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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne tient sa 27e séance. Aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 12 décembre 2011, nous étudions le projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes).
    Nous accueillons aujourd'hui Joy Smith, la députée de Kildonan—St. Paul — elle est l'auteure du projet de loi — et certains témoins vont comparaître devant le comité.
    Nous allons commencer par entendre Mme Smith.
    Merci. C'est un plaisir d'être ici. Je suis honorée de comparaître devant ce prestigieux comité au sujet de cette question importante. Je suis heureuse d'avoir la possibilité de parler au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes).
    Je vais commencer par remercier les députés de l'appui qu'ils lui ont accordé en deuxième lecture. Il est rare qu'un projet de loi soit appuyé à l'unanimité. Il est toutefois très encourageant de constater que le projet de loi C-310 a été approuvé à l'unanimité en seconde lecture. Il y a quelques aspects de la justice qui exigent que nous leur accordions un intérêt attentif et constant et il n'y a pas de question plus urgente que l'esclavage qui sévit à notre époque.
    Des cas de traite des personnes commencent à apparaître régulièrement dans les médias. Par exemple, l'automne dernier, un homme d'Ottawa a été arrêté après avoir emmené une jeune fille de 17 ans de Windsor à Ottawa, et lui avoir refusé toute nourriture pour l'obliger à s'offrir à des hommes. Cela se passait dans un hôtel à quelques coins de rue de là où nous sommes en ce moment.
    Vous avez probablement déjà entendu parler de la plus importante affaire de traite des personnes au Canada; il s'agissait de 20 Hongrois qui avaient été conduits à Hamilton pour les forcer à travailler. On les nourrissait de restants de table une fois par jour et on les enfermait la nuit.
    Vous avez peut-être entendu parler des 24 000 femmes et enfants qui ont été libérés l'année dernière en Chine. Ce n'est que la pointe de l'iceberg. Cela se produit ici au Canada tous les jours. À notre époque, l'esclavage se pratique dans tous les pays du monde et nous devons renforcer notre résolution de le supprimer. Le projet de loi C-310 est très simple; il ne contient que deux articles, mais il aura des répercussions importantes sur la lutte contre le trafic des personnes ici au Canada et également à l'étranger.
    Le premier article du projet de loi modifiera le Code criminel pour ajouter la traite des personnes, les articles 279.01 et 279.011, à la liste des infractions qui peuvent être poursuivies au Canada si elles sont commises à l'étranger par un Canadien ou par un résident permanent. Je vais également accueillir avec plaisir aujourd'hui un amendement favorable qui a pour but d'ajouter à l'article 279.02, le fait de recevoir un avantage financier de la traite des personnes et à l'article 279.03, le fait de dissimuler, de confisquer et de détruire des titres de voyage ou des papiers d'identité. De cette façon, toutes les infractions associées à la traite des personnes pourront donner lieu à des poursuites.
    Il est rare que l'on attribue une portée extraterritoriale aux infractions du Code criminel et cette mesure est habituellement réservée aux questions qui font l'objet d'un consensus international. C'est ce qu'a fait remarquer le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice ainsi que le critique de la justice du NPD au cours de la deuxième lecture. Je tiens à citer un rapport très complet qui porte sur l'exercice de la compétence extraterritoriale, publié par la Commission du droit du Canada et intitulé « Global Reach, Local Grasp: Constructing Extraterritorial Jurisdiction in the Age of Globalization ».
    On peut lire dans ce rapport:
[...] la plupart des cas où on a recours à l'extraterritorialité reflète une décision multilatérale délibérée et les autres sont justifiés par l'existence d'un consensus international général sur les situations dans lesquelles l'extraterritorialité est légitime. Ce n'est, cependant, pas toujours vrai. Le Canada peut exercer une compétence extraterritoriale avant qu'un consensus en ce sens se soit formé: en réalité, le but est de tenter d'influencer l'opinion internationale en donnant l'exemple.
    Ce qui est particulièrement remarquable dans ce rapport est qu'il présente les lois canadiennes sur le tourisme pédophile comme un exemple de cette situation, et il énonce:
[...] on pourrait noter que les dispositions relatives au tourisme pédophile, même si elles sont maintenant parfaitement conformes aux traités internationaux, ont en fait précédé la ratification de ces traités.
    Le fait de qualifier la traite des personnes d'infraction extraterritoriale a trois principaux objectifs; les voici.
    Premièrement, le fait d'attribuer à l'infraction de traite des personnes une portée extraterritoriale autoriserait le Canada à arrêter les Canadiens qui ont quitté le pays où ils ont fait la traite des personnes dans le but d'éviter les sanctions.
    Deuxièmement, le fait d'attribuer à l'infraction de traite des personnes une portée extraterritoriale permettrait que justice soit faite dans les cas où l'infraction a été commise dans un pays dont les lois relatives à la lutte contre la traite des personnes sont laxistes et qui ne possède pas un système judiciaire efficace.
    Enfin, une telle extension de l'infraction de traite des personnes montrerait clairement que le Canada ne tolère pas que ses propres citoyens fassent la traite des personnes, que ce soit au Canada ou à l'étranger.
    Le projet de loi C-310 donne au Canada la possibilité de jouer un rôle de chef de file sur le plan international dans la lutte contre ce crime haineux. Nous nous joindrons ainsi à des pays comme les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Cambodge qui ont déjà adopté des lois extraterritoriales.
    Je vais vous parler d'une conférence conjointe sur le trafic des personnes qui s'est tenue à l'ambassade des États-Unis et qui a été donnée par des agents d'application de la loi canadiens et américains et à laquelle j'ai assisté il y a quelques semaines ici à Ottawa. Pendant l'exposé du U.S. Homeland Security, l'agent a présenté la loi américaine sur la traite des personnes, à savoir la Trafficking Victims Protection Act (Loi sur la protection des victimes de la traite). Aux États-Unis, cette loi doit être renouvelée tous les trois ans et comporte des mesures pénales et des aspects liés au financement et à l'immigration.
    Cela peut sembler peu pratique, mais cela leur permet de mettre à jour leurs lois et de les modifier au besoin. Je dois dire que l'agent en question était particulièrement satisfait des modifications apportées à la 2008 Trafficking Victims Protection Act, qui attribue une portée extraterritoriale aux infractions reliées à la traite des personnes. Il a déclaré que ce changement a été très utile pour les organismes américains d'application de la loi pour parce qu'ils peuvent ainsi arrêter et poursuivre leurs citoyens qui vont à l'étranger pour faire la traite des personnes.
    Le deuxième article du projet de loi C-310 tient compte du fait qu'il serait utile que les tribunaux et les organismes d'application de la loi puissent se guider sur une disposition d'interprétation qui fournisse des éclaircissements sur ce qui constitue de l'exploitation. L'objet de cette modification est de donner aux tribunaux un outil qui montre clairement quels sont les faits qui indiquent qu'il y a exploitation. Dans le projet du paragraphe 279.04(2), j'ai proposé d'ajouter le recours à la menace d'utiliser la violence, la force et toute autre forme de contrainte ainsi que les moyens frauduleux.
    J'ai également approuvé un amendement favorable qui aurait pour effet de substituer la « tromperie » aux « déclarations trompeuses » et qui ajouterait un autre élément d'exploitation savoir le fait d'abuser « de son pouvoir ou de la confiance d'une personne ». Grâce à cette modification, la formulation sera ainsi conforme au protocole de Palerme et aux définitions internationales; elle permettra également que le projet de loi donne les résultats que nous souhaitons tous.
    Notre Code criminel contient déjà des dispositions interprétatives. En fait, la disposition interprétative qui figure au paragraphe 153(1.2) du Code criminel précise à l'intention des tribunaux ce qui constitue l'exploitation sexuelle d'un mineur.
    On retrouve également une disposition interprétative au paragraphe 467.13(1), qui fournit des éléments supplémentaires sur ce qui constitue la participation à des activités du crime organisé. Cette modification a reçu un large appui de la part des ONG canadiennes. Par exemple, le Centre canadien de ressource pour les victimes de crime a fait remarquer que la définition de l'exploitation dans l'infraction canadienne de traite des personnes doit être formulée de façon claire et précise. La Fondation canadienne des femmes déclare, et je cite:
Il est important de préciser la définition de l'exploitation dans le Code criminel pour faciliter le travail des policiers, des poursuivants et des juges et l'on peut espérer que cela augmentera le nombre des accusations et des condamnations.
Le projet de loi C-310 va non seulement préciser la définition de l'exploitation, mais il va aussi l'harmoniser avec les protocoles internationaux relatifs à la traite des personnes.
    Cela me paraît très important.
     Mesdames et messieurs, la traite des personnes est un crime qui se répand rapidement parce qu'il est très lucratif; il nous incombe donc à tous, en tant que députés, de lutter contre l'esclavage sous toutes ses formes, que ce soit au Canada ou à l'étranger. J'ai reçu ces derniers jours un certain nombre de courriels provenant de Canadiens qui écrivaient au comité au sujet du projet de loi C-310. Je mentionne en passant que je n'ai pas sollicité ces courriels; ils m'ont été envoyés. J'ai même été surprise qu'ils soient si nombreux. Leurs auteurs veulent que ce projet de loi soit adopté.
    Des gens comme Michelle Brock, de l'organisation Hope For the Sold, a écrit:
Il est essentiel que nous agissions rapidement pour protéger les personnes vulnérables et maltraitées et le projet de loi C-310 représente un grand pas dans la bonne direction.
    Saskia Wishart, une Canadienne qui travaille actuellement pour la campagne Not For Sale aux Pays-Bas, écrit:
En précisant la formulation des lois qui définissent l'exploitation, nous donnerons aux acteurs de notre système juridique qui veulent la justice les outils dont ils ont besoin pour poursuivre efficacement les criminels qui achètent et vendent des êtres humains pour les exploiter. De la même façon, le Canada a envers la communauté internationale la responsabilité de mettre en oeuvre des lois extraterritoriales qui permettront aux autorités d'application de la loi de rechercher et de poursuivre les Canadiens qui exploitent des personnes, quel que soit le pays où ils veulent se cacher.
    Betty Dobson, présidente du Zonta Club d'Halifax, a écrit:
Le Zonta Club du Canada appuie entièrement les modifications au Code criminel que propose le projet de loi C-310. Nous ne pouvons permettre que des Canadiens commettent des infractions de traite des personnes à l'étranger et reviennent dans leur pays pour se cacher.
    En appuyant le projet de loi C-310, chaque député jouera un rôle important pour renforcer les outils dont disposent les policiers et les poursuivants et pour aider à faire justice aux victimes de la traite, qu'elles se trouvent ici au Canada ou à l'étranger.
     Encore une fois, je tiens à exprimer ma gratitude pour l'appui que vous avez donné au projet de loi C-310 en deuxième lecture. En travaillant de concert, je sais que nous réussirons à lutter efficacement contre le trafic des personnes dans notre pays ainsi qu'à l'étranger. J'espère que vous allez m'aider à faire adopter ce projet de loi, étant donné que nous connaissons ce genre de cas ici même au Canada. Il y a au Canada, à l'heure actuelle, des Canadiens — nous savons où ils vivent, qui ils sont et dans quelles villes ils résident — qui exploitent des enfants à l'étranger et nous ne pouvons rien faire.
    Merci de votre attention.
(1110)
    Merci, madame Smith.
    Nous allons maintenant entendre deux représentants de Walk With Me. Je pense qu'il a été précisé dans la correspondance que c'est au niveau de chaque groupe que le temps de parole est accordé.
    Madame Nagy ou monsieur Hooper, vous pouvez partager votre temps de parole, si vous le voulez.
    Bonjour. Je m'appelle Timea Nagy. Je suis un des membres fondateurs de l'organisation Walk With Me et j'ai survécu à la traite des personnes. M. Hooper est le président du conseil d'administration de Walk With Me.
    Walk With Me Canada Services, ou Walk With Me, offre des services de première ligne et secondaires aux victimes de toutes les formes de traite des personnes. Nous avons été invités à nous adresser au Comité permanent de la justice et des droits de la personne au sujet du projet de loi C-310, qui propose de modifier le Code criminel du Canada en matière de traite des personnes.
    Permettez-moi de vous dire qui nous sommes. Walk With Me est un organisme pancanadien dont le mandat est d’offrir des services aux personnes qui ont été sauvées de l’esclavage moderne, autrement nommé traite des personnes. Walk With Me participe au sauvetage des victimes de la traite des personnes, qu’il s’agisse de travailleurs migrants ou de travailleurs du sexe.
    L’énoncé de mission de Walk With Me se lit comme suit:
Le centre de soutien aux victimes Walk With Me Canada est un organisme dirigé par des survivants voués à la sensibilisation et à l’éducation en matière d’esclavage. Nous offrons et coordonnons des services pour aider les victimes à devenir des survivants et pour favoriser les mesures susceptibles de changer la situation.
    L’énoncé de vision de Walk With Me se lit comme suit:
Transformer la vie des victimes de la traite des personnes tout en facilitant l’éradication de l’esclavage.
    Le projet de loi C-310 vise à apporter deux modifications au Code criminel du Canada. Il s’agit de criminaliser la traite des personnes à laquelle se livrent des citoyens ou des résidents permanents du Canada à l’extérieur du territoire canadien et d’ajouter une disposition précisant les facteurs dont les tribunaux peuvent tenir compte pour déterminer ce qui constitue de l’exploitation.
    Au sujet de la traite des personnes à l'extérieur du territoire canadien, la modification proposée à l’article 7 du Code criminel consiste à y ajouter le paragraphe 7(4.11), qui énoncerait:
Malgré les autres dispositions de la présente loi ou toute autre loi, le citoyen canadien ou le résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui, à l’étranger, est l’auteur d’un fait — acte ou omission — qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction aux articles 279.01 ou 279.011 est réputé l’avoir commis au Canada.
