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Monsieur le Président, le projet de loi , également intitulé Loi sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle en ligne, est la réincarnation d'un projet de loi mort au
Feuilleton la session dernière quand le gouvernement a prorogé le Parlement. Les autres membres de mon parti et moi-même l'avons probablement déjà répété assez souvent, mais le fait est que son prédécesseur, le projet de loi , a franchi l'étape de la première lecture le 6 mai.
En bref, le projet de loi obligerait tous les Canadiens, y compris les fournisseurs de services Internet, à déclarer toute image d'exploitation sexuelle d'enfants. Le drame, bien évidemment, est que de telles infractions sont commises tous les jours. C'est un fléau pour la société et nous aurions pu y faire quelque chose plus tôt si ce n'était de ce mot qui commence par la lettre P. Le Parlement a été prorogé et la mesure n'a pas été adoptée.
Comme l'a fait remarquer hier le secrétaire parlementaire, le gouvernement a l'obligation de protéger les faibles et les vulnérables, surtout nos enfants. Nous aurions dû débattre de cette question il y a longtemps et c'est un honneur pour moi de prendre la parole en faveur d'une mesure législative qui cherche à défendre les droits des enfants au Canada et dans le monde entier.
Même si c'est un projet de loi de nature technique, son objectif est à la fois moral et louable. C'est un projet de loi qui aurait dû être adopté il y a longtemps. Je sais que, au comité, il sera examiné en profondeur avant que des décisions finales ne soient prises, de sorte que la Chambre puisse s'assurer que le Canada assume ses responsabilités à l'égard de la protection de nos enfants contre l'exploitation sexuelle.
J'ai ici plusieurs statistiques et j'en parlerai à la fin de mon discours. Par contre, je peux d'ores et déjà informer la Chambre que le Canada n'est pas un chef de file en matière de prévention de la pornographie juvénile ou d'exploitation sexuelle sur Internet.
Je tiens à dire à quel point je suis déçu qu'il ait fallu autant de temps au gouvernement pour présenter un tel projet de loi. Cela fait près de quatre ans et demi qu'il est au pouvoir. Pourtant, il ne s'est pas empressé de présenter des mesures législatives, aussi boiteuses soient-elles, pour modifier les lois pénales afin qu'elles tiennent compte des technologies modernes et des moyens modernes de transmission de l'information.
Les victimes de ces crimes ne peuvent pas attendre et les tactiques du gouvernement ont privé bon nombre d'enfants de la vie libre et heureuse qu'ils méritent. Nombre d'entre nous ont des enfants et font du mieux qu'ils peuvent pour leur offrir une vie libre et heureuse. Je dis parfois à mes enfants que leur vie est trop libre et heureuse, mais soyons clairs. Beaucoup d'enfants vivent en captivité. Ils sont privés de leur liberté et ils ne vivent pas une vie libre et heureuse du tout. Ils ont été exploités et continuent d'être exploités tous les jours.
Pour commencer, j'aimerais parler des lois actuelles qui régissent la pornographie juvénile. Il y a des articles dans le Code criminel, notamment l'article 163.1 introduit en 1993 par le gouvernement libéral de l'époque. Cet article interdit la production, la distribution, la vente et la possession de pornographie juvénile.
Reportons-nous en 1993 quelques instants: les BlackBerry n'existaient pas, les ordinateurs portables étaient aussi gros que le pupitre devant moi et la technologie n'était certainement pas ce qu'elle est aujourd'hui. C'est pourquoi cette mesure législative, qui était tout à fait valable à l'époque, est complètement désuète aujourd'hui. Voici la description qu'on y donnait de la pornographie juvénile:
la représentation visuelle d'une activité sexuelle explicite avec une personne de moins de 18 ans ou présentée comme telle;
la représentation visuelle, dans un but sexuel, de personnes de moins de 18 ans;
tout écrit ou toute représentation qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne de moins de 18 ans.
En 1993, ces définitions étaient tout à fait pertinentes.
Les Canadiens n'ont aucun doute quant à l'illégalité de la pornographie juvénile. À l'heure actuelle, commet une infraction criminelle quiconque diffuse ou publie en ligne du matériel correspondant à la définition que je viens de donner de la pornographie juvénile. C'est clair dans l'esprit de tous les Canadiens, qui continuent de condamner la production de matériel web représentant l'exploitation sexuelle d'enfants ou l'accès à ce matériel.
Si la société s'arrêtait là, si la technologie moderne s'arrêtait là, s'il suffisait de mettre fin à la production de pornographie juvénile et à sa distribution sur le web, je suppose que nous pourrions dire que nous faisons notre travail. Peut-être même que certains députés autour de moi, qui étaient là en 1993, se disent aujourd'hui qu'à l'époque, cette définition était suffisante.
