Passer au contenu

ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 janvier 2012

[Enregistrement électronique]

(1145)

[Traduction]

    Bonjour à tous, bonne et heureuse année. Je suis heureuse de vous revoir. Je tiens à remercier notre témoin de sa bonne volonté, qui permet de combler un retard imprévu dans nos travaux. Nous tiendrons une séance d'une heure; nous consacrerons le temps qui restera aux travaux que nous avons prévus à l'origine pour la réunion.
    Monsieur Jordan, je crois comprendre que votre exposé durera moins de dix minutes. Je vais donc vous céder la parole. Comme à l'accoutumée, nous passerons ensuite à la période de questions.
    Monsieur Jordan, allez-y.
    Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à participer, à titre de témoin, à l'examen de la Loi sur le lobbying, prévu dans l'article 14.1 de la loi.
    Je me présente: je suis un ex-député. J'ai été secrétaire parlementaire du premier ministre, secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor et directeur des affaires parlementaires dans un cabinet ministériel. Je suis actuellement membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada et consultant principal auprès du Capital Hill Group, une firme de relations gouvernementales qui a son siège ici, à Ottawa. J'enseigne également les relations gouvernementales dans le programme de maîtrise en administration des affaires à l'école Rotman de gestion de l'Université de Toronto. Autrement dit, d'après la terminologie du projet de loi, j'étais récemment titulaire d'une charge publique désignée et je suis maintenant lobbyiste enregistré. Malgré mon apparente instabilité professionnelle, j'espère pouvoir faire appel à mon vécu pendant la discussion concernant la loi.
    Je m'empresse de déclarer que j'ai comparu devant le comité sénatorial chargé de l'examen du projet de loi C-2. J'avais alors douté de la capacité de l'administration à appliquer la loi de manière logistique, parce qu'elle marquait le passage d'un système fondé essentiellement sur l'enregistrement des lobbyistes à un système de réglementation du lobbyisme et que je connaissais bien toute la complexité qui en découlait. Je dois ajouter que ce passage a été admirablement réussi. Du point de vue logistique, le commissariat fonctionne à un régime très élevé. Tous les contacts que j'ai eus avec lui ont été extrêmement fructueux; je pense que le système même d'enregistrement, le système informatique, fonctionne bien. Je dois donc me rétracter, parce que j'avais prédit le chaos, un chaos qui, manifestement, ne s'est pas réalisé.
    Sur le plan personnel, je tiens à déclarer sans équivoque que j'appuie entièrement les objectifs du projet de loi. Tout ce qui contribue à une plus grande transparence de la prise des décisions politiques aide à dissiper une partie du cynisme responsable, d'après moi, de la chute des taux de participation aux élections et des préjugés qu'entretiennent les gens à l'égard du gouvernement et du rôle de l'État dans leur vie.
    J'aimerais donc revoir quelques aspects de la loi sur lesquels le comité devrait, à mon avis, s'arrêter.
    Le premier est fondamentalement structurel. L'application du cadre réglementaire sous le régime de la loi, qui est vaste, se fonde entièrement sur le constat, par l'individu, qu'il s'adonne à des activités qui doivent être enregistrées. Même si les paragraphe 5(1) et 7(1) en énumèrent un certain nombre, je pense qu'il serait logique de définir le lobbyisme dans l'article 2 de la loi. Je propose la courte définition suivante : communication avec des décideurs, visant à influer sur les décisions ». Je pense qu'une définition claire et concise de l'activité réglementée assure à la définition ultérieure des activités connexes une base plus solide.
    Les témoignages livrés au comité jusqu'à maintenant traduisent l'inquiétude soulevée par les individus qui échappent à la détection, c'est-à-dire qui s'adonnent au lobbyisme, mais qui, pour je ne sais quelle raison, ne sont pas enregistrés et ne signalent pas leur activité. Si on excepte ceux qui choisissent délibérément de faire fi de la loi, je pense qu'un certain nombre de facteurs contribuent à cette situation. La règle arbitraire dite des 20 p. 100 exige que l'individu ou l'organisme calcule les ressources globales consacrées aux activités de lobbyisme. Au mieux, elle engendre la confusion; au pis, elle est, à mon avis, inconstitutionnelle.
    Je vais vous en donner un exemple. Le bulletin d'interprétation du 11 août 2009, sur la méthode de calcul de la règle des 20 p. 100 dit que :
Une façon consiste à estimer le temps consacré à préparer des communications (recherche, rédaction, planification, compilation, déplacements, etc.) et à communiquer réellement avec des titulaires d'une charge publique. Par exemple, pour une rencontre d'une heure avec un titulaire d'une charge publique ayant nécessité neuf heures de préparation, le temps consacré au lobbying sera le total, soit dix heures.
    Ce temps entrerait dans le calcul du seuil de 20 p. 100.
    Des organisations identiques, qui s'adonnent à des activités identiques, pourraient donc devoir déclarer des chiffres différents si l'une avait son siège à Ottawa et l'autre à Vancouver. Je ne suis pas avocat et je n'essaie pas de me justifier, mais je soumettrais la question à la Cour suprême. Je ne pense pas qu'une loi puisse discriminer les Canadiens d'après l'endroit où ils vivent. Il est bien évident, si je comprends bien le bulletin d'interprétation, que c'est exactement ce qu'elle fait.
    D'après moi, ce serait un aspect à examiner. Au moins, ne faites pas entrer les temps de déplacement dans les calculs, parce que cela favorise intrinsèquement les gens qui vivent près d'Ottawa. Encore une fois, nous essayons probablement de débarrasser nos lois de ce genre d'effet.
    Il pourrait également être utile de réexaminer la raison d'être de la règle des 20 p. 100. La loi ne visait pas — c'était la raison d'être à l'époque — à attraper les lobbyistes, individus ou organisations, occasionnels. Je pense que c'est un élément à examiner et à rapprocher des objectifs de la loi.
    Il se pourrait que, simplement, vous attrapiez les mauvais lobbyistes. En effet, les bons peuvent fonctionner sous la barre des 20 p. 100. Je ne vise personne en particulier, mais, au terme de l'évolution du projet de loi qui se fait en réaction aux situations à la fois politiques et stratégiques et qui en augmente la portée, il faut d'après moi s'assurer, en fin de compte, quand on en réunit tous les morceaux, de ne pas l'avoir dénaturé. Je pense que, dans certains cas, nous avons un peu dévié de l'objectif que nous nous étions fixé.
    Le deuxième élément concerne l'exigence de la rémunération du lobbyiste pour qu'il soit visé par les règlements sous le régime de la loi. Les Américains, qui réglementent le lobbyisme, ne font pourtant pas cette distinction.
    D'après moi, l'objectif de tous les acteurs, de tout ce qui sert à la formulation de la politique publique et de tout le processus de son élaboration devrait être la plus grande transparence possible. Il est sûr, donc, que les actions des lobbyistes rémunérés devraient être transparentes, mais il devrait en être de même de celles des organismes non gouvernementaux, des cellules de réflexion, des groupes religieux, des organisations professionnelles et même des universitaires.
