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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Il y a quorum et, comme toujours, nous avons un programme chargé. C'est la huitième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous étudions le projet de loi C-10.
    Nous avons un groupe de témoins. J'ai eu l'occasion de bavarder avec la plupart d'entre eux, mais je répéterai que nous accordons à chacun une période de cinq minutes pour présenter un exposé préliminaire. Je vous ferai signe à quatre minutes pour que vous sachiez combien de temps il vous reste.
    Madame Campbell, veuillez commencer.
    Je vous remercie. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser au comité.
    Je vous parle au nom des victimes. Je représente le Canadian Centre for Abuse Awareness. Je suis moi-même une victime. Je peux vous expliquer, à ce titre, ce qui arrive quand un enfant subit une agression sexuelle. Il y a 20 ans, je menais une vie destructive et j'avais des tendances suicidaires. Cela me fait penser à une autre personne dont vous vous souviendrez sans doute, Martin Kruze, qui a été victime de violences sexuelles aux Maple Leaf Gardens. Il a été l'un des premiers parmi les 200 hommes qui ont parlé en public de leur situation de victimes. Son agresseur, Gordon Stuckless, a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour. Martin s'était alors suicidé. Je regrette de dire que les survivants ont des problèmes de dépression et de toxicomanie et, malheureusement, qu'il leur arrive souvent de se suicider.
    Il y a sept ans, nous avons tenu des tables rondes un peu partout en Ontario pour discuter de recommandations visant à protéger les enfants. Il y avait des procureurs de la Couronne, des agents de police, des travailleurs de première ligne. Pour les organismes de première ligne, les peines minimales constituent la première priorité.
    Nous travaillons dans les prisons, où près de 85 p. 100 des femmes ont été victimes d'agressions sexuelles. Dans le cas des hommes, je crois que le pourcentage est encore plus élevé. Bien sûr, des milliards de dollars sont consacrés chaque année aux soins de santé.
    Je crois fermement qu'il est impossible de réadapter un pédophile. Dans ces conditions, j'estime que la peine minimale devrait être encore plus longue. Grâce à ce projet de loi, je suis un peu encouragée parce que j'ai l'impression qu'une personne qui n'en est qu'aux tout premiers stades — comme regarder de la pornographie juvénile sur Internet — pourrait être dissuadée d'aller plus loin et peut-être de s'attaquer à un enfant.
    J'ai siégé au comité consultatif de la magistrature. Nous avons recommandé quelques très bons juges. Avec tout le respect que je leur dois, je dois dire que les juges n'appliquent pas la loi telle quelle. Je crois fermement que les peines minimales sont absolument nécessaires. Le Canada a la réputation d'être un endroit où les pédophiles aiment venir, à cause de notre système judiciaire. Je crois vraiment que ce projet de loi dissuadera ces gens de venir chez nous.
    J'aimerais aller encore un peu plus loin. Je voudrais qu'à part les peines minimales, nous ayons une surveillance électronique des délinquants après leur libération. À l'heure actuelle, par exemple, Gordon Stuckless se promène librement quelque part. Nous ne savons pas où il est. La surveillance est efficace. Les autorités de la Floride s'en servent. Les délinquants purgent une peine minimale, puis sont surveillés à leur sortie.
    Je suis très encouragée de voir que nous nous engageons sur la voie des peines minimales. Pour les victimes, cela signifie que leur vie a une certaine valeur. Comme victime, je peux vous dire que nous attendions cela depuis longtemps. Nous sommes une organisation nationale. Nos campagnes de sensibilisation à cette question ont suscité d'excellentes réactions. J'encourage le comité à aller plus loin. J'espère que ce projet de loi n'est qu'une première étape et qu'il nous sera possible d'allonger les peines minimales plus tard en y ajoutant la surveillance électronique. Comme nous travaillons auprès des victimes, nous sommes en contact avec des enfants exposés à la drogue et avec des chefs de police. Nous travaillons sur une loi prévoyant l'établissement de refuges sûrs. Comme victime travaillant dans ce domaine au nom de toutes les victimes, je peux vous dire que cela est absolument nécessaire. Je veux être en mesure d'enlever aux juges le pouvoir de prononcer des peines avec sursis.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
    Je vous remercie.
    Monsieur Cooper.

[Français]

    Bonjour. C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui. Je ferai ma présentation en anglais, mais vous pourrez me poser des questions en français.

[Traduction]

     Bonjour. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter des observations sur le projet de loi C-10, et particulièrement sur la partie 1 relative à la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.
    Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes se félicite de la décision du gouvernement de déposer à nouveau la Loi sur la sécurité des rues et des communautés dans le cadre du projet de loi C-10. Comme la plupart d'entre vous le savent probablement, cette mesure précise a été conçue il y a sept ans, puis est tombée à l'eau et a été réintroduite à plusieurs reprises. Nous espérons que, grâce à votre détermination, elle sera finalement adoptée.
    Avant d'aborder le cœur du sujet, je tiens à saluer la persévérance et le dur labeur de ceux qui ont conçu cette mesure, et particulièrement la Coalition canadienne contre le terrorisme et ses bénévoles, Danny Eisen, Maureen Basnicki, et Sheryl Saperia. Je suis également encouragé par le fait qu'au fil des ans, les diverses versions de cette mesure ont généralement bénéficié de l'appui de tous les partis politiques.
    En principe, la communauté juive organisée, au nom de laquelle je parle, appuie fortement cette importante mesure de soutien des victimes du terrorisme. Dans le pays, la communauté juive a été la cible de complots terroristes. Vous vous souviendrez sans doute qu'en août 1999, deux membres d'une cellule algérienne de Montréal ont envisagé de faire sauter un camion-citerne chargé d'essence dans un secteur de la ville fréquenté par un grand nombre de juifs orthodoxes. La communauté a également été la cible d'actes de violence à motivation politique. En avril 2004, par exemple, une bombe incendiaire a été lancée sur une école juive de Montréal.
    Hors du Canada, une jeune femme juive, Marnie Kimmelman, a été tuée en juillet 1990 par une bombe tuyau pendant qu'elle était assise sur une plage en Israël.
    À titre de communauté à risque, nous croyons que les victimes canadiennes du terrorisme devraient être autorisées à engager des poursuites au civil contre ceux qui commettent et appuient des actes de terrorisme, même s'il s'agit d'États étrangers. Nous espérons que ce projet de loi jouera un rôle dissuasif pour prévenir les actes de terrorisme futurs contre des citoyens canadiens. Cela étant dit, nous croyons que certaines modifications peuvent le rendre plus efficace, comme l'a expliqué mardi matin Mme Basnicki, de la Coalition canadienne contre le terrorisme.
    Notre première préoccupation concerne le paragraphe 4(2) qui traite de l'accès des victimes d'actes de terrorisme aux tribunaux canadiens dans le cas des actes commis à l'étranger. Dans sa forme actuelle, la disposition est ainsi libellée: « Le tribunal n'est toutefois compétent que si l'affaire a un lien réel et substantiel avec le Canada. »
    Nous craignons que ce libellé ne soit trop ambigu. Nous aimerions qu'il soit précisé pour que l'accès aux tribunaux soit garanti à tout citoyen canadien ou résident permanent.
    Notre deuxième préoccupation découle du fait que le projet de loi ne permet de poursuivre que les États qui soutiennent une entité inscrite. Comme l'a noté Mme Basnicki mardi, cela mettrait à l'abri les pays qui commettent directement des actes de terrorisme en recourant à des organismes d'État, comme dans le cas de la Libye et de l'attentat de Lockerbie. Même si la plupart des pays tels que l'Iran ont tendance à confier l'exécution de leurs actes de terrorisme à des agents comme le Hezbollah ou le Hamas, il n'est pas inconcevable que l'Iran, par exemple, recoure à sa Garde révolutionnaire pour mener des attaques directes.
     Pour éviter les procès frivoles, nous sommes favorables aux deux propositions figurant dans le mémoire de la Coalition canadienne contre le terrorisme ainsi que dans le projet de loi d'initiative parlementaire C-483 déposé par Irwin Cotler.
    Par ailleurs, le projet de loi ne permet d'intenter des poursuites contre un État étranger que s'il soutient une entité inscrite au sens du paragraphe 83.01 du Code criminel. Malgré toute notre confiance dans la procédure d'inscription, nous devons noter qu'elle est souvent longue et que de nombreuses organisations terroristes commettent des actes sous des noms d'emprunt ou en recourant à d'autres entités qui ne sont pas encore inscrites. Pour combler cette lacune du projet de loi et empêcher des États et des organisations terroristes d'échapper à leurs responsabilités en masquant leurs activités, nous proposons de modifier l'alinéa  4(1)b) en y ajoutant les « groupes terroristes agissant sous les ordres d'une entité inscrite ou de concert avec elle ».
    Notre troisième préoccupation porte sur la causalité. Comme beaucoup d'actes terroristes se produisent inévitablement à des endroits où il serait difficile, sinon impossible, de trouver des preuves reliant des fonds ou de l'aide à un attentat terroriste particulier, nous sommes d'avis qu'une simple preuve du soutien d'un État à une entité inscrite impliquée dans l'attentat devrait suffire pour établir la responsabilité. Par conséquent, nous appuyons les recommandations formulées à cet égard par la Coalition canadienne contre le terrorisme.
(0855)
    Quatre minutes.
    D'accord.
    Enfin, nous voudrions éviter que les États mettent des biens à l'abri en recourant à des intermédiaires qu'ils dirigent ou contrôlent. Une fois de plus, nous appuyons les modifications proposées à cet égard par la Coalition canadienne contre le terrorisme, tant pour désigner les biens que pour ajouter une disposition imposant au gouvernement de contribuer à leur détermination.
    Distingués membres du comité, d'une façon générale, le monde n'a pas réussi à poursuivre les terroristes, à les punir et à les faire payer pour leurs crimes haineux. Voici l'occasion pour les Canadiens d'en faire davantage, de faire triompher la justice et de donner aux victimes les moyens de s'en prendre à ceux qui ont réussi jusqu'ici à semer la terreur en toute impunité. L'adoption de ce projet de loi permettra à tous ceux qui ont subi un préjudice de poursuivre leur lutte contre le terrorisme dans le cadre de poursuites au civil.
    Merci, monsieur Cooper.
    Allez-y, monsieur Trudell. Je vous ferai signe quand vous en serez à quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
    Ce matin, pendant que j'embarquais dans l'avion, j'ai pensé au fait que le Conseil canadien des avocats de la défense célébrera son 20e anniversaire l'année prochaine. Au fil des ans, nous avons toujours été heureux des nombreuses occasions que nous avons eues de nous présenter devant le comité pour l'aider dans la mesure du possible à examiner des projets de loi.
    À titre d'avocat de la défense, je sais que vous avez entendu des témoins vous faire part de certaines préoccupations concernant quelques aspects du projet de loi. Pour ma part, j'estime que cette mesure contient des dispositions importantes et positives. Nous nous félicitons par exemple de l'examen quinquennal ainsi que de l'affirmation du fait que le terrorisme ne sera pas toléré. J'appuie en outre les observations présentées par mon ami, M. Cooper.
    Nous sommes également très heureux de voir dans le projet de loi une disposition — je crois que c'est à l'article 43 — prévoyant un programme de traitement de la toxicomanie, qui permet au juge d'envisager autre chose qu'une peine minimale obligatoire. Bien sûr, comme vous le savez, nous nous inquiétons de ces peines, qui limitent les pouvoirs discrétionnaires des juges.
    Toutefois, le message le plus important que je voudrais vous transmettre aujourd'hui est le suivant. Au cours d'une carrière de près de 40 ans, je n'ai jamais été témoin d'un mouvement aussi intense que celui que connaît actuellement le pays dans le domaine de la santé mentale. En écoutant la police, les juges, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les témoins, les dirigeants du pays et les membres du public — nous avons à cet égard le merveilleux exemple du programme « Cause pour la cause » de Bell Canada —, nous pouvons nous rendre compte que nous sommes devenus des chefs de file en matière de santé mentale. Il n'est pas difficile d'en attribuer le mérite au gouvernement, qui s'est montré proactif en créant la Commission de la santé mentale.
    En mai, j'ai eu le privilège d'assister à la conférence Building Bridges organisée par Justice Canada et Justice Alberta. Cette rencontre a réuni des représentants de tout le secteur, des victimes aux agents de police et des avocats de la défense aux médecins, qui sont venus discuter de la santé mentale et de ses effets sur le système de justice pénale. Le ministre Toews y a également participé.
    Le principal point dont je voudrais vous parler aujourd'hui est le suivant: le projet de loi ne traite pas spécifiquement de la santé mentale. Au nom du Conseil, je voudrais vous dire avec respect qu'il est extrêmement important en ce moment d'aborder cette question. Le projet de loi présente des principes louables — visant à assurer la sécurité des rues et des communautés —, mais il ne parle pas du tout de la santé mentale. Quel que soit votre parti, quelle que soit la région que vous représentez, quelle que soit votre discipline, nous avons tous une chose en commun: nous nous soucions de la santé mentale.
    Nous sommes donc très reconnaissants de voir l'article 43 dans le projet de loi. Je considère cet article comme une disposition d'exception relative à un programme de traitement de la toxicomanie. Elle s'inscrit bien dans les principes et l'objet du projet de loi, qui visent à assurer la sécurité des rues. Je peux vous dire que la communauté des organismes de sécurité est à l'origine de l'un des mouvements de leadership les plus impressionnants dans le domaine de la santé mentale et du traitement des toxicomanies. Nous proposons d'ajouter au projet de loi une disposition, que je vous soumets. J'en ai laissé un exemplaire au greffier. Pour rédiger cette disposition, nous nous sommes inspirés des articles et du libellé du projet de loi.
    En voici le texte:
a) Après qu'une personne a été reconnue coupable d'une infraction pour laquelle une peine minimale est prescrite, la cour peut, si elle est convaincue que l'état mental de cette personne exige des soins, différer la sentence afin que la personne reçoive des traitements ou participe à un programme pour santé mentale approuvé par le procureur général;
    … ce qui permet l'intervention des provinces, et…
b) Si la cour est convaincue que la personne a suivi avec succès le programme mentionné à l'alinéa a) ou que le programme pour santé mentale se poursuit, il n'est pas nécessaire d'imposer la peine minimale prescrite à l'égard de l'infraction pour laquelle la personne a été condamnée.
    Cette disposition fait pendant à l'article 43. Elle ne modifie pas l'objet du projet de loi, mais reconnaît le fait que la santé mentale est une chose que nous devons prendre en considération, une chose à l'égard de laquelle, encore une fois, le gouvernement a fait preuve de leadership. Je vous demande d'examiner cette disposition dans le cadre de votre examen du projet de loi.
(0900)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Trudell.
    Madame Jong.

[Français]

    Mesdames et messieurs du comité, bonjour. Je m'appelle Joanne Jong.
    Mon père, un agriculteur âgé de 88 ans, autonome, actif, lucide, en pleine santé, a été torturé et exécuté par deux dépravés sanguinaires. Ils ont ensuite caché le corps de mon père et fait disparaître toutes les traces de leur carnage. Heureusement, ils ont été contraints d'abandonner l'étape suivante de leur plan sadique, soit la dissection du corps en vue de disperser les restes.
    Mon père, comme les autres honnêtes citoyens victimes de crimes violents, a été la cible innocente de truands. Il n'a pas couru après. Toute sa vie, il a contribué au bien collectif de la société. Il a été attaqué chez lui, en plein jour. Sa vie s'est achevée d'une manière abominable, ces atrocités lui ayant été infligées par les tueurs dont l'un était un mineur et l'autre venait tout juste d'atteindre ses 18 ans.
    En tant que victime, je suis soulagée de constater que le gouvernement prend des mesures législatives afin d'assurer la protection des citoyens. La Charte canadienne des droits et libertés nous confère le droit à la vie et à la sécurité, et le gouvernement, par le présent projet de loi, prend ses responsabilités afin de soutenir ces droits. Le respect de la vie et de la sécurité est une valeur fondamentale de notre société, et personne ne peut s'arroger le droit de tuer un autre être humain.
    Les tueurs font le choix de tuer. Absolument rien ne justifie les tueries. Il va sans dire qu'en tuant, les tueurs font des victimes: non seulement la personne qu'ils tuent, mais également les proches de cette personne. Nous, les victimes, ne sommes pas victimes par choix. Nous devenons victimes à la suite des choix faits par d'autres et des crimes qu'ils commettent. C'est une peine à vie que nous purgeons.
    C'est à titre de victime que je comparais devant le comité afin de commenter le projet de loi, particulièrement les articles au sujet des tueurs. Bref, je ne retirerais rien du projet de loi à l'étude, car il vise les crimes les plus graves et les criminels les plus dangereux qui soient. Au contraire, je le bonifierais.
    Je trouve très important le fait de dévoiler l'identité des accusés de meurtre, même dans le cas des mineurs, car il est impératif de protéger la vie et la sécurité des citoyens contre les individus les plus violents et les plus dangereux de la société, quel que soit leur âge. Je suis tout à fait favorable à cette proposition contenue dans le projet de loi C-10.
    Si certaines mesures contenues dans le projet de loi C-10 visant les adolescents avaient été en vigueur, mon père serait encore de ce monde. En effet, ses tueurs ont commencé leur carrière criminelle par de nombreuses entrées par effraction et de nombreux vols de voiture pour lesquels ils n'ont pas pu être traduits en justice.
    La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet aux provinces de recouvrer auprès de l'adolescent ou de ses parents le montant des honoraires versés à l'avocat qui le défend. Je trouve que ce recouvrement devrait être rendu obligatoire.
    En ce qui concerne la notion de victimes d'actes criminels dans la législation fédérale, j'aimerais m'assurer qu'elle englobe la famille immédiate, soit les grands-parents, parents, enfants et frères et soeurs, dans les cas de meurtre.
    Le prononcé des sentences vise plusieurs objectifs, dont entre autres celui d'assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité.
    Le dédommagement doit donc faire partie intégrante de la sentence. Présentement, le dédommagement n'est que facultatif et est imposé que si le montant peut être facilement déterminé. Il est important pour les victimes que le dédommagement et les réparations des torts deviennent des composantes obligatoires de toute sentence.
    À l'article 54 du projet de loi, intitulé « Objet et principes », j'ajouterais à la loi l'article 3.2 qui établirait le dédommagement et la réparation des préjudices comme étant un principe fondamental de la justice réparatrice.
    Ce principe de justice réparatrice devrait constituer le premier point de l'article 55 du projet de loi, intitulé « Plan correctionnel ». Comme le criminel prisonnier a la possibilité d'effectuer du travail rémunéré, la valeur de son travail servirait à payer les dommages et réparations auxquels l'a condamné le tribunal. Il ne devrait pas avoir le droit à la libération tant qu'il n'aurait pas payé le montant de l'ordonnance en totalité, car le non-respect d'une telle ordonnance devrait être considéré comme un outrage au tribunal.
    Lorsqu'on dit que les tueurs doivent payer leurs dettes à la société, cette obligation doit être prioritaire. Pour moi, le fait que le tueur se retrouve derrière les barreaux à passer son temps à regarder la télévision, à jouer aux cartes ou à recevoir de la visite, ne correspond pas au principe de payer sa dette envers la société.
(0905)
    En ce qui a trait au pardon, je trouve impératif qu’il n’y en ait pas pour les tueurs, et ce, afin de protéger la vie et la sécurité des citoyens contre les individus les plus violents et les plus dangereux de la société.
    De plus, il faut que les tueurs soient automatiquement déclarés délinquants dangereux, et ce, dès la première condamnation, car tuer un autre être humain est le pire crime de tous, et il est impératif de protéger la société de ces criminels.

[Traduction]

    Je regrette, madame Jong, il ne reste plus de temps. Un membre du comité vous laissera peut-être terminer votre exposé en vous posant une question. Vous feriez donc bien de marquer votre texte, pour savoir où vous en êtes.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier tous les témoins d'être venus nous faire part de leur point de vue.
    Madame Campbell, je vous remercie de nous avoir raconté votre histoire et de nous avoir fait connaître vos vues.
    Je suis très conscient des conséquences d'une agression sexuelle pour les victimes. Je représente un grand nombre de personnes qui ont été sexuellement agressées par les Frères des Écoles chrétiennes dans un orphelinat de Terre-Neuve, dans les années 1990.
    En parlant de sentences, vous avez mentionné la peine minimale que nous avons ici. Certains agresseurs ont écopé de peines allant jusqu'à 13 ans d'emprisonnement, qui ont été confirmées en appel. Il n'y a certainement pas eu de clémence, parce que le tribunal a tenu compte des circonstances et des effets sur les victimes. Tout cela est possible dans le système de justice actuel. Je crois que cela devrait vous réconforter dans une certaine mesure. Il y a évidemment des cas particuliers qui suscitent des plaintes dans le public.
    M. Trudell nous a aidés en signalant la question de la maladie mentale, qui constitue aussi un facteur important pour les délinquants. J'ai justement reçu hier un document de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada qui présente des statistiques sur la proportion de femmes détenues dans nos prisons qui ont été victimes de violences physiques ou sexuelles: 72 p. 100 des femmes purgeant une peine de ressort provincial, 82 p. 100 des femmes purgeant une peine de ressort fédéral et 90 p. 100 des femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. Par conséquent, en plus des souffrances — dont vous avez parlé et que nous connaissons tous — liées aux toxicomanies, au trouble de stress post-traumatique et à ce qui entoure tout cela, beaucoup de femmes finissent en prison à cause de ce qui leur est arrivé.
    Nous avons le leurre par Internet. En fait, nous appuyons certaines des dispositions du projet de loi qui sont conçues pour combattre le leurre. Je dois ajouter que j'ai proposé hier une motion à la Chambre des communes pour retirer du projet de loi les dispositions concernant la violence sexuelle à l'endroit des enfants afin de les faire adopter très rapidement à la Chambre et au Sénat, où elles ont déjà fait l'objet d'études. D'autres aspects du projet de loi sont controversés. Certains témoins nous ont dit qu'ils peuvent augmenter la criminalité au lieu de la réduire. Nous devons les examiner d'une façon claire et approfondie.
    On me dit que le gouvernement s'y est opposé, soutenant que la motion était frivole. Je ne suis vraiment pas d'accord.
    Je voudrais cependant vous demander s'il y a des choses que nous devrions examiner en particulier en matière de prévention. En criminalisant le leurre par Internet et le fait de montrer de la pornographie à des enfants, nous pourrions arrêter les agresseurs avant qu'ils ne s'attaquent à leurs victimes. Y a-t-il autre chose que nous et la société pourrions faire pour prévenir la violence sexuelle et le crime en général?
(0910)
    Absolument. La prévention fait partie du mandat de notre organisme, le Canadian Centre for Abuse Awareness. Nous faisons des progrès dans ce domaine. Apprendre aux enfants les règles de sécurité et aux parents, la façon de mettre en garde leurs enfants fait maintenant partie des programmes d'études dans les écoles.
    La pornographie juvénile sur Internet est l'un de nos grands problèmes. Elle augmente constamment. Par exemple, Holly Jones était une petite fille qui rentrait de l'école. Son meurtrier était un homme qui regardait de la pornographie juvénile sur Internet. Ce fut un crime de situation. Holly était là par hasard, et cet individu en a profité.
    J'ai l'impression que la pornographie est tellement présente sur Internet et qu'il y a tant de gens qui participent que certaines personnes qui ne se seraient normalement pas attaquées à des enfants finissent par le faire. C'est un peu comme la drogue. Après un certain temps, comme on va de plus en plus loin, on finit par agir.
    Au sujet de la prévention, oui, absolument, nous sommes d'accord avec vous. Nous devons protéger nos enfants à tout prix. Par conséquent, la prévention joue un rôle énorme. Lorsqu'on a affaire à une forme de dépendance sexuelle, une fois qu'une personne a franchi une certaine limite, comme l'a dit mon ami ici, c'est un problème de santé mentale. On a alors un double diagnostic et on parle de dépendance.
    C'est très compliqué. Quoi qu'il en soit, que pouvons-nous faire pour protéger les enfants? Tout d'abord, condamner les responsables. Nous devons débarrasser nos rues de ces gens.
    Monsieur Harris, excusez-moi…
    Considérez-vous que les gens qui sont en prison sont aussi des victimes? Les femmes dont nous venons de parler n'ont-elles pas besoin elles aussi d'être aidées?
    Monsieur Harris, votre temps de parole est écoulé.
    Absolument. Nous allons dans les prisons pour offrir notre aide. Beaucoup de gens qui ont…
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous avons toute une série de membres qui veulent poser des questions. Étant le dernier sur la liste, je perds habituellement mon tour. Vous avez déjà signalé à M. Harris que son temps de parole est écoulé. J'aimerais avoir moi aussi la possibilité de poser des questions.
    Je vous remercie. Monsieur Harris, vous avez pris beaucoup de temps pour poser votre question. Je regrette, il faut que je vous interrompe.
    C'est maintenant au tour de M. Goguen.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je remercie tous les témoins.

[Traduction]

    Merci à tous de votre présence.

[Français]

    Madame Jong, étant donné que vous n'avez pas pu terminer votre déclaration, je vais vous donner l'occasion de le faire.
(0915)
    Je vous remercie infiniment. Je remercie également les membres du comité de m'avoir permis de commenter le projet de loi C-10 et d'exprimer mon point de vue.
    On entend souvent des critiques au sujet des coûts de la mise en application du projet de loi C-10. Je ne perçois pas ces sommes comme étant des coûts, mais plutôt comme un investissement visant la protection de notre vie et de notre sécurité, des garanties conférées par la Charte. Mes impôts se trouveront bien investis. De plus, ce que ces critiques oublient de mentionner, c'est qu'en protégeant mieux les citoyens contre les pires criminels, les coûts associés à la victimisation, à la perte de productivité, diminueront substantiellement. En imposant aux criminels des ordonnances de dédommagement et en recouvrant les frais d'avocat auprès des responsables, les coûts diminueront encore davantage.
     J'aimerais souligner que, selon un sondage qui a été publié, 77 p. 100 des Québécois trouvent que les crimes ne sont pas assez punis.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Jong.