Aux termes des lois actuelles, si un juge a des motifs raisonnables de croire que du matériel contenant de la pornographie juvénile peut être consulté par l'entremise d'un fournisseur de services Internet donné, il peut ordonner à ce dernier de fournir tous les renseignements susceptibles de contribuer à localiser et à identifier la personne qui a mis la matériel en question en ligne. S'il est possible de remonter jusqu'à la source du matériel, le juge peut également ordonner qu'il soit supprimé.
Ces lois sont aussi valables que nécessaires, même si, comme je l'expliquerai dans un instant, le gouvernement devrait aller plus loin. À l'heure actuelle, dans les cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet, le procureur peut choisir entre la mise en accusation, dont les conséquences sont plus graves, et la simple déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Les personnes mises en accusation qui sont reconnues coupables sont passibles de 10 ans de prison. C'est très grave. Pour le moment, les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité peuvent entraîner une peine de 18 mois.
Rappelons que la consultation ou la possession de pornographie juvénile est tout aussi condamnable. La distribution de pornographie juvénile en ligne est aussi illégale que sa consultation, qui constitue une infraction punissable. Les infractions criminelles sont passibles d'une peine maximale de 5 ans, alors que la peine maximale pour les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité demeure de 18 mois.
Inutile de dire que les Canadiens sont bien conscients que la pornographie juvénile continue d'avoir cours dans le monde et qu'ils souhaitent mettre un terme à cette horrible pratique. Ils ne veulent pas que le Canada tarde à intervenir et qu'il accuse du retard. Ils souhaitent que le Canada fasse figure de chef de file dans ce dossier, mais ce n'est malheureusement pas ce qui se passe. La législation actuelle au Canada prévoit clairement l'imposition de sanctions sévères à ceux qui enfreignent la loi concernant l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet, mais il faut faire davantage pour prévenir ces crimes répugnants.
Comme je l'ai brièvement mentionné, le projet de loi mettrait en oeuvre des règles exigeant que les fournisseurs de services Internet signalent les images d'exploitation sexuelle d'enfants. Cette mesure constitue un changement souhaitable si le Canada veut s'attaquer directement à l'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. Le projet de loi dispose:
Le texte oblige les personnes qui fournissent des services Internet au public à faire rapport si elles sont avisées d’une adresse Internet où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public ou si elles ont des motifs raisonnables de croire à l’utilisation de leurs services Internet pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile.
Le législateur exhorte le public, les tierces parties et quiconque de l'extérieur à signaler aux fournisseurs de services Internet les sites qui contiennent du matériel de pornographie juvénile. Les fournisseurs de services Internet sont ni plus ni moins des vecteurs ou des canaux de distribution de pornographie juvénile. Cet appel à la collaboration est une mesure judicieuse parce que, pour autant que je sache, aucun organisme ou gouvernement dans le monde ne peut surveiller ou contrôler tout le matériel de pornographie ou d'exploitation sexuelle d'enfants diffusé sur Internet.
La population, les tierces parties et les nombreux groupes à l'échelle du Canada intéressés et mobilisés par la question pourraient signaler aux fournisseurs de services la présence de ce genre de matériel. Qui plus est, les fournisseurs seraient tenus, en vertu de la loi, de déclarer l'existence de ce matériel.
J'attire également l'attention sur quelques-unes des dispositions intéressantes et importantes du projet de loi. L'article 3 dispose:
La personne qui est avisée, dans le cadre des services Internet qu’elle fournit au public, d’une adresse de protocole Internet ou d’une adresse URL où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public communique l’adresse dans les meilleurs délais, selon les modalités réglementaires, à l’organisme désigné par les règlements.
L'article 4 dit ceci:
Si la personne qui fournit des services Internet au public a des motifs raisonnables de croire que ses services Internet sont ou ont été utilisés pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile, elle en avise [...] un agent de police ou toute autre personne chargée [...]
C'est l'ajout. On pourrait penser que l'avis serait donné à un agent de police. C'est comme cela que le Code criminel est rédigé depuis des siècles. Toutefois, cette mesure législative, rédigée par le ministère de la Justice, stipule que la personne:
avise dans les meilleurs délais, selon les modalités réglementaires, un agent de police ou toute autre personne chargée du maintien de la paix publique.
Elle élargit le nombre de personnes auxquelles on peut signaler cette infraction. De plus, elle augmente de façon ingénieuse le nombre de personnes qui peuvent signaler l'infraction; rend les fournisseurs de services Internet seuls responsables du signalement de cette infraction; et augmente le nombre de personnes qui devraient en être informées.
