propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, effectivement, j'ai eu l'honneur et le privilège de déposer, le 14 avril dernier, le projet de loi , qui propose de réparer l'une des entorses majeures du fédéralisme actuel, c'est-à-dire le fait que le gouvernement fédéral s'est arrogé au fil des ans un pouvoir illégitime, le soi-disant « pouvoir fédéral de dépenser ».
Si l'on est forcé de parler d'un « soi-disant » pouvoir, c'est qu'il s'agit ni plus ni moins d'une invention du gouvernement fédéral, qui ne trouve aucun fondement dans la Constitution canadienne.
La très vaste majorité des juristes est également de cet avis. Rien dans la Constitution ne s'apparente à ce soi-disant pouvoir fédéral de dépenser.
La grande constitutionnaliste, Andrée Lajoie, est d'ailleurs catégorique à ce sujet, et je la cite.
[...] l'expression « pouvoir de dépenser » telle que consacrée par le discours constitutionnel canadien réfère à l'affirmation idéologique d'un pouvoir fédéral inexistant, de dépenser dans les champs de compétence des provinces en imposant des conditions équivalentes à une intervention normative.
Voilà qui me semble être une définition tout à fait juste et appropriée de ce prétendu pouvoir qu'a usurpé le gouvernement fédéral au cours du dernier siècle. Tous les principaux éléments s'y trouvent et, en premier lieu, l'idée que ce pouvoir n'est d'aucune manière justifiable en vertu de la Constitution canadienne, autant dans sa version originale de 1867 que dans sa version actuelle, adoptée, faut-il le rappeler, à l'encontre de l'opposition unanime des élus de l'Assemblée nationale du Québec, et qu'aucun gouvernement du Québec, fédéraliste ou souverainiste, n'a entériné jusqu'à ce jour.
Ensuite, il y a le fait que les dépenses en question touchent des champs de compétences exclusifs du Québec et des provinces et qui, en conséquence, ne relèvent pas de la juridiction fédérale.
Finalement, il y a la manière dont Ottawa s'est servi de ces dépenses pour s'arroger un droit de regard illégitime dans les affaires du Québec, imposant ses normes et ses conditions, et posant les bases de l'idéologie paternaliste selon laquelle Ottawa knows best.
Ainsi, le pouvoir fédéral de dépenser n'est ni plus ni moins qu'un instrument en vertu duquel le gouvernement fédéral a justifié ses incursions centralisatrices et ses prétentions à un État unitaire, qui rêve de voir les provinces être réduites à de simples entités administratives qu'Ottawa pourrait reléguer au rang de sous-traitants. Et cela, jamais les Québécoises et les Québécois ne pourront l'accepter.
Pourtant, après que ce Parlement eût reconnu que le Québec est une nation, on aurait été en droit de s'attendre à ce qu'il reconnaisse du même coup qu'une nation a des droits collectifs, au même titre que les personnes en ont, et que parmi ces droits, on retrouve celui de définir soi-même son identité nationale.
Or il se trouve que les champs de compétence du Québec et des provinces sont autant d'instruments d'affirmation identitaire, d'affirmation de valeurs, et à ce titre, les ingérences illégitimes du fédéral, par l'intermédiaire de ce prétendu pouvoir fédéral de dépenser, doivent être vues et jugées pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des tentatives d'imposer aux Québécoises et aux Québécois des valeurs qui ne sont pas les nôtres.
On ne doit donc pas se surprendre que les provinces, hormis le Québec, n'aient pratiquement jamais manifesté leur opposition à ce prétendu pouvoir, puisque le gouvernement fédéral, celui des Canadiennes et des Canadiens, a généralement cherché à mettre de l'avant les valeurs de la nation canadienne.
On dénombre au moins trois types de ces dépenses illégitimes du gouvernement fédéral dans les affaires du Québec. D'abord, on trouve des transferts conditionnels, par lesquels le fédéral verse des fonds au Québec et aux provinces — le transfert canadien pour les programmes sociaux, le transfert pour la santé. Ensuite, on a des services directs à la population et, finalement, des prestations versées aux personnes ou des subventions pour les entreprises, dans des domaines qui ne relèvent pas de sa juridiction. Le Conseil des Arts, l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec et les bourses de recherche en sont des exemples.
Tous les gouvernements québécois, depuis Duplessis, ont dénoncé des ingérences normatives, peu importe leur couleur, qu'ils soient unionistes, péquistes ou libéraux.
Et pour cause! À l'heure actuelle, on évalue à plus de 60 milliards de dollars les dépenses du gouvernement fédéral dans des champs de compétence qui ne sont pas les siens. Si bien que cette année, près du quart du budget du gouvernement du Québec provient du gouvernement fédéral.
Ainsi, le gouvernement fédéral dépense pour la recherche universitaire, pour l'éducation, pour la santé, pour le logement social, pour les parcs, sans compter qu'il cherche maintenant à imposer une commission unique des valeurs mobilières.
On doit comprendre qu'à chaque fois qu'il le fait, il impose au Québec ses priorités, ses valeurs et ses principes, mais ce sont ceux du Canada, et non ceux du Québec. Pour que le Québec puisse exister en tant que nation, il doit au minimum pouvoir contrôler les leviers et les pouvoirs prévus par la Constitution. Voilà pourquoi je rejette du revers de la main les arguments bancals avancés par le député de pour justifier son refus de voter en faveur de la motion que présentait le 21 octobre dernier le Bloc québécois, et qui reprenait l'essentiel du projet de loi .
En effet, le député de a affirmé qu'il n'appuyait pas la motion du Bloc québécois parce que celle-ci ne viserait qu'une chose: détruire le Canada. À cela, je voudrais répondre deux choses. La première, c'est qu'il prend encore un raccourci intellectuel lorsqu'il fait l'équation entre vouloir construire son propre pays et en déchirer un autre. La différence est fondamentale. Les souverainistes ne méprisent pas le Canada et cherchent encore moins à le détruire ou à le rendre ingouvernable. Tout ce que nous voulons, c'est que les Québécoises et les Québécois aient leur pays, tout comme les Canadiennes et les Canadiens.
