:
Monsieur le Président, je suis heureux de parler aujourd'hui du projet de loi , qui nous vient du Sénat. Il est intéressant de constater que le Sénat nous soumet un nombre considérable de projets de loi cette année. Celui qui nous est maintenant proposé est la .
Ce projet de loi s'inscrit dans les efforts soutenus du Canada pour mettre à jour et moderniser les traités concernant l'impôt sur le revenu qu'il a conclus avec d'autres pays. À l'heure actuelle, le Canada a conclu des traités fiscaux avec 87 pays, chiffre qui a été mentionné par un député plus tôt aujourd'hui. Le projet de loi mettrait en oeuvre trois nouveaux traités que le Canada a signés, soit avec la Colombie, la Grèce et la Turquie.
Plusieurs députés ont fait remarqué aujourd'hui que nous sommes dans une position où nous ne pouvons que réagir. Nous ne pouvons pas modifier ces ententes. Ces ententes ont été négociées comme le seraient des accords commerciaux entre deux pays. Les ententes sont signées, intégrées à un projet de loi, puis présentées à la Chambre.
J'aimerais souligner qu'à mon avis, si le gouvernement avait agi intelligemment, il n'aurait pas regroupé ces trois traités en un seul projet de loi et aurait au contraire rédigé trois projets de loi distincts. Le projet de loi n'aurait en réalité dû porter que sur un seul des trois traités. Nous aurions alors étudié trois projets de loi différents, ce qui aurait facilité la tâche de tous les députés. Mais comme ce n'est pas le cas, c'est lors de l'étude en comité que les choses risquent de se compliquer.
Je tiens également à dire que c'est la deuxième fois que la Chambre est saisie de ce projet de loi, comme de bien d'autres. Il avait franchi toutes les étapes au Sénat l'an dernier, avant que le premier ministre ne proroge le Parlement, et voilà qu'on doit tout recommencer un an plus tard.
Sans compter qu'il n'apporte rien de bien nouveau ni de bien substantiel en matière de politiques. Les traités fiscaux visés par le projet de loi sont calqués sur la convention fiscale modèle de l'OCDE, qui est reconnue par la plupart des pays du monde. Je crois en fait qu'il en existe des centaines comme ceux-là. Comme ils reprennent le modèle de l'OCDE, les pays signataires se contentent généralement de calquer les généralités et de négocier les particularités avec leurs groupes de partenaires.
Ces ententes visent à éliminer la double imposition, objectif admirable s'il en est. Elles visent également à prévenir l'évasion et l'évitement fiscaux, ce qui est tout aussi important, même si je ne peux m'empêcher de m'interroger sur leur efficacité réelle en la matière.
Par exemple, dans la mesure où le Canada a signé 87 traités fiscaux du genre depuis, si je ne m'abuse, les années 1970, on devrait être en mesure de s'attendre à ce que quelqu'un ait procédé à une quelconque vérification et puisse nous fournir des chiffres et des données prouvant leur efficacité. Ça me semble insensé qu'un pays qui a signé 87 traités propose d'en négocier et d'en signer une douzaine d'autres sans d'abord chercher à quantifier et à qualifier l'efficacité des 87 premiers.
Il faut croire que le gouvernement a accès à des renseignements qui lui prouvent que ces traités sont efficaces, puisqu'il continue à en signer. C'est pour cette raison que j'ai demandé au secrétaire parlementaire, lorsqu'il a présenté son projet de loi à la Chambre plus tôt aujourd'hui, s'il pouvait nous dire combien d'argent en impôts Revenu Canada a réussi à récupérer en s'attaquant à l'évasion et à l'évitement fiscaux dans les pays avec qui il a conclu ces ententes.
Il a reconnu qu'il ne possédait pas cette information. Je crois qu'il s'est engagé à essayer de l'obtenir, mais une fois de plus je ne peux pas être certain que cela se produira.
Tout ceci aurait pu être évité en grande partie si le gouvernement avait tenu des séances d'information, comme l'ont fait les ministres du gouvernement du Manitoba, tant sous les gouvernements conservateurs que néo-démocrates. En toute honnêteté, ce ne sont pas tous les ministres qui ont réussi. C'est-à-dire que ce ne sont pas tous les ministres qui l'ont fait. Je me souviens de plusieurs ministres, conservateurs et néo-démocrates, qui excellaient dans cet exercice et qui invitaient les députés de l'opposition, ou tout député qui souhaitait assister à la séance, afin de leur expliquer le projet de loi.
