Passer au contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bienvenue devant le Comité permanent des affaires étrangères. Nous entamons notre sixième réunion qui, conformément à l'ordre de renvoi 108.2, sera consacrée à faire le point sur la situation en Haïti.
    Je remercie tous les témoins d'avoir bien voulu comparaître devant le comité pour ce faire.
    Monsieur Allen, je vous invite à présenter vos collègues du ministère des Affaires étrangères avant de faire votre déclaration liminaire.
    Ensuite, madame Filiatrault, je vous demanderai de présenter également les membres de votre groupe. Je crois que vous aussi avez une déclaration liminaire à nous faire.
    Monsieur Allen, vous avez la parole.
    Bienvenue à nouveau devant le comité.
    Je suis accompagné de Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction. Les membres de ce groupe sont nos banquiers, si je puis dire, les gens qui nous donnent les fonds nécessaires pour rétablir les institutions et la règle de droit en Haïti. Il y a aussi le directeur du Groupe de travail sur Haïti, Denis Robert, qui a beaucoup d'expérience et qui est intervenu après le tremblement de terre. Il y a aussi Lise Filiatrault, de l'ACDI.
    Monsieur le président, je suis accompagnée de Leslie Norton, directrice générale de la Direction de l'assistance humanitaire internationale, et d'Isabelle Bérard, directrice générale du programme de Haïti à l'ACDi.
    Monsieur Allen, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président, membres du comité.
    Je suis heureux de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui d'un pays très important pour le Canada et l'hémisphère. En effet, le Canada oeuvre activement en Haïti depuis des décennies, mais contrairement à d'autres pays, nous n'y avons pas de passé colonisateur. Cet engagement, combiné aux liens culturels et linguistiques des deux pays, a mérité au Canada une relation toute spéciale avec Haïti, marquée par le respect, l'amitié et la compassion. Les Canadiens ont fait preuve d'une grande solidarité avec Haïti, non seulement au lendemain du séisme de janvier 2010, mais par leur soutien continu à ce pays, le plus pauvre de notre hémisphère, et l'un des plus pauvres au monde.
    Comme vous le savez, le Canada compte par ailleurs une importante diaspora haïtienne, qui contribue à la société non seulement de son pays d'accueil, mais aussi de son pays d'origine. L'engagement du Canada envers ce pays est un élément important de notre stratégie des Amériques, qui prône la gouvernance démocratique, la sécurité et la prospérité sur le continent. Enfin, Haïti est également une priorité des États-Unis et de plusieurs autres pays partenaires, tels que le Brésil, la France et les États de l'Union européenne.
    Aujourd'hui, j'expliquerai donc brièvement pourquoi Haïti est si prioritaire, je ferai le point sur la situation politique actuelle dans ce pays, et j'exposerai comment nous pouvons appuyer le gouvernement du président Martelly dans certaines réformes positives. Ce faisant, je présenterai les faits saillants de l'engagement continu du Canada en Haïti par l'entremise du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction du MAECI. Ma collègue, Lise Filiatrault, dressera le portrait des priorités et activités de reconstruction et de développement coordonnées par son agence.
    Je ne m'attarderai pas uniquement sur le tremblement de terre de 2010, car cette catastrophe n'a pas causé les problèmes persistants d'Haïti, mais les a plutôt exacerbés et mis en lumière.
    Le Canada est vivement conscient de la fragilité de la situation en Haïti et des antécédents d'instabilité politique dans ce pays. Cette précarité expose Haïti à la corruption, au crime organisé, au trafic des drogues et à la traite de personnes. D'ailleurs, l'instabilité et les activités criminelles qu'elle suscite ont déjà des répercussions au Canada et aux États-Unis, puisque Haïti est une plaque tournante du trafic des drogues entre l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord et l'Europe. Cette situation pourrait aussi entraîner dans son sillage les régions voisines, et particulièrement la République dominicaine, qui partage avec Haïti l'île d'Hispaniola, et où habitent plus de 10 000 Canadiens, sans compter les centaines de milliers de vacanciers qui s'y rendent chaque année; de fait, le Canada investit en République dominicaine plus de 3 milliards de dollars chaque année.
    La démocratie, la bonne gouvernance et les droits de la personne sont aussi des enjeux en Haïti. Le Canada s'est engagé à promouvoir ces valeurs non seulement dans le cadre de sa politique étrangère globale, mais aussi, plus spécifiquement, dans l'exécution de sa Stratégie pour les Amériques. Ce n'est pas d'hier que des problèmes existent sur ce plan en Haïti, mais il semble que nous sommes maintenant arrivés à la croisée des chemins. Nous avons peut-être la chance de nous attaquer à ces difficultés et d'avancer vers une société haïtienne où régnera la primauté du droit, où tous seront égaux devant la loi, où les droits de la personne seront protégés et où la prospérité et l'élargissement des débouchés reposeront sur l'accroissement du commerce et de l'investissement.
    Après plus de 25 ans d'aide internationale, pourquoi Haïti reste-t-elle pauvre et sous-développée? Il est largement admis maintenant dans la communauté internationale que c'est en partie parce que trop peu d'attention a été accordée à la réforme de la gouvernance politique et de la primauté du droit.
    Le Canada est d'avis que les causes sous-jacentes de la corruption, de la pauvreté et de l'instabilité doivent être combattues adéquatement, sans quoi les efforts internationaux de reconstruction et de développement ne pourront pleinement réussir. Oui, les initiatives de développement du Canada et de la communauté internationale ont donné certains résultats concrets en Haïti, et Lise vous en donnera un aperçu, mais nous croyons qu'il faut davantage travailler à solidifier la gouvernance et la primauté du droit, afin de renforcer les fondations de l'État d'Haïti et de soutenir son développement continu.
(0855)
    Le Canada n'est pas seul à faire cette analyse.
    Le président Martelly lui aussi fait de la primauté du droit une priorité de son gouvernement, avec l'éducation, l'environnement et l'économie, et le secrétaire-général de l'ONU, dans son dernier rapport sur Haïti, a abondé dans le même sens: la suprématie de la loi est essentielle à la stabilité, au développement et à la prospérité à long terme d'Haïti. Dans ce même rapport, l'ONU appelle le gouvernement d'Haïti et la communauté internationale à mettre au point un pacte de réforme durable de l'état de droit. Le Canada appuie fermement cette proposition, et collaborera à sa réalisation avec le gouvernement d'Haïti, l'ONU et les partenaires internationaux.
    Le Canada a déjà consacré des investissements importants dans le domaine de l'état de droit. Le GTSR du MAECI a ainsi investi environ 100 millions de dollars depuis 2006 dans les priorités canadiennes que sont la sécurité et la justice, et 18,7 millions de dollars cette année. De cette manière, le GTSR a renforcé les institutions haïtiennes, notamment la police et les services correctionnels et frontaliers. Pour ce faire, il a tout particulièrement construit et équipé des infrastructures essentielles à la sécurité, et fourni de la formation et du mentorat au haut personnel du secteur de la sécurité
    Le GTSR travaille aussi à élargir l'accès au système judiciaire et à en assurer le bon fonctionnement sur des fondements solides. Le Canada met aussi l'épaule à la roue de la mission de stabilisation de l'ONU, appelée la MINUSTAH. Malgré les critiques qu'elle a essuyées récemment, cette mission est essentielle à la stabilisation et à la reconstruction d'Haïti. Bien que nous ayons prôné une certaine réduction de ses forces jusqu'au niveau d'avant le séisme, le Canada croit que la MINUSTAH doit rester en place jusqu'à ce que son mandat soit rempli. Outre cinq officiers militaires, le Canada déploie actuellement en Haïti 138 agents de police et 11 agents correctionnels qui forment et encadrent leurs collègues haïtiens. Aucune autre mission actuelle de l'ONU n'est soutenue par un personnel canadien aussi important. C'est d'ailleurs un Canadien, le surintendant principal de la GRC, Marc Tardif, qui se trouve à la tête du personnel policier de la Mission. Le GTSR, avec la Sécurité publique et le MDN, est un partenaire clé de la Mission.
    Les élections présidentielles récentes, lors desquelles deux présidents élus démocratiquement mais appartenant à des partis opposés ont pour la première fois procédé à une transition du pouvoir, avaient été prometteuses, jusqu'à ce que les deux premiers candidats du président Martelly au poste de premier ministre soient rejetés par l'assemblée législative haïtienne. Mais il y a deux semaines, le troisième candidat du président, le Dr Gary Conille, a été confirmé. Dès le lendemain, le président Martelly a nommé le chef de la Cour suprême, un poste qui était vacant depuis sept ans. C'est un pas important vers la constitution d'un pouvoir judiciaire indépendant, que l'ONU et la communauté internationale, y compris le Canada, appelaient de leurs voeux depuis quelque temps.
    Finalement, à la fin de la semaine dernière, le parlement haïtien a approuvé le cabinet du premier ministre Conille et son programme politique. Ces faits récents témoignent de la volonté politique et des intentions positives du gouvernement d'Haïti, mais ils ne sont qu'un début. Nous croyons que d'autres réformes sont nécessaires, au chapitre notamment de la lutte contre l'impunité et la corruption, de la réforme des titres fonciers et du manque de confiance des investisseurs.
    En conclusion, j'aimerais rappeler que l'engagement du Canada en Haïti est conforme aux priorités de nos politiques intérieures et étrangères et qu'il reflète les intérêts des Canadiens eux-mêmes. Comme je l'ai mentionné, Haïti est également une priorité pour beaucoup de nos partenaires dans l'hémisphère, avec qui nous travaillons étroitement à titre de principaux donateurs et importants membres. À long terme, le Canada veut qu'Haïti réalise son potentiel de sécurité durable, de gouvernement démocratique et de prospérité, qu'elle offre à ses habitants emplois, espoir, paix et stabilité, qu'elle soit en mesure de se relever rapidement en cas de catastrophe naturelle, et qu'elle puisse générer des possibilités d'emploi et de l'espoir pour tous ses citoyens. Avec un soutien continu à long terme, cet objectif pourra être atteint en faisant fond sur la volonté politique de changement en Haïti et en se concentrant sur la règle de droit et la réforme de la gouvernance.
(0900)
    Après le séisme, le premier ministre Harper a déclaré que la communauté internationale devrait consacrer au moins 10 ans à la reconstruction et au développement d'Haïti. Le Canada reste déterminé à contribuer à cet effort.
    Je cède maintenant la parole à Lise Filiatrault, et répondrai ensuite avec plaisir à toutes vos questions.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Allen.

[Français]

    Allez-y, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureuse de faire le point aujourd'hui, devant les membres du comité, sur la contribution de l'Agence canadienne de développement international — l'ACDI — au travail du Canada en Haïti.
    Haïti est l'un des pays ciblés par l'ACDI et, au cours des deux dernières années, il a été le plus important bénéficiaire de l'aide de l'agence dans le monde entier. Il est également le plus grand bénéficiaire de l'aide au développement à long terme dans les Amériques.
    Les travaux de l'ACDI en Haïti, l'un des pays les moins avancés au monde, comportent de multiples volets. D'une part, l'ACDI répond aux besoins humanitaires immédiats et urgents. D'autre part, elle répond aux besoins en matière de développement à long terme, notamment en améliorant l'accès aux services de base en santé et en éducation, en appuyant le développement économique, en renforçant la capacité du gouvernement d'Haïti et en favorisant la sécurité et la stabilité.
    Afin de rendre plus durables ses travaux dans les États fragiles comme Haïti, l'ACDI fait en sorte que son aide humanitaire et ses efforts de développement à long terme soient complémentaires, ce qui génère des résultats qui se renforcent mutuellement.
    De plus, nous collaborons étroitement avec des partenaires du gouvernement du Canada pour accroître les capacités en Haïti, telles que celles liées au secteur de la sécurité, à la gestion frontalière et à l'administration des revenus du gouvernement.
    Les priorités thématiques de l'ACDI, notamment favoriser une croissance économique durable, assurer l'avenir des enfants et des jeunes et accroître la sécurité alimentaire, guident le travail de l'ACDI en Haïti.
    Lors du séisme survenu en janvier 2010, le Canada a été l'un des premiers pays à offrir une aide humanitaire aux Haïtiens. En tout, le Canada a décaissé 150,15 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires immédiats à la suite du séisme. En mars 2010, dans le cadre de la Conférence internationale des donateurs vers un nouvel avenir pour Haïti tenue à New York, le Canada a également promis de fournir 400 millions de dollars supplémentaires pour appuyer les priorités du gouvernement d'Haïti et son Plan d'action pour le relèvement et le développement national d'Haïti.
    L'aide s'inscrivant dans l'engagement de 400 millions de dollars sur deux ans est acheminée par l'entremise de plusieurs ministères fédéraux, y compris l'ACDI, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, la Gendarmerie royale du Canada et le ministère des Finances. Le Canada a déjà décaissé les deux tiers de cette somme et il est fermement résolu à verser le reste pour atteindre son objectif d'ici à mars 2012.
    À la suite du séisme, les Canadiens ont donné en tout 220 millions de dollars à des organismes de bienfaisance canadiens enregistrés, montant que l'ACDI a égalé au nom du gouvernement du Canada, par l'entremise du Fonds d'aide aux victimes du séisme en Haïti. Jusqu'à présent, 98 p. 100 de ces fonds ont été distribués.
    Au cours des derniers mois, l'ACDI a versé 8,5 millions de dollars en aide humanitaire additionnelle afin de s'attaquer à l'épidémie de choléra qui sévit en Haïti.