    Walk With Me estime qu’il s’agit d’une modification absolument et désespérément nécessaire au Code criminel du Canada.
    Nous avons participé activement au projet OPAPA qui portait sur le réseau hongrois de traite de travailleurs migrants dans le sud-ouest de l’Ontario. On peut imaginer qu'avec les dispositions actuelles du Code criminel, un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada pourrait ouvrir un bureau dans un pays d’Europe de l’Est pour y faire la traite des personnes en sol canadien sans craindre ni risquer d’être poursuivi au Canada.
    Nous pensons que le projet OPAPA contraindra ceux qui se livrent à cette nouvelle forme d’esclavage à trouver des moyens plus subtils de poursuivre leurs activités. Il se pourrait bien, par exemple, que des citoyens ou des résidents permanents du Canada ouvrent des bureaux à l’étranger pour acheminer des victimes au Canada par l’intermédiaire d’un autre pays.
    Compte tenu de notre mandat au Canada, nous n’avons pas eu l’occasion de constater beaucoup d’activités extraterritoriales, mais il est clair que les Roms impliqués dans le projet OPAPA avaient des agents en Hongrie qui envoyaient des personnes au Canada. Certains de ces agents ont fini par venir au Canada, y ont demandé le statut de réfugié après avoir fait de la traite de ces personnes, et ils sont devenus des résidents permanents.
    Nous pensons que le démantèlement de ce groupe de criminels organisés et les poursuites dont ils feront l’objet inciteront les parties intéressées à s’installer à l’étranger.
    Je vais maintenant demander à mon équipier de poursuivre.
(1115)
    Comme cela a été nécessaire pour les infractions sexuelles et pour les modifications apportées au paragraphe 7(4) du Code criminel, cette modification concernant la traite des personnes à l’extérieur du Canada est, selon nous, non seulement nécessaire, mais indispensable pour empêcher les intéressés de s’infiltrer au Canada, de devenir des résidents permanents ou des citoyens canadiens, puis de s’établir à l’étranger pour faire la traite de personnes forcées de travailler et de travailleurs sexuels qui seront exploités sur le territoire canadien.
    Le projet du paragraphe 279.04(2) énumère les facteurs que propose la modification. Nous sommes entièrement d'accord avec l'idée de préciser les facteurs dont les tribunaux pourront tenir compte pour déterminer ce qui constitue de l'exploitation. Ces précisions sont nécessaires si l'on veut que cette loi soit efficace.
    Nous estimons que ces facteurs supplémentaires devraient être précisés pour aider les tribunaux à déterminer si ces personnes ont été exploitées dans notre pays. Nous pensons que ces éléments seront extrêmement utiles pour juger la conduite des accusés traduits devant les tribunaux canadiens.
    Nos travailleurs de première ligne ont été les témoins directs de plusieurs éléments: l’isolement des victimes, le vol de leurs passeports et autres documents officiels, la perpétration sous la contrainte par les victimes d’actes frauduleux, notamment en rapport avec les formulaires administratifs, et la privation de services essentiels comme les services d'apprentissage de l'anglais langue seconde ou les services de santé.
    Le projet OPAPA a révélé que certaines des victimes n’étaient pas ouvertement menacées de violence ou de mort, mais elles subissaient une forme de contrainte très subtile. Leur sécurité n’était jamais explicitement menacée, mais c’est leur isolement total, dans un état de privation de dignité, d’aide ou même d’espoir, qui servait de tactique. Les victimes n'avaient aucun moyen de s’enfuir, sinon de partir dans un monde inconnu dont elles ne connaissaient pas la langue, sans argent et sans protection. Cette coercition subtile et systématique s’accompagnait de la confiscation de tous les documents officiels, dont les documents d’immigration et les passeports de ces personnes nouvellement arrivées au Canada.
    Il n’y a donc pas souvent de menaces directes, mais un système. Un policier témoignant à l’occasion d’une demande de remise en liberté sous caution a fourni une excellente description de la situation. Il a déclaré:
« Eh bien, Monsieur, il faut se mettre dans leur peau. Ils arrivent dans un pays (…) dont ils ne parlent pas la langue. Ils ont perdu tout contact avec leur famille. Quelqu’un leur a promis une vie meilleure. Ils ont sauté sur l’occasion. Ils espèrent trouver de meilleures conditions de vie ici. (…) Et quelqu’un leur paie le voyage (…), mais ils s’aperçoivent à l’arrivée qu’ils vont être utilisés (…), qu’ils vont devoir commettre des actes plus ou moins répréhensibles (…) et qu’ils n’auront jamais l’argent promis. Ils arrivent d’un pays où les relations avec la police ne sont pas particulièrement bonnes, et, en fait, ils ont très peur de la police en Hongrie. Et ils arrivent ici, ils ne parlent pas la langue du pays, et les voilà embarqués dans un terrible drame. Partout, tout leur fait peur. Comme on dit, mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître. Et ils ne connaissent personne qui puisse les aider à rentrer chez eux. »
    Nous sommes entièrement favorables à l’insertion des quatre facteurs énumérés au paragraphe 279.04(2) proposé. Ce sont des instruments absolument nécessaires pour nos tribunaux.
    Nos travailleurs de première ligne ont été témoins des activités suivantes chez les trafiquants de personnes qu'il s'agisse de personnes que l'on oblige à travailler ou de travailleurs du sexe: isolement de la victime; privation de services linguistiques; privation de services essentiels, notamment de services de santé; victimes obligées sous la contrainte à falsifier des demandes et des documents officiels; contrôle de leurs comptes bancaires et de toutes leurs réserves d’argent; confiscation de leurs passeports ou de leurs documents d’immigration.
    Il ne s’agit, selon nous, que de quelques exemples tirés de l’expérience directe de nos travailleurs de première ligne, mais ils attestent l’absolue nécessité d’ajouter ces facteurs à la modification proposée de façon à aider les tribunaux à juger ces formes d'exploitation.
    Nous invitons le comité à examiner les recommandations suivantes: premièrement, modifier le projet de loi pour ajouter à l’article premier les infractions à l’article 279.02 (avantage financier tiré de la traite des personnes) et à l’article 279.03 (rétention, confiscation ou destruction de titres de voyage ou de papier d'identité); et deuxièmement, amender le projet de loi pour ajouter à l’article 2 le facteur suivant: « abus de position de confiance, de pouvoir ou d’autorité ».
    En qualité de président de Walk With Me Canada, j'aimerais remercier vivement les membres du comité de nous avoir permis de leur présenter un exposé. Nous vous sommes très reconnaissants du travail que vous accomplissez pour faire disparaître l'esclavage de ce pays.
    Je vous remercie.
(1120)
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à Au-delà des frontières ECPAT Canada.
    Madame Prober.
    Au-delà des frontières, Beyond Borders, est une ONG nationale et bilingue qui travaille solidairement avec les enfants qui sont sexuellement exploités.
    Je suis la présidente d'Au-delà des frontières que j'ai fondé en 1996 avec Mark ErikHecht.
    Notre ONG est aujourd'hui le volet canadien d'une ONG internationale basée à Bangkok, en Thaïlande, appelée ECPAT, d'après le sigle anglais: Faire cesser la prostitution juvénile, la pornographie juvénile et le trafic d'enfants à des fins sexuelles.
    L'ECPAT et Au-delà des frontières ont été fondés pour lutter contre les crimes sexuels transfrontaliers commis à l'égard des enfants, y compris toutes les formes de trafic à des fins sexuelles et de tourisme pédophile.
    Le projet de loi C-10 propose d'ajouter le trafic des personnes à la liste des infractions à portée extraterritoriale. Au-delà des frontières a appuyé le projet de loi dès le départ parce qu'il vise les trafiquants d'enfants à des fins sexuelles et soutient le travail qu'accomplit l'infatigable députée Joy Smith dans ce domaine.
    La société de produits cosmétiques The Body Shop essaie de sensibiliser la population à cette question avec Au-delà des frontières. Plus d'un demi-million de clients canadiens ont signé une pétition qui demandait au gouvernement de faire davantage pour mettre un terme au trafic d'enfant à des fins sexuelles. Ce projet de loi vient justifier les efforts incroyables déployés par cette société et son personnel. Il est clair que les Canadiens veulent que les trafiquants d'enfant à des fins sexuelles rendent des comptes chaque fois qu'ils décident de maltraiter et d'exploiter à des fins de lucre les enfants vulnérables.
    Au-delà des frontières axe son action sur la lutte contre les crimes extraterritoriaux commis à l'égard des enfants par des Canadiens et s'est spécialisée dans ce domaine. Grâce au ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lloyd Axworthy, j'ai comparu devant ce comité en 1996 à propos du projet de loi C-27, qui portait sur le tourisme pédophile. Dans sa sagesse, le comité a reconnu en 1996 l'importance des modifications que je proposais et a attribué une portée extraterritoriale à tous les crimes de nature sexuelle commis à l'égard des enfants. Le comité a qualifié ces nouvelles mesures législatives d'« amendement Prober ». À l'époque, il n'existait pas bien sûr de loi relative au trafic des personnes, comme il en existe à l'heure actuelle.
    Nous examinons aujourd'hui un autre projet de loi qui attribue une portée extraterritoriale aux dispositions relatives au trafic des personnes, y compris celui des enfants. Qu'est-il arrivé au Canada lorsque notre nouvelle loi extraterritoriale sur le tourisme sexuel est entrée en vigueur en 1997? Eh bien, elle a donné certains résultats. Il y a des leçons à tirer de l'expérience acquise au cours des 15 dernières années, qui expliquent les recommandations que présente Au-delà des frontières aujourd'hui.
    Depuis 1997, le Canada a poursuivi avec succès au Canada quatre touristes qui avaient pratiqué la pédophilie à l'étranger: deux ont été poursuivis à Vancouver, un à Montréal et un à Windsor. Cela fait quatre en 15 ans.
    J'aime beaucoup parler du cas de Windsor parce qu'il concerne un prêtre pédophile qui s'est fait remettre des sommes très importantes par de bons citoyens de Windsor, par l'intermédiaire de Hearts Together for Haiti, pour apporter des technologies, etc., aux enfants d'un village reculé d'Haïti où le prêtre agressait sexuellement les garçons. Grâce à cette technologie canadienne, une des victimes haïtiennes a envoyé un courriel aux personnes de Windsor qui finançaient cet organisme pour les informer des agressions sexuelles qui étaient commises.
    La constitutionnalité de la disposition extraterritoriale — paragraphe 7(4.1) du Code criminel — au sujet du tourisme pédophile a été contestée dans la poursuite pour tourisme pédophile la plus récente, R. c. Klassen, devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La principale question soumise au tribunal était de savoir s'il était constitutionnel d'appliquer les dispositions législatives canadiennes à des actes commis à l'étranger par des Canadiens.
    Le juge Cullen a décidé que les dispositions relatives au tourisme pédophile étaient constitutionnelles. Il a jugé que le Parlement avait le pouvoir d'adopter des dispositions extraterritoriales, et il a ajouté que la majorité des pays, y compris le Canada, avait ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants des Nations Unies.
    Il a écarté l'argument selon lequel les droits de l'accusé garantis par la Charte étaient violés parce que les crimes avaient été commis à l'extérieur du Canada, en déclarant que l'accusé avait droit à un procès équitable au Canada, comme le garantit notre Charte.
     L'élaboration d'un projet de loi, comme le projet de loi C-10, est, bien sûr, l'aspect le plus facile, lorsqu'il s'agit de lutter contre les crimes extraterritoriaux. Les enquêtes et les poursuites relatives à nos touristes pédophiles au Canada ont été extrêmement complexes, coûteuses et représentent un investissement considérable de la part de nos responsables de l'application de la loi et des poursuivants. L'affaire R. v. Klassen a pris six ans.
    Les peines imposées à nos touristes pédophiles ont été extrêmement variées, allant d'une peine très légère à ce que je qualifierais de peine « correspondant au mal qui a été fait ».
    Un autre de nos avocats, David Matas, a comparu devant le Comité sénatorial de la justice sur la détermination de la peine et a proposé une recommandation au nom d'Au-delà des frontières. Notre organisation proposait la création d'une commission canadienne de la détermination de la peine. Je recommande aujourd'hui également cette solution.
(1125)
    Une fois libérés, il faut reconnaître que non seulement nos délinquants sexuels dangereux, y compris les touristes pédophiles et les trafiquants d'enfants, sortent de prison, mais ils peuvent également obtenir des passeports, ce qui leur donne la possibilité de voyager à peu de frais et rapidement à l'étranger. Bien entendu, ils peuvent facilement s'en prendre à nouveau aux jeunes enfants vulnérables et en situation précaire dans les pays étrangers.
    Je recommande aujourd'hui que le Canada utilise notre registre des délinquants sexuels pour que, au minimum, tous les délinquants ayant commis des infractions de pédophilie extraterritoriales soient déclarés inaptes à voyager. Le Canada a signé et ratifié la convention relative aux droits de l'enfant, aux termes de laquelle les pays s'engagent à donner la priorité aux enfants, et non pas aux pédophiles globetrotteurs et aux trafiquants du sexe.
    À l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de ressources, ni d'agents de liaison dans les ambassades à l'étranger pour lutter contre tous les crimes commis à l'étranger. Je vais donc recommander également que, si vous voulez vraiment lutter et faire cesser la traite des personnes, il faudra qu'il y ait davantage d'agents de liaison de la GRC à l'étranger et que nous axions davantage nos actions sur la prévention des crimes sexuels à l'égard des enfants commis par des Canadiens.