[Traduction]

    Merci. Il vous reste trois minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Campbell, vous êtes une survivante, après avoir été victime d'une agression sexuelle dans l'enfance. Dès votre jeune âge, vous avez fait un choix entre vivre dans la peur ou faire entendre votre voix. Vous méritez des félicitations pour le choix que vous avez fait. Malgré votre crainte de la violence, vous avez fondé votre organisation pour éviter à d'autres les difficultés que vous avez connues. Félicitations, encore une fois.
     À votre avis, comment le projet de loi C-10 de notre gouvernement pourra-t-il nous aider à affronter le grave problème de l'exploitation sexuelle des enfants au Canada?
    Je le considère simplement comme un moyen de dissuasion. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un début. C'est grave quand quelqu'un regarde de la pornographie juvénile parce que c'est un point de départ. Cette personne ne s'est pas attaquée à un enfant autrement qu'en regardant cette pornographie, ce qui est mal en soi. Toutefois, s'il est possible de prévoir des peines plus sévères à ce stade, je crois que les gens y penseront à deux fois avant de regarder la pornographie sur Internet et, à plus forte raison, avant d'en acheter.
    Je répète que j'aimerais voir des peines encore plus sévères, mais le projet de loi lancera au moins un message. J'applaudis le gouvernement parce que je pense qu'il veut vraiment s'attaquer plus sévèrement au crime. Il est en train de dire bien fort qu'il ne laissera pas la situation se détériorer. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, une fois qu'une personne franchit la limite et plonge dans la dépendance, je ne suis pas sûre que le projet de loi suffira. Il ne dissuadera peut-être pas les vrais pédophiles, mais, au moins, il en débarrassera nos rues. Nous devons les enfermer pour protéger nos enfants et créer pour eux des lieux sûrs.
    Je vous remercie.
    Il est évident que le gouvernement a introduit des peines d'emprisonnement obligatoires à cause des préoccupations exprimées par les Canadiens. L'idée est de traiter sévèrement ceux qui commettent des crimes graves. Je vois que vous êtes d'accord. En imposant des peines plus longues à ceux qui commettent des crimes graves, nous sommes mieux en mesure de protéger les Canadiens. C'est bien ce que vous pensez?
    Absolument. C'est exact. Je vous remercie.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute et demie.
    Je cède ce qui reste à M. Jean
    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins de leur présence.
    Monsieur Trudell, je trouve intéressante la modification ou la disposition que vous proposez au sujet de la santé mentale.
    Vos 40 ans d'expérience sont évidemment inappréciables. J'ai pu constater, lorsque j'étais avocat au criminel, que j'étais devenu insensible aux réalités de ce que les Canadiens attendaient et de ce que les juges imposaient. Je vois à votre réaction et à votre hochement de tête que vous comprenez. Je suis sûr que vous avez éprouvé la même chose.
    Proposez-vous de réduire la peine de ces gens? Par exemple, si quelqu'un qui a sexuellement agressé un enfant est envoyé suivre un traitement mental pendant trois mois, le juge devrait-il tenir compte de cette période et imposer une peine sensiblement inférieure au minimum obligatoire que le gouvernement veut imposer?
    Ma réponse est la suivante. S'il est établi qu'un problème de santé ou de santé mentale est lié à l'infraction, le tribunal devrait évidemment en tenir compte. D'après notre proposition, comme dans le cas du traitement de la toxicomanie, le juge reporterait la peine si la personne suit avec succès un programme de traitement, car cela contribue à rendre les rues plus sûres. Si un traitement est nécessaire, on s'en occupe.
    Nous essayons de voir les choses en contexte. Autrement dit, s'il est clairement établi qu'un problème de santé mentale est présent — non parce que quelqu'un le suggère, mais parce que le problème est évident —, nous conviendrons tous, je crois, qu'il est nécessaire de le traiter. Autrement…
(0920)
    Je regrette, votre temps de parole est écoulé. Vous aurez peut-être l'occasion d'en dire davantage plus tard.
    Très bien. Je m'excuse.
    De rien.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais aussi féliciter les témoins. Madame Campbell et madame Jong, vous êtes vous-mêmes des victimes, et deux autres témoins représentent aussi les victimes d'une façon ou d'une autre.
    Je voudrais également féliciter M. Cooper pour l'exposé qu'il a présenté sur un sujet très difficile. Les gens se demandent pourquoi les Canadiens n'ont pas un recours civil contre les auteurs d'actes terroristes. Je crois qu'il est important de signaler un fait que les gens ne comprennent pas toujours, à savoir que la Loi sur l'immunité des États protège les gouvernements étrangers, leurs agents et ceux qui commettent des actes terroristes en leur nom contre les recours civils. Le projet de loi comporte un élément très important qui modifie la Loi sur l'immunité des États pour remédier à une situation anormale. Si un État étranger manque aux obligations qu'il a souscrites dans un contrat, il y a une exception commerciale qui permet un recours au civil. Par contre, si un État étranger est impliqué dans un acte terroriste contre des Canadiens, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'agents, il n'y a pas de recours civil. Par conséquent, dans sa forme actuelle, la loi, non par intention mais par voie de conséquence, fait passer les États étrangers auteurs d'actes terroristes avant les droits des Canadiens. Je tiens donc à vous féliciter, monsieur Cooper, pour votre exposé et pour avoir précisé aussi succinctement les recours dont nous avons besoin.
    Compte tenu des contraintes de temps, je voudrais demander à M. Trudell de poursuivre ce qu'il disait au moment où il a fallu qu'il s'interrompe.
    Merci, monsieur Cotler.
    Je disais donc que s'il est établi qu'un problème de santé mentale a contribué à l'infraction, nous avons tous intérêt à y remédier, même s'il faut reporter la sentence pour permettre au délinquant de suivre avec succès un programme de traitement. Cela permet au tribunal de reconnaître l'existence d'un problème de santé qui doit être traité. Je crois que nous conviendrons tous qu'en présence d'un problème de santé ayant contribué à l'infraction, la solution ne consiste pas simplement à enfermer le responsable. Il faut aussi traiter le problème de santé pour que nos rues soient plus sûres lorsqu'il sera libéré.
    Il vous reste encore deux minutes et demie, monsieur.
    J'aimerais examiner de plus près cette hypothèse, monsieur le président.
    Je comprends l'ensemble de votre point de vue: vous estimez que la santé mentale n'est pas suffisamment prise en considération dans le projet de loi.
    Nous avons récemment eu un débat à la Chambre sur la prévention du suicide et l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide. L'une des données qui est ressortie du débat, c'est que 90 p. 100 de ceux qui se suicident ont des problèmes mentaux, psychiatriques ou psychologiques.
    Croyez-vous que les modifications que vous proposez auront un important effet préventif à cet égard?
    En toute franchise, monsieur Cotler, nous avons été surpris du fait que le projet de loi ne mentionne pas la santé mentale parce que c'est un aspect qui inquiète toutes les parties et qui constitue le prolongement logique de la disposition relative à la prévention de la toxicomanie. De plus, vous constaterez que la santé mentale est mentionnée dans l'article sur la libération.
    Nous croyons que cela s'inscrit dans l'esprit des mesures destinées à rendre les communautés plus sûres et que cet aspect a peut-être été oublié. S'il avait figuré dans le projet de loi, il n'aurait pas vraiment changé grand-chose, mais aurait signalé que le gouvernement et les parlementaires, pour lesquels nous avons beaucoup de respect… Il incombe aux parlementaires de changer les lois et de déposer les mesures législatives qu'ils croient nécessaires. Nous avons simplement l'impression qu'il manque quelque chose au chapitre de la santé mentale. N'importe qui vous dira que c'est un problème très réel, un énorme problème de la justice pénale.
    Je vous remercie.
    Je crois que, selon les statistiques, après le prononcé de la sentence, 37 p. 100 des personnes détenues dans les établissements correctionnels souffrent d'un trouble mental d'une forme ou d'une autre. Ce chiffre a été mentionné à la conférence Building Bridges sur la santé mentale et le système de justice à Calgary.
(0925)
    Je vous remercie d'avoir présenté cet important détail. Je crois que c'est une lacune du projet de loi que nous pourrons corriger, je l'espère.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais également remercier les témoins de leur présence et de leur témoignage.
    Monsieur Trudell, je suis heureux de vous revoir.
    Je voudrais examiner d'un peu plus près la disposition relative à la santé mentale que M. Jean et mon ami, M. Cotler, ont mentionnée. Comment cette disposition s'appliquerait-elle exactement? Quel serait le lien avec les articles 16 et 672 du Code criminel, qui permettent qu'une personne ne soit pas tenue criminellement responsable si elle souffre d'une maladie mentale? Je suppose — mais je ne veux pas avoir l'air de vous dicter votre réponse — que vous parlez d'une maladie mentale moins grave que les troubles qui permettraient à quelqu'un de ne pas être tenu criminellement responsable. Est-ce exact?
    Oui. Le fait de ne pas être tenu criminellement responsable pour cause de maladie mentale est prévu dans notre Code criminel depuis très longtemps. Autrement dit, nous ne punissons pas quelqu'un qui ne comprend pas la nature et la portée de ses actes. Toutefois, nous avons maintenant affaire à différents troubles mentaux et à différentes formes de maladies mentales qui empêchent les gens d'aller au travail, qui contribuent aux toxicomanies et qui les amènent à avoir des démêlés avec la justice pénale.
    Si un agent de police avait été présent ici, il vous dirait probablement qu'il passe beaucoup de temps dans les services d'urgence des hôpitaux en compagnie de gens qui souffrent de troubles mentaux. Les agents ne savent plus quoi faire avec ces gens qui finissent par les empêcher de faire leur travail. Nous ne discutons cependant pas de cet aspect particulier. Nous examinerons la situation plus générale dans laquelle la maladie mentale, quelle que soit la définition qu'on voudra lui donner, a contribué à l'infraction.
    Je comprends.
    Je connais assez bien le fonctionnement des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Nous en avons un à Edmonton, que je visite de temps en temps. Je vois que la modification que vous proposez est conçue sur le modèle du paragraphe 43(1). La première difficulté que je vois a trait à l'infrastructure. Nous avons des tribunaux de traitement de la toxicomanie, mais il n'y en a pas partout. Ils surveillent les intéressés pendant une période allant ordinairement de 18 à 24 mois pour s'assurer qu'ils suivent jusqu'au bout leur cure de désintoxication et de réadaptation, après quoi ils prononcent une peine avec sursis.
    J'ai deux questions à vous poser. Je sais qu'il existe des tribunaux de santé mentale, mais ils s'occupent d'évaluation plutôt que surveillance. En l'absence de tribunaux de santé mentale pouvant faire de la surveillance, comment appliquer votre proposition en pratique? Ensuite, une personne peut se présenter devant le tribunal et affirmer que l'intéressé a été traité avec succès pour sa toxicomanie. Je ne sais cependant pas comment cela pourrait se faire dans un laps de temps raisonnable dans le cas d'une maladie mentale du genre que vous avez décrit.
    Les tribunaux de santé mentale existent, et leur nombre augmente dans le pays. Certains d'entre eux font de la surveillance en sus de l'évaluation. Toronto en est un bon exemple. Les tribunaux torontois de santé mentale s'occupent aussi de surveillance. Je crois que le Manitoba en a également un, de même que la Colombie-Britannique et l'Alberta. L'infrastructure commence à se développer parce que nous reconnaissons l'existence du problème. Avec la coopération des gouvernements provinciaux, s'il y a quelque chose d'important, nous veillerons…
    Qu'avez-vous à répondre à la seconde partie de la question? À quel moment détermine-t-on qu'une personne a terminé son traitement avec succès et peut ne pas faire l'objet de la peine minimale obligatoire prévue? C'est sûrement une décision difficile à prendre en cas de désintoxication.
    Certaines personnes souffrent pendant toute leur vie. Leur situation ne changera jamais. Toutefois, avec l'aide d'experts, de médecins et de programmes de traitement, un juge peut être convaincu, dans une mesure raisonnable, que le risque a été minimisé. Il n'y a rien d'éternel, et il y aura toujours un risque. Toutefois, s'il y a suffisamment d'indices, de programmes de traitement et d'établissements spécialisés pour que le juge pense pouvoir préserver la sécurité publique sans envoyer l'intéressé en prison, ou en le faisant garder d'une autre façon, je crois que cela peut se faire. Il n'existe pas de solution définitive, mais nous sommes tous conscients du problème.
    Je vous remercie.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Bonjour. Ma question s'adresse à M. Trudell.
    Maître Trudell, vous avez émis des réserves relativement à la modification en profondeur de l'esprit de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents par l'ancien projet de loi C-4, dont la plupart du contenu est repris dans la partie 4 du projet de loi C-10. Pouvez-vous dire à ce comité quelles sont ces principales réserves?
(0930)

[Traduction]

    La principale réserve, c'est que les jeunes délinquants, même quand certains d'entre eux commettent des crimes haineux, demeurent des personnes qui, nous le reconnaissons, ont besoin de conseils et de protection et ne peuvent pas assumer autant de responsabilités que les adultes. Nous ne leur permettons pas de voter, ce qui témoigne de l'existence d'une certaine différence.
    L'une des choses qui nous préoccupent est que les jeunes n'ont pas de discipline. Ils assouvissent directement leurs désirs sans réfléchir et sans penser aux conséquences. Il est difficile de les punir pour cela. Nous croyons que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents constitue une mesure législative remarquable dont le pays et tous les partis qui y ont contribué peuvent être fiers. Nous craignons que des changements touchant l'esprit de la loi ne portent atteinte à cette mesure législative qui a eu un succès remarquable.
    Nous comprenons qu'il soit nécessaire, d'un point de vue parlementaire, d'y apporter certaines modifications mineures. Toutefois, d'autres aspects du projet de loi nous inquiètent. Il y a par exemple la définition d'« infraction grave ». J'ai dit dans mes mémoires concernant le projet de loi qu'il serait important d'ajouter l'adverbe « délibérément », par exemple à l'alinéa 167(3)c), pour qu'on puisse y lire « met délibérément en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne ». « Délibérément » implique non seulement une connaissance directe, mais aussi une insouciance ou un aveuglement délibéré, par opposition à l'acte considéré en soi.
    La dénonciation est évidemment importante, mais si, en la faisant figurer dans le projet de loi, on change ce qui a été fait ces dernières années, il est à craindre que la loi ne s'oriente dans la mauvaise direction. Il y a évidemment des jeunes qui commettent des infractions horribles qui attirent particulièrement l'attention, mais cela se produit dans chaque mauvais cas. Nous ne pouvons pas faire des lois fondées uniquement sur les mauvais cas.
    Nous sommes donc préoccupés par le changement de la teneur d'une loi dont nous ne pouvons que vous féliciter parce qu'elle a donné des résultats remarquables partout dans le pays.