[Traduction]

    Des progrès concrets ont été réalisés en Haïti depuis le séisme. En effet, plus de la moitié des personnes déplacées à la suite de cette catastrophe ont quitté les camps et la moitié des débris ont été enlevés.
    Les projets que l'ACDI met en oeuvre dans ce pays aident à obtenir des résultats tangibles. Par exemple, 400 000 écoliers reçoivent un repas nutritif tous les jours; 330 000 femmes ont maintenant accès à des professionnels de la santé dûment formés lorsqu'elles accouchent; 390 000 Haïtiens ont maintenant accès au crédit et à des services financiers; plus de 40 000 enfants ont maintenant accès à des écoles remises en état ou reconstruites, reçoivent des fournitures scolaires et fréquentent l'école gratuitement; et plus de 80 000 familles sont maintenant moins touchées par l'insécurité alimentaire grâce à l'augmentation de la productivité et du revenu agricoles.
    Même si des progrès ont été réalisés, il reste beaucoup à faire. Nous surveillons les besoins humanitaires, qui demeurent importants, et, avec l'aide du MAECI, nous collaborons étroitement avec le nouveau gouvernement haïtien afin de veiller à ce que nos programmes soient alignés sur les nouvelles priorités de ce gouvernement et sur les besoins de ses citoyens.
    Le Canada est un membre proactif de la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, qui est la principale instance responsable de la coordination des efforts de reconstruction. Le Canada continuera de collaborer avec le gouvernement haïtien et ses partenaires canadiens et internationaux afin de veiller à ce que les efforts de reconstruction soient coordonnés, efficaces, transparents et gérés d'une façon responsable.
    Comme vous le savez, la ministre Oda s'est rendue en Haïti la semaine dernière pour y rencontrer le président Michel Martelly et le premier ministre Gary Conille. Elle a également profité de l'occasion pour voir certains des projets de l'ACDI qui y sont réalisés afin d'en évaluer les progrès et les résultats. La ministre Oda a réitéré l'engagement à long terme du gouvernement du Canada envers Haïti, et a discuté avec le président et le premier ministre des plans et des priorités de leur pays afin de veiller à ce que les efforts de reconstruction progressent et que Haïti soit sur la voie d'un développement durable à long terme.
    La ministre a visité trois projets de l'ACDI, à savoir un hôpital public, un abri temporaire ainsi qu'un projet d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Elle a également rencontré un certain nombre de partenaires canadiens qui mettent en oeuvre nos projets à Haïti afin de discuter en détail des résultats obtenus et des leçons retenues sur le terrain. Nous pouvons affirmer, après avoir suivi la situation de près, que les projets menés par le Canada contribuent à améliorer la vie des Haïtiens et des Haïtiennes.
    Merci beaucoup.
    Mes collègues et moi-même serions heureux de répondre à vos questions.
(0905)
    Merci.
    Je pense que nous aurons probablement assez de temps pour deux tours de questions.
    Commençons avec Mme Laverdière.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous, notamment à mes anciens collègues, pour ces exposés extrêmement intéressants.
    Je pense que je vais passer au français.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation. Merci aussi d'avoir précisé qu'il fallait être en Haïti à long terme. Je me souviens que, lorsque je travaillais sur ces dossiers, on avait mentionné une période d'une dizaine d'années. Même les experts, à cette époque, parlaient souvent d'au moins 20 ans ou d'une génération. Il nous semble que ça vaut la peine de faire cet investissement sur une génération plutôt que d'avoir des problèmes récurrents qui surgissent tous les 10 ou 20 ans.
    Cela dit, je vous ai écoutés avec intérêt parler de ce que le Canada fait dans le domaine du régime de droit — ce qu'on appelle la rule of law. J'ai entendu beaucoup de commentaires, dont un que j'approuve entièrement disant qu'un régime de droit est essentiel pour bien établir la sécurité dans un pays.
    En ce qui concerne les activités que le Canada entreprend dans ce domaine, j'ai surtout entendu parler de forces de sécurité, de questions de frontières, de police, de forces correctionnelles. Toutefois, il faudrait qu'on aborde les thèmes fondamentaux habituels de la rule of law, ou du régime de droit, comme les droits de la personne, la constitution d'institutions qui fonctionnent bien, notamment dans le domaine juridique, les questions d'impunité et de lutte contre la corruption.
    J'aimerais savoir un peu plus ce que le Canada fait dans ces domaines.
    Merci. Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Je donnerai la parole à Marie Gervais-Vidricaire qui ajoutera quelques précisions.
    Tout d'abord, nous avons eu tendance à nous concentrer sur l'établissement d'institutions afin d'essayer d'assurer que la police, les services correctionnels et les services frontaliers aient l'infrastructure, la formation et le mentorat nécessaires pour pouvoir s'acquitter des fonctions essentielles que vous avez mentionnées, madame Laverdière, et qui sont les droits humains, l'impunité et la lutte contre la corruption.
    Nous faisons évidemment aussi certaines choses pour dispenser des services juridiques aux personnes ayant souffert du séisme. En termes de formation policière, cela englobe les droits humains. Tels sont les éléments clés.
    Il nous faut créer une base à partir de laquelle tout découlera. Nous répondons, à de nombreux égards, aux besoins fondamentaux du gouvernement haïtien en essayant de bâtir ces institutions.
    Comme vous, nous estimons absolument que les droits humains, l'impunité et la corruption sont des questions auxquelles il faut s'attaquer. Nous voulons pouvoir le faire, tout comme nos partenaires internationaux.
(0910)

[Français]

    Tout à l'heure, on a dit que depuis 2006, par l'entremise de notre programme qu'on appelle le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction, le Canada a dépensé presque 100 millions de dollars. De ce montant, environ 65 millions de dollars ont été dépensés pour des projets reliés au renforcement et à la formation de la police, à la construction des infrastructures, aux réparations, etc. C'est une chose.
    Deuxièmement, je mentionnerais comme exemple, en réponse à la question qui vient d'être posée, qu'on a un nouveau projet en ce moment, à hauteur de 1 million de dollars, qui passe par l'entremise de ce qu'on appelle ONU Femmes. Ce projet vise à améliorer l'efficacité de la police haïtienne lorsqu'elle doit faire face à des situations de violence contre les femmes et les enfants, de façon à ce qu'elle soit mieux préparée, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes qui ont été déplacées après le tremblement de terre.
    Il y a donc des projets vraiment différents, mais certains visent à améliorer la situation des droits de la personne, en particulier la situation des femmes.
    De la part de l'ACDI, permettez-moi de compléter un peu la description des activités qui sont menées par le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction.
    Évidemment, nous avons des outils qui nous permettent d'appuyer les agences centrales du gouvernement, c'est-à-dire le ministère des Finances, le ministère de la Planification et de la Coopération Externe et le Secrétariat général de la Primature, c'est-à-dire le ministère du premier ministre. À travers des outils tels que le PAT et le PARGEP, nous offrons un appui technique pour la planification et les questions relatives aux finances, et pour aider les gens dans ces ministères à mieux mettre en oeuvre certaines lois et à mieux gérer les institutions.
    Cela complète un peu la liste des activités qui sont menées par le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    On a beaucoup parlé des partenaires, dont les Nations Unies et l'OEA qui, je crois, est encore active en Haïti, des partenaires importants comme les États-Unis et des partenaires hémisphériques comme le Brésil et le Chili.
    Pourriez-vous nous expliquer un peu comment on travaille en coordination, comment les actions canadiennes sont coordonnées avec ces importants partenaires?

[Traduction]