    En décembre 2011, l'Assemblée générale des Nations Unies a pris une mesure très importante pour le respect des droits des enfants en adoptant un nouveau protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui prévoit un mécanisme de traitement des plaintes pour atteinte aux droits de l'enfant. Ce nouveau traité permettra aux enfants ou à leurs représentants de porter plainte devant un comité international d'experts en matière de droits des enfants s'ils n'ont pas réussi à obtenir réparation pour ces violations dans leurs pays. Le Canada n'a pas encore mis sur pied ce nouveau mécanisme de plainte et devrait le faire très bientôt.
    À l'heure actuelle, Au-delà des frontières a lancé une campagne nationale appuyée par The Body Shop pour sensibiliser, grâce à la participation de Canadiens célèbres, tous les hommes aux dommages considérables que d'autres hommes causent aux enfants. La demande de services sexuels juvéniles et l'exploitation sexuelle des enfants entraînent une offre constante d'enfants qui sont forcés à se prostituer tant ici au Canada qu'à l'étranger. Le nom de cette campagne est « Man to Man/Homme à homme ». Il faut viser davantage les clients pédophiles au Canada, étant donné que, si la demande diminuait, il y aurait moins d'enfants traumatisés.
     Si l'on veut que justice soit rendue aux enfants de tous les pays, il est essentiel que le comité appuie le projet de loi C-10. Parallèlement, il est essentiel de mettre sur pied au Canada et à l'étranger des systèmes qui permettront d'appliquer cette loi.
     Il y a une affaire qui vient de la Nouvelle-Écosse, Regina v. MacIntosh, qui est si troublante, si pleine d'injustice pour les victimes au Canada et les victimes en Inde, qu'il ne faudrait pas moins lancer une grande enquête pour que des affaires d'agression des enfants comme celles-là ne se reproduisent jamais. MacIntosh, un délinquant sexuel ayant déjà fait l'objet de déclarations de culpabilité, a vécu en Inde pendant 11 ans pour échapper à la justice, alors qu'un mandat avait été lancé contre lui en 1995 pour 43 nouvelles accusations d'agression sexuelle d'enfants commises sur de nombreux garçons de la Nouvelle-Écosse. Il a réussi à faire renouveler son passeport à plusieurs reprises pour rester dans ce pays, il a voyagé plusieurs fois entre l'Inde et le Canada; le Toronto Star a mentionné dans un reportage qu'il exploitait sexuellement des garçons en Inde. Alors qu'il était recherché pour des crimes sexuels commis ici, Il a obtenu deux fois des visas pour pouvoir ramener avec lui au Canada un garçon indien. D'après le Toronto Star, ce garçon n'est qu'un des nombreux garçons indiens qui affirment avoir été agressé par ce Canadien, en Inde ou ici.
    Tous les systèmes qui ont été mis en place pour mettre un terme aux crimes sexuels commis à l'étranger, y compris le mécanisme d'extradition, ont été inefficaces. La loi sur le tourisme pédophile n'a pas été appliquée. De nombreux journaux ont parlé du fait que des responsables canadiens en Inde ont déclaré avoir été atterrés d'apprendre qu'un Canadien recherché avait pu agresser des garçons indiens pendant des années et des années et ils n'ont jamais su qu'il avait déjà été condamné et qu'il était également recherché. Ils ont été ébahis d'apprendre qu'il avait réussi à faire renouveler son passeport et obtenir des visas pour voyager avec des mineurs alors qu'un mandat avait été lancé contre lui. Le Bureau canadien des passeports n'a certainement pas fait son travail, c'est le moins que l'on puisse dire.
    Cette affaire exige bien évidemment que l'on formule une première recommandation, à savoir que les Canadiens faisant l'objet d'un mandat pour des crimes sexuels, y compris la traite d'enfants, ne devraient jamais obtenir le renouvellement de leur passeport.
    Il faut obliger tous ceux qui font la traite d'enfants à des fins sexuelles à l'échelle mondiale à rendre des comptes chaque fois qu'ils exploitent des enfants et il ne faut pas qu'ils puissent trouver un refuge au Canada, s'ils sont identifiés dans un autre pays et viennent se cacher au Canada. Cela est nécessaire à notre époque de mondialisation, de cyberproxénétisme et de traite des personnes. Cette loi est constitutionnelle.
(1130)
    Nous ne pouvons plus laisser faire ces Canadiens qui recherchent l'amitié et l'affection des enfants pour ensuite les contrôler, les maltraiter et en faire ensuite la traite dans des pays comme la République dominicaine, qui est malheureusement un pays où s'est établie une bande de motards canadiens.
    Je vous remercie.
    Votre temps de parole est écoulé. Je vous remercie.
    Monsieur Attaran
    Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle Amir Attaran, et j'enseigne le droit et la médecine à l'Université d'Ottawa.
     Je vous remercie de m'avoir demandé mon opinion au sujet du projet de loi C-310. Vous connaissez bien sûr le sujet de la séance d'aujourd'hui. C'est la traite des personnes.
    L'image qu'évoque ce genre de crime est parfois caricaturale, mais elle est néanmoins réelle. Par exemple, c'est celle d'une femme originaire de l'Europe de l'Est qu'on amène à venir au Canada en lui faisant de fausses promesses ou des menaces et qui est obligée à son arrivée de se prostituer, tout comme l'a dit Timea.
    Ce genre de choses arrive, c'est certain, mais ce n'est qu'un exemple de ce phénomène. La traite des hommes se pratique également. Ils peuvent être forcés à exécuter des travaux agricoles ou à travailler comme domestiques. Il y a aussi des femmes au Canada qui ne sont pas des immigrantes, mais des Canadiennes et qui sont également des victimes de la traite. Il semble que la situation des femmes des Premières nations soit particulièrement mauvaise.
    Dans ce contexte, le projet de loi C-310 est effectivement très utile. Il est nécessaire. Il est constitutionnel. Il devrait absolument être adopté. Je n'exagère pas en disant que les gens qui l'ont proposé sont des héros. Je suis entouré par des héros des deux côtés de cette table.
    La partie essentielle du projet de loi contient les dispositions qui précisent le sens des expressions exploitation et traite des personnes et qui font de ces activités des crimes canadiens à l'échelle mondiale. J'aimerais expliquer un peu ces deux aspects.
    Lorsque la traite des personnes est commise à l'étranger par des Canadiens ou par des personnes qui résident habituellement au Canada, ils ne peuvent pas, à l'heure actuelle, être poursuivis au Canada. Le projet de loi va changer cette situation. Il permettra de poursuivre les Canadiens ou les résidents permanents qui font ce genre de choses à l'étranger. Ce genre de criminalisation mondiale est un grand pas dans la direction de ce que les avocats appellent « la compétence universelle ».
    Grâce aux précisions qu'apporte le projet de loi à la notion d'exploitation, les trafiquants exerçant des pressions psychologiques pour contrôler leurs victimes, sans les menacer d'utiliser la force et la violence, seront des criminels. Pendant des années, ils ont utilisé cette échappatoire. Ils pouvaient exercer toutes les pressions psychologiques qu'ils voulaient et pourvu qu'ils ne mettaient pas physiquement en danger leurs victimes, ils étaient innocents. Cela est stupide.
    Je suis donc très heureux de voir que tous les partis semblent s'entendre pour bloquer cet échappatoire et pour accorder à nos tribunaux une compétence universelle. Je dis bravo. Adoptez ce projet de loi.
    Je suis sincère dans mes félicitations, mais j'aimerais également être sincère, voire très direct, dans mes critiques. Pourquoi cette Chambre est-elle si peu ambitieuse? Il est vrai que vous faites un excellent travail en resserrant les lois applicables aux trafiquants de personnes, mais n'avez-vous pas jusqu'à un certain point oublié les victimes?
    Le projet de loi C-310, même si je l'aime beaucoup, ne fait rien pour les victimes. J'ai remis il y a quelque temps au greffier un document, et j'espère qu'il vous a été distribué; c'est la loi des États-Unis sur la traite des personnes. Voici la référence « 28 Code of Federal Regulations, Part 1100, Subpart B ».
    Examinons ce que fait la loi américaine, mais ce que ne fait pas la loi canadienne, même avec le projet de loi C-310. La loi américaine exige que les victimes de la traite soient logées, qu'elles reçoivent une aide juridique et un traitement médical à titre de victime. Elles ne sont pas emprisonnées comme des criminelles.
    En Amérique, la loi accorde aux victimes étrangères de la traite le droit de rester légalement dans le pays et d'être protégées, pour qu'elles puissent être un témoin-vedette et ainsi aider à mettre le trafiquant sous les verrous. Si vous les expulsez, vous ne pouvez pas faire cela. Mais, à l'heure actuelle, le droit canadien ne prévoit pas ces mesures de protection pour les victimes.
    Écoutez-moi sur ce point, je vous en prie. Il n'est pas possible de lutter contre le trafic des personnes en visant uniquement les trafiquants. Il faut également penser aux victimes. C'est ce que le projet de loi C-310 actuel ne fait pas.
(1135)
    Essayez de vous mettre dans la peau d'une femme victime de la traite que l'on oblige à se prostituer. Bien sûr, cela est très dur. Dieu merci, cela est très loin de ce que nous, ceux qui sont dans cette salle, avons connu. Mais, mettez-vous quand même dans sa peau. Lorsque vous n'êtes pas sur le dos en train d'être exploité sexuellement, vous souhaitez probablement qu'une personne en uniforme fracasse la porte et passe les menottes à votre trafiquant. Imaginez comment ce que vous souhaitez peut facilement devenir un cauchemar lorsque cela se produit, parce que les hommes et les femmes en uniforme qui entrent dans la pièce vous passent les menottes à vous. Pourquoi? Parce que le trafiquant, par exemple, a détruit votre passeport — cela fait partie du contrôle qu'il exerce sur la femme — et maintenant elle n'a plus de visa valide lui permettant de se trouver au Canada. C'est pourquoi on vous passe les menottes.
    Cette victime de la traite qui a été maltraitée et que, dans cet exemple, vous avez imaginé être, vient d'être enfermée dans une cellule et traitée comme une criminelle. Allez-vous dire aux hommes et aux femmes en uniforme ce qu'ils ont besoin de savoir pour qu'ils puissent enfermer votre trafiquant? Allez-vous témoigner pour la Couronne et aider les policiers à démanteler l'important réseau de criminels qui vous ont amené à cet endroit? Absolument pas, parce que vous n'avez aucune confiance dans les autorités.
    C'est une question de confiance. C'est la raison pour laquelle je dis que le projet de loi C-310 est un projet de loi extrêmement utile, mais qu'il est également insuffisant. Ces deux affirmations peuvent être vraies. Adopter le projet, je vous le demande, mais qu'aucun de vous ne pense que vous avez fait du Canada un chef de file dans la lutte contre la traite des personnes. Ce n'est pas ce que vous avez fait, vraiment pas. Le mieux que l'on puisse dire est que le Canada était un pays tout à fait désolant pour ce qui est de la lutte contre la traite des personnes, qui est notre réalité actuelle, et qu'il est devenu simplement un pays retardé, et qu'il se situe derrière les États-Unis et la loi américaine dont je vous ai parlée. Les États-Unis seront encore beaucoup plus avancés que le Canada.
    Je m'arrête de critiquer. Merci d'avoir été patient et de m'avoir écouté. Mes chers amis, chers députés, membres de tous les partis, je vous félicite vraiment d'avoir fait ce travail, mais je suis sûr que vous pouvez faire mieux. Voulez-vous que le Canada soit un pays de deuxième catégorie, un pays dépassé? Je suis sûr que ce n'est pas le cas. Vous avez là la possibilité de faire un pas énorme avec ce projet de loi et avec les mesures qu'il faudra prendre ensuite. Soyez audacieux et supprimez le trafic des personnes.
    Merci.
(1140)
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant commencer notre tour de questions avec les membres du panel. Vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses.
    Nous allons commencer par M. Harris.
    Merci à tous de nous avoir présenté des exposés passionnés et extrêmement intéressants sur cette question très importante.
    J'aimerais m'adresser à Mme Nagy, mais j'ai une question technique à laquelle M. Attaran pourra, je l'espère, répondre rapidement.
    Nous sommes en faveur de cette disposition à portée extraterritoriale et nous sommes en faveur de ce projet de loi, de sorte que les détails tels qu'ils se présentent ne nous inquiètent pas. La question est que l'extraterritorialité s'applique aux citoyens canadiens et aux résidents permanents canadiens, mais pourrait-elle s'appliquer à la personne qui, par exemple, fait la traite des personnes en Hongrie ou en Europe et vient ensuite au Canada, avec ou sans ses victimes, et se trouve maintenant au Canada? Pourrait-elle être poursuivie aux termes de ce projet de loi pour les crimes qu'elle a commis avant de venir au Canada et avant que le droit canadien lui soit applicable?
    Si cette personne était citoyen canadien ou résident permanent à l'époque de l'infraction, alors oui.
    Mais pas dans le cas contraire.
    Mais pas dans le cas contraire. Il n'est pas possible de viser le passé; cette loi ne peut avoir un effet rétroactif, comme celui auquel vous pensez, si je vous ai bien compris.
    Nous poursuivons pourtant les criminels de guerre qui viennent au Canada, qui n'ont pas commis leurs crimes ici, qui n'avaient pas le droit d'être au Canada avant d'arriver ici mais qui ont commis leurs crimes auparavant. Vous ne pensez pas que cela pourrait s'appliquer à ce projet de loi...
    C'est la raison pour laquelle j'ai dit que ce projet de loi était un pas dans la direction de la compétence universelle. Mais ce n'est pas une mesure qui attribue la compétence universelle sous sa forme la plus pure.
    Je le comprends. J'ai fait un discours à ce sujet à la Chambre des communes.