Ensuite, si on suit son raisonnement jusqu'au bout, dire qu'abolir la possibilité pour le gouvernement d'utiliser le pouvoir fédéral de dépenser équivaut à détruire le Canada, c'est supposer que ce prétendu pouvoir en constitue l'un des fondements. Comme ce soi-disant pouvoir est illégitime, illégal et inconstitutionnel, on est forcés de conclure que selon lui, le Canada moderne s'est construit sur des assises illégitimes, illégales et inconstitutionnelles. Si c'est bien à cette conclusion qu'il voulait en venir, alors je dois dire que je suis d'accord avec lui. En effet, le soi-disant pouvoir fédéral de dépenser n'est rien de moins que l'équivalent constitutionnel du programme des commandites: rien de plus qu'une manière détournée pour Ottawa de faire du nation building à grands coups de millions de dollars de propagande.
Toutefois, je tiens à préciser, au cas où cela ne serait pas encore clair, qu'une identité et une allégeance ne s'achètent pas. Les Québécois ne vendront jamais leur âme au plus offrant. Voilà pourquoi le Bloc québécois propose depuis longtemps que cessent ces ingérences dans les affaires du Québec. J'insiste sur l'idée que ces ingérences doivent « cesser », plutôt que de vouloir « encadrer » le soi-disant pouvoir fédéral de dépenser, comme le proposait le gouvernement conservateur avant de se faire élire en 2006. Une illégalité ne devient pas plus justifiable et légitime, comme par magie, simplement parce qu'on l'encadre. De toute manière, comment pourrait-on encadrer un pouvoir qui n'existe pas?
Pour cette raison précisément, il y a quelque chose de très amusant à observer les partis fédéralistes se démener comme des diables dans l'eau bénite pour trouver une justification à ce pouvoir illégitime — justement parce qu'ils se disent fédéralistes —, alors que ce pouvoir est très exactement une négation des principes qui sont supposément à la base de la fédération canadienne. C'est effectivement très intriguant de voir ces partis empêtrés dans ce paradoxe parce qu'ils n'ont qu'eux-mêmes à blâmer. Ils en sont les architectes.
Par ailleurs, cette incapacité patente qu'ils ont à dénoncer ce supposé pouvoir fédéral de dépenser ne fait que renforcer cette impression, qui semble chaque jour se confirmer davantage, que la fédération canadienne n'est pas réformable et que la seule option sur la table en ce moment, pour les fédéralistes, c'est le statu quo. Mais le statu quo, pour le Québec, est inacceptable.
Pourtant, les modifications législatives proposées par ce projet de loi du Bloc québécois n'ont rien de radicales. Au contraire, elles visent seulement à réparer une erreur et une illusion que les gouvernements fédéraux, depuis plusieurs décennies, ont cherché à transformer en principe central de leur gouverne. Avoir recours au prétendu pouvoir fédéral de dépenser, c'est ni plus ni moins cautionner la plus grande des tromperies constitutionnelles. Mais les Québécois ne sont pas dupes.
Alors, comment réparer cette erreur? D'abord, en faisant l'inventaire de toutes les dépenses fédérales qui se font dans les champs de compétence du Québec et des provinces. Ensuite, se retirer, sans autre forme de négociation, de ces champs de compétence en transférant les fonds qui y sont affectés au Québec et aux provinces, à moins, bien sûr, qu'une autorisation expresse et écrite ait été donnée au gouvernement fédéral de poursuivre ces dépenses. Ainsi, l'opting out, comme on l'appelle communément, disparaîtrait, pour être remplacé par sa contrepartie, que j'appellerai l'opting in.
Dit autrement, le but recherché ici est de renverser le fardeau de la preuve: plutôt que d'être obligé, chaque fois, de faire des négociations longues et pénibles, l'exclusion du gouvernement fédéral des champs de compétence qui ne sont pas les siens deviendrait la norme.
Pour s'assurer qu'une province, ou le Québec, n'est pas menottée par une décision d'opting in, ces ententes devraient être renégociées tous les cinq ans.
Finalement, il faut procéder à une juste compensation pour tous les programmes qui reviendraient entre les mains du Québec et des provinces, idéalement en délaissant une partie de l'espace fiscal que le gouvernement occupe injustement et qui fait en sorte que le déséquilibre fiscal, contrairement à ce que prétend le gouvernement conservateur, n'est absolument pas réglé.
S'il l'était, nous ne serions pas ici en train de discuter de ce projet de loi, car l'existence même des ingérences du fédéral dans les champs de compétence est la preuve la plus irréfutable de l'existence du déséquilibre fiscal.
Pour le régler, il faut absolument qu'il y ait un transfert de points d'impôt, de sorte que le Québec ait en main, sans devoir quémander auprès du gouvernement fédéral, les ressources financières nécessaires pour assumer ses responsabilités, qui sont plus importantes que celles du fédéral.
C'est d'ailleurs précisément ce que recommandait la Commission Séguin sur le déséquilibre fiscal, dont le rapport final a été unanimement adopté par l'Assemblée nationale.
En effet, deux des principales recommandations de la commission visaient justement: à remplacer le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux par un système de transfert de points d'impôt, préférablement sur la TPS, sinon à partir de l'impôt sur le revenu des particuliers; et à mettre fin au recours, abusif et inconstitutionnel, au prétendu pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence du Québec et des provinces.
Grosso modo, c'est exactement ce que propose le projet de loi qui est devant nous.
Malgré que ces recommandations aient été entérinées par l'Assemblée nationale, malgré qu'ici, au Parlement, on ait reconnu l'existence de la nation québécoise, et malgré que ce projet soit une occasion parfaite, une belle possibilité pour les partis fédéralistes de démontrer leur bonne foi, je ne me fais pas trop d'illusions sur l'issue qui sera réservée au projet de loi .