Cela a fonctionné. Je crois que presque tous les ministres qui ont procédé de la sorte affirmeront que c'est du temps bien utilisé et une façon de faire très intelligente. Si on omettait la confrontation et que tous les députés intéressés assistaient à une séance afin de s'informer sur un projet de loi, on gagnerait beaucoup de temps lors des débats. Au moins, les informations dont nous parlerions seraient uniformes et tout le monde disposerait d'informations exactes.
J'aimerais vraiment poser les questions suivantes. Combien de personnes profiteront de ces traités? Combien de personnes seront touchées par ces traités? Sommes-nous en train de négocier un accord international pour un ou deux cas par année ou, au contraire, pour des centaines de cas par année? À moins de faire une vérification du processus afin de prouver que nous y gagnons vraiment quelque chose, pourquoi négocions-nous donc ces traités?
J'aimerais aussi savoir si ces traités sont uniformes. On nous dit qu'ils sont fondés sur les modèles de l'OCDE, mais ils sont négociés entre deux pays. J'ai comparé deux de ces traités et je ne crois pas qu'ils sont tout à fait uniformes. Bien sûr, ils suivent le modèle et le schéma établis par l'OCDE, mais il me semble qu'il y a des différences entre les traités.
Nous sommes saisis de ce projet de loi et nous devons l'étudier de la façon la plus expéditive possible, mais il nous manque de l'information. Le gouvernement ne désigne pas d'orateurs, comme il le fait d'ailleurs ces temps-ci pour bon nombre de projets de loi, alors nous ne pouvons pas poser de questions aux députés ministériels à propos des enjeux.
Il n’est guère étonnant que nous finissions par hésiter vivement à renvoyer ces projets de loi à un comité. Nous finissons par devenir très soupçonneux à l’égard de l’objet de ces mesures, même si elles ne cachent pas forcément de mauvaises intentions. Nous devons poser des questions et cela ralentit leur renvoi en comité. Cela ralentit ensuite leur examen en comité.
À mon avis, le gouvernement pourrait rationaliser sa façon de procéder et il obtiendrait de meilleurs résultats s’il organisait des séances d’information avant de présenter ce genre de projets de loi, surtout lorsqu’ils soulèvent un certain nombre de questions sérieuses.
En 1971, le gouvernement fédéral a entrepris un examen et une révision de la fiscalité canadienne. C’était sous le premier gouvernement libéral de Pierre Trudeau, je crois. Les libéraux ont examiné et révisé le régime fiscal du Canada. Entre autres initiatives, cet examen s’est traduit par l’élargissement du réseau de traités fiscaux avec d’autres pays.
Curieusement, nous nous penchions déjà sur la question de l’évasion fiscale dans les années 1970. Je crois qu’un des premiers députés qui en a parlé aujourd'hui a cité un chiffre d’environ 6 milliards de dollars détenus dans des paradis fiscaux à l’étranger et c’est sans doute une évaluation prudente. De toute évidence, il reste beaucoup de travail à faire pour éliminer ces paradis fiscaux.
Je sais que les députés du Bloc s’intéressent énormément à la question des paradis fiscaux et qu’ils en ont parlé, en tout cas dans le contexte du discours du Trône et autres. Mon temps n’est pas illimité et j’ai beaucoup à dire.
Au cours des années, tous les gouvernements ont déclaré qu’ils allaient éliminer les paradis fiscaux et les échappatoires. Combien de fois les avons-nous entendus dire qu’ils allaient le faire? Ils disposent pour cela de tout le pouvoir de l’État, mais leurs efforts sont particulièrement infructueux. Juste pour montrer l’importance qu’une personne peut avoir dans le monde, l’année dernière, un employé d’une banque suisse, un simple employé, a pris une bande de sauvegarde contenant le nom de milliers de gens, des citoyens allemands, des citoyens canadiens, des citoyens d’autres pays, qui évitaient de payer l’impôt sur des revenus non déclarés en les plaçant dans ces banques. Je ne sais pas quels étaient exactement ses motifs, mais quels qu’ils soient, il a vendu ces données et le gouvernement allemand a acheté celles qui concernaient ses propres citoyens. Il les a peut-être vendues aussi à d’autres pays. Cela a eu pour effet que des contribuables canadiens se sont hâtés de profiter de l’amnistie fiscale offerte par le gouvernement pour déclarer volontairement leurs revenus non déclarés.
La morale de cette histoire est que les citoyens canadiens sont libres d’investir dans des paradis fiscaux à l’étranger, de ne pas payer d’impôt sur leurs gains en capital, sur l’intérêt qu’ils touchent sur cet argent et le pire qu’il puisse leur arriver est simplement d’avoir à faire une déclaration volontaire au bureau le plus proche de l’Agence du revenu du Canada. C’est ce qu’on appelle une amnistie. S’ils le font, ils ne reçoivent même pas la moindre réprimande. Ils paient simplement les impôts qu'ils doivent et je suppose qu’on leur dit qu’à l’avenir ils devront mieux se conduire. S’ils ne déclarent pas volontairement leur revenu, ils auront des problèmes s’ils se font prendre et c’est pourquoi ils ont été si nombreux à faire une déclaration volontaire.