    J'aimerais adresser ma question à Mme Nagy. Je vous remercie d'être venue et nous faire connaître votre point de vue sur cette question, parce que je m'intéresse beaucoup à la façon dont sont traitées les victimes. Je remercie Mme Smith d'avoir soulevé cet aspect, tout comme nos collègues de la Chambre. J'ai examiné, comme vous l'avez fait également j'en suis sûr, le document que Mme Joy a cité comme étant le Protocole de Palerme, qui est un protocole visant à prévenir, supprimer et punir le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et que le Canada a signé le 14 décembre 2000 et ratifié le 13 mai 2002. Cela fait maintenant une dizaine d'années que nous essayons de mettre en oeuvre certaines dispositions pénales, comme doivent le faire les États parties à ce protocole. Il y a dans ce document un article entier — l'article 6(3) qui énonce:
Chaque État Partie envisage de mettre en oeuvre des mesures en vue d’assurer le rétablissement physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes, y compris, [...] en coopération avec les organisations non gouvernementales, d’autres organisations compétentes et d’autres éléments de la société civile [...] un logement convenable [...] des conseils et des informations, concernant notamment les droits que la loi leur reconnaît, dans une langue qu’elles peuvent comprendre; [...] une assistance médicale, psychologique et matérielle [...] des possibilités d’emploi, d’éducation et de formation.
    Deuxièmement — et j'ai regroupé ces deux éléments pour que vous puissiez fournir une réponse complète — en plus des mesures prévues à l'article 6, il faudrait envisager d'adopter des mesures législatives qui autorisent les victimes de la traite des personnes à demeurer sur notre territoire temporairement ou sur une base permanente dans les cas appropriés, et qui prévoient qu'il soit tenu compte des facteurs d'ordre humanitaire. C'est la terminologie juridique du sujet dont parlait M. Attaran. Le Canada a signé ce document il y a 10 ans.
    Je me demande si vous, à titre personnel, ou en tant que représentant de votre organisation, pouvez nous dire ce qu'il faudrait, d'après vous, faire, ou ce que vous pensez de l'état actuel à la fois du droit de l'immigration en matière d'expulsion ainsi que des mesures d'assistance et des services offerts aux victimes de la traite des personnes qui se trouvent au Canada.
(1145)
    Je vous remercie d'avoir posé cette question, mais je crains que vous n'aimiez beaucoup ma réponse.
    Je vais commencer par répondre à la deuxième question que vous avez posée au sujet des lois sur l'immigration. Il y a une mesure que le Canada a eu la générosité de prendre, à savoir accorder un permis de travail temporaire aux victimes de la traite des personnes, ce qui répond en fait à certaines questions que vous avez posées tout à l'heure. Si les policiers découvrent une femme ou un homme qu'ils estiment avoir été victime de la traite des personnes, cette victime a le droit de demander un permis de travail temporaire qui lui donne immédiatement accès aux services de santé. Elle peut également obtenir une très petite somme de démarrage et de l'aide sociale. Cela veut dire qu'elle a accès à peu près à tout ce quoi a droit un réfugié ou un résident permanent, ce qui est fantastique, et qui nous a beaucoup aidés ces deux dernières années.
    J'ai vu des victimes qui ont fait l'objet d'une mesure d'expulsion mais grâce à l'aide juridique gratuite qu'elles ont obtenue, elles ont pu faire annuler ces mesures. Les autorités de l'immigration ont décidé de ne pas les expulser et elles sont toujours au Canada. Je crois que nous avons obtenu beaucoup de succès de ce côté.
    Madame Smith, j'ai moi-même, avec beaucoup d'autres défenseurs des droits des victimes, beaucoup donné de formation aux policiers au cours des deux ou trois dernières années. Les policiers ont participé à ces ateliers en très grand nombre. J'en ai formé environ 60 000 par l'intermédiaire de la GRC ou d'autres services de police. Nous leur décrivons la situation très grave des victimes de la traite des personnes. D'après les appels que nous recevons des agents de première ligne, je dirais que 60 à 65 p. 100 environ des policiers que nous avons formés ne passent plus les menottes à ces victimes. Je pense que la GRC et tous les autres services de police ont appris à reconnaître très rapidement les victimes, d'après un certain nombre d'indices. Mme Smith fait un travail extraordinaire dans le domaine de la formation des policiers et je crois que nous progressons beaucoup dans ce domaine.
    La dernière chose que je vais vous dire, et cela m'attriste beaucoup d'avoir à le faire, est que les agences comme la mienne qui aident les victimes de la traite des personnes ne reçoivent aucune aide financière. Nous travaillons sans être rémunérés. Aucune des agences qui font du travail de première ligne pour les victimes de la traite des personnes ne reçoivent des fonds pour les salaires. Nous ne pouvons être rémunérés, parce que nous n'avons accès à aucune subvention. Il n'y a pas de refuges, parce que nous n'avons pas d'argent pour en créer. Tout ce que nous avons fait, nous l'avons fait grâce à Dieu et à des fonds privés.
    Il serait extrêmement important de créer un groupe de travail national sur les ONG. Nous le réclamons depuis deux ans. Nous voulons que quelqu'un se rende compte qu'il faut que les ONG travaillent ensemble. Nous avons besoin de davantage de services et d'un grand projet. Nos prières ont été entendues par Mme Smith. Elle a consulté l'année dernière de nombreuses ONG, des travailleurs de première ligne comme moi, et elle nous a demandé ce dont nous avions besoin pour améliorer les services. Nous voulons rattraper les États-Unis et fournir des services appropriés aux victimes.
    Mme Smith a créé un plan d'action national. Nous prions tous pour que soient prises certaines mesures législatives ou que cela devienne légal, parce que toutes les agences canadiennes que je connais éprouvent de graves difficultés sur le plan des ressources humaines. Nous avons parfois besoin de services de counselling, mais ils ne sont pas offerts à ces victimes.
(1150)
    Merci beaucoup.
    Nous avons largement dépassé le temps prévu, mais je pense que cette information nous sera très utile.
    Madame Findlay.
    Je vous remercie tous d'être venus ce matin. Mme Smith est ma collègue et je sais tout ce qu'elle a accompli et le sérieux avec lequel elle tente de résoudre ces problèmes complexes. Je sais que tous ceux d'entre vous qui connaissent personnellement cette situation y mettent aussi bien leur coeur que leur esprit. Je vous remercie tous pour cela.
    Ai-je bien prononcé votre nom?
    Tout à fait.
    Je sais que des journées comme celles-ci doivent être très pénibles pour vous, mais vous en avez connues beaucoup d'autres lorsque vous avez décidé de parler publiquement d'un problème très dur à vivre.
    J'ai lu ce que vous avez vécu. Je sais que vous avez été obligé de travailler comme prostituée à Toronto. Vous êtes arrivée de Hongrie et on vous a confisqué vos papiers d'identité, et vous pensiez que vous veniez pour vivre un été tout à fait différent, d'après ce que j'ai compris, et que, miraculeusement, vous avez réussi à vous enfuir et à rentrer chez vous. Vous n'avez toutefois pas trouvé l'aide souhaitée dans votre pays, je crois, que ce soit de la part de la police hongroise ou d'autres organismes. Vous êtes revenue au Canada et nous sommes vraiment très heureux que vous ayez choisi maintenant d'y vivre.
    Je crois savoir que vous avez travaillé avec le détective Bert O'Mara et avec le service de police du Canada. Je crois que vous avez dit que vous aviez formé près de 60 000 personnes, ce qui est un chiffre vraiment impressionnant. Je crois que vous avez parlé à des gens de l'immigration, de la GRC et d'autres services de police, tout en effectuant le travail que vous faites à l'heure actuelle.
    Je crois également savoir qu'en mars 2004, après de longues années, le tribunal a acquitté que votre exploiteur et agresseur sexuel des accusations portées contre lui, et je suis certaine que vous auriez aimé que ce procès se termine différemment.
    Voici ce que j'aimerais savoir. Vous êtes ici la seule personne qui a malheureusement vécu ce dont nous parlons aujourd'hui. C'est très bien de parler de la théorie de la compétence universelle et de toutes les choses que nous essayons de faire, mais j'aimerais que vous, qui avez vécu cette expérience et qui défend maintenant les droits des victimes, me disiez comment ce projet de loi vous aurait évité de vivre ce que vous avez vécu.
    Si ce projet de loi avait existé à l'époque, pensez-vous que votre vie aurait été différente, ainsi que celle de ceux que vous avez bien évidemment connus, qui ont vécu la même expérience regrettable et qui sont, en ce moment même, en train d'être exploités.
    Je vous remercie d'avoir posé cette question. Je l'apprécie vraiment beaucoup.
    La première disposition relative au trafic des personnes qui a été ajoutée au Code criminel — l'article 279.03, je crois — aurait changé ma vie immédiatement, parce qu'au moment où j'ai vécu cela, il s'agissait seulement d'exploitation et il n'y avait pas de loi au sujet de l'exploitation sexuelle.
     La deuxième loi que notre Parlement a eu la bonté d'adopter — et j'ai été très reconnaissante de le constater — aurait également changé ma vie à cette époque, parce que j'aurais pu obtenir alors un permis de travail temporaire. J'aurais pu aller voir un médecin. J'aurais pu apprendre l'anglais. J'ai ainsi été obligée de regarder de nombreuses émissions de Friends, avec les sous-titres. Quoi qu'il en soit, d'une façon ou d'une autre, j'ai réussi à apprendre l'anglais.
    Mais à l'époque, je n'avais pas le droit de travailler. Je n'avais pas le droit d'aller voir un médecin. Après tout ce que j'avais vécu, j'ai eu des frais médicaux d'un montant de 5 000 à 6 000 $ et j'ai été obligée de travailler pendant six ans au salaire minimum et d'avoir trois ou quatre emplois pour rembourser ces frais.
    C'était donc la deuxième mesure législative que j'ai vraiment très appréciée. Elle aurait complètement changé ma vie.
    Mon procès a suivi sont cours. C'est devenu une simple affaire d'exploitation sexuelle contre un seul Canadien, parce que les hommes qui m'avaient recrutée en Hongrie avaient déjà quitté le Canada. Il n'y avait don rien... Ils n'ont rien pu faire.
    Quel aurait été l'effet de ce projet de loi? Grâce à lui, je ne me serais même jamais retrouvée dans cette situation: il l'aurait empêché. Ma vie aurait été complètement différente. Je ne serais pas aujourd'hui devant vous en train de vous parler. Si une loi comme celle-ci avait existé, je ne serais jamais montée dans cet avion, parce que les gens qui m'ont recrutée auraient été obligés de rendre des comptes et ils auraient su que dès qu'ils arriveraient au Canada, ils iraient en prison pour ce qu'ils avaient fait en Hongrie, si je demandais l'aide de la police.
(1155)
    Merci.
    Monsieur Casey.
    Mme Kerry-Lynn D. Findlay: Il ne me reste plus de temps?
    Le président: Je suis désolé. Il ne vous en reste plus.
    Monsieur Casey.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Prober, vous avez parlé de l'affaire MacIntosh.
    Elle a été portée devant la Cour suprême. Je dois le préciser. Il faudrait donc que l'affaire soit d'abord entendue par la Cour suprême pour qu'il y ait une enquête. Après cela... Si ce n'est pas le cas, j'espère que l'enquête va se poursuivre.
    Ce projet de loi aurait-il changé quoi que ce soit dans cette affaire?
    Non. La seule raison pour laquelle j'ai mentionné cette affaire est qu'elle montre qu'il faut mettre en place certains systèmes si nous voulons appliquer cette loi de façon extraterritoriale et qu'elle soit efficace. Tout le monde doit être opérationnel. Tout le monde doit être formé. Je pourrais peut-être demander à notre conseiller juridique de vous parler de...
    Mais d'une façon générale, c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné cette affaire. C'est une excellente chose que nous le fassions, mais prenons un cas vraiment horrible. Ou il y a aussi cette autre affaire, l'affaire Wrenshall. C'est un individu qui a eu la mauvaise idée d'ouvrir un bordel à Bangkok. Ce serait un cas où l'individu en question aurait pu être obligé de rendre des comptes au sujet de la traite des personnes à Bangkok, mais cela n'a pas été possible. Ce sont les États-Unis qui l'ont obligé à le faire; il a été arrêté en Angleterre et ramené pour des accusations de complot parce qu'il avait offert des garçons à des citoyens américains. Il n'y avait donc rien qui s'appliquait à lui à l'époque.
    Mais peut-être que Mark veut ajouter quelque chose.
    Je veux simplement ajouter qu'Au-delà des frontières essaie toujours d'éviter d'appuyer une modification législative qui n'aurait qu'un effet isolé. Par conséquent, les autres fois que nous avons comparu devant les comités, nous avons toujours essayé de dire qu'il fallait adopter une approche intégrée à ce problème. Ce serait une excellente chose que ce projet de loi soit adopté. Il est évidemment très important et nécessaire. Mais nous devons également veiller à ce que les mesures pénales que nous adoptons s'intègrent aux autres protocoles existants, comme par exemple, celui de l'immigration, aspect qui a été soulevé, mais aussi plus précisément avec l'affaire MacIntosh, toute la question des bureaux des passeports et du rôle qu'ils jouent pour faire appliquer les dispositions extraterritoriales.
    C'est la raison pour laquelle nous essayons toujours de soulever cet aspect, pour que les gens sachent qu'il n'y a pas seulement le travail que fait votre comité, mais il y a aussi l'effet que ce travail a sur celui qu'accomplissent d'autres secteurs du gouvernement fédéral.
    Madame Prober, vous avez mentionné un autre cas au sujet de quelqu'un qui avait ouvert un bordel et qui avait finalement fait l'objet de poursuites aux États-Unis.
    Voilà qui m'amène à ma question suivante. Pour ce qui est des cas qui font ressortir l'existence d'une lacune dans nos lois, lacune à laquelle remédie le projet de loi, y a-t-il des cas particulier auxquels ce projet de loi apporte une solution? Ou le problème est-il tellement vaste qu'il ne peut être ramené aux cas individuels dont nous nous occupons.