Les personnes chargées du maintien de la paix publique pourraient inclure les agents qui ont été engagés par les municipalités pour faire appliquer les règlements municipaux. La mesure pourrait, conformément aux pouvoirs accordés aux municipalités de l'ensemble du pays — et il s'agit sans doute d'un aspect non couvert par la Constitution —, permettre aux municipalités ou aux autorités compétentes de prendre des mesures plus fermes pour s'attaquer au problème de distribution de pornographie juvénile sur Internet.
L'article 5 stipule que la personne qui a donné l'avis en vertu de l'article précédent doit préserver toutes les données. En effet, tout le monde sait que, lorsqu'on se présente devant un tribunal, on doit avoir des preuves. Il n'est pas suffisant de demander à un grand nombre de personnes de surveiller Internet, d'obliger les fournisseurs de services Internet à déclarer les infractions et d'augmenter le nombre de personnes ou d'agents de police qu'on peut aviser de ces infractions. La personne qui signale ces infractions doit aussi préserver les preuves, les données électroniques, parce que, sans elles, nous ne pourrons pas condamner les personnes accusées de ces crimes.
L'article 7 dit ceci:
La présente loi n’a pas pour effet d’autoriser ou d’obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile.
Autrement dit, la loi ne demande pas aux fournisseurs de services Internet de jouer le rôle de la police. Tout ce qu'ils doivent faire, c'est de signaler les sites ou les adresses URL.
Les articles 8 et 10 parlent des responsabilités civiles et des limites de ces responsabilités. Par exemple, nul ne peut être poursuivi au civil pour avoir, de bonne foi, communiqué une adresse au titre de l’article 3. Cela serait de la diffamation et de la calomnie.
Nous pouvons imaginer un citoyen bien intentionné signaler un site suspect. Le fournisseur de services Internet le signale à un agent de la paix, mais il n'y a aucune condamnation. Toutefois, pendant ce temps, le public peut avoir connaissance de ce qui se passe, ce qui pourrait entacher la réputation de quelqu'un. Si cet article, la disposition d'immunité, ne figurait pas dans la loi, le fournisseur de services Internet pourrait craindre d'être poursuivi. Cela freinerait les signalements, ce qui irait à l'encontre du but recherché.
En septembre 2008, les ministres de la Justice et procureurs généraux fédéral et provinciaux, ceux qui ont la responsabilité de la justice au Canada, se sont entendus pour dire qu'il était nécessaire qu'une loi fédérale oblige les fournisseurs de services Internet à signaler la pornographie juvénile en ligne. Donc, cette mesure est issue d'une longue série de réunions de ministres de la Justice et procureurs généraux comparables. C'est une bonne mesure, mais on se demande pourquoi elle n'a pas été prise plus tôt.
La Chambre est maintenant saisie de cette mesure législative qui s'appliquerait aux fournisseurs de services Internet au public, ceux qui fournissent des services de courriel, les services d'hébergement de sites web et les exploitants de sites de réseaux sociaux. Certains craignent peut-être que le Net soit trop vaste, mais confions cette question au comité pour qu'il l'examine et convoque la commissaire à la protection de la vie privée. Faisons témoigner les principaux fournisseurs de services Internet devant les comités de la Chambre des communes pour qu'ils expliquent pourquoi il ne leur incombe pas de signaler les cas de production ou de distribution de pornographie juvénile sur Internet. Pourquoi ne pas faire cela? Pourquoi ne l'avons-nous pas fait plus tôt?
Comme je l'ai démontré en parlant des obligations imposées dans le projet de loi , les groupes devraient transmettre les tuyaux qu'ils reçoivent sur des sites qui pourraient offrir de la pornographie juvénile, en avertir la police et sauvegarder les preuves de l'infraction.
Pour ce qui est des pénalités, les fournisseurs qui ne se conformeront pas pourraient être reconnus coupables d'une infraction et encourir des amendes, selon une échelle progressive. Dans le cas d'une personne physique, pour la première infraction, l'amende maximale serait de 1 000 $; pour la deuxième infraction, elle serait de 5 000 $ et pour chaque récidive subséquente, de 10 000 $. Nous devons nous rappeler que ces amendes sont imposées aux organisations déclarantes. Ce sont des délits quasi-criminels. La structure de ces amendes ressemble beaucoup à celle qui a été établie pour les infractions environnementales et c'est un bon départ.
Je pense qu'au comité, je pourrais faire pression pour qu'on inclue des dispositions sur la négligence criminelle qui pourraient renforcer cette mesure législative afin de la rendre encore plus sévère à l'endroit des compagnies et de leurs dirigeants qui refuseraient systématiquement et intentionnellement de respecter la loi. Cela serait, selon moi, tout à fait raisonnable.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, l'exploitation des enfants est un fléau pour notre collectivité, et il y a longtemps qu'on aurait dû agir. Il est inexcusable qu'on ait retardé l'étude de ce projet de loi à cause de la prorogation et du fait qu'on ait accordé préséance à des dossiers quasi judiciaires.