    Merci.
    Oui, comme vous l'avez dit, nous collaborons étroitement avec l'ONU et l'OEA. L'OEA a contribué aux services d'observation lors des dernières élections. L'ONU, évidemment, est l'organisation de tutelle de la MINUSTAH. Le Brésil, l'un de nos partenaires dans l'hémisphère, est le pays qui contribue le plus à la MINUSTAH et qui la dirige pour nous. Nous avions le chef d'état-major du chef de la MINUSTAH.
    Nous oeuvrons formellement et informellement avec nos amis. Il y a un Groupe des amis d'Haïti. Nous téléphonons régulièrement à nos homologues américains, européens, brésiliens et espagnols, soit en période de crise lorsque nous essayons d'assurer que les résultats électoraux seront représentatifs de ce que souhaitaient les électeurs, soit simplement pour essayer de coordonner nos efforts d'établissement de la règle de droit et des institutions. Donc, à la fois à l'ONU sur le terrain — notre ambassadeur en Haïti, Henri Paul Normandin, rencontre régulièrement ses collègues — et informellement au téléphone, nous agissons.
    Je crois qu'il est tout à fait vrai que nous sommes tous sur la même longueur d'onde à ce sujet. Nous réalisons tous que Haïti a besoin de développement, mais nous estimons tous qu'il faut d'abord régler les problèmes fondamentaux pour pouvoir s'attaquer ensuite aux questions cruciales que vous avez mentionnées. Ce que nous essayons de faire, c'est d'éviter qu'il y ait trop de chevauchement et de veiller à combler les trous là où c'est nécessaire. Nous travaillons aussi avec la Commission de reconstruction de Haïti à cet égard. Il s'agit donc d'un travail d'équipe et nous agissons tous dans le même sens.
(0915)
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont nous disposons. Nous essaierons d'y revenir plus tard.
    Je passe maintenant à Mme Brown.
    Merci, monsieur le président. J'espère que nous pourrons revenir sur ces questions.
    Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je pense que nous avons une discussion que les Canadiens ont tous hâte d'entendre. Merci de vos exposés.
    Dans la même veine, monsieur Allen, le souvenir des incidents catastrophiques est parfois tellement présent dans nos esprits que nous songeons automatiquement au séisme de 2010 mais oublions que le Canada est présent en Haïti depuis pas mal de temps. Pourriez-vous me dire quel était le statut de ce développement avant le séisme? Même s'il y a beaucoup de reconstruction à faire, avons-nous été en mesure de reprendre le travail là où il s'était arrêté et de bâtir sur ce que nous avions déjà fait?
    Comme l'ACDI doit travailler en tandem avec ce qui se passe là-bas, bien sûr, et qu'il est tellement important de partir sur des bases saines, je me demande si l'ACDI pourrait nous en dire un peu plus sur ce qui se passe, notamment pour nos initiatives de santé enfantine et maternelle. Je crois comprendre que nous avons un nouvel hôpital. On a parlé de 330 000 femmes environ qui ont maintenant accès à des agents médicaux formés lorsqu'elles accouchent. De quoi tout cela a-t-il l'air?
    En ce qui concerne l'établissement des institutions, il y avait beaucoup de travail à faire même avant le séisme. Sur un plan positif, la situation macro-économique en Haïti était en réalité très bonne avant le séisme. C'était l'un des aspects les plus positifs. La banque nationale haïtienne et le ministère des Finances étaient raisonnablement bien gérés. Le FMI et la BID étaient très satisfaits et les gens travaillaient bien ensemble.
    Malheureusement, comme vous le savez, le séisme a détruit une bonne partie de la fonction publique. Cela a fait considérablement reculer Haïti car, maintenant, alors que nous commençons à ramasser les morceaux et à reprendre le travail, il n'y a pas beaucoup de professionnels chevronnés avec qui nous pourrions travailler sur une base quotidienne. Cela devra évidemment faire partie du rétablissement des institutions car il ne faudra pas seulement reconstruire les immeubles — vous avez sans doute vu les photos du Palais national qui est encore aujourd'hui une ruine — mais reconstruire aussi une bureaucratie en miettes qui a été si terriblement détruite.
    Comme vous l'avez dit, nous ramassons les morceaux. Nous recommençons à travailler sur divers fronts, autant l'ACDI que nous-mêmes, et ce n'est pas facile. Il y a eu des problèmes énormes de maisons en ruine dont on commence à s'occuper maintenant. La moitié des gravats a été nettoyée mais il y a encore beaucoup à faire. La reconstruction est lente mais elle a commencé. Les gens commencent à sortir des camps.
    On a déjà fait beaucoup de travail mais il y a encore beaucoup à faire, et les choses commencent à s'accélérer. Comme nous avons maintenant un vrai gouvernement, un vrai cabinet avec des ministres et un vrai plan de travail, nous voulons collaborer avec ce gouvernement pour aller de l'avant.
    Merci de votre question.
    Permettez-moi d'ajouter qu'avant le séisme, comme vous l'avez dit, nous faisions des progrès en Haïti. L'aide étrangère et l'investissement avaient produit des gains et nous commencions à enregistrer une croissance économique qui avait atteint en moyenne 2,3 p. 100 par an entre 2005 et 2009. Évidemment, comme l'a dit M. Allen, le séisme nous a fait beaucoup reculer et nous a fait perdre de nombreuses années de travail.
    Cela dit, notre présence dans le pays et notre relation solide avec les institutions locales nous ont permis de réagir rapidement. Il y a eu en fait une continuité entre ce que nous faisions auparavant — notre longue présence sur le terrain et notre aptitude à réagir rapidement — et ce que nous pouvons faire maintenant, non seulement pour répondre à certains des besoins les plus pressants qui continuent d'exister mais aussi pour agir en vue d'une durabilité à plus long terme.
    Notre démarche consiste donc à la fois à fournir des services pour répondre aux besoins les plus pressants et à développer des capacités locales en fournissant une assistance technique, comme nous l'avons dit en réponse à la question précédente, pour assurer le développement durable à long terme du pays.
    Si vous me le permettez, je vais demander à ma collègue Isabelle de vous parler du volet de votre question concernant la santé maternelle et infantile.
(0920)
    En réponse à votre question sur la santé maternelle et infantile, je tiens à souligner que le Canada a été l'un des plus gros donateurs dans le secteur de la santé. Avant le séisme, nous étions le deuxième à ce chapitre et, après le séisme, nous le sommes encore.
    Évidemment, après le séisme, nous nous sommes occupés du dossier MNCH, c'est-à-dire de la santé maternelle, des nouveaux-nés et des enfants, et nous avons prêté assistance à un certain nombre de cliniques en aidant les femmes à accoucher dans un environnement sécuritaire. Nous oeuvrons actuellement à la reconstruction de l'école des sages-femmes qui a été détruite par le séisme.
    La semaine dernière, comme l'a dit Lise, la ministre Oda a visité l'hôpital Isaie Gentil. Cette clinique, qui bénéficie de l'appui du Canada, a enregistré au cours des derniers mois un triplement du nombre de femmes ayant recours à ses services. Il y a quelques mois, 150 femmes y accouchaient; aujourd'hui, c'est 450 qui peuvent y accoucher en toute sécurité. Donc, le soutien du Canada fait une énorme différence dans ce domaine, d'autant plus que Haïti connaissait l'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés de l'hémisphère.
    Merci.
    Je voudrais simplement faire une remarque. Je vous ai entendu tous les deux dire que nous avions établi de solides relations avec la population de Haïti, avec les organisations de Haïti, avant le séisme, et que nous avons pu les reprendre après pour continuer à construire. Je pense que c'est là une bonne nouvelle pour les Canadiens, et qu'il importe de leur faire savoir que nous sommes engagés là-bas à long terme, depuis pas mal de temps, et que nous y faisons du bon travail.
    Merci.
    Merci.
    Merci, madame Brown.
    Monsieur Eyking, c'est un plaisir de vous revoir.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités de leur présence devant le comité.
    Comme vous le savez, la situation est devenue très difficile en Haïti à cause du séisme. Je veux bien admettre, comme le dit Mme Brown, que nous faisons de bonnes choses là-bas, mais tout n'y va pas pour le mieux. Même si je suis un député de l'opposition, je ne suis pas ici pour causer de la zizanie mais je me dois de signaler que certains observateurs estiment que nous ne faisons pas notre travail là-bas.
    J'ai lu tout récemment un article de Postmedia News dans lequel on citait des groupes internationaux affirmant que nous ne faisons pas un bon travail là-bas, spécialement, puisque c'est un secteur auquel vous avait fait allusion, en ce qui concerne la création d'une solide force de police professionnelle. Or, sans un corps policier très professionnel, les choses redeviendront vite ce qu'elles étaient et risquent même d'empirer.
    J'ai ici un article, et c'est peut-être ce à quoi on a fait allusion aujourd'hui, dans lequel on mentionne l'annonce d'un projet d'académie policière nationale, en 2008, avec un engagement de cinq ans du gouvernement canadien. Comme c'était il y a quatre ans, il y a encore une année à courir. Or, voici ce que je peux y lire:
l'académie doit accueillir environ 300 étudiants de 25 à 45 ans, dont 70 p. 100 d'hommes et 30 p. 100 de femmes. Il y aura une vingtaine d'édifices [avec divers] équipements de sport et d'entraînement.
    Puis, plus loin:
le International Crisis Group, un centre d'étude renommé pour ses analyses approfondies des pays fragiles, a produit un rapport soulignant le besoin d'une force de police haïtienne solide et professionnelle. Ses auteurs ont également souligné le manque de progrès au sujet de l'académie de police nationale financée par le Canada.
    Et voici la conclusion, qui résume tout:
Trois ans après que le Canada ait promis 18 millions de dollars pour construire une académie de police nationale en Haïti, pas une seule brique n'a encore été posée.
    C'est vraiment mauvais. Je ne voudrais pas accabler le gouvernement, mais c'est un fanatique de l'ordre public, et chacun sait qu'il est très efficace dans la réalisation de projets, notamment dans des collectivités telles que Muskoka. Je sais bien que les choses ne sont pas faciles en Haïti mais, si aucune brique n'a encore été posée au bout de quatre ans, c'est que les choses ne vont vraiment pas bien. Cela ne risque-t-il pas de causer de graves problèmes à ce pays pour assurer l'ordre public avec une police professionnelle?
(0925)
    Merci beaucoup de votre question.
    Permettez-moi d'abord de vous assurer que nous sommes résolus à construire cette académie policière. Il est vrai que le projet a été lancé en 2008. La demande de propositions a été lancée en 2009. Évidemment, avec le tremblement de terre, nous avons dû interrompre le processus. Ensuite…
    Veuillez m'excuser, mais le projet existait avant le tremblement de terre. On avait donc dû certainement lancer le processus de passation des contrats pour tout mettre en route, non?
    Absolument. Le travail avait commencé avant le tremblement de terre, mais il y a eu ensuite cet événement. Il a eu une conférence des soumissionnaires pendant le tremblement de terre et certains d'entre eux se trouvaient à Port-au-Prince lorsque celui-ci s'est produit. Nous avons donc dû faire une pause avant de relancer le processus. Malheureusement, après la relance du processus, les soumissionnaires ne satisfaisaient pas à certaines exigences des règles contractuelles réglementaires du gouvernement du Canada et il a donc fallu tout reprendre à zéro.
    Permettez-moi de demander une précision. Ces soumissionnaires étaient des gens du pays, n'est-ce pas?
    Non, c'étaient...
    Une entreprise internationale. D'accord.
    Ils étaient internationaux, c'est exact, mais leur conférence se tenait à Haïti.
    Comme je l'ai dit, les soumissionnaires ne satisfaisaient pas aux exigences et il a donc fallu relancer le processus. Nous sommes cependant tout à fait déterminés à construire cette académie policière et nous espérons que la construction pourra commencer au printemps de 2012.
    Vous allez commencer à construire en 2012?
    Oui, au printemps de 2012.
    Ce qui fera donc plus de quatre ans et demi de retard.
    Il y a eu un tremblement de terre entre-temps.
    Certes, il y a eu un tremblement de terre mais, selon moi, cela ne fait que rendre le projet plus urgent. La collectivité locale est en plein désordre. Il y a des bandits dans la nature, nous l'avons vu, et on pourrait donc penser que ce projet est encore plus urgent auparavant.
    J'ai déjà construit des immeubles. On n'a pas à se protéger contre le gel, là-bas. Ce sont des constructions en parpaings. Il y a beaucoup de gens qui cherchent du travail. Autrement dit, il s'agit non seulement d'une bonne infrastructure à mettre en place mais aussi d'un excellent projet pour donner du travail à beaucoup de jeunes hommes et femmes qui n'en ont pas. Or, nous n'avons pas réussi à mettre tout ça en route rapidement. Est-ce parce qu'on n'a pas réussi à déblayer les gravats du site envisagé?
    Le site a été déblayé et nous nous occupons actuellement de l'appel de propositions. Le projet a été relancé et nous attendons des propositions de soumissionnaires.
    Vous attendez encore?
    Nous avons lancé le processus et nous sommes en plein milieu de ce processus.
    À mon avis, le fait que vous attendiez encore des soumissionnaires est un signe d'échec.
    Nous devons suivre les règles.
    Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Si l'un d'entre vous voulait construire sa maison et qu'il devait encore attendre des soumissionnaires au bout de cinq ans, je pense que ce serait en soi une preuve d'échec. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. Pourquoi devrait-on attendre quatre ans et demi pour trouver des soumissionnaires? S'il n'y avait pas eu de tremblement de terre, est-ce que cela aurait pris aussi longtemps?
    Non, bien sûr que non. Nous avions cette conférence des soumissionnaires à Port-au-Prince pour avoir une conversation avec les soumissionnaires eux-mêmes mais, à cause du tremblement de terre, nous avons dû interrompre le processus.
    Vous avez aussi fait allusion à d'autres projets. Apparemment, vous dites qu'ils avancent comme il faut. Y a-t-il une raison quelconque pour laquelle ceux-là avancent plus rapidement?
    Les différents…
    Je me demande d'où vient la directive, celle indiquant quels sont les projets les plus prioritaires. Vient-elle d'en haut? Des Affaires étrangères?
    Différents projets ont des exigences différentes, évidemment. Selon la nature de ce qu'il y a à faire et des règles pertinentes, certains projets peuvent démarrer plus rapidement que d'autres.