Non, parce qu'en dépit de la bonne volonté qu'ils affichent, en dépit des raisons qu'ils se donnent toujours pour avoir bonne conscience, les députés des partis fédéralistes voudront toujours avoir le pouvoir de dicter au Québec la voie qu'il devrait suivre: c'est encore et toujours l'idéologie du Ottawa knows best.
En dépensant dans les champs de compétence du Québec et des provinces, le fédéral impose ses priorités et sa vision d'un pays unitaire. Mais c'est faux, le Canada n'est pas un pays unitaire, c'est un pays divisé, irrémédiablement divisé, entre deux nations, la nation québécoise et la nation canadienne, sans oublier bien sûr les Premières nations, qui sont multiples.
En dépensant dans les champs de compétence du Québec et des provinces, le fédéral cherche à lisser les différences, qui sont pourtant énormes et majeures, entre les choix politiques du Québec et ceux du Canada.
Le Québec a notamment fait le choix — et continue de le faire — de se donner les politiques sociales les plus progressistes en Amérique du Nord, mais le gouvernement fédéral cherche par tous les moyens à s'immiscer justement dans les affaires sociales, généralement en copiant très mal ce qui se fait au Québec pour ensuite imposer ses conditions et ses normes pour le financement.
Ceux qui défendent cette attitude du gouvernement fédéral disent généralement qu'on doit comparer le supposé pouvoir fédéral de dépenser à un cadeau, un cadeau que le Québec et les provinces seraient libres d'accepter ou non.
Eh bien, ces supposés cadeaux, c'est avec l'argent que paient les contribuables québécois que le fédéral les fait. Un beau cadeau!
On dit aux Québécois qu'on leur fait un cadeau, mais ce sont eux qui paient. Le pire, c'est que ceux qui défendent cette vision ne se rendent même pas compte de l'absurdité de leurs justifications. Ou s'ils s'en rendent compte, ils invoquent pêle-mêle toutes sortes de principes tout aussi absurdes pour justifier l'injustifiable.
Il me semble que notre proposition — comme la position du Québec depuis 60 ans — a au moins le mérite d'être claire.
En terminant, j'aimerais ajouter ceci. Le Québec est une jeune nation qui a des aspirations et des rêves, comme les gens en ont. Mais à cause de l'attitude paternaliste et condescendante qu'Ottawa adopte à l'égard du Québec, je demeure plus que jamais convaincue que nous pourrons réaliser ces rêves seulement lorsque nous serons complètement et totalement libres, lorsque nous serons souverains.
:
Monsieur le Président, je vous remercie de m'accorder le temps de présenter mes idées à l'égard de ce projet de loi.
Je commencerai en disant que je trouve très ironique le fait que le Bloc québécois soit en train de présenter ce projet de loi car ce projet de loi interdirait les dépenses fédérales dans plusieurs domaines pour lesquels le Bloc a demandé une augmentation de l'implication du fédéral.
En fait, j'ai devant moi toutes les revendications que le Bloc québécois a faites. Elles ne sont probablement pas toutes là, mais c'est une grande liste de revendications de dépenses fédérales que le Bloc québécois a faites ici, seulement à la Chambre des communes. Ainsi, c'est le Bloc québécois qui a demandé un plus grand rôle du fédéral dans les transports. Je vais donner un exemple. Pour le pont de Québec, un député a dit, le 21 octobre 2010: « Qu'attend le gouvernement pour reprendre le pont de Québec des mains du Canadien National afin de le restaurer dans les plus brefs délais? » C'est l'exemple d'une acquisition fédérale que le Bloc québécois revendique à la Chambre des communes.
Le 20 octobre 2010, on parlait de compensation aux aînés. Le 21 septembre 2010, de même que le 16 septembre, le Bloc réclamait plus de financement pour les infrastructures. Le 3 août et le 5 juillet, c'était l'aide à l'industrie. Le 16 juillet, il s'agissait d'accorder des contrats au Québec. Le 2 mai, le porte-parole en matière d'environnement revendiquait le Programme de remise écoAUTO fédéral. Le Bloc québécois réclame de l'aide pour l'industrie forestière, ce qui relève des ressources naturelles; or, dans ce domaine, le Bloc veut interdire au fédéral de s'impliquer dans le projet de loi. Mais il demande davantage au fédéral en réclamant une aide pour le secteur.
Le Bloc québécois demande davantage de transferts dans plusieurs domaines qui, selon lui, sont exclusivement de compétence provinciale. Encore là, on retrouve une demande d'aide à plusieurs industries. Je peux continuer. Je n'ai lu qu'une seule page. J'ai probablement devant moi une cinquantaine de pages de revendications du Bloc québécois pour une implication plus grande du fédéral.
On peut dire, avec le bilan du Bloc québécois, ici à la Chambre des communes, que ce parti est vraiment le Bloc centralisateur. En effet, c'est le parti qui continue, chaque jour, de revendiquer un plus grand rôle du fédéral dans ce que le Bloc décrit maintenant comme étant des champs de compétence provinciale. Aujourd'hui même, la porte-parole du Bloc québécois a revendiqué un plus grand rôle du fédéral dans le domaine de la culture. Elle a dit que le fédéral ne faisait pas assez et devrait dépenser davantage. Alors si elle croyait que c'était simplement une question provinciale, elle aurait pu demander que le gouvernement provincial, à Québec, fasse cette dépense. Mais non, elle l'a fait ici.
Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi les Canadiens sont un peu étonnés de voir un tel projet de loi venant du Bloc québécois. En effet, chaque jour, on voit le Bloc revendiquer des dépenses plus grandes dans les domaines qu'il veut interdire ici, avec ce projet de loi.