C’est un exemple d’un simple employé de banque qui a volé des données pour une raison quelconque et les a vendues au gouvernement déclenchant ainsi tout un cataclysme. Je crois que les choses bougent également du côté de l’administration Obama, mais c’est dû davantage à la question du terrorisme qu’aux efforts déployés pour percevoir des impôts auprès de ceux qui s’y soustraient. La raison pour laquelle les Américains exercent des pressions sur le système bancaire suisse et les autres banques qui gardent cachent des renseignements est qu’ils veulent trouver les fonds placés dans ces banques par des terroristes. Telle est leur motivation.
Cependant, les Américains étaient bien heureux de ne pas aborder ce dossier pendant toutes ces années. Le système bancaire suisse s'est enrichi au fil des ans en acceptant l'argent des cartels de la drogue, des marchands d'armes et de toutes sortes d'organisations et de personnes peu recommandables. D'ailleurs, les narcotrafiquants et les marchands d'armes ont déposé des millions et probablement des milliards de dollars dans des comptes bancaires suisses qui, dans bien des cas, ne rapportaient aucun intérêt. C'est la raison pour laquelle les banques suisses ont pu octroyer des prêts. En 1987, lorsque les taux d'intérêt au Canada s'élevaient à environ 18 p. 100 et que le taux d'intérêt mensuel des CPG et des bons du Trésor atteignait entre 18 p. 100 et 20 p. 100, il était possible d'obtenir un prêt dans une banque suisse à un taux d'intérêt de 6 p. 100.
Je crois comprendre que de nombreux individus déposent leur argent sale dans un compte bancaire suisse sans attendre quoi que ce soit en retour. Ils sont tout simplement heureux de voir leur argent protégé et de pouvoir profiter du voile du secret professionnel et de la confidentialité que leur offrent les banques suisses.
Ils déposent des millions de dollars dans un compte bancaire suisse qui ne rapporte aucun intérêt. C'est bien sûr la raison pour laquelle ces banques peuvent octroyer des prêts à des taux d'intérêt peu élevés.
Ce système fonctionne depuis de nombreuses années, mais il est temps qu'on s'unisse à d'autres pays pour sévir contre ceux qui veulent éviter de payer des impôts.
J'écoutais hier sur CPAC M. Snowdy parler de Rahim Jaffer, l'ancien député, et des allégations selon lesquelles il ouvrait des comptes bancaires au Belize. Le Belize n'est pas sur notre liste de pays ayant une convention fiscale comme celle-ci. Je me demande alors si ces gens qui planifient leur carrière relativement à la fraude fiscale regardent notre liste. Consultent-ils la liste des pays avec lesquels nous avons signé des conventions fiscales et essayent-ils d'éviter ces conventions?
Sur la liste des pays avec lesquels nous avons une convention fiscale figurent l'Algérie, l'Argentine, l'Arménie, l'Australie et l'Autriche, puis il y a la Barbade. J'ai examiné la liste des pays et je n'en ai vu aucun qui constituait un paradis fiscal jusqu'à ce que j'arrive à la Barbade, sous les B.
C'est un pays avec lequel nous avons conclu une convention fiscale. Le porte-parole du Bloc s'est adressé à la Chambre ce matin, et en passant, il s'est rétracté au sujet du Liechtenstein. Nous avons vérifié ensemble, car ce pays n'était pas sur ma liste. Il a admis qu'il ne figure effectivement pas sur la liste.
À mon avis, il a expliqué de façon très détaillée la situation de paradis fiscal en ce qui a trait à la Barbade. Il a expliqué que l'OCDE dispose de quatre critères pour déceler les paradis fiscaux: le taux d'imposition est nul ou presque; il n'y a pas de transparence; le dépôt de documents n'y est pas exigé; il n'y a pas de diligence raisonnable et il n'y a aucune activité économique. Je crois qu'il décrivait une situation où les investissements canadiens aux Bermudes, à la Barbade et aux îles Caïmans sont passés de 30 à 90 milliards de dollars. Ce sont des pays avec lesquels nous n'avons pas de telles conventions fiscales.
Il existe une zone grise, et je crois que le Belize en fait partie.
Je ne sais pas pourquoi M. Jaffer aurait choisi ce pays, car il ne figure même pas sur la liste des meilleurs paradis fiscaux, mais quoi qu'il en soit, nous n'avons certainement pas conclu de convention fiscale avec le Belize.