    Évidemment, lorsqu'il s'agit de besoins humanitaires, nous avons des mécanismes pour réagir rapidement. Par contre, lorsqu'il y a de la construction à faire, nous sommes tenus de suivre un certain nombre de règles et de processus pour nous assurer non seulement que nous faisons la bonne chose, mais aussi que nous la faisons bien, de façon à respecter les procédures de diligence raisonnable et de redevabilité, parce que nous voulons nous assurer que les choses sont faites conformément aux critères d'optimisation des ressources et de redevabilité.
(0930)
    Une autre brève question, si vous me le permettez.
    Que ce projet soit un échec ou non, quelle est la situation sur le terrain? Si nous avons encore, comme on le dit dans cet article, la même force de police qu'auparavant, qui ne valait certainement pas tripette, que se passe-t-il là-bas avec cette police non professionnelle et, peut-être, ce groupe de va-nu-pieds qui sillonne dans le pays? Cela cause-t-il un problème avec vos propres agents d'aide et avec le maintien de l'ordre public de manière générale?
    Je tiens à faire une distinction entre la construction d'un immeuble, qui est une chose, dans les circonstances, avec des propositions qui étaient faites, un tremblement de terre, l'obligation de reprendre le processus et de suivre les règles, et les activités de mentorat et de formation auxquelles nous participons avec la Police nationale haïtienne, qui ont continué. Pour cela, nous n'avions pas besoin… Cette construction sera importante, ce sera un élément clé pour lui permettre d'aller de l'avant puisqu'elle a besoin de l'infrastructure. Elle a besoin de locaux adéquats pour faire son travail.
    Toutefois, nos activités avec la Police nationale haïtienne ne se sont pas arrêtées. Elles ont continué. Nous avons pu continuer. Nous essayons de bâtir cette force. Nous sélectionnons des agents de police. Nous assurons toute une gamme de services de formation et de mentorat et nous continuerons de le faire. Nous considérons que c'est essentiel mais nous respectons aussi les difficultés auxquelles les gens sont confrontés partout en Haïti.
    Cette académie de la police n'est pas la seule difficulté que les gens ont rencontrée. Comme je l'ai dit, il y a eu des problèmes de gravats à déblayer, des problèmes de locaux à trouver pour abriter les gens… Cela a été un problème massif, et pas seulement en… Haïti. On le rencontre partout dans le monde lorsqu'il y a une catastrophe de ce genre. Je sympathise donc avec mes collègues de…
    Je vais devoir vous interrompre ici. Je ne sais pas si nous reviendrons là-dessus au tour suivant. Nous verrons bien.
    Monsieur Dechert, vous allez entamer le deuxième tour et vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, de comparaître aujourd'hui devant le comité, et du bon travail que vous et vos collègues faites en Haïti pour aider une population qui a désespérément besoin de notre aide. Je crois vraiment que les Canadiens vous doivent beaucoup pour ce que vous faites là-bas.
    Je commence avec monsieur Allen. Vous avez parlé de la réforme de la propriété foncière. J'étais déjà un peu au courant. J'ai entendu dire qu'il y a des problèmes avec le régime de propriété foncière en Haïti et que cela entrave dans une certaine mesure les secours, la possibilité de reconstruire des immeubles, notamment de remplacer les logements que le séisme a mis en ruine. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la nature du problème et sur ce qu'on pourrait faire pour le résoudre?
    Merci, monsieur Dechert.
    C'est l'un des maillons fondamentaux qui manquent en Haïti. Denis Robert peut vous en parler car il a travaillé avec le gouvernement du Québec, avec la France et avec d'autres, et avec le gouvernement haïtien.
    En ce qui concerne la nature du problème, c'est qu'il entrave non seulement le déblaiement des gravats mais aussi la reconstruction. Chaque fois qu'on veut déblayer pour construire un immeuble ou une maison, on bute sur un problème de revendications multiples de la propriété. Il n'existe pas dans le pays de régime efficace de la propriété foncière, ni d'appareil judiciaire capable de trancher entre les revendications contradictoires.
    Ce n'est d'ailleurs pas seulement un problème sur le plan humanitaire. Quand nous étions récemment en Haïti pour rencontrer des gens d'affaires, il est devenu évident que nous ne pourrions pas attirer de nouveaux investisseurs dans le pays si les gens souhaitant y construire une usine, par exemple, ne peuvent avoir l'assurance (a) que le terrain sur lequel ils souhaitent construire est vraiment disponible et (b) que sa propriété ne sera pas contestée dans un mois ou dans un an.
    C'est un problème fondamental.
    Pourriez-vous apporter des précisions, Denis?
    Je pense, monsieur Allen, que vous avez dit l'essentiel. C'est un problème qui remonte loin dans l'histoire. Il est vrai qu'il n'y a pas de cadastre en Haïti, ce qui cause une certaine anarchie, si je puis dire. Si vous voulez acheter un terrain, vous vous retrouvez avec deux ou trois propriétaires ayant des papiers et prétendant tous que ce sont les bons papiers. Comme on l'a dit, l'appareil judiciaire ne joue pas vraiment le rôle d'arbitre en la matière et ça devient donc un problème politique.
    On espère que le nouveau gouvernement… Le président Martelly a dit que le cadastre est l'une de ses priorités. C'est fondamental, non seulement pour attirer des investissements mais aussi pour l'agriculture, pour la propriété. Nous avons du mal à sélectionner des gens parce que personne ne sait où les mettre puisqu'il n'y a pas de terrain pour ce faire. C'est un vrai problème. Je le répète, le président Martelly en a parlé. Nous espérons… et nous allons l'aider.
    Nous avons déjà certains projets, comme on l'a mentionné. Ces projets sont relativement petits. Ce que nous voulons éviter, c'est d'avoir toute une mosaïque de projets, que les Français en aient un, que la Banque interaméricaine de développement en ait un autre, et que l'OEA en propose un troisième. Avoir ce genre de mosaïque reviendrait à refaire l'erreur du passé.
    Nous essayons de travailler avec ceux qui sont concernés car il y a de la place pour tout le monde, mais il faut que ce soit bien coordonné pour que les activités s'intègrent bien et qu'elles soient cohérentes en bout de ligne.
    Ce qui compte, c'est qu'il y ait un gouvernement en Haïti — il y en a un depuis la semaine dernière — et que nous puissions commencer à travailler avec lui car, comme dans beaucoup d'autres domaines, nous ne pouvons pas agir sans lui. Notre rôle est de l'aider à cerner le problème et de chercher une solution avec lui.
(0935)
    Merci. C'est très bien.
    Je suis heureux d'entendre dire que le gouvernement haïtien est déterminé à…
    Un rappel au règlement. Le témoin pourrait-il nous expliquer ce que veut dire le mot anglais « cadater »?
    C'est un cadastre. Je ne connais pas l'équivalent anglais
    En anglais, c'est « land registry ».
    Pour conclure, je suis heureux que le gouvernement haïtien s'attaque à ce problème.
    Y a-t-il une similitude entre le système de cadastre existant au Québec et le système haïtien, ce qui permettrait à des juristes du Canada d'aider Haïti à résoudre le problème?
    Oui, absolument.
    Très bien.
    J'ai une dernière question pour Mme Filiatrault, monsieur le président.
    Madame Filiatrault, vous avez parlé dans votre déclaration liminaire de l'épidémie de choléra. Pouvez-vous nous dire où en est la situation à l'heure actuelle, quelles sont les causes et ce que fait le Canada à ce sujet?
    Merci. Leslie Norton, notre DG pour l'aide humanitaire, peut répondre à cette question.
    J'ajoute d'abord très rapidement, au sujet de votre dernière question, que l'absence de cadastre était déjà un problème très grave avant le séisme, et qu'il l'est encore plus aujourd'hui puisque tellement d'édifices du gouvernement se sont effondrés. La communauté de l'humanitaire examine tout un éventail de solutions communautaires à ce sujet, en collaborant étroitement avec les locaux.
    En ce qui concerne l'épidémie de choléra, l'ACDI a fourni jusqu'à présent 8,5 millions de dollars pour y faire face. Notre réponse a débuté en octobre dernier, au point culminant de l'épidémie. Vous savez certainement qu'il y a eu un autre pic en mai-juin et qu'on parle actuellement d'un troisième, qui semble se manifester en ce moment.
    Outre les 8,7 millions de dollars, nous avons appuyé le déploiement d'un centre de traitement du choléra de la Croix-Rouge canadienne à Port-au-Prince, qui a traité 1 500 personnes en tout. Il est actuellement exploité par la Croix-Rouge haïtienne avec l'appui de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et des sociétés du Croissant-Rouge. L'ACDI a aussi appuyé l'affectation de neuf experts canadiens pour renforcer les opérations de l'Organisation panaméricaine de la santé, de l'Unicef et du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies, le BCAH.
    L'un des principaux résultats de cet appui de l'ACDI est que nos partenaires ont traité plus de 240 000 patients qui avaient été hospitalisés pour le choléra. Le résultat probablement le plus important est que le taux de mortalité est tombé de 9 p. 100 à 1,4 p. 100. Plus de 40 000 enfants ont reçu des trousses d'hygiène.
    L'OPS a mis en place un système de surveillance et d'alerte qui permet aux organisations humanitaires d'intervenir très rapidement en cas de nouvelle poussée de l'épidémie. On suit la situation de très près. Nos partenaires sont là et continuent de surveiller attentivement l'épidémie.
    En vue de la prochaine ronde d'appels humanitaires, nous continuerons à nous concentrer sur l'eau, l'assainissement et l'hygiène pour tenter de prévenir d'autres poussées de la maladie.…
(0940)
    Merci beaucoup.
    Nous allons conclure cette partie de la séance avec une députée de l'opposition, Mme Sims.
    Je vous remercie de vos informations. Ce sujet est tout nouveau pour moi et j'espère pouvoir rencontrer certains membres de votre personnel pour avoir d'autres précisions. J'en sais maintenant un peu plus.
    Comme vous le savez, certaines préoccupations ont été exprimées dans la presse quant à la vitesse à laquelle nous faisons parvenir notre aide dans les régions qui en ont besoin, notamment en Haïti. Je sais qu'il y a eu un séisme entre-temps…
    Je voudrais revenir à la question qu'on a posée tout à l'heure au sujet de l'école de la police. Si j'ai bien compris les réponses, nous étions en train d'obtenir des propositions et nous avions fait une sélection parmi les gens qui avaient fait des propositions. Ils participaient à une conférence au moment du tremblement de terre. Nous savons que certaines choses doivent être mises de côté quand il y a un tremblement de terre et c'est pourquoi il y a maintenant un nouvel appel d'offres.
    A-t-on repris contact avec les mêmes soumissionnaires et relancé le processus là où il s'était arrêté, afin d'avancer rapidement, ou a-t-on été obligé de tout reprendre à zéro?
    Merci beaucoup.
    Vous avez bien décrit la séquence des événements. La conférence de Port-au-Prince était destinée à informer les soumissionnaires, avant qu'ils présentent leur offre finale, mais le processus n'a jamais abouti. Après le séisme, nous avons fait une pause puis avons relancé le processus. Tous ceux qui avaient eu l'intention de participer au processus avant le séisme ont été invités à refaire une offre.
    Quand nous avons tenu la conférence avec les soumissionnaires, plusieurs d'entre eux s'étaient présentés mais nous n'avons jamais achevé le processus. Nous ne pouvons pas savoir si tous ceux qui étaient présents à ce moment-là auraient fait une offre ou non et nous avons donc dû tout reprendre à zéro. On n'avait pas encore fait de sélection préliminaire.
    Donc, on en était encore à la première étape où l'on invitait les soumissionnaires à une réunion. Aujourd'hui, on en est encore à la même étape. On a lancé un appel d'offres.
     Ont-ils déjà été invités à une réunion ou cela se fera-t-il plus tard?
    Les deux soumissionnaires ne satisfaisaient pas à l'exigence et nous avons donc dû recommencer.
    En ce qui concerne ces exigences, et je vous prie d'excuser mon ignorance en la matière, de quoi s'agit-il? S'agit-il des normes de construction canadiennes et de tout ce qui va avec ou plutôt d'exigences négociées avec le gouvernement haïtien?
    Ce sont des exigences canadiennes, mais plutôt... contractuelles. Elles ne sont pas nécessairement reliées au code de la construction. Ça, c'est l'étape suivante, une fois que l'entrepreneur a été sélectionné.
    Donc, le critère technique pour lequel ils ont été rejetés ne concernait pas le code de la construction mais plutôt certaines des exigences que nous avions mises en place.
    C'est cela.
    Avons-nous revu ces exigences pour nous assurer qu'elles sont raisonnables et ne constituent pas un obstacle, c'est-à-dire qu'elles nous amènent là où nous voulons aller sans imposer de barrières inutiles aux entrepreneurs? Ce gouvernement adore éliminer beaucoup de règles pour ouvrir les processus et rationaliser les choses.
    Ce dont je parle, ce sont les règles contractuelles du Conseil du Trésor et, à cette étape, il s'agit de voir si les soumissionnaires les respectent.
    Je suis vraiment ravie d'apprendre que nous poursuivons notre effort de développement des capacités de police interne car la sécurité devient très importante. Veillons-nous cependant à ce que cette formation englobe la sensibilité aux différences sexuelles, notamment à la violence faite aux femmes et à l'exploitation sexuelle des femmes? Nous savons que les femmes sont souvent les victimes lorsqu'il y a des troubles, et qu'il n'est pas exceptionnel qu'elles fassent l'objet d'abus.
    Que faisons-nous donc pour nous assurer que ce genre de pratique exemplaire soit intégré à la formation que nous dispensons?
(0945)
    Cela fait absolument partie de la formation. Je parlais tout à l'heure d'un projet de soutien des services de sécurité concernant le problème de la violence sexuelle en Haïti. Nous faisons cela avec ONU Femmes. Il y a une contribution de 1 million de dollars à cette fin. De manière plus générale, cependant, nous savons que c'est un vrai problème et cela fait partie de nos préoccupations quand nous dispensons de la formation.
    Merci beaucoup.
    Nous allons en rester là afin d'entamer la session suivante.
    Je tiens à remercier M. Allen d'être venu devant le comité avec son équipe du MAECI.
    Madame Filiatrault, merci également à vous et aux membres de votre équipe.
    Nous faisons une pause de cinq minutes pour permettre aux témoins suivants de s'installer.
(0945)