Qu'on me permette de donner un autre exemple de programme dont les Québécois bénéficient directement et que le Bloc québécois voudrait interdire avec ce projet de loi: la Prestation fiscale canadienne pour enfants qui est donnée par notre gouvernement. Le fédéral envoie un chèque directement aux parents québécois. Je peux dire qu'on n'a jamais reçu un seul appel d'une famille demandant qu'on envoie ce chèque au gouvernement provincial au lieu de le lui envoyer directement à elle.
C'est exactement ce que le Bloc québécois demande dans son projet de loi. Un programme comme celui-là, qui est géré par le gouvernement fédéral, serait interdit. Le gouvernement provincial aurait le droit de réclamer directement cet argent au lieu qu'il soit envoyé aux familles. C'est ce que ce projet de loi aurait comme effet, s'il était mis en application.
Le problème du Bloc québécois, c'est qu'il soutient en théorie une chose à laquelle il s'oppose directement en pratique. C'est l'un des problèmes ou des contradictions que le Bloc québécois ne pourra jamais régler. C'est la même contradiction après 17 ans. Le Bloc québécois dit vouloir faire la souveraineté du Québec, mais il est ici, à la Chambre des communes du Canada.
[Traduction]
Je répète que le Bloc québécois a réclamé à maintes reprises une participation accrue du fédéral dans toute une série de domaines qu'il affirme maintenant être de compétence exclusivement provinciale.
J'ai des exemples où les députés du Bloc veulent voir le gouvernement fédéral prendre en charge la responsabilité de certains ponts et engager des dépenses dans certains domaines. En substance, dans tous les domaines où le gouvernement dépense de l'argent, le Bloc réclame une augmentation des dépenses. En raison de ces dépenses, la taille du gouvernement fédéral augmenterait, ce qui contredit, en pratique, la théorie présentée dans le cadre du projet de loi d'initiative parlementaire d'aujourd'hui.
Je pense que nous pouvons dire que le Bloc québécois est le « Bloc centralisateur », car il s'agit du parti qui réclame régulièrement, et peut-être le plus énergiquement, que le gouvernement fédéral étende ses activités dans pratiquement tous les domaines. Aujourd'hui encore, une députée du Bloc a réclamé une plus grande participation fédérale dans le domaine de la culture, affirmant que le gouvernement fédéral ne faisait pas assez et qu'il devait dépenser davantage.
Les députés du Bloc doivent se brancher. Ils ne peuvent pas, d'une part, affirmer qu'il faut interdire au gouvernement fédéral de dépenser et, d'autre part, prendre la parole à la Chambre des communes et réclamer une augmentation des dépenses. Or, c'est le discours que nous entendons de la part de nos collègues du Bloc québécois.
Le gouvernement ne s'intéresse pas au débat théorique. Nous nous concentrons sur les résultats réels. Nous avons obtenus ces résultats pour les Québécois et, bien entendu, pour les Canadiens de toutes les provinces. Nous avons réduit l'impôt sur le revenu, réduit la TPS et accordé des crédits d'impôt pour les activités sportives des enfants, les manuels scolaires, les laissez-passer d'autobus et les outils des gens de métier. Nous avons réduit l'impôt des sociétés. Nous avons créé 400 000 nouveaux emplois depuis le creux de la récession mondiale. Nous continuerons de travailler à la reprise économique.
Nous ne nous laisserons pas distraire par le débat théorique, qui ne s'applique pas dans la réalité et qui, à l'heure actuelle, n'intéresse personne au pays, même pas au Québec.
:
Monsieur le Président, il est intriguant d'entendre le porte-parole du premier ministre décrire le fait d'encadrer le pouvoir fédéral de dépenser comme étant un débat théorique car c'est son lui-même qui avait promis de déposer une législation à la Chambre pour justement faire cela.
Pour ce qui est de son analyse que d'aucuns — notamment du Bloc — continueraient de demander des dépenses dans des domaines où ils n'en veulent pas, je pense que toute analyse honnête du projet de loi et des allocutions faites tantôt par des bloquistes et des néo-démocrates à ce sujet, et j'oserais dire de son propre premier ministre, révèle que les gens comprennent bien qu'il faut résoudre un problème. Cela fait partie des défis qu'il faudrait relever au lieu de verser de l'huile sur le feu, comme le porte-parole du premier ministre vient de le faire en utilisant des raccourcis qui, somme toute, ne sont pas à la hauteur de la Chambre ni de l'individu qui vient de parler car il sait que ce qu'il vient de dire n'est pas honnête. Je crois que ceux d'entre nous qui ont passé leurs carrières à essayer de bâtir des ponts entre le Québec et le reste du Canada sont extrêmement déçus parce que c'est son qui avait promis de légiférer.
Pour ce qui est de ma collègue de , du Bloc québécois, je suis obligé de revenir sur un point important de son discours. En réponse à ma question, elle a affirmé que son projet de loi était facultatif pour les autres provinces. Force nous est de constater qu'elle a fait défaut de lire son propre projet de loi. Cela ne peut pas être plus clair à l'article 2 du projet de loi que celui-ci s'applique à l'ensemble des provinces. Il suffit de lire le sommaire de son projet de loi:
Le texte modifie la Loi sur la gestion des finances publiques en vue de mettre fin aux dépenses que le gouvernement fédéral engage dans les champs de compétence des provinces sans y être habilité par une délégation de pouvoir ou de responsabilité.
C'est donc dans les champs de compétence de toutes les provinces.
La députée nous a fait croire tantôt, dans la réponse qu'elle a donnée, que cela s'appliquait seulement au Québec. Or la lettre que le chef du Nouveau Parti démocratique a dû écrire au chef du Bloc récemment concernant leur motion ne pouvait pas être plus claire.
Nous sommes en train de dire que les conservateurs sont irresponsables de ne pas avoir tenu leur engagement de présenter une législation. Nous sommes d'accord là-dessus. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est justement lorsque la députée de nous dit que le Québec est la seule province reconnue comme nation. On est d'accord avec cette première partie. Mais elle veut que le Québec soit traité comme les autres provinces. Le NPD n'est pas d'accord avec cela. On veut donner un réel sens à cette reconnaissance de la nation québécoise, et c'est le but recherché dans la lettre que le chef du NPD a écrite à son vis-à-vis du Bloc. C'est pour cela que nous avons maintenu l'ensemble des dispositions qui visent à encadrer notre proposition, mais on les rend spécifiques aux champs de compétence exclusifs des provinces, et oui, on les rend exclusives au Québec.
Nous n'avons aucun intérêt à jouer à un jeu, comme le Bloc semble vouloir le faire en présentant quelque chose qu'il sait voué à l'échec, parce que cela va venir jouer dans les entrailles des provinces qui ne l'ont même pas demandé. Il n'y a rien de facultatif dans le projet de loi .
Cela vaut la peine de dresser un portrait historique de l'approche du NPD en la matière. Rappelons qu'à son congrès de fondation, il y a 50 ans, le NPD était la première formation politique pancanadienne à reconnaître la réalité de la nation québécoise. C'est un fait historique très important.
On a ensuite créé une vaste consultation partout au Canada, qui s'appelait le Forum social-démocrate sur l'avenir du Canada. C'est donc un rapport qui était coprésidé par Nycole Turmel, longtemps présidente de l'Alliance de la fonction publique du Canada, et par Dick Proctor, un ancien collègue député de la Saskatchewan de cette Chambre. Étaient également membres de ce forum Charles Taylor et Bill Blaikie. Il s'agit évidemment du Charles Taylor de la Commission Bouchard-Taylor et de M. Blaikie, qui a déjà été élu meilleur député de la Chambre.
Ce rapport a abouti à une recommandation, celle d'avoir un fédéralisme asymétrique, en ce qui concerne le Québec, et coopératif. Évidemment, c'est le dernier mot qui cause autant de problème. Cela reste au travers de la gorge des bloquistes de penser qu'on pourrait faire quelque chose de constructif au Canada pour améliorer les choses pour le Québec.
C'était implicite dans sa réponse à ma question: elle veut pouvoir continuer d'affirmer chaque fois qu'elle en parle que le Canada n'est pas réformable.
Or, c'est de cela qu'il s'agit. Le Canada est une oeuvre en constant progrès. C'est tout à fait perfectible et une des choses qu'on a faites pour rendre le Canada meilleur a été de reconnaître la réalité de la nation québécoise en cette Chambre. Le NPD tente dorénavant de lui donner un peu plus de contenu.
On a par la suite adopté, à la section québécoise, une série de positions assez claires. Elles sont intéressantes à analyser à la lumière de certaines démarches récentes du NPD qui visent justement à donner un sens réel à cette reconnaissance de la nation québécoise. Il y a cinq ans, on a dit que le caractère national du Québec repose notamment mais non exclusivement sur une société à majorité francophone qui travaille dans la langue commune de l'espace public. On a présenté en cette Chambre un projet de loi qui vise à étendre les protections relatives aux droits linguistiques prévues aux termes de la Charte de la langue française du mois d'août 1977 dans les entreprises qui relèvent du fédéral. C'est en réponse à cette première préoccupation.
On a soulevé une deuxième chose, soit une culture spécifique unique en Amérique qui s'exprime par un sentiment d'identité et d'appartenance au Québec. J'ai présenté une motion en cette Chambre suite au jugement de la Cour suprême invalidant le projet de loi 104 au Québec qui ouvrait une brèche énorme dans la Loi 101 au chapitre de l'accès à l'école anglaise. Nous avons réussi à faire adopter cela unanimement par cette Chambre. Cette Chambre a reconnu unanimement que les immigrants qui choisissent le Québec doivent apprendre le français d'abord et avant tout. C'était important dans l'histoire de ce pays.
Finalement, on parle aussi de son histoire spécifique et de ses institutions. Le NPD a courageusement appuyé une motion du Bloc qui visait à maintenir le poids politique du Québec à la Chambre des communes. On ne voyait aucune contradiction entre l'obligation d'augmenter le nombre de sièges dans les provinces qui en avaient besoin, comme la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Alberta, notamment, tout en maintenant le pourcentage du Québec. On avait proposé un amendement qui a été accepté par le Bloc et on a voté là-dessus. Finalement, cela a été rejeté parce que les libéraux, que ce soit au chapitre de la langue de travail, au sujet de la culture spécifique, de l'accès à l'école française ou justement pour ce qui est du poids politique du Québec, votent systématiquement contre le Québec. Mais ça existe un parti progressiste fédéraliste et pancanadien capable de se tenir debout dans cette Chambre et de dire haut et fort qu'il faut arrêter de parler du bout des lèvres de la reconnaissance de la nation québécoise. Il faut vraiment lui donner un contenu.
Finalement, parce que le quatrième point touche les institutions économiques et politiques spécifiques, j'ajouterais en ce qui concerne la réglementation des valeurs mobilières que, encore une fois, lorsqu'il y a eu des votes là-dessus en cette Chambre — les libéraux se cachent maintenant devant un renvoi à la Cour suprême —, les libéraux ont voté contre le droit du Québec de maintenir la réglementation des valeurs mobilières dans ses champs de compétence.
Ce sont quatre exemples. Cela a été suivi à l'automne 2006 par ce qu'on appelle la Déclaration de Sherbrooke, qui a été entérinée à la première rencontre à laquelle j'ai eu le plaisir d'assister pour le NPD, soit en septembre 2006. Cela s'est tenu à Québec. L'ensemble de ces principes était en faveur d'un fédéralisme asymétrique, pour un fédéralisme où on allait justement travailler pour le consentement, la consultation et la négociation. On allait enlever le pouvoir fédéral de dépenser dans des domaines de compétence exclusive du Québec. C'est dans le prolongement de cette position maintenue unanimement par le NPD que nous sommes en train, aujourd'hui, de répéter ce que le chef du NPD a offert au Bloc dernièrement en ce qui concerne leur motion.