Je dois dire, cependant, que tous les changements proposés dont je viens de parler en détail, bien qu'ils n'aient pas été examinés par le comité, semblent tout à fait assurer la sécurité des enfants et viser à éliminer l'exploitation sexuelle en ligne des mineurs. Il est évident qu'il est primordial que le gouvernement fédéral agisse pour lutter contre l'exploitation sexuelle croissante des enfants.
Le gouvernement se targue de son programme de maintien de l'ordre public, mais il lui a fallu quatre ans et demi pour s'attaquer à l'activité criminelle la plus odieuse qui soit, une activité qui connaît une croissance exponentielle et qui entraîne, par le fait même, une augmentation exponentielle du tort qu'elle cause à la collectivité. Il est maintenant temps d'agir.
En juin 2008, lasses d'attendre que le gouvernement fédéral montre la voie et fasse preuve de leadership, les provinces ont pris les devants. Le Manitoba, par exemple, a adopté une loi contraignant tout le monde à signaler sur Cyberaide.ca tout matériel sur Internet qui pourrait constituer de la pornographie juvénile. En attendant elle aussi que le gouvernement fédéral rattrape son retard, l'Ontario a emboîté le pas au Manitoba et adopté une loi similaire. En 2002, les États-Unis ont adopté des lois imposant aux fournisseurs de services Internet des exigences en matière de déclaration. En 2005, l'Australie a adopté des lois imposant des exigences similaires. En examinant ce qui s'est fait ailleurs dans le monde en 2002 et en 2005 et les mesures prises par le Manitoba et l'Ontario, nous constatons que nous ne sommes pas à l'avant-garde ici au Parlement. Le gouvernement n'est pas à l'avant-garde dans ce dossier. Nous sommes à la traîne. Agir, c'est évidemment la bonne chose à faire.
J'aimerais présenter certaines statistiques à la Chambre qui témoignent bien de l'extrême urgence avec laquelle nous devons protéger nos enfants de l'exploitation sexuelle en ligne. Dans un de ses rapports sur la pornographie juvénile, Statistique Canada a déclaré qu'il s'agissait d'un problème grandissant. En 1998, on dénombrait 55 infractions; dix ans plus tard, ce nombre était de 1 408. C'est donc 55 infractions par rapport à 1 408.
Selon les évaluations de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, qui était encore en fonction à l'époque, plus de 5 millions d'images d'exploitation sexuelle d'enfants sont en circulation sur Internet. C'est inexcusable pour un pays riche, inexcusable pour un pays qui prétend se préoccuper des droits des enfants, inexcusable pour un gouvernement et un pays signataires de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Les crimes se poursuivent. Entre 2002 et 2009, les analyses effectuées par Cyberaide.ca, tel que mentionné auparavant, ont démontré que 57,4 p. 100 des images de pornographie juvénile représentaient des enfants de huit ans et moins. En outre, 83 p. 100 des images représentaient des filles, et 35 p. 100 des images représentaient des enfants subissant de graves agressions sexuelles.
Comme je l'ai déjà dit, Internet est un domaine difficile, sinon impossible, à encadrer, mais nous devons faire de notre mieux. Des sites de pornographie juvéniles sont hébergés dans une soixantaine de pays, et le classement de ces pays est inquiétant.
Nous avons tous une vague idée de la taille du Canada à l'échelle mondiale. C'est un petit pays du point de vue démographique.
Ce sont les États-Unis qui hébergent le plus grand nombre de sites web consacrés à la pornographie juvénile. Il s'agit encore une fois d'un riche pays industrialisé de l'hémisphère Nord. Il s'agit d'un pays qui, à en croire tous les beaux discours politiques, attache beaucoup d'importance à ses enfants. Pourtant, les États-Unis hébergent 49 p. 100 de ces sites web. Cela veut dire que 49 p. 100 de tous les sites de pornographie juvénile du monde sont hébergés aux États-Unis. C'est la Russie qui, à ce chapitre, vient en deuxième place, avec 20 p. 100 des sites. Rappelons-nous que les États-Unis sont un pays très vaste et très riche. La Russie est un pays très vaste.
En quelle position le Canada se classe-t-il dans ce palmarès? Comme notre pays est très peu peuplé, on peut présumer qu'il occupe l'un des derniers rangs. Eh bien non. Le Canada héberge 9 p. 100 de tous les sites de pornographie juvénile au monde, et cette statistique n'a rien de réjouissant. C'est pourquoi nous devons adopter cette loi. C'est pourquoi nous aurions dû l'adopter plus tôt.