(0950)
    Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons maintenant trois autres témoins, et il nous reste un peu plus de 55 minutes.
    Bienvenue à Kevin McCort, de CARE Canada, dont il est président et chef de la direction, ainsi que membre de la Coalition humanitaire.
    Bienvenue aussi à Conrad Sauvé, secrétaire-général et chef de la direction de la Croix-Rouge canadienne. Il est accompagné de Pam Aung Thin, qui a déjà comparu devant le comité avec la Croix-Rouge canadienne.
    Bienvenue enfin à Stephanie Kleschnitzki, d'Unicef Canada, où elle est directrice des Rapports et contributions concernant Haïti.
    Je commence avec vous, monsieur McCort, pour votre déclaration liminaire. Nous allons entendre toutes les déclarations liminaires et j'espère que nous aurons assez de temps pour quelques questions.
    Vous avez la parole, monsieur McCort.

[Français]

    Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Kevin McCort. Je suis président et chef de la direction de CARE Canada, mais je représente aussi la coalition humanitaire. Mon opinion et mes commentaires sont les miens.

[Traduction]

    CARE Canada est présent en Haïti depuis plus de 50 ans. Nous oeuvrons auprès des familles, des collectivités et des autorités locales dans les départements d'Artibonite, du Nord-Ouest, du Sud et de Grand' Anse, pour appuyer le développement durable et améliorer la qualité de vie.
    Nous investissons dans des programmes de sécurité économique et alimentaire destinés aux femmes et aux jeunes, d'adduction d'eau et d'assainissement, d'enseignement élémentaire, de santé sexuelle et génésique, de gouvernance inclusive et responsable, et d'établissement de collectivités résistant mieux aux catastrophes.
    Notre programme actuel en Haïti représente environ 18 millions de dollars par an, financés mondialement, avec environ 500 employés dont 94 p. 100 sont haïtiens.
    Mon premier séjour en Haïti remonte au milieu des années 1990, et mon dernier, à la semaine dernière.
    Comme vous l'avez dit, je représente aussi la Coalition humanitaire, qui a été créée en 2005 et réunit CARE, Oxfam Canada, Oxfam-Québec, Aide à l'enfance Canada et Plan Canada.
    Nous coordonnons notre collecte de fonds au Canada en lançant un seul appel plutôt que plusieurs appels concurrents. Cela procède de notre souci d'assurer qu'une plus grande proportion des dons est consacrée aux programmes plutôt qu'à l'administration.
    Sur le terrain, les membres de la Coalition humanitaire assurent la mise en oeuvre de nos propres programmes, mais nous faisons aussi partie de mécanismes de coordination dans le pays et avons récemment achevé une évaluation conjointe de nos programmes en collaboration avec le Disasters Emergency Committee, qui est le mécanisme d'appel conjoint du Royaume-Uni.
    Je ne consacrerai pas beaucoup de temps aux causes profondes de la pauvreté en Haïti car je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler. Je veux plutôt mentionner que l'exclusion sociale est un problème grave, que la mauvaise gouvernance à tous les paliers est un défi, et que le manque d'accès à l'enseignement et de possibilités d'obtenir un gagne-pain stable contribuent à la vulnérabilité chronique de Haïti. CARE a pour objectif en Haïti d'influencer et d'appuyer les institutions et initiatives locales plutôt que de lancer ses propres programmes.
    Un très bref commentaire s'impose toutefois sur le caractère chronique de la pauvreté en Haïti. Comme le disait Paul Farmer, ce qui est catastrophique en Haïti, c'est que c'est l'équivalent d'une épidémie aiguë frappant un patient souffrant de vulnérabilité chronique. Ces deux adjectifs, aiguë et chronique, résument parfaitement bien ce qui est arrivé en Haïti avec ce terrible séisme frappant un pays très vulnérable.
    Après le séisme, CARE s'est retrouvée avec un programme qui était essentiellement rural, c'est-à-dire sans présence notable dans la région du séisme. Nous avons cependant pu faire appel à notre personnel du monde entier et de toutes les régions de Haïti pour appuyer les collectivités de Leogane, Carrefour, Pétionville et d'autres parties de Port-au-Prince pour donner accès à de l'eau potable et à des services d'hygiène, à des logements décents et à des constructions plus solides.
    Depuis l'arrivée du choléra, en octobre 2010, CARE est particulièrement active dans les régions rurales pour diffuser des messages de prévention, améliorer l'approvisionnement en eau et appuyer les services médicaux avec des fournitures essentielles.
    Voici quelques chiffres utiles. Nous avons construit près de 2 500 abris provisoires, dont 97 p. 100 sont occupés parce que nous avons passé beaucoup de temps à consulter les collectivités pour veiller à ce qu'il n'y ait aucun conflit en matière de propriété. Notre service d'eau, d'assainissement et d'hygiène a fourni plus de 1 000 latrines aux occupants des zones d'hébergement spontané. Nos activités de prévention du choléra et d'éducation ont atteint plus de 1,7 million de personnes, et nous fournissons de l'eau à 500 000 personnes par jour dans certains quartiers de Port-au-Prince. Nous avons employé plus de 12 000 personnes dans des activités rémunérées en liquide, essentiellement à Bassin Bleu, pour nettoyer des rigoles de drainage et faciliter le rétablissement des canaux d'irrigation Nous avons distribué près de 20 000 trousses scolaires aux élèves des zones touchées par le séisme, et 20 000 trousses de sport aux jeunes vivant dans les hébergements spontanés. Notre équipe médicale mène des activités d'éducation sur la santé sexuelle et génésique, a distribué près d'un quart de million de préservatifs récemment, et a commencé la construction de 10 centres de santé communautaires pour dispenser des services de santé sexuelle et génésique.
    Ces efforts font partie d'une action coordonnée. Une évaluation récente nous a montré qu'au-delà des résultats concrets, nous avons contribué de manière importante au rétablissement de la dignité des survivants du séisme et à l'instauration de conditions permettant de recommencer à nous attaquer aux problèmes chroniques sous-jacents.
    Ce que j'ai vu en Haïti la semaine dernière, c'est que les routes sont déblayées, les camps sont plus petits, l'activité économique est évidente, et la sécurité s'est améliorée, bien que la violence sexuelle reste un problème dans les camps de personnes déplacées. Autrement dit, nous avons fait des progrès face aux aspects les plus aigus de la crise, mais les problèmes sous-jacents et chroniques demeurent.
    Je vais vous donner deux exemples du genre de travail que nous devrions faire, à notre avis, pour nous attaquer à ces problèmes chroniques sous-jacents. Le premier consiste à continuer de créer des abris, notamment dans la région de Port-au-Prince. Il reste encore 600 000 personnes dans les camps, mais il y en avait auparavant 1,3 million. Les gens qui restent dans les camps sont les plus pauvres des pauvres. Avant le séisme, ils étaient souvent locataires et ce sont les gens les plus difficiles à réinstaller dans leurs logements.
(0955)
    Là où nous avons construit des maisons, c'est en réalité pour les personnes qui pourraient avancer certaines preuves qu'elles en étaient les propriétaires ou les occupants auparavant. Ces quartiers ne peuvent pas encore ré-absorber ces 600 000 personnes, et nous croyons donc qu'il y a encore beaucoup à faire dans ces quartiers.
    Nous lançons actuellement un programme pour travailler avec 5 000 familles de Carrefour Sud-Ouest pour améliorer l'hébergement et l'infrastructure et réaliser des projets générateurs de revenus, afin d'instaurer les conditions qui permettront de ramener certaines de ces 600 000 personnes dans leurs collectivités.
    Nous allons lancer un programme de rénovation de logements. Je suis sûr que vous avez entendu parler du système rouge, jaune et vert pour évaluer les dégâts causés aux maisons. Les maisons jaunes sont celles dans lesquelles les habitants retournent spontanément. Ils ont besoin de beaucoup d'aide pour se réinstaller et notre objectif est de rendre leurs maisons plus sécuritaires.
    Nous espérons que cela répondra à la réalité de Haïti. Les gens retournent dans ces maisons, même s'ils ne devraient pas nécessairement le faire. Leur dispenser une assistance technique, ainsi qu'aux constructeurs et aux utilisateurs d'unités de construction mobiles, permettra de répondre à cette faiblesse.
    Nous sommes également déterminés à travailler en dehors de Port-au-Prince pour aider les collectivités rurales ou périurbaines en instaurant des conditions permettant aux gens de s'y installer pour avoir accès à de meilleures opportunités économiques, et aussi pour endiguer l'afflux de nouveaux arrivants à Port-au-Prince, qui reste une ville désespérément surpeuplée et compliquée.
    Il y a en Haïti beaucoup d'exemples de travail d'épargne et de prêt, de développement agricole et de chaînes de valeur, de gestion du bassin hydrologique, et de programmes de santé maternelle, des nouveau-nés et des enfants, qui sont efficaces dans un contexte comme celui de Haïti.
    En guise de conclusion, je voudrais vous communiquer trois messages. Premièrement, je tiens à féliciter le gouvernement du Canada de son engagement envers Haïti. C'est un engagement substantiel qui remonte à longtemps. La ministre Oda s'est rendue six fois dans le pays au cours des cinq dernières années. Des ressources substantielles ont été fournies par le gouvernement et par des donateurs privés. Le programme de fonds de contrepartie, appuyé par le gouvernement du Canada, montre aux Canadiens que le gouvernement appuie leur générosité privée.
    J'encourage certainement le gouvernement à maintenir son action, à éviter toute velléité de déclarer victoire pendant la phase critique, puisque la phase chronique reste bien présente.
    Deuxièmement, on a beaucoup entendu parler d'une « république des ONG » en Haïti, c'est-à-dire du fait qu'il y aurait trop d'ONG et pas assez de gouvernement. On doit cependant se garder d'interpréter cela comme un appel à la réduction du nombre d'ONG mais plutôt comme un appel au renforcement du gouvernement, à l'accroissement des capacités de gouvernance à tous les paliers, municipal, provincial et national.
    Je rappelle simplement qu'au Canada, notre secteur de la société civile représente plus de 2 millions d'emplois, 7 p. 100 du PIB et 12 millions de bénévoles. L'existence d'un solide secteur non gouvernemental est l'un des facteurs de succès du Canada. Ce que nous voudrions donc voir en Haïti, ce n'est pas moins d'ONG mais plus de capacité de gouvernance.
    Un programme d'investissement équilibré… Pour l'avenir, le Canada doit garder en tête que Haïti, c'est plus que Port-au-Prince. Le reste du pays a aussi grandement besoin d'assistance.
    Merci beaucoup de votre attention. J'en reste là.
(1000)
    Merci, monsieur McCort.
    Je dois maintenant la parole à Conrad Sauvé, de la Croix-Rouge canadienne.
    Merci, monsieur le président, membres du comité, et collègues de CARE et d'Unicef. Merci de nous donner cette possibilité d'expliquer les efforts déployés en Haïti et le rôle de la Croix-Rouge.

[Français]

    Il est inutile de rappeler le cours des événements qui nous ont amenés ici aujourd'hui. Nous sommes tous au fait de la destruction et de la dévastation causées par le tremblement de terre qui a frappé Haïti, il y a plus de 20 mois.
    Nous sommes ici pour parler des progrès réalisés et des défis rencontrés dans l'aide à la reconstruction d'Haïti pour la population haïtienne. Nous avons connu de nombreux succès, mais le portrait de la situation sur le terrain et plusieurs reportages dans les médias sur le sujet démontrent que beaucoup de travail reste à accomplir.
    La Croix-Rouge canadienne a participé à tous les aspects des opérations de secours en Haïti. Nous avons été présents sur les lieux peu de temps après le séisme et nous avons joué un rôle important dès les premiers stades de l'urgence. Grâce au généreux soutien financier de l'ACDI, nous avons déployé un hôpital de campagne d'urgence afin de lutter contre l'épidémie de choléra qui s'est déclarée l'année dernière, en décembre.