    La notion selon laquelle les lobbyistes rémunérés sont les seuls à avoir des motifs douteux et tous les autres acteurs recherchent l'intérêt public sous sa forme la plus pure me semble un peu naïve. Je pense que l'idée de supprimer le mot « rémunéré » ou, du moins, d'englober dans la définition ceux qui retirent un avantage indirect de leur activité mérite réflexion.
    Encore une fois, pour vous donner un exemple, j'enseigne à l'Université de Toronto. Quand je renégocierai mon salaire, je mentionnerai ma comparution devant votre comité. Il n'est donc pas réaliste de penser que cette intervention ne peut pas m'avantager indirectement.
    Je pense que la loi va également à l'encontre des objectifs légitimes de certaines organisations. Du point de vue de la gouvernance dans les organisations, nous vivons dans un monde désormais assujetti à la loi Sarbanes-Oxley, et les conseils d'administration des sociétés et des organisations se débattent dans cette réalité nouvelle.
    Par exemple, si une association, pour attirer les meilleurs talents dans son conseil d'administration, décide de les défrayer de leurs dépenses, on considère ces gens comme rémunérés, et la règle des 20 p. 100 ne s'applique pas, ce qui nécessite probablement l'inscription individuelle de tous les membres du conseil en tant que lobbyistes-conseils, s'ils ont des contacts avec des titulaires de charge publique. Si vous vérifiez le registre, vous constaterez que c'est ce qu'a fait l'Association médicale canadienne.
    Je pense que nous devrions aider ces groupes à atteindre leur objectif de meilleure gouvernance. Je ne suis pas sûr que cette entrave supplémentaire facilite le recrutement.
    Un autre élément de la loi dont on a dit qu'il causerait des problèmes a été l'inclusion des titulaires de charge publique désignée qui étaient qualifiés de « cadres ». En conséquence, toute communication enregistrable, qui était orale et préalablement organisée avec ces individus exigeait la production séparée d'un rapport mensuel, qui était ensuite publié dans le registre public et accessible en ligne. Il y a eu un tollé, on prétendait qu'on livrait ainsi des renseignements délicats à la concurrence. Je ne pense pas que ces craintes se sont matérialisées, mais des problèmes subsistent.
    Dans sa version d'origine, le projet de loi C-2, avant qu'il ne soit amendé, exigeait la production de renseignements plus détaillés sur la communication et un processus de double déclaration. Après une rencontre, le titulaire d'une charge publique désignée et le lobbyiste enregistré rédigeaient chacun un rapport, puis le Commissariat au lobbying rapprochait ces rapports. Si on n'y parlait que d'une moitié de la rencontre, il y avait alors motif à enquête. Actuellement, le problème c'est que le commissariat doit répondre à des tuyaux anonymes ou compter sur d'autres moyens pour arriver à trouver en quel endroit il peut chercher des problèmes, lesquels ne se révéleront pas naturellement par eux-mêmes.
    Nous nous retrouvons avec un système dans lequel toute la responsabilité repose sur le lobbyiste et dans lequel les détails de la rencontre ont simplement besoin de refléter les sujets énumérés dans l'enregistrement d'origine. Encore une fois, le comité pourra examiner en quoi, ces cinq dernières années, ce mécanisme a permis d'atteindre nos objectifs.
    En outre, je pense que l'inclusion des titulaires d'une charge publique désignée pourrait se faire dans le registre électronique de l'administration. Il est notamment difficile pour nous de savoir qui est désigné. D'un ministère à l'autre, au gré des arrivées, des départs, des intérims, etc., c'est l'anarchie.
(1150)
    L'administration possède un excellent répertoire électronique des employés. Il y a peut-être moyen d'y indiquer si telle personne est effectivement titulaire d'une charge publique désignée. Je pense que cela simplifierait les choses et réduirait le nombre de déclarations inutiles, parce que la personne n'est pas désignée ou, encore, d'omissions, parce qu'on pense que la personne n'est pas désignée, ce qui entraîne d'autres conséquences.
    Toujours en ce qui concerne les titulaires de charge publique désignée, la première version du projet de loi accordait au gouvernement et au gouverneur en conseil le pouvoir de désigner toutes les catégories de titulaires désignés. Ils se sont servis de ce pouvoir pour étendre la désignation aux députés. Je suis bien conscient des risques politiques auxquels on s'expose si on profère une remarque qui semble vouloir réduire la transparence et la responsabilisation, mais je pense que la désignation des députés qui ne sont ni secrétaires parlementaires ni ministres est une réaction irréfléchie. Elle pourrait avoir de profonds effets à long terme sur les droits et privilèges des députés et, d'une certaine manière, sur la relation qui existe entre l'exécutif et le législatif.
    Je ne veux pas être alarmiste, mais je pense que nous devrions nous inquiéter, tous, de l'existence de certaines règles et de certains règlements sur vos fréquentations et vos décisions ultérieures. Les responsabilités des députés en matière de supervision doivent l'emporter sur les objectifs, quels qu'ils soient, de cet exercice, mais, je le répète, il serait très difficile d'en parler dans une mêlée de presse à l'extérieur de cette salle, parce qu'on donnerait l'impression de vouloir opacifier le système. Je peux le faire, mais vous, peut-être pas.
(1155)
    Monsieur Jordan, peut-être pourrions-nous passer à vos recommandations.
    L'hon. Joseph Jordan: Bien sûr.
    La présidente: Ce serait excellent. Merci.
    J'aborderai deux autres sujets. On a beaucoup parlé de la règle 8: elle concerne la participation des lobbyistes enregistrés aux élections et au processus électoral. Je vous souhaite la meilleure des chances. L'affaire est assez délicate. Vous essayez à la fois de protéger mes droits, en tant qu'individu, mes droits constitutionnels de participer au processus démocratique tout en m'empêchant d'obliger des gens qui pourraient ultérieurement m'être utiles.
    Je dirai ceci. Quelle que soit votre décision, je pense que le secteur accueillerait très bien des règles très limpides sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire, par opposition aux bulletins d'interprétation qui, au fond, disent: « faites ce qui vous plaira, si vous vous écartez du droit chemin, nous sévirons ». Sur fond de Code criminel, je pense que nous avons besoin d'un peu plus de limpidité sur cette question.
    Je vous laisse sur cette pensée et je serai heureux de discuter avec vous ou de répondre à vos questions. La relation qui existe entre notre secteur et le gouvernement est l'un des principaux facteurs de la vitalité de notre économie et de la qualité de notre société. Je pense que la gent politique, les fonctionnaires, les entrepreneurs et les citoyens ont tout intérêt à ce qu'elle fonctionne bien et au plus haut niveau possible.
    Il importe de s'assurer que les objectifs de transparence de la loi sont réalistes, atteignables et efficaces et que la charge de les respecter ne contribuera pas à l'« insularisation » — si vous me passez l'expression — du processus public de décision. Autrement dit, tout ce qui prive le gouvernement de consultation, qui l'amène à prendre des décisions dans une tour d'ivoire parce que le respect de la loi présente une obligation trop difficile, d'après moi, nous ramène en arrière.