Si le Bloc est sincère, si le Bloc est sérieux, si les députés du Bloc ne font pas que du positionnement comme ils le font tout le temps, s'ils veulent avoir une chance que ce soit adopté, qu'ils acceptent de présenter un amendement qui fera en sorte qu'on soit en train de parler exclusivement du Québec et des champs de compétence exclusive du Québec. Le NPD sera là. C'est tout à fait conforme aux prises de position adoptées par notre parti à la suite de ces si importantes consultations et de cette réflexion qui est justement contenue dans la fameuse Déclaration de Sherbrooke du NPD.
On dit dans notre document qu'i faut sortir de l'impasse. C'est ce que nous cherchons à faire. Malheureusement, le Bloc préfère nous garder dans l'impasse.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre aujourd'hui la parole à la Chambre sur le projet de loi , bien que le sujet commence à sentir le réchauffé.
[Français]
Ce projet de loi m'apparaît très curieux en ce sens qu'il prétend, lui aussi, traiter d'un sujet de grande urgence pour le Québec, d'après mes collègues du Bloc québécois. Qui plus est, il tire son fondement idéologique de théories ultra conservatrices que même le gouvernement réformiste qui nous fait face refuse d'aborder officiellement.
[Traduction]
Cette question a été traitée par le Bloc le 21 octobre, dans le cadre d’une motion de l’opposition. Puis-je rappeler à la députée de que la motion de son parti a été rejetée par 232 voix contre 42?
Quoi qu’il en soit, même si le projet de loi figurait déjà au Feuilleton avant le débat sur sa motion d’opposition, le Bloc n’aurait pas pu trouver un meilleur moment pour ramener cette question à l’avant-plan, grâce aux faits et gestes du député de . Souvenons-nous que le député de Beauce, dans un discours prononcé le 13 octobre devant l’Albany Club de Toronto, a affirmé que le gouvernement fédéral empiétait sur les champs de compétence provinciaux et que, à son avis, qu’il tient en haute estime, il ne pouvait pas légitimement agir ainsi en vertu de la Constitution.
[Français]
Le député de poursuit cette éloquente envolée en affirmant que nous devons concevoir une nouvelle façon de transiger entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le méchant loup qu'est le gouvernement fédéral, tel que décrit par le député de Beauce, n'a pas à se mêler des faits et gestes des provinces. De toute évidence, c'est une façon simpliste de résumer la grande complexité entourant la gouvernance d'une fédération. Je rappelle à mes collègues qui semblent l'avoir oublié que nous sommes encore un pays.
Avant de m'avancer dans les arguments contraires à ce projet de loi et qui m'apparaissent d'une limpidité éclatante, je vais relever une autre des incohérences flagrantes de ce projet de loi du Bloc québécois.
[Traduction]
Depuis quand ce parti, qui prétend être le seul véritable défenseur des intérêts du Québec, veut-il promouvoir un projet de loi qui, dans les faits, réduirait les services à cette province et signerait la mort de programmes éprouvés et avérés? Le Bloc veut-il réellement réduire les services pour le Québec?
[Français]
Abordons maintenant les arguments qui, à mon avis, remettent en question la pertinence, pour ne pas dire l'urgence, de cette question. Actuellement, au Québec, cette question ne se pose même pas. Mes concitoyens québécois ont vraiment des soucis autrement plus pressants, tel l'avenir de leur régime de retraite, de leur système de santé et de leurs emplois, que de faire cas de questions soi-disant constitutionnelles très ésotériques. D'ailleurs, que vous soyez nationaliste ou fédéraliste, aujourd'hui comme il y a 15 ans, ce n'est pas une question qui occupe les discussions des Québécoises et des Québécois dans leur quotidien.
Au coeur des grands débats sur l'avenir du Québec que nous avons eus depuis 25 ans, il est question de langue, de culture, de fierté et de bien d'autres éléments identitaires. Ce que je n'ai jamais entendu, en dehors de la classe politique, ce sont des revendications sur les pouvoirs de dépenser des différents paliers gouvernementaux.
Maintenant, les députés du Bloc québécois vont se lever en bloc pour clamer haut et fort que ce projet de loi est essentiel parce que le gouvernement actuel ne respecte pas la division de pouvoirs prévue par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je fais un petit détour ici pour souligner la subtilité de ma référence à cet acte constitutionnel puisque je suppose qu'en raison de la non-signature de la Constitution de 1982 par le Québec, le Bloc québécois ne s'y réfère pas. Mais à mieux regarder, peut-être que je me trompe.
Le Bloc québécois prétend que le gouvernement fédéral ne devrait pas assister les provinces dans les domaines de la santé et de l'éducation parce que la Constitution prévoit que ces responsabilités relèvent de la compétence provinciale. Examinons donc les tenants et aboutissants entourant la Loi constitutionnelle de 1982.
[Traduction]
D’une part, le Bloc affirme que le gouvernement fédéral viole la Constitution que sa province ne veut pas reconnaître et, d’autre part, attendez un peu. Il semble maintenant qu’il convienne de s’appuyer sur ce document même si ce parti refuse d’admettre sa portée. Quand elle joue en leur faveur, les députés du Bloc aiment la Constitution, et quand elle ne leur rapporte pas suffisamment, ils la renient. On a de plus en plus l’impression que le Bloc veut le beurre et l’argent du beurre, comme on dit au Québec.
[Français]
Au coeur de ce débat sur le partage des pouvoirs et responsabilités gouvernementaux se trouve, à mon avis, toute la question de l'équilibre très délicat que nous cherchons à atteindre dans toute gouvernance de nature fédérative. Cet équilibre est non seulement essentiel au bon fonctionnement de notre pays, mais il est aussi la raison fondamentale de notre succès depuis 143 ans.