[Traduction]

    Grâce à la générosité et à l'appui du gouvernement fédéral, par le truchement de l'ACDI, nous participons à l'aspect développement du rétablissement de Haïti depuis le début. Nous avons été un leader dans le domaine de l'hébergement, des systèmes de santé du pays et de la préparation aux crises.
    Il y a toujours trois phases cruciales dans une crise: les secours immédiats, le rétablissement, et le développement à long terme.
    Je pense que nous avons déjà rencontré certains membres de ce comité et ils se souviennent peut-être que la phase d'urgence en Haïti a été beaucoup plus longue que dans d'autres situations. En ce qui concerne la Croix-Rouge, il y a eu 14 400 tonnes d'aide, 1 million d'articles de secours, et 2,5 millions de litres distribués à plus de 300 000 personnes quotidiennement. Il y a eu des soins médicaux dispensés à 216 000 personnes, et 100 camps abritant 172 000 personnes.
    Après la phase d'urgence, nous nous sommes attaqués à la phase de rétablissement, ce qui a compris l'achèvement de plus de 18 000 abris résistant aux séismes. Il y a eu aussi des solutions d'hébergement, comme la réparation de logements et l'octroi de subventions pour la location ou la réparation de logements.
    Finalement, nous abordons maintenant la planification à long terme pour consolider les efforts déployés jusqu'à maintenant. Cela comprend une initiative de soins de santé que je décrirai dans un instant.
    L'un des principaux objectifs de nos efforts durant la phase de rétablissement a consisté à créer un hébergement sûr dans les collectivités, ce qui englobe un approvisionnement en eau adéquat, des systèmes sanitaires adéquats et, si possible, l'accès à des soins de santé communautaires.
    Le mouvement international de la Croix-Rouge fournira des abris à 30 000 familles au moyen de projets comprenant la réparation de logements endommagés, la reconstruction d'abris, et la construction d'abris pouvant résister à d'autres catastrophes. La contribution du Canada à cette initiative consistera à fournir 15 000 solutions d'hébergement grâce à la générosité de donateurs privés et au programme de contrepartie du gouvernement fédéral.
    La Croix-Rouge canadienne construira environ la moitié de ces abris, ce qui donnera un toit à 7 500 familles, dans des collectivités comme Leogane, l'une des plus durement touchées par le séisme, où plus de 90 p. 100 des constructions ont été détruites. Nous sommes fiers de pouvoir dire que les deux tiers du projet sont achevés. Les autres abris seront achevés d'ici la fin de mars 2012. Je parle ici d'abris pouvant résister à des ouragans de catégorie 3. Ce sont en réalité de petites maisons qui dureront plus de 10 ans et qui, dans bien des cas, offriront à de nombreux Haïtiens un milieu de vie meilleur que celui qu'ils avaient avant le tremblement de terre.
(1005)

[Français]

    Dans des conditions optimales, la construction d'un abri peut se faire en quelques jours seulement. Tout ce travail peut être accompli grâce à la participation et au soutien de la population locale dans la construction. Sur le terrain, sous la supervision de la Croix-Rouge canadienne, ce sont en majorité des Haïtiens qui viennent en aide à des Haïtiens.

[Traduction]