Le gouvernement doit prendre des mesures énergiques contre la pornographie juvénile sur Internet. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un crime qu'il faut enrayer. Il s'agit d'un crime contre lequel, on s'en rend compte, le gouvernement devrait faire davantage. Il s'agit d'un crime sur lequel, jusqu'à maintenant, l'industrie des communications fermait les yeux. C'est pourquoi j'ai dit que tous les partis devraient s'entendre pour faire comparaître des représentants des fournisseurs de services Internet, des grands noms comme Google et les autres. Ils devraient alors expliquer pourquoi ils n'ont rien fait plus tôt, pourquoi, de leur propre initiative, ils ne sont pas intervenus alors qu'ils étaient foncièrement et implicitement au courant de l'existence de sites web de pornographie juvénile.
Tous ces chiffres nous viennent du Centre canadien de la protection de l'enfance. Quiconque doute de l'urgence de la situation devrait se rendre à l'évidence que le Canada doit agir immédiatement.
Il est très difficile de déterminer où les images et les sites sont hébergés; ce pourrait être à différents endroits dans le monde. C'est pourquoi il faut souvent suivre chaque photo et chaque site individuellement, ce qui n'est pas une tâche facile. Le projet de loi facilite un peu les choses en ce sens, mais il nous reste beaucoup à faire.
Un site Internet affichant des images illustrant l'exploitation sexuelle d'enfants a été suivi par Cyberaide.ca pendant 48 heures; il est passé par 212 adresses Internet différentes, dans 16 pays différents. En deux jours seulement. Les FSI responsables des réseaux auxquels ces ordinateurs sont connectés devraient pouvoir interrompre leur service.
Il nous faut une loi le leur permettant. Celle dont nous sommes saisis ne leur permet pas de le faire. Ce n'est même pas une question de justice. C'est une question sur laquelle le gouvernement et ses divers ministères et ministres devraient se concentrer.
En conclusion, il est important de noter que le projet de loi n'oblige personne à chercher du matériel contenant de la pornographie juvénile dans le but de fermer le site; cependant, un fournisseur de services Internet qui prend connaissance de tel matériel et en avise la police ne fera pas l'objet de poursuites au civil, comme je l'ai mentionné plus tôt.
L'exploitation sexuelle d'enfants est une des trois principales préoccupations concernant les enfants et la société. Nous devons appuyer le projet de loi tout en sachant que nous devons en faire davantage.
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Monsieur le Président, toutes nos allocutions sur ce projet de loi peuvent se résumer en un mot: enfin. Enfin, le gouvernement a agi à l'égard d'un sujet où il était simple d'agir. Il aurait dû agir beaucoup plus tôt alors qu'il savait qu'il avait l'accord unanime de la Chambre pour agir. Il n'a rien fait pendant quatre ans.
Il a commencé par nous présenter un projet de loi qui est mort au Feuilleton. Il est revenu à la première session, mais le projet de loi n'a pu poursuivre son cheminement à cause de la prorogation. On aurait pensé que le gouvernement aurait présenté un projet de loi qui est susceptible d'être adopté aussi facilement et qui est aussi important.
Je crois que je ne dirigerai jamais de gouvernement minoritaire, mais j'aimerais humblement donner une suggestion au cas où un autre gouvernement minoritaire devait être formé. Il me semble qu'une des premières choses qu'un gouvernement minoritaire devrait faire, c'est de s'attaquer aux lois et de présenter des projets de loi sur lesquels il y a consensus et commencer à réaliser des choses. Ce n'est pas ce que fait ce gouvernement. Il réserve les affaires pour la fin.
C'est drôle parce que le matin même où le gouvernement a déposé ce projet de loi, je parlais par hasard à un conseiller juridique d'un grand corps de police. Il me demandait ce que nous faisions avec les projets de loi C-43 et C-48. Un de ces projets de loi a été remplacé par celui déposé ici. Enfin, ce gouvernement a fait quelque chose.
Il est évident que ce projet de loi devra être étudié en comité. Comme il est bref, je me suis donné la peine de le lire avant de venir en Chambre. J'ai déjà dit que je déteste la façon dont sont écrites les lois fédérales. Enfin, on ne changera pas les traditions. On dirait qu'elles sont écrites pour être systématiquement incompréhensibles pour la majorité des gens. De cette façon, le gouvernement fédéral peut toujours prétendre que la loi dit telle ou telle chose et ainsi créer un débat politique qui est absolument impossible à suivre pour le citoyen moyen qui veut être informé. J'ai toujours dit, et je le crois encore, que les lois mal écrites sont d'abord mal comprises avant d'être mal appliquées. J'ai l'impression que ce sera le cas de celle-ci à moins que nous lui apportions un plus de clarté.