La Grenade figure sur la liste. Il y a quelques semaines, les médias ont rapporté comment, ces deux ou trois dernières années, il y avait eu un spectaculaire stratagème de fraude fiscale impliquant une banque grenadienne. Je crois qu'un citoyen américain ou canadien s'est rendu à la Grenade pour y créer la banque, qui n'était qu'une façade. Il s'agissait d'un bureau loué. Il n'y a jamais eu de véritable banque. Des millions de dollars ont été volés aux Nord-Américains.
Il y a donc manifestement plus en jeu ici que ce que prévoient ces conventions fiscales. Avant de signer 80 autres conventions de ce genre, nous devrions déterminer ce que nous avons gagné au juste après avoir signé les 80 conventions existantes.
:
Madame la Présidente, je trouve encourageant d’entendre mon collègue de Winnipeg parler des répercussions de la politique fiscale après avoir fait tant de recherches à ce sujet. En effet, ces répercussions ont un effet sur ce que nous faisons ici, et notamment sur la capacité du gouvernement de percevoir des impôts d’une manière équitable partout dans le pays. Y a-t-il des ententes spéciales au sein de la classe politique, au Cabinet et parmi les familles qui ont les moyens de penser à des choses telles que les paradis fiscaux?
Je soupçonne que la plupart des Canadiens qui nous regardent n’ont jamais eu le loisir d'envisager avec leur famille, pendant le dîner, ce qu’il convient de faire cette année de leurs fonds placés dans des paradis fiscaux. La plupart des Canadiens se débattent pour joindre les deux bouts et payer leur juste part d'impôts, qu’ils sont prêts à payer. Toutefois, ce qu'ils ont plus de mal à accepter, c'est que des familles extrêmement riches du Canada, qui gagnent beaucoup d’argent, cherchent à éviter de payer des impôts et se soustraient à cette obligation.
Certains de ces gens finissent par recevoir d'un premier ministre une épinglette à mettre sur leur revers ou encore l’Ordre du Canada pour leur dévouement envers les Canadiens. L’ironie et l’hypocrisie dont cela témoigne sont tellement contraires aux valeurs canadiennes.
Le projet de loi nous vient du Sénat. Il est bon de constater qu’à l’occasion, les sénateurs se réveillent de leur sieste pour produire quelque chose. Toutefois, c’est un projet de loi qui ne veut pas dire grand-chose dans ses détails quoique, d’une façon générale, il ait des incidences sur nous tous.
Dans le projet de loi , comme mon ami de Winnipeg l’a dit, le gouvernement a délibérément inclus un pays qui peut causer des ennuis parce qu’il essaie actuellement de conclure un accord de libre-échange avec la Colombie et tente de le glisser dans ce projet de loi fiscal. Comme d’autres, je trouve étrange que ces trois pays soient regroupés ensemble. Je me demande pourquoi le gouvernement veut inclure des économies tellement différentes dans une seule mesure législative. Toutefois, le gouvernement ayant choisi d’agir ainsi, nous devons faire avec.
Il nous reste à décider de ce qu’il convient de faire du projet de loi. Le NPD a proposé avec raison que le projet de loi soit scindé pour que nous puissions examiner chaque réalité à part. Jusqu’ici, le gouvernement a refusé. Examinons donc la façon dont ce dernier fonctionne quand il s’agit d’élaborer des mesures législatives ainsi que le rôle qu'il joue.
Le comité des finances étudie actuellement le projet de loi qui n’est en pratique qu’un cheval de Troie. On nous dit que c’est un projet de loi d’exécution du budget, mais c’est en réalité un projet de loi omnibus, c’est-à-dire une mesure portant sur une multitude de questions différentes. Le gouvernement y a inclus des choses telles que la majoration des taxes d’aéroport et la vente d’Énergie atomique du Canada Limitée, qui est la plus grande société d’État du pays et qui représente l’industrie nucléaire canadienne. Il a également inclus des dispositions destinées à affaiblir la réglementation environnementale régissant – je vous le donne en mille – l’industrie du pétrole et du gaz. C’est vraiment une chose très curieuse à faire en ce moment. Toutes ces mesures font partie d’un prétendu projet de loi d’exécution du budget. Quel cynisme! C’est une politique qui signifie que le gouvernement ne veut pas débattre ces questions en fonction de leurs avantages et inconvénients.
Prenons par exemple une des parties du projet de loi, celle concernant la vente d’EACL. Dans les plus de 50 ans d’existence de cette société d’État, les Canadiens y ont investi quelque 21 milliards de dollars afin de développer l’industrie nucléaire canadienne, pour la production tant d’énergie que d’isotopes médicaux. Cela fait beaucoup d’argent. Imaginez tout ce qu’on aurait pu faire d’autre avec 21 milliards de dollars. Mais voilà où nous en sommes. L’argent a déjà été dépensé.