    Je vous pose cette question, mais je pense qu'il y a peut-être d'autres témoins qui aimeraient répondre également.
    Pour ce qui est du problème de la traite des enfants à des fins sexuelles, ce sont en général des enfants canadiens qui sont victimes de la traite locale ou nationale. C'est effectivement une réalité. En fait, je ne pense pas qu'il y ait actuellement de poursuites concernant des enfants victimes de la traite qui ne concernent pas des enfants canadiens, et non des enfants qui ont été amenés au Canada. D'une façon générale, pour ce qui est de la traite à des fins sexuelles, de l'utilisation des enfants dans un but de lucre, nous constatons que c'est un phénomène local.
    Vous avez mentionné en fait les États-Unis. Je trouve que l'on félicite parfois à tort le États-Unis. En réalité, l'argent qu'a versé The Body Shop aux États-Unis à notre groupe américain ECPAT a été utilisé pour présenter des mesures législatives ayant pour but d'éviter que les enfants qui se prostituent soient arrêtés. Il est fort possible que les États-Unis aient fait de bonnes choses pour ce qui est de lutter contre les trafiquants étrangers aux États-Unis, mais pour ce qui est des enfants de ce pays, ils sont très loin derrière les autres pays, et ils sont toujours arrêtés dans de nombreux États.
    Pour revenir à votre question, cela va-t-il permettre de lutter contre ce phénomène ou existe-t-il un phénomène de ce type, qui est, je crois, la question que vous posez? Une des choses...
(1200)
    J'aimerais en fait savoir s'il y a des affaires précises dans lesquelles les poursuites ont échoué parce que nous n'avions pas ce projet de loi. C'est là où je veux en venir.
    Je pense que, si vous prenez le cas des groupes polygames en Colombie-Britannique, nous savons parfaitement que ceux qui pratiquent la polygamie en Colombie-Britannique, les membres de la secte FLDS, se rendaient aux États-Unis et faisaient venir des jeunes mineures qu'ils épousaient. Ce serait là bien évidemment un cas où ces personnes exerçaient des activités criminelles et où il n'y avait pas de loi qui l'interdisait.
    Merci.
    Allez-y, monsieur MacKenzie.
    Allez-y.
    J'allais d'abord donner la parole à Mme Nagy.
    Nous savons à l'heure actuelle qu'il existe des cas où nous ne faisons rien. Nous connaissons des Canadiens qui, à l'heure actuelle, font exactement ce genre de choses. Ils ont des bordels. Il y a un homme qui a ouvert un bordel à Haïti. Je ne voudrais pas trop en parler publiquement, parce que nous attendons que ce projet de loi soit adopté. Sa plus jeune victime a quatre ans. En plus, il est revenu au Canada et il continue à faire la même chose à des enfants canadiens. Nous voulons en fait donner tous les outils possibles aux services de police pour qu'ils puissent intervenir dans ces affaires.
     Si vous regardez ce que nous avons fait jusqu'ici, nous avons eu le projet de loi C-49, notre premier projet de loi contre la traite des personnes, qui a obtenu la sanction royale en 2006. C'est une loi toute nouvelle. Mon projet de loi a ensuite été adopté, le projet de loi C-268, qui impose des peines minimales obligatoires, et nous allons maintenant posséder d'autres outils pour ces personnes. Si vous regardez le tableau, vous constaterez que, jusqu'à tout dernièrement, il n'y avait aucune affaire de traite des personnes. Aujourd'hui, nous avons 19 affaires de traite des personnes au Canada qui on donné lieu à des accusations reliées au projet de loi C-268 et nous avons aujourd'hui devant les tribunaux 55 affaires de traite des personnes qui sont reliées à d'autres lois canadiennes. Pour ces 19 ou 55 affaires, ce que j'essaie de dire, c'est qu'il n'y en avait aucune auparavant. Maintenant, grâce aux lois que nous avons adoptées, les services de police arrêtent ces personnes et avec le projet de loi C-310... Je connais à l'heure actuelle un cas tout près de la colline parlementaire que nous suivons depuis quelque temps... Nous ne pouvons rien faire à cette personne si elle ne se rend pas aux États-Unis, ce qu'elle ne fait pas.
    Nous avons largement dépassé notre horaire.
    C'est un domaine qui a été laissé de côté et que je n'ai pas encore mentionné.
    Il n'y a eu encore aucune poursuite pour ce genre de traite. C'est tout simplement parce que les poursuivants ne disposent d'aucune disposition législative leur permettant de lancer des poursuites. Il y a une chose qui est très bien connue et qui existe depuis quelques années maintenant et qui s'aggrave de mois en mois. Il y a des trafiquants canadiens qui attirent nos filles canadiennes à Las Vegas, à Atlantic City, à Miami. Il y a des filles qui quittent le Canada pour chercher leur petit ami de rêve à Las Vegas. La situation est tellement grave que le service de police de Las Vegas a mis sur pied une unité appelée « Groupe de travail de lutte contre les proxénètes ». Ce service a constitué une base de données concernant les trafiquants canadiens. Et personne ne peut rien faire.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Seeback.
    Joy, vous avez fait de l'excellent travail. Je suis fier d'être un des nombreux députés qui ont appuyé ce projet de loi.
    Ce projet de loi va donner au Canada la capacité d'intenter des poursuites pour les infractions de traite des personnes commises par des citoyens canadiens ou des résidents permanents canadiens. Pensez-vous qu'il sera encore nécessaire d'établir un lien réel et substantiel lorsque nous entreprendrons des poursuites aux termes de cette nouvelle loi?
    Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « lien »?
    Je veux dire un lien réel et substantiel avec le Canada.
    Il est absolument nécessaire d'établir un lien avec le Canada, mais le seul fait d'être citoyen canadien le démontre.
    Nous faisons beaucoup de bonnes choses, comme Timea l'a dit, comme le plan d'action national qui est en train d'être élaboré à l'heure actuelle et qui a pour but d'aider les victimes de crime. Mais ce projet de loi va certainement renforcer un bon nombre de mesures que nous sommes en train de prendre. Il y a plusieurs organisations criminelles qui se protègent en essayant d'exercer leurs activités en dehors de nos frontières.
    Je ne pense pas qu'il soit très difficile d'établir ce lien. Le seul fait d'être résident permanent ou citoyen canadien établit ce lien.
(1205)
    J'examinais quelques amendements qui ont été proposés. Le texte lui-même contient une liste de votre version: « l'accusé a utilisé ou menacé d'utiliser la violence;... l'accusé a utilisé ou menacé d'utiliser la force;... l'accusé a utilisé ou menacé d'utiliser toute autre forme de contrainte », etc.
    Je sais que cette liste n'est pas limitative. Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez choisi d'utiliser ces termes particuliers dans les amendements ou y a-t-il d'autres indicateurs?
    Je pose la question à tous les témoins; y a-t-il d'autres indicateurs que nous devrions envisager d'ajouter pour être sûrs que cette disposition couvre toutes les possibilités?
    Ce sont les termes qui sont habituellement utilisés dans d'autres pays. Mais d'un point de vue plus large, le gros problème que nous avons ici au Canada est que, bien souvent, les auteurs de ces infractions sont acquittés, parce que cette notion n'est pas précisée. C'est un peu comme un outil, une aide pour les tribunaux, qui précise exactement ce dont nous parlons.
    À l'heure actuelle au Canada, le trafic des personnes est loin de susciter l'attention de la population. Il a fallu former les policiers pour leur expliquer ce qu'était la traite des personnes, il a fallu informer les juges au sujet des lois existantes. Ils ne savaient pas exactement ce qu'était la traite des personnes. C'est la raison pour laquelle j'ai essayé d'être très précise pour donner une portée plus large à la formulation. Des policiers, des poursuivants de la Couronne et des victimes m'ont répété, je ne sais combien de fois, que la définition du terme « exploitation » était insuffisante. C'est la raison pour laquelle je l'ai insérée ici.
    Monsieur Attaran.
    Cette partie du projet de loi est très bien rédigée. Je vous tire mon chapeau; la formulation est excellente. Elle énumère des exemples que les tribunaux pourraient qualifier d'exploitation, mais elle contient également ce mot magique: « notamment ». Ce n'est donc pas une liste limitative. Si ce mot n'était pas là, je serais très inquiet, mais il est là.
    Très bien.
    Merci.
    Je voulais dire que, lorsque Mark et moi avons travaillé sur le projet de loi relatif au tourisme pédophile, la plupart des gens qui s'y opposaient pensaient que le ciel allait nous tomber sur la tête si nous adoptions ce projet de loi. Mais en réalité, si nous ne le faisons pas, notre pays sera un refuge pour les criminels qui ont commis leurs infractions à l'étranger. C'est la réalité, si vous êtes prêts à l'accepter. Si nous n'adoptons pas ce projet de loi, c'est ce qui sera la réalité: ils vont tout simplement rentrer chez eux et vous dire dommage.
    Il vous reste une minute.
    C'est très bien. Je serai heureux de donner mon temps de parole à un collègue qui souhaite l'utiliser.
    Monsieur Jean.
    Je vais reprendre là où mon collègue en est resté au sujet de la définition et de certaines choses qui ont été insérées dans la définition.
    Lorsque les tribunaux examinent ce genre d'affaires, au Canada du moins, ils examinent l'ensemble des preuves. Ils étudient toutes les preuves présentées. Pensez-vous qu'il aurait fallu ajouter quelque chose à cette disposition?
    Je m'adresse plus précisément à M. Attaran.
    Que puis-je dire? Je pense que c'est une excellente formulation. Je n'ai vraiment aucun problème avec cet article.
    Vous avez mentionné, et en fait critiqué, certaines lois canadiennes devant des instances internationales qui examinaient cette question. Je pense que les lois reflètent la société et que les choses évoluent très lentement, mais avez-vous des exemples précis à citer, autres que les États-Unis, de pays qui ont adopté des lois semblables mais qui, à votre avis, sont supérieures à celles-ci?
    Il ne faudrait pas tout mélanger. Le projet de loi C-310 est une excellente mesure. Je critique la Chambre parce qu'elle devrait aller plus loin. Je ne suis pas suffisamment spécialisé en procédure pour dire si cela se produit...
    Si vous permettez, étant donné qu'il ne me reste qu'une minute, parlez-vous des victimes après, à l'heure actuelle, ou pendant...?
    Exact. Le traitement des victimes...
    Je comprends cela. Nous avons par ailleurs des programmes sociaux très généreux, mais je ne sais pas comment ils s'appliquent à cette situation.
    Pour ce qui est du projet de loi et de l'article qui contient la définition, et pour ce qui est de pouvoir appliquer cette loi dans le monde entier, pensez-vous que nous allons suffisamment loin par rapport à ce que font d'autres pays?
    Pour cette partie, je vous accorderais de vives félicitations.
    Un A+?
    Vous demandez à un professeur de vous donner une note?
(1210)
    Exactement. C'est exactement ce que je demande.
    Des voix: Oh, oh!
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    On va tous se donner un beau A+ après l'adoption du projet de loi.
    Madame Smith, je veux vous remercier non seulement à titre de porte-parole adjointe à la justice, mais aussi à titre de porte-parole principale en matière de condition féminine. C'est un sujet qui me tient à coeur.
     Monsieur Attaran, j'ai pris bonne note de vos commentaires. Toutefois, je pense que c'est peut-être à un autre moment qu'il faudrait faire votre cri du coeur. On est en train de traiter de la question de la traite des personnes au-delà de nos frontières, et c'est une façon de corriger cela. S'il y a autre chose à faire par la suite, on le fera à ce moment-là. L'un n'empêche pas l'autre.
    J'ai une question à poser. N'y a-t-il pas un risque qu'il y ait des conflits de juridiction à un moment donné? Dans l'éventualité où le Canada voudrait intenter des poursuites contre l'un de ses ressortissants qui serait à l'extérieur et qui serait responsable de ce type de geste abject, et qu'en même temps, le pays où la personne se situe voudrait faire la même chose, que ferait-on? Est-ce qu'on se retrouverait aux prises avec des conflits de juridiction? C'est une de mes préoccupations.
    Je ne sais pas qui des experts peut répondre. Madame Smith, j'imagine que vous avez analysé cette possibilité.

[Traduction]

    Pour ce qui est de la compétence extraterritoriale, comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, c'est un aspect qui n'est normalement pas abordé par un projet de loi d'initiative parlementaire, mais dans ce cas-ci c'est exactement ce qu'il fallait faire.
    Un certain nombre de pays ont déjà étendu ou attribué, une compétence extraterritoriale spéciale pour la traite des personnes et j'aimerais vous inviter à examiner un rapport. La Commission du droit du Canada a publié un rapport sur l'exercice de la compétence extraterritoriale par le Canada et ce rapport mentionne que la plupart des situations où cette compétence extraterritoriale est exercée sont délibérément de nature multilatérale. Le Canada a toutefois la possibilité de s'attribuer une compétence extraterritoriale avant que la communauté internationale en soit arrivée à un consensus sur ce point.
    Je pense que vous voulez dire que ce consensus n'existe pas, que nous devrions prévoir cette compétence extraterritoriale dans un projet de loi d'initiative parlementaire, mais...
    Ce n'est pas vraiment ce que je veux dire. Mais peut-être n'ai-je pas été très claire.
    Disons que le Canada est en mesure de poursuivre quelqu'un qui se trouve en Suisse et que la Suisse veut aussi poursuivre cette personne pour les mêmes faits. Y a-t-il un conflit de lois? Voilà ma question.
    Non.
    Désolée.
    Puis-je y répondre?
    Que celui qui peut me donner une réponse le fasse.