Essentiellement, le projet de loi est bon et c'est pour cette raison que nous voulons voter en faveur de celui-ci. Toutefois, c'est également pour cette raison que nous voulons le rendre plus clair afin que les gens qui peuvent agir réalisent ce que nous voulons qu'ils fassent. Quand un fournisseur Internet reçoit un signal comme quoi un individu fait usage de pornographie juvénile par l'entremise du service qui lui est offert, il devrait être en mesure d'aller chercher ce matériel et de l'enlever. Essentiellement, c'est ce qu'on veut. Tout le monde s'entend pour dire que c'est un bon principe. On est larges au niveau la liberté d'expression et dans la liberté de publication. Toutefois, il y a des limites et la pornographie juvénile en est une. Ces limites doivent être appliquées à ce nouveau média extraordinaire qu'est l'Internet.
Dès l'article 3, on dit:
La personne qui est avisée, dans le cadre des services Internet qu’elle fournit au public, d’une adresse de protocole Internet ou d’une adresse URL où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public communique l’adresse dans les meilleurs délais, selon les modalités réglementaires, à l’organisme désigné par les règlements.
On suppose que quelqu'un l'avertit. Il n'en n'est pas question dans le projet de loi. Enfin, il est assez évident que cela veut dire que si quelqu'un du public avertit le fournisseur qu'il y a de la pornographie juvénile sur son serveur, cette personne est obligée de faire quelque chose. Elle est obligée d'avertir un organisme qui sera créé. Cela retardera l'application de la loi. À la vitesse où va le gouvernement, j'ai l'impression que l'organisme ne sera pas prêt même lorsque mes petites-filles — deux belles jumelles qui fêteront leur premier anniversaire la semaine prochaine — seront en âge d'utiliser Internet. J'espère bien qu'il sera créé parce que j'aimerais bien qu'elles ne voient pas de pornographie juvénile sur Internet. Je suis plus inquiet à l'égard des vieux messieurs qui cherchent ces images.
Je n'ai donc pas confiance en ce gouvernement. Quand il voit un consensus quelque part avec une urgence, il met tout cela à la fin et il crée des urgences. Si j'en ai le temps, je parlerai d'une urgence qu'on est en train de vivre.
Je lis maintenant l'article 4:
Si la personne qui fournit des services Internet au public a des motifs raisonnables de croire que ses services Internet sont ou ont été utilisés pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile, elle en avise dans les meilleurs délais, selon les modalités réglementaires, un agent de police ou toute autre personne chargée du maintien de la paix publique.
Si je comprends bien, on parle du serveur, de la personne qui fournit des services Internet au public. J'aurais pensé que cette personne avertirait l'organisme qui sera créé. Quand quelqu'un avertit un fournisseur Internet que de la pornographie juvénile est accessible au public sur son serveur, on doit communiquer l'adresse à l'organisme qui sera désigné par règlement.
Supposons que plutôt que de faire cela, la personne se conforme à l'article 4 et donne l'information à un agent de police. L'agent de police trouvera l'adresse ou l'organisme en question à qui référer le problème, afin que la pornographie juvénile soit enlevée de l'Internet. Nous sommes tous d'accord là-dessus.
Il doit y avoir des détails informatiques que je ne comprends pas. Le paragraphe 5(1) se lit ainsi:
La personne qui a donné l’avis prévu à l’article 4 [soit le serveur qui a donné l'avis à l'agent de police] préserve les données informatiques afférentes en sa possession ou à sa disposition pendant vingt et un jours après la date de l’avis.
La personne préserve les données. Si elle est assez intelligente, elle ne donnera pas au public accès à ces données, mais elle doit les préserver parce qu'on en aura besoin pour mener une enquête.
Ensuite, le paragraphe 5(2) dit ceci:
Elle est tenue de détruire les données informatiques qui ne seraient pas conservées dans le cadre normal de son activité commerciale et tout document établi en vue de les préserver en application du paragraphe (1) dans les meilleurs délais après l’expiration des vingt et un jours, à moins qu’elle ne soit assujettie à une ordonnance de préservation rendue en vertu d’une autre loi fédérale ou provinciale à l’égard de ces données.
Ce qu'on veut, c'est que cette personne enlève ces données et que le serveur ne les rende plus accessibles. On veut aussi que l'organisme réglementaire vérifie s'il s'agit véritablement de pornographie juvénile. Il faut agir rapidement. Il faut être optimiste pour penser qu'un nouvel organisme va agir vite; cet organisme n'a pas encore été créé. Plusieurs organismes ont été créés et ils n'agissent pas aussi vite qu'on l'aurait espéré.