    Encore une fois, je pense que le comité a tout un défi à relever. Je serai heureux de discuter de n'importe lesquels des sujets que j'ai abordés et sur lesquels j'ai fait appel à mon expérience.
    Je reste à votre disposition. Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Jordan.
    Nous commençons avec M. Angus, qui dispose de sept minutes. Bien sûr, cela comprend les questions et les réponses.
    Merci, monsieur Jordan. La discussion est très intéressante jusqu'ici.
    Je veux en savoir plus sur votre recommandation concernant les lobbyistes rémunérés et votre interprétation, car il a été question des lobbyistes qui, sans être payés directement, pourraient tirer des avantages financiers au bout du compte ou recevoir des services en retour. Mais les groupes de réflexion, les universitaires et les ONG pourraient être touchés, et je me demande comment on pourrait y parvenir de façon transparente et réaliste. Bien des gens viennent à nos bureaux pour toutes sortes de raisons. Je pense que, s'ils doivent s'enregistrer à titre de lobbyistes, nombre de groupes bien intentionnés vont s'attirer des problèmes. Comment peut-on fonctionner dans un tel système? Quelles distinctions faudrait-il établir?
    Merci des questions.
    Je pense que, si on s'entend sur l'objet de la loi, on peut se demander qui est en infraction ou dans quelle mesure la transparence profite aux Canadiens. Selon moi, on peut présumer qu'à part les citoyens et leurs députés, tous ceux qui participent aux débats publics de manière organisée le font dans leur propre intérêt. Si le critère principal est la simple rémunération... on oublie bien des gens qui influencent beaucoup le processus et qui ne sont pas du tout visés par ce critère.
    Si on parle de communication avec les décideurs en vue d'influencer les résultats, tout le monde comprend de quoi il est question. Si on retire le terme « rémunération », tous les intéressés doivent s'enregistrer et respecter les mêmes règles.
(1200)
    Oui. J'essaie toujours de voir comment c'est possible. La commissaire au lobbying a recommandé de retirer la règle de 20 p. 100 sur la « partie importante des fonctions », entre autres parce que des gens exercent beaucoup d'influence par un seul appel téléphonique. C'est peut-être 5 p. 100 de leurs fonctions, mais leur influence est énorme, parce que les contacts changent tout. C'est pourquoi les appels de ces gens sont si efficaces.
    Nous sommes préoccupés par ceux qui passeraient inaperçus. J'imagine que, si un universitaire faisait connaître son opinion parce qu'il se préoccupe de la politique sur les prisons, les droits d'auteur ou le système de santé, il devrait s'enregistrer comme vous, qui travaillez pour le groupe Capital Hill. Est-ce bien ce que vous proposez?
    Je ne propose pas de solution, mais une piste de solution. Je me demande en quoi ce serait un problème... Si les Canadiens doivent savoir qui essaie d'influencer la politique — pour une raison ou une autre —, dans quelle mesure le fait de savoir qui est Joe Jordan sert-il l'intérêt public, lorsque les autres personnes qui ont beaucoup d'influence restent dans l'ombre?
    Je ne dis pas que la question est simple, monsieur Angus. Je dis simplement que, si l'objectif est de mettre en lumière tous ceux qui veulent influencer le gouvernement, nous n'avons pas avantage à exclure certains intervenants.
    C'est une autre façon d'envisager la question. En tant que titulaire d'une charge publique désignée et député, je ne vois pas vraiment d'inconvénient à enregistrer tous ceux que je rencontre à mon bureau, s'il le faut. Mais les gens viennent aussi me voir pour me donner de l'information, parce qu'ils sont préoccupés par ce qui se passe. Il faut tenir compte de la confidentialité... ou plutôt du droit de la protection des renseignements personnels. Il me semble que, s'il ne s'inscrivait pas en tant que lobbyiste, le groupe communautaire de monsieur et madame Tout-le-Monde qui veut me rencontrer serait traité de la même façon que le groupe Capital Hill.
    À titre de député, je ne verrais pas de mal à ce que tous les gens que je rencontre dans une journée s'enregistrent, parce qu'on s'apercevrait que je travaille fort pour gagner ma vie. Mais il faut penser à l'envers de la médaille. J'ai l'impression que, si chaque groupe doit s'enregistrer, les gens comme vous auront les coudées franches, parce que toutes sortes de petits groupes communautaires ne respecteront pas la Loi sur le lobbying. Nous devrons poursuivre tous ceux qui ont omis de s'enregistrer en tant que lobbyistes, mais ceux qui exercent beaucoup d'influence avec un seul appel téléphonique vont passer entre les mailles du filet.
    C'est pourquoi je pense que la question est réglée si vous retirez les députés de la catégorie des TCPD, parce que ceux qui rencontrent les députés n'auraient plus à déclarer leurs communications.
    Oui, mais le lobbyiste enregistré est obligé de dire qui il rencontre.
    Oui, bien sûr...
    M. Charlie Angus: Oui.
    L'hon. Joseph Jordan: En effet, mais si je rencontre un titulaire d'une charge publique — non désignée —, je n'ai pas à mentionner cette communication dans ma déclaration mensuelle, pourvu que je sois enregistré.
    C'est exact.
    La deuxième recommandation de la commissaire au lobbying est que la loi « devrait être modifiée de manière à exiger que les déclarations mensuelles de communication énumèrent les noms de chacun des lobbyistes salariés qui a, en effet, participé à la communication, en plus du nom du cadre le plus haut placé. » Donc, si un groupe de quatre personnes se présente, nous savons qui elles sont, au lieu de savoir seulement qui a fixé la réunion. Est-ce un objectif de transparence raisonnable, selon vous?
    Je suis d'accord en principe. Mais je le répète: à quoi peut-on raisonnablement s'attendre d'un cadre de réglementation?
    Une partie du problème lié aux lobbyistes salariés, c'est qu'une grande entreprise en emploie plusieurs qui s'occupent de divers dossiers et qui peuvent venir de différents pays. Il faudrait constamment mettre à jour les renseignements des gens qui travaillent à un dossier. C'est possible, mais je ne sais pas si le jeu en vaut la chandelle. À l'heure actuelle, ce sont les cadres supérieurs qu'on enregistre.
    En général, les entreprises qui font du lobbying tombent dans deux catégories: celles qui sont en contact constant avec les responsables réglementaires — les banques, l'industrie pharmaceutique — et qui ont leurs propres lobbyistes, parce qu'il y a assez de travail pour les tenir occupés; puis celles qui veulent régler une seule question, parce qu'un problème est survenu. Si on met ces deux catégories d'entreprises dans le même panier, celles qui n'effectuent du lobbying qu'aux trois ou quatre ans devront assumer un lourd fardeau quant au respect de la loi.
    La quatrième recommandation indique que la loi devrait être modifiée de manière à exiger que les lobbyistes divulguent toute communication orale au sujet de questions prescrites avec les TCPD, sans égard à qui en est à l'origine. Pensez-vous qu'il s'agit d'une recommandation raisonnable?
(1205)