    Ce n'est pas un problème. Il existe de nombreuses infractions extraterritoriales de ce genre.
    Bien sûr, Rosalind a mentionné les lois relatives à la pédophilie, qui ont une portée extraterritoriale, mais il y a aussi la torture, les détournements, certaines infractions de terrorisme, les agressions contre une personne jouissant d'une protection internationale, des infractions concernant le commerce des matières nucléaires — le plutonium, et ce genre de chose. Dans tous ces cas, il est possible d'invoquer, partiellement, voire même totalement, une compétence universelle, qui peut, en théorie, créer le genre de conflit avec les autres pays qui souhaitent eux aussi intenter des poursuites dont vous avez parlé.

[Français]

    Cela dit, dans les faits, ce n'est pas un problème fréquent. Nous avons suffisamment d'expérience au regard de cette question pour savoir comment résoudre ce conflit.
    Donc, cela ne permettrait pas à une personne de se glisser..., de sorte que cela s'éternise parce que deux pays seraient en concurrence pour savoir qui intenterait la poursuite contre le criminel.
    Selon moi, il s'agit d'un problème théorique. En réalité, nous n'avons pas de problème.

[Traduction]

    Je tiens à rajouter qu'en règle générale, les crédits sont limités, on manque de procureurs de la Couronne, etc. En principe, lorsqu'une personne était arrêtée, le pays concerné — prenons le cas, par exemple, d'un Canadien à Bangkok, en Thaïlande...
    Et il y a eu un cas à Bangkok, en Thaïlande, n'est-ce pas? Vous connaissez tous Christopher Paul Neil, M. Swirly, qui s'est cru plus fort que la police allemande? Il a été arrêté à Bangkok.
    Il n'a pas pu rentrer au Canada. Il aurait voulu, mais il n'a pas pu le faire. On l'a donc jugé là-bas. Si les autorités avaient déclaré qu'on allait le renvoyer vers le Canada, notre pays l'aurait accepté.
    Toutefois, de manière générale, lorsqu'une personne est arrêtée parce qu'elle s'est rendue coupable de tourisme pédophile, par exemple, à Cuba ou en République dominicaine, si ces pays veulent la faire passer en justice chez eux, ils ont le droit de le faire. S'ils ne le souhaitent pas, ils renvoient cette personne dans son pays d'origine. C'est très simple.
(1215)
    Très bien. C'est une excellente réponse. Je vous remercie. C'est ce que je voulais entendre.
    Est-ce que mon temps est déjà écoulé?
    Oui.
    Monsieur Woodworth.
    Je tiens personnellement à remercier Joy Smith pour son travail sur cette question. En compagnie de mon collègue, M. Seeback, je suis très fier de parrainer ce projet de loi. Je trouve extraordinaire qu'au XXIe siècle, nous en soyons encore à traiter d'un sujet tel que celui-ci et qu'il faut bien appeler par son nom, puisqu'il s'agit d'esclavage. Nous avons une toute autre idée de nous-mêmes et il est bon que ce soit clairement dit.
    Si vous me permettez d'élever quelque peu le débat, j'aimerais remercier le professeur Attaran. Je remarque que parmi tous les universitaires dont j'ai pu entendre le témoignage devant notre comité, vous êtes le premier à avoir déclaré: « Le problème ne se pose qu'en théorie, il ne faut donc pas s'en inquiéter ». Tous les autres universitaires que j'ai pu entendre se sont complu à exposer en long et en large des théories, et j'apprécie donc votre réalisme.
    J'aimerais reprendre une question soulevée par Mme Boivin. Auparavant, je tiens à ce que tout le monde sache bien, pour les besoins de notre procès-verbal, que les parlementaires ont bien appuyé vos efforts, madame Smith, notamment dans le cadre de l'ancien projet de loi C-268 et de la motion M-153, qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes en février 2007 pour demander au gouvernement de se doter d'une stratégie globale de lutte contre la traite des personnes dans le monde.
    Sur la question de la souveraineté des pays étrangers et des personnes mises en cause, Mme Boivin vous a demandé ce qui se passerait si deux pays ou plus voulaient poursuivre la même personne.
    Il me paraît tout à fait logique que le pays dans lequel cette personne se trouve entame les poursuites. Toutefois, d'un point de vue juridique, peut-on empêcher un deuxième pays d'entreprendre lui aussi des poursuites?
     Je vais prendre un exemple parmi les plus simples. Ainsi, si un individu, après avoir été poursuivi aux États-Unis pour une infraction liée à la traite des personnes est acquitté et revient au Canada, est-ce que la défense d'autrefois acquit s'applique ou est-ce qu'il pourra être poursuivi au Canada pour les mêmes faits?
    Ou encore, disons qu'une personne a été reconnue coupable à l'étranger et rentre au Canada. Est-ce que cette condamnation empêchera toute nouvelle poursuite en droit? J'imagine que notre ministère public aura toujours un pouvoir d'appréciation et il est possible que la solution soit là. Toutefois, j'imagine aussi que la Cour suprême aura son mot à dire au regard de la Charte, si l'on intente deux fois les mêmes poursuites.
    Ce sont là des questions d'ordre juridique; je vous prie de m'en excuser. Je vais d'abord demander à Mme Smith de me répondre et, si d'autres témoins veulent aussi le faire, je leur en serai reconnaissant.
    Il y a deux choses que je tiens à signaler. Il me paraît très peu probable que l'on puisse poursuivre à nouveau un individu s'il a déjà subi un procès dans un autre pays. Il vous faudrait avoir un sacré bon avocat, monsieur Woodworth. C'est toujours possible, mais on ne sait jamais avec les tribunaux. Je n'en connais pas d'exemples.
    Même en cas d'acquittement dans un autre pays, on ne peut pas intenter des poursuites ici?
    Non, pas à ma connaissance.
    Je vais demander aux avocats du groupe de vous répondre parce qu'ils sont bien plus compétents que moi concernant la procédure devant les tribunaux.
    Il faudrait peut-être que je vous laisse la parole. Vous avez éventuellement d'autres choses à ajouter.
    Je vous pose la question à tous les deux.
     C'est une folie pour un avocat de faire ce genre de spéculation, mais je vais quand même me lancer.
     Il est probable qu'une personne, qui a été acquittée dans un autre pays en sa qualité de Canadien ou de résident permanent inculpé de traite des personnes dans ce pays et qui rentre au Canada, ne sera pas poursuivie à nouveau dans notre pays. Si c'est le cas, et si elle a un bon avocat, elle pourrait alléguer pour sa défense d'autrefois acquit.
(1220)
    Même si elle a été acquittée à l'étranger?
    Oui. Il se posera alors la question — une question de droit très intéressante, et je ne peux pas y répondre ici sans y avoir réfléchi — de savoir si les normes juridiques en usage dans le pays ayant prononcé l'acquittement sont suffisamment comparables à celles du Canada pour que l'acquittement soit maintenu et que le moyen de défense d'autrefois acquit soit entériné.
    Tout va dépendre des faits en l'espèce. Je ne pense pas que l'on puisse faire des prévisions dans tous les cas.
    Très bien. Madame Prober, vous avez la parole.
    Je suis dépassée. Notre avocat connaît bien le sujet.
    L'affaire serait intéressante, j'en conviens.
    Je peux cependant vous dire qu'on le voit tout le temps en matière civile. Cela se produit constamment pour les multinationales. Elles sont astreintes à des normes différentes selon les pays.
    Aux États-Unis, il y a l'Alien Tort Claims Act, qui dispose expressément, dans le domaine des droits de la personne, qu'une multinationale peut être poursuivie dans différents pays en raison essentiellement des mêmes crimes contre les droits de la personne. Ce serait une nouveauté en droit pénal, mais on le voit effectivement dans les procès civils.
    C'est donc complexe. Je m'en tiendrai à cela. Mais je...
    Je vous remercie. Vous avez dépassé le temps imparti.
    Madame Freeman, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais vous poser une seule question et laisser le reste de mon temps à M. Harris.
    Monsieur Attaran, dans votre intervention devant notre comité, il semble que vous demandiez à ce Parlement de penser davantage en fonction de l'avenir. En fait, au Canada, les femmes et les jeunes filles autochtones sont particulièrement victimes de la traite des personnes dans un but d'exploitation sexuelle.
    Étant donné cette réalité, que peut faire ce Parlement pour qu'on tienne mieux compte dans la loi des besoins particuliers des femmes autochtones dans notre pays?
    Je ne me sens pas qualifié pour vous dire exactement quelles sont les dispositions juridiques dont on a précisément besoin pour protéger les femmes autochtones.
    J'espère que vous avez une autre...
    Au plan intérieur, éventuellement.
    Je m'intéresse aux femmes autochtones, mais de manière générale, dans notre pays...
    Dans notre pays, j'ai précisé dans mon exposé que le gros problème que posaient ces descentes de police c'est que, trop souvent, c'est la victime qui se trouvait menottée.
    Timea nous dit que la situation s'améliore — elle s'améliore —, mais selon ses propres statistiques, cela ne se produit pas dans 60 à 65 p. 100 des cas. Faites donc le calcul. Cela signifie que cela se produit effectivement dans un tiers des cas.
    Dans tout autre cadre, si l'on arrêtait la victime un tiers du temps, ce serait un tollé. Ce n'est pas dans un tiers des cas que nous devrions procéder ainsi, mais dans un pour cent des cas.
    On est encore loin du compte. Nous avons besoin de pouvoir dispenser des services de santé mentale pour les femmes qui sont victimes de violence domestique. C'est particulièrement important pour les victimes étrangères. Les victimes étrangères peuvent obtenir des permis de résidence temporaire, mais elles n'ont pas de logement. Elles n'obtiennent pas nécessairement des services de traduction. Le permis de résidence temporaire ne s'accompagne pas automatiquement d'un permis de travail; on a éventuellement besoin d'un avocat pour présenter un dossier.
    Cela ressort de la politique actuelle, celle du guide de CIC sur le traitement des demandes au Canada, à l'article 16. Je vous recommande de le consulter.
    Il reste des choses à faire pour que la procédure soit mieux adaptée, que ce soit pour les nationaux ou les étrangers. C'est ce que je veux que l'on comprenne.
    Mme Nagy a des observations à faire ici.
    Simplement, il n'est pas nécessaire en fait d'avoir un avocat pour obtenir un permis de travail. Il est inclus dans le permis de travail temporaire.
    M. Amir Attaran: Ce n'est pas le cas.
    Puis-je faire une observation?
    Allez-y.
    Je crois que votre question, madame Freeman, portait sur la nécessité de penser à l'avenir. C'est bien ça?
    Oui.
    Je vais simplement prendre un exemple qui pourra éventuellement nous aider. Je suis d'ailleurs d'accord avec M. Attaran pour dire qu'il nous faut en faire beaucoup plus.
    Cela dit, j'ai oeuvré pendant très longtemps auprès de la victime d'Imani Nakpangi, le premier individu coupable de traite des personnes traduit en justice et incarcéré par la justice canadienne. Elle avait 15 ans et demi lorsqu'elle est tombée dans ses griffes. Elle lui a procuré un revenu de 360 000 $. Si la police a réussi à l'arrêter, c'est parce qu'elle avait tenu un journal et qu'on a pu la sauver...Depuis lors, elle a terminé la 12e année.
    Les intervenants qui ont oeuvré auprès d'elle et auprès d'autres victimes de ce genre nous disent qu'il faut donner aux victimes leur chance, qu'elles ont besoin d'être logées en lieu sûr, qu'il faut qu'elles aillent à l'école. Je pense que tout cela s'intègre au plan d'action national dont nous parlons au sein du Parlement. Nous devons nous intéresser de près aux besoins, aux besoins personnels de ces victimes. Elles ont même besoin de vêtements. Elles n'ont pas de vêtements lorsqu'on les récupère.
    Je pense que cela répond en partie à votre question.
(1225)
    Je vous remercie.
    Merci.
    Il ne vous reste qu'une minute, monsieur Harris.
    Ce n'est pas beaucoup de temps, mais je dois dire à Mme Nagy que j'ai été quelque peu désorienté par sa réponse. Vous avez commencé par dire qu'à votre avis je n'aimerais pas votre réponse. Vous nous dites ensuite que tout va bien et c'est seulement à la fin de votre intervention que vous précisez qu'il n'y a pas de services pour ces victimes. Je dois donc avouer que je suis désorienté. Je ne pense pas que vous nous disiez qu'il n'y a rien à faire pour les victimes de la traite des personnes, mais vous avez effectivement précisé que les intervenants étaient bénévoles. Mme Smith dispense une formation à la police. Il y a des intervenants bénévoles. Il m'apparaît qu'une certaine aide du gouvernement s'impose, qu'elle soit financière ou autre, pour satisfaire les besoins des victimes de la traite des personnes tels qu'ils sont exprimés dans ce protocole.
    Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
    Je vais vous répondre sur une moitié de la question et passer ensuite la parole à M. Hooper.
    Oui, il y a de quoi être désorienté, parce que nous recevons une aide de certains ministères alors que d'autres ne font absolument rien. Le gouvernement va nous verser une subvention pendant un an. Cela va permettre de payer le loyer de notre maison d'hébergement pendant un an, et un an seulement.
    Une seule maison d'hébergement?
    Une seule maison d'hébergement, seulement pendant trois nuits.
    Sur tout le territoire du Canada?
    Sur tout le territoire du Canada — mais cela ne paie pas le salaire du personnel de la maison d'hébergement. Donc, oui et non. C'est pourquoi je suis aussi désorientée que vous.
    Je vais donner la parole à M. Hooper.
    Merci, monsieur Harris, d'avoir posé cette question.
    D'ailleurs, lorsque vous avez pris la parole au départ, j'ai mis une note: « Écrire à M. Harris ».