Quoi qu'il en soit, supposons qu'on va procéder rapidement et que s'il s'agit de pornographie juvénile, on va l'enlever du site. On va peut-être chercher qui a mis cette pornographie sur le site, qui a commis une infraction.
Après, c'est fini. La personne ne garde plus les données. Cela m'inquiète. Je comprends qu'elle ne devra pas les remettre sur son serveur et qu'elle devrait les enlever tout de suite. De toute façon, cela a relativement peu d'importance pour notre consentement.
Il y a des choses qui m'intriguent vraiment. À l'article 7 dont a parlé le député de , on dit que: « La présente loi n’a pas pour effet d’autoriser ou d’obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile. » Autrement dit, on ne veut pas que quiconque se sente obligé de dénoncer de la pornographie juvénile ni d'en chercher. Ce n'est pas une obligation qu'on donne à tout le monde. Par contre, les gens sont encouragés à dénoncer de la pornographie juvénile à un organisme qui s'organisera pour qu'elle soit enlevée du site.
Ces articles sont corrects. C'est la même chose pour l'article 8, qui donne une protection contre les poursuites civiles qui seraient prises contre un dénonciateur. C'est évident qu'il ne faudrait pas que ce dénonciateur soit menacé de poursuites civiles ou criminelles parce qu'il a fait une dénonciation.
J'arrive à l'article 9: « Il demeure entendu que la présente loi ne porte atteinte à aucun droit de la personne en matière de protection contre l’auto-incrimination. »
Pour les gens qui ne savent pas ce qu'est l'auto-incrimination, cela signifie ici que lorsqu'un individu témoigne et qu'il est obligé de dire des choses pertinentes mais pouvant l'incriminer, on veut qu'il se sente parfaitement libre de dire la vérité et de demander la protection contre l'auto-incrimination.
Dans ce cas-ci, je ne vois pas très bien dans quelles circonstances il pourrait y avoir une auto-incrimination quelconque. Le dénonciateur dirait peut-être qu'il est allé sur un site mais qu'il n'a pas payé les frais. Je ne vois pas de quelle protection il aurait besoin, mais c'est bien de lui en donner une au cas où, car on veut l'encourager à faire une dénonciation.
Cette protection contre l'auto-incrimination existe depuis longtemps dans les lois de tradition anglaise, et la loi criminelle en est une. Je n'ai jamais compris ce drôle de mécanisme, où l'on pose une question à un individu qui refuse d'y répondre parce que cela pourrait l'incriminer. On l'informe alors qu'il est obligé de dire la vérité, mais qu'il bénéficie d'une protection du fait qu'il s'est objecté. Cela signifie qu'on ne pourra pas utiliser son témoignage contre lui.
Voilà un mécanisme très compliqué au cours d'un procès, surtout s'il concerne une activité criminelle quelconque. On a pris des raccourcis et on s'est habitués. Je suis certain qu'on reconnaîtra les expressions « demander la protection de la cour » ou « demander la protection de la loi ». Quand on demande la protection de la cour et que la chose est consacrée, que l'individu est prêt à dire la vérité, mais qu'il est conscient que son témoignage renferme des éléments qui pourraient l'incriminer, il aimerait bien qu'on ne se serve pas de ce qu'il dira pour l'incriminer par la suite. Dans ce cas-ci, cela se fait toujours au cours de l'interrogatoire.
La protection contre l'auto-incrimination consiste à ne pas répondre à des questions, mais ici, on veut que quelqu'un, de sa propre initiative, dénonce quelque chose. Je suis d'accord que si une personne dit qu'elle a utilisé sa carte de crédit pour payer les frais d'un site donné, elle soit protégée puisqu'elle sert le bien public en permettant que ce site soit retiré.
L'article 9 fait état d'une très bonne intention. On devrait mieux expliquer cette intention et trouver une façon plus moderne de consacrer ce droit, qui a toujours été exprimé de façon aussi compliquée que je viens de le faire.
On crée des infractions. Là encore, on va vraiment avoir besoin d'explications. Comprenons que la loi a déjà été amendée pour que le fait de mettre de la pornographie juvénile sur Internet soit considéré comme un crime, ce sur quoi nous sommes d'accord. En tout cas, si c'en n'est pas un, cela aurait été une bonne occasion de le dire ici, et ce sera sûrement une bonne occasion de le dire encore.
À l'article 11, on dit: « Quiconque contrevient sciemment à l’un des articles 3 à 6 commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité [...] ».