    Si vous et moi discutons près des urinoirs, il faudrait déclarer notre conversation. Je pense donc qu'à cet égard... Il ne faut pas perdre de vue le gros bon sens. Allez-vous amener le gouvernement à prendre de mauvaises décisions, simplement parce qu'un lobbyiste a échangé quelques mots avec vous?
    J'imagine que c'est possible pour ce qui est de la logistique. À titre de lobbyiste-conseil enregistré, je dois déjà me conformer aux règles les plus strictes. Mais si on pousse la réflexion, je pense que les organisations et les associations présentes à une réception et qui, disons, représentent des entrepreneurs seront fondamentalement pénalisées. Le fardeau serait extrêmement lourd à porter si l'on veut respecter la loi.
    Pour l'heure, les communications qu'il faut déclarer sont préétablies et amorcées par les lobbyistes. Si on élimine le concept de communication préétablie...
    Merci, monsieur Jordan. Nous avons dépassé les sept minutes.
    D'accord, désolé.
    Monsieur Del Mastro.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de votre exposé d'aujourd'hui, monsieur Jordan.
    Vous avez dit au début que le commissariat effectuait un travail admirable et efficace. Nous sommes heureux que vous pensiez ça, mais j'aimerais discuter de certaines de vos recommandations.
    Pour être franc, la règle 8 a déjà été soulevée. Un certain nombre de représentants d'organisations m'ont parlé précisément de la règle 8, parce qu'ils veulent la respecter.
    Je vais vous poser une question en votre qualité de lobbyiste enregistré: à votre avis, la règle indiquant que les lobbyistes enregistrés n'ont pas le droit de participer aux activités politiques est-elle juste ou discriminatoire?
    Je vais répondre, mais je comprends la situation de la commissaire, parce qu'elle doit assumer des responsabilités tacites sans bénéficier des pouvoirs sous-jacents. Donc, je pense que l'examen par le comité est profitable.
    Je ne peux parler qu'en mon nom personnel, mais j'ai déjà établi qu'il n'était pas dans l'intérêt de mes clients que je participe à des activités politiques partisanes. Je ne vois pas comment il peut être utile de dénoncer ouvertement l'action du gouvernement si je dois organiser une réunion pour discuter posément.
    J'ai choisi d'exercer cette profession, mais j'adore la politique. J'ai grandi en me passionnant pour la politique. Vous parlez de droits constitutionnels, mais je présume que je les respecte déjà, les règles qui seront fixées. Je ne suis pas allé au dernier congrès de mon parti. Je ne fais pas de don à un parti fédéral. Je ne participe plus aux émissions de télévision en tant que stratège, parce que je pourrais selon moi m'attirer des sympathies.
    Si vous voulez mon avis, je n'y vois pas d'inconvénient dans ma situation. Mais je pense que les autres témoins feront valoir des opinions divergentes. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut établir clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas.
    D'accord. Je vous suggère simplement de donner le même montant à tous les partis. Ça nous convient parfaitement.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Dean Del Mastro: Bien sûr, je pense aussi que certaines personnes qui se présentent comme stratèges de partis ne saisissent pas toujours la stratégie du parti. On ne s'attire donc pas nécessairement des sympathies en occupant de telles fonctions.
    Vous avez dit qu'il serait bon d'ajouter une définition du lobbyisme à l'article 2. Pensez-vous que la population comprend bien ce qu'est le lobbyisme?
    Je pense que non. J'enseigne les relations gouvernementales, alors j'en sais quelque chose. Le lobbyisme, ce n'est pas remettre une enveloppe brune pleine de billets de banque. Mon point de comparaison, c'est le système juridique canadien, qui est complexe et changeant. Si on commet une erreur, les conséquences peuvent être graves. C'est la même chose pour le gouvernement.
    Concernant le travail des lobbyistes, c'est moins une question de contacts qu'il y a peut-être 20 ans. Il faut préparer une affaire présentant un intérêt économique certain qui doit s'équilibrer avec les intérêts d'autres secteurs. Les lobbyistes doivent établir une stratégie pour se faire entendre. C'est comme dans toute activité: ça paraît plus exaltant que ça ne l'est vraiment.
(1210)
    J'en ai discuté un certain temps avec des gens de ma circonscription et je pense que les relations gouvernementales et le lobbying en général sont pas mal différents de ce que les gens pensent.
    Une des choses que l'on constate en devenant député, c'est que le gouvernement est une très grosse machine et que les ramifications des lois sont importantes dans certains cas. On peut ne pas comprendre comment certaines industries sont concernées. Il nous est donc très utile d'entendre les représentants de ces industries, parce que sinon, ils n'auront pas l'occasion de faire connaître leurs opinions sur la Colline parlementaire. Je pense que certaines personnes effectuent un travail très utile.
    Le processus d'enregistrement et de déclaration est-il opportun et complet? Présente-t-il des obstacles?
    Non. Lorsque la loi a été adoptée au départ, nous avons nommé à notre cabinet un agent de vérification de la conformité. Nous avons donné de la formation et de la documentation pour que tous connaissent les règles. Nous avons collaboré étroitement avec les gens du commissariat, qui nous ont beaucoup aidés.
    Ce processus constitue maintenant une affaire courante pour notre cabinet. Il fait partie de notre travail et n'entraîne pas de coût économique pour nous.
    D'accord. Donc, si tous vos collègues devaient déclarer leurs communications dans le cadre des 20 p. 100, ils n'auraient pas de difficulté à y arriver.
    Je ne pense pas.
    Pour revenir à ce que M. Angus disait, on tiendrait compte tout d'un coup de bon nombre de groupes qui n'estimaient pas faire du lobbying, mais du travail de défense des intérêts ou autre chose. Je pense que le problème serait le temps nécessaire pour que les gens comprennent qu'ils sont désormais concernés.
    Très bien. Je vais revenir à ma question précédente. À votre avis, les gens savent-ils tout ce qu'implique le lobbying?
    La plupart des gens n'ont pas une idée claire de ce qu'est le lobbying. Ils présument que ce qu'ils font n'en est pas... Je considère que vous imposez un fardeau aux gens qui ne savent pas vraiment ce qu'est la défense des intérêts ou le lobbying.
    Pour moi, la défense des intérêts, le lobbying et les relations gouvernementales, c'est du pareil au même. Les groupes de revendication parlent souvent un peu plus du secteur public. Où le gouvernement investira-t-il cet argent? Quelle est la meilleure façon d'investir ces fonds? Les lobbyistes, quant à eux, représentent davantage le secteur privé; ils s'intéressent à l'incidence des décisions du gouvernement sur le secteur privé.
    Au bout du compte, cela revient au même, en ce qui concerne le gouvernement. Peu importe qu'il dépense de l'argent ou qu'il réduise des impôts — par exemple, si l'on prend la déduction pour amortissement accéléré qui s'applique au secteur de la fabrication; d'un côté comme de l'autre, cela a le même impact sur le gouvernement.
    Toutefois, je pense que c'est perçu différemment par la population. Vous pouvez englober des personnes qui ne se considèrent pas comme des lobbyistes, mais là encore, beaucoup de gens ignorent en quoi consiste réellement le lobbying.
    La présidente: Monsieur Del Mastro...
    M. Dean Del Mastro: Mon temps est-il écoulé?
    Depuis longtemps.
    Je viens de soulever une question importante, alors j'estime que ce serait le bon moment de passer à quelqu'un d'autre.
    Monsieur Jordan, pouvez-vous répondre brièvement?
    Je dirais que c'est la raison pour laquelle l'inclusion de toutes les communications avec les décideurs qui ont une influence, selon moi, vient démystifier les choses. Il faut savoir qui a participé à cette démarche.
    Merci, monsieur Jordan.
    Monsieur Andrews.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Jordan. Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la capacité de la commissaire au lobbying à mener des enquêtes. La commissaire peut entreprendre une enquête seulement lorsqu'on lui signale un problème. Il est très difficile pour elle de savoir s'il y a eu violation. Elle voit les déclarations, mais s'il y a une omission, comment peut-elle le savoir?
    Selon vous, pourrions-nous resserrer la vis un peu? Comment pourrions-nous rendre les deux parties plus redevables?
    J'ai posé la question à propos des déclarations des titulaires de charge publique. Les titulaires de charge publique déclarent leurs communications; les lobbyistes en font autant. On compare ensuite les notes, et s'il y a une omission d'un côté comme de l'autre, il y a lieu d'entreprendre une enquête.
    Je pense que vous avez également indiqué que cela s'inscrivait dans le projet de loi C-2, le projet de loi précédent, mais que cela n'avait pas été adopté.
    Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
(1215)
    Vous soulevez un bon point, que j'ai d'ailleurs abordé au tout début. Au départ, les deux parties étaient censées présenter leurs déclarations de façon indépendante. Ainsi, le Bureau du commissaire au lobbying n'aurait qu'à faire concorder les rencontres, et s'il y a des omissions, à ce moment-là, on saurait quoi faire et qui appeler pour découvrir ce qui s'est passé. Il s'agit ici d'une simple hypothèse, et peut-être que la commissaire en a déjà parlé —, le bureau devrait alors indiquer qu'il y a un problème potentiel ou une rencontre qui n'a pas été déclarée. C'est un tout autre processus et c'est très aléatoire. Je pense que ce serait beaucoup plus efficace de considérer le modèle initial.
    D'autre part, il faut savoir pourquoi cette question n'a pas été prise en considération. Je n'ai pas lu les délibérations sur le sujet, mais si on revient au projet de loi C-2, on doit avoir tenu des propos très convaincants pour que le comité décide de ne pas inclure le côté bureaucratique ou politique et de plutôt imposer le fardeau aux lobbyistes. C'est bien, mais je pense que c'est moins efficace du point de vue de l'application de la loi, car tant que les deux parties ne déclareront pas toutes leurs communications, on ne saura pas s'il y a une anomalie et on ne pourra pas intervenir en conséquence.
    D'ailleurs, en tant que députés et titulaires d'une charge publique désignée, vous avez également des obligations à respecter en vertu de la loi. Vous n'êtes pas tenus de déclarer toutes vos rencontres, mais vous devez garder un compte rendu que vous pourriez soumettre à la commissaire, à sa demande. J'ignore si cela peut créer des problèmes relativement à votre circonscription, mais vous êtes visés par ce cadre réglementaire, que vous le sachiez ou non.
    Par ailleurs, je travaille beaucoup comme bénévole auprès des députés défaits par l'entremise de l'association parlementaire. La plupart des députés ignorent qu'ils sont désormais visés par l'interdiction de cinq ans. Les ex-titulaires d'une charge publique n'ont pas le droit d'intervenir à titre de lobbyistes pendant une période de cinq ans suivant la cessation de leurs fonctions politiques. Est-ce qu'on va trop loin ici? Je ne le sais pas. Il faudrait peut-être se pencher là-dessus.
    Concernant cette interdiction, à votre avis, cinq ans, est-ce raisonnable? Est-ce une question que nous devrions examiner? Nous avons peut-être un peu outrepassé les limites ici. De plus, si on définit exactement ce qu'est le lobbying et ce que sont les relations gouvernementales, je dirais que si vous faites partie d'une firme de relations gouvernementales, un conseil donné à un client sera beaucoup plus précieux que le lobbying lui-même. Il y a une différence entre les relations gouvernementales et le lobbying. À quel moment cette distinction se fait-elle? L'interdiction de cinq ans est-elle quelque chose...
    Si on retourne un peu en arrière, sachez que quand j'ai quitté la politique, les ministres étaient assujettis à une interdiction de deux ans, les secrétaires parlementaires, à une interdiction d'un an, mais cela ne s'appliquait qu'aux dossiers qu'ils avaient traités dans le cadre de leur portefeuille. Peut-être que ce n'était pas suffisant. Cependant, lorsqu'on impose une interdiction de cinq ans sur toutes les activités, on ne peut plus vraiment revenir sur sa décision sans donner l'impression de niveler vers le bas. Il y a toutes sortes d'histoires à propos d'anciens attachés politiques — même aujourd'hui — qui s'orientent vers les relations gouvernementales. Vous avez tout à fait raison.
    N'empêche que si je ne fais qu'élaborer des stratégies pour des entreprises et que je ne prends part à aucune activité enregistrable, je ne suis pas visé par cette interdiction. Nous sommes dans un pays libre et je peux faire ce que je veux. La restriction s'applique uniquement aux activités qui doivent faire l'objet d'un enregistrement. À mon avis, cinq ans, c'est trop. Je devrais plutôt demander qu'on augmente cela à 10 ans, de sorte qu'il y ait moins de gens qui fassent ce travail et que je gagne un plus gros salaire. Pour les gens avec qui je travaille — les ex-députés —, c'est une bonne possibilité d'emploi qu'ils ne peuvent plus envisager. Il y a un processus pour remédier à cela qui semble fonctionner. Si une personne considère qu'elle n'a pas occupé son poste assez longtemps pour être visée par cette interdiction, on peut évaluer son cas et il arrive qu'on annule l'interdiction. C'est un problème qui peut se régler tout seul.
    En ce qui concerne la notion des 20 p. 100, votre calcul est beaucoup mieux que tous les autres que j'ai vus. Existe-t-il une norme pour calculer ces 20 p. 100, ou bien si chaque firme les calcule différemment?
    J'ai lu le document publié par le Bureau du commissaire au lobbying. Je ne comprenais pas moi non plus. Le problème, c'est que c'est très compliqué. Il faut au moins éliminer les déplacements; cela n'a pas besoin d'être inclus.
(1220)
    En fait, la commissaire recommande d'éliminer une partie importante des fonctions. Que pensez-vous de cette recommandation?
    Dans mon travail — comme lobbyiste-conseil enregistré —, tout ce que je fais est réglementé au plus haut niveau. Si vous réduisez la règle des 20 p. 100, vous allez accroître les exigences des compagnies ou des associations relatives à l'enregistrement. Vous devez faire attention. Vous allez toucher beaucoup de gens qui n'étaient pas visés ou qui ne se considéraient pas visés. Il faudra évaluer si cela en vaut la peine.
    Merci.
