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Merci, chers collègues, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, sénateurs et députés, juge en chef et membres de la Cour suprême du Canada, distingués invités, mesdames et messieurs,
[Traduction]
Mesdames et messieurs, nous avons le grand privilège d'accueillir dans notre Parlement aujourd'hui le premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le très honorable .
À titre personnel, David, permettez-moi de vous dire que je vous ai vu souvent dernièrement, en tant que chef de l'opposition ou premier ministre, en Grande-Bretagne et ailleurs dans le monde, mais je suis particulièrement heureux de vous retrouver ici, au Canada, où vous faites désormais partie de la liste des distingués premiers ministres britanniques venus s'adresser à notre Chambre.
[Français]
Par exemple, plus récemment, en 2001, le très honorable Tony Blair a pris la parole devant la Chambre.
[Traduction]
La grande Margaret Thatcher a pris la parole dans cette enceinte à deux reprises. Et c'est ici qu'en 1941, dans les jours les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, un discours ayant encore davantage marqué l'histoire a été prononcé, le discours où sir Winston Churchill s'est exclamé « mais quel poulet! mais quel cou! ». Ce discours a sonné le début du ralliement des deux côtés de l'Atlantique.
Monsieur le , un autre de vos prédécesseurs, sir Anthony Eden, a déjà dit que se présenter devant notre Chambre était une expérience presque intimidante pour le visiteur. Permettez-moi de vous assurer qu'il s'est rendu compte, comme vous vous en rendrez compte, que, dans la tradition dont nous avons hérité de votre pays, les députés des Communes traitent leurs visiteurs beaucoup mieux qu'ils ne se traitent entre eux.
[Français]
Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue et nous avons hâte de vous entendre dans quelques instants à peine.
[Traduction]
Premièrement, je sollicite l'indulgence de la Chambre pour pouvoir parler brièvement des questions de sécurité et d'économie qui nous ont permis, le et moi, de nous rencontrer pas moins de sept fois au cours des 16 derniers mois, habituellement en compagnie de dirigeants d'autres pays. Ce sont des questions à propos desquelles le premier ministre Cameron a joué un rôle décisif de chef de file et qui continueront d'exiger sa capacité à maintenir fermement le cap, par exemple la question de la Libye.
[Français]
Je pense en particulier au rôle que nos deux pays ont joué avec l'aide essentielle de l'autre grand-mère patrie du Canada, la France, dans les efforts déployés pour aider le peuple libyen à se bâtir un avenir meilleur. Dans cette entreprise, nous avons été animés par certaines convictions fondamentales.
[Traduction]
Nous croyons, par exemple, que « l'État a été créé pour l'homme et non l'homme pour l'État », comme le très honorable Harold Macmillan l'a souligné ici même, dans cette enceinte.
Nous croyons aussi que, lorsque nous aidons d'autres peuples à se libérer, c'est notre propre liberté que nous assurons en même temps. Des millions de personnes dans le monde aspirent aux droits démocratiques et à la primauté du droit ancrés profondément dans l'histoire de nos deux pays. Ces aspirations sont manifestement celles des Libyens eux-mêmes, et nous entretenons ensemble l'espoir qu'ils les réalisent pleinement un jour.
[Français]
Puis, bien entendu, il y a les très graves difficultés qui affligent l'économie mondiale et qui nous réunissent en tant que partenaires du G20.
[Traduction]
Personne ne pourra nous accuser d'exagérer si nous reconnaissons que le défi le plus pressant que nous devons tous relever, c'est d'éviter les conséquences dévastatrices qu'entraînerait un nouveau glissement vers une récession mondiale. Pourtant, si des pays clés ne prennent pas systématiquement des mesures économiques appropriées et coordonnées, si nous ne parvenons pas à résister à l'attrait du protectionnisme et à accepter des taux de change plus souples, si nous ne réussissons pas à consolider nos finances et, d'abord et avant tout, si nous ne sommes pas déterminés à faire face à l'incertitude croissante afin de nous attaquer fermement à ce qui, dans certains cas, constitue des niveaux d'endettement nationaux dangereux et intenables, bref, si nous n'agissons pas sur tous ces plans, le monde ne pourra pas éviter pareilles conséquences.
[Français]
J'aimerais donc souligner, devant cette Chambre, le leadership exercé par le premier ministre Cameron au chapitre des questions économiques de l'heure.