Mais comment contrevient-on à cela? La personne n'est pas obligée d'avertir son fournisseur Internet, mais si elle l'a fait, je ne vois pas quelle infraction elle peut avoir commis en vertu de l'article 3. Elle y contrevient peut-être du fait qu'elle n'a pas communiqué l'adresse dans les meilleurs délais.
Essentiellement, ces articles encouragent le bon citoyen à faire retirer d'Internet des sites de pornographie juvénile.
Comme nous disposons d'un certain temps et que nous sommes en fin de session, nous sommes prêts à donner notre accord là-dessus, comme nous avons été prêts, au Bloc québécois, à appuyer plusieurs causes que le ministre de la Justice a présentées. Toutefois, nous sommes contre certaines d'entre elles. S'il le voulait, il pourrait comprendre pourquoi nous sommes en faveur ou pourquoi nous ne le sommes pas. Il me semble qu'il devrait comprendre quelques principes et cesser de faire de la propagande là-dessus.
Nous sommes en faveur des lois qui vont diminuer la criminalité. Nous sommes en faveur des choses qui permettent de trouver et de poursuivre les coupables. Nous ne sommes pas pour les droits des criminels. Les droits qui sont exercés devant les tribunaux ne sont pas les droits qui appartiennent aux criminels, ce sont les droits qui nous appartiennent à tous, pour le cas où nous serions accusés injustement, par exemple.
Par contre, ici, on prend des méthodes qui ne sont basées que sur une seule philosophie, celle de la peur de la punition.
Nous sommes convaincus, et je suis convaincu de par ma pratique, que la peur de la punition n'est pas une dissuasion au crime. Or Dieu sait que ma pratique a été diversifiée. J'ai quand même créé l'escouade Carcajou avec MM. Duchesneau et Barbeau. C'est le principe de police qui a donné le plus de résultats dans la lutte contre le crime organisé. Il ne faut pas voir en moi quelqu'un qui défend les criminels. Cependant, je suis resté un juriste, et je trouve important que les lois soient justes et qu'on évite les dangers dans lesquels nos voisins du Sud sont tombés.
Si la peur de la punition était une dissuasion au crime, les États-Unis seraient le pays où il y aurait le moins de criminalité au monde parce que c'est le pays qui a le plus haut taux d'incarcération. Aux États-Unis, tout le monde mettait des sentences minimales pour tout, convaincu que cela diminuerait la criminalité, mais ça n'a pas été le cas. Il y a un tas de raisons pour cela, et c'est bien compréhensible. D'abord, concernant les sentences minimales, je serais curieux de faire un test et de faire passer un examen aux députés pour leur demander combien il y a de sentences minimales dans les lois canadiennes. Il y en a 27. Quelle est la sentence minimale, par exemple, pour avoir commis un acte criminel avec une arme à feu? Les gens ne le sauraient pas, ils ne les connaissent pas.
Si la majorité d'entre nous ne les connaissent pas, qu'en est-il du grand public? De plus, le grand public connaît peu les gens qui commettent des crimes, surtout les crimes les plus dangereux. Je peux affirmer que ce ne sont pas les plus instruits. Ces gens-là ne font pas de calculs. Ils ne se disent pas que, s'ils commettent tel crime, ils risquent d'aller en prison parce qu'il y a une sentence minimale, et qu'ils devraient plutôt commettre tel autre crime car la sentence minimale est moins longue. Voyons donc! Ça dépend des occasions qui se présentent à eux, et leur première préoccupation, c'est de ne pas se faire attraper.
Comme je le dis, il est important de regarder comment les pays utilisent l'incarcération. Les États-Unis sont les grands champions, avec un taux de 760 par 100 000 habitants. Vient ensuite la Russie, avec 626 par 100 000 habitants. J'en ai relevé d'autres dans une liste d'à peu près 185 pays. C'est le Kings College d'Oxford, en Angleterre, qui amasse ces données. En Australie, c'est 129 pour 100 000 habitants; en Chine, 119. À cet égard, je ne sais pas si les données sont fiables. Au Canada, on est à 116 par 100 000 habitants. Au Canada, c'est davantage, par exemple, qu'en Hollande, où c'est 100; qu'en France, où c'est 96; qu'en Belgique, où c'est 93; qu'en Suisse, où c'est 76; qu'en Suède, où c'est 74; et qu'au Japon, où c'est 63.
On voit bien qu'il n'y a pas de relation avec la sévérité des peines. Il faut comprendre qu'ici, au Canada, on a trois fois moins de chances d'être victime d'un homicide qu'aux États-Unis, et au Québec, cinq fois moins de chances.
Nous sommes donc contre les sentences minimales, parce que cela ne fonctionne pas et que cela force les juges à rendre des sentences qu'ils estiment injustes.