    Madame Davidson.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Jordan, d'être des nôtres aujourd'hui. Je pense que nous avons tous beaucoup de questions sur le fonctionnement, alors c'est bien de pouvoir avoir l'avis de quelqu'un qui connaît aussi bien le milieu. J'estime que cela nous donne une bien meilleure perspective.
    J'ai trouvé très intéressante la discussion au sujet de la règle des 20 p. 100. C'est une question dont nous débattons. Il est difficile de se faire un point de vue là-dessus et de savoir comment les organisations et les lobbyistes en arrivent à cela.
    L'une des choses que la commissaire a dite lorsqu'elle a comparu devant le comité, c'est que toutes les communications orales, planifiées ou non, peu importe qui en a pris l'initiative, devraient être déclarées. Pour l'instant, si je ne me trompe pas, il n'est question que de communications orales et organisées. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
    D'emblée, je dirais qu'il faut définir clairement les communications dont il est question, sans quoi on va se heurter à des problèmes. S'agit-il d'une communication enregistrable ou non? Je pense qu'il faudrait apporter quelques précisions là-dessus.
    Par exemple, si je vous demande de l'information, ce n'est pas enregistrable. Tous les citoyens ont le droit de demander de l'information au gouvernement, et ce, gratuitement et sans être visés par cette loi.
    Je pense que le comité devrait déterminer ce qu'il veut accomplir exactement et le dire clairement. Ces questions s'éclairciront ensuite d'elles-mêmes.
    À l'heure actuelle, je pense que cela va créer un énorme chaos, parce que les gens ne sauront pas. Le modèle général qui semble être efficace — et vous vous trouvez de l'autre côté de la clôture —, c'est que les groupes viendront ici à Ottawa et organiseront des réunions avec les députés; évidemment, ces communications seront déclarées. Toutefois, il y a souvent des cocktails ou des réceptions qui accompagnent ces rencontres et auxquels participent des citoyens. Cela devra désormais faire l'objet d'un enregistrement. Par conséquent, je serais prudent à cet égard. À moins que vous ayez un mécanisme qui permet à tout le monde de comprendre clairement les règles et ce qui est enregistrable et ce qui ne l'est pas, on va se retrouver avec beaucoup d'activités non enregistrables ou on va noyer le système d'informations qui ne nous mèneront nulle part.
    À votre avis, est-il possible de définir cela suffisamment pour contourner les problèmes?
    Je pense que oui, mais là encore, est-ce réellement utile? L'information nous permettra-t-elle de réaliser les objectifs de transparence de la loi?
    Je ne voudrais surtout pas minimiser les travaux du comité; je suis conscient que vous essayez d'établir un juste équilibre entre des droits fondamentaux et des responsabilités.
    L'une des questions sur lesquelles la commissaire a insisté à de nombreuses reprises, ce sont les sanctions ou plutôt son incapacité à imposer des sanctions pécuniaires. La commissaire doit renvoyer le dossier à la GRC puis suspendre son enquête. Et on ne prévoit aucune sanction pécuniaire.
    Pourriez-vous me dire ce que vous pensez des sanctions pécuniaires et si la commissaire devrait pouvoir en imposer ou non dans les dossiers qui lui sont confiés?
    Pourvu qu'on respecte une certaine démarche, je n'y vois pas d'inconvénient. Je vais toutefois vous dire quelque chose en toute sincérité: si un lobbyiste enregistré est nommé dans un rapport parce qu'il a enfreint les règles, je n'ose pas imaginer l'impact que cela aura sur son gagne-pain. C'est une sanction très sévère. Personne ne voudra embaucher quelqu'un qui a maille à partir avec la loi. Alors n'allez surtout pas penser que le fait d'être dénoncé dans un rapport n'est pas une sanction grave; ça l'est.
    Si la commissaire juge important d'avoir des sanctions supplémentaires à sa disposition, je n'ai aucun problème avec ça. La seule chose, c'est que lorsqu'on fait intervenir le Code criminel, dans certains cas, il pourrait être plus difficile de condamner une personne, en raison des normes très élevées du Code criminel. C'est donc paradoxal. Nous pensons avoir une loi rigoureuse, sous-tendue par le Code criminel, mais en fait, nous avons plutôt une loi inapplicable en raison de toutes les ambigüités que l'on y retrouve. C'est donc ce que l'on obtient au bout du compte.
    Je ne vois pas ce que les sanctions pécuniaires pourraient faire de plus. Qui va embaucher quelqu'un qui ne respecte pas les règles? Comment peuvent-ils ensuite donner des conseils à quelqu'un?
(1225)
    Il y a une chose qui m'a intéressée dans ce que vous avez dit. À l'heure actuelle, étant donné que seul le lobbyiste est tenu de s'enregistrer et pas l'autre partie, la commissaire doit presque se fier à des dénonciations anonymes lorsque des incidents sont portés à son attention.
    Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus? Voyez-vous une solution?
    Le problème, c'est que toute solution entraîne son lot de problèmes et de conséquences inattendues. Si, comme le prévoyait le projet de loi initial, les deux parties présentaient des déclarations mensuelles indépendantes — étant donné que c'est tout informatisé et que le système informatique est très efficace —, la commissaire au lobbying pourrait voir qu'il y a une anomalie si, par exemple, une personne du côté politique ou un lobbyiste a omis de déclarer quelque chose. Les déclarations ne concorderaient pas et on pourrait intervenir.
    À l'heure actuelle, le bureau d'enregistrement des lobbyistes reçoit des déclarations tous les mois. Il n'y a aucun moyen de savoir si cela reflète vraiment la réalité. Aucune anomalie n'est apparente à moins que quelqu'un le signale à la commissaire. Par exemple, il y a quelques mois, si je ne me trompe pas, une organisation a envoyé une lettre à des députés afin de les rencontrer pour discuter d'un dossier, et cette organisation n'était pas enregistrée. Quelqu'un a dû vérifier puis a déposé une plainte, et je crois que l'organisation s'est ensuite enregistrée. Toutefois, si c'est le processus pour mettre en application la loi, ce n'est pas très efficace.
    D'accord.
    Madame Davidson, votre temps est écoulé.
    Merci.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Boulerice. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Sauf erreur, c'est notre dernier tour de table, et je vais partager mon temps de parole avec mon collègue Pierre-Luc.
    Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, monsieur Jordan. Je vous remercie de cette présentation franchement très intéressante.
    J'ai une question par rapport à votre proposition de définition que je trouve extrêmement large. Selon moi, si l'on doit considérer comme des lobbyistes tous les gens qui communiquent avec un législateur ou un décideur public pour avoir de l'influence sur les politiques publiques, il y a potentiellement 83 000 lobbyistes dans Rosemont—La Petite-Patrie. En effet, c'est ce que font les gens chaque fois qu'ils nous rencontrent: ils essaient de nous influencer et de nous dire qu'on devrait aller dans une direction donnée, faire ceci ou dire cela. Ça englobe beaucoup de gens.
     Alors, si vous voulez qu'on élimine la notion des 20 p. 100, qu'on ne considère pas que les gens doivent être payés pour être des lobbyistes, et que quiconque communique avec nous pour nous influencer est un lobbyiste, cela va représenter un magma considérable de lobbyistes.