    Certains de nos projets à long terme en Haïti comprennent une initiative de 25 millions de dollars pour renforcer un système de santé fragile. Nous avons signé une entente avec le ministère de la Santé haïtien et trois organisations canadiennes dispensant des programmes de santé maternelle et néonatale. Ce programme de cinq ans permettra de reconstruire et de consolider le système de soins de santé pour les groupes les plus vulnérables du sud-est du pays. Nous participons en outre à la reconstruction de l'hôpital principal de Jacmel, en mettant l'accent sur les services de maternité et de soins aux enfants.
    Nous avons entamé un programme de santé communautaire qui comprend la diffusion de messages fondamentaux sur la santé pour apprendre aux gens comment prévenir les épidémies. Cette initiative concerne aussi la formation, l'éducation publique, la prévention et le renforcement des capacités de prestation de services de santé de la Croix-Rouge haïtienne.
    Ces initiatives de longue durée résultent évidemment des carences du système de santé, qui sont devenues particulièrement évidentes durant la phase d'urgence du séisme, lorsque la Croix-Rouge a traité 216 000 patients.
    Haïti a été confronté à une autre situation d'urgence à cette époque l'an dernier. On vous a parlé tout à l'heure de l'épidémie de choléra. Le système de santé du pays n'était pas capable de faire face à cette nouvelle crise, et la Croix-Rouge canadienne a donc déployé pour la première fois un hôpital de campagne pour faire face à l'épidémie mortelle de choléra. L'hôpital, créé en partenariat avec le gouvernement canadien, a permis de soigner plus de 1 600 personnes et a été remis à la Croix-Rouge haïtienne en mars pour lui donner les moyens et les connaissances nécessaires en cas de nouvelle crise. Nous sommes fiers de pouvoir dire que cet hôpital est complètement géré par la Croix-Rouge haïtienne et continue de soigner des patients.
    Nous faisons donc des progrès, mais il y a encore beaucoup de défis à relever, et ils ne le seront ni facilement ni rapidement. Certes, beaucoup des problèmes existaient avant le séisme. L'une des choses qui ne changeront pas sera la présence de la Croix-Rouge. Nous agissons depuis longtemps en Haïti dans des domaines qui vont bien au-delà des phases initiales d'urgence et de rétablissement.
    Bon nombre des questions de reconstruction ont déjà été abordées devant votre comité. Je veux parler du manque de place pour déblayer les gravats, ainsi que des défis logistiques tels que la faiblesse de l'infrastructure et de la chaîne d'approvisionnement.
    À mesure que des logements sont construits, le besoin de main-d'oeuvre diminue, ce qui est une préoccupation au moment où nous achevons certains projets de construction. Dans les quartiers les plus pauvres, les emplois sont peu nombreux et, lorsqu'ils disparaissent, même s'ils étaient temporaires, cela crée des tensions et des problèmes d'insécurité.
    La situation humanitaire reste précaire en Haïti. Il y a encore plus de 600 000 personnes dans des camps qui n'ont pas suffisamment accès à un abri, à de l'eau potable et à des services d'hygiène. La reconstruction, même si elle progresse, prendra encore un certain temps. Il est donc essentiel que personne n'oublie le caractère pressant de la situation. Nous sommes encore loin de pouvoir relâcher nos efforts.
    En collaboration avec les gouvernements qui nous appuient, nous continuerons à agir, même face à la complexité de la situation et à d'éventuelles critiques. Nous sommes déterminés à maintenir le cap avec nos partenaires haïtiens, la Croix-Rouge haïtienne, et à continuer d'investir dans les collectivités.
    En conclusion, j'aimerais ajouter que la Croix-Rouge collabore étroitement avec des gouvernements et d'autres acteurs humanitaires dans le monde entier, ainsi qu'avec le mouvement international de la Croix-Rouge, pour maximiser son impact. Ensemble, nous avons fait des investissements importants au Canada et ailleurs dans le monde.
    Outre l'hôpital de campagne, nous avons des fournitures de secours qui sont prêtes à être expédiées en cas de crise. Nous avons formé du personnel et des bénévoles qui sont tout à fait prêts à faire face aux catastrophes les plus complexes. Assurer la disponibilité de ces ressources exige un investissement quotidien et nous sommes reconnaissants de l'appui que nous recevons au Canada.
    L'expérience unique que nous avons acquise dans de nombreux pays fait de nous un partenaire précieux du gouvernement du Canada pour l'élaboration de politiques touchant la prestation de secours humanitaires d'urgence, le rétablissement des collectivités et le développement à long terme. En ce qui concerne le thème d'aujourd'hui, comme vous avez sans doute pu vous en rendre compte pendant ma déclaration, nous bénéficions d'une large base de connaissances et d'expertise, et répondrons avec plaisir à toutes vos questions.
    Merci, monsieur le président.
(1010)
    Merci, monsieur Sauvé.
    C'est maintenant au tour de Mme Kleschnitzki, d'Unicef Canada.
    Merci beaucoup.
    J'arrive directement de Port-au-Prince où j'ai été envoyée par l'Unicef une dizaine de jours après le tremblement de terre.
    C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous, non seulement parce que je représente l'Unicef, mais aussi parce que je suis canadienne. C'est la première fois que je m'adresse à un comité comme le vôtre et je n'ai pas préparé de texte. Je vais plutôt m'inspirer de mes notes, qui sont au demeurant exactes et sincères.
    Je veux vous parler un peu des secours dispensés après le séisme et de la manière dont nous nous repositionnons en Haïti, non seulement pour le rétablissement, mais aussi pour un changement historique concernant les enfants.
    Je voudrais aussi parler brièvement de la réaction au choléra et de ce qu'elle nous apprend sur les besoins réels de Haïti.
    Permettez-moi tout d'abord de féliciter le gouvernement canadien qui a été le premier donateur du secteur public à libérer des fonds après l'appel au secours, notamment en réponse à l'appel de l'Unicef en 2010.
    L'ACDI est devenue le donateur primaire, ou premier, de notre programme, et le troisième plus gros bailleur de fonds globalement. Plus de 14,2 millions de dollars ont été fournis pour les efforts de rétablissement, et l'Unicef a consacré cette somme importante à l'éducation, à la nutrition, à l'eau et à l'hygiène.
    Les Canadiens eux-mêmes ont également été très généreux et ont fait preuve de solidarité avec les enfants de Haïti en fournissant une autre somme de 14 millions de dollars depuis un an et demi. Ce n'est donc pas seulement le gouvernement qui a fait preuve de solidarité avec Haïti, mais aussi la société civile.
    Je dois dire que la rapidité avec laquelle la première promesse a été confirmée, puis l'argent transféré, et la souplesse de l'octroi nous ont permis de répondre aux besoins urgents et changeants sur le terrain. Merci donc à nouveau de cette aide soutenue et adéquate provenant d'un bon donateur humanitaire.
    Je suis sûre qu'on vous a déjà parlé des grandes victoires obtenues en 2010. Il y a d'abord eu la réaction immédiate pour sauver des vies avec le travail de l'Unicef dans ce qu'on appelle le WASH Cluster, c'est-à-dire la trilogie eau, assainissement, hygiène. En qualité de coordonnateur dans ce domaine, nous avons pu travailler avec des partenaires pour étendre une activité de transport d'eau en urgence qui a permis de fournir de l'eau potable à plus de 1,2 million de personnes immédiatement après le séisme. L'assistance financière de l'Unicef, ainsi que de l'ACDI, a permis de répondre aux besoins de 680 000 personnes environ. Quelque 11 300 latrines ont été construites pour répondre aux besoins d'urgence immédiatement après le séisme.
    En même temps, la situation de la nutrition s'est stabilisée. La malnutrition est souvent un problème touchant les enfants, qui sont les plus vulnérables en cas de crise. Plus de 11 200 enfants ont été traités grâce à un réseau de 159 programmes de traitement différents et de 28 centres de stabilisation pour les enfants souffrant de complications causées par la malnutrition. L'Unicef a aidé ses partenaires avec une assistance financière et avec des fournitures.
    Nous avions aussi plus de 107 tentes et abris adaptés aux enfants et qui constituent en réalité une intervention préventive pour aider les mères à apprendre à nourrir correctement leurs bébés et leurs enfants et à leur donner le sein. C'est là un exemple positif et innovateur d'intervention de prévention en plein milieu d'une action d'urgence destinée à sauver des vies.
    La protection des enfants a beaucoup retenu l'attention des médias et d'intervenants de l'étranger. L'Unicef a collaboré avec diverses organisations communautaires pour créer des espaces adaptés aux besoins des enfants dans les camps d'hébergement. Plus de 445 espaces ont été établis en 2010, ce qui a permis de fournir un soutien récréatif et psychosocial à plus de 120 000 enfants. Il convient de souligner que la majorité de nos partenaires sont des partenaires nationaux. Ce sont des organisations de la société civile et des organisations religieuses qui continuent de dispenser ce genre de soutien même après que les personnes aient quitté les camps, parce qu'elles diffuseront ces services de protection dans leurs propres collectivités.
    Toujours au sujet de la protection des enfants, l'Unicef a collaboré étroitement avec Aide à l'enfance et avec divers autres partenaires pour implanter un système de dépistage et de réunification des familles. Durant les premiers jours, ce fut un système extrêmement efficace pour enregistrer les enfants. Par contre, retrouver les familles a été un peu plus difficile. Environ 40 p. 100 des enfants enregistrés étaient séparés de leurs familles avant le séisme, ce qui veut dire qu'il a été impossible dans certains cas de retracer celles-ci. Cela reste un problème très difficile, et j'y reviendrai dans un instant.
(1015)
    J'aimerais dire aussi que plus de 720 000 enfants ont reçu un soutien en 2010 pour retourner à l'école immédiatement après le séisme d'avril, ce qui est une énorme victoire qui a été obtenue en partenariat avec le ministère de l'Éducation. Plus de 1 600 tentes ont été distribuées sur environ 225 sites différents dans les zones touchées par le séisme, et on a aussi distribué des fournitures scolaires et des fournitures didactiques de façon à assurer la reprise des cours même si c'était sous des tentes. Il s'agit là de succès très importants, mais ils ne représentent qu'une fraction de ce qui a été accompli, en particulier avec le financement de l'ACDI.
    Comme mes collègues l'ont déjà dit, au moment même où se déployaient les secours d'urgence, on s'est efforcé de développer les capacités locales, notamment celles du gouvernement, responsable ultime de la protection des droits des enfants. En qualité de membre de la famille des Nations Unies, l'Unicef s'intéresse évidemment aux questions déjà mentionnées de règle de droit, de bonne gouvernance et de participation citoyenne. Dès le départ, l'Unicef s'est donc attachée à essayer de rétablir la capacité opérationnelle des ministères chargés de dispenser les services sociaux, et aussi la capacité technique.
    Je vais donner quelques exemples concrets pour mieux vous faire comprendre la situation sur le terrain. Dans un cas, pour le service de la nutrition, qui fait partie du ministère de la Santé publique, alors qu'on multipliait les centres chargés de l'alimentation thérapeutique et de traitement des cas graves de malnutrition, l'Unicef entreprenait de former un vaste groupe d'agents de la santé afin de leur permettre d'identifier les cas de malnutrition et de leur accorder plus d'importance dans la prestation des services de santé.
    Aujourd'hui, l'Unicef finance le ministère pour recruter six nutritionnistes au niveau central, et un groupe de 10 spécialistes de la nutrition, un pour chaque département de Haïti, dans le but de mettre en oeuvre des programmes d'amélioration de la surveillance de la malnutrition et de son traitement par le système de santé.
    En ce qui concerne la protection des enfants, nous nous sommes concentrés sur la prestation d'espaces adaptés à leurs besoins, mais aussi, en même temps, sur des choses telles que la réforme législative. Nos pressions nous ont fait gagner une victoire. En mars, le gouvernement a signé la Convention de La Haye sur les adoptions internationales, premier pas vers l'instauration d'un cadre de protection des enfants dans le pays.
    En même temps, l'Unicef a travaillé pour rehausser la capacité de réglementation du ministère des Affaires sociales en dressant une base de données des établissements de soins résidentiels, qui accueillent et hébergent des enfants séparés, et nous lui avons aussi appris à faire des évaluations et à entamer le processus d'accréditation et d'instauration de normes de traitement des enfants de ces centres. Il s'agit là d'une grande victoire, car elle concerne un pays dans lequel nous n'arrivions pas à identifier et à confirmer l'emplacement de ces services. Maintenant, ils ont été cartographiés, ils ont été évalués et ils sont sur la voie d'une meilleure gestion.
    J'aimerais aussi parler d'éducation, ce qui est très important. Sachez qu'il y a actuellement un mouvement sans précédent en faveur de l'éducation. Avec l'élection du président Martelly et la confirmation d'un premier ministre, nous bénéficions d'une occasion unique de tirer parti du mouvement en faveur de l'éducation. La rentrée scolaire vient de se faire et l'Unicef a appuyé les initiatives du président pour atteindre les enfants en dehors de l'école en distribuant des fournitures scolaires à environ 750 000 enfants du pays.
    L'Unicef concentrera aussi certains de ses efforts de construction sur les écoles, non seulement dans les secteurs touchés par le séisme, mais aussi dans certaines des 150 collectivités du pays qui n'ont accès à aucune infrastructure publique d'éducation.
    Vous avez peut-être entendu dire que l'Unicef a un très vaste programme de construction. Nous venons de terminer 160 écoles semi-permanentes, et 40 autres devraient être terminées à la fin de l'année. L'an prochain, nous nous concentrerons non seulement sur le rétablissement du pays, mais aussi sur l'équité pour veiller à ce que les enfants des régions les plus isolées et les plus vulnérables aient accès à un local d'apprentissage sûr.
(1020)
    Permettez-moi de mentionner brièvement l'épidémie de choléra. On a malheureusement enregistré quelque 450 000 cas, et il y a eu environ 6 300 décès. Les pourcentages ne sont pas les mêmes dans tout le pays et nous constatons actuellement l'éclosion de petites épidémies localisées.
    Cela nous indique que les besoins ne sont pas nécessairement situés dans les zones touchées par le séisme. Bien que les personnes les plus vulnérables soient toujours celles qui ont le plus de besoins, et que certaines se trouvent encore dans des camps, il y a des enfants qui n'ont accès à aucun service social dans les régions rurales les plus isolées. Les problèmes énormes qu'ils rencontrent pour avoir accès à de l'eau potable, à des services d'hygiène et à des soins de santé constituent un danger non seulement du point de vue de la protection de leurs droits individuels, mais aussi du point de vue de la stabilité et de la santé publique dans le pays. Voilà pourquoi nous sollicitons de l'appui pour la décentralisation des services sociaux et, d'un point de vue général, des services gouvernementaux dans la plupart des régions rurales.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Je vais essayer d'être strict sur l'horaire, car nous allons bientôt manquer de temps. J'aimerais avoir deux tours de questions, avec sept minutes pour le premier et cinq pour le second. S'il faut raccourcir le premier tour, nous le ferons afin d'en avoir deux.
    Madame Sims, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Toutes vos organisations jouent un rôle crucial, autant au Canada qu'à l'étranger, et sont des éléments critiques de la société civile et du rétablissement de la société civile dans des pays comme Haïti qui ont été touchés par une catastrophe. J'ai été particulièrement heureuse d'entendre Kevin dire que nous sommes parfois très bons lorsqu'il s'agit de réagir immédiatement à une catastrophe, mais qu'il reste souvent des problèmes chroniques. Il est donc important que nous restions là-bas jusqu'à ce que nous ayons stabilisé la situation et mis quelque chose en place pour le long terme.
    Mes questions portent sur la sécurité et la violence sexuelle. Toutes vos organisations sont sur le terrain. Donnez-nous donc les informations que vous détenez sur ce qui se passe dans les camps du point de vue de la violence sexuelle systémique, et dites-nous ce que vous faites à ce sujet.
    Je vais tout de suite vous poser d'autres questions et vous déciderez vous-même qui est le mieux placé pour y répondre.
    Comment nous assurons-nous que les femmes participent non seulement à la reconstruction, à l'éducation et au développement des capacités, mais aussi au développement économique? Nous savons que c'est crucial pour rétablir une certaine continuité et de la stabilité. Quelles mesures prend-on pour reconstruire le mouvement des femmes, car, durant ce genre de catastrophe, les femmes finissent souvent par être les personnes les plus victimisées.
    Que pouvons-nous faire, comme Canadiens, pour appuyer ce mouvement en faveur de l'éducation, car nous savons que c'est absolument fondamental pour rétablir la paix, la sécurité et la stabilité à long terme en Haïti?
    Je sais que je vous demande beaucoup de choses, mais vous pouvez peut-être répondre globalement.
(1025)
    Je vais commencer, si vous me le permettez.
    La question de la violence sexuelle dans les camps est particulièrement difficile, et on s'y attaque à plusieurs niveaux. Le premier est physique, en termes d'éclairage et d'emplacement des latrines. Il y a certaines choses que l'on sait qu'on peut faire pour réduire le risque d'agression. L'éclairage est crucial. Aménager les latrines dans des endroits qui sont… La combinaison est parfois difficile parce qu'on est limité par l'espace disponible, mais l'emplacement est important.
    Il y a aussi des systèmes qu'on peut instaurer dans le camp, comme des systèmes d'entraide. Au fond, il s'agit d'une surveillance de quartier. Des gens sont disponibles pour escorter les filles vers les toilettes, la nuit. Il y a des structures sociales qu'on peut bâtir.
    Le troisième niveau est celui des plaintes. Les gens doivent avoir des lieux sécuritaires pour dénoncer la violence faite aux femmes. Bien souvent, il s'agit de centres communautaires. Il s'agit aussi de veiller à ce qu'il y ait des femmes dans ces centres pour recueillir les plaintes.
    Ces trois éléments constituent le point de départ. Il y a des campagnes d'information continues sur l'ampleur de l'épidémie et les problèmes qu'elle cause. Ce n'est pas une question facile à aborder, mais il existe certaines techniques pour le faire.
    Très brièvement, au sujet du pouvoir économique des femmes, l'un des outils les plus efficaces, qui a été appuyé par l'ACDI dans de nombreux pays et par des donateurs privés, est un programme d'épargne et de prêt. Ces programmes ne sont pas spécialement réservés aux hommes ou femmes, mais c'est auprès des femmes qu'ils semblent être le plus efficaces. Ce sont des programmes d'épargne et de prêt de solidarité avec les pairs. La caractéristique la plus utile est qu'ils jouent le rôle d'assurance et d'étalement du revenu. Mais ils permettent aussi de prêter des petites quantités de capital aux entreprises. Ils apprennent aux gens à comprendre l'économie.
    Je laisse la parole aux autres qui veulent répondre.
    Merci.
    Je pense que vous avez absolument raison en ce qui concerne la prévention de la violence et des abus. La Croix-Rouge canadienne est en réalité un leader, dans le monde de la Croix-Rouge, en matière de formation et d'éducation sur la prévention de la violence et des abus. Cela fait partie intégrante de notre programmation en Haïti, par exemple dans le volet de l'éducation et dans les codes de conduite de tout notre personnel et de quiconque travaille pour nous.
    Nous collaborons très étroitement avec la Croix-Rouge haïtienne, qui est dirigée par une femme. Il y a une forte participation des femmes à la Croix-Rouge. Nous avons inclus des notions de spécificité sexuelle dans nos projets de logement, et nous fournissons aussi des titres aux femmes. Nous avons aussi commencé cela après le tsunami pour veiller à ce que les femmes aient vraiment la propriété de leurs logements.
    Finalement, au niveau du recrutement, nous veillons à recruter des femmes autant que des hommes, y compris dans nos projets de construction de logements.
    Merci de votre question.
    En ce qui concerne la violence sexuelle, l'Unicef envisage cette question à l'échelle de tout le pays. Nous ne nous intéressons pas seulement aux camps et à ceux de leurs occupants qui sont les plus vulnérables. Nous essayons également de ne pas parler de « personnes déplacées », car ces occupants sont représentatifs des plus vulnérables et pas nécessairement des personnes déplacées.
    Selon l'Unicef, la violence sexuelle est l'une des menaces auxquelles les femmes et les enfants des diverses collectivités sont exposés dans l'ensemble du pays. Nous essayons donc de l'envisager de manière holistique du point de vue de la protection. Nous essayons de former un groupe de travailleurs sociaux avec le MAST, le ministère des Affaires sociales et du Travail, et avec l'IBESR, l'Institut du bien-être social et de recherches. Nous en avons formé près de 200 et nous nous sommes assurés que les mécanismes d'aiguillage, de traitement et de résolution des problèmes sont intégrés à la formation.
    Nous avons aussi travaillé au niveau communautaire, en partenariat avec plus de 85 organisations nationales, pour essayer de déclencher la création de comités de protection de l'enfance, ce qui est un prolongement des espaces adaptés aux enfants. Ces comités auraient un rôle à jouer dans l'identification des enfants et des femmes susceptibles d'être victimes. Leurs membres seraient formés à savoir comment utiliser les services de protection et comment formuler des plaintes. Les espaces adaptés aux enfants possèdent déjà cette caractéristique, mais les comités de protection auraient des liens beaucoup plus solides avec les établissements médicaux et les cliniques. Nous essayons d'envisager cela plus d'un point de vue systémique que du simple point de vue de la population des camps.
(1030)
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Brown, après quoi nous entamerons un deuxième tour. Veuillez m'excuser, c'est d'abord au tour de M. Goldring.
    Allez-y, monsieur Goldring.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Quand on parle de la violence faite aux femmes et de la violence faite aux femmes et aux enfants, les aspects à prendre en compte comprennent certainement l'absence de logements, l'absence d'alimentation et, bien sûr, l'absence d'emplois pour les membres de la famille.
    Au sujet de ces trois questions, je vois d'après le rapport de la Croix-Rouge que 7 500 logements environ ont été construits ou le seront dans la région de Jacmel et de Leogane, au prix de quelque 43 300 000 $. Si l'on fait le calcul pour le million de personnes, approximativement, qui n'ont pas de toit, en estimant qu'il y a 10 personnes par maison — et ce sont des maisons très modestes —, on arrive à un coût de 5,5 milliards de dollars pour construire ces logements. Étant donné que ces logements sont quasiment des boîtes de contreplaqué, ai-je raison de calculer que chacune de ces boîtes coûte 5 500 $?
    L'autre aspect de la question concerne l'aménagement et l'utilisation des terrains. Je comprends qu'il y a un énorme problème au sujet de la propriété juridique des terrains, mais ne serait-il pas possible de reléguer certains terrains qui pourraient être au moins temporairement loués ou utilisés pendant une période de 10 ans, par exemple, de façon à pouvoir construire ces maisons? A-t-on envisagé cela?
    Ma deuxième question porte sur l'alimentation et la sécurité. Nous sommes au courant du déboisement de ce pays. Nous savons que c'était déjà un problème très grave avant le séisme. Qu'a-t-on fait à ce sujet depuis lors et quelle est la situation actuellement? Est-ce toujours négatif? Importe-t-on toujours des aliments pour nourrir la population? À une certaine époque, on a importé du riz, alors que ce pays était autrefois l'un des principaux fournisseurs de riz de la région. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est fait sur le plan de l'alimentation et de la sécurité? Ce sont certainement là deux aspects qui influent sur les échecs de mariages, sur la violence familiale et sur d'autres problèmes sociaux.
    Merci.
    En réalité, dans votre deuxième question, vous avez abordé en passant la première concernant le déboisement. Le problème est que ces maisons, en fait… et les deux tiers sont déjà construites.
    Chaque unité coûte environ 5 000 $, c'est exact. Ce sont des maisons qui peuvent résister à des vents de 240 km à l'heure. Les coûts et la relation avec le déboisement viennent du fait qu'on doit faire venir le bois du Canada parce qu'on n'a pas accès aux matériaux localement.
    Tout vient-il du Québec?
    Oui. Nous avons lancé un appel d'offres au Canada pour trouver un fournisseur et nous devons importer des matériaux parce qu'il n'y en a pas en Haïti. C'est une partie du problème, et je pense que vous l'avez soulevée.
    Je crois me souvenir qu'un des témoins parlait de ne pas avoir de mosaïque de programmes. Vous nous demandez si nous trouvons des solutions. Et bien, oui, en ce qui concerne les projets de logements. Nous travaillons avec des avocats locaux pour obtenir une entente… En l'absence de titres de propriété incontestables, nous obtenons une entente entre le propriétaire foncier ou le locataire et le propriétaire du logement, d'une part, et nous délivrons un titre de propriété du logement parce que c'est un logement mobile.
    Nous cherchons donc des solutions, et nous en trouvons, en l'absence d'un système global, et je pense que c'est une partie du défi.
    Ces maisons sont très bien acceptées par les Haïtiens. Il les apprécient beaucoup. Le concept a été formulé avec leur participation.
    Je ne suis pas sûr de votre calcul sur les 5 milliards de dollars. Je devrais y réfléchir. En fait, ça me semble un peu élevé, mais nous pourrons voir ce qu'il en est.
    S'il y a 100 000 maisons…
    Oui.
    Leogane et Jacmel sont des collectivités périurbaines. Nous réussissons à agir rapidement là-bas. Le problème se situe plus dans une ville comme Port-au-Prince, où il y a des gravats. Là où il y a des infrastructures déjà construites, c'est beaucoup plus complexe. On peut y entrer, mais c'est complexe. Oui, nous trouvons des solutions. Malheureusement, ce ne sont pas des solutions globales parce qu'il n'y a pas de système global là-bas. Nous trouvons donc des solutions immédiates. Elles sont très appréciées et nous allons les terminer.
    En ce qui concerne la sécurité alimentaire, vous avez mis le doigt sur un problème fondamental de l'économie haïtienne, c'est-à-dire que le pays dépend de l'importation. Il faut que cela change, mais on entre alors dans le champ d'action du gouvernement, dans son rôle de développement économique ainsi que dans sa capacité à investir, dans l'absence de titres fonciers…
(1035)
    Mais on a dit dans une déclaration liminaire que les questions de sécurité alimentaire font partie de celles auxquelles on s'attaque.
    S'agissait-il du gouvernement ou de vous-même?
    Nous ne nous occupons pas spécifiquement de sécurité alimentaire. Nous travaillons dans le secteur de la santé et…
    Une brève remarque. Quelqu'un a parlé de faire venir des entreprises et de faire venir des emplois en disant que c'est très difficile, notamment à cause du problème de la propriété foncière, mais il y a là-bas une entreprise, Gildan, qui est une très grande société de fabrication du Québec possédant deux grandes usines en Haïti. Elle semble avoir résolu ce problème et a quelque 5 000 familles à qui elle donne du travail, à un salaire quotidien qui est le double du salaire minimum. À mon avis, c'est un type de travail idéal pour ce pays.
    Cela fait-il parti de votre travail, c'est-à-dire examiner cet autre élément, pour voir au moins quelle est la situation de l'emploi, particulièrement de… Il y a un angle canadien à ce problème. Peut-être qu'elle a des idées utiles à proposer.
    D'accord.
    Notre travail concerne les secours d'urgence, le rétablissement du pays, et nous mettons beaucoup l'accent sur les problèmes de santé.
    Mais c'est l'une des clés.
    Oui, absolument, mais nous sommes l'un des partenaires. Nous ne nous occupons pas de tous les aspects.
    Vous pourriez les stimuler.
    Vous dites?
    Les stimuler. C'est certainement quelque chose à encourager.
    J'aimerais ajouter un mot. Conrad a mentionné tout à l'heure… Nous recrutons aussi du personnel local, en ce qui concerne le personnel en place à Haïti. Nous avons des expatriés qui sont là-bas, mais seulement dans des postes très spécialisés. Nous avons plus de 326 nationaux à qui nous donnons une formation. Nous développons leurs compétences. Nous leur transférons des compétences de travail, et cela comprend des femmes et des hommes qui font partie du programme.
    En outre, nous travaillons avec des fournisseurs du Canada qui nous aident à superviser… En ce qui concerne le projet que mentionnait Conrad tout à l'heure, en termes de logement, nous travaillons avec une firme du Québec, Les Maisons Laprise, ainsi qu'avec d'autres fournisseurs, qui nous aident à examiner les problèmes et les complexités.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au deuxième tour, avec M. Morin. Nous terminerons ensuite avec un représentant du parti conservateur.
    Vous avez la parole, monsieur Morin.