Il est effectivement dit dans la loi qui a été adoptée ici que pour vendre ou dissoudre EACL, le gouvernement doit proposer un projet de loi à la Chambre. C’est logique. C’est raisonnable. C’est ce que font tous les autres pays. Toutefois, au lieu de débattre de la vente d’EACL ou de la façon de la dissoudre ou de ce genre de questions, le gouvernement a glissé cela dans un projet de loi d’exécution du budget en disant que c’était une question de confiance.
Il a aussi glissé l’augmentation des taxes d’aéroport. Cela émane d’un gouvernement qui prétend constamment réduire les impôts. C’est risible parce que, en même temps, il les augmente. Comme dans le cas de la TVH.
Je viens de la Colombie-Britannique et je suis allé au marché agricole de Terrace le week-end dernier. J’ai tenu le kiosque sur la TVH pendant deux ou trois heures. J’ai entendu les citoyens de la province dire à quel point ils sont exaspérés d’entendre aux nouvelles du soir les ministres conservateurs se vanter les uns après les autres d’avoir réduit les impôts alors qu’ils savent qu’en Colombie-Britannique et en Ontario, ils vont imposer la TVH aux familles de travailleurs qui paieront encore plus de taxes.
C’est une taxe qui a été instaurée par un premier ministre de Colombie-Britannique qui avait promis de ne pas le faire. Les conservateurs prétendent n’avoir joué aucun rôle en oubliant que leurs empreintes digitales figurent sur le pot-de-vin de 1,6 milliard de dollars qu’ils ont donné à l’Ontario. Le gouvernement a pris 1,5 milliard de dollars aux contribuables pour graisser la patte d’un autre gouvernement afin qu’il puisse augmenter les taxes de ces mêmes contribuables. C’est ainsi que le gouvernement conservateur réduit les impôts.
Il est incroyable que ces gens-là puissent encore garder la tête haute en parlant de fiscalité alors qu’ils ont pris 1,5 milliard de dollars en glissant cela dans un projet de loi d’exécution du budget pour augmenter les taxes en Colombie-Britannique et donner 3,5 milliards de dollars environ à l’Ontario. C’est remarquable.
Ce qui est remarquable, c’est que les gens qui sont venus nous voir dans ce marché avaient toutes sortes d’opinions politiques. Tous nous ont dit que taxe ou pas taxe, ils jugeaient cette façon de procéder inacceptable. Ils ont signé une pétition pour qu’un vote libre et équitable puisse avoir lieu en Colombie-Britannique pour décider de ce genre de choses.
Le projet de loi cherche encore une fois à aborder des sujets sans vraiment faire quoi que ce soit. Nous avons demandé au gouvernement des preuves quant aux effets de ces traités. Le gouvernement a signé, je crois, 87 conventions. Les conservateurs pensent être de grands libres-échangistes parce qu’ils ont signé ces accords. Ils disent qu’ils sont fantastiques comme si cela avait vraiment changé quelque chose dans le monde.
Il a dû coûter très cher d’imprimer 87 traités et ne parlons même pas d’envoyer des négociateurs aux quatre coins du monde pour organiser tout cela. Ce n’est pas gratuit. Nous avons investi dans ces accords. Nous demandons un rendement sur notre investissement.
Nous voulons savoir ce qui a changé dans la politique fiscale. Avons-nous attrapé ceux qui envoient leur argent à l’étranger dans un paradis fiscal? Avons-nous récupéré des fonds de ceux qui ont gagné de l’argent sur l’investissement des Canadiens et qui se sont sauvés avant de payer la facture? Le gouvernement n’a fourni aucune preuve.
Cette situation sème le doute dans notre esprit. Encore une fois, le gouvernement parle d'agir, mais rien ne change. Les gens en ont de plus en plus marre de ce genre de gouvernement. Si le gouvernement dit qu'il va prendre une mesure, qu'il le fasse.
Je viens d'une région rurale éloignée du Nord de la Colombie-Britannique. Chez nous, lorsqu'une personne dit qu'elle va faire quelque chose, l'entente est souvent scellée par une poignée de main, puis la personne livre la marchandise.
Élaborer toutes ces ententes sans savoir si elles sont efficaces, sans savoir quelle formule donne les meilleurs résultats dans une situation donnée, équivaut à gouverner en fonction d'une idéologie plutôt qu'en s'appuyant sur la réflexion et la discussion.