    Au sujet du paragraphe 3 de l'article 6 du protocole, en ma qualité de président de Walk With Me Canada, je peux vous dire qu'il n'y a pas de crédits. Il m'appartient probablement de vous communiquer les états financiers de cette organisation, qui s'occupe des victimes de la traite des personnes à l'échelle du Canada et qui opère avec un budget de moins de 100 000 $ par an. Et cela englobe tout. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des bénévoles. Mme Nagy a bien voulu reconnaître que nous étions aidés par des bénévoles, mais il faut bien voir aussi qu'il n'y a pas d'argent, pas de financement. Le financement actuel de la maison d'hébergement vient à échéance le 31 mars — il s'agit d'un financement provincial. C'est en Ontario. Je ne vais évidemment pas vous donner l'adresse, mais c'est en Ontario. On parle d'un séjour de 72 heures et d'une trousse de secours — je vais vous donner les chiffres exacts — comportant 100 $ de biens et de services devant permettre à ces hommes et à ces femmes de reprendre le cours de leur vie.
    Une fois que ces gens sont partis, ils ne savent jamais s'ils vont bénéficier de tout ce que leur promet le protocole: un logement, des services médicaux, des services de traduction. Mme Nagy ne vous le dira pas, mais c'est elle qui a fait gratuitement toute la traduction du hongrois à l'anglais dans le cadre du projet OPAPA. Aucune aide n'a été apportée par un organisme du gouvernement, qu'il soit provincial, fédéral ou municipal.
    Je pourrais passer encore cinq minutes à vous raconter ce qui s'est passé au sujet du projet OPAPA et des hommes victimes du travail forcé en Hongrie. Ils n'ont pas pu bénéficier d'une maison d'hébergement; certains d'entre eux ont dû être logés à l'hôtel grâce à des fonds privés.
    Je vous remercie.
    Je suis reconnaissant à M. Woodworth d'avoir préconisé, en présence des témoins intervenants devant le comité, toutes les mesures que nous évoquons ici, que nous avons appuyées et qui ont été enfin adoptées à l'unanimité par la Chambre. C'est une chose sur laquelle nous nous efforçons de collaborer pour améliorer la situation.
    Monsieur Jean.
    Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre à nouveau d'intervenir.
    En ce qui a trait tout d'abord à l'affaire MacIntosh, une enquête publique a été proposée. Si j'ai bien compris les faits en l'espèce, cet individu se trouvait en Inde et le tribunal a effectivement tenu compte du temps passé hors du Canada pour décréter que l'on n'avait pas intenté des poursuites dans un délai raisonnable, en dépit du fait qu'un mandat avait été délivré. En ce qui nous concerne, je propose que plutôt que de procéder à une enquête, on modifie la loi de manière à s'assurer que les juges prennent bien note du fait qu'on ne peut pas comptabiliser le temps passé à l'extérieur pour juger qu'un procès a été intenté dans un délai non raisonnable. Ai-je raison de voir les choses ainsi?
    Vous pouvez voir sur notre site Internet une analyse juridique de Jonathan Rosenthal au sujet de cette affaire. Au-delà des frontières considère que la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a interprété le droit de manière tout à fait erronée en ce qui concerne le délai. Nous avions là un individu qui fuyait...
    Je comprends parfaitement, et l'affaire devrait se retrouver devant la Cour suprême.
(1230)
    Je pense que la Cour suprême va régler la question.
    En effet.
    Ensuite, il nous faudra nous demander si le Canada est à la hauteur face à ce genre d'affaires.
    Très bien, mais ne pensez-vous pas comme moi qu'une modification apportée à la loi pour préciser l'expression « délai raisonnable » et ce qu'elle doit englober — et je vois que votre avocat fait des signes d'acquiescement — nous permettrait de nous assurer que la Cour suprême prend bien note de la chose et que l'on en tienne compte dans les futures décisions judiciaires?
    Je pense que ce serait vraiment très utile. S'il me faut spéculer, ce qui est toujours dangereux...
    Vous êtes avocat. Il vous faut spéculer.
    Si la Cour suprême tranche favorablement, j'imagine qu'elle va interpréter la disposition, et que celle-ci se retrouvera finalement dans le code.
    Il se pourrait bien d'ailleurs qu'elle vous écoute en ce moment et qu'elle nous écoute aussi, en notre qualité de législateur, et se dise qu'il faut faire ici quelque chose.
    Oui. Je pense que ce qui s'est passé dans cette affaire était une abomination.
    Effectivement.
    Madame Smith, avant que vous commenciez, je tiens à vous dire que c'est un grand plaisir de vous voir parmi nous aujourd'hui et de travailler en votre compagnie sur toutes ces questions dont vous vous occupez et qui vous passionnent. Toutes mes félicitations, donc, et mes voeux vous accompagnent dans votre travail.
    Avez-vous des observations à faire?
    Je tiens à signaler que notre gouvernement a affecté cinq millions de dollars à l'Initiative sur la traite des personnes. C'est une première.
    J'estime que tous les parlementaires, comme l'a dit M. Woodworth, ont pris une bonne part à cette cause parce que chacun a fait son possible pour faire avancer les choses. Nous sommes en train d'oeuvrer à la mise en place d'une stratégie nationale. Le premier ministre l'a effectivement annoncée lors de la dernière élection, et j'en suis très heureuse.
     Je remercie tous les parlementaires d'avoir permis l'adoption du projet de loi C-268. Il est actuellement en application sur le territoire du Canada.
     C'est un crime abominable. J'invite chacun à lire le livre intitulé Invisible Chains. Je ne touche aucune redevance sur ce livre, qui est une histoire canadienne. Lisez-le. On nous y parle de ce qui se passe au Canada.
    Il va falloir faire de gros efforts au pays pour régler ce problème.
    C'est une magnifique initiative, et vous en faites ici la publicité en brandissant ce livre. Je vous en remercie par conséquent et je remercie bien entendu notre gouvernement, qui a versé cette subvention importante.
    Ce n'est pas mon témoin, vous savez.
    Je pense qu'il va demander plus tard une signature.
    Je tiens à ajouter, au sujet des questions de compétence et du droit international, que j'ai fait partie de l'équipe Jessup d'Australie lors du concours international de plaidoirie.
    D'Australie?
    D'Australie — l'école de droit regroupait trois pays. C'était une grande chance de faire son droit dans ces conditions et je dois dire que j'ai particulièrement apprécié l'expérience à l'étranger.
    Bien entendu, la solution en droit international sur cette question dépend du statut de la Cour internationale de justice, d'autres traités postérieurs à 1946 et de la codification de toutes ces lois.
    Pourquoi ne pas étendre la compétence aux non-résidents et aux non-citoyens qui viennent au Canada en vacances et qui commettent ces crimes à l'étranger dans des pays qui n'ont pas les mêmes lois que les nôtres? Ils sont bien connus de la police. Cette situation existe. Pourquoi ne pas procéder de cette manière? Il y a des traités internationaux et nous avons une certaine latitude, une fois que ces personnes sont arrêtées pour agir de manière diplomatique. Mais pourquoi ne pas recourir à cette solution?
    Ma question s'adresse au professeur qui n'a pas voulu me mettre un A+ un peu plus tôt.
    Si vous voulez un A+ je vous le donne.
    Mais auparavant, je tiens à dire que l'équipe de plaidoirie Jessup de l'Université d'Ottawa vient de gagner le concours national.
    Attention, nous sommes là.
    Je ne peux pas expliquer votre choix de l'Australie, mais nous nous efforçons de faire le même genre de travail ici.
    Vous pouvez faire ce que vous proposez, recourir à une compétence tout à fait universelle.
    Nous pourrions faire la part des choses.
    Oui.
    Ce projet de loi ne possède pas une compétence universelle de 24 carats. Elle n'est que de 18 carats.
    Je considère que c'est bien. Il me semble que c'est comparable à ce qui a été fait. Je vous l'ai déjà dit, je pense que dans la liste figurent les détournements, la torture, etc.
    Si vous voulez posséder une compétence universelle sans faille de 24 carats, on peut aussi autoriser le Canada à poursuivre les étrangers n'ayant pas la citoyenneté et aucune résidence au Canada, qui sont ici en vacances. C'est possible, mais il faudra évidemment le préciser dans le Code criminel.
    Est-ce que je vais avoir un A+ pour cette idée?
    Oui, donnez-lui un A+.
    Je veux bien lui donner un A+.
    Est-il disposé à venir enseigner à l'Université d'Ottawa?
    J'ai l'impression que vous aviez bien besoin d'un A+. En avez-vous eu beaucoup à la faculté de droit?
    Monsieur Sandhu, vous avez la parole.
    En fait, j'en ai eu beaucoup, et je viens encore d'en avoir un aujourd'hui.
    Des voix: Oh, oh!
    Je vous remercie.
    Je tiens en fait à remercier Mme Smith d'avoir évoqué la question. Je sais que vous avez l'accord total de la Chambre en prévision de la troisième et dernière lecture.
    Ce qui m'a dérangé aujourd'hui, c'est quand j'ai entendu les autres témoins nous parler des dispositions de ce projet de loi, ou de celles qui devraient s'y trouver, pour aider les victimes. Je veux donc simplement vous demander si vous avez pensé aux victimes, ce que nous pourrions faire pour améliorer leur...? Que peut-on faire et qu'est-ce que vous recommanderiez en plus des dispositions qui figurent déjà dans le projet de loi?
(1235)
    Je vous dis tout de suite que c'est une très bonne question, monsieur Sandhu. Un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas contenir de dispositions financières. Ça m'est tout simplement impossible. C'est l'une des raisons pour lesquelles cela ne figure pas dans le projet de loi.
    Ensuite, un plan d'action national a été annoncé. Ce plan d'action national est en cours d'élaboration à l'heure actuelle, et il traite de questions telles que les besoins des victimes. J'ai rédigé un prototype intitulé « Connecting the Dots ». Le premier ministre l'a reçu et l'a remis aux autres ministres. Je ne sais pas s'ils s'en sont servi.
    Vous savez, nous devons en faire davantage, bien davantage en faveur des victimes, mais dans le cadre de ce projet de loi, je ne pouvais pas en faire plus.
    Certains groupes de victimes tels que Walk With Me nous ont dit qu'aucun crédit n'était disponible, dans aucun service du gouvernement. Vous ne pouvez pas prévoir de financement et aucune disposition de cette nature dans le cadre de ce projet de loi, mais que recommandez-vous au gouvernement? Vous avez désormais une certaine compétence en la matière. Quelles mesures, selon vous, doit prendre le gouvernement pour remédier à certaines des préoccupations exprimées par M. Attaran et Mme Nagy?
    Cette discussion a débuté il y a un certain nombre d'années, et c'est pourquoi des crédits ont été inscrits au budget l'année dernière — le dernier budget et celui d'avant — dans le cadre de l'initiative sur la traite des personnes. On n'en fait jamais assez. Nous devons oeuvrer ensemble pour sortir des sentiers battus. Nous avons de nombreux partenaires. Vous n'ignorez pas que c'est une très grande priorité parce que ces crimes sont de plus en plus fréquents. Nous voulons qu'ils cessent.
    Donc, vous n'avez pas...
    Je ne vais pas vous donner de chiffre parce que je pense que ce n'est pas réaliste. Je n'ai pas procédé à une analyse financière des besoins.
    Voulez-vous répondre, monsieur Attaran?
    Je ne peux pas vous dire ce qui va sortir de la mise en oeuvre d'un plan d'action national parce qu'il est en cours d'élaboration. Lorsque tout sera mis en place, j'espère que tous les partis de la Chambre se pencheront sur la législation devant accompagner ce plan. Un plan qui ne fait l'objet que d'une politique sans être entériné par le législateur est bien plus facilement laissé de côté par l'administration, pas de manière malintentionnée, mais tout simplement par négligence.
    Si, par exemple, ce plan vous est présenté dans un an, si vous l'avez étudié et demandé éventuellement à la Chambre d'y apporter des améliorations, j'espère que vous passerez alors à l'étape suivante et que vous inscrirez des différentes composantes dans la loi.
    J'allais simplement ajouter — et je sais que Joy sera d'accord avec moi — qu'avant de nous quitter, il nous faut absolument féliciter l'Armée du Salut du travail qu'elle réalise pour lutter contre la traite des personnes dans la rue.
    Est-ce que mon temps est écoulé?
    Il vous reste une minute.
    Ah, très bien.
    Madame Smith, pourquoi ces dispositions ne figurent-elles pas dans le projet de loi C-10?
    Je ne peux pas vraiment vous répondre sur ce point. Je sais qu'il y a de nombreuses dispositions du projet de loi C-10 qui portent sur l'exploitation des enfants et la pornographie sur les sites Internet. Lorsque mon fils faisait partie du détachement chargé de la lutte contre les activités pédérastes sur Internet, les crimes commis par l'intermédiaire d'Internet étaient particulièrement poursuivis.
    La traite des personnes ne se différencie pas de cette criminalité. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Ainsi, un prédateur peut se servir de l'Internet pour attirer des enfants. Même si on ne peut pas parler ici de traite des personnes, il y a effectivement des dispositions du projet de loi C-10 qui renvoient à ce problème.
    Je vous remercie.
    Je pense que le comité est prêt à passer à l'étude article par article. Nous tenons à remercier les témoins d'être venus. Vous pouvez rester si vous le voulez pendant que nous passons en revue les différents articles du projet de loi. Nous espérons pouvoir mettre fin à cette étude dès cette séance. Si vous voulez rester, je crois que c'est une bonne chose, mais vous avez toute latitude.
    Nous allons commencer. Vous le savez, ce projet de loi est très court. Nous allons l'examiner très rapidement.
(1240)
    Je vous remercie.
    Des voix: Merci.