[Traduction]
Premièrement, le premier ministre Cameron a prodigué des conseils solides à nos partenaires du G20 et il est fermement engagé à l'égard de la discipline financière.
Deuxièmement, il est conséquent dans sa gestion des choix difficiles sur le plan financier auxquels l'économie britannique est confrontée. Parmi nos partenaires du G20, il ne fait aucun doute que le premier ministre Cameron prêche par l'exemple.
Monsieur le premier ministre, ici, au Canada, nous avons suivi vos progrès très attentivement, et je peux dire sans hésiter que, là où cela compte le plus, votre façon de penser s'apparente à celle de notre gouvernement. Pour être précis, bien que la réduction du déficit ne soit pas une fin en soi, les cibles financières du G20 approuvées à Toronto l'an dernier demeurent cruciales afin que les pays industrialisés puissent se refaire une santé économique.
[Français]
Comme vous, monsieur le premier ministre, nous combinons ces objectifs avec un plan clair pour stimuler l'emploi et la croissance économique. Plus tard cette année, les dirigeants du G20 se réuniront à Cannes.
[Traduction]
Et, si j'ose dire, lorsque nous serons réunis à Cannes pour le G20, nous aurons beaucoup de pain sur la planche.
Mesdames et messieurs les députés, sans plus tarder, je suis très heureux de vous présenter un homme extrêmement déterminé, dont les décisions sont guidées par des principes, un de mes grands amis et un très bon ami du Canada, le premier ministre du Royaume-Uni, le très honorable David Cameron.
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Monsieur le Président, monsieur le Président du Sénat, monsieur le premier ministre, sénateurs et députés, merci de votre accueil extrêmement chaleureux. Comme vous l'avez déclaré, Stephen, cet endroit me rappelle chez moi. C'est juste un peu plus grand et les gens sont beaucoup plus sages.
[Français]
Je vous remercie du grand honneur que vous me faites en m'invitant à m'exprimer devant ce Parlement historique.
[Traduction]
J'aurais peut-être dû commencer en reprenant ici l'avertissement que Winston Churchill a donné lors d'une de ses déclarations à la radio pendant la guerre:
[Français]
« Prenez garde! Je vais parler en français. »
[Traduction]
Tout d'abord, je tiens à rendre hommage à Jack Layton. J'offre mes sincères condoléances à et à sa famille. L'énergie de Jack Layton et son optimisme s'élevaient au-dessus de la politique et je sais qu'il manquera à tous ceux qui siègent ici.
Dans l'exercice de mes fonctions, je constate que peu importe le pays que je visite, des membres de la famille royale y sont passés avant moi. Je crois que le duc et la duchesse de Cambridge, ou Will et Kate comme vous les appelez ici, ont mis la barre très haut, mais le fait que le jeune couple princier ait choisi le Canada comme destination de sa première visite à l'étranger et que les gens d'ici les aient si chaleureusement accueillis tous les deux témoigne de l'importance des rapports et de l'affection de longue date qui lient nos deux pays. Malheureusement, je ne ferai pas atterrir un hélicoptère sur un lac et je ne porterai pas de Stetson, et je suis convaincu que le sera déçu de ne pas pouvoir me lancer un défi dans un rodéo.
Comme l'auteur Brian Lee Crowley l'a dit, de solides arguments permettent de croire que le XXIe siècle pourrait bien être celui du Canada.
Ces dernières années, toutes les grandes décisions du Canada ont été les bonnes. Arrêtons-nous aux faits. Aucune banque canadienne n'est tombée ou n'a été ébranlée pendant la crise bancaire mondiale. Le Canada avait jugulé son déficit, il faisait des excédents et remboursait sa dette avant la récession. On peut dire qu'il réparait le toit pendant que les beaux jours duraient encore. Votre leadership économique a aidé l'économie canadienne à traverser les tempêtes mondiales bien mieux que beaucoup de vos concurrents étrangers.
La manière dont vous avez intégré des gens de différentes cultures dans une démocratie arrivée à maturité est, selon moi, un modèle dont nous pourrions tous nous inspirer, et le Canada se prépare maintenant à un brillant avenir. L'Alberta affiche les meilleurs résultats scolaires de tout le monde anglophone.
Le BlackBerry et le bras canadien, le bras robotisé utilisé dans 90 missions des navettes spatiales, font du Canada un foyer de l'innovation et de la technologie de pointe. En fait, l'entreprise qui produit le BlackBerry a remis à Sa Majesté la reine un de ses téléphones intelligents lorsqu'elle est venue ici l'an dernier, mais sans surprise, Sa Majesté en avait déjà un.
Le Canada affiche une clarté morale et un leadership politique. Les militaires canadiens, hommes et femmes, ont fait des sacrifices extraordinaires pour défendre la liberté et la démocratie. Or, pendant que d'autres pays font peu et parlent beaucoup, le Canada se fait discret et consent des sacrifices dans la lutte pour un monde meilleur. J'estime donc que c'est un privilège d'être ici aujourd'hui et de rendre hommage au Canada pour tout ce qu'il a fait.
C'est aussi un grand plaisir d'être ici aujourd'hui en compagnie de mon collègue et ami, le . Au cours des 16 derniers mois, j'ai pu constater par moi-même le leadership remarquable dont il fait preuve, notamment lors des premiers sommets du G8 et du G20 auxquels j'ai pris part, et qui ont eu lieu l'an dernier à Muskoka et à Toronto. À cette époque comme aujourd'hui, l'essentiel de nos efforts portait sur les deux questions qui importent le plus aux gens: leur sécurité et leur emploi.
Ce soir, mes propos porteront surtout sur la manière dont nous pouvons arriver tous ensemble à régler quelques-uns des problèmes de l'économie mondiale, mais je tiens d'abord à dire quelques mots à propos de la sécurité.
Nous avons tous souffert à cause de l'extrémisme de certains islamistes et de la violence dont ils peuvent faire preuve. J'arrive des Nations Unies, où je disais que les événements qui ont marqué la dernière année dans le Nord de l'Afrique et au Moyen-Orient constituent une occasion sans précédent de faire avancer la paix, la prospérité, la démocratie et — surtout — la sécurité, mais seulement si nous mettons tous la main à la pâte et que nous saisissons l'occasion que nous avons d'aider les peuples arabes à réaliser leurs aspirations, à se faire entendre et à jouer un rôle dans leur société.
Nos deux pays ont toujours accepté de prendre les moyens et de payer le prix qu'il fallait pour assurer la sécurité du monde et défendre notre mode de vie.
La Tour de la Paix qui domine l'édifice où nous nous trouvons nous rappelle que 67 000 Canadiens ont perdu la vie durant la seule Première Guerre mondiale. La Grande-Bretagne doit une fière chandelle aux forces armées canadiennes, et je tiens à leur rendre aujourd'hui hommage.
Durant les deux grandes guerres, le Canada était là. Sur la crête de Vimy, à Passchendaele et à Ypres, le Canada était là. À la bataille de la Somme, qui a été la plus meurtrière de l'histoire de nos deux pays, le Canada était là. En fait, c'est après cette bataille que Lloyd George a écrit:
Les Canadiens [...] s'y sont tellement distingués que c'est à partir de ce moment qu'ils ont acquis la réputation d'armée de choc [...] Dès que les Allemands apprenaient qu'ils devraient faire face au Corps canadien, ils se préparaient au pire.
Aux heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, les forces navales du Canada ont contribué à maintenir les voies de navigation ouvertes durant la bataille de l'Atlantique, assurant la bonne marche des convois semaine après semaine, bravant les mines, les sous-marins et les navires maquillés et furtifs; bref, elles ont contribué à la survie de la nation indépendante que nous sommes.
Sur la plage Juno, ce sont la 3e division de l'infanterie canadienne et la Marine royale canadienne qui ont permis de remporter une si éclatante victoire la première journée des débarquements déterminants sur les côtes de Normandie et qui, le jour J, ont réussi à pénétrer plus avant dans les terres que n'importe laquelle des cinq autres forces d'invasion.
Encore aujourd'hui, le Canada est le partenaire militaire influent et recherché qu'il a toujours été. Nous sommes des partenaires et des membres-fondateurs de l'OTAN, et nos troupes étaient fières de servir côte à côte dans le cadre de nombreuses opérations internationales, que ce soit en Bosnie, en Sierra Leone ou, plus récemment, en Afghanistan et en Libye.
En Afghanistan, ce sont les forces canadiennes et britanniques qui ont combattu ensemble dans le Sud, c'est-à-dire dans la région la plus difficile du pays, là où très peu d'autres ont osé s'aventurer.
Aujourd'hui, les militaires canadiens s'emploient à entraîner les forces de sécurité nationales afghanes, travail essentiel s'il en est un.
En Libye, c'est un Canadien, le général Charles Bouchard, qui a commandé l'opération de l'OTAN, et ce sont les valeureux pilotes canadiens qui ont si vaillamment contribué à protéger les civils et aidé le peuple libyen à retrouver leur liberté.
Mais parmi tous ces faits d'armes, je crois que c'est le récent changement de nom du Commandement maritime et du Commandement aérien, qui s'appellent désormais « Marine royale canadienne » et « Aviation royale canadienne », qui illustre le mieux la valeur des forces canadiennes et nous rend aussi fiers de servir à leurs côtés.
Le premier ministre Harper et moi-même veillerons toujours à ce que les défenses de la Grande-Bretagne et du Canada demeurent fortes. Par ailleurs, nous savons que nos pays peuvent exercer une influence considérable sur la scène internationale pour faire avancer la liberté, la démocratie et la sécurité. Je ne songe pas uniquement à la force militaire, mais également aux efforts diplomatiques ainsi qu'aux initiatives axées sur l'aide, la culture et la promotion de nos valeurs. La Grande-Bretagne est ravie d'appuyer l'Initiative de Muskoka pour la santé des mères et des enfants, instaurée l'an dernier sous la direction du premier ministre Harper lors du sommet du G8. Pour sa part, notre pays investit dans des programmes pour sauver la vie de 50 000 mères pendant la grossesse et l'accouchement et pour éviter qu'un quart de million de nouveaux-nés ne meurent inutilement.
Il va sans dire que dans une conjoncture économique difficile, les citoyens se demandent si nous devrions maintenir nos engagements en matière d'aide internationale. J'affirme que oui. S'il importe de protéger le pouvoir militaire pour assurer la sécurité et défendre nos valeurs, il est encore mieux de venir en aide aux États aux prises avec des difficultés et de prendre des mesures pour régler les problèmes avant qu'ils n'arrivent jusqu'à nous, qu'il s'agisse d'immigration clandestine, de propagation de maladies ou de nouvelles menaces à la sécurité nationale.
Prenons l'exemple de l'Afghanistan. Si nous avions investi une fraction de notre budget militaire actuel en Afghanistan pour soutenir le développement il y a 15 ou 20 ans, imaginez un peu les difficultés que nous aurions pu éviter au cours de la dernière décennie.
Et que dire du Pakistan. Si nous laissons encore une génération d'enfants pakistanais entrer dans la vie sans une éducation appropriée ou sans la perspective d'un emploi et avec le crâne bourré de propagande extrémiste, quels risques courons-nous en termes de migration de masse, de radicalisation, voire de terrorisme?
La Grande-Bretagne et le Canada n'ont jamais refusé leur aide où que ce soit dans le monde et on peut affirmer que nous avons toujours respecté nos engagements en matière d'aide internationale. J'ose espérer que le Canada continuera de soutenir nos efforts de collaboration en matière de développement, non seulement au bénéfice des pays en développement, mais également pour la sécurité mondiale.
La Grande-Bretagne et le Canada ont collaboré au maintien de la sécurité mondiale et doivent aujourd'hui unir leurs efforts pour relever le plus grand défi de l'année, en l'occurrence assurer une croissance économique forte et durable à l'échelle mondiale.
Il est important de présenter la réalité sous son vrai jour. Si nous ne sommes pas arrivés au fond de l'abîme, la tendance se dessine clairement. Les économies avancées auront du mal à se remettre de la récession. En Europe, la croissance s'est arrêtée. Il en est de même en Amérique.
Il est vrai que les répercussions du tremblement de terre survenu au Japon et que la hausse du prix du pétrole et de celui des denrées alimentaires ont entraîné un ralentissement de la croissance mais, essentiellement, nous subissons encore les contrecoups de la déroute financière et de la crise économique qui s'en est suivie en 2008. Dans cette conjoncture, bien des familles en Grande-Bretagne et au Canada traversent une période difficile.
Si je ne m'abuse, le premier ministre Harper et moi-même faisons la même analyse de la situation et nous entendons sur ce qui cloche et ce qui doit être corrigé.
L'économie mondiale se remet actuellement d'une crise financière sans précédent en 70 ans et la plupart des pays sont endettés comme jamais depuis des décennies. Nous ne sommes pas confrontés à une récession cyclique habituelle, mais bien à une crise de la dette. Lorsque le problème fondamental est lié au niveau d'endettement et à la crainte que cela suscite, les prescriptions économiques habituelles ne peuvent s'appliquer. Il ne s'agit pas simplement d'utiliser les leviers financiers et monétaires habituels pour stimuler la croissance jusqu'à ce que la confiance revienne et que les activités économiques reprennent leur cours normal.
Lorsque les ménages ont trop emprunté, lorsque les banques vendent des actifs et qu'elles rebâtissent leur capital et que les gouvernements ont accumulé une dette monstre, ces leviers traditionnels ont un pouvoir limité.
La situation économique présente beaucoup plus de risques, et la plupart des pays ne peuvent pas se permettre d'emprunter encore davantage. Pourquoi? Parce que si le gouvernement n'a pas les moyens d'emprunter davantage afin de diminuer les impôts ou d'augmenter ses dépenses, les gens et les marchés commencent à se demander si le gouvernement sera en mesure de rembourser sa dette. Lorsqu'une telle situation survient, la confiance s'érode et les taux d'intérêt montent en flèche, au grand dam des titulaires d'hypothèque, et des entreprises qui veulent emprunter pour investir. C'est ce qui se produit actuellement dans certains pays européens.
Bien entendu, la politique monétaire joue un rôle essentiel pour stimuler l'économie à court terme. Naturellement, les pays qui peuvent se le permettre peuvent recourir à des leviers financiers pour produire le même effet. Certes, la demande compte, mais la stimuler en mettant en péril la stabilité financière est une stratégie vouée à l'échec qui mine la confiance des investisseurs dont est tributaire la croissance économique.
Toute solution à long terme doit s'attaquer au problème fondamental. Nous devons résoudre le problème du surendettement. Je le répète: la crise est causée par l'endettement.
Ce n'est qu'en prenant conscience de cet état de fait que nous pourrons commencer à nous attaquer au problème des banques, qui ne sont pas assez solides pour abaisser les taux d'intérêt consentis aux entreprises, aux ménages et aux consommateurs qui refusent d'emprunter par crainte de s'endetter.
On se remet différemment — et beaucoup plus difficilement — d'une crise de l'endettement que d'une récession cyclique.
En fin de compte, il n'y a que trois façons d'éliminer une dette énorme: la rééchelonner, l'annuler ou la rembourser. Les ménages et les gouvernements qui croulent sous les dettes ne peuvent tout simplement pas s'en sortir en augmentant leurs dépenses.
Plus ils dépensent, plus l'endettement s'alourdit et plus le problème fondamental prend de l'ampleur. Nous devons plutôt nous attaquer aux problèmes de front. Je crois que nous devons faire trois choses, soit: lutter contre le problème de l'endettement et rétablir la crédibilité et la confiance; faciliter les activités commerciales et créer des emplois en libérant nos économies; enfin, dans le contexte d'une crise mondiale, travailler ensemble partout sur la planète afin de coordonner notre action, notamment en stimulant le commerce mondial, tout d'abord au moyen du cycle de Doha.
Permettez-moi de passer brièvement en revue chacune de ces mesures.
D'abord et avant tout, nous devons nous attaquer directement à notre dette. En Grande-Bretagne, nous avons tiré des leçons de l'expérience du Canada lorsque vous êtes parvenus à prendre des mesures pour rembourser votre dette. Lorsque le gouvernement que je dirige est arrivé au pouvoir en Grande-Bretagne en mai 2010, nous avons hérité du plus important déficit budgétaire de notre histoire en temps de paix. Nous risquions de voir les taux d'intérêt augmenter et la confiance envers notre pays s'amoindrir. On se posait même des questions sur la capacité financière de notre pays.
Par conséquent, nous avons dû prendre des décisions vraiment difficiles pour sauver nos finances publiques et nous avons commencé à les mettre en oeuvre. Le rythme de nos interventions sera dicté par les circonstances. Compte tenu d'un déficit qui, selon les prévisions, allait être le plus élevé des pays du G20 et d'une dette débridée, le Royaume-Uni a dû agir rapidement.
On a pu tirer une leçon inestimable de l'expérience vécue en Grande-Bretagne: il est possible d'acquérir de la crédibilité et de devancer les marchés au moyen de mesures fermes. Toutefois, de par sa nature même, une crise mondiale ne peut pas être résolue si les pays décident d'agir chacun de leur côté. Dans une économie mondiale, il faut que tous les pays fassent preuve de leadership pour régler leurs propres problèmes. Avec d'autres, nous continuons de soutenir que nous devons accroître la demande mondiale grâce à un exercice de rééquilibrage, en vertu duquel les pays excédentaires dépensent davantage pour aider les pays déficitaires à augmenter leurs exportations et à croître plus rapidement. Il est évidemment essentiel d'agir ainsi, car cela aidera les pays déficitaires à croître et à rembourser leur dette. Toutefois, ce n'est pas en dépensant davantage que les pays excédentaires pourront s'attaquer à leurs problèmes d'endettement.
Cela m’amène à parler de la zone euro. J’étais conseiller au Trésor à une époque où la valeur de nos devises était fixée par le mécanisme de change européen. Ce mécanisme s’est effondré, et j'ai ainsi appris que différents pays ont parfois besoin de politiques économiques très différentes. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à l’idée que la Grande-Bretagne se joigne à la zone euro, et je ne le serai jamais. Cependant, la Grande-Bretagne, comme tous les autres pays, a grandement intérêt à ce que la zone euro réussisse, parce que les problèmes de l’euro sont maintenant tellement graves que cela commence à menacer la stabilité de l’économie mondiale. Pourquoi? Parce que la zone euro est l’un des plus grands marchés du monde et que l’euro est la deuxième devise en importance. Tant que ces problèmes ne seront pas réglés, tant qu’ils augmenteront, les entreprises n’investiront pas et la confiance sera sapée, d’abord dans la zone euro puis de plus en plus à l’échelle mondiale.
Les pays de la zone euro doivent agir promptement pour régler la crise. Ils doivent mettre en œuvre les solutions sur lesquelles ils se sont entendus. Ils doivent démontrer qu’il ont la volonté politique de faire le nécessaire pour assurer la stabilité du système. D’une façon ou d’une autre, ils doivent trouver une solution fondamentale et durable à ce qui constitue le cœur du problème: le taux élevé d’endettement de plusieurs pays de la zone. Par ailleurs, quelle que soit la voie qu’emprunteront ces pays, il faudra faire en sorte que les banques européennes soient assez solides pour contribuer à soutenir la reprise, qu'elles ne risquent pas de la mettre en péril.
Parallèlement, nous ne pouvons nier le problème fondamental de la concurrence insuffisante pour plusieurs pays de la zone. On ne réglera rien en remettant toujours à plus tard les mesures qui doivent être prises. En fait, cela ne fait qu’aggraver le problème et prolonger l’incertitude qui menace l’économie mondiale.
Si l’on ne peut pas réduire les impôts ou accroître les dépenses pour stimuler la demande, et si les taux d’intérêt sont déjà bas, les gouvernements n’ont plus qu’à prendre ces mesures simples et directes pour stimuler le potentiel de croissance. Et nous devons nous rappeler qu’à long terme, ce n’est pas la politique budgétaire qui stimule la croissance. L’essentiel pour assurer notre prospérité à long terme, c'est d’augmenter notre productivité. Pour ce faire, il faut qu’il soit plus facile de créer une nouvelle entreprise, d’engager du personnel, d’investir et d’assurer la croissance de son entreprise. Cela peut paraître simple, mais ce n’est pas nécessairement facile à faire. On constate rapidement que toutes sortes d’obstacles et de règlements bloquent la voie.
En Grande-Bretagne, nous sommes résolus à régler ce problème. Le régime fiscal que nous sommes en train de mettre en place pour les sociétés sera le plus concurrentiel de tout le G20; nous réduisons le temps requis pour fonder une entreprise et nous allégeons le fardeau fiscal et réglementaire des nouvelles entreprises. Nous publions tous les règlements sur Internet afin que les gens puissent facilement les consulter et voir lesquels pourraient être éliminés. Toujours à propos des règlements, nous avons créé la règle « plus un, moins un », ce qui veut dire que tout ministre qui veut proposer un nouveau règlement doit d'abord en éliminer un autre.
Nos priorités sont la science, les infrastructures, la réforme du système d'éducation et la création de nouvelles formations d'apprentis qui visent à accroître les compétences de nos jeunes. Je suis ravi que nous emboîtions le pas au Harper en tant qu'hôtes du prochain Concours mondial des métiers, qui se tiendra à Londres le mois prochain. Mille jeunes de plus de 50 pays tenteront d'y mériter les honneurs dans 46 domaines allant de la robotique à la conception Web.
Comme je l'ai déjà dit, nous devons nous attaquer à l'endettement qui marque nos économies nationales, nous devons les rendre plus concurrentielles, et nous devons aussi nous rappeler que des pays qui agissent seuls ne peuvent pas espérer résoudre une crise mondiale.
Certains soutiennent qu'une action internationale nécessite de nouvelles institutions internationales. Je ne suis pas de cet avis. Il nous faut non pas de nouvelles institutions, mais plutôt une volonté politique et des événements comme le G20 qui nous donnent l'occasion d'arriver à un consensus. Même si nous avions tous les sous-comités, les réunions et les processus du monde, si la volonté politique n'y est pas, nous ne pourrons jamais régler ces problèmes et garantir la croissance solide, viable et équilibrée dont nous avons besoin. C'est pourquoi la volonté politique des leaders sera d'une importance capitale au sommet du G20, en novembre.
Le meilleur exemple, c'est qu'on n'a pas encore conclu d'accord commercial mondial. Je crois que nous devrons, encore une fois, faire valoir l'importance du libre-échange. À mon avis, il n'existe pas de meilleur endroit pour le faire qu'ici même, au Canada, un pays qui a été édifié grâce au commerce.
La vérité, c'est que le commerce est le plus grand créateur de richesse de tous les temps et qu'il est la meilleure stimulation que nous puissions offrir à nos économies en ce moment. En menant à bien un cycle de négociations commerciales, nous pourrions injecter 170 milliards de dollars dans l'économie mondiale. Malgré cela, trop de gens croient encore que le commerce est en quelque sorte un jeu à somme nulle. Selon eux, il semble évident que, pour chaque pays qui réussit dans ce domaine, un autre échoue. Ces gens croient que, si nos exportations augmentent, celles d'une autre pays devront diminuer. Ils pensent aussi que, si nous importons des biens à faible coût de la Chine, nous échouons, comme si tous les avantages des exportations de la Chine allaient seulement à ce pays, alors que nous en tirons nous aussi des avantages, que ce soit au point de vue du choix, de la concurrence et des bas prix dans nos commerces. En fait, ce qu'il faut retenir à propos du commerce, c'est qu'il génère plus de richesse et que tout le monde peut en profiter.
Je suis venu au Canada pour défendre le libre-échange ainsi que pour promouvoir l'accroissement du commerce et des investissements entre nos deux pays et avec d'autres pays partout dans le monde.
Lors du sommet du G20 à Cannes, nous devrons convenir d'un plan crédible que nous présenterons à la rencontre ministérielle de l'OMC, en décembre, et qui sera utilisé pour conclure le cycle de négociations sur le développement à Doha. Si nous ne parvenons pas à tous nous entendre, nous devrons alors envisager d'autres façons de poursuivre la libéralisation du commerce dont le monde a besoin, veiller à ce que l'OMC poursuive ses travaux et éviter de retomber dans le protectionnisme, ce qui aurait des conséquences désastreuses. Nous devons poursuivre nos efforts, possiblement dans le cadre d'une coalition de pays volontaires, qui permettra à des pays comme la Grande-Bretagne et le Canada de conclure des accords plus ambitieux auxquels d'autres pays pourront participer ultérieurement, s'ils le désirent. Donnons l'exemple au monde entier en concluant, l'an prochain, l'accord économique et commercial global entre l'Europe et le Canada, accord qui permettra de dynamiser de façon remarquable la croissance de l'emploi, et ce, pour toutes les parties.
J'aimerais conclure mon intervention en soulignant que des liens profonds et solides unissent la Grande-Bretagne et le Canada. À cet égard, en 1954, Winston Churchill, qui avait encore en tête la Seconde Guerre mondiale, a déclaré ceci alors qu'il se trouvait au Château Laurier:
Nous avons surmonté tous les périls et enduré toutes les affres du passé. Nous pourrons nous prémunir contre les dangers et les problèmes de l'avenir et les surmonter. Nous ne reculerons devant aucun sacrifice ou tâche ardue, nous ne rechercherons aucun gain malhonnête et nous ne craindrons aucun adversaire.
Dans ce nouveau siècle, tournons-nous vers l'avenir, renforçons nos valeurs communes et recherchons de nouvelles possibilités. Nous sommes deux nations, mais nous sommes représentés par une seule reine et unis par les mêmes valeurs. Nous ne devons donc craindre aucun adversaire lorsque nous prenons ensemble les mesures nécessaires pour créer un monde meilleur et plus sûr.
Merci.
[Applaudissements]