Dans ce projet de loi, le gouvernement regroupe trois pays, de façon à faire grimper les chiffres. Il signe plus de traités, mais il rejette un principe fondamental du commerce qui évolue et qui se développe dans le monde entier depuis 50 ans.
Ce principe fait contrepoids à l'idéologie qui sous-tend le libre-échange. Nous pouvons faire des échanges commerciaux avec d'autres partenaires, mais nous devons le faire de façon équitable. Nous savons tous qu'il n'y a rien de gratuit dans ce monde. Même la terminologie employée, à savoir le « libre-échange », doit avoir un sens positif, elle doit avoir une connotation favorable. Toutefois, lorsque nous posons des questions sur le commerce équitable, sur le commerce pratiqué honnêtement avec nos partenaires commerciaux, sur le commerce qui améliorerait les normes du travail, qui aiderait l'environnement, qui veillerait à ce que nous ne soutenions pas des régimes que nous ne tolérerions jamais ici, le gouvernement reste silencieux. Ce genre d'accords commerciaux ne l'intéresse pas. Cela est évident lorsqu'on songe à l'entente conclue avec la Colombie.
Le député de travaille fort afin que l'on se penche sur la situation des droits de la personne en Colombie. Il a fait des progrès parmi les députés après avoir mené une vaste campagne auprès de milliers de Canadiens. Ces gens aimeraient savoir que nos partenaires commerciaux respectent certaines normes, certaines exigences, en contrepartie du privilège qu'ils ont de faire du commerce avec le Canada.
C'est de cette façon que le commerce fonctionne. C'est un privilège. Ce n'est pas un droit. Les pays ne s'adonnent pas au commerce entre eux en vertu d'un quelconque droit fondamental. Les échanges commerciaux sont un privilège. C'est la même chose que d'exploiter une entreprise. L'exploitation d'une entreprise au Canada n'est pas un droit. C'est un privilège. Il faut respecter certaines règles et ces règles ne peuvent être enfreintes.
Si quelqu'un tente de frauder le fisc, le gouvernement réagit, et à juste titre, sauf dans le cas d'une certaine catégorie de Canadiens. Lorsqu'il s'agit de milliards de dollars, les règles changent complètement. Les gens vont dans ce qu'on appelle des paradis fiscaux et, comme on l'a décrit plus tôt aujourd'hui, ces paradis fiscaux sont créés par des pays qui ont un semblant de secteur bancaire. Ce sont souvent des îles et ce sont souvent de très petits pays, qui peuvent être démocratiques ou non. La liste des grandes familles canadiennes qui ont mis leur argent à l'abri dans ces paradis fiscaux est étonnante.
Nous voyons cela souvent, que le gouvernement soit libéral ou conservateur. Il y a une petite rencontre en privé et Revenu Canada déclare que tout est très bien. Nous avons même vu un ancien premier ministre — oui, oui, un ancien premier ministre — pris en flagrant délit d'évasion fiscale. C'était Brian Mulroney, un conservateur. Nos vis-à-vis l'ont déjà connu, puis, ils ont prétendu ne pas le connaître et aujourd'hui, ils le connaissent à nouveau, du moins, je crois. Qu'est-il arrivé lorsqu'il a été pris? Il a conclu une entente avec Revenu Canada. Il lui suffisait de payer une partie des impôts dus pour satisfaire Revenu Canada.
Je me demande si le gouvernement offre le même genre d'entente au contribuable moyen qui gagne durement son argent. Si ce contribuable moyen a de la difficulté à payer ses impôts cette année ou en a eu l'an dernier, est-ce que Revenu Canada lui offrira de n'en payer que la moitié? Bien sûr que non. Le système ne pourrait pas fonctionner comme cela.
Cependant, lorsque nous passons aux échelons supérieurs et que l'on a affaire à un Brian Mulroney, à un Bronfman ou à quelqu'un qui a ses entrées ici, cette personne peut conclure une entente avec le gouvernement et ne payer que la moitié des impôts qu'elle doit. Comment justifier cela? Comment nos vis-à-vis peuvent-ils se dire financièrement conservateurs s'ils permettent que se perpétue l'évasion fiscale? Comment peuvent-ils présenter des budgets déficitaires alors que des impôts dus au bon peuple du Canada ne sont pas payés? La seule raison, c'est que certaines personnes ont leurs entrées, qu'elles font partie du club, qu'il faut être à l'aise avec certains Canadiens qui possèdent une certaine richesse.