[Français]

    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse toujours à Me Trudell.
    Vous avez beaucoup parlé de problèmes de santé mentale. Est-ce que cela touche les jeunes contrevenants? Dans quelle mesure le projet de loi C-10 s'attaque-t-il de façon efficace à ces problèmes de santé mentale chez les jeunes contrevenants?

[Traduction]

    Les problèmes de santé mentale que connaissent les jeunes sont ahurissants: dépression, suicide… Les jeunes sont soumis à des pressions énormes. De plus, il y a ceux qui viennent de familles brisées. Sans compter Internet et tout ce qui s'y trouve. Il y a en outre le manque de discipline, les choix à faire, les familles désunies et l'adhésion à des gangs. Nous constatons sans cesse que les jeunes qui, par nature, vivent le plus souvent dans leur propre tête — vous pouvez facilement le voir rien qu'en essayant de faire parler un adolescent —, portent en eux une énorme charge émotionnelle.
    La santé mentale est un problème sérieux devant les tribunaux de la jeunesse. Si vous, parlementaires, transmettez le message que la santé mentale est une question qu'il est impératif d'examiner… Il serait possible d'élargir la portée de cette disposition pour dire aux juges de tenir compte des problèmes de santé mentale. Je ne parle pas ici de laisser des gens échapper à la justice. Il ne s'agirait que de graves problèmes de santé.
    Je dois vous dire que d'après ce que me racontent les gens qui travaillent avec des jeunes, les problèmes de santé mentale qui existent sont vraiment effrayants.
(0935)
    Monsieur Woodworth.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous les témoins. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue tout particulièrement à Mme Campbell et à Mme Jong. Je sais qu'il est très difficile pour elles de parler de ces choses, mais c'est très important pour nous et pour notre pays tout entier.
    Mon anglais est meilleur que mon français, alors je parlerai en anglais.

[Traduction]

    Madame Jong, vous avez dit que si certaines des dispositions du projet de loi C-10 avaient été en vigueur lors des terribles événements que vous nous avez rapportés, votre père serait peut-être encore en vie aujourd'hui. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Pourquoi avez-vous dit cela?
    Merci, monsieur.
    L'un des deux monstres qui ont tué mon père n'était pas encore adulte, et l'autre venait tout juste de le devenir. Les deux s'étaient lancés dans la carrière criminelle longtemps auparavant. Ce ne sont pas des pauvres anges qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Ils le savaient très bien. Ils avaient déjà commis auparavant une cinquantaine de

[Français]

entrées par effraction

[Traduction]

    et une dizaine de

[Français]

vols de voiture

[Traduction]

    Ce ne sont pas des rumeurs. Ces faits ont été révélés pendant les procès.
    Pour commettre leurs crimes, ils mettaient des gants et ils…

[Français]

    Excusez-moi, il faut que je le dise en français. Je suis trop stressée.

[Traduction]

    Si vous préférez répondre en français, n'hésitez pas à le faire.

[Français]

    Ils font disparaître les preuves. Dans le cas du meurtre de mon père, ils ont lavé les traces de sang, ils ont brûlé leurs vêtements et tout ce qui pouvait constituer une preuve. Les autres crimes qu'ils ont commis auparavant, soit les 50 entrées par effraction et les 10 vols de voiture, étaient prémédités. Cependant, il n'y avait pas assez de preuves pour les traduire en justice, même si les autorités savaient qu'ils étaient les auteurs de ces crimes. De plus, dans le cas des vols de voiture, ils avaient déjà trouvé des clients avant de voler les voitures.
    Ça démontre que, de nos jours, les jeunes sont très bien organisés. Ils réfléchissent, ils connaissent les conséquences de leurs actes. S'ils volent une voiture, ils savent où aller la mener, à quelle adresse de Montréal aller. Ils savent d'avance combien ils vont obtenir pour la voiture.
    Je trouve qu'ils ne font pas pitié du tout.

[Traduction]

    Savez-vous si le jeune qui a été condamné pour le meurtre de votre père avait fait l'objet d'autres condamnations?
    Non, c'est justement ce que je veux souligner. Ils n'avaient jamais été condamnés, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’avaient pas déjà commis des crimes auparavant.
    D'accord.
    Vous avez également dit qu'il est important de divulguer l'identité des jeunes contrevenants. Pouvez-vous nous donner quelques explications? Pourquoi pensez-vous que cela est important?
    Cela est très important parce que les criminels avaient loué un local qui appartenait à mon père. S'il avait su d'avance à qui il avait affaire, il ne leur aurait pas loué cette place. La Sûreté du Québec et les autres responsables ne pouvaient rien dire à mon père. Même s'il avait fait faire une vérification des antécédents, il n'aurait rien appris.
    Je vous remercie.
    J'essaie de me souvenir de vos observations concernant le prix de la victimisation. Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont vous évaluez les coûts, aussi bien financiers qu'intangibles, du crime commis contre votre père et vous?
(0940)
    Je regrette, monsieur Woodworth, votre temps de parole est écoulé. Quelqu'un d'autre voudra peut-être poser des questions à ce sujet.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ce que vous nous racontez est épouvantable, madame Jong. Pour reprendre la question de M. Woodworth, à mon avis, on ne peut pas y attribuer une valeur pécuniaire. On ne peut pas associer un coût aux conséquences pour vous et pour les victimes. Il n'y a pas de prix pour ça. Je me tue à dire aux gens de ne pas essayer d'y associer un signe de dollar. Ce n'est pas du tout ce qui est en jeu dans le dossier du projet de loi C-10. Une vie, ça n'a pas de prix. Les victimes vont souffrir de ça toute leur vie.
    Quand je regarde les deux témoins, c'est-à-dire Mme Jong et Me Trudell, je vois tout l'enjeu du projet de loi C-10: comment concilier deux concepts extrêmement importants? Je n'arrive pas à dire si l'un est plus important que l'autre.
    On parle avec les gens dans les communautés à propos des jeunes en difficulté et des problèmes de santé mentale. J'en parle avec les gens de Gatineau que je représente. J'ai animé une tribune téléphonique à la radio où les problèmes de santé mentale dans la région représentaient le sujet du jour. Les statistiques à cet égard sont assez épouvantables. Au même moment, certains procès se déroulaient au criminel, comme le cas Turcotte, que tout le monde a suivi au Québec. On se demande encore aujourd'hui ce qui s'est passé, comment un père a pu tuer ses enfants et s'en sortir sans peine. Ça nous exacerbe. Quand on entend de telles histoires, on a quasiment envie d'envoyer ces gens à la pendaison. Or, ce n'est pas ce qu'on veut.
    Alors, comment réussit-on à concilier ces concepts?

[Traduction]

    Vous proposez de tenir compte de la santé mentale, mais il y a des gens qui s'en tirent après avoir commis des crimes épouvantables. Qu'avez-vous à dire au public qui est tellement inquiet ou qui croit que les peines infligées ne sont pas assez sévères?
    Nous sommes dans une période très intéressante en ce qui concerne la collaboration au sein du système de justice pénale.
    Il y a par exemple les émissions-débats. Les gens parlent. On peut penser à la campagne Cause pour la cause de Bell Canada. Les gens parlent des problèmes et de la santé mentale.
    Nous n'avons pas suffisamment expliqué aux gens comment fonctionne le système de justice pénale. Les gens s'imaginent qu'il y a des criminels qui échappent à la justice et que les juges sont beaucoup trop cléments. Si chacun essayait de collaborer avec les autres pour expliquer où nous avons commencé, où nous en sommes et pour parler de la nature des problèmes, je crois que nous commencerions à comprendre les circonstances tragiques que vivent les victimes.
    Je dois vous dire que le niveau de coopération et de collaboration entre la police, les avocats de la défense, les tribunaux, les procureurs de la Couronne et les groupes de défense des victimes ont sensiblement augmenté dans les deux dernières années. À mesure que chacun comprend le point de vue de l'autre et que la communication s'établit, je crois que nous verrons des changements qui réduiront le nombre des histoires tragiques que nous entendons.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Madame Campbell, vous avez dit qu'il est possible de réadapter un pédophile.
    J'ai dit « impossible ».
    C'est bien ce que je voulais dire.

[Français]

    Vous dites donc qu'ils ne peuvent pas être réhabilités. Je tends à penser comme vous, sérieusement, sur ce sujet. Cela ne vient pas de moi personnellement.
    À l'émission que j'animais à l'époque, on avait parlé d'un cas qui s'était produit dans la communauté. La question de la castration avait été soulevée. Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, c'est une tout autre histoire. Bref, pendant l'émission, un pédophile a appelé. C'est une chose que je n'oublierai jamais. Tu discutes de pédophilie, puis une personne appelle et se proclame pédophile. Elle nous a dit que, peu importe ce qui arriverait, c'était quelque chose en elle. C'est quelque chose qu'on peut peut-être contrôler.
    Je trouve que la pédophilie est un des crimes les plus épouvantables et les plus abjects dans la société. On touche à des enfants et ils ne peuvent pas riposter. J'ai une inquiétude à l'égard des infractions liées à la pédophilie. Comment peut-on régler ce problème dans un système qui impose des peines? Comment une peine minimale peut-elle avoir l'effet désiré?
    Si on dit que la personne ne peut pas se réhabiliter, je pense que ça prend plus qu'une peine. Ça prend autre chose. Je reviens à cette personne qui avait appelé à l'émission de radio. Elle se demandait ce qu'elle pourrait faire lorsqu'elle sortirait de prison. Elle affirmait qu'elle s'était littéralement sortie de la société, qu'elle s'était installée dans un coin où elle n'était en contact avec personne. Elle s'était sortie volontairement de la société.
     Que fait-on?
(0945)

[Traduction]

    Je regrette, madame Boivin, il ne reste plus de temps.
    Je m'excuse, j'ai parlé trop longtemps.
    Je voudrais remercier les témoins pour leur présence aujourd'hui. Comme vous avez pu le noter, le temps fuit rapidement et, à un moment donné, il n'en reste plus.
    Nous ferons une pause de deux minutes pendant que le groupe suivant de témoins s'installe.