Notre fédération est perfectible, et nous, les libéraux, en sommes parfaitement conscients. Toutefois, ses principes fondamentaux, dont la responsabilité fédérale d'assurer la plus grande équité pour tous les Canadiens, n'est pas négociable. Dans ce domaine, le Bloc québécois et les conservateurs-réformistes sont la plus grande coalition jamais élue à cette Chambre. Pour les deux, la meilleure forme de gouvernance pour le Canada serait un gouvernement fédéral réduit à sa plus simple expression, où tous les vrais pouvoirs seraient réservés à la compétence exclusive des provinces.
L'ironie de cette approche est que le gouvernement actuel exerce son pouvoir de dépenser de façon outrageuse, ayant généré un déficit d'exploitation absolument faramineux, un dédain des plus complets pour la démocratie la plus élémentaire et une méfiance maladive envers tous les mécanismes de reddition de comptes prévus par notre système parlementaire.
[Traduction]
Cela me ramène à l’idée d’équilibre. Nos travaux manquent gravement d’équilibre, parce que le gouvernement réformiste conservateur refuse d’agir d’une façon responsable sur le plan budgétaire, juste sur le plan social et en partenaire égal des provinces, comme elles le voudraient. L’équilibre est le déterminant essentiel d’une fédération solide et fonctionnelle. C'est le seul facteur qui assure une représentation égale de tous les intéressés, quels que soient leur taille, leur richesse ou le contexte qui leur est propre.
[Français]
Les gouvernements fédéraux d'avant 2006, tous partis politiques confondus, ont essayé, chacun selon ses convictions, de travailler de manière harmonieuse avec les provinces.
L'objectif a toujours été d'assurer des transferts équitables et justes en matière de santé et d'éducation. Il est clair que cela n'a pas toujours été facile ni que les provinces ont toujours obtenu la totalité de leurs revendications. Mais la recherche de cet équilibre a certainement été le facteur constant de ces 143 années de convivialité fédérative.
Le Canada prospère et généreux du XXIe siècle est le résultat éclatant de l'équilibre fragile mais indéniable que nos gouvernements ont toujours cherché à atteindre.
Cela dit, en raisonnant mes arguments pro-fédératifs et résolument fédéralistes, je commence à comprendre — sans jamais pouvoir y adhérer — pourquoi mes collègues du Bloc ont jugé qu'il était important de nous soumettre le projet de loi que nous débattons aujourd'hui. Je peux entrevoir leur plaidoyer pour un gouvernement fédéral réduit à sa plus simple expression.
Face à l'approche dictatoriale et réductrice du gouvernement réformiste-conservateur, on peut facilement arriver à la conclusion que mieux vaut se débarrasser de toutes les possibilités d'exercice de pouvoir de ceux qui ignorent et méprisent la tradition de recherche d'équilibre à laquelle je faisais référence plus tôt.
[Traduction]
Le pouvoir fédéral de dépenser est le moyen d’importance critique que le gouvernement fédéral peut employer pour assumer sa responsabilité de faire du Canada une entité politique viable de plus en plus solide. C'est certainement ainsi qu’Ottawa avait coutume d’utiliser son pouvoir de dépenser, sous les gouvernements libéraux, par exemple avec l’adoption de la Sécurité de la vieillesse, de la Loi canadienne sur la santé, de l’assurance-emploi et de bien d’autres initiatives.
[Français]
Le Canada n'est pas l'Union européenne; le Canada est une vraie fédération, munie des mécanismes et des responsabilités constitutionnelles qui lui permettent d'assurer une certaine cohésion entre toutes ses composantes.
Nos différences, qu'elles soient linguistiques, géographiques ou ethnoculturelles, sont source de richesse et d'innovation, colorent notre place dans le monde et nous permettent d'être créatifs dans la recherche de solutions. Comme quelqu'un l'a dit en quittant le Canada après un long séjour: « Le Canada est une solution à la recherche d'un problème ».
Le Bloc québécois a une raison d'être et je sais pertinemment que je ne serai pas celle qui leur fera changer d'idée. Mais moi non plus, je ne suis pas prête à abdiquer de la vision du Canada qui m'habite depuis 32 ans et qui m'inspire depuis lors à poursuivre l'aventure fédérative.
La fédération que nous avons formée en 1867 était on ne peut plus idéaliste. Je suis convaincue qu'il n'y avait pas beaucoup d'observateurs à l'époque qui auraient gagé sur ses chances de succès.
Et pourtant, pouvons-nous oublier que pendant six années d'affilée le Canada s'est trouvé au premier rang des pays où il faisait le mieux vivre? Pouvons-nous oublier que c'est au Canada qu'on doit le concept du devoir de protéger, obligation qui est maintenant la philosophie maîtresse des Nations Unies? Pouvons-nous oublier les sacrifices consentis par tous nos soldats qui se sont battus pour la démocratie?
En tant que fière Canadienne et Québécoise, je ne le crois vraiment pas.
:
Monsieur le Président, j'ai remarqué une intervention que notre collègue d' a faite tout à l'heure, sur laquelle je reviendrai vers la fin de ma présente allocution.
Le débat sur le pouvoir fédéral de dépenser dans des domaines relevant de la compétence du Québec et des provinces me rappelle un incident assez cocasse de la campagne référendaire de 1992. À l'époque, on proposait l'accord de Charlottetown aux Québécois qui, comme on le sait, a été rejeté. Le camp des partisans de l'accord de Charlottetown avait recruté une vedette du hockey, qui s'est avérée plus compétente à manier le bâton qu'en matière de questions constitutionnelles. Les journalistes ont demandé à cette vedette qui se prononçait en faveur de l'accord de Charlottetown ce qu'elle pensait du pouvoir de dépenser ou des dispositions de l'accord de Charlottetown concernant le pouvoir de dépenser. Elle a répondu que c'était une bonne chose. On lui a alors demandé si elle pouvait développer davantage. Elle a expliqué que le pouvoir de dépenser, cela voulait dire que si on a de l'argent, on peut le dépenser. Cela avait été un épisode assez plaisant de cette campagne.
En 1867, le peuple québécois n'a pas été consulté sur son adhésion à la Confédération. Néanmoins, ses dirigeants politiques de l'époque lui ont donné l'assurance qu'avec le nouveau système constitutionnel, il aurait une souveraineté importante dans un grand nombre de domaines concernant la culture, les aspirations nationales et la vie de tous les jours, et que pour se développer comme nation, il pourrait utiliser ces importants pouvoirs dans des secteurs qui touchent la vie quotidienne comme la culture, l'éducation, la santé, et ainsi de suite.
C'est à cette condition que les Québécois ont accepté, à l'époque, que le Québec adhère à la Confédération. C'est d'ailleurs cette prétention de donner une certaine souveraineté qui était illustrée par l'emploi du mot « Confédération » plutôt que « fédération ».
Or Ottawa n'hésite pas depuis à envahir les champs de compétence exclusifs du Québec. La politique familiale, la santé, l'éducation ou, encore, le développement régional sont quelques-uns des exemples les plus frappants. Je vais donner quelques chiffres. En 2008, le fédéral a dépensé 652 millions de dollars dans le domaine de la santé; 386 millions de dollars dans le domaine du patrimoine; 679 millions de dollars dans le Conseil de recherches en sciences humaines. Ce sont tous des domaines qui concernent la vie culturelle et sociale, des choses internes au Québec.
Ottawa n'hésite pas à envahir ces domaines. Au total, tant pour le Québec que pour toutes les provinces, le gouvernement fédéral a dépensé, en 2008-2009, plus de 60 milliards de dollars. Cette situation est clairement intolérable.
En 2006, le gouvernement conservateur actuel s'était engagé à encadrer le prétendu pouvoir de dépenser du fédéral, mais il n'a pas agi jusqu'ici. Il y a quelque temps, le député de est pourtant allé très loin en affirmant qu'il fallait procéder à l'élimination pure et simple de ces dépenses du fédéral dans les domaines de compétence du Québec et des provinces. On a vu par la suite, cependant, qu'il n'est pas allé jusqu'à voter en faveur d'une motion en ce sens. On verra s'il votera en faveur du présent projet de loi.
Ce que nous réclamons aujourd'hui s'appuie sur l'idée même de l'existence d'une nation québécoise qui a été reconnue officiellement par la Chambre. Reconnaître l'existence d'une nation, c'est plus qu'un acte symbolique. Les nations, comme les personnes, ont des droits fondamentaux; le plus fondamental des droits d'une nation, c'est de contrôler elle-même le développement social, économique et culturel de sa société, c'est-à-dire le droit à l'autodétermination. On ne peut pas, d'un côté, reconnaître la nation québécoise et dire qu'elle existe, et en même temps, lui nier le droit de faire des choix différents de ceux du Canada. On ne peut pas lui nier en particulier le droit d'utiliser ses propres ressources de la manière qui lui convient et en conformité avec ses propres valeurs dans le sens de son développement.
Dans son intervention, le député de rappelait un discours prononcé en 1871. Ce n'est donc pas d'hier que date cette crainte d'intervention constante du gouvernement canadien dans des domaines relevant des compétences du Québec et des provinces. Le député rappelait donc ce discours de Laurier, qui disait:
[...] pour que le système fédératif ne soit pas un vain mot, pour qu’il produise les résultats qu’il est appelé à produire, il faut que les Législatures soient indépendantes les unes des autres, non pas seulement de droit, mais de fait ; il faut surtout que la Législature locale soit complètement à l’abri de tout le contrôle de la Législature fédérale. Si, de près ou de loin, la Législature fédérale exerce le moindre contrôle sur la Législature locale, alors ce n’est plus en réalité l’union fédérative que vous avez, vous avez l’union législative sous la forme fédérative ;
Il est clair que ce que Laurier craignait est malheureusement aujourd'hui devenu réalité. Le discours du député de rappelait que nous sommes donc très loin des intentions des Pères de la Confédération. Nous en sommes très loin parce que les dépenses fédérales qui empiètent sur les compétences des provinces nient le partage des pouvoirs au Canada. En principe, les deux ordres de gouvernement sont égaux et aussi souverains l'un que l'autre, chacun dans leurs domaines respectifs. Le partage des compétences est donc supposé être étanche pour éviter que la nation majoritaire, soit la nation canadienne, n'impose ses vues à la nation minoritaire, soit la nation québécoise. C'est pour cette raison que, par exemple, le rapport Séguin — M. Séguin, ancien ministre des Finances du Québec, a été nommé pour présider une commission afin de faire enquête sur la question du déséquilibre fiscal au Québec, et il en a évidemment profité pour aborder la question fondamentale du pouvoir fédéral de dépenser — estimait que:
Le « pouvoir fédéral de dépenser » répond à une logique unique: il s'agit pour le gouvernement fédéral, d'intervenir dans des champs de compétence des provinces sans avoir à obtenir pour cela l'adoption d'un amendement de la Constitution.
Le gouvernement fédéral fait donc, de façon indirecte, ce que la Constitution lui interdit de faire, c'est-à-dire se mêler de domaines relevant du Québec et des provinces.
J'entendais plus tôt le député d' dire qu'en quelque sorte, le NPD avait récemment proposé que le Québec puisse gérer ses propres affaires lui-même et échapper au pouvoir fédéral de dépenser à condition que l'on n'impose pas cela à l'échelle du Canada.
Si le Nouveau Parti démocratique était prêt à faire un amendement au projet de loi actuel garantissant le pouvoir du Québec de se soustraire inconditionnellement au pouvoir de dépenser, notre parti serait prêt à appuyer une telle mesure. Il faut que ce soit clair. Il ne faut pas que ce soit un truc...