À propos des accords conclus avec des pays, nous espérons, en qualité de Canadiens, que notre présence dans le monde, notre capacité de tisser des liens avec d'autres pays, contribuera à un monde meilleur. Nous ne débarquons pas dans ces pays, dans le cadre de missions militaires, diplomatiques ou commerciales, en espérant que le monde s'en portera plus mal. Une partie de notre croyance profonde est que nous avons accompli quelque chose dans notre pays qui, aux dires de certains, fonctionne bien dans la pratique, mais non en théorie. Nous voulons être un symbole et un exemple dans certains domaines, plus particulièrement pour les pays qui ont peine à instaurer un État de droit démocratique et à faire respecter les droits des femmes et des minorités, des gais et des lesbiennes. Les Canadiens n'ont pas de réticence à promouvoir ces valeurs à l'étranger. Nous espérons le faire par l'intermédiaire de notre corps diplomatique et de notre armée, de temps à autre.
Cependant, lorsque nous regardons l'idéologie de libre-échange du gouvernement, nous constatons que toutes ces autres questions sont évacuées. C'est à se demander si le gouvernement croit vraiment que le commerce est un mécanisme et un instrument pour promouvoir le respect des droits de la personne et des normes environnementales dans le monde ou, à l'inverse, — et je pense que, s'agissant d'eux, c'est plus près de la réalité — s'il croit que la nature du rôle du Canada, la vision même du Canada dont il fait la promotion n'en est pas une qui encourage le respect des droits de la personne, ni la protection de l'environnement ou le respect des droits des Premières nations. Si je peux m'exprimer aussi catégoriquement, c' est que le gouvernement nous a prouvé plusieurs fois qu'il n'avait aucune réticence à couper l'accès aux programmes pour les femmes. Cela ne semble pas le déranger de réduire le financement de certains groupes qu'il n'aime pas si leur idéologie n'est pas la bonne. Cela ne le dérange pas d'affaiblir la réglementation environnementale qui régit l'industrie pétrolière et gazière, même qu'il laisse entendre que ce secteur peut s'autoréglementer et que ce serait peut-être préférable ainsi.
Ce matin, au comité, nous avons entendu dire que l'organisme de réglementation national qui régit le secteur pétrolier et gazier dans presque tout le pays, à l'exception de Terre-Neuve-et-Labrador, a affirmé que ces règlements n'étaient plus une bonne chose et que nous devrions seulement établir des règles axées sur les objectifs. En fait, oublions les règles. Établissons seulement des lignes directrices. Serait-ce une bonne idée de n'avoir que des lignes directrices axées sur les objectifs en ce qui concerne la conduite automobile ou la sécurité de nos foyers et de nos rues? Bien sûr que non. Nous mettons en oeuvre des règlements pour cela.
Comme le dit mon beau-père, qui travaille pour une commission d'indemnisation en Colombie-Britannique, de nombreux règlements qui régissent l'industrie pour assurer la sécurité des travailleurs sont rédigés avec du sang. Ce qu'il veut dire par là, c'est que ces règlements ne sortent pas du néant. Ils sont souvent créés après qu'un accident a eu lieu. Dans son domaine, soit la sécurité des travailleurs, cela signifie que quelqu'un est mort ou a été gravement blessé. C'est ainsi qu'on prend conscience qu'il faut changer les règlements qui s'appliquent à la construction ou à un secteur en particulier. Les règlements ont dû être renforcés pour que les gens puissent aller travailler tout en sachant qu'ils rentreront chez eux à la fin de la journée. C'est sur ce principe que sont fondés les règlements. Pour autant que je sache, dans les environs d'Ottawa, il n'y a aucun bureau où des gens créent des règlements pour le plaisir. Nous créons des règlements afin que les bonnes pratiques se développent, pour donner aux gens une chance équitable de gagner un salaire décent et d'être des citoyens responsables. C'est un permis social de fonctionner qui est incorporé dans ces règlements.
Toutefois, le gouvernement fait la promotion d'un Canada qui ne croit pas nécessairement à la réglementation, mais pense plutôt que l'industrie peut s'auto-réglementer. Si on s'intéresse à ce qui se passe actuellement dans le golfe du Mexique, on voit ce qui se produit lorsqu'on permet à une industrie de s'auto-réglementer davantage.
Cela n'arrive pas toujours d'un seul coup. C'est progressif. C'est la politique des petits pas, comme on dit. C'est insidieux. On l'a vu avec le marché boursier aux États-Unis et au Canada. On a énoncé des règles et des directives pour contenir l'avidité inhérente à n'importe quel marché boursier, parce que c'est un bon endroit pour faire de l'argent. On l'a fait parce qu'il y a des gens qui ne respectent pas vraiment l'éthique. Il y a des courtiers qui veulent contourner et enfreindre les règles, et dépouiller les investisseurs. Aux États-Unis, il y a eu la Loi Glass-Steagall. Au Canada, nous avons eu un tas d'autres choses, mais le grignotage a continué.
Petit à petit, les lignes directrices des Américains se sont effritées. Leurs règles se sont effritées et ils ont décidé d'avoir des lignes directrices reposant sur les résultats. Le résultat, pour la bourse, cela veut dire faire de l'argent. Si les gens continuent à gagner de l'argent, c'est très bien, mais on ne les guidera pas. C'est la main invisible du libre marché qui les sauvera en fin de compte.
Le marché est quelque chose de magique. Il peut mobiliser des milliards de dollars qui débouchent sur de nouvelles technologies, encouragent les idées novatrices et permettent aux ambitions de s'épanouir. Mais on a quand même besoin de règles et de garde-fous pour que les gens qui essaient d'agir correctement soient récompensés et que les escrocs aillent en prison. Mais on supprime tous les règlements et on se contente d'énoncer des lignes directrices. On énonce des objectifs axés sur les résultats et voilà ce qu'on obtient: une situation où les gens de la pire espèce peuvent manipuler au maximum le système pour s'en mettre plein les poches de façon malhonnête.
Il s'agit maintenant de faire passer le projet de loi , le projet de loi du Sénat. Il faut qu'il y ait ce genre d'ententes fiscales pour éviter la double imposition. C'est un excellent principe, et nous l'acceptons. Mais que se passe-t-il du côté des paradis fiscaux? Le gouvernement a-t-il signé des traités avec ces pays vers lesquels les gens se tournent pour mettre leur argent à l'abri?
À ma connaissance, la Turquie n'est pas un paradis fiscal pour les grosses fortunes de ce monde. Pas du tout. Nous avons la liste de ces endroits-là. Transparency International publie chaque année une liste des régimes les plus corrompus. C'est à l'abri de ces régimes qu'on trouve un certain nombre de paradis fiscaux. Il suffit de payer quelqu'un pour ne pas avoir à payer d'impôts, ne rien avoir à déclarer et avoir un conseil d'administration d'un seul membre.
Toute la flotte commerciale de l'ancien premier ministre Martin naviguait sous divers pavillons de complaisance. Pourquoi parle-t-on de complaisance? Parce que si les gens ont des compagnies de transport maritime, comme c'était le cas de l'ancien premier ministre du Canada, et qu'ils ne veulent pas respecter le droit canadien, américain ou européen, ils font naviguer leurs bateaux sous le pavillon d'un sombre pays africain qui n'a aucune règle ni réglementation sur la navigation. Comme cela, grâce à ce pavillon de complaisance, ils n'ont pas de lois sur le travail ou sur la protection de l'environnement à respecter.
Le problème de l'idéologie du gouvernement est qu'elle hisse un pavillon de complaisance au mât de sa politique commerciale. Le gouvernement se sert du commerce pour atteindre une série de buts très précis. Certains d'entre nous croient sincèrement qu'établir une relation commerciale avec un pays peut déboucher sur l'amélioration des conditions de vie des citoyens, tant ceux du Canada que ceux du pays partenaire.
Cela s'est déjà produit. Au cours des 25 dernières années, les gagne-petit ont vu leurs conditions s'améliorer graduellement dans certaines régions du monde. Il est toutefois faux de penser que cela se produit naturellement, peu importe ce que nous faisons, et des données très solides le prouvent.
Nous avons commercé avec l'Irak pendant que Saddam Hussein était au pouvoir. Nous avons acheté son pétrole, et les Américains aussi, sans imposer la moindre condition. Nous avons dû tordre le bras d'un ancien gouvernement conservateur pour qu'il prenne des mesures appropriées contre l'Afrique du Sud du temps du régime de l'apartheid. Nous avons dû prendre position. L'argument contre les sanctions commerciales contre l'Afrique du Sud était que le libre-échange était roi, que c'était le principe fondamental. Si nous faisions des échanges commerciaux avec l'Afrique du Sud, l'apartheid finirait par disparaître.
Cela ne se serait jamais produit, évidemment. Ce régime existerait toujours si la communauté internationale n'avait pas insisté pour que le respect des droits de la personne soit une condition préalable aux relations commerciales. Nous avons donc insisté pour que l'Afrique du Sud, si elle voulait que nous achetions ses ressources et ses produits, traite ses citoyens avec une certaine dignité. Quand nous avons fini par la prendre, cette décision a eu un effet positif sur le monde entier. Pourtant, les idéologues conservateurs s'y étaient opposés du début à la fin.
Et c'est encore la même chose aujourd'hui. Le Canada a besoin d'une bonne politique commerciale. Nous sommes une nation commerçante. Nous devons éliminer les paradis fiscaux afin que tous les citoyens, peu importe leur statut social, paient leur juste part d'impôt. C'est la bonne chose à faire.