(0950)
    Dans notre second groupe, nous avons deux témoins qui sont ici dans la salle et deux autres qui se joindront à nous par téléconférence.
    Chaque témoin aura l'occasion de présenter au comité un exposé préliminaire de cinq minutes. Je vous ferai signe après quatre minutes, pour que vous sachiez qu'il ne vous reste qu'une seule minute.
    Nous allons peut-être commencer par M. Sullivan.
    Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir permis de me présenter devant vous aujourd'hui pour vous exposer notre point de vue sur le projet de loi.
    Je dirai, très brièvement, que je suis l'ancien ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et que je travaille actuellement pour les Services aux victimes d'Ottawa. Le projet de loi contient des dispositions que nous appuyons, et particulièrement le renforcement des droits des victimes dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce sont là des améliorations que de nombreux défenseurs des victimes préconisaient depuis un certain temps déjà. On en avait parlé pour la première fois en 2000, je crois, dans le rapport du comité sur cette loi. Elles avaient été officiellement présentées dans le cadre de modifications semblables par l'ancien gouvernement libéral en 2005. Bref, nous attendions depuis longtemps que ces dispositions se concrétisent.
    Je sais que l'ombudsman actuelle a parlé du rapport de son bureau concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ainsi que de certaines autres améliorations. J'encourage les membres du comité qui ne l'ont pas encore fait à jeter un coup d'œil à ce rapport au cours de l'examen du projet de loi.
    J'appuie en outre les dispositions concernant les victimes du terrorisme. Je ne prétends pas comprendre les aspects complexes et subtils de ce processus et, en toute franchise, je ne sais pas si sera utile à beaucoup de ces victimes, mais j'appuie le principe. Je sais que certains de mes amis qui ont été victimes d'actes terroristes appuient ces dispositions. Je veux donc me joindre à eux.
    Notre plus grande préoccupation au sujet du projet de loi porte sur les attentes qu'on suscite chez les victimes. J'ai entendu le témoignage de quelques-uns de mes bons amis, dont Sharon Rosenfeldt et Yvonne Harvey. Je crois que le gouvernement a parlé du projet de loi comme d'un autre pilier de son engagement envers les victimes du crime, affirmant que cette mesure renforcerait leurs droits. Je ne suis pas de cet avis. Travaillant en première ligne et ayant l'occasion de discuter de ces enjeux avec de nombreux collègues et membres de nos réseaux, je trouve que les questions abordées dans le projet de loi ne sont pas celles qui reviennent le plus souvent lorsque nous parlons des problèmes quotidiens des victimes d'actes criminels.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je suis curieux de savoir une chose. J'aimerais avoir une confirmation.
    Ne vous inquiétez pas, monsieur Sullivan, cela ne sera pas retranché de votre temps de parole.
    Notre liste de témoins indique que M. Sullivan comparaît à titre personnel. Pourtant, il a dit à plusieurs reprises « nous », comme s'il représentait un groupe. J'aimerais simplement que M. Sullivan nous dise s'il comparaît à titre personnel et exprime donc son propre point de vue, ou bien s'il représente un groupe.
    Je suis ici à titre personnel. J'ai dit « nous » parce qu'il s'agit d'un processus collectif.
    C'est parfait.
    Merci, monsieur le président.
    Les questions dont nous parlons — je dis « nous » pour désigner les collègues du domaine qui travaillent au même titre que moi — ne sont pas celles qui sont abordées lorsque j'assiste à des réunions. L'une de nos préoccupations, dans cette période de ressources limitées — nous savons tous quelles difficultés financières notre pays connaît actuellement —, c'est que nous ne sommes pas sûrs que c'est l'utilisation la plus judicieuse des ressources si l'objectif est d'aider les victimes du crime. Je veux parler ici, par exemple, des dispositions relatives aux peines à infliger aux délinquants sexuels.
    Permettez-moi de dire au témoin précédent que beaucoup des gens ciblés par ce projet de loi ne sont pas en fait des pédophiles. Ceux qui commettent des infractions contre des enfants ne sont pas nécessairement tous des pédophiles. Beaucoup de ceux qui s'attaquent à leurs enfants ou à des membres de leur famille ne sont pas des pédophiles et ne présentent qu'un très faible risque de récidive. Nous pourrons peut-être revenir là-dessus au cours de la période des questions. Toutefois, nous utilisons cinq fois plus de ressources pour punir les délinquants que nous n'en consacrons aux centres de défense des droits des enfants, qui pourraient en fait contribuer à la guérison du cœur et de l'esprit de ces victimes. Je crois que c'est un aspect important.
    Je n'ai pas encore vu — car j'ai assisté à un certain nombre d'audiences — des preuves concluantes pouvant me persuader que le projet de loi assurera à long terme une plus grande sécurité aux victimes ou à la société. Le problème, pour moi, c'est qu'on présente le projet de loi comme un pilier de l'engagement envers les victimes alors qu'à part les dispositions que j'ai mentionnées au début de mon exposé, je n'y vois pas grand-chose qui puisse changer la vie de tous les jours des gens qui ont été victimes d'actes criminels.
    J'ai entendu parler du coût de la victimisation. Le coût du crime est un énorme fardeau pour les victimes. Encore une fois, je ne vois rien dans le projet de loi qui puisse atténuer, par exemple, le fardeau de Mme Harvey, qui a parlé de ce que lui a coûté le meurtre de sa fille. Une fois de plus, j'aurais bien aimé que le gouvernement tienne sa promesse d'il y a un an et demi de rendre obligatoire la suramende compensatoire. Voilà qui permettrait vraiment d'améliorer les services communautaires offerts aux victimes et peut-être de renforcer des programmes d'indemnisation pouvant atténuer certaines de ces préoccupations.
    Il y a un autre aspect du projet de loi qui me dérange. C'est la notion qu'il renforcera les droits des victimes. La recherche nous a appris que si nous faisons participer les victimes aux discussions dès les premiers stades, si nous les renseignons sur le fonctionnement du processus et ce qui arrive dans leur cas, si nous leur permettons de s'exprimer et écoutons ce qu'ils ont à dire quand elles expriment leur point de vue, elles seront beaucoup plus satisfaites, même si les peines prononcées ne sont pas celles qu'elles attendaient. Nous savons, par exemple, grâce aux déclarations des victimes, que l'un des facteurs qui jouent le plus grand rôle dans la satisfaction des victimes, c'est le fait pour le juge de reconnaître le préjudice qu'elles ont subi, même si la peine infligée ne correspond pas à leurs attentes.
    Je crains fort, compte tenu du témoignage de James Chaffe, de l'Association canadienne des juristes de l'État, que la charge de travail des procureurs de la Couronne ne devienne beaucoup plus lourde. Ils auront à s'occuper d'un plus grand nombre de procès, de transactions pénales et de suspensions d'instances. Cela n'aidera pas les victimes qui demandent justice.
    Enfin, pour terminer rapidement, monsieur le président, je dirais que la majorité des victimes d'actes criminels ne portent pas plainte. Ce projet de loi ne donnera aucun réconfort à la majorité d'entre elles.
    J'ai comparu hier devant un comité du Sénat qui examinait le projet de loi C-46 adopté dans les années 1990 pour protéger les dossiers des victimes d'agressions sexuelles. Les témoins qui étaient là et qui représentaient tous des services de première ligne ont tous convenu que les peines infligées n'ont pas vraiment d'effets sur la décision des victimes de porter plainte ou non. La peine ne joue aucun rôle lorsqu'une femme doit décider si, oui ou non, elle va signaler un crime. Il y a tant d'autres obstacles.
    Je suis d'avis que nous devrions utiliser les ressources limitées dont nous disposons pour aider les collectivités et renforcer les programmes susceptibles de contribuer à la guérison des victimes. Je crains fort que ce projet de loi ne soit pas très utile à cet égard.
    Merci, monsieur le président.
(0955)
    Je vous remercie.
    Monsieur MacKnight.
    Je voudrais commencer par remercier chacun d'entre vous de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui au sujet de cette très importante mesure législative.
    Je m'appelle Barry MacKnight. En sus de mes fonctions à l'Association canadienne des chefs de police, je dirige le Service de police de Fredericton, au Nouveau-Brunswick.
    En 2007, l'ACCP a adopté une politique antidrogue élaborée par le Comité sur la sensibilisation aux drogues que je dirige. Cette politique définit la position de l'ACCP sur cet important problème national qui a des incidences directes sur la vie quotidienne des Canadiens.
    Au-delà des souffrances imposées aux Canadiens par la consommation et l'abus de drogues, les meilleures études produites par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies montrent que le coût social des drogues illégales s'élève à 8,2 milliards de dollars par an au Canada.
    Permettez-moi de vous présenter un bref aperçu de la politique antidrogue de l'ACCP. Nous croyons qu'une approche équilibrée de cette question est nécessaire pour affronter les problèmes causés par la drogue. Elle comprend des mesures de prévention, de sensibilisation, d'exécution de la loi, de counseling, de traitement, de réadaptation et, au besoin, des mesures de rechange et de déjudiciarisation. Nous croyons à l'établissement d'un continuum équilibré de pratiques dans chacun de ces éléments.
    De plus, les composantes de la politique doivent être fondamentalement légales et éthiques, tenir compte des intérêts de tous et viser l'équilibre entre les intérêts de la société et de l'individu. Nous estimons aussi que les initiatives doivent, dans toute la mesure du possible, être fondées sur des faits éprouvés.
    Nous croyons fermement que la prévention est la composante la plus importante. La sensibilisation aux drogues et le développement positif des jeunes destiné à raffermir la résistance à la consommation, comme élément régulier et soutenu des programmes d'études scolaires, sont impératifs.
    Nous sommes attachés à des pratiques d'exécution de la loi ciblant l'infrastructure criminelle qui appuie et perpétue le cycle du crime, de la violence et des désordres ainsi que la victimisation des citoyens les plus vulnérables de nos collectivités.
    Nous appuyons l'exercice de pouvoirs discrétionnaires par la police de chaque collectivité, mais nous croyons qu'il faudrait insister sur la mise en vigueur des lois interdisant la possession et la consommation illégale de drogues, lorsque ceux qui en consomment se comportent d'une manière nuisible ou entravent l'utilisation légale de biens publics ou privés et contribuent à des désordres de rue. Nous croyons en particulier que les lois devraient être mises en vigueur de façon prioritaire dans les parcs, dans les écoles et aux alentours ainsi que dans d'autres lieux où se tiennent des personnes vulnérables, et surtout des enfants et des jeunes.
    Nous appuyons différentes stratégies de réduction des préjudices dans la société. Dans le passé, nous avons soutenu avec certaines réserves des activités qui réduisent les préjudices, comme les programmes d'échange de seringues, par exemple. Nous avons admis que la réduction des préjudices est nécessaire pour appuyer des objectifs de santé publique, comme la réduction des taux de transmission du VIH et de l'hépatite, et pour prévenir les surdoses de drogues. Toutefois, la réduction des préjudices ne devrait constituer qu'une mesure temporaire pour empêcher ceux qui ont une dépendance de contracter une maladie, de se faire eux-mêmes du mal ou de mourir avant d'avoir eu l'occasion d'accéder à un traitement de désintoxication.
    Certaines initiatives conçues pour réduire les préjudices peuvent entrer en conflit avec des activités d'exécution de la loi conçues pour assurer la sécurité publique. Par conséquent, nous croyons qu'il faut gérer et atténuer ces effets en collaboration avec des partenaires de la collectivité.
    Les traitements réduiront le nombre de personnes ayant une dépendance ainsi que les comportements liés à la toxicomanie qui nuisent à la société, comportements auxquels la police doit consacrer des ressources précieuses et limitées. Nous appuyons les programmes établis par voie législative et suffisamment financés, comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie et d'autres initiatives qui facilitent la mise en œuvre de programmes de traitement imposés.
    Les modifications de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévues dans le projet de loi correspondent bien à l'objectif de l'ACCP consistant à s'attaquer aux crimes liés à la drogue qui ont le plus d'incidences sur nos collectivités. Ces modifications transmettent aux Canadiens un message clair indiquant que les crimes graves entraînent de graves conséquences.
(1000)
    Il vous reste une minute.
    Je vous remercie.
    Les circonstances aggravantes se passent de commentaires: infractions commises pour le compte d'une organisation criminelle, infractions commises à l'aide d'armes ou mettant en cause l'utilisation ou la menace de violence, infractions commises par des personnes ayant déjà été incarcérées pour des crimes liés à la drogue, infractions commises dans des écoles ou aux alentours, infractions commises en prison et infractions commises avec la participation d'un enfant.
    Les modifications proposées constituent un aspect opportun d'une approche équilibrée qui doit, en fin de compte, définir notre réaction collective aux crimes liés à la drogue au Canada. La sécurité de nos agents de police et bien sûr celle de l'ensemble des citoyens dépend d'une mise en œuvre réussie de cette approche équilibrée.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur MacKnight.
    Par souci de clarté, je vous prie de confirmer qu'ACCP signifie bien Association canadienne des chefs de police.
    Oui, monsieur le président.
    Merci.
    Madame Pate, êtes-vous maintenant prête à nous présenter un exposé préliminaire? Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie d'avoir organisé tout ceci. Je sais que les délais ont été très courts pour nous tous, mais je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître.
    Je représente l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Nous avons au Canada 26 sociétés membres qui dispensent des services aux femmes et aux filles victimisées, marginalisées, criminalisées et incarcérées.
    Comme de nombreux Canadiens, nous nous inquiétons beaucoup du coût de ce projet de loi. Nous craignons que la mise en vigueur de toutes ces mesures n'entraîne des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Nous nous interrogeons en fait sur la façon dont tout cela sera financé.
    Je voudrais remercier les témoins qui m'ont précédée, M. Sullivan et M. MacKnight. Nous appuyons bien sûr leur point de vue, de même que celui de groupes tels que l'Association du Barreau canadien et d'autres témoins.
    Nous sommes extrêmement préoccupés par l'orientation de ce projet de loi, qui vise à recourir davantage à l'emprisonnement, qui vise en fait à faire un recours sans précédent à l'incarcération, et par le fait que ces mesures risquent de réduire d'autres services et ressources. Le projet de loi intensifiera le surpeuplement des prisons et enverra dans les établissements pénitentiaires davantage de femmes, davantage de personnes souffrant de maladie mentale et particulièrement des Autochtones. Cela nous inquiète à l'extrême.
    Le Canada a une longue et fière histoire comme défenseur des droits de la personne et comme pays ayant un système fort de justice pénale, réputé pour compter parmi les meilleurs du monde. Nous risquons de perdre tout cela. Nous avons pris une orientation qui a été rejetée par de nombreuses administrations des États-Unis. Pourtant, nous avançons résolument sur cette voie.
    Au lieu de parler des différentes parties du projet de loi, qui ont déjà fait l'objet d'excellents exposés de la part des témoins qui ont comparu devant le comité, je préfère vous présenter une modification que nous proposons. Elle se base sur le fait que beaucoup de détenus — comme l'ont reconnu depuis longtemps ceux qui dirigent les prisons — ne sont pas nécessairement violents, ne représentent pas un danger pour la sécurité publique et ont été condamnés surtout à cause d'autres problèmes comme la maladie mentale ou la pauvreté. Si ces gens ont commis des infractions criminelles et ont été condamnés, nous devrions leur donner l'occasion de purger leur peine et d'être tenus responsables dans la collectivité, de façon à ne pas alourdir davantage le fardeau des contribuables.
    Nous savons que la plupart des services qui seront développés grâce à ce projet de loi sont des services de police et des prisons fédérales et provinciales. Nous savons que deux des projets de loi déposés au cours de la dernière session ont déjà eu des conséquences pour au moins 150 ou 160 femmes, d'après les estimations du Service correctionnel du Canada. Ce sont là des augmentations importantes parce que le nombre de femmes qui purgent des peines du ressort fédéral est relativement petit. Nous sommes déjà témoins des effets du surpeuplement, qui s'accentue à mesure que les nombres augmentent.
    J'ai visité un établissement d'Edmonton le week-end dernier. J'ai pu moi-même constater qu'il était surpeuplé. Les responsables ont dû placer des détenues dans le parloir. Ils ont dû recourir à l'occasion aux salles d'entrevue et même au gymnase.
    Nous savons que le Québec a déjà exprimé des réserves, de même que le Nunavut, la Colombie-Britannique et d'autres provinces. Nous proposons que les modifications prévues dans le projet de loi soient suspendues jusqu'à ce que nous puissions connaître le coût complet de cette mesure omnibus. Nous devons savoir comment elle sera financée par les provinces, les territoires et chacun des ministères fédéraux intéressés. Nous devons comprendre clairement le prix de chaque partie du projet de loi et de chaque réforme qui y est prévue. Il faut que le Parlement puisse donner aux contribuables l'assurance que tous ces coûts seront assumés sans dépasser la pleine capacité des établissements pénitentiaires et sans réduire les autres ressources dont nous disposons actuellement.
    Nous proposons donc cette modification. Nous demandons avec respect qu'elle fasse partie du projet de loi et que celui-ci ne soit ni promulgué ni mis en vigueur avant que toutes les provinces, tous les territoires et les ministères fédéraux touchés n'aient confirmé que ces mesures sont abordables. Autrement, ce serait une violation des obligations fiduciaires des députés envers les contribuables du pays, obligations qui leur imposent d'avoir une connaissance claire et transparente des coûts et des incidences que ces mesures auront sur nous à l'avenir.
    Je vous remercie.
(1005)
    Merci, madame Pate.
    Monsieur Piché, vous avez cinq minutes pour présenter un exposé préliminaire, si vous le souhaitez.
    Je vous remercie. Je m'appelle Justin Piché. Je suis professeur adjoint de sociologie à l'Université Memorial. Je suis également candidat à un doctorat en sociologie de l'Université Carleton. Je dois défendre le mois prochain une thèse portant sur l'augmentation de la capacité carcérale et sur les facteurs qui la conditionnent en ce moment.
    Je compte vous présenter aujourd'hui quelques-unes de mes conclusions, qui figurent, avec les références nécessaires, dans le mémoire intitulé Accroissement de la capacité carcérale au Canada, que j'ai remis au greffier de votre comité. J'essaierai d'être bref.
    Avant le dépôt du projet de loi C-10, les provinces et les territoires avaient déjà prévu ces dernières années de consacrer près de 3,4 milliards de dollars à la construction de 22 nouvelles prisons et à l'agrandissement de 17 autres afin d'ajouter plus de 6 300 nouvelles places pour les détenus. La plupart de ces projets d'infrastructures carcérales ont été entrepris pour remédier au surpeuplement persistant des établissements découlant d'une augmentation massive du nombre et de la proportion de prisonniers attendant d'être jugés dans les prisons provinciales et territoriales au cours des 15 dernières années.
    D'après les renseignements les plus récents que j'ai pu obtenir, les seules provinces qui aient tenu compte dans leurs projets des peines de ressort fédéral sont Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Ontario.
    Le projet de loi C-10 contient de nombreuses mesures — comprenant d'autres restrictions sur l'admissibilité à l'emprisonnement avec sursis et des peines minimales obligatoires de moins de deux ans pour des infractions liées à la drogue — qui peuvent entraîner une augmentation sensible de la population carcérale dans les établissements provinciaux et territoriaux. Si ces augmentations se concrétisaient, les provinces et les territoires pourraient fort bien se retrouver à la case départ en ce qui concerne le surpeuplement des établissements, ce qui leur imposerait de construire davantage de prisons à l'avenir.
    Je n'ai pas le temps d'aborder l'infrastructure carcérale fédérale dans les cinq minutes qui me sont attribuées, mais je vous demanderai si ce sont bien les installations que nous devrions construire au Canada quand de nombreux jeunes de ma génération sont en train de s'endetter lourdement pour faire des études ou n'arrivent pas à trouver du travail, quand les gens de la génération de mes parents prennent ou s'apprêtent à prendre leur retraite et quand ceux de la génération de mes grands-parents ont un besoin croissant de soins de santé.
    Tout ceci a un prix que nous ne pouvons pas perdre de vue.
    Au Canada, notre approche de la criminalisation et de la victimisation est coûteuse et inefficace. D'après une étude récente de Justice Canada, le coût des services de police, des tribunaux, des poursuites, de l'aide juridique, des services correctionnels et des commissions d'examen du Code criminel était estimé à 15 milliards de dollars en 2008. L'étude estime en outre que les coûts tangibles pour les victimes — en soins de santé, en biens endommagés et en perte de productivité — et pour les tiers atteignaient respectivement 14,3 et 2,1 milliards de dollars. Les auteurs de l'étude ont également tenté de mesurer le coût intangible des douleurs et souffrances et des vies perdues, l'évaluant à près de 68,2 milliards de dollars. Si nous construisons davantage de prisons inefficaces qui ne préviendront pas la victimisation à long terme, ces coûts ne feront que croître.
    Peu importe que la criminalité déclarée ou non augmente, baisse ou reste stable, personne ne contestera qu'il faut faire quelque chose. Toutefois, il faut centrer le débat sur la façon de prévenir la victimisation et de répondre au mieux aux besoins uniques — mais non uniformes — de ceux qui sont affectés par les conflits et les préjudices complexes que nous appelons crimes, d'une manière efficace et humaine et de façon à utiliser le plus judicieusement possible l'argent des contribuables.
    Compte tenu de son coût économique, de son inefficacité et des préjudices qu'il perpétue, l'emprisonnement devrait être utilisé comme une ressource rare qu'il convient de réserver aux incorrigibles qui constituent une menace immédiate pour la sécurité des autres. Ils pourraient alors avoir accès aux ressources dont ils auront besoin un jour pour réintégrer la société plutôt que de s'inscrire sur les longues listes d'attente qui caractérisent actuellement les prisons canadiennes.
    Pour l'avenir, je recommande fortement au gouvernement du Canada de déclarer un moratoire sur les lois fédérales punitives et d'adopter une stratégie de réinvestissement dans la justice qui permettrait de réaffecter l'argent réservé à la mise en œuvre du projet de loi C-10 à des mesures communautaires de prévention de la victimisation qui s'attaquent aux racines profondes de la criminalité.
    Les prisons ne sont ni des écoles ni des centres de préparation à l'emploi. Ce ne sont ni des hôpitaux psychiatriques ni des centres de désintoxication. Il est temps de mettre au rancart la notion de prison comme panacée pour investir davantage dans nos collectivités.
    Entre-temps, je vous exhorte à demander, dans le cadre de votre important travail, à tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice et de la Sécurité publique de comparaître devant votre comité pour préciser les incidences prévues du projet de loi C-10 sur leur système carcéral afin que nous puissions savoir à quoi nous nous engageons.
(1010)
    Il vous reste une minute.
    Cela étant dit, j'ai vraiment hâte de participer à la discussion réfléchie et respectueuse qui suivra.
    Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé.
    Merci.
    Nous commencerons par Mme Borg.

[Français]

    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Ma première question s'adresse à M. Piché.
    Dans mon comté, il y a trois pénitenciers fédéraux, dont l'un est l’Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, qui subit déjà un agrandissement dont le coût est de 10 millions de dollars. Cet agrandissement est fait tout simplement pour permettre l'adaptation aux changements qui ont déjà eu lieu et pour accommoder le nombre de criminels qui doivent présentement y être incarcérés.
    Vous avez parlé d'autres programmes en vigueur dont les coûts sont très élevés. D'ailleurs, dans les provinces et les territoires, on a prévu des agrandissements au montant de 209,9 millions de dollars et des constructions au montant 3,1655 milliards de dollars. Quant au gouvernement fédéral, il a prévu des coûts de développement qui s'élèvent à 601 millions de dollars.
    Je voudrais savoir combien de temps il faudra et combien d'argent il en coûtera aux gouvernements provinciaux et fédéral pour faire ce développement et pour s'adapter aux mesures qui devront être mises en oeuvre en vertu du projet de loi C-10? Aussi, entretemps, quel sorte d'environnement aurons-nous créé dans les prisons?

[Traduction]

    Lorsqu'on réfléchit aux incidences du projet de loi C-10, on se rend compte qu'on ne sait pas vraiment en quoi elles consisteront parce que les provinces et les territoires n'ont pas présenté leurs estimations concernant le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous exhortons votre comité à faire comparaître des représentants des provinces et des territoires afin de connaître les coûts et les projets connexes d'infrastructure.
    Pour ce qui est du niveau fédéral, nous savons qu'entre août 2010 et janvier 2011, on a annoncé l'équivalent de 34 ajouts aux installations existantes. La construction coûtera 601 millions de dollars, sans compter les frais de fonctionnement et de gestion. Cela est lié à la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime.
    Pour l'avenir, je crois qu'il faudrait interroger M. Head, commissaire du Service correctionnel du Canada, sur le genre d'infrastructures dont le Service s'attend à avoir besoin pour la mise en œuvre de ce projet de loi. Je n'ai pas pu me renseigner car il semble que le gouvernement fédéral a décidé que les Canadiens n'ont pas le droit de savoir.
(1015)

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse. J'ai une autre question à vous poser.
    Dans votre discours, vous avez mentionné qu'il n'y aurait pas, pour les programmes, de dépenses substantielles correspondant aux montants d'argent que nous sommes en train de dépenser pour l'agrandissement des prisons et la construction de nouvelles prisons. Je voudrais savoir quelle influence, peut-être négative, cela pourrait avoir sur les personnes qui veulent se sortir du système carcéral et qui voudraient essayer de se réhabiliter.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris le projet de loi, on s'oriente vers un système dans lequel les détenus devront terminer tous leurs programmes avant de pouvoir avancer dans leur plan correctionnel.
    Dans un contexte où nous consacrons des centaines de millions de dollars à la construction de prisons sans faire des investissements correspondants dans les programmes, les listes d'attente de ceux-ci vont s'allonger. Cela signifie que nous aurons davantage de détenus qui n'auront pas la possibilité d'avancer dans leur plan correctionnel.
    Le Bureau de l'enquêteur correctionnel a noté à plusieurs reprises que le SCC consacre beaucoup moins que 5 p. 100 de son budget aux programmes de traitement. Cela occasionnera des problèmes pour ceux qui sont au bas des listes d'attente des programmes.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je suis désolée, est-ce que vous étiez en train de répondre?

[Traduction]

    Excusez-moi, madame Pate, souhaitiez-vous répondre?
    Oui.
    Allez-y.
    Je vous remercie.
    Nous avons déjà vu les effets des changements qui se sont produits par suite du surpeuplement des prisons pour femmes. Par exemple, les femmes n'ont pas accès aux programmes dont elles ont besoin. Elles ne sont donc pas en mesure de satisfaire aux exigences de leur plan de traitement correctionnel et ne peuvent pas bénéficier des mesures les moins restrictives ainsi que de la possibilité d'une libération anticipée dans des conditions sûres pour elles et pour les autres. Nous sommes donc déjà témoins de certains effets.
    Les gens à qui je parle en prison, et surtout les membres du personnel, sont également préoccupés. Comme de plus en plus de gens, et particulièrement des femmes, sont incarcérés, il est de moins en moins possible de répondre à leurs besoins. Ainsi, dans l'unité à sécurité maximum, il y avait des pressions supplémentaires qui s'exerçaient parce que toutes les cellules étaient en occupation double. Il est donc probable que les détenus auront un accès moindre aux programmes.
    À long terme, tout cela n'est pas dans l'intérêt des victimes et de la sécurité publique. Je m'associe aux appels lancés en vue de l'affectation de plus de ressources pour aider, par exemple, les détenues qui ont des enfants en assurant des services de garde d'enfants, et pour financer des services aux victimes, des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, des centres de crise, des services de santé mentale…
    Je dois vous interrompre. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole.
    Monsieur Goguen.
    Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier tous les témoins de leur présence.

[Français]

    Je vous remercie de participer à cette séance.

[Traduction]

    Je voudrais poser une question à Barry MacKnight. Monsieur MacKnight, je vous salue au nom de la circonscription de Moncton—Riverview—Dieppe
    Une récente enquête de Statistique Canada a révélé des augmentations de 36 p. 100 dans les taux de pornographie juvénile, de 11 p. 100 dans les infractions liées aux armes à feu, de 10 p. 100 dans les infractions liées à la drogue, de 5 p. 100 des cas de harcèlement criminel et de 5 p. 100 des cas d'agression sexuelle. Ces activités criminelles sont évidemment celles que notre gouvernement a particulièrement ciblées dans des lois antérieures et dans des mesures plus récentes, comme celles qui figurent dans le projet de loi C-10.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces mesures. Qu'en pense votre service de police? Quelles dispositions du projet de loi appuyez-vous en particulier? Le projet de loi aura-t-il des effets positifs sur la prévention du crime?
(1020)
    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi le député par votre entremise.
    Même si je m'intéresse surtout aux modifications liées à la drogue, je pense que différents aspects du projet de loi sont axés sur des priorités que l'ACCP a définies au fil des ans, et notamment notre dénonciation du crime organisé à cause de ses incidences sur nos collectivités. C'est certainement le cas pour les crimes liés à la drogue, mais vous avez aussi mentionné les statistiques concernant la victimisation des membres les plus vulnérables de notre société dans le cadre de l'exploitation des enfants sur Internet. Ce sont aussi des aspects très importants.
    Même si l'exploitation des enfants sur Internet n'est pas ordinairement considérée comme une activité du crime organisé, il arrive dans certains cas que des groupes de personnes, qui sont organisés dans une certaine mesure — ce qui les inscrirait dans la définition des organisations criminelles — pour exploiter des enfants et en tirer profit. Par conséquent, tout aspect du projet de loi qui a pour but de dénoncer les activités criminelles et de donner à la police les moyens de combattre l'infrastructure criminelle aura des effets bénéfiques pour affronter ces enjeux sociétaux complexes.
    Encore une fois, j'ai parlé d'une approche équilibrée qui nécessite d'agir sur chacune des composantes. Dans son appui au projet de loi, l'ACCP estime qu'il nous aide en particulier au chapitre des questions d'exécution entourant l'infrastructure criminelle.
    Merci, monsieur MacKnight.
    Je me rends compte que vous vous intéressez surtout aux infractions liées à la drogue, mais, encore une fois, j'aimerais savoir ce que vous pensez des infractions sexuelles, particulièrement en ce qui concerne les enfants. Bien sûr, les infractions liées à la pornographie juvénile ont augmenté de 36 p. 100. Le projet de loi C-10 définit deux nouvelles infractions. La première interdit à quiconque de fournir du matériel sexuellement explicite à un enfant dans le but de s'attaquer sexuellement à lui. La seconde interdit de recourir à des moyens de télécommunications, c'est-à-dire Internet, afin de faire un arrangement avec une autre personne dans le but de commettre une infraction sexuelle contre un enfant.
     Cela étant, croyez-vous que le projet de loi C-10 propose le genre d'actualisation du Code criminel que recherchent les services de police pour combattre les criminels qui exploitent leurs connaissances technologiques?
    Je vous remercie encore, monsieur le président, ainsi que le député, par votre intermédiaire. Je peux vous donner mon opinion personnelle…
    Je vous en prie.
    … plutôt que la position de l'ACCP à cet égard. Je crois que c'est ce que vous me demandez.
    Encore une fois, dans le cas des infractions commises contre les membres les plus vulnérables de notre société, nous avons besoin de mesures énergiques pour combattre ces crimes, afin d'être sûrs que les tribunaux s'en occupent adéquatement et pour que les peines correspondent à la nature des crimes commis. C'est certainement notre position depuis des années.
    Nous avons souvent assisté, dans nos collectivités, à une érosion de la confiance du public dans le système judiciaire parce que les gens ne comprennent pas les incohérences qu'ils perçoivent au chapitre des peines imposées. Je pense aux observations formulées par le dernier groupe de témoins, quand M. Trudell était ici, au sujet des avantages qu'il y a à faire connaître ce qui se passe dans le système de justice. Cela aiderait certainement le public à comprendre. Nous avons tous intérêt à ce que le public fasse confiance au système judiciaire.
    Merci, monsieur MacKnight.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poser une question à Steve Sullivan et, s'il reste encore du temps, une autre à M. Piché.
    Aujourd'hui, comme au cours d'autres audiences, nous avons entendu des victimes dire que les peines minimales obligatoires sont nécessaires et qu'en adoptant cette approche, on réprime énergiquement la criminalité. Je peux comprendre que des victimes soient de cet avis. Ce serait presque aller contre ses propres instincts que de dire que nous n'avons pas besoin de peines minimales obligatoires. Ma question est la suivante: Est-ce qu'une telle attitude est vraiment judicieuse? Qu'avez-vous à répondre aux victimes qui disent que les peines minimales obligatoires sont nécessaires?
    En fait, j'en ai déjà discuté avec quelques-uns des témoins qui ont comparu devant vous. Je voudrais dire avec respect que je ne suis pas d'accord avec eux. Pour moi, dans une période où les collectivités disposent de ressources limitées, il vaut mieux consacrer l'argent à servir les gens qu'à punir les délinquants. S'il y avait eu des preuves établissant que les peines minimales obligatoires ont des effets sur un vaste éventail de délinquants — je dois dire ici que je ne suis pas complètement opposé à des minimums obligatoires pour certaines infractions —, je serais d'accord avec ces victimes. S'il était prouvé que ces peines réduisent la revictimisation et la récidive, qu'elles ont vraiment aidé quelqu'un à entreprendre un processus de guérison, je pourrais les appuyer.
    D'après ma propre expérience, les peines minimales obligatoires ne font rien de tout cela. Je crois qu'on obtiendrait plus de résultats en offrant davantage de services. Nous allons dépenser 10 millions de dollars sur deux ans pour financer les peines contre les délinquants sexuels et pour les punir. Certaines de ces peines sont probablement justifiées. Certains délinquants sexuels méritent peut-être ce genre de punition, mais nous nous proposons d'adopter une approche générale s'appliquant à tout le monde. Le gouvernement ne consacre qu'un million de dollars par an sur cinq ans aux centres de défense des droits des enfants. Pour moi, il y a confusion au sujet des priorités. Si vous avez vraiment à cœur d'aider les enfants, aidez donc les enfants.
(1025)
    Cela correspond à ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que vous ne voyez pas d'indices vous permettant de croire que le projet de loi renforce les droits des victimes.
    Je vais donc inverser ma question. À votre avis, quelles dispositions faudrait-il inscrire dans le projet de loi, quelles modifications faudrait-il apporter pour renforcer les droits des victimes?
    Je ne suis pas sûr des mesures à inclure pour renforcer les droits.
    Je crois que les dispositions relatives au système correctionnel et à la mise en liberté sous condition sont importantes.
    En examinant les détails du projet de loi, on se rend compte qu'il ne s'attaque pas vraiment à la majorité des problèmes que les victimes connaissent au jour le jour. Il y a une foule de choses que je pourrais recommander à cet égard. Dans ma collectivité, je connais des femmes qui doivent choisir entre rester chez elles en supportant une relation de violence ou aller dans un refuge — je sais par ailleurs que les refuges d'Ottawa sont souvent pleins — ou encore aller chez des amis pendant quelque temps. Ces femmes risquent de devenir des sans-abri. Je préférerais dépenser l'argent pour leur donner un choix qui leur permette de vivre à l'abri de la violence.
    Il y a aussi le problème des gens qui ne portent pas plainte. On pourrait les encourager à le faire en donnant aux femmes et aux enfants des choix qui leur permettent de vivre en sécurité.
    Je voudrais poser une question à…
    Il vous reste deux minutes.
    … M. Piché.
    Vous avez parlé de surpopulation carcérale. Je crois savoir qu'avant le dépôt de ce projet de loi, il y avait déjà un sérieux problème de surpeuplement dans les prisons. Certaines provinces ont déclaré en être à 200 p. 100 de la capacité prévue. La Cour suprême des États-Unis a décrété qu'aller au-delà de 137 p. 100 de la capacité revient presque à imposer un châtiment cruel et inhabituel.
    Vous avez parlé de la construction de prisons. Peut-on dire qu'en construisant des prisons, on atténuera le problème de la surpopulation carcérale, comme certains le soutiennent? Ou croyez-vous plutôt que l'approche dont témoigne le projet de loi ne fera qu'aggraver le problème et pourrait risquer de nous attirer des ennuis constitutionnels liés à un châtiment cruel et inhabituel et susciter de la violence parmi les détenus? Risquons-nous en fin de compte d'augmenter la criminalité, une fois que ces prisonniers auront été libérés, au lieu de la réduire?
    Nous avons depuis longtemps des problèmes de surpeuplement dans les prisons canadiennes, surtout dans les 15 dernières années. Dans le cas de l'Ontario, 11 des 31 établissements sont souvent obligés de passer à l'occupation double ou même triple des cellules. L'Alberta et la Colombie-Britannique signalent aussi la même chose. L'occupation double est assez courante partout dans le pays. Cela va à l'encontre des règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies, dont nous sommes signataires. Si nous continuons à adopter des projets de loi qui…
    Votre temps de parole est écoulé.
    … augmentent le nombre de prisonniers, le problème s'aggravera sûrement.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. Je remercie aussi tous les témoins.
    J'ai une première question à poser à M. Piché. Vous avez dit dans votre exposé préliminaire… En fait, vous avez mis le comité au défi de faire comparaître le commissaire du Service correctionnel du Canada, M. Don Head, pour qu'il parle des coûts. Je suis curieux de savoir, monsieur, si vous avez vu ou lu les témoignages de notre séance du 18 octobre, au cours de laquelle M. Head a en fait comparu devant le comité et nous a présenté les coûts dont vous avez parlé.
(1030)
    J'ai vu le témoignage. Je dois noter que M. Head a dit à plusieurs reprises que le Service correctionnel du Canada aura des problèmes à cause des mesures législatives proposées.
    Je vous remercie.
    Je ne voudrais pas que ceux qui écoutent nos délibérations à la télévision aient l'impression que, comme vous l'avez soutenu, les Canadiens n'ont pas le droit de connaître le coût du projet de loi.
    Mes questions suivantes…
    Nous pourrions parler des coûts provinciaux et territoriaux.
    Mes questions suivantes s'adressent à M. Sullivan.
    Monsieur Sullivan, vous êtes l'ancien ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, et vous travaillez actuellement pour les Services aux victimes d'Ottawa.
    Oui.
    Vous allez peut-être pouvoir m'aider à mieux comprendre. Vous avez des réserves au sujet du projet de loi. En fait, si je vous ai bien entendu, vous ne croyez pas qu'il fera grand-chose en faveur des victimes ou qu'il préviendra la victimisation.
    Comment expliquez-vous, dans ces conditions, que chaque fois qu'une victime se présente devant le comité — il y en avait deux dans le groupe précédent de témoins —, elle appuie sans réserve cette initiative? Toutes les victimes sont en faveur des peines minimales obligatoires. Toutes les victimes appuient les modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, y compris la publication du nom des délinquants. Comment se fait-il que les victimes appuient le projet de loi tandis que vous, qui êtes le porte-parole d'au moins certaines d'entre elles, y êtes opposé?
    Je pourrais vous répondre de deux façons. Je crois que Mme Rosenfeldt a mentionné, lors de sa comparution, qu'elle ne parlait pas au nom de toutes les victimes d'actes criminels. Vous avez fait comparaître deux victimes, et je vous en félicite. Je connais la plupart d'entre elles, et je les respecte toutes, mais elles ne parlent pas au nom de toutes les victimes d'actes criminels. Je suis en contact avec des familles dans lesquelles il y a eu des homicides ainsi qu'avec des victimes d'agressions sexuelles. Certains ont des points de vue différents. Si le comité avait le temps de les entendre… Si je pouvais obtenir leur permission, je serais heureux de vous transmettre leur nom.
    Je dirais aussi que beaucoup des gens avec qui nous travaillons ne sont pas du genre à se présenter devant un comité. Des femmes qui se demandent si elles vont essayer d'échapper à un conjoint violent, des parents qui essaient de protéger des enfants victimisés n'ont en général pas l'occasion de s'exprimer en public. Je pense aussi que beaucoup de victimes comptent parmi les membres les plus vulnérables de la société: personnes handicapées, Néo-Canadiens, personnes à faible revenu. J'ai fait partie du mouvement en faveur des victimes, mais je ne parle qu'à titre personnel. Nous n'avons pas vraiment réussi à faire participer ces gens à de grandes parties de notre travail.
    Pourtant, l'actuelle ombudsman des victimes d'actes criminels appuie ce projet de loi. Elle a pour mandat de parler au nom de toutes les victimes.
    J'ai écouté son témoignage. Je l'ai entendue parler des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, mais je n'ai pas eu l'impression qu'elle appuyait l'ensemble du projet de loi.
    Eh bien, elle n'était sûrement pas aussi critique que vous l'avez été. J'espérais que vous admettriez au moins que le projet de loi profite aux victimes en leur permettant d'assister aux audiences de libération conditionnelle. Jusqu'ici, cette participation était discrétionnaire, mais elle serait maintenant inscrite dans la loi.
    Oui, c'est la politique maintenant. Nous l'appuyons.
    Mais elle sera maintenant inscrite dans la loi, si cette mesure est adoptée.
    Pour ce qui est des enfants victimes de violence, nous avons entendu la semaine dernière le témoignage remarquable de M. Sheldon Kennedy, qui estimait que des peines plus sévères seraient à l'avantage des enfants victimes de violence.
    J'ai rencontré Sheldon. C'est l'un des hommes les plus sympathiques que j'ai jamais connus. Le fait que des délinquants sexuels soient enfermés ne me dérange pas du tout. Si vous avez entendu le témoignage de Sheldon, vous savez que, dans son cas, le délinquant a écopé de trois ans. Je ne sais pas en vertu de quelles dispositions il a été condamné, mais j'ai cru comprendre qu'aux termes de ce projet de loi, la peine minimale obligatoire est d'un an d'emprisonnement. Si vous envisagez d'imposer des peines plus sévères pour satisfaire les victimes, je crains fort que ces nombres ne leur plaisent pas beaucoup. Dans un an ou deux, une famille dans le cas de laquelle le délinquant aurait été condamné à un an de prison viendra vous dire que ce n'était pas assez. J'ai passé quelque temps au Texas où les peines sont de très, très loin plus sévères que les nôtres. Il y avait pourtant des victimes qui disaient que ce n'était pas assez.
    Je voudrais poser une question supplémentaire au sujet de Mme Rosenfeldt, qui a comparu devant le comité à plusieurs reprises au cours de la dernière législature, sans compter celle-ci…
    Monsieur Rathgeber, votre temps de parole est écoulé.
    À vous, madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Hier, l'Association des centres jeunesse du Québec, la Société de criminologie du Québec, l'Institut Philippe-Pinel, l'Association canadienne de justice pénale et l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec ont fait front commun pour déclarer que la loi aurait des impacts néfastes sur la population. Ces organisations parlaient de surpopulation carcérale, de gaspillage d'argent, de système inefficace et de frein à la réinsertion sociale.
     Patrick Altimas, qui est directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, a dit que le gouvernement nous présentait une solution à la recherche de problèmes. Michel Gagnon, de l'ACJP, a déclaré ceci: « L’intransigeance envers les personnes en conflit avec la loi nous préoccupe beaucoup ».
    Tous les élus de l'Assemblée nationale du Québec ont rejeté le projet de loi omnibus C-10. Le Barreau du Québec a récemment dénoncé les mesures proposées en affirmant qu'elles ne répondaient à aucun besoin réel du système de justice. D'ailleurs, c'est souvent l'argument que nous sert le gouvernement lorsqu'il défend le projet de loi C-10, à savoir que cela correspond à un besoin réel.
    Monsieur Sullivan, en écoutant votre témoignage, je me remémorais celui de Susan O'Sullivan. Je crois qu'elle a comparu la semaine dernière. Elle ne nous a parlé que des bons côtés de la loi, du fait qu'on voulait faire en sorte que les victimes soient consultées davantage, entre autres lors des auditions de demandes de remise en liberté sur parole, et du besoin de dialogue chez ces victimes.
    Ce projet de loi est énorme parce qu'il touche à un grand nombre de lois. On nous dit que c'est pour augmenter la sécurité dans les rues, pour s'assurer que les sentences sont proportionnelles et plus représentatives des crimes commis, pour que les crimes avec violence, les crimes graves, soient punis. J'entends une personne qui a travaillé et qui travaille encore auprès des victimes nous dire que ce n'est pas du tout ça. C'est ce qu'affirment également plusieurs spécialistes. En tant que personne qui étudie ce projet de loi pour la première fois, je dois avouer que ça m'inquiète grandement. Quand je l'associe à d'autres discours que nous avons entendus, le vôtre ne me surprend pas.
    J'aimerais poser la question suivante à Mme Pate.
     Nos prisons sont déjà assez surpeuplées. Cela va avoir un impact sur les femmes incarcérées dans des prisons pour femmes. En effet, ce n'est pas toujours pour les femmes qu'on construit des prisons.
    Selon vous, est-ce qu'il s'agit là d'un problème supplémentaire du projet de loi C-10?
(1035)