    (Article 1)
    Je crois comprendre qu'il y a un amendement du gouvernement.
    Voulez-vous le proposer, madame Findlay?
    Très bien. Allez-y.
    Le projet de loi C-310 se propose de modifier le Code criminel dans deux domaines. Ce projet de loi d'initiative parlementaire va conférer une compétence extraterritoriale permettant de poursuivre, au Canada, des Canadiens ou des résidents permanents ayant commis à l'étranger, soit la principale infraction de traite des personnes, qui interdit toute forme de traite des personnes, à l'article 279.01, soit celle qui a trait précisément à la traite des enfants, à l'article 279.011, soumise à des peines minimales obligatoires lorsque la victime a moins de 18 ans.
    On y inclut une liste non exhaustive de comportements dont le tribunal peut tenir compte pour déterminer dans quelle mesure l'exploitation se rapporte à des infractions liées à la traite des personnes.
    Je suis en faveur de cette formule, et je félicite la députée pour son dévouement à cette cause, conformément au témoignage que nous avons entendu en ces lieux aujourd'hui, et pour sa franchise lors du débat en deuxième lecture visant à amender ce projet de loi de manière à mettre en oeuvre notre objectif commun qui est de donner à la police et aux ministères publics les outils leur permettant de traduire en justice les responsables de la traite des personnes.
    À ce propos, j'aimerais proposer deux amendements.
    Le premier porte sur l'article 1. Le premier amendement que je propose consiste à instituer deux autres infractions au Code criminel traitant précisément de la traite des personnes — en l'occurrence, à l'article 279.02, qui interdit que l'on tire un bénéfice financier ou matériel de la traite des personnes, et l'article 279.03, qui interdit la confiscation de documents d'identité pour faciliter la traite des personnes — qui figurent parmi les infractions au sujet desquelles le Canada peut revendiquer une compétence extraterritoriale.
    Comme on l'a dit précédemment, ces amendements faciliteraient l'exercice de nos obligations internationales et permettraient de s'assurer que nos lois traitent de façon cohérente toutes les infractions liées à la traite des personnes.
    Autrement dit, quelles que soient les infractions commises dans ce domaine, nous serions en mesure d'intenter des poursuites, au Canada, dans les circonstances appropriées, en raison d'agissements ayant eu lieu à l'étranger.
    Je fais appel au Règlement, monsieur le président, je n'ai rien à objecter au sujet des amendements, mais j'ai un certain nombre de questions à vous poser.
    En sommes-nous à l'article 2, c'est ce que vous dites?
    Nous en sommes simplement à l'article 1.
    Mme Kerry-Lynne D. Findlay: Ces dispositions se rapportent à l'article 1.
    L'amendement à l'article 1 rajoute en fait deux articles. C'est finalement ce qui se passe au sujet de l'article 1?
    Par ailleurs, je pensais que nous pourrions compter aujourd'hui sur les fonctionnaires.
    Mme Kerry-Lynne D. Findlay: Il y a un fonctionnaire ici.
    M. Jack Harris: Quelqu'un pourrait peut-être venir nous aider.
    Mais bien sûr.
    Pouvez-vous vous présenter?
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matthew Taylor: Je m'appelle Matthew Taylor, et je travaille à la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice.
    Le président: Merci.
    Merci, monsieur Taylor.
    Je comprends pourquoi ces deux articles supplémentaires vont être rajoutés à la clause d'extraterritorialité, et nous en sommes évidemment satisfaits. Ce qui m'inquiète ici, et c'est évidemment l'une des conséquences de ce type d'infraction liée à la traite des personnes...
    J'en ai vu des exemples. J'ai vu des films très dérangeants sur le commerce lié à l'exploitation sexuelle, des documentaires traitant du mode opératoire. La pratique qui consiste à détruire ou à écarter les documents doit bien évidemment faire l'objet d'une extraterritorialité pour lutter contre ces crimes.
    Ce que j'aimerais savoir, et cela nous renvoie à certains témoignages, c'est sur qui on va passer les menottes? Il m'apparaît, d'après le peu que je sais au sujet de ce type d'infraction, que les victimes participent effectivement à l'infraction d'une certaine manière, qu'elles sont en quelque sorte complices et que c'est elles qui pourraient bien détruire ces documents.
    Je suis donc quelque peu réticent lorsqu'on entre dans ce genre de détails que l'on risque de faire en sorte que les victimes soient aux prises avec cette loi.
    Avez-vous des observations à faire à ce sujet et quels sont les conseils que vous pourriez nous donner pour remédier à ce problème dans la pratique? Avons-nous besoin de faire une exception ici? Cet article m'inquiète quelque peu parce que je sais pertinemment qu'il risque de toucher les victimes elles-mêmes, que ce soit sous la forme de menaces d'expulsion, de menaces d'inculpation, selon qu'on risque de les englober, ou qu'on leur en fasse sentir la possibilité, dans le crime effectivement commis... parce que quelqu'un peut toujours venir leur dire: « Faites bien attention, vous pourriez vous aussi être poursuivi. »
(1245)
    C'est une bonne question. Je vous répondrai de deux manières. La première consiste à examiner la formulation de l'infraction elle-même à l'article 279.03.
    Vous l'avez dit, ce sont des pratiques auxquelles ont recours les individus responsables de la traite des personnes pour obliger leurs victimes à faire du travail forcé, pour les exploiter. C'est une tactique visant à exercer un contrôle et cette infraction, telle qu'elle est rédigée, lie cette conduite à la volonté d'exploiter ces personnes. Donc, lorsqu'on cache ou lorsqu'on détruit ces documents, il faut que ce soit fait dans le but de faciliter la traite des personnes. Je pense que, sur le plan des principes, cela exclurait la plupart des cas que vous avez évoqués, si j'ai bien compris, parce que si l'on dit à la victime qu'il lui faut détruire un passeport, je considère qu'il est logique de penser qu'elle ne le fait pas dans le but de faire la traite des personnes; elle le fait parce qu'elle a peur pour sa sécurité.
    Dans la mesure où théoriquement d'autres situations pourraient se présenter qui impliquent une infraction, et nous parlons de la victime, on pourrait envisager un pouvoir discrétionnaire permettant de ne porter aucune accusation, que ce soit de la part de l'agent de police ou du procureur de la Couronne, et vous avez déjà entendu aujourd'hui des témoignages de la GRC, de Mme Nagy et d'autres intervenants, qui affirment que l'on forme les agents de police pour mieux réagir dans ce genre de situations.
    Est-ce que je réponds à votre question?
    Très bien.
    (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal]).
    (L'article 1 modifié est adopté.)
    (Article 2)
    Le gouvernement propose un autre amendement.
    Madame Findlay.
    Effectivement. Je vous remercie.
     Le projet de loi C-310 propose d'interpréter l'article 279.04 en donnant des précisions détaillées. Ces précisions détaillées se présentent sous la forme d'une liste non exhaustive, dont nous avons discuté ici ce matin, des différents agissements dont le tribunal peut tenir compte pour déterminer si l'accusé a exploité une autre personne. L'amendement que je propose a pour but de simplifier ce paragraphe et de le rendre plus conforme à la rédaction des articles similaires dans le Code criminel. Cela consisterait à modifier le paragraphe 279.04(2) qui est proposé pour bien préciser que les agissements dont la liste figure dans le paragraphe sont pertinents pour déterminer si l'accusé a exploité l'autre personne, et à simplifier la liste des agissements répertoriés pour que la police, les procureurs de la Couronne et les tribunaux puissent s'y référer.
    En somme, nous voulons simplement être un peu plus clairs et nous assurer que ces dispositions répondent bien à leurs objectifs.
    Je vous remercie.
    J'ai une question à vous poser.

[Français]

    Je suis favorable à l'amendement, ça ne pose aucun problème. Par contre, je m'interroge. Vous ajoutez l'alinéa 279.04(2)a) proposé, où il est indiqué que « l'accusé a utilisé ou menacé d'utiliser la violence », pour introduire un concept de « force », ou « tout autre forme de contrainte ». La violence et la force sont deux concepts différents.
    Employez-vous le mot « force » dans le sens le plus générique du terme? Je retiens les propos de mon collègue ici: il ne s'agit pas nécessairement d'un geste de violence. Est-ce justement pour éviter les différentes interprétations possibles et pour commencer à jouer avec les mots? S'agit-il vraiment de tenter d'élargir le plus possible le sens du terme? J'essaie seulement de comprendre l'idée derrière l'amendement.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris la question, concernant la formulation actuelle, lorsque je l'examine — et bien évidemment Mme Smith en est l'auteur — j'ai le sentiment qu'elle s'efforce d'englober exactement ce que vous avez décrit, à savoir les différents types de comportements des responsables de la traite des personnes, que ce soit la violence pure, les menaces de préjudice corporel, les agressions physiques, les agressions sexuelles ou des comportements éventuellement moins coupables, tels que la violence psychologique.
(1250)
    Il était probablement trop restrictif d'utiliser simplement le terme « violence », mais nous avons le mot force qui suit, sauf que nous le remplaçons maintenant.

[Français]

« force » par « tromperie ».

[Traduction]

    Je pense que l'autre élément dont il faut également tenir compte est que du point de vue du droit pénal, les notions qui figurent dans le projet de loi C-310, la violence, la force et la contrainte, désignent à peu près la même chose dans un contexte de droit pénal.
    Je n'ai pas l'amendement devant moi, mais je pense, après avoir entendu ces remarques, que le but est d'essayer d'éviter tout risque de confusion de la part des policiers, des poursuivants, devant les tribunaux. Si nous parlons de violence, cette notion est-elle bien différente de la force? Cela est-il différent de la contrainte? Et je pense que l'objectif final, si j'ai bien compris, est de simplifier une formulation qui soit suffisamment large pour viser tous ces comportements, non seulement la violence physique, mais également les tactiques psychologiques.
    Excellent. Merci.
    J'aimerais simplement faire remarquer qu'il arrive que la menace d'utiliser la contrainte ou la force, par opposition à un acte manifestement violent, revient à empêcher quelqu'un de faire quelque chose. Vous empêchez quelqu'un de partir, par exemple, en menaçant de recourir à la contrainte.
    Il faut que cette formulation soit extrêmement large, parce que parfois, il s'agit de faire savoir à quelqu'un ce qu'il a fait à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas très subtil. C'est une menace implicite d'utiliser la violence, la force ou la contrainte. Il faudrait peut-être examiner cela. Nous supprimons, en fait, le mot « violence » que nous remplaçons par la « force ou toute autre forme de contrainte »... Je crois qu'on a tout simplement regroupé les alinéas 279.04(2)a), b) et c). Est-ce bien ce que nous avons maintenant?
    C'est ce qu'il semble. Merci pour le projet d'amendement.
    J'estime que les mots « force » et « contrainte » répondent à vos préoccupations, monsieur Harris, pour ce qui est des menaces de violence, des menaces manifestes, pas nécessairement pour vous — « vous savez ce que nous avons fait dans cette situation ». Ces mots laissent en fait entendre que, si vous n'êtes pas prudent, cela vous arrivera également à vous.
    Je crois que cette formulation donne aux policiers et aux poursuivants suffisamment de latitude pour viser le comportement qui vous préoccupe.
    Parfois, il ne s'agit même pas de leur faire savoir quelque chose. Il suffit de le faire à une personne, de la regrouper avec toutes les autres et que celle-ci dise ensuite ce qui lui est arrivé.
    Absolument. D'après moi, le projet de loi vise à élargir et à codifier la portée des dispositions existantes.
    Lorsque les infractions de traite ont été créées et édictées en 2005, et que ce critère de l'exploitation a été élaboré, le but était de viser tous les comportements dont vous avez parlé, pas seulement la violence physique, mais également la violence psychologique — les menaces d'expulsion, les menaces d'arrestation. Ils ne connaissent pas bien les lois canadiennes. Ils leur disent: « Eh bien, tu n'as aucun titre de voyage, et si tu ne fais pas cela pour nous, la police va venir t'arrêter et t'expulser. » L'intention était d'ajouter tous ces comportements aux critères actuels de l'exploitation. C'était un critère conçu pour englober tous ces comportements et l'effet que ce comportement aurait sur la victime.
    Pour ce qui est du fait que les victimes craignent pour leur sécurité, il a été mentionné que les victimes ont déclaré avoir peur et que c'est la raison pour laquelle il était difficile d'intenter des poursuites dans ce genre d'affaires. En réalité, le critère n'est pas de savoir si elles ressentaient de la crainte, mais s'il était raisonnable qu'elles en ressentent. Cela englobe tout le préjudice psychologique qui vous préoccupe.
    Je crois qu'il est plus facile de prouver la tromperie que les déclarations trompeuses.
    Ce sont là des notions légèrement différentes.
    C'est un aspect très particulier.
    Absolument. En droit pénal, il y a fraude lorsqu'il existe une intention délibérée de tromper une personne dans un but particulier. Cela a un sens juridique. La tromperie est légèrement différente de la fraude. Je pense que cette notion a également une portée un peu plus large.
    Très bien, je vous remercie.
    (L'amendement est adopté.)
    (L'article 2 modifié est adopté.)
    Le président: Merci. Le titre est-il adopté?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le projet de loi modifié est-il adopté?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le président peut-il faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi modifié pour usage par la Chambre à l'étape du rapport?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Nous avons l'intention de présenter le rapport à la Chambre lundi lorsque nous reviendrons de notre prochain congé.
    Encore une fois, j'aimerais remercier les témoins qui ont comparu devant nous et également le comité pour avoir fait ce travail dans un délai approprié. Je pense que nous avons tous mérité un A+.
    Je vous rappelle simplement qu'à notre retour, le Comité va examiner le projet de loi C-17 de M. Tilson. Le jeudi suivant est le jour du budget.
    La séance est levée.
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