disent que ce qui les effrayent le plus, c'est ce vol unique qui a lieu chaque semaine entre Caracas et Téhéran. C'est ce qui les effraie — parce que vous ne pouvez pas obtenir de place à bord de ce vol. Nous ignorons totalement qui sont les passagers, nous n'avons aucune idée de la raison pour laquelle ils font le voyage; nous savons seulement qu'il y a une forme quelconque de partenariat.
La croyance, c'est que Chávez tente d'équilibrer deux situations politiques très délicates: la première, c'est son désir absolu de plaire à l'Iran d'où les soupçons qu'un grand nombre d'attaques contre la communauté juive ont été commandées ou encouragées par le gouvernement pour montrer à l'Iran qu'il contrôle la communauté juive; et l'autre, le simple désir d'être reconnu comme une figure messianique, une figure comme Castro, au sein de son cercle international immédiat et, évidemment, dans le monde également.
C'est essentiellement l'équilibre qu'il tente d'établir. Il y a des menaces voilées, mais le message est clair. Il peut se défendre contre toute accusation directe qu'il a dit quelque chose de menaçant ou de génocidaire à l'égard de la communauté juive. En même temps, le message est très clair et il est entendu très nettement par la communauté.
:
D'abord, merci d'être ici, monsieur Scheier. Certainement, c'est un devoir que de combattre l'antisémitisme et c'est certainement un rôle important pour notre sous-comité que celui de participer à la lutte contre l'antisémitisme au Canada.
Il y a tout de même certaines précisions que je veux vous demander d'apporter. Vous mentionnez que l'antisémitisme est la politique officielle:
[Traduction]
l'antisémitisme est la politique officielle.
[Français]
du Venezuela de Chávez.
Reconnaissez-vous que quelqu'un puisse être très défavorable à la politique du gouvernement israélien, par exemple, sans être nécessairement antisémite? C'est ma première question.
Deuxièmement, il semble bien que, parmi les gens qui entourent le régime Chávez, tout le monde ne semble pas se montrer antisémite. On voit sur le site de la station Radio Mundial une déclaration du président de l'Association israélite du Venezuela, Elías Farache — vous connaissez cette personne, peut-être —, qui remercie le président de la république et le gouvernement vénézuélien du sérieux avec lequel ils font enquête sur l'attentat contre la synagogue dont vous avez parlé.
Elías Farache dit des choses comme celles-ci — je traduis, car c'est en espagnol: La communauté juive du Venezuela et en particulier la congrégation de l'Association israélite du Venezuela et de Mariperez manifestent leur satisfaction pour le travail d'enquête du corps d'enquête scientifique, pénal et criminel dans le cas du vol et de la profanation de la synagogue Tiferet indépendamment du mobile, on a profané un édifice religieux en laissant des messages teintés de haine. Nous remercions le président de la république, Hugo Chávez, le chancelier Nicolás Maduro, le ministre Jesse Chacón, etc.
Voilà apparemment des gens de la communauté juive qui n'ont pas la même opinion de l'action du gouvernement vénézuélien que d'autres personnes de la même communauté.
J'aimerais que vous nous donniez quelques explications à ce sujet. J'imagine que cette question de dissidence au sein de la communauté vous a intéressé à un moment de votre étude de la situation, et j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
:
Merci d'avoir posé des questions aussi intéressantes.
Je suis d'accord pour dire que les sentiments anti-Israël ne sont pas, par définition, antisémites, ou ne conduisent pas potentiellement à l'antisémitisme. Toutefois, les faits sont éloquents. La communauté juive au Venezuela a été la cible d'attaques. Elle n'a reçu aucune assurance de la part du gouvernement qu'il s'agissait d'actes isolés commis par des groupes dénoncés publiquement. Le gouvernement n'a pas tendu la main à la communauté juive, ne l'a pas rassurée qu'il n'était pas derrière ces attaques.
Or, un an et demi après les incidents, la communauté juive demeure convaincue du contraire. Elle estime que le gouvernement du Venezuela est peu accueillant à son égard, qu'il menace sérieusement sa survie. Pour cette raison, je pense que les sentiments anti-Israël de Chávez sont très profonds. Ils ne représentent pas simplement un point de vue politique sur la situation au Moyen-Orient. D'où la question suivante : comment une communauté juive, une communauté qui appuie ouvertement Israël, peut-elle se sentir à l'aise et vivre librement au sein de la société vénézuélienne?
Pour ce qui est de la dissidence provoquée par les résultats de l'enquête et du processus judiciaire à la suite des attaques, il y a certes des personnes — et je ne les connais pas — qui sont satisfaites. Toutefois, les dirigeants de la communauté juive avec lesquels je me suis entretenu, y compris le grand rabbin et de nombreux leaders, ne sont pas convaincus que la notion d'application régulière de la loi a été respectée et que les auteurs de ces crimes horribles sur une institution juive ont été condamnés. Pour eux, le dossier n'est toujours pas réglé.
Nous réclamons depuis déjà un certain temps la tenue d'une enquête indépendante internationale. Si les résultats de l'enquête démontrent, de manière satisfaisante, que le gouvernement du Venezuela n'a ménagé aucun effort pour retracer les auteurs de ces atrocités, eh bien soit. Or, aucune enquête indépendante n'a été lancée, et aucun comité international ne s'est penché sur cette affaire. Ceux qui vivent au Venezuela ou qui entretiennent des liens avec la communauté ne croient pas le travail d'enquête a été bien mené et que la sécurité des Juifs vénézuéliens est assurée.
Il est vraiment difficile de savoir par où commencer. Je tiens toutefois à dire très clairement que les actes de profanation et les attaques constituent des gestes répréhensibles. Tout pays civilisé doit et devrait les condamner.
Vous avez employé le mot « terroristes ». Je comprends parfaitement la peur que suscite... Compte tenu du passé du peuple juif, il est normal que cette situation inspire la crainte et la terreur. Ceux qui n'ont pas vécu cette expérience vont peut-être tout simplement attribuer ces gestes à des voyous. Malheureusement, on utilise encore l'expression « tueurs du Christ » dans un trop grand nombre de pays. Cette idée est répandue depuis des siècles, et il faudra des siècles pour la faire disparaître — du moins, c'est ce que je pense.
Connaissez-vous David Bittan, le vice-président de la Confédération des Associations israélites du Venezuela? Nous avons fait quelques recherches en vue de votre comparution.
Je vais tout simplement vous lire ce que j'ai ici: d'après une organisation juive bien connue du Venezuela, la Confédération des Associations israélites du Venezuela, la dénonciation de Chávez par des organismes américains comme ADL ou le Centre Simon Wiesenthal a été contre-productive, parce qu'à l'époque — c'est-à-dire en 2009, à la suite des incidents — , le gouvernement vénézuélien s'efforçait de tendre la main à la communauté juive de Caracas. L'an dernier, M. Bittan, le vice-président de la confédération, a affirmé que le gouvernement prenait les plaintes de la communauté au sérieux, que le nombre d'articles antisémites dans la presse vénézuélienne avait diminué de 60 p. 100.
Eh bien, un seul article est de trop, c'est évident.
Certains des témoins que nous avons rencontrés ont fait état de l'existence de problèmes du côté des forces policières du pays. Ils ont laissé entendre qu'un des premiers gestes de Chávez, à son arrivée au pouvoir, a été de procéder à une réforme de la police, qualifiée de véritable bande criminalisée.
Il est vrai qu'une enquête internationale, s'il est possible d'en mener une, serait peut-être justifiée dans ce cas-ci. Si, comme vous l'affirmez, le racisme est systémique au sein du gouvernement du Venezuela, il est bien caché.
Si les auteurs de ces actes étaient effectivement de simples voyous, comme l'indiquait le gouvernement, alors il faut qu'on le démontre très clairement. Encore une fois, si le racisme systémique...
Personnellement, je crois que, d'après les témoignages que nous avons entendus, et plusieurs personnes ont parlé en bien de la Constitution, des changements qui ont été apportés, du fait que même si le référendum a été perdu par une faible marge, M. Chávez a respecté les résultats, il y a, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, des choses positives qui se produisent — je ne remets pas cela en question. Ce n'est pas l'impression que je veux donner.
Autre point: nous avons appris que le Venezuela est entouré de bases américaines et que le pays se sent menacé. On ne l'a pas dit en ces termes, mais ce motif a été invoqué pour expliquer le virage de Chávez à l'égard de l'Iran, avec qui il veut créer une alliance, et Cuba, justement parce qu'il craint d'être renversé.
Vu la grande complexité de la situation, il est compréhensible les gens assimilent tout cela à de l'antisémitisme.
Il y a des personnes au Canada qui ont dénoncé l'invasion de Gaza — environ 1 500 civils ont perdu la vie au cours de celle-ci — ou, plus récemment encore, l'attaque par Israël de bateaux dans les eaux internationales, un geste que je déplore — je peux comprendre leur motivation, mais pas ce qui s'est passé . Or, cela ne fait pas d'elles des antisémites. Je serais le premier à remettre en question un tel jugement. Je me considère comme un ami de la communauté juive. Or, il arrive parfois que les amis posent des questions très dures.
Comment dissocier l'antisémitisme des préoccupations réelles que suscite le comportement d'Israël depuis plusieurs années?
Voilà la question que je me pose. Vous souhaitez peut-être y répondre.
:
Merci pour ces propos réfléchis. J'aimerais en parler brièvement.
Il y a une chose qu'il importe de souligner: la presse vénézuélienne est très différente de la presse canadienne. Concernant la baisse de 60 p. 100 des articles antisémites, les médias sont contrôlés par le gouvernement, ce qui veut dire qu'il y a encore un certain nombre de messages qui sont véhiculés par le gouvernement.
Voici la page de garde d'un journal qui a été publié le jour de ma visite, l'an dernier. Il s'agit d'un journal qui est publié par la PDVSA, une société pétrolière d'État. L'article porte sur Israël. Pour un survivant de l'Holocauste, le fait de voir les mots nueva administración, nouvelle administration, associés à la situation politique de Gaza, le fait de voir des images de l'Holocauste dans un journal soutenu par le gouvernement — il ne fait pas partie de la presse libre — suscite beaucoup de crainte au sein de la communauté. Je vais vous laisser ce document pour que vous puissiez le faire circuler.
Pour ce qui est de savoir ce qui a poussé certaines personnes à commettre des atrocités, à terroriser la communauté juive en vandalisant la synagogue le matin du sabbat, on se demande quel motif pourrait être à l'origine de ces actes constants qui ont pour but de semer la peur et la crainte. Quels objets de valeur voulait-on voler dans une synagogue, un samedi matin? II n'y avait pas d'argent à cet endroit. Ils n'ont pas pris les rouleaux de la torah, ou encore les objets rituels. Ils ont laissé des messages sur les murs. Ils ont tout renversé dans les bureaux. Ils ont laissé les objets rituels cassés sur le plancher.
Pourquoi le gouvernement mènerait-il un tel raid? Que cherchait-on en 2004, en 2007? Pourquoi poser un tel geste? Nous ne le savons pas. Pour ce qui est de savoir s'il existe une autre réponse, tout le monde se demande s'il y a quelqu'un d'autre en dehors du gouvernement vénézuélien qui souhaite envoyer un tel message à la communauté juive. La question reste sans réponse. Donc, oui, nous aimerions tous qu'une enquête soit menée.
Autre point qui a déjà été mentionné et qui constitue, bien sûr, une autre source de préoccupation : les relations difficiles avec l'Amérique, les États-Unis, peut-être en raison de certains enjeux qui visent de manière précise cette région. Mais si l'Amérique n'est pas votre allié, alors qui l'est? Il n'est pas nécessaire que ce soit l'Iran. Voilà ce qui inquiète... et devrait inquiéter la communauté internationale: nous avons un allié au Venezuela qui est en train de se rapprocher de l'un des régimes les plus dangereux que le monde ait connu en 50 ans. Cette situation devrait nous alarmer.
:
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu nous rencontrer. Votre témoignage est fort intéressant.
Je voudrais d'abord dire que les faits que vous nous avez présentés sont très clairs. Lorsque plus de la moitié de la population juive quitte un pays, c'est qu'il doit y avoir quelque chose qui la pousse à le faire. Le fait que le nombre d'étudiants soit passé de 24 000 à 10 000 montre clairement que les gens ne se sentent plus en sécurité.
Vous avez parlé brièvement du vol hebdomadaire qui relie Caracas à Téhéran. Vous avez dit qu'il n'y a aucun siège de libre à bord ce vol. Cela me fait penser à d'autres enjeux qui ont été portés à notre connaissance.
J'ai ici un article de journal publié la semaine dernière qui affirme que le Venezuela possède deux mines d'uranium. Toutefois, il n'a pas la capacité d'enrichir l'uranium. Or, l'Iran l'a. On dit que lors d'une rencontre entre Ahmadinejad et Chávez, à Caracas, en 2006, les deux dirigeants ont signé des contrats, dont un qui permet à l'Iran de construire une usine de fabrication de munitions au Venezuela. On a émis des hypothèses concernant les vols hebdomadaires, mais aucune preuve concrète n'a été fournie.
Avez-vous des renseignements au sujet de ces vols et du fait qu'il n'y a aucun siège libre à bord de ceux-ci? Que peut-il bien se passer?
:
Étant donné la quantité d'éléments de preuve concernant chacun de ces trois incidents distincts, et, bien sûr, l'expulsion de l'ambassadeur, le rabbin...
Vous savez, c'est une bonne chose que si vos voisins vous inquiètent... bien sûr, nous avons entendu des témoins qui affirmaient le contraire et disaient qu'il est loin d'être fréquent de rencontrer des gens qui craignent les Américains ou les Colombiens. En fait, le dernier témoin que nous avons reçu disait que la grande majorité de sa famille vient de la Colombie, ce qui est le cas de beaucoup d'autres Vénézuéliens.
Le fait qu'il ait étreint Ahmadinejad, le pire violateur des droits de la personne au monde, à mon avis... Nous venons de terminer un rapport à ce sujet. J'irais même plus loin que vous, monsieur le rabbin, en disant que son régime est le plus dangereux qui ait jamais existé. Bien entendu, beaucoup de témoignages ont corroboré cette affirmation.
J'aimerais vous remercier pour votre témoignage.
Monsieur le président, je voudrais que nous poursuivions à huis clos maintenant, car il y a un point important à propos du rapport sur l'Iran dont j'aimerais discuter avec les membres du comité.