[Traduction]

    Oui, je le crois. Je pense que pour financer le projet de loi, comme beaucoup de témoins l'ont dit, il est probable que des ressources seront prélevées dans d'autres secteurs.
    Comme l'a dit M. Sullivan, nous savons déjà ce dont les femmes et les enfants ont besoin. Ils ont besoin de plus d'égalité. Nous avons eu des réductions à Condition féminine Canada, dans les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et dans les refuges, qui sont déjà surpeuplés et ne peuvent plus prendre personne. Nous avons eu des réductions dans les services de santé mentale, dont la clientèle féminine est surreprésentée. Nous avons eu des réductions dans les services sociaux. Nous voyons de plus en plus de femmes qui essaient de survivre dans une collectivité de plus en plus inhospitalière. Dans le cas des femmes autochtones en particulier, lorsque j'ai commencé à faire ce travail il y a près de 30 ans, ces femmes représentaient près de 10 p. 100 de la population carcérale fédérale. Aujourd'hui, la proportion est de 34 p. 100 et ne cesse de monter. J'étais justement en visite à l'établissement pour femmes d'Edmonton, où l'unité à sécurité maximum était remplie de femmes autochtones. Comme je l'ai dit, les prisons sont déjà surpeuplées. Le projet de loi ne fera qu'aggraver la situation.
    De plus, lorsque les gens sortent de prison, s'ils n'ont pas eu accès aux services et à l'aide dont ils ont besoin, ils souffriront probablement de problèmes mentaux plus graves. De plus, ils devront s'intégrer dans une collectivité qui aura moins de moyens de s'occuper de leurs problèmes et de les appuyer et qui ne sera pas en mesure de contribuer autant à cause de toutes les réductions. Comme le Conseil national du bien-être social l'a signalé dans un rapport récent sur la pauvreté, les pays qui se montrent plus humains, où le système de justice pénale est davantage axé sur les droits de la personne, ont moins de pauvreté parce que leurs politiques sont mieux intégrées.
    Quant à la question de la participation des victimes aux audiences de libération conditionnelle et à leur accès à de l'information, cela existe déjà. Je sais que les dispositions correspondantes ne figurent que dans la politique, mais c'est un exemple parfait d'une mesure législative dont on n'a pas besoin. Si une victime souhaite être présente, je n'ai jamais entendu dire qu'on l'en a empêchée ou qu'on lui a refusé du financement. Je comprends bien…
(1040)
    Le temps de parole est écoulé.
    Monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leur présence.
    Il y a tant de questions que je voudrais poser, mais je vais commencer par rassurer un peu Mme Pate au sujet des programmes correctionnels pour les femmes. Je tiens à vous dire, ainsi qu'à d'autres qui pourraient être en train de nous écouter, que notre gouvernement ne fait pas que réduire le financement de ces programmes. Je vais vous donner l'exemple d'un programme que le gouvernement a récemment financé dans ma propre collectivité. Il s'agit d'une nouvelle approche des programmes pour femmes destinée à les aider à se réintégrer dans la collectivité. Je parle ici du programme des cercles d'appui des Initiatives de justice communautaire. C'est une grande innovation, que je vous recommande d'examiner.
    Je voudrais demander une chose à M. Sullivan. Je n'en suis pas sûr, mais j'ai cru vous entendre dire que les mesures prévues dans le projet de loi ne correspondent pas à ce que vous disent les victimes. Ai-je bien compris?
    Oui.
    D'accord.
    Cela m'intrigue et me laisse perplexe. En effet, presque toutes les victimes — je dirais même toutes les victimes — qui ont comparu devant le comité dans les deux ans et demi qui se sont écoulés depuis mon arrivée au comité ont dit que les peines n'étaient pas à la mesure des crimes commis contre elles et qu'il n'y avait pas d'équilibre. J'irai même jusqu'à dire que toutes les victimes, sans exception, qui ont témoigné devant le comité nous ont clairement affirmé que c'était leur point de vue. Pourtant, je suis absolument sûr que mes collègues de l'opposition ont parcouru le pays de long en large à la recherche de victimes qui seraient d'un avis contraire sans parvenir à nous en présenter une seule.
    Aujourd'hui même, nous avons entendu Mme Jong affirmer que 67 p. 100 des Québécois croient que les peines ne sont pas à la mesure des crimes. Mme Campbell nous a également dit aujourd'hui que les peines minimales sont très importantes pour les travailleurs de première ligne qui s'occupent de cas de violence. Nous avons entendu des victimes telles que Sheldon Kennedy et Mme Sharon Rosenfeldt, qui dirige l'organisation d'aide aux victimes de violence.
    À part les témoignages présentés au comité, Radio-Canada a présenté la semaine dernière une émission sur les enfants membres des Boy Scouts qui ont été victimes d'agressions sexuelles. Chacune des victimes présentées dans l'émission a affirmé que les peines infligées aux agresseurs n'étaient pas suffisantes compte tenu des ravages qu'ils avaient causés.
    Vous êtes le seul à dire que vous n'avez pas entendu ces victimes. En fait, vous n'êtes pas le seul. Il y a aussi des universitaires et d'autres qui ne les ont pas entendues non plus.
    Pouvez-vous nous dire comment il se fait que vous n'ayez pas entendu tous ces gens?
    Permettez-moi de faire une mise au point. J'ai entendu ces gens.
    C'est bien.
    Je vous dis cependant que, comme travailleur de première ligne — je me suis occupé de toutes sortes de problèmes différents —, quand des victimes viennent me parler de leurs plus grands problèmes, elles ne mentionnent pas la peine infligée à l'agresseur. Elles me demandent plutôt: Où vais-je trouver l'argent pour payer mon hypothèque? Rien dans le projet de loi ne les aide à cet égard. Si vous me mettez au défi de trouver des victimes pouvant venir…
    Je vous arrête parce que je n'ai que cinq minutes. Vous m'avez répondu.
    Oui, mais vous m'avez posé une question. J'aimerais bien pouvoir y répondre.
    Je vous ai demandé pourquoi vous n'avez pas entendu les mêmes voix que moi…
    Si vous voulez avoir le nom de victimes qui viendraient vous donner un autre son de cloche…
    … et vous m'avez répondu que vous les aviez entendues.
    … je peux vous donner ces noms.
    Monsieur le président, je ne veux pas parler pendant que le témoin parle lui-même. J'invoque le Règlement. Le témoin a répondu à ma question. Il veut me donner des renseignements qu'il peut donner à quelqu'un d'autre, s'il le souhaite. Je veux moi-même pouvoir continuer à poser des questions.
    Vous pouvez poursuivre.
    Merci beaucoup.
    Pour que ce soit bien clair, je tiens à dire que nous avons confirmé que ce témoin a entendu comme moi les victimes demander des peines à la mesure des infractions.
    J'invoque le Règlement. Je crois que c'est une fausse interprétation des propos du témoin.
    Vous ne lui avez pas permis de répondre à la question que vous avez mis trois minutes à poser. Je crois que nous avons le devoir de respecter les témoins qui comparaissent devant le comité.
    J'en conviens, mais ma question avait pour but de contester l'affirmation selon laquelle il n'a pas entendu ce que disent les victimes.
    À votre place, monsieur, je laisserais le témoin répondre à la question.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Cotler, je crois que notre temps est limité. Si un témoin prend le temps de parole d'un membre du comité…
    Le témoin ne prenait pas du temps. C'est le député qui l'a fait. Ensuite, il n'a pas laissé le témoin répondre. En toute franchise, nous devrions soit tenir…
    Le témoin a répondu à ma question, monsieur le président.
    … des audiences équitables, soit ne pas tenir d'audiences du tout.
(1045)
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. M. Cotler est en train de prendre mon temps de parole parce que je n'aurai pas la possibilité de poser moi-même des questions aux témoins. J'aimerais bien pouvoir le faire.
    J'invoque moi aussi le Règlement. Je crois que c'est mon collègue qui a de quoi se plaindre pour tout ce temps perdu. Savez-vous? Je suis en fait d'accord avec M. Cotler. Je trouve pitoyable qu'on…
    Il ne reste plus de temps. Le timbre va retentir. Nous n'avons plus le temps.
    La séance est levée.
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