[Français]

    Je me pose une question depuis le début: de quelle façon tous les organismes arrivent-ils à coordonner leurs efforts?
    Par exemple, après le tsunami au Japon, le pays a eu des besoins très particuliers. Il y avait un gouvernement et des administrations locales qui étaient capables de déterminer les besoins et de soumettre les demandes aux pays qui pouvaient leur apporter de l'aide. C'était en quelque sorte une situation idéale pour intervenir.
    Par contre, dans un pays où il n'y a pas de gouvernement, pas de lois, pas de police, et où le parlement tout comme les postes de police sont détruits, le nombre d'interlocuteurs tombe à zéro. De quelle façon tous les organismes internationaux et tous les pays arrivent-ils à établir une stratégie qui fonctionne? Cette situation n'entraîne-t-elle pas une certaine inefficacité?
    Sans être un spécialiste, quand j'ai vu le tremblement de terre, j'ai eu comme première réaction de penser que l'inexistence des infrastructures sanitaires allait déclencher une épidémie de choléra et que ce serait horrible. Or, je me demande à quel point le temps de réponse pour mettre en place des infrastructures sanitaires dans le pays n'a pas causé cette épidémie. Je me demande comment tous les intervenants n'ont pas réussi à organiser une stratégie pour mettre en place une forme d'autorité capable de prendre des décisions.
    Comme on dit en anglais, on voit que

[Traduction]

l'argent ne règle que des problèmes d'argent.

[Français]

    Je vois qu'on est dans une situation où beaucoup d'argent est dépensé avec les meilleures intentions du monde, mais où seule une fraction des résultats attendus a été obtenue.
     Je ne cherche pas à dévaloriser vos actions ou celles de notre gouvernement, mais je pense qu'on est rendu à un point où il faudrait peut-être prendre une pause et réfléchir. Il faut essayer de trouver une stratégie à long terme qui pourrait nous permettre, à nous et à tous les autres organismes et pays, d'arriver à poser une action qui pourrait apporter des résultats à moyen et à long terme.
(1040)

[Traduction]

    Je commence. Je sais que la Croix-Rouge et l'Unicef sont profondément impliquées dans ces efforts de coordination. Très brièvement, les organisations humanitaires, sous le leadership des Nations Unies, ont établi un système en vertu duquel celles qui s'occupent d'eau, d'alimentation et de santé coordonnent leurs activités. Cela se fait très rapidement, en grande mesure parce que toutes nos organisations sont dans le pays avant qu'une catastrophe ne se produise et que nous avons des relations existantes et des mécanismes de coordination déjà en place. Elles sont organisées par thème.
    Cela concerne les urgences. L'une des choses qu'il faut mentionner est que l'épidémie de choléra a éclaté 10 mois après le séisme et a été largement endiguée par la coordination efficace des agences humanitaires internationales dans les camps de personnes déplacées. En outre, l'épidémie de choléra a en fait éclaté en dehors des camps, ce qui est une indication de la faiblesse des collectivités en Haïti plutôt qu'une indication d'absence de coordination des secours d'urgence.
    Je m'occupe de secours d'urgence depuis 20 ans. Je pourrais vous donner de nombreux exemples dans le passé où la coordination était bien pire que celle que nous avons vue en Haïti. Nous nous améliorons, mais vous avez raison de dire qu'il y a beaucoup d'organisations sur place, et celles qui n'ont pas la capacité de participer aux mécanismes de coordination sont en fait celles qui posent des problèmes. C'est une chose dont on doit se préoccuper. Je parle d'organisations qui sont trop petites, trop nouvelles ou trop indépendantes pour participer à la coordination. Cela dit, les agences représentées ici font beaucoup de travail en collaboration pour éviter les problèmes que vous avez mentionnés.
    Merci beaucoup.
    Nous allons terminer avec un représentant du parti gouvernemental.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins présents aujourd'hui.
    C'était l'une des choses dont je voulais parler aussi: avec un si grand nombre d'agences présentes en Haïti, on a presque l'impression qu'elles se marchent sur les pieds, et je suis donc très heureuse d'apprendre qu'il y a un système de collaboration et d'indication des domaines dans lesquels vous êtes experts, afin de pouvoir y concentrer votre attention. Je pense que c'est très utile.
    Monsieur McCort, j'ai une question à vous poser. Vous avez dit que CARE Canada est présente en Haïti depuis 50 ans, ce qui m'indique — et je comprends que vous avez parlé d'une base de dons internationale et que ce n'est pas seulement de l'argent canadien qui va là-bas — qu'il semble y avoir approximativement trois générations de jeunes dont nous avons contribué à l'éducation. Nous leur avons donné une sorte d'éducation. Nous ne l'avons peut-être pas fait pour toute la population, mais nous avons eu un certain impact.
    Que deviennent ces jeunes? Font-ils maintenant partie de la diaspora? Sont-ils au Canada? Si tel est le cas, contribuent-ils en retour à Haïti, culturellement, d'un point de vue éducation? Est-ce que ces jeunes quittent Haïti sans jamais y réinvestir, ou deviennent-ils les gens qui entrent maintenant au gouvernement et dans les services sociaux et qui font partie de l'équipe de réponse que nous avons besoin de voir dans une perspective nationale? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
    Merci.
    Nous nous intéressons avant tout aux collectivités dans lesquelles nous travaillons. Nous ne suivons pas les particuliers pour voir ce qu'ils deviennent. En revanche, je pense que toutes les choses que vous avez mentionnées se produisent réellement. Bon nombre d'Haïtiens quittent la campagne pour la ville à la recherche d'une vie meilleure, et beaucoup finissent par aboutir au Canada, aux États-Unis ou ailleurs à la recherche d'une vie meilleure.
    L'une des choses que nous avons constatées au sujet des Haïtiens est qu"ils maintiennent des liens très étroits avec leurs communautés d'origine, quel que soit le pays où ils aboutissent. L'argent qu'ils envoient à leurs familles en est un exemple merveilleux et puissant. Même quand ils passent d'une région rurale à une région urbaine, ou qu'ils quittent Haïti pour un autre pays, ils restent directement impliqués par l'envoi d'argent. Nous avons aussi vu beaucoup d'Haïtiens revenir de la diaspora pour participer aux programmes de nos agences.
    L'une des choses qu'on m'a souvent dites durant mon séjour est qu'Haïti n'a aucune chance de prospérer si l'on ne trouve pas le moyen d'y maintenir la classe moyenne. Cela pose un énorme défi en termes d'opportunités économiques, de logement et d'éducation des enfants. C'est cela qui pousse les gens à partir.
(1045)
    Donc, quand on parle de développement économique durable, cela doit en être un élément clé, n'est-ce pas? Il est crucial que les gens trouvent des emplois stables.
    Tout à l'heure, des représentants du MAECI nous ont parlé d'un problème de cadastre, ainsi que du problème de l'investissement étranger en Haïti parce que les investisseurs n'ont aucune assurance qu'ils seront vraiment propriétaires des biens dans lesquels ils investissent. Toutefois, M. Goldring a parlé d'une société canadienne qui est présente là-bas. C'est peut-être un exemple pour aller plus loin. Peut-être pourrait-elle nous apprendre des choses du point de vue des obstacles qu'elle a rencontrés, des succès qu'elle a obtenus, et des emplois qu'elle a créés.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je remercie à nouveau les témoins d'avoir pris le temps de venir informer les membres du comité sur la situation en Haïti.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU