Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
La séance numéro 7 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous étudions le projet de loi -nousC-10.
Nous allons entendre ce matin un panel de témoins. Je vais redire aux membres du panel que chaque organisation dispose de cinq minutes pour présenter des observations préliminaires. Les tours de question seront de cinq minutes. Lorsque vous présenterez votre déclaration préliminaire, je vous signalerai qu'il vous reste une minute.
Si vous voulez commencer, allez-y, si vous avez choisi un porte-parole.
Bonjour. Mon nom est Pierre Hamel, de l'Association des centres jeunesse du Québec. Je suis accompagné de Michèle Goyette du Centre jeunesse de Montréal.
L'Association des centres jeunesse est heureuse d'avoir l'occasion de faire des recommandations au comité à l'égard du projet de loi C-10.
L'Association des centres jeunesse est un regroupement de 16 centres jeunesse au Québec. Le travail de ces centres jeunesse est régi par les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et la Loi sur la protection de la jeunesse sur tout le territoire du Québec. À l'heure actuelle, ils fournissent donc des services de nature psychosociale ou de réadaptation à 112 000 enfants, soit sur le plan de la protection de la jeunesse ou relativement aux jeunes contrevenants. Les centres jeunesse sont des organismes parapublics qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, et leur financement provient de ce ministère.
Il y a une particularité québécoise que j'aimerais rappeler. Au Québec, les directeurs de la protection de la jeunesse, qui s'occupent de la protection de l'enfance, sont aussi désignés pour agir à titre de directeur provincial au sens de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Environ 13 000 personnes oeuvrent au sein des centres jeunesse, dont 900 sont dédiés à l'intervention auprès des jeunes contrevenants. C'est pour vous dire à quel point nous sommes concernés par l'application de cette loi.
Nous souhaitons faire quatre recommandations principales au comité, aujourd'hui, en lien avec la partie du projet de loi C-10 qui concerne les jeunes contrevenants. Nous souhaitons des modifications à quatre aspects.
Le premier est lié à la modification de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. On introduit comme premier principe le principe de proportionnalité de la peine. Nous considérons que c'est faire fausse route. Que ce soit pour la victime du délit ou la société dans son ensemble, la protection du public est mieux assurée par la réadaptation et la réinsertion des contrevenants. Mettre de l'avant une logique de proportionnalité de peine ne rend service ni aux contrevenants ni à la société. C'est clair, nous sommes opposés à ce changement.
Évidemment, on souhaite le maintien d'un système distinct pour les adolescents, que nous sommes heureux de voir intégré dans la loi. Toutefois, pour qu'il soit distinct et qu'il le demeure, on doit le dissocier le plus possible des principes de détermination de la peine adulte. En ce sens, l'Association des centres jeunesse ne voit pas d'un bon oeil l'introduction de la dissuasion et de la dénonciation comme principes de détermination de la peine. On croit davantage à des mesures fondées sur les facteurs de risque de l'adolescent, fondées sur ses besoins davantage que sur la dissuasion et la dénonciation.
D'ailleurs, ces principes ont prouvé leur inefficacité en ce qui a trait aux adolescents. Ce principe ne permet pas d'atteindre des objectifs de réadaptation et de réinsertion et, par conséquent, de protection durable du public.
Le troisième objet auquel on est vivement opposés est la levée de l'interdit de publication de l'identité du jeune. Nous travaillons quotidiennement avec des adolescents contrevenants qui sont dans une démarche sincère et honnête de réadaptation, et nous ne voyons pas du tout quel gain la société ferait si ces jeunes étaient marqués et stigmatisés parce que leur identité aurait été publiée dans le journal. Nous sommes tout à fait opposés à cette partie du projet de loi et nous aimerions qu'elle soit retirée.
Notre expérience nous démontre que la nature du délit, si grave soit-il, ne nous permet pas de présumer des risques de récidive que l'adolescent présente. Nous ne pouvons pas non plus présumer que les services de réadaptation n'auront pas d'effet sur lui.
La dernière recommandation concerne l'assujettissement à une peine pour adulte. Nous sommes heureux de voir codifier les décisions qui ont été rendues par la Cour suprême. Toutefois, toujours dans l'esprit de maintenir un système distinct, on ne croit pas utile que le législateur fasse intrusion dans l'exercice de la discrétion du poursuivant. Le poursuivant est en mesure d'évaluer, cas par cas, les possibilités d'assujettissement. On considère que la loi en matière d'assujettissement réussit très bien, actuellement, à assurer la protection durable de la société et à identifier les adolescents pour lesquels le système de justice pénale ne fonctionne pas.
L'expérience du Québec le démontre, très peu de jeunes sont assujettis, mais l'exercice rigoureux qui est fait à chaque fois qu'une demande est faite démontre très bien que le système actuel ne comporte aucune lacune en ce sens.
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, au nom de Parent-Secours du Québec, je vous remercie de me recevoir.
Je m'appelle Pierre Chalifoux. Je suis le directeur général de l'organisme Parent-Secours du Québec, qui défend les mêmes droits et valeurs que son homonyme au Canada, Block Parent Program of Canada.
Je suis totalement en accord avec le nouveau projet de loi, car nous devons toucher aux points suivants, qui sont les plus importants dans cette Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents: protéger le public en obligeant les adolescents à répondre de leurs actes, encourager la réadaptation et la réinsertion sociale des adolescents ayant commis des infractions, et contribuer à la prévention du crime par le renvoi des adolescents à des programmes ou des organismes communautaires.
Si nous prenons comme exemple Parents- Secours du Québec, nous devons, selon nos vérifications, vérifier tous les membres d'une famille de 12 ans et plus habitant à la même adresse avant d'émettre une affiche-fenêtre, afin de prouver que la résidence est sécuritaire et convenable pour recevoir les gens en détresse et ainsi les sécuriser.
Pour cette raison et afin de dissiper tout doute lors de l'émission d'un certificat de bonne conduite, il est primordial, autant pour Parents-Secours du Québec que pour tout organisme demandeur, d'obtenir le portrait juste et réel de tout adolescent. Avant d'informer les citoyens que l'adolescent, devenu adulte ou non, est sans reproche, qu'il ne détient aucun antécédent de violence ou d'agression et qu'il est apte à travailler avec des enfants ou des aînés dans des centres ou dans des institutions, nous devons avoir plus que la mention « jeune contrevenant » à son dossier lors de vérifications, mais bien aussi l'information propre à son dossier criminel. Ainsi, nous pourrons être en mesure de mieux évaluer les risques associés aux adolescents ayant commis des infractions.
Nous croyons donc que le système de justice pénale pour adolescent doit informer systématiquement les demandeurs de tout acte criminel des prévenus, nonobstant l'âge et l'acte d'accusation.
En terminant, je laisse entre les mains du comité les décisions concernant les peines applicables aux infractions. Pour la sécurité des citoyens, j'espère seulement que nous serons mieux informés du portrait de tout adolescent, lors de vérifications d'antécédents.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du comité. Je suis heureux d'être ici. J'enseigne le droit à l'Université Queen's et suis le père de quatre enfants. Depuis plus de 30 ans, je fais de la recherche sur les questions touchant les enfants et les jeunes, tant sur les jeunes délinquants que sur les enfants victimes, ainsi que sur les enfants faisant l'objet de litiges en matière de garde et de droit de visite.
J'ai observé les changements apportés au régime juridique canadien dans ce domaine, premièrement avec la Loi sur les jeunes délinquants, ensuite avec la Loi sur les jeunes contrevenants et maintenant avec la loi actuelle. J'ai écrit au sujet de ces lois. Certains de mes travaux sont cités par les tribunaux. J'ai participé activement à la formation d'avocats, de juges, d'agents de probation et de policiers.
Je préparais ma comparution d'aujourd'hui quand Élizabeth, ma fille de 15 ans, m'a demandé ce que j'espérais accomplir. Je lui ai répondu franchement que je ne pensais pas vraiment que le comité amenderait ce projet de loi. Le processus adopté par le comité est quelque peu précipité. Je m'inquiète en particulier du fait que l'on ait regroupé dans un seul projet de loi des sujets touchant les jeunes et les adultes. Je pense qu'il existe de bonnes raisons de traiter les jeunes, même dans le contexte d'un examen législatif, à part des adultes.
Je suis toutefois venu ici pour me faire le porte-parole, si je peux m'exprimer ainsi, de ceux qui ne peuvent parler en leur propre nom, en particulier des jeunes, mais aussi des professionnels qui travaillent avec vous et qui s'inquiètent de ces mesures. Je crains en particulier qu'elles soient à la fois coûteuses et qu'elles n'aient pas pour effet de renforcer la sécurité de la population.
Enfin, je suis venu ici pour poser quelques jalons en vue des examens dont fera l'objet ce projet de loi. Je vais y revenir dans un moment.
À mon avis, la partie 4 du projet de loi C-10 contient d'excellentes dispositions, mais il y a d'autres éléments qui reflètent en réalité ce que l'on pourrait qualifier une politisation des mesures de lutte contre la criminalité chez les jeunes ou de mesures basées sur une idéologie plutôt que de mesures s'appuyant sur des études ou sur l'expérience des professionnels de première ligne.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est en vigueur depuis 2003 et je pense qu'il y aurait lieu de la modifier sensiblement. J'estime que le juge Nunn a fait de l'excellent travail, parce qu'il a signalé, après avoir fait une longue enquête en Nouvelle-Écosse, certains aspects importants qu'il fallait changer. Je vous dirai que le projet de loi actuel va bien au-delà de ses recommandations et c'est la raison pour laquelle je me pose des questions à ce sujet.
J'estime que certains changements vont avoir pour effet de ralentir le déroulement des affaires pénales pour les jeunes, mais n'auront aucun effet sur les résultats obtenus. Il y a d'autres changements qui pourraient être, d'après moi, négatifs et qui risquent d'entraîner une augmentation du recours à la détention pour les jeunes délinquants non violents, qui ne s'accompagnera pas d'une réduction de la criminalité chez les jeunes.
J'ai préparé un mémoire qui vous a été distribué, je le sais. Il aborde de façon détaillée toutes les dispositions du projet de loi. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Ce qui m'inquiète le plus au sujet de cette loi, de ces modifications, ce sont les effets qu'elles auront sur les délinquants mineurs, les délinquants non violents, en particulier l'article 38 qui introduit la dissuasion et la dénonciation. Il est peut-être politiquement habile de présenter ce genre de dispositions, mais elles ne me paraissent pas judicieuses. La réalité est que les jeunes qui commettent des infractions ne pensent pas à ce qui pourrait leur arriver s'ils étaient pris. Ils manquent de jugement et sont incapables de prévoir l'avenir; le fait d'insérer la dissuasion dans la loi ne modifiera pas leur comportement. Cela modifiera par contre l'approche adoptée par les tribunaux. Nous avons, je crois, avec les jeunes, la possibilité de les réadapter, de réorienter leur vie, souvent grâce à des mesures communautaires. Il est important de ne pas gaspiller nos ressources en envoyant inutilement un certain nombre de jeunes dans des établissements de détention pour adolescents.
Les dispositions concernant la détention avant le procès m'inquiètent également. Je signalerai que c'est un aspect sur lequel le projet de loi C-10 diffère sensiblement du projet de loi précédent, le projet de loi C-4. Ce dernier prévoyait que les jeunes ayant commis des infractions violentes risqueraient davantage d'être placés en détention avant le procès. Le projet de loi C-10 élargit considérablement la portée de cette disposition. Je pense que la détention avant le procès est un aspect extrêmement important; je le dis dans mon mémoire et cela est bien connu. Les jeunes qui sont placés en détention avant le procès sont particulièrement vulnérables, par exemple au recrutement qu'effectuent les gangs de jeunes, et cela peut entraîner une augmentation très rapide du nombre des infractions qu'ils commettent.
Enfin, je conviens avec mes collègues ici que l'article 75, qui autorise la publication de renseignements signalétiques en particulier pour toute infraction violente, est une disposition inutile et très large qui aura tendance à ralentir le fonctionnement des tribunaux pour les jeunes. Notre système de justice pour les jeunes connaît déjà des problèmes très concrets. La participation des victimes n'est guère encouragée. Il y a peu de ressources affectées à la prévention. On n'utilise pas suffisamment les mesures communautaires ou axées sur la justice réparatrice.
(0855)
Je crains en fait que ce projet de loi ait, en partie, pour effet d'augmenter le recours au placement sous garde pour les jeunes contrevenants peu violents, ce qui va déboucher sur des mesures coûteuses sans améliorer pour autant la protection de la société. Il est vrai que ce projet de loi a certains aspects positifs, et je suis heureux de constater qu'il conserve le large pouvoir discrétionnaire important que possèdent les juges et les tribunaux pour adolescents. Je pense que grâce au maintien de ce pouvoir discrétionnaire...
Merci à tous les témoins d'être venus ici ce matin.
Monsieur Bala, j'ai lu votre mémoire en entier et j'ai apprécié vos commentaires pénétrants sur certaines questions. En particulier, vous appuyez certains changements et certaines recommandations et en proposez également d'autres. Je crois que vous avez qualifié de problème l'aspect dissuasion, dans le sens où la dissuasion spéciale deviendrait un principe de détermination de la peine, et je crois que la dénonciation est un objectif connexe.
Un de vos commentaires m'a frappé; vous avez déclaré que les « études montrent que le principe de la 'dissuasion' a un effet sur les juges mais pas sur les jeunes ». Cela revient à critiquer le recours à la dissuasion comme moyen de lutter contre le crime chez les adolescents. Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire par là et comment cela touche ce projet de loi et vos recommandations?
Il me paraît évident que d'une certaine façon il est possible et nécessaire de dissuader les adolescents de commettre des crimes; il est bon qu'ils sachent qu'ils risquent d'être pris, et ils auront ainsi moins tendance à commettre des infractions. D'un point de vue social, le fait qu'il existe un système de justice pour les adolescents a bien évidemment pour effet de dissuader les jeunes de commettre des infractions. S'ils savent qu'ils vont être pris, ils auront moins tendance à commettre des infractions. C'est le fait d'ajouter la dissuasion comme un nouveau facteur à prendre en compte qui est inquiétant. Cet aspect ne figurait pas dans la loi actuelle, et le message envoyé aux juges est qu'ils devraient imposer des peines plus lourdes dans l'espoir de décourager les adolescents de récidiver. Cela va modifier le comportement des juges, en particulier sur le plan des peines.
D'un autre côté, pour les jeunes, je dirais que, s'ils sont pris et déclarés coupables, ensuite condamnés à une peine qui sera de six mois de placement sous garde au lieu de trois mois, cela ne modifiera pas leur comportement. La réalité est que les adolescents qui commettent des infractions, et cela est regrettable, à cause de leur manque de maturité, ne pensent pas aux conséquences que pourrait entraîner l'infliction d'une peine.
De la même façon, aux États-Unis, les spécialistes pensaient que l'on devrait pouvoir imposer la peine capitale à des adolescents, mais cela n'a pas fait diminuer la criminalité chez les jeunes. Dans l'arrêt Roper c. Simmons, la Cour suprême des États-Unis s'est penchée sur cette question et a déclaré que la peine capitale n'était pas applicable aux adolescents, en raison, en partie, du fait qu'elle ne dissuadera pas les adolescents de commettre des infractions.
Malheureusement, les adolescents qui commettent des infractions n'envisagent pas les conséquences à long terme de leurs actes, qu'ils s'agissent de fumer, de consommer des drogues, ou bien évidemment, de commettre des infractions. Il est possible de modifier leur comportement. Nous savons comment les réadapter. Mais ce n'est pas en leur imposant des peines plus longues qu'on modifiera leur comportement. Cela va tout simplement les amener à passer beaucoup plus de temps en placement sous garde.
Pour certains adolescents, la détention est une mesure appropriée, voire nécessaire. Je crains toutefois que nous envoyions en détention pendant des périodes plus longues des adolescents pour lesquels cela n'est pas utile.
Pouvez-vous me dire, premièrement, quel sera l'effet de ce changement?
Deuxièmement, vous avez parlé de la dénonciation comme principe supplémentaire, mais je crois que vous affirmez dans ce mémoire que la dénonciation est déjà en fait prise en compte lorsque le juge examine les répercussions sociales d'une infraction commise par un individu particulier. Pourriez-vous nous en dire davantage?
Je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à dire, du point de vue d'un non-spécialiste, au sujet de la volonté d'obliger les adolescents à rendre compte de leurs actes. La loi actuelle parle de responsabilité et de valeurs sociales.
Il est très important que les jeunes sachent qu'ils devront répondre de leurs actes. En fait, si l'on voulait faire quelque chose, j'aimerais que les victimes participent davantage au processus pour que les adolescents entendent les victimes leur raconter directement ce qu'ils leur ont fait.
Si nous ajoutons le mot « dénonciation », comme les tribunaux l'ont dit, cela veut dire que, si vous, le législateur, nous dites de dénoncer ce comportement, il faut en conclure que vous voulez que nous imposions des peines plus longues. Nous les obligeons déjà à rendre compte de leurs actes. C'est donc le message que vous envoyez.
Encore une fois, je crains que cela ne modifie le comportement des tribunaux, sans modifier celui des adolescents et sans modifier la société.
Vous vous posez également des questions au sujet de la modification de la définition d'infraction avec violence, par rapport à ce qui est violent et à ce qui ne l'est pas. Vous l'expliquez dans votre mémoire et vous dites que cette notion n'est pas définie dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais que les juges peuvent utiliser cette définition. La définition qui figure dans le projet de loi parle de mettre en danger la vie d'autrui sans que l'individu concerné en ait nécessairement connaissance.
Pouvez-vous expliquer quel est le problème que cela pose et pourquoi il conviendrait de modifier cette définition?
Je pense qu'il est utile de modifier la définition d'infraction avec violence et le juge Nunn, dans son rapport, en Nouvelle-Écosse, a traité de cette question; il a mentionné qu'il y avait des cas où un adolescent pouvait mettre en danger la population. Il y a eu un cas célèbre, par exemple, d'un adolescent qui conduisait une voiture et était poursuivi à haute vitesse par des policiers; il n'a heurté personne. Certains ont dit que ce n'était pas une infraction avec violence parce qu'il n'avait blessé personne.
Il me paraît donc approprié d'élargir quelque peu cette définition, mais la façon dont le projet de loi l'a définie n'indique pas s'il est nécessaire que l'adolescent comprenne, ni même qu'il ait des motifs raisonnables de croire, que son comportement met en danger la population. J'aimerais que cela soit ajouté à cette définition.
Avant de commencer, je dois vous signaler que nous attendons un autre témoin, qui a été retardé de façon involontaire. La greffière est descendue pour essayer d'accélérer les choses et lui faire passer la barrière de sécurité. Lorsque ce témoin arrivera, nous lui donnerons la possibilité de présenter ses remarques préliminaires. Nous le ferons entre deux tours de question.
Ce rapport a étudié en profondeur le système de justice pour les adolescents. C'est le résultat d'une commission d'enquête de la Nouvelle-Écosse. Elle a recommandé que la sécurité du public soit l'un des objectifs primordiaux de la loi, afin d'essayer d'améliorer la façon dont le système traite les jeunes contrevenants violents et récidivistes.
Êtes-vous favorable à ce que la protection du public soit l'un des principes fondamentaux de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents? Pourriez-vous aborder cette question?
En effet, je crois qu'il est très important d'avoir le portrait juste, comme je le disais plus tôt, de tout adolescent qui fait une demande pour travailler avec des jeunes, par exemple dans des camps de jour, ou pour obtenir une place en résidence où les personnes en danger pourraient aller chercher la sécurité. Il faut qu'on ait le portrait juste.
Les services de police ne sont pas uniformes au Québec. Certains services vont donner le portrait complet, d'autres non. Ils vont faire des recherches plus approfondies sur l'individu ou l'adolescent.
En fait, si un adolescent de 16 ans commet un crime, quand il aura 18 ans, son dossier ne sera plus valide. On ne verra pas ce qui s'est passé. Il faudra faire une recherche beaucoup plus poussée, à moins que les choses ait changé récemment. Dans ce cas, on indiquera seulement que c'est un jeune contrevenant. Alors, je crois que c'est important que nous, les organismes communautaires, soyons au courant que cet adolescent a commis un crime, et que nous ayons son portrait réel. Ça permettra de protéger les citoyens de tout autre crime qui pourrait résulter de la violence.
Le projet de loi est basé sur une série d'avis et sur des consultations qui ont été menées dans l'ensemble du pays et sur des décisions des tribunaux qui ont considéré les opinions des Canadiens et des Québécois ainsi que celles de tous ceux qui s'intéressent à des questions qui nous ont été adressées. Des mémoires ont été soumis et plusieurs discussions ont été considérées.
Dans l'ensemble, le message prédominant était que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents fonctionnait bien. Il y avait cependant des questions relatives aux jeunes moins violents ayant eu des démêlés avec la justice. Il y avait encore, selon ce qu'on a entendu, des parties à améliorer, plus particulièrement en ce qui a trait à la façon dont le système traite les contrevenants violents et les récidivistes. J'insiste sur la question des contrevenants violents et des récidivistes, et non l'ensemble de tous les jeunes contrevenants.
Pensez-vous que les modifications proposées dans ce projet de loi permettraient d'améliorer le système pour les jeunes à cet égard?
En effet, j'espère que ça protégera tous les demandeurs. Que la personne fasse un méfait public nous importe peu: on va quand même livrer l'affiche-fenêtre ou le consentement de certificat de bonne conduite. Il faut toujours évaluer la cause qui a incité l'adolescent a faire ce qu'il a fait. Il faut être au courant.
J'essaie seulement de préciser qu'il faut toujours avoir le portrait juste. S'il est récidiviste, il faut que nous le sachions. Quand je dis « nous », je veux dire que les services policiers doivent être en mesure d'informer les demandeurs, c'est-à-dire nous, de tout acte criminel que l'adolescent a commis.
Ça s'applique surtout s'il demeure dans une résidence et qu'il a atteint l'âge de 18 ans. Même s'il a atteint l'âge de 18 ans, il faut que son dossier suive pour qu'on ait des recommandations. Il peut travailler dans un autre secteur. Je ne voudrais pas qu'on pénalise l'adolescent, car il faut le réinsérer dans la société. Cela dit, il faut être en mesure de le réinsérer au bon endroit, et non avec des enfants ou des aînés, s'il a commis des crimes avec violence.
Le fait de retenir les dossiers et de transmettre l'information aux autorités pertinentes est drôlement important pour la protection du public, n'est-ce pas?
Tout à l'heure, le professeur Bala a dit que le fait d'augmenter les sentences n'aurait pas pour effet d'empêcher les gens de récidiver. Êtes-vous d'accord avec le professeur Bala sur ce principe? Ne croyez-vous pas que le fait d'augmenter les sentences de façon progressive aurait un effet positif sur la récidive?
Je ne crois pas qu'augmenter les peines soit la solution. Selon moi, ça prend un encadrement. Il faut essayer d'encadrer l'adolescent de psychologues, de psychothérapeutes ou de personnes ressources. Je ne pense pas qu'augmenter la peine réglera le problème.
Je dirais simplement, monsieur Bala, que j'ai trouvé que votre mémoire était complet et précis pour ce qui est de l'examen du projet de loi auquel nous procédons actuellement, tout comme pour ce qui est des recommandations que vous avez présentées ici.
Si vous le permettez, j'aimerais vous demander de reprendre là où vous vous êtes arrêté, à savoir au milieu d'une phrase. Je pense que vous parliez des raisons pour lesquelles ce projet de loi allait nous éloigner du modèle axé sur la réparation et la réadaptation sociale sur lequel le système de justice pour les adolescents est fondé dans la loi actuelle pour adopter un modèle plus répressif qui serait plus coûteux, qui n'améliorerait pas la sécurité ou la protection de la population et qui imposerait des coûts supplémentaires aux provinces.
Quoi qu'il en soit, je tiens à dire qu'au sujet de l'effet dissuasif, qui est un aspect très important, je recense dans mon mémoire un certain nombre d'études. Il existe beaucoup d'études qui portent sur les effets de l'aggravation des peines sur les adolescents.
Malheureusement, si la logique était respectée et si les adolescents étaient comme les adultes, cela pourrait peut-être modifier leur comportement. Mais le fait est qu'ils ne sont pas des adultes et c'est la raison pour laquelle ils ne sont pas sensibles à l'aspect dissuasif, pour résumer le tout en deux mots.
Je disais à la fin de mon mémoire — et je vais très brièvement le terminer — que ce régime conserve le large pouvoir discrétionnaire attribué aux juges. Dans ce sens, je suis heureux de constater qu'il ne prévoit pas de peines minimales, par exemple, comme pour les adultes. Je crois qu'avec ce projet de loi, nous allons constater des différences plus marquées d'une province ou d'un territoire à l'autre. Nous allons toutefois enregistrer une augmentation générale du recours au placement sous garde, en particulier, pour la détention avant le procès et en particulier, pour les délinquants non violents. C'est ce qui entraînera une augmentation des coûts et des délais sans aucune amélioration de la sécurité publique.
J'espère bien être ici dans quatre ou cinq ans pour voir quels auront été les effets de ce projet de loi. J'aimerais beaucoup que le gouvernement ait raison et que, grâce à ce projet de loi, la société soit mieux protégée; je sais toutefois, d'après les études qui ont été effectuées — non pas seulement ici, mais également dans d'autres pays — et selon de nombreux professionnels du système de justice pour les jeunes qui se basent sur leur expérience, que la profession estime que ce projet de loi représente, en grande partie, un pas dans la mauvaise direction.
Je crains que nous vivions une expérience de politique sociale qui nous coûtera assez cher. Je vais surveiller la situation, dans mon rôle de chercheur. Il est possible que le gouvernement ait raison, mais j'en doute fort.
Notre principal point de comparaison dans ce domaine, ce sont les États-Unis. Il y a un certain nombre de leurs États qui autorisent une publicité assez large au sujet des adolescents.
Encore une fois, cela satisfait les instincts d'une certaine partie de la population qui disent que, si nous savions qui étaient ces jeunes, il serait plus facile de les obliger à rendre compte de leurs actes et ils auraient moins tendance à récidiver; nous pourrions également prendre des mesures pour nous protéger si nous savions qu'ils étaient de nouveau en liberté dans la collectivité.
L'expérience qu'ont connue les États-Unis, et je crois ailleurs aussi, indique très clairement que les adolescents ne sont pas dissuadés de commettre des crimes par la publicité. En fait, lorsqu'un jeune voit son nom imprimé dans un journal, ce jeune de 15 ans le montre à tous ses amis pour leur dire: « Regardez, c'est moi le dur. » Ils ne sont pas du tout dissuadés par cette publication.
Il est vrai qu'un politicien pourrait être quelque peu gêné si son nom paraissait dans un journal pour mentionner qu'il est relié à un crime. Malheureusement, ce n'est pas de cette façon que réagit un adolescent. Mais une fois que leur nom est connu, il est beaucoup plus difficile de les amener à se réadapter, et en particulier, à se réintégrer dans la société. Cela est également difficile pour leur famille, leurs frères et soeurs, lorsque leur nom est publié.
Le fait de publier leur nom ne les empêche pas de commettre des crimes. Cela rend tout simplement plus difficile leur réinsertion sociale.
Et si l'on se dit : « Eh bien, c'est une infraction grave, si les gens savaient qui ils étaient, ils pourraient alors essayer de se protéger », mais malheureusement la réalité est que...
Je mentionne qu'il existe à l'heure actuelle des dispositions qui autorisent le juge d'un tribunal pour adolescents à identifier publiquement un jeune qui a commis un crime très grave, si le juge est convaincu qu'il pose un danger pour la collectivité. C'est toutefois là une norme très différente que celle qui est proposée dans ce projet de loi.
Une des mesures les plus efficaces que nous pouvons prendre pour aider les contrevenants, et aussi les victimes, est de privilégier davantage la justice réparatrice. Il est tout à fait souhaitable que les adolescents entendent ce qu'ont à dire les victimes. Le problème est que certains adolescents qui ont commis des infractions ne comprennent pas les conséquences de leurs actes. Le fait d'entendre ce qu'ont à dire les victimes, d'accorder à ces dernières un meilleur soutien et de permettre aux adolescents d'entendre les victimes plus qu'ils ne le font maintenant serait un changement important.
Dans l'ensemble, ce projet de loi permet ce genre de chose. Nous avons besoin de ressources pour utiliser des techniques comme la téléconférence, aspect qui est déjà prévu par la loi.
Comme les autres membres du panel ont tous eu la possibilité de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes, si vous voulez en faire une, vous pouvez la faire maintenant. Si c'est ce que vous choisissez, je vous avertirai lorsqu'il vous restera une minute de votre temps de parole. Si vous voulez présenter un exposé préliminaire, allez-y.
Bonjour à tous ceux qui sont présents ici aujourd'hui.
Je suis Line Lacasse. Je suis accompagnée de mon mari, Luc Lacasse, qui est derrière moi. Nous sommes les parents de Sébastien Lacasse, qui a été assassiné le 8 août 2004 par un groupe de jeunes délinquants à Laval. Notre fils était âgé de 19 ans seulement.
Sébastien nous a été volé, arraché, le 8 août 2004, avec une grande violence, par une dizaine de jeunes sans scrupule et sans respect pour la vie. La vie n'aura plus jamais le même sens pour nous et pour tous ceux qui aimaient Sébastien. Il était un boute-en-train aimable, sensible et aimé de tous. Des sentiments jusque-là jamais ressentis ont fait surface: la colère, la rage, l'injustice, la détresse, l'esprit de vengeance et la peur. Maintenant, il faut apprendre à vivre avec son absence, sa mort, tous les jours. La perte d'un enfant est inacceptable, surtout lorsqu'il meurt de façon aussi violente. Quelle est la valeur d'une vie aujourd'hui? Nous pouvons tous nous poser la question ici.
Pour ajouter à l'odieux de la chose, les procédures judiciaires furent un vrai cirque; nous avons passé trois ans de notre vie à suivre ces procédures interminables et très difficiles émotivement. Toutefois, c'était très important pour nous de suivre toutes les étapes, pour essayer de comprendre l'incompréhensible et s'assurer que les meurtriers recevraient une peine proportionnelle à la gravité de leurs actes.
Tous ceux qui nous entourent et qui ont vécu de près ou de loin notre épreuve sont favorables à ce nouveau projet de loi, qui aura entre autres objectifs celui de protéger la société.
Le projet de loi sur le système de la justice pénale pour les adolescents, appelé à la base « Loi de Sébastien » en mémoire de notre fils et en l'honneur de notre détermination, nous met du baume au coeur. Il est gratifiant et rassurant de voir qu'il y a un gouvernement qui se penche sur ce problème. Je ne souhaite à personne ici présent de vivre un tel drame. Je mets au défi tout parent de passer au travers d'une telle épreuve et de s'élever contre ce projet de loi. Je peux vous assurer que si votre fils ou votre fille était battu à mort et tué aussi violemment, vous voteriez sans hésiter pour ce projet de loi qui permettra, entre autres, de punir des assassins, et ce, proportionnellement à la violence des actes qu'ils commettent.
J'ai reçu une bonne éducation, et mes parents m'ont toujours dit que dans la vie, nous subissons toujours les conséquences de nos actes. Aujourd'hui, avec le système en place, le message qu'on communique aux jeunes est qu'il n'y a pas vraiment de conséquences graves s'ils blessent gravement quelqu'un ou s'ils le tuent, et que la violence est banalisée. Je trouve donc essentiel de renforcer la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Il faut se rappeler que cette loi concerne les crimes graves. Elle veillera à ce qu'une peine applicable aux adultes soit envisagée à l'endroit des adolescents âgés d'au moins 14 ans — 16 ans au Québec — qui commettent des crimes graves avec violence. On parle ici de meurtres, de tentatives de meurtre, d'homicides involontaires coupables et d'agressions sexuelles graves. Cela pourrait être fait sans toutefois les incarcérer dans les pénitenciers pour adultes. D'ailleurs, un des buts de ce projet de loi est d'être dissuasif. Il suggère donc des peines plus graves pour les récidivistes les plus violents.
J'aimerais terminer en vous faisant réaliser que la famille purge une sentence à vie, quand elle perd un être cher de façon aussi cruelle et odieuse. Pour améliorer ce système de justice, prenons les moyens pour éviter la spirale de la violence, qui détruit des vies. Soyons respectueux de la vie et sachons préserver la sécurité de tous en votant pour que ce projet de loi entre en vigueur le plus tôt possible, afin d'éviter l'escalade de la criminalité chez nos jeunes. Cessons de nous agiter autour de ce projet de loi et agissons.
C'est évident que cela ne ramènera jamais mon fils Sébastien...
Je veux vous remercier en particulier de votre présence aujourd'hui, madame Lacasse. Je sais que c'est très difficile pour vous, mais c'est très important pour nous et pour le pays en entier.
Nous savons que votre fils Sébastien a été battu à mort par une dizaine de jeunes, à Laval en 2004. Vous appuyez notre projet de loi C-10 en disant qu'au moins, sa mort aura servi à quelque chose pour la société et aussi à ce que les jeunes meurtriers reçoivent une peine proportionnelle à la gravité de leurs actes. Vous avez dit que la famille d'une victime purge une sentence à vie.
L'un des principaux objectifs du système de justice pénale, y compris le système de justice pour les jeunes, est la protection du public. Le gouvernement est d'avis que, dans certains cas, le public a le droit de savoir si un jeune contrevenant violent a été libéré dans la communauté.
Pensez-vous qu'il faille lever l'interdiction de publier les noms des adolescents reconnus coupables d'une infraction violente?
Oui, je pense que c'est important, parce que si on connaissait la personne ou qu'on la voyait se promener dans la rue, même si elle avait moins de 18 ans à l'époque, on saurait au moins qu'elle peut être dangereuse.
Excusez-moi, je suis un peu nerveuse.
Cela pourrait aider les gens que de savoir que cette personne a déjà fait quelque chose auparavant. Cela pourrait les aider à se protéger.
Dans l'affaire de votre fils, lorsque les tribunaux ont imposé une peine aux adolescents, étiez-vous inquiète de ce qu'ils pourraient faire une fois remis en liberté? Est-ce que cela a créé chez vous une inquiétude supplémentaire?
Beaucoup. Cela m'inquiète, en ce moment, parce que justement, l'un des principaux accusés va probablement sortir bientôt. C'est le principal meurtrier, celui qui a poignardé mon garçon. Les autres sont tous dehors. C'est certain que c'est inquiétant.
Un an ou deux après sa mort, mes autres enfants — j'ai deux autres jeunes avec moi — avaient souvent peur parce qu'ils les rencontraient un peu partout. Je peux vous dire qu'on ne pouvait rien faire contre ça. Cela faisait peur à ma fille et à mon garçon; ils regardaient toujours derrière eux.
Oui, ça me fait peur et ça m'effraie de savoir que le principal meurtrier va sortir et qu'il pourra essayer de nous voir. C'est certain que ça nous fait peur.
Seriez-vous rassurée de savoir que les noms ont été rendus publics et que d'autres membres de la collectivité sauront où se trouvent ces personnes remises en liberté? Cela vous aurait-il quelque peu rassurée?
Oui, ça me rassurerait. Je parle beaucoup aux gens, qui me demandent les noms pour savoir qui c'est. Naturellement, notre coin de pays est petit, Fabreville et Ste-Rose. Tout le monde se connaît. En sachant qui a fait ce crime grave, il y a peut-être des jeunes qui n'iraient pas flâner avec eux, se tenir où ils se tiennent et tout ça. Je pense que c'est important. J'aurais aimé que les jeunes le sachent, oui.
notre projet de loi cible les 5 p. 100 environ de jeunes contrevenants qui sont violents et récidivistes et qui représentent véritablement un danger pour la sécurité de la population. Pensez-vous que les poursuivants devraient être tenus d'envisager de demander une peine pour adultes dans certains cas?
Oui. Dans certains cas, c'est important parce qu'ils posent un geste d'adulte. Je pense que quand on en arrive à assassiner, à commettre un crime grave ou un crime sexuel, il est certain que ...
Excusez-moi, j'ai perdu l'essentiel de votre question.
Merci, monsieur le président. Merci à tout le monde d'être ici.
On essaie de trouver un juste milieu entre la protection du public et la justesse des sentences, etc. Ce n'est pas toujours évident, je n'envie pas le travail des procureurs de la Couronne, de la défense et des juges dans ces circonstances.
Professeur Bala, vous parlez de la question de demander une peine pour adulte. Je veux citer une partie de votre mémoire, que vous nous avez remis, et je vous demanderais de nous expliquer ce que vous entendez par ce qui suit:
Si la Couronne décide de ne pas demander une peine pour adulte, l’avocat doit en aviser le tribunal de la jeunesse. Cette disposition traduit un manque de respect envers les procureurs de la Couronne et un manque de confiance dans la manière dont ils exercent leur pouvoir discrétionnaire dans les cas de crimes violents. Cette modification pourrait placer les procureurs de la Couronne dans la situation inconfortable de devoir justifier leur décision de ne pas demander une peine pour adulte et elle complique encore plus la procédure judiciaire des tribunaux de la jeunesse.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous dites cela?
Oui, j'estime qu'il y a évidemment des infractions pour lesquelles une peine pour adultes est appropriée et je dirais que l'homicide est très clairement une de ces infractions. La loi permet ce genre de chose et oblige le procureur de la Couronne à prendre une décision très difficile; il doit décider s'il y a lieu de demander une peine pour adultes. Dans certains cas, la réponse est très claire. Il y en a d'autres où elle ne l'est peut-être pas.
Il arrive que parfois l'homicide touche un autre membre de la famille, que le procureur de la Couronne examine l'ensemble des circonstances et conclut que, compte tenu de l'âge de l'adolescent et de sa relation avec la victime, il n'est pas approprié de demander une peine pour adultes; ou également que les circonstances indiquent qu'il s'agit d'un meurtre au premier degré plutôt qu'une situation d'homicide involontaire coupable. Dans une circonstance de ce genre, je crois qu'il faut respecter la décision des procureurs de la Couronne de ne pas demander une peine pour adultes, plutôt que de les obliger à expliquer au tribunal pourquoi ils ne l'ont pas demandée.
Je ne pense pas qu'il soit souhaitable que le système de justice exige que les procureurs de la Couronne rendent compte de leur décision de cette façon. Il m'apparaît tout à fait approprié que les procureurs de la Couronne parlent d'un dossier avec la police et même avec les victimes. Dans certaines provinces, comme l'Ontario, les dispositions légales exigent que les victimes soient consultées. Ce ne sont pas elles qui prennent la décision. Il serait bon que les victimes jouent un rôle important, qu'elles soient mieux soutenues, plus respectées, mais dans l'ensemble, ce n'est pas le projet de loi qui favorise ce genre de chose. Cela vient avec la formation, avec des ressources, avec la création de postes de travailleur chargé d'aider les victimes et ce genre de chose.
Je suis sûr que nous sommes tous profondément attristés lorsque nous avons entendu ce qui est arrivé à Sébastien. Il n'est pas le seul. Il existe de nombreuses victimes des crimes commis par les jeunes, y compris des homicides. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a des victimes, mais de ce que nous pourrions faire pour éviter que ce genre d'infraction soit commis à l'avenir. Nous pouvons tous imaginer comment vous et votre famille avez souffert, souffrez et souffrirez, mais nous devons réfléchir à ce qui améliorera la sécurité de la population plutôt que de nous dire, oh, cela à l'air d'être une bonne idée. Nous savons que d'autres pays ont choisi de mettre en oeuvre des initiatives de ce genre. Nous pouvons rendre public le nom de tous les adolescents — cela semble être une bonne idée; on pourrait penser que cela renforce la protection de la population. Mais nous sommes en mesure de regarder ce qui s'est passé dans les pays où ce genre de chose a été essayé. Les responsables disent que cela ne rend pas la société plus sûre. En fait, elle devient moins sûre.
Justement, dans votre recommandation sur la définition d'« infraction avec violence » qui est proposée dans le projet de loi C-10, vous suggérez d'ajouter l'idée de mise en danger d'autrui malgré que le comportement proprement dit ne visait pas à causer des lésions corporelles et n'en n'a pas causé.
Votre recommandation est la suivante:
La définition d’« infraction avec violence » devrait inclure la notion de mise en danger d’autrui, mais également une notion d’intention ou d’insouciance afin de prendre en compte le manque de prévoyance des adolescents. Il y aurait lieu d’ajouter, à l’alinéa c) de la définition, les mots « l’adolescent (…) sait ou devrait savoir qu’il met en danger la vie ou la sécurité (…) ».
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par cette recommandation?
Oui. Cela concerne à la fois l'enquête Nunn et certaines affaires judiciaires dans l'ensemble du Canada. La définition actuelle d'infraction avec violence exige qu'il y ait l'intention de causer des lésions. J'approuve l'intention de l'amendement. Il découle de l'enquête Nunn, notamment, et l'on peut dire que, si un adolescent, par exemple, a été mêlé à une poursuite automobile à haute vitesse avec la police et s'il ne blesse en réalité personne, cela pourrait être considéré comme une infraction avec violence et dans des situations appropriées, cela pourrait déboucher sur un placement sous garde ou sur la détention avant le procès. C'était la question qui se posait dans l'affaire qu'examinait le juge Nunn.
Cette disposition va toutefois trop loin, à mon avis, parce qu'elle n'exige pas que l'adolescent sache vraiment qu'il va probablement mettre en danger la population. D'un côté, je suis donc en faveur d'amender la définition d'infraction avec violence pour qu'elle comprenne le fait de mettre en danger la population, comme cela est proposé, mais ma remarque est que j'aimerais que nous soyons certains que c'est une définition appropriée. Voilà quelle serait ma conclusion...
Ma question s'adresse à M. Bala et porte sur la justice réparatrice. J'ai participé à un des premiers programmes de justice réparatrice en 1996-1997, à Sparwood, en Colombie-Britannique, avec Jake Bouwman et Glen Purdy; j'ai vu les énormes avantages qu'offrait aux délinquants primaires le fait d'éviter de comparaître devant un tribunal pour adolescents et d'être pris en charge par un système de justice réparatrice.
Pour ceux qui sont traduits devant les tribunaux et qui sont condamnés, pensez-vous qu'il serait souhaitable d'introduire un élément de justice réparatrice pour qu'une partie de la peine consiste également à obliger l'accusé à retrouver ses victimes, dans certains cas lorsque les familles des victimes se sentent à l'aise de le faire, et de leur fournir quelques explications, même s'ils ont été déclarés coupables?
J'estime que ce que vous avez fait à Sparwood est une expérience dont devraient s'inspirer tous les Canadiens. Vous avez fait un travail extraordinaire. Je pense que, si les adolescents entendaient plus souvent ce qu'ont à dire les victimes, s'ils savaient les dommages très graves qu'ils ont causés — j'envisagerais même ce genre de mesure pour quelques infractions contre les biens. Il me paraît très important que les contrevenants sachent ce que ressentent les personnes dont les biens ont été endommagés.
Le problème, et cela revient à la dissuasion, est la façon dont se développe le cerveau des adolescents. Ils sont pleinement développés sur le plan physique, mais ce n'est pas le cas de leur cerveau. Ils ne comprennent pas les conséquences de leurs actes, qu'il s'agisse de commencer à fumer ou d'adopter des pratiques sexuelles non sécuritaires, et dans le contexte de la violence, ils ne comprennent pas toujours ce qu'ils font à leurs victimes. C'est la raison pour laquelle leurs actes sont parfois aussi cruels. Je pense donc qu'il est très important qu'ils entendent ce qu'ont à dire les victimes.
En fait, notre loi actuelle autorise ce genre de chose. Elle autorise la téléconférence. Par exemple, en Alberta, nous avons adopté un modèle de conférence communautaire à Calgary. La loi actuelle permet ce modèle de justice réparatrice. Les victimes préfèrent souvent ce genre de conférence, qui leur évite d'aller devant le tribunal, ou qui s'ajoute à leur comparution devant le tribunal. Si cela ne se fait pas, ce n'est pas à cause de la loi; c'est à cause de la façon dont les provinces la mettent en vigueur. Ici en Ontario, nous ne consacrons pas suffisamment de ressources à ce genre de processus de téléconférence et de participation des victimes. Si nous voulons introduire des changements dans le système de justice pour les adolescents dans le but de rendre notre société plus sûre, je suis tout à fait d'accord avec vous. La question est de savoir comment nous allons y parvenir.
Dans ce contexte, est-ce un problème qui découle de loi fédérale ou cela vient-il de la façon dont les provinces la mettent en oeuvre? Je crois que la plupart des problèmes que nous connaissons avec le système de justice pour adolescents sont en fait des problèmes reliés à la mise en oeuvre de cette loi par les provinces, dont certains s'expliquent par des problèmes de ressource, ou des problèmes d'orientation, alors que d'autres sont reliés aux attitudes des professionnels qui travaillent depuis longtemps dans le système. Il est donc vraiment important de modifier l'attitude des policiers, qui est une des choses qui s'est produite à Sparwood, mais il faut du temps pour le faire, pour amener les professionnels à prendre en compte les besoins des victimes ainsi que ceux du système judiciaire.
J'ai pratiqué le droit pénal en Alberta pendant un certain temps et j'ai travaillé avec les jeunes. Je dois dire, monsieur Bala, que je suis très impressionné par vos titres de compétence. J'ai eu la possibilité de les examiner.
Je dois également vous dire que je compatis au fait que vous êtes atteint d'un cancer.
Pour ce qui est du système judiciaire pour les jeunes, j'ai constaté que, lorsqu'ils étaient traduits devant les tribunaux, ils avaient plus de chances de se réadapter. Je veux dire par là que bien souvent les crimes qu'ils avaient commis visaient d'autres jeunes; premièrement, les infractions avec violence — et je vois que vous hochez la tête — ainsi que les infractions contre les biens, la plupart des introductions par effraction, qui sont bien évidemment des actes méprisables pour la plupart des gens.
Ne pensez-vous pas que, lorsqu'ils sont pris en charge par le système judiciaire, lorsqu'ils ont été inculpés ou ont fait l'objet d'une mesure de rechange d'une sorte ou d'une autre, ils ont plus de chances d'être traités par des spécialistes qui peuvent s'en occuper? Les parents me disaient bien souvent: « Envoyez-les devant les tribunaux. Je ne peux plus m'en occuper. Ils ne m'écoutent pas. » Je vois que vous hochez la tête. Ne pensez-vous pas qu'à cette étape, lorsqu'ils sont devant les tribunaux, ils ont une meilleure chance de se réadapter?
Effectivement, si vous parlez des tribunaux, il y a des adolescents pour qui le fait de faire l'objet de sanctions extrajudiciaires est la meilleure façon de s'occuper d'eux. Mais si l'affaire est plus grave, même dans le cas d'un délinquant primaire, et encore moins, bien sûr, dans celui d'un récidiviste, le tribunal peut jouer un rôle important. Les juges ne sont toutefois pas des magiciens, il faut donc se demander ce que l'on va faire avec ce genre de jeunes. Disposons-nous de ressources communautaires, et dans les cas appropriés, d'établissements de placement sous garde, ont-ils accès à des services thérapeutiques pour les faire changer de vie?
Bonjour. Mes questions s'adressent à Mme Goyette et à Me Hamel, de l'Association des centres jeunesse du Québec.
Attendu que le modèle québécois de mise en application de la LSJPA a fait ses preuves, qu'il suscite même l'envie de plusieurs pays du monde, avec un taux de criminalité des plus bas parmi les provinces canadiennes, j'aimerais demander à Me Hamel ce que les autres provinces auraient à apprendre du modèle québécois, selon lui.
J'aimerais aussi demander à Mme Goyette s'il y a eu un processus de consultation sérieux avant l'élaboration du projet de loi C-10 et, dans le cas contraire, ce qu'aurait permis un processus de ce genre.
Comme on vient de le mentionner, le modèle québécois fait une large place aux mesures de réparation envers les victimes. En vertu du système de mesures extrajudiciaires, environ 5 000 jeunes sont vus chaque année. On privilégie d'abord le fait que l'adolescent reconnaisse les mesures de réparation envers les victimes. Présentement, à l'étape du rapport prédécisionnel du processus judiciaire, on met en oeuvre des mesures, des rencontres destinées au dialogue — et c'est évidemment toujours consensuel — pour permettre aux victimes qui le désirent de décrire les effets, les torts et les dommages qu'elles ont subis à cause du geste de l'adolescent, tout ça également dans le but de sensibiliser et de responsabiliser l'adolescent.
Nous pensons que ces mesures sont plus constructives pour ce qui est d'assurer une protection durable du public. Le modèle québécois présente davantage une intervention de réadaptation. Celle-ci vise les facteurs de risque de récidive que présente l'adolescent à la suite d'une évaluation exhaustive de sa situation, plutôt que fondée sur le délit. Des délits graves sont parfois commis par des adolescents, mais malgré le caractère innommable que le crime peut avoir — dans le cas de la dame ici présente, par exemple —, certains adolescents présentent d'importantes possibilités de réadaptation. Évidemment, il ne s'agit pas majoritairement de crimes graves, mais ces possibilités sont présentes parfois même dans le cas de crimes avec violence.
Nous pensons donc que cibler les facteurs de risque est davantage porteur que cibler la nature du délit. Bien sûr, la peine doit être proportionnelle au crime commis par l'adolescent, mais nous croyons que le fait de se centrer sur les facteurs de risque et les déficits que présente l'adolescent favorise, à long terme, une protection durable du public. On peut neutraliser le délinquant à court terme, mais si on ne s'attaque pas aux facteurs qui contribuent à sa criminalité, on risque, lorsqu'il sortira d'un centre jeunesse — dans le cas du Québec — et que ces questions n'auront pas été réglées, de se retrouver devant la même situation.
Je vais laisser à Mme Goyette le soin de compléter ma réponse.
Pour répondre à votre question, je dirai qu'effectivement, lorsque la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été mise en application, on a promis, d'une certaine façon, qu'une vaste étude sur les résultats serait réalisée après cinq ans et qu'à partir de cela, on verrait si des changements devaient être apportés. Or cette vaste étude, à notre avis, n'a pas eu lieu au Québec. Il y a eu une consultation très parcellaire. Surtout, on n'a pas fait d'étude pour déterminer si ce que l'on avait mis en oeuvre avait amélioré ou détérioré la situation, et quelle orientation on devait prendre pour améliorer davantage la protection du public ainsi que la réadaptation des jeunes.
Je ne suis donc pas vraiment certaine que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ait permis, en durcissant la précédente Loi sur les jeunes contrevenants, d'assurer davantage la protection du public. En outre, rien n'indique que les modifications actuelles vont le faire.
M. Bala a présenté des idées très intéressantes sur ce que les expériences d'autres pays ont amené. Il faut se baser sur des données probantes, et pas uniquement sur le sens commun, avant de légiférer. Je crois que cette consultation aurait dû et devrait avoir lieu avant de continuer le processus du projet de loi C-10.
Vous parlez également de l'Association des centres jeunesse du Québec, dans votre mémoire. Vous dites qu'il faut garder un équilibre entre la protection du public et la réadaptation des jeunes. Vous parlez aussi des mesures dans lesquelles il serait intéressant d'investir de l'argent pour favoriser la prévention et les victimes. Parlez-nous de cela.
En fait, nous disons que la protection du public et la réadaptation des jeunes contrevenants ne sont pas des principes qui s'opposent. Au contraire, la réadaptation des jeunes contrevenants assure la protection du public à long terme. Ces mesures de réadaptation vont de la prévention à l'intervention pour les cas les plus lourds, et elles doivent être adaptées à la situation et aux besoins de chaque jeune. Par exemple, on parlait tout à l'heure des sanctions extrajudiciaires. Ce sont des mesures qui sont très efficaces. Les jeunes qui passent ...
J'aimerais poser quelques questions à l'Association des centres jeunesses du Québec. Malheureusement, je vais les poser en anglais, parce que mon français n'est pas ce qu'il devrait être.
Vous avez fait un certain nombre de remarques et selon l'une d'entre elles, vous dites que la dénonciation ne devrait pas faire partie du système de justice pénale. Je trouve intéressant que nous parlions souvent de ne pas entraver le pouvoir discrétionnaire des juges. De nombreux témoins ont comparu devant le comité et ont déclaré qu'il ne faudrait pas adopter des peines minimales obligatoires, parce qu'elles suppriment le pouvoir discrétionnaire des juges. D'après ce que j'ai lu, le fait d'ajouter la dénonciation revient à accorder à un juge un autre outil pour exercer son pouvoir discrétionnaire dans certains cas.
Compte tenu de tout cela, il y a beaucoup de résidents de la région métropolitaine de Toronto qui se souviennent du cas de Stefanie Rengel, qui a été assassinée à la suite d'un complot qu'avaient tramé un garçon et sa petite amie. La petite amie était jalouse de ce qu'elle pensait être un flirt entre la victime et son ami à elle. Ils ont planifié ce meurtre, et elle a été tuée à coups de couteau devant la maison de ses parents. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire qu'un juge ne devrait pas envisager la dénonciation à l'égard d'un crime de ce genre.
En fait, on envoie un mauvais message, avec la dénonciation. On envoie le message qu'elle aura un effet. Le professeur Bala l'a exprimé clairement, et je ne répéterai pas les propos qu'il a tenus plus tôt sur l'impact de la dissuasion et de la dénonciation. On dit donc que la croyance que la dénonciation a des effets n'est pas fondée. Le fait d'appliquer une peine sévère ne découragera pas les autres adolescents à commettre des délits.
On considère que la loi actuelle permet au tribunal d'imposer une peine de loin assez sévère, ce qui permet la dénonciation. La dénonciation se fait dans l'exercice de déterminer une peine qui soit proportionnelle au délit et qui tienne compte des facteurs de risque liés à l'adolescent. Au-delà de cela, c'est du châtiment.
On croit qu'un adolescent est un individu en développement qui peut modifier ses comportements, et on vous dit que la dénonciation n'a aucune utilité. C'est un mauvais message à passer, parce qu'il donne l'impression au public d'être davantage protégé, alors qu'on n'est protégé que par une multitude de mesures, qui vont de la prévention à la bonne mesure qui s'applique au bon adolescent.
C'est pour cela qu'on dit qu'en ciblant des délits et des situations graves, on fait fausse route, car ce n'est pas nécessairement la gravité du délit qui est garante du risque de récidive de l'adolescent. Ce sont des croyances qui ne sont pas fondées. Selon notre expérience sur le terrain, on sait que ça n'a pas d'impact sur les adolescents qui commettent des délits par impulsivité, en cédant à la pensée magique qu'ils ne se feront pas prendre. C'est ce que font aussi beaucoup d'adultes, me direz-vous. Par contre, c'est davantage le cas pour les adolescents.
Toutes ces mesures ne produiront jamais les résultats attendus. C'est plutôt une intervention ciblée et individualisée auprès de l'adolescent et suivant les facteurs qui caractérisent sa situation qui assurera à long terme la protection du public, plutôt que la considération du délit qu'il a commis. On peut neutraliser le délinquant pendant un certain temps. Cependant, au-delà de sa neutralisation à court terme, on vise à s'assurer qu'il ne commettra pas de nouveaux délits lorsqu'il sortira. Cela doit être fait en imposant une peine non pas qui dénonce, mais qui cible véritablement les facteurs de risque liés à cet adolescent.
Je suis désolé, mais le temps accordé à ce groupe de témoins est écoulé. Nous avions prévu une heure. Nous avons légèrement dépassé l'heure. Nous avons commencé un peu tard.
Je remercie les membres du panel d'être venus ici aujourd'hui nous présenter leurs points de vue.
Nous allons faire une pause de deux minutes et former un autre panel.
Nous allons reprendre la séance pour notre deuxième heure.
Je vais dire aux témoins que chaque groupe a la possibilité de présenter un exposé de cinq minutes. Je vous dirai après quatre minutes qu'il vous reste une minute. Les tours de questions et réponses sont d'une durée de cinq minutes; je sais que la plupart d'entre vous sont déjà venus et savent qu'une période de cinq minutes passe assez rapidement.
En plus du panel, nous accueillons également M. Comras, par téléconférence de Floride. Vous pouvez le voir sur les écrans qui se trouvent de chaque côté de la salle.
Bienvenue, monsieur Comras.
Nous allons commencer avec notre groupe de témoins qui est ici. Si vous voulez faire une déclaration préliminaire, allez-y. Je vous arrêterai après cinq minutes, mais les membres du panel peuvent vous inviter èa terminer votre déclaration pendant leur temps de parole.
Je m'appelle Maureen Basnicki et je suis une cofondatrice de la C-CAT, la Commission canadienne contre la terreur, qui représente les victimes de la terreur dans l'ensemble du Canada.
Il y a environ six semaines, c'était le 10e anniversaire du meurtre de mon mari Ken. Ken se trouvait au 106e étage de la tour nord du World Trade Center le matin du 11 septembre. Ce matin-là, je regardais la tour et la vie que j'avais connue jusqu'ici s'est écroulée devant moi pendant que je regardais la télévision dans une chambre d'hôtel à Mainz. Je faisais là une escale, dans mon travail d'agente de bord pour Air Canada, et c'est ce terrible jour que mon long voyage vers cette audience du comité a commencé.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de me donner la possibilité d'être ici aujourd'hui et d'exprimer mon appui à la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, présentée récemment avec le projet de loi Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Cela fait maintenant sept ans que la C-CAT a lancé une campagne pour que soit adopté un projet de loi de ce genre. Pendant ce temps, plus de 10 projets de loi similaires ont été présentés à la Chambre des communes et au Sénat, le projet de loi C-10 en étant la mouture la plus récente. La C-CAT attend avec impatience l'adoption de la 11e et dernière version de ce projet de loi dans les 100 jours de séance qui suivent, comme le gouvernement l'a promis.
Je témoigne aujourd'hui pour le compte des Canadiens victimes de la terreur et pour celui des Canadiens qui n'ont pas encore été victimes de la terreur. Je suis ici parce que tous les Canadiens, tous les citoyens, ont le droit fondamental de ne pas être victime d'une attaque terroriste. La LJVAT traite précisément de ce droit. Si ce projet de loi ne réussissait qu'à empêcher une seule fois une attaque terroriste, il aurait rempli son rôle de mesure visant à protéger ce droit. Cela aura valu les milliers d'heures qu'ont consacrées les victimes canadiennes de la terreur pour faire adopter cette mesure.
Si la C-CAT estime que ce projet de loi offre de grandes possibilités, nous estimons également qu'il y a lieu d'amender certaines dispositions de la LJVAT pour être sûr que ce projet de loi va permettre d'atteindre ses objectifs officiels, à savoir faire justice aux victimes et obliger ceux qui les ont victimisées à rendre des comptes. La C-CAT préconise depuis longtemps une liste de changements plus complète que celle du document que nous allons distribuer aux membres du comité qui ne contient que quatre propositions d'amendement. Nous pensons que ces modifications représentent le minimum nécessaire pour que le projet de loi puisse décourager le terrorisme et s'appliquer au plus grand nombre possible de victimes canadiennes de la terreur. Les amendements proposés reflètent le projet de loi d'origine parlementaire du sénateur Tkachuk, qui était le précurseur de la version actuelle du projet de loi du gouvernement. La version du projet de loi présentée par le sénateur bénéficie d'un large appui et a été approuvée par de nombreux experts qui ont témoigné en sa faveur au Sénat.
Je ne suis pas avocate; il m'est donc difficile de décrire les amendements, mais je les résume parce que nos conseillers nous ont fait savoir qu'ils avaient une importance vitale.
Numéro 1, les poursuites contre les États étrangers intentées aux termes du nouveau projet de loi vont principalement concerner des actes commis à l'extérieur du Canada, et le seul lien avec le Canada qu'auront ces affaires sera le fait que la victime est un citoyen ou un résident permanent du Canada. Cependant, en raison de décisions judiciaires récentes, nos avocats ont conclu qu'il est probable que la citoyenneté ou la résidence permanente ne suffiront pas à établir l'existence d'un lien réel et substantiel avec le Canada, élément dont le projet de loi affirme qu'il est nécessaire pour qu'une poursuite puisse être entendue. Il est donc tout à fait possible que l'immense majorité des poursuites soient bloquées pour des motifs de compétence, ce qui va tout à fait à l'encontre de l'intention fondamentale du projet de loi. Il est donc essentiel que le projet de loi prévoie que le statut de citoyen ou de résident permanent du Canada suffit à établir un lien réel et substantiel avec un tribunal canadien.
Numéro 2(a), le projet de loi du gouvernement n'autorise à l'heure actuelle que les poursuites civiles contre les États étrangers qui ont soutenu une entité terroriste inscrite, mais pas ceux qui ont commis directement un acte de terroriste.
Cela veut dire que dans une affaire comme celle de Lockerbie, où la Libye a utilisé ses services de renseignement pour faire exploser en vol un avion, la Libye ne pourrait être poursuivie; par contre, si Gadhafi avait décidé d'utiliser une de ses organisations terroristes comme intermédiaire, la Libye pourrait être poursuivie. Voilà qui n'est pas du tout logique. La C-CAT propose de modifier le projet de loi pour autoriser les poursuites dans les affaires du genre Lockerbie, mais uniquement si le pays est inscrit sur la liste des États soutenant le terrorisme et qu'un tribunal a décidé qu'il y avait lieu de lever l'immunité de juridiction dont bénéficie l'État en question parce qu'il a appuyé une entité terroriste inscrite.
Numéro 2(b), le projet de loi du gouvernement ne permet à l'heure actuelle de poursuivre un État étranger que si celui-ci fournit un soutien à une entité terroriste inscrite. C'est la raison pour laquelle la C-CAT souhaite modifier le projet de loi pour qu'il permette de poursuivre les États étrangers qui fournissent un soutien à un groupe terroriste qui n'est pas une entité inscrite, pourvu que l'entité non inscrite agisse sous la direction d'une entité inscrite ou en association avec elle.
Très bien. J'en parlerai quand je reviendrai alors, parce qu'il y a des aspects juridiques dont il faut s'occuper.
En tant que Canadienne victime de la terreur qui représente d'autres personnes qui ont souffert de tragédies semblables, je vous demande d'appuyer ce projet de loi et les amendements que nous proposons. C'est une mesure tout à fait canadienne qui répond à une menace brutale qui n'a toujours pas exigé sa dernière victime.
Chers membres du comité, je tiens à vous remercier de me donner la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de la partie 1 du projet de loi C-10, Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.
Je suis la directrice exécutive du Centre canadien pour la justice internationale, qui a son siège ici à Ottawa.
Le CCJI est un organisme caritatif qui travaille avec les personnes qui ont survécu à la torture, à un génocide, et à d'autres atrocités pour les aider à obtenir une réparation et à traduire les auteurs de ces crimes devant les tribunaux. Je suis une avocate et il y a quelques temps j'ai dirigé, à partir de New York, une campagne mondiale en faveur de l'établissement d'une cour pénale internationale.
J'aimerais dire tout d'abord qu'il me paraît très positif que le Parlement envisage de créer une cause d'action qui permettrait aux victimes d'actes de terrorisme d'engager des poursuites contre leurs auteurs et ceux qui les soutiennent, comme la partie 1 du projet de loi C-10 le prévoit. Les victimes de violations aussi graves du droit international que constituent les actes de terrorisme ont besoin d'être reconnues, soutenues, indemnisées et d'obtenir d'autres formes de réparation. Je sais que les familles de ceux qui sont morts dans l'explosion de l'avion d'Air India et ceux qui ont perdu des membres de leurs familles dans les attaques du 11 septembre à New York ont attendu pendant des années que soit adopté un projet de loi qui leur permette de demander réparation auprès des responsables de ces actes de terrorisme.
Je suis également fermement convaincue qu'au moins un certain nombre de ceux qui ont planifié et exécuté ces actes de violence aussi horribles seront incités à ne pas en commettre, s'ils risquent d'être tenus responsables de leurs actes devant un tribunal. Ce double but qui consiste à permettre aux victimes d'obtenir réparation et à décourager pour l'avenir des atrocités d'une telle ampleur est au coeur d'une tendance mondiale qui vise à créer et à utiliser des mécanismes permettant d'obliger les gouvernements étrangers, et même leurs représentants, à rendre compte de leurs actes devant les tribunaux.
Après cette déclaration générale en faveur des objectifs qui sous-tendent la Loi sur la justice pour les victimes d'acte terroriste, je vais faire porter mes remarques sur les articles qui tentent de modifier la Loi canadienne sur l'immunité des États, de façon à ce que cette loi ne puisse être utilisée pour soustraire les gouvernements étrangers et leurs agents aux poursuites fondées sur les actes de terrorisme qu'ils commettent.
J'aimerais vous présenter aujourd'hui trois points essentiels. Le premier est qu'il me paraît tout à fait approprié de modifier de cette façon la Loi sur l'immunité des États, et même si cela aurait dû être fait il y a longtemps. Le deuxième est que cet amendement soulève une grave question, dont je vais parler. Et le troisième est qu'il est également important que le Parlement modifie de la même façon la Loi sur l'immunité des États, que ce soit avec ce projet de loi ou dans un projet de loi semblable, pour autoriser les victimes d'actes de torture, des actes tout aussi graves, à poursuivre ceux qui les leur ont infligées.
Premièrement, pour ce qui est de la modification proposée à la Loi sur l'immunité des États dans le cas des actes de terrorisme, comme je le dis, c'est une modification tout à fait appropriée. Le principe de l'immunité des États empêche en général les tribunaux d'un pays de juger les actes souverains ou officiels d'un autre pays. Aujourd'hui, la plupart des pays reconnaissent que les États ne devraient pas être à l'abri de toute poursuite, en particulier lorsqu'ils exercent des activités contraires au droit international et qu'ils ne peuvent donc soutenir qu'ils ne font qu'exercer leurs pouvoirs souverains.
La Loi canadienne sur l'immunité des États a été adoptée en 1982 et reflète cette approche restrictive à l'immunité, parce qu'elle prévoit des exceptions qui permettent de lever cette immunité. Par exemple, les États étrangers ne peuvent invoquer leur immunité en matière de responsabilité civile pour des activités commerciales, ni pour les décès, les dommages corporels ou les dommages aux biens survenus au Canada. Ces exceptions ont été créées parce que les activités sous-jacentes ne soient pas réputées faire partie des pouvoirs souverains d'un État.
Mon deuxième point, après avoir appuyé l'idée de modifier la Loi sur l'immunité des États de cette façon, est que je sais que les universitaires et les avocats qui travaillent dans ce domaine estiment qu'il n'est pas approprié de dresser une liste des États étrangers qui peuvent être poursuivis pour des actes de terrorisme, quand la liste est établie par le gouvernement. Ils pensent qu'il conviendrait plutôt qu'un tribunal soit chargé de décider les cas dans lesquels il y a lieu de tenir un État responsable d'actes de terrorisme.
Mon troisième et dernier point est qu'il est absolument essentiel que le Parlement adopte une modification parallèle à la Loi sur l'immunité des États pour la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides...
... actes, qui avec ceux de terrorisme, sont considérés comme constituant les plus graves violations du droit international.
Je sais que vous connaissez tous le cas de Zahra Kazemi, une citoyenne canadienne qui s'est rendue en Iran en 2003 avec un permis l'autorisant à prendre des photos. Elle est décédée en prison après avoir été torturée. Cela fait sept ans qu'elle est décédée et personne n'a encore été jugé responsable de ces actes.
Il y a d'autres exemples de Canadiens qui ont été brutalement torturés et tués dans d'autres pays et leurs familles n'ont aucune possibilité de demander réparation. Elles ne peuvent obtenir justice dans le pays où les crimes ont été commis et elles ne peuvent demander justice au Canada. En fait, comme cela s'est produit dans la poursuite intentée par le fils unique de Zahra Kazemi, Stephan, le gouvernement du Canada s'est retrouvé du mauvais côté de la salle, du côté de ceux qui étaient responsables d'avoir torturé une citoyenne canadienne, et essayait d'empêcher que justice soit faite en raison de la Loi sur l'immunité des États.
Dans la hiérarchie du droit international, l'interdiction de la torture est la première interdiction. C'est l'équivalent international d'une norme constitutionnelle. Elle lie toutes les nations et par conséquent, la torture n'est pas un acte pour lequel le Canada devrait accorder l'immunité.
Mesdames et messieurs, je m'appelle Paul Gillespie. Je suis le président de Kids' Internet Safety Alliance, KINSA. J'aimerais parler quelques instants de la partie 2, qui concerne les modifications au Code criminel et les questions touchant les enfants et leur exploitation par Internet.
KINSA essaie de protéger, de sauver et de guérir les enfants victimes d'agression et dont les images sont diffusées sur Internet. Nous faisons ce travail en participant à la formation des policiers des pays en développement pour leur montrer comment être de meilleurs cyber policiers, essentiellement.
Nous devons comprendre et bien rentrer dans notre tête qu'il s'agit essentiellement de police communautaire. Il existe une communauté mondiale de délinquants et il existe une communauté mondiale d'agents d'application de la loi. Malheureusement, il y a beaucoup plus de méchants que de bons dans le monde.
Il coûte très chers d'embaucher un policier au Canada et de lui demander d'être un cyber policier au Canada, parce que cela n'est pas possible. C'est pourquoi nous aidons à former des policiers qui sont déjà des cyber policiers comme des endroits comme la Pologne, la Roumanie, le Brésil, l'Indonésie et l'Afrique. Nous leur offrons les outils les plus récents pour qu'ils les ajoutent à leur arsenal, de façon à ce qu'ils sachent comment faire enquête sur ces infractions particulières et changer ainsi la vie de certains enfants. Un des policiers que nous avons formés au Brésil a réussi à identifier et à sauver 10 enfants qui se trouvaient précisément à Tracyville au Nouveau-Brunswick, ce qui a entraîné l'arrestation d'un gars du nom de Michael Gary Gilbert.
Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'une communauté mondiale. La raison pour laquelle je le mentionne est que les nouvelles infractions concernant les délinquants qui communiquent entre eux dans le but d'agresser un enfant ou qui font un complot en vue d'agresser ou de s'apprendre l'un l'autre... Cela est très courant sur Internet. Ces réseaux mondiaux de criminels sont maintenant plus vulnérables parce qu'il y a davantage de policiers qui collaborent, Interpol, le FBI, la GRC; il s'agit là d'un projet de loi très important qui nous permettra, avec la collecte de renseignements de sécurité, de travailler plus efficacement pour assurer la sécurité des enfants, identifier les contrevenants et en apprendre davantage sur leurs méthodes.
Dans l'ensemble, Kim Chisholm et moi aimerions dire au nom de KINSA que nous sommes absolument en faveur de ce projet de loi et de l'orientation qu'a choisie le gouvernement. Tout ce que nous pouvons faire pour améliorer la sécurité des enfants est tout simplement une excellente chose.
Merci, monsieur le président, de me donner la possibilité de présenter mon point de vue sur cet important projet de loi de lutte contre le terrorisme.
J'ai parlé pour la première fois de ce projet de loi devant un comité parlementaire il y a près de trois ans et demi. À l'époque, j'avais fait savoir que j'appuyais vivement la décision d'obliger les auteurs d'actes terroristes, ainsi qu'à ceux qui sciemment leur fournissent un soutien matériel, y compris les États, à rendre des comptes aux Canadiens et aux victimes de terrorisme. Je crois que ce projet de loi va fortement décourager les personnes qui envisagent d'appuyer les groupes terroristes et il accorde une reconnaissance, trop tardive, certes aux droits des victimes du terrorisme en prévoyant un véritable recours qui leur permet d'obliger ceux qui utilisent et appuient le terrorisme à rendre des comptes.
Le projet de loi a évolué sur certains aspects depuis que j'ai témoigné à ce sujet pour la première fois, et les exceptions à l'immunité des États souverains ont été quelque peu réduites. Ces dispositions s'appliquent désormais uniquement aux pays qui ont été inscrits sur une liste par le gouvernement du Canada à titre d'État soutenant le terrorisme. Franchement, j'aurais préféré voir une exception plus large qui viserait tout État qui fournit un soutien matériel à des groupes terroristes connus, en particulier lorsqu'il n'est pas réaliste d'espérer pouvoir exercer d'autres recours judiciaires. Même avec cette réserve, j'estime que l'adoption immédiate du projet de loi C-10 est très importante et représentera une mesure très positive dans la lutte contre le terrorisme.
Ce serait également une mesure bien opportune que de donner aux victimes du terrorisme le droit de demander justice. Le 10e anniversaire du 11 septembre, survenu le mois dernier, a été un rappel poignant du fait qu'un grand nombre de personnes ont souffert à la suite des actes de terrorisme. Cet anniversaire nous a également amenés à réfléchir sur les progrès que nous avons réalisés et les mesures qui restent à prendre pour faire disparaître le terrorisme international.
Il reste encore tant à faire. D'après un rapport du U.S. National Counterterrorism Center, il y a eu plus de 11 500 actes de terrorisme ont été commis l'année dernière, et ils ont entraîné plus de 13 000 décès, 30 000 blessés et la prise de 6 000 otages.
L'immense majorité de ces attaques est concentrée en Afghanistan, en Irak et au Pakistan, mais au cours de cette année-là plus de 70 pays ont connu des cas de terrorisme. Ces attaques continuent à entraîner des décès, elles ont des répercussions sur la sécurité et ont des coûts mondiaux défiant l'imagination. Le fait est qu'il ne faudrait pas baisser notre garde, ne serait-ce qu'un moment.
Nous savons que les organisations terroristes ont besoin du soutien matériel et financier que leur offrent certains pays, certaines entités et certaines personnes qui approuvent et appuient leur cause. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté tant de lois, tant de règlements, tant de conventions internationales et de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU dans le but de rendre illégal ce genre de soutien et de le supprimer.
Malgré tous ces efforts, nous n'avons pas réussi à tarir les flux financiers, et nous n'avons pas non plus réussi à obliger les auteurs de ces actes à en rendre compte. La plupart de ces fonds viennent de pays qui n'ont pas la volonté politique ou les moyens de bloquer ces transferts. Nous devons tenir compte du fait que dans de nombreux pays, il n'est pas considéré comme étant illégal aujourd'hui de continuer à financer des organisations terrorismes, même des groupes liés à al-Qaïda. Pourtant, dans l'environnement mondial qui est le nôtre, l'effet de ces lacunes peut et a des conséquences graves pour nos pays et nos citoyens.
À l'échelle mondiale, les États-Unis ont été particulièrement actifs pour ce qui est de retrouver les personnes qui financent le terrorisme et les mettre hors d'état de nuire ou derrière les barreaux, qu'elles se trouvent aux États-Unis ou à l'étranger. Pour protéger notre sécurité nationale et nos citoyens, nous avons adopté des lois qui s'appliquent bien au-delà de nos frontières et nous avons utilisé les moyens de pression dont nous disposons à l'égard des institutions financières internationales pour les dissuader de servir d'intermédiaires pour le financement du terrorisme. Comment pourrions-nous lutter efficacement contre le terrorisme si nous ne faisions pas tout cela? À ma connaissance, nous sommes toujours le seul pays où les victimes du terrorisme peuvent obliger les entités qui le financent à rendre des comptes.
Notre expérience nous a permis d'apprendre que les risques que ces poursuites civiles délictuelles ou quasi délictuelles représentent pour les entités étrangères et les institutions financières internationales ont grandement facilité l'observation sur le plan mondial de nos normes antiterroristes. Les poursuites qui ont été intentées en vertu de nos lois ont été efficaces et le fait d'autoriser de telles poursuites civiles contre des terroristes et contre ceux qui leur fournissent un soutien matériel a donné des résultats. Ces dispositions ont également permis de constituer une jurisprudence qui a permis de préciser et de régler un bon nombre des problèmes complexes que cet aspect soulève.
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La question la plus difficile à régler est peut-être celle de l'immunité des États. Il est paradoxal de constater que dans l'environnement mondial dans lequel nous vivons de nos jours, nous avons jugé bon de réduire considérablement l'immunité des États dans le domaine de leurs activités commerciales, mais nous hésitons encore à le faire lorsqu'ils commettent des violations flagrantes des conventions et du droit international.
Monsieur le président, vous avez ici la possibilité de rectifier cette anomalie. Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui constituera une mesure importante qui permettra d'obliger les entités qui financent le terrorisme, y compris les États qui le font, à rendre compte de leurs actes.
Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier les témoins pour nous avoir présenté leurs exposés et leurs points de vue.
Je vais commencer par demander à Mme Stoyles, qui a mentionné qu'outre le terrorisme, ce projet de loi ne mentionne pas la question de la torture exercée par les États et j'ai noté que vous aviez mentionné dans votre exposé que vous ne pensiez pas qu'il y aurait un déluge de poursuites parce qu'il faut établir l'existence d'un lien avec le Canada.
Je ne sais pas très bien comment cela pourrait s'intégrer au terrorisme. Le lien avec le Canada pourrait venir du fait que la personne en question a obtenu le statut de réfugié, est maintenant citoyenne canadienne et souhaite poursuivre l'État qui l'a torturée. Est-ce une possibilité qui vous paraît souhaitable, ou prenons le cas de la famille dont un enfant ou un autre membre de la famille se trouvant en Libye, au Soudan ou Syrie a été torturé par cet État — ou même par la Turquie, pourquoi pas? Pensez-vous qu'un tel moyen serait pratique et facile à utiliser, en particulier avec notre idée d'une liste de pays, comme le prévoit le projet de loi.
Je n'ai pas eu la possibilité d'aborder ces points dans mon mémoire.
J'ai mentionné l'exigence d'un lien réel ou substantiel avec le Canada parce que c'est une question qui est parfois soulevée. Si nous ouvrons les portes aux survivants de la torture au Canada, ou du terrorisme, également, cela ne va-t-il pas entraîner un déluge de poursuites?
Lorsqu'une poursuite civile est intentée au Canada, il est, bien entendu, exigé qu'il existe un lien réel et substantiel avec le Canada. Je pense que le fait d'être membre de la famille de la victime pourrait être un élément qui répondrait à cette exigence. Il est important de savoir qu'il existe une restriction supplémentaire, à savoir qu'il est possible de contester la saisine d'un tribunal canadien parce qu'il existe une autre instance qui est mieux placée pour entendre l'affaire, parce que les victimes et les témoins se trouvent dans ce pays; il faut qu'il existe un système judiciaire fonctionnel.
Je n'ai pas eu le temps de dire qu'Irwin Cotler avait présenté un projet de loi d'origine parlementaire qui proposait exactement ce genre de mécanisme. Ce projet de loi bénéficiait du soutien de députés de chacun des autres partis fédéraux. Je vous ai remis des copies du projet de loi C-483. Il ajoute une autre restriction, en ce sens qu'il exige l'épuisement de tous les autres recours susceptibles d'être exercés dans d'autres pays.
Il existe un certain nombre de restrictions qui ont pour effet de limiter le nombre des affaires qui peuvent être entendues. Il me paraîtrait tout à fait approprié d'en ajouter une ici, même si je craindrais beaucoup — et même davantage — qu'on l'applique aux affaires de droit de la personne, à savoir l'établissement d'une liste de pays parce que les circonstances évoluent. Étant donné qu'il convient d'appliquer les principes du droit, il me paraît bien préférable de confier aux tribunaux le soin de déterminer à quel moment ces actes ont été commis.
Je m'adresse à M. Comras. Pouvez-vous nous aider sur ce point?
Vous avez parlé d'un mécanisme efficace qui donne des résultats, comme, par exemple celui des États-Unis. Bien sûr, les États-Unis est le seul pays qui ait adopté une telle loi, mais lorsque je lis que les listes ont été modifiées par le département d'État à plusieurs reprises —, la Corée du Nord en a été retirée, la Libye en a été retirée en 2006, et je crois que l'Irak l'a été aussi, pour diverses raisons qui découlaient de la politique étrangère américaine en vigueur à ce moment-là.
Pensez-vous qu'un tel mécanisme soit efficace, sans tenir compte, j'imagine, des pressions qu'il a pu exercer sur la Libye pour l'inciter à régler pour d'autres raisons les poursuites dont elle faisait l'objet? Pouvez-vous me donner des exemples de l'efficacité de cette loi aux États-Unis.
Cette loi a une large portée. Elle s'applique non seulement aux États, mais aux groupes terroristes et aux groupes qui leur fournissent un soutien matériel. Bien sûr, l'immunité de juridiction des États ne s'applique pas à de nombreux défendeurs dans ces affaires, et nous avons réussi à mettre un terme aux activités d'un grand nombre d'entités, d'organismes non gouvernementaux et autres, qui participaient au financement du terrorisme.
En outre, nous avons certainement découragé un grand nombre d'institutions d'exercer des activités douteuses et nous avons amélioré l'observation des normes internationales par les institutions financières internationales, qui craignent beaucoup d'être traduites devant les tribunaux et accusées de contribuer à fournir un soutien matériel à des terroristes.
Pour ce qui est de l'immunité des États, je serais d'accord avec vous pour dire que les ententes en vigueur aux États-Unis ne permettent pas d'atteindre leur objectif. C'est une question trop politique d'inscrire un pays sur la liste de ceux qui soutiennent le terrorisme et de le supprimer ensuite de cette liste.
Il me semble que la loi est claire. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours soutenu ici aux États-Unis et internationalement, l'idée que l'immunité de juridiction ne devrait pas s'appliquer aux pays qui agissent très clairement à l'encontre des normes internationales en matière de comportement. Lorsqu'il s'agit de terrorisme, il est très clair que notre droit coutumier international reconnaît que les personnes qui se livrent au terrorisme agissent en dehors de ce qui constitue un comportement international acceptable.
Ces amendements qui me paraissent tout à fait nécessaires se justifient pour deux autres raisons .
Numéro 3, lorsqu'un État étranger finance un organisme terroriste qui commet un acte terroriste — il est habituellement impossible de prouver que des fonds particuliers ont financé une attaque particulière; il est donc très difficile d'établir le lien de causalité, un élément nécessaire pour obtenir gain de cause lorsque l'on poursuit des entités qui soutiennent le terrorisme. C'est pourquoi la C-CAT propose d'ajouter une présomption qui établit clairement que le fait de soutenir une entité terroriste entraîne une responsabilité, même s'il n'est pas possible de prouver que ce dollar particulier a permis d'acheter cette balle particulière.
Numéro 4, les États qui ont été condamnés par un tribunal ne devraient pas pouvoir protéger leurs actifs en utilisant des institutions publiques ou des intermédiaires qu'ils dirigent ou contrôlent. Pour renforcer l'efficacité du projet de loi, nous recommandons expressément de faire référence à ces types d'entités juridiques. Étant donné que la propriété de nombreuses sociétés privées n'est pas divulguée publiquement, nous suggérons également d'ajouter une disposition qui autorise le gouvernement à aider, dans toute la mesure du possible, tout créancier judiciaire à identifier et à localiser les biens ou une agence ou une institution d'un État étranger. Cela pourrait être d'un secours très précieux pour les victimes, pourvu que la portée de cette disposition soit limitée avec précision.
Monsieur Gillespie, j'ai récemment assisté à une conférence sur les infractions de pornographie juvénile. J'ai parlé à un certain nombre de procureurs de la Couronne et une des choses qu'ils voudraient avoir dans le domaine des peines est une sorte d'ordonnance interdisant au contrevenant d'utiliser Internet. Bien sûr, une telle mesure aurait des limites très concrètes et pratiques.
Avez-vous des idées sur la façon dont une telle interdiction pourrait être renforcée? Bien évidemment, nous ne pouvons pas en arriver à un point où la moitié des citoyens surveillent l'autre moitié. Avez-vous des idées sur l'utilisation d'un tel mécanisme et de ce qui pourrait être mis en oeuvre?
Dans un monde parfait, il serait souhaitable de pouvoir limiter les activités des contrevenants en leur interdisant de les exercer dans le domaine pour lequel ils ont été déclarés coupables. Cela est très difficile à faire. J'estime toutefois qu'il y a peut-être des solutions technologiques, certains logiciels, qui permettent de surveiller les contrevenants. Ils peuvent changer d'ordinateur ou quitter leur domicile, ce qui soulève de très grandes difficultés. Je pense néanmoins que nous sommes très proches d'avoir accès à des solutions technologiques; il faudrait toutefois que les organismes d'application de la loi aient un accès supplémentaire à certains renseignements pour pouvoir vérifier si le comportement exigé est respecté.
En tenant pour acquis que ces nouvelles technologies se concrétiseront, dans quelle mesure faudrait-il que les autorités policières adaptent leur action pour pouvoir viser ce genre d'activité? Avons-nous les ressources suffisantes pour le faire? Devrons-nous en consacrer à cet aspect?
Je pense que les ressources en matière d'application de la loi, lorsqu'il s'agit de crimes liés à Internet, sont gravement insuffisantes et il n'y aura jamais suffisamment de personnel dans ce domaine, je vous le dis franchement. Il y a des millions d'hommes dans le monde entier qui utilisent les enfants et diffusent ces images horribles. Il faudrait toutefois examiner la situation de différentes façons et je vais en dire deux mots très rapidement.
Il faudrait consulter des gens, tous les intéressés par cette question, y compris la jeune génération, qui comprend beaucoup mieux que nous la technologie, les effets d'Internet et son impact sur la société. Je pense qu'il faudrait vraiment écouter ces jeunes pour pouvoir ensuite élaborer des solutions permettant d'agir efficacement dans ce domaine. Si nous n'utilisons pas la capacité actuelle qui existe dans la société, essayons de la renforcer à l'étranger — parce qu'Internet ne connaît pas de frontières — ce n'est pas un problème auquel il suffit d'affecter quelques fonds supplémentaires pour embaucher quelques policiers de plus. Cela aura un effet, mais finalement, l'effet sera limité tant que nous n'aurons pas trouvé les moyens de renforcer les capacités dans ce domaine, dans le monde entier, et d'amener tous les autres pays à collaborer.
Je tiens également à féliciter les témoins d'être venus aujourd'hui.
Puis-je commencer par dire que je tiens à féliciter Maureen Basnicki en particulier pour les efforts constants qu'elle a déployés au cours des années. Vous avez connu une tragédie personnelle et vous l'avez transformée en faisant le genre d'efforts qui m'ont inspiré quand ils m'ont amené, quand j'étais ministre de la Justice, à proposer — et lorsque nous avons perdu les élections, nous n'avons pas pu poursuivre dans cette voie — des recours civils pour les victimes du terrorisme. C'était une des premières recommandations, vous vous en souvenez peut-être, que j'ai faite à Stockwell Day. Avec le gouvernement au pouvoir, je suis heureux de voir que ce projet de loi nous a été soumis, ainsi que les trois amendements que vous avez présentés aujourd'hui dans le but de le préciser, amendements que j'appuie.
À Jayne Stoyles, je pense que votre contribution, pour ce qui est de proposer un recours civil pour les victimes de la torture, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, mérite également notre appui. J'espère que cela se fera en adoptant un autre projet de loi, si cela est nécessaire. Vous aussi m'avez amené à présenter un projet de loi d'origine parlementaire sur ce sujet.
Ma question s'adresse toutefois à M. Comras; pour ce qui est du projet de loi à l'étude, je me souviens du témoignage que vous avez livré devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Vous avez déclaré au sujet de ce projet de loi, en particulier de son mécanisme d'établissement d'une liste, qu'il ne fallait pas adopter cette mesure; n'adoptez pas ce projet de loi. Vos paroles exactes étaient les suivantes: « S'il fallait tout refaire, je suis persuadé que nous nous passerions de cette liste ». « Je vous invite à tirer une leçon de notre expérience... ne faites donc pas la même erreur. » Je tenais simplement à vous dire que cela m'a amené à présenter un projet de loi d'origine parlementaire qui appuie en principe le projet de loi à l'étude, mais sans inclure ce mécanisme d'établissement d'une liste.
Je me demande si vous pouviez nous en dire davantage sur les raisons qui nous amènent à penser que cette liste serait une erreur, en plus de l'arbitraire politique qui lui est sous-jacente, et quelle serait, d'après vous, une autre solution efficace à ce mécanisme d'établissement d'une liste.
Comme vous avez pu le voir avec le propre contentieux que nous avons connu aux États-Unis, il y a eu un certain nombre d'affaires qui ont découlé de l'attaque du 11 septembre et d'autres attaques terroristes qui ont touché les citoyens américains sur un plan international, et les efforts déployés pour obliger les responsables à rendre des comptes l'ont été en vain parce que nous n'avons pu faire inscrire cet État sur la liste des entités terroristes désignées.
Il suffit d'examiner le rapport du Département d'État sur les États impliqués dans le terrorisme pour constater que le nombre des États qui ont soutenu ou encouragé activement des organisations terroristes est très élevé, alors que celui des États qui ont été placés sur la liste des terroristes est très réduit. Cette liste est désuète; elle a montré qu'un système qui attribue au gouvernement la responsabilité de désigner un pays, décision qui peut avoir des effets importants sur ses relations avec les pays étrangers et constituer un grave obstacle dans ses rapports avec ce pays, ne peut fonctionner.
Il est préférable de laisser à nos tribunaux le soin de décider qu'un acte de terrorisme a été commis, que tel État soutient, directement ou indirectement, le terrorisme, et d'imposer au demandeur le fardeau de démontrer tout cela au tribunal. Le tribunal pourra alors rendre sa décision sans mettre en jeu toute une série de relations bilatérales qui sont sollicitées, lorsque les États-Unis déclarent officiellement qu'un État est une organisation terroriste.
En outre, lorsqu'un État est inscrit sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme, cela déclenche l'application de nombreuses autres lois qui ont un effet important sur toutes nos relations. Je pense qu'il serait bon pour notre gouvernement, tout comme pour nos citoyens et nos tribunaux, de laisser cette question aux tribunaux pour qu'ils décident eux-mêmes si le terrorisme lui-même est un acte qui est contraire aux conventions coutumières du droit international. Les États qui exercent ce type d'activité devraient être tenus de rendre des comptes. Lorsqu'il existe des motifs d'attribution de compétence, il conviendrait que ces affaires soient entendues.
J'ai une remarque. Serait-il utile d'insérer une disposition qui supprimerait le mécanisme de la liste, mais pour éviter les poursuites frivoles et vexatoires, nous pourrions préciser qu'il n'est pas possible de poursuivre un État, par exemple, avec qui nous avons conclu un traité d'extradition?
Oui, il existe de nombreuses façons de limiter le nombre de poursuites. On devrait également exiger que tous les recours pouvant être exercés devant d'autres instances soient épuisés avant qu'un tribunal puisse entendre ce genre d'affaires.
Mes questions s'adressent à M. Gillespie. En tant qu'ancien policier, je connais les difficultés et les complications que rencontrent les policiers qui font enquête sur ce genre de crimes.
En particulier, nous savons que les enfants sont particulièrement vulnérables lorsqu'il s'agit d'agression et d'exploitation sexuelle. En fait, ce sont les principales victimes de toutes les affaires d'agression sexuelle rapportées à la police. Pour ce qui est du projet de loi C-10, pensez-vous que le moment auquel ce projet de loi est présenté facilitera la lutte contre les infractions sexuelles à l'égard des enfants, infractions qui sont en augmentation au Canada?
Absolument. Comme vous le savez, ces crimes sont vraiment affreux. Je crois qu'Internet nous a laissé entrevoir quelque chose dont la plupart d'entre nous ignorait l'existence. Il serait souhaitable d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. Il aura certainement un effet. Comme je l'ai déjà dit, il est absolument nécessaire d'aller dans cette direction.
Le Canada possède les meilleures lois au monde. Je voyage dans le monde entier. J'ai la chance d'assister à des conférences, de présenter des exposés et on me pose souvent des questions au sujet de nos lois, des lois que nous examinons et essayons de mettre en oeuvre. Nos lois sont régulièrement copiées par de nombreux pays.
Je dirais que nous allons dans la bonne direction et nous le faisons depuis quelques années. J'en suis très heureux.
Deuxièmement, pour ce qui est des peines minimales obligatoires, il faut dire que les jeunes victimes d'agression sexuelle, au sujet desquelles vous et moi avons fait des enquêtes, sont traumatisées pour le reste de leur vie. Elles ne comprendront jamais pourquoi de telles choses leur sont arrivées aussi jeunes. Les gens s'en souviennent jusqu'à la fin de leur vie.
De ce point de vue, pensez-vous que les peines minimales introduites par le projet de loi C-10 sont appropriées? À mon avis, elles ne sont parfois pas suffisamment lourdes, mais sont-elles appropriées?
Je pense qu'elles sont absolument appropriées. Il est très difficile de mesurer les effets à long terme d'une agression. Un des grands regrets que j'ai toujours eus est que nous ne pourrons jamais vraiment connaître ou recenser le nombre des victimes qui ne pourront réaliser leur plein potentiel et devenir des avocats, des professeurs, d'excellentes mères, des politiciens — elles ne deviendront jamais ce qu'elles auraient dû devenir.
Je dirais au sujet des peines minimales obligatoires dans ce cas particulier, qu'elles sont courtes et sévères. Je crois que cela envoie un message. Cela permet également aux juges d'imposer, s'ils le désirent, des peines plus sévères se rapprochant de la peine maximale. Je pense que c'est une frustration que ressentent la plupart des Canadiens.
Je ne suis plus policier. Nous avons d'excellentes lois. Nous avons la possibilité d'imposer des peines appropriées aux condamnés. Je constate que nous ne le faisons pas toujours. J'estime toutefois que les peines minimales obligatoires sont une mesure très importante et qu'elles peuvent inciter certaines personnes à ne pas commettre ces infractions.
Monsieur Gillespie, pensez-vous qu'un des avantages des peines minimales est de supprimer la possibilité d'ordonner la détention à domicile et d'assurer la sécurité du public, en plus?
Oui, absolument. Pour moi, ordonner la détention à domicile dans les affaires où l'accusé a utilisé Internet pour commettre des crimes contre les enfants me paraît contraire à toute logique. Le fait que le projet de loi supprime cette possibilité pour punir une infraction me paraît une très bonne chose. C'est certainement une très bonne chose pour les victimes.
C'est bien. Cela se perdrait sans doute de toute façon dans la traduction.
Monsieur Comras, je comprends ce que vous dites au sujet de la liste et du fait que nous devrions peut-être confier cette tâche aux tribunaux. Voici quelle est ma question sur ce point. Ne craignez-vous pas que cela complique davantage les choses pour le tribunal? Cela ne risque-t-il pas d'allonger les procès, puisque le tribunal devra établir si le pays est un pays terroriste, s'il accueille des terroristes et participe à ces activités, et ainsi de suite?
Je sais que cela touche la politique et nous essayons autant que possible d'éviter les aspects politiques lorsqu'il s'agit d'aider les victimes, parce que c'est essentiellement ce que vise ce projet de loi. Comment conciliez-vous l'aspect politique et le fait que confier cette tâche au tribunal risque d'allonger la durée des procès dans ce genre d'affaires?
Paradoxalement, je pense que confier cette tâche aux tribunaux va réduire la durée de procès. À l'heure actuelle, ces questions sont toutes aussi compliquées, parce que les procureurs s'efforcent de trouver une façon de contourner les restrictions qu'entraîne l'immunité des États.
Ces questions ont été examinées par tous nos tribunaux pendant des années par le biais de requêtes, de mémoires, de demandes de révision, de sorte que la durée moyenne de ces affaires est actuellement de sept à 10 ans avant même d'obtenir une décision définitive.
La question me paraît simple. Il s'agit de savoir si l'État en question a fourni un appui matériel au terrorisme en violation du droit international — si c'était la question qui était soumise au tribunal — cela supprimerait de nombreuses autres questions connexes que l'on utilise pour contourner le système. En fin de compte, il serait beaucoup plus économique de confier à nos tribunaux la tâche de résoudre ces questions.
La deuxième question que je vous pose est la suivante. Nous savons qu'aux États-Unis, les victimes peuvent poursuivre certains États — pour revenir sur la question que posait mon collègue, M. Harris. Il y a beaucoup de victimes qui peuvent intenter des poursuites et elles peuvent obtenir gain de cause, mais lorsqu'il s'agit d'exécuter le jugement, elles sont vraiment démunies.
Je suis moi-même avocate et je disais aux clients qui venaient me voir que nous pourrions certainement obtenir gain de cause, mais que la personne en face de nous ne possédait aucun actif et que nous ne pourrions jamais faire exécuter le jugement.
Que pouvons-nous faire pour être sûrs de pouvoir exécuter ces jugements?
Je suis désolé, mais une partie de votre question a été perdue dans la transmission, mais si j'ai bien compris, oui, l'exécution des jugements contre des États qui bénéficient d'une immunité soulève effectivement un problème. C'est une question qu'il conviendrait de régler de façon plus claire, ici et à l'étranger.
En 2008, le Congrès a adopté une nouvelle loi qui essayait d'indiquer clairement aux tribunaux qu'il fallait exécuter ces jugements sur tous les actifs possibles. Nous nous heurtons à obstacle sur obstacle. Les avocats qui s'occupent de ce genre d'affaires essaient activement, sur le plan international, d'exécuter ces jugements, ici et à l'étranger. Un des problèmes vient du fait que certains États, le nombre limité d'États qui bénéficient d'une immunité, possèdent très peu d'actifs ici. De sorte que lorsqu'on intente des poursuites contre l'Iran, on constate rapidement que ce pays ne possède aux États-Unis pratiquement aucun actif susceptible d'être saisi.
Je pense quand même que nous devrions aller de l'avant là où nous le pouvons et si nous pouvons apporter une solution à la question de l'exécution des jugements, nous devrions le faire. Mais cela ne devrait pas nous empêcher d'aller de l'avant en donnant une base solide à ce genre de poursuites.
Le temps consacré à ce panel est écoulé. Je remercie les témoins. Je tiens à remercier M. Comras. Nous vous avons fait quitter le soleil pendant un moment ce matin, monsieur, mais nous apprécions le témoignage que vous avez fourni, comme nous l'avons fait pour celui de tous les membres du panel.
Nous allons prendre une très courte pause. Nous allons siéger à huis clos, de sorte que nous devons faire évacuer la salle.