[Traduction]

    Si tout le monde est lobbyiste, personne ne l'est. Toutefois, si vous n'êtes pas un TCPD, ce n'est pas un problème.
    Si l'objectif est de rendre plus transparents les divers groupes qui influencent les décideurs, vous devez établir la limite. Est-ce que cela vise tout le monde ou non?
    Croyez-moi, je ne veux pas minimiser l'ampleur du défi que vous devez relever, mais je ne crois pas qu'il s'agisse ici de personnes, mais plutôt de groupes et d'associations. Ce sont des gens qui ont une certaine influence dans l'arène politique. Je rencontre ces gens dans les corridors, et je suis assujetti à des règles complètement différentes puisqu'on me paie pour faire ce travail. Leurs avantages sont plus indirects.
(1230)

[Français]

    Alors, selon vous, toutes les organisations charitables, toutes les églises, tous les professeurs d'université et tous les centres de recherche devraient avoir à s'inscrire comme lobbyistes.

[Traduction]

    Je pense qu'ils doivent être visés s'ils tentent d'influer l'issue des décisions. Ne serait-il pas logique de les inclure? Encore une fois, je n'ai pas la réponse à cette question. Mais ils sont là pour une raison. Ils ont évidemment un intérêt. Même si ce n'est pas directement financier, on ne peut pas minimiser l'impact qu'ils ont sur le processus. Si je suis visé, il serait logique que les autres le soient aussi.
    C'est réellement une question de degré quant à savoir ce qui est pratique et réalisable. Je pense que c'est ce que devra déterminer le comité.

[Français]

    Je vais passer la parole à mon collègue M. Pierre-Luc Dusseault, mais auparavant je désire souligner que vous êtes un bon lobbyiste.
    J'ai une brève question qui a pour objet de clarifier vos remarques introductives. Je ne suis pas sûr exactement de bien les avoir comprises.
    Vous avez dit que lorsque les lobbyistes font leur travail, ils ne sont pas tenus de dire pour quels clients ils travaillent. J'aimerais clarifier cette partie de vos propos. Les lobbyistes peuvent avoir plusieurs clients. Est-ce exact que, lorsqu'ils rencontrent le titulaire d'une charge publique, par exemple, ils ne sont pas tenus de divulguer pour quels clients ils travaillent?

[Traduction]

    Absolument pas. Si je vous ai donné cette impression, je m'en excuse. Ce n'est pas le cas du tout.
    Dans toutes mes déclarations de communication, j'énumère tous ceux que je représente. Cela ne pourrait pas être plus clair. Si vous consultez le registre des lobbyistes, vous pouvez voir pour qui travaille chaque lobbyiste et toutes les réunions auxquelles ils ont participé. Même si, au cours d'une même rencontre, j'ai deux ou trois clients qui partagent les mêmes intérêts, je vais produire des déclarations distinctes pour chacun d'entre eux. On indique très clairement les gens pour qui on travaille.

[Français]

    Effectivement, c'est assez clair. Je vais donc diriger mes questions dans une autre direction.
    Vous êtes un bon exemple. Vous avez agi comme secrétaire parlementaire dans le passé et vous avez, je l'espère, respecté la règle des cinq ans.
    Tout à l'heure, vous avez parlé des gens qui peuvent être très influents à la suite d'un seul appel téléphonique ou de quelques rencontres. Croyez-vous que les gens qui ont été titulaires d'une charge publique semblable ont encore, après cinq ans, une très grande influence? Est-ce que cinq ans, c'est approprié? Quelle est votre opinion à ce sujet?

[Traduction]

    Tout d'abord, je tiens à préciser que quand j'ai quitté la politique, c'était une interdiction d'un an seulement et non pas de cinq ans. C'est comme n'importe quoi: il y a probablement des gens qui auront de l'influence pour le restant de leurs jours, en raison de leur personnalité, alors que d'autres n'ont plus la moindre influence à la minute où ils quittent l'édifice. Par conséquent, qu'est-ce qui serait raisonnable? Cinq ans, ça me paraît très long, surtout lorsqu'il s'agit d'empêcher quelqu'un de faire quelque chose. Nous limitons le droit d'une personne de travailler. Nous devons nous pencher sérieusement sur cette question. Est-ce que deux ans, c'est mieux que cinq? Je l'ignore. Le problème, encore une fois, c'est que si vous revenez sur votre décision, vous vous exposez à la critique, étant donné que vous serez moins transparents que vous ne l'étiez. Ce n'est pas évident.
    Merci, monsieur Jordan.
    Nous amorçons maintenant la dernière série de questions et c'est M. Carmichael qui prend la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Jordan, pour votre témoignage.
    J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit dans votre déclaration à propos des conseils d'administration, parce que j'aimerais mieux comprendre. Lorsqu'il est question de défense d'intérêts, de relations gouvernementales et de lobbying, il y a aussi les conseils d'administration d'entreprise... Puisque vous enseignez à Rotman, vous connaissez certainement le programme de l'ICD...
    Je suis diplômé de cet institut.
    Moi aussi.
    Dans un programme comme celui-là, vous comprenez quelles sont vos responsabilités quand vous siégez à un conseil. Cela peut être une expérience terrifiante.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les membres de conseils d'administration d'entreprise qui travaillent avec des lobbyistes salariés? Ils viennent défendre leur produit ou faire autre chose. Je me demande donc si cela ne va pas susciter des frictions, en ce sens que nous devons mieux définir ou inclure ce secteur pour nous assurer que les conseils d'administration, qu'ils soient sans but lucratif ou à caractère caritatif soient tous visés. Nous devrions peut-être réfléchir davantage à cette question. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?
(1235)
    C'est une question dont il faut discuter. Je tiens à préciser que je ne parlais pas précisément des conseils d'administration d'entreprise. Je pense que les entreprises sont bien placées pour décider de la structure à utiliser en ce qui concerne leurs relations gouvernementales et, de toute évidence, leurs membres sont défrayés de leurs dépenses. Je parlais plutôt des associations et des organisations à but non lucratif. Si elles paient un cent de plus que les dépenses documentées et qu'elles s'attendent à ce que les membres du conseil défendent leurs intérêts, on se trouve dans une situation où elles doivent dire à leurs membres: « Non seulement vous devez faire du bénévolat, et nous ne couvrons pas toutes vos dépenses, selon toute vraisemblance, mais aussi, vous devez désormais vous enregistrer à titre de lobbyistes-conseils, ce qui peut entraîner des conséquences sur le plan fiscal, et si vous commettez une erreur, vous risquez la prison ».
    Je ne crois pas que ce soit utile quand nous essayons non seulement d'élargir la définition, mais aussi d'accroître le rendement de ces conseils d'administration. Pendant longtemps, particulièrement dans les conseils d'administration du secteur public, ces postes étaient perçus comme des privilèges, et on s'attend maintenant à ce que ces conseils fassent un travail. Si on veut que les gens travaillent, on doit les traiter en conséquence. Je crains ici qu'on diminue les chances de ces organisations d'avoir accès à des gens de qualité.
    Pour compliquer les choses, il y a des parlementaires qui siègent à des conseils d'administration d'entreprise; cela devient donc incestueux. Si une politique est discutée à une réunion d'un conseil d'administration et qu'un parlementaire y siège, comment expliquez-vous cela? Comment rendez-vous cela public? S'il s'agit d'une société cotée en bourse, comment présentez-vous un rapport de communication? Vous ne le faites pas.
    Il faut donc se pencher là-dessus.
    Une société cotée en bourse ou un organisme public.
    Tout à fait.
    Quand vous parlez des membres de conseils d'administration du secteur public, étant donné qu'on les défraie de leurs dépenses et qu'on les récompense pour les efforts qu'ils déploient, par exemple lorsqu'ils viennent à Ottawa, ne les considérez-vous pas automatiquement comme des lobbyistes?
    Ce n'est pas moi, mais plutôt la loi.
    C'est ce que je voulais savoir.
    Dès qu'ils sont rémunérés, et une partie de leur travail consiste à défendre des intérêts, la règle des 20 p. 100 ne s'applique pas, alors vous ne pouvez pas soutenir que ce n'est qu'une petite partie de ce qu'ils font. Si c'est ce qu'ils font et qu'ils sont payés, ne serait-ce qu'un sou, ils sont maintenant assujettis aux mêmes règles que moi et, en ce qui me concerne, c'est un travail à temps plein.
    Cela pourrait créer des frictions imprévues en cours de route.
    Vous soulevez une question intéressante. Toutefois, en visant le secteur caritatif à but non lucratif, vous mettez les bénévoles dans le même panier. La situation n'est-elle pas déjà assez difficile, compte tenu des contraintes de temps et de la lassitude des bénévoles — qui est un véritable problème dans le secteur caritatif —, sans que vous n'ajoutiez des risques et des responsabilités? Vous allez épuiser le bassin de bénévoles.
    D'un autre côté, supposons qu'on a un conseil bénévole qui est extrêmement efficace et bien placé pour influer les décisions politiques. Les membres n'ont pas besoin de s'enregistrer parce qu'ils ne sont pas rémunérés. C'est donc une anomalie qui doit au moins être examinée.
    C'est intéressant. Merci.
    Juste à temps. Merci, monsieur Carmichael.
    Monsieur Jordan, je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Nous allons faire une pause de deux minutes, après quoi nous poursuivrons nos travaux à huis clos. Je vous demanderais donc de quitter la salle.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU