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Monsieur le Président, je m'excuse auprès de ma collègue. Je sais qu'elle était prête à intervenir, mais j'ai bien hâte d'entendre ce qu'elle aura à dire dans une trentaine de minutes. J'ai beaucoup de respect pour elle. Je l'ai rencontrée pour la première fois à une réunion du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Elle vient d'arriver à la Chambre et je dois dire que si tous les nouveaux députés se comportent comme le fait la députée d'en face, le Parlement sera fort efficace dans les années à venir. Je lui transmets mes félicitations.
Je suis ravi de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi sur la représentation équitable. Chose certaine, je peux dire que tous les députés à la Chambre soutiendront que le Canada est le meilleur pays au monde, à l'exception peut-être de quatre députés indépendants du parti anciennement connu sous le nom de Bloc québécois. Ce qui fait du Canada un pays aussi merveilleux où il fait bon vivre, c'est la forme de gouvernement que nous avons à l'heure actuelle. L'un des principes fondamentaux du gouvernement qui est appliqué en ce moment au Canada, c'est le concept de la représentation selon la population.
Le gouvernement croit, et c'est un principe fondamental de notre processus démocratique, que chaque vote devrait avoir le même poids. Autrement dit, un vote dans une région du pays devrait compter autant qu'un vote dans une autre région. Ce n'est malheureusement pas le cas à l'heure actuelle. Il y a des régions qui sont fortement sous-représentées. J'entends par là qu'il y a au Canada des régions qui ont trop peu de représentants élus par rapport à leur population. Nous reconnaissons cette iniquité depuis plusieurs mois.
En fait, nous avons fait trois promesses distinctes durant la dernière campagne électorale. Premièrement, nous nous avons promis d'augmenter à la Chambre des communes le nombre de sièges des provinces qui connaissent une forte croissance démographique, à savoir la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario. Deuxièmement, nous avons promis de protéger le nombre de sièges des petites provinces. Troisièmement, nous avons promis une représentation juste et proportionnelle du Québec en fonction de sa population.
Nous avons pris ces engagements. Nous entendons y donner suite. Le projet de loi tient compte de ces engagements.
À l'heure actuelle, il y a une formule qui est en vigueur depuis 1985 et qui concerne essentiellement le nombre de sièges à la Chambre. J'entrerai dans les détails techniques dans un instant, mais je devrais probablement commencer par aborder une plainte qui revient souvent, et je suis sûr que beaucoup d'autres députés en ont entendu parler. C'est la question de savoir si nous devons augmenter le nombre de sièges à la Chambre des communes. Certains de mes électeurs m'ont dit avec beaucoup d'émotion que nous ne devrions pas augmenter le nombre de sièges et qu'il y en a actuellement beaucoup trop à la Chambre des communes. Certains ont même laissé entendre que nous devrions réduire le nombre de députés à la Chambre des communes.
Je peux comprendre ces arguments, mais en même temps, ce sont des arguments faciles à brandir quand on ne réfléchit pas trop à la question. C'est comme si on disait qu'un PDG d'une société gagne trop d'argent et que personne ne devrait avoir le droit d'en gagner autant. Dans le même ordre d'idées, les gens disent qu'il y a trop de députés au Canada et que nous n'avons pas besoin d'en avoir autant. De toute façon, qu'on soit pour ou contre cette notion, certaines restrictions constitutionnelles nous empêcheraient de réduire le nombre actuel de sièges.
En effet, selon la disposition constitutionnelle sur le seuil sénatorial, qui remonte à 1915, aucune province ne devrait avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu'au Sénat.
Prenons l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard qui compte quatre sénateurs et, réciproquement, quatre députés. Si on tient compte simplement du nombre d'habitants, force est de constater qu'il y a une forme d'iniquité parce que la province de l'Île-du-Prince-Édouard n'a que 140 000 habitants, alors qu'elle a quatre députés. Autrement dit, chaque député représente environ 35 000 ou 40 000 électeurs. En comparaison, dans ma province natale, la Saskatchewan, chaque député représente environ 80 000 électeurs. Maintenant, comparons cela aux électeurs et aux circonscriptions en Ontario où certains députés représentent 170 000 personnes ou plus. Il y a donc une grande iniquité dans l'ensemble du Canada.
Puisque nous ne pouvons pas réduire le nombre de sièges sans le consentement unanime des provinces — et je doute que nous l'obtiendrions — nous croyons que, pour garantir une représentation équitable, proportionnelle à la population, nous n'avons d'autre choix que d'augmenter ce nombre de sièges. Depuis le dernier recensement, réalisé il y a dix ans, la population du Canada a considérablement augmenté et trois provinces sortent du lot. En effet, c'est en Colombie-Britannique, en Alberta et, surtout, en Ontario que cette augmentation est la plus marquée.
Si nous croyons au principe fondamental de la représentation selon la population, nous devons régler le problème de l'iniquité. Notre solution, même si je sais fort bien qu'il n'y a pas de solution parfaite, est présentée dans le . Je crois qu'il s'agit d'une mesure équitable, équilibrée et fondée sur des principes, grâce à laquelle on s'approchera, à tout le moins, d'une représentation selon la population en augmentant le nombre de sièges, plus particulièrement dans ces trois provinces.
Le contient également ce que nous appelons la règle de représentation, en vertu de laquelle toute province dont la représentation est actuellement proportionnelle à sa population ou qui est surreprésentée ne devra jamais être sous-représentée si nous modifions le nombre de sièges à la Chambre des communes par la suite. J'en parle, parce que c'est le cas du Québec.
Actuellement, le Québec est légèrement surreprésenté. Voilà pourquoi: à peu près 23 p. 100 de la population totale du Canada réside au Québec, mais la province détient 75 sièges à la Chambre, soit environ 24 p. 100 des sièges. Avec notre projet de loi, la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario obtiendraient des sièges additionnels, car leur population croît rapidement, mais le Québec, s'il conservait 75 sièges, serait alors sous-représenté. Par conséquent, nous avons l'intention de donner trois sièges additionnels au Québec, afin de garantir sa représentation proportionnelle. Voilà en quoi consiste la règle de représentation prévue dans le . En donnant trois sièges additionnels au Québec, pour un total de 78 sièges, le Québec aurait un pourcentage de sièges quasi-identique au pourcentage de la population canadienne qui y réside. Voilà ce que nous voulons dire par représentation égale et représentation selon la population.
Plus précisément, le projet de loi propose que la Colombie-Britannique obtienne 6 sièges de plus, l'Alberta, 6 sièges de plus et l'Ontario, 15 sièges de plus. Cela rendrait-il la représentation selon la population parfaitement égale? Non. Mais ce serait beaucoup mieux que la situation actuelle. Pourrions-nous en arriver à une représentation égale et en parfaite harmonie? J'en doute; sûrement pas de mon vivant. Pourquoi? Parce que la population des provinces au Canada évolue constamment. Il serait impossible de parvenir à une égalité totale, mais le projet de loi tend à corriger l'iniquité actuelle à la Chambre des communes en accordant de nouveaux sièges aux provinces qui ont une population plus importante, qui augmente depuis les 10 dernières années.
J'aborderai maintenant les détails techniques du projet de loi. C'est un peu aride. Si je vois les députés d'en face s'endormir, j'en déduirai que ce n'est pas ma présentation qui manque d'intérêt, mais que c'est plutôt le processus qui est aride et fastidieux lorsqu'on entre dans les détails techniques, plus particulièrement dans les formules.
Je commencerai par la formule utilisée à l'heure actuelle. Je devrais sans doute expliquer comment on l'a conçue, car elle remonte à 1985. J'ai parlé à la Chambre d'une disposition de la Constitution appelée seuil sénatorial. Elle a été ajoutée en 1915. En 1985, on a ajouté une autre disposition constitutionnelle, une clause de droits acquis. Cette clause garantit à chaque province qu'elle aura toujours au moins autant de sièges qu'elle en avait en 1985.
Par conséquent, la Saskatchewan compte actuellement 14 sièges à la Chambre des communes. Si la représentation était proportionnelle à la population, la Saskatchewan devrait avoir seulement 10 sièges. Mais en raison de la clause des droits acquis de 1985, aucune province, qu'il s'agisse de la Saskatchewan, du Manitoba ou d'une province de l'Atlantique, ne verra son nombre de sièges diminuer. C'est un fait avec lequel nous devons composer et dont il est tenu compte dans le projet de loi .
Les parlementaires de l'époque croyaient que la formule entrée en vigueur en 1985 permettrait de calculer efficacement une représentation proportionnelle à la population. Mais cette formule a malheureusement eu pour effet de restreindre le nombre de sièges futurs. Même si le Canada devait voir sa population augmenter, et même si cette croissance devait être rapide, le nombre de sièges serait limité par la formule de 1985.
Voici comment fonctionne cette formule.
Tout d'abord, ils ont divisé le nombre d'habitants du Canada par le nombre de sièges à la Chambre des communes, qui était de 279 à l'époque. Ce calcul permettait d'obtenir ce qu'ils appelaient le « quotient électoral ».
Ensuite, ils ont regardé chaque province. Ils ont divisé le nombre d'habitants de la province par le quotient électoral, ce qui leur a donné un nombre de sièges pour la province. Ils avaient ainsi une certaine idée du nombre de sièges qui devraient être octroyés à chaque province. Toutefois, ils devaient aussi tenir compte de deux dispositions constitutionnelles: le seuil sénatorial, selon lequel le nombre de sièges d'une province ne peut pas être inférieur au nombre de sénateurs, et la clause des droits acquis, selon laquelle aucune province ne devrait voir son nombre de sièges tomber en dessous du nombre qu'elle avait en 1985.
Après avoir calculé un premier nombre de sièges, ils ont donc calculé un deuxième nombre qui tenait compte du seuil sénatorial et de la clause des droits acquis. Ensuite, ils ont ajouté un siège par territoire. C'est ainsi qu'on arrive au total des sièges de la Chambre des communes.
Je pense avoir réussi à expliquer la formule sans endormir qui que ce soit. Quelques députés commencent à cogner des clous, mais continuons.
Cette approche était peut-être appropriée en 1985, mais si nous utilisions la même formule aujourd'hui, nous nous retrouverions malheureusement avec une Chambre gravement sous-représentée, et les trois provinces ayant connu une croissance démographique rapide seraient fortement touchées.
Par conséquent, nous avons proposé une nouvelle formule. Je laisserai mes autres collègues entrer dans les détails tout à l'heure pour expliquer en quoi consiste la formule, mais je peux vous assurer que la formule que nous proposons nous amènera plus près de la représentation selon la population, dans l'immédiat et dans l'avenir. Au lieu de restreindre le nombre de sièges à la Chambre suivant la formule de 1985, la nouvelle formule est conçue pour tenir compte du nombre de sièges qui pourraient être nécessaires, tant dans l'immédiat que dans l'avenir, en fonction de la population.
Il nous faut tout d'abord reconnaître que, si nous voulons une véritable équité dans cette enceinte, nous devons approuver et adopter le projet de loi . Est-ce parfait? Non. Est-ce la formule la plus fidèle à la représentation égale que nous ayons vue depuis des décennies? Je dirais que oui.
À supposer que le projet de loi soit adopté, nous devrons par la suite aborder le deuxième élément de l'équation, à savoir l'établissement d'une nouvelle carte électorale. C'est une chose de dire qu'il y aura 30 sièges de plus à la Chambre des communes, mais c'en est une autre d'affirmer que ces sièges seront maintenus.
Ce projet de loi porte également sur la révision des circonscriptions électorales. Une fois le nombre de sièges par province fixé, le projet de loi prévoit que chaque province créera une commission de délimitation des circonscriptions qui aura pour tâche de consulter les intervenants, les provinces et les autres intéressés, notamment les députés, qui souhaitent présenter leur point de vue, et de préparer, dans un délai précis, une nouvelle carte électorale pour chaque province.
Le processus entier, de la consultation jusqu'au produit fini, en l'occurrence une nouvelle carte électorale, devrait s'échelonner sur une période d'environ un an.
Évidemment, les nouvelles circonscriptions doivent être examinées. Les députés et les autres parlementaires auraient l'occasion de les examiner, notamment aux comités. Ce faisant, nous devrions pouvoir arriver à une solution permettant aux quatre provinces dont j'ai fait mention, les trois provinces qui connaissent la croissance la plus rapide et le Québec, d'avoir non seulement de nouvelles circonscriptions, mais également des circonscriptions qui auront été complètement redécoupées.
Je dois également signaler que pendant l'examen de la commission de délimitation des circonscriptions, il sera possible de changer le nom des circonscriptions, non seulement parce que les commissions électorales présenteront des circonscriptions complètement nouvelles, j'en suis convaincu, mais également parce que d'autres auront été redécoupées. Ces circonscriptions pourraient avoir des limites similaires aux circonscriptions actuelles mais pourraient être représentées par deux députés.
En conclusion, je crois que si le projet de loi n'est pas absolument parfait, il constitue le meilleur modèle de représentation égale selon la population qu'on a vu depuis de nombreuses années. Il permettrait d'élaborer un plan et une formule pour que toutes les provinces aient la représentation qu'elles méritent aujourd'hui et dans l'avenir.
J'estime manifestement injuste que, à l'heure actuelle, certains députés représentent des circonscriptions qui comptent deux fois plus d'habitants que d'autres. Il faut établir un meilleur équilibre pour ce qui est de la représentation selon la population. Je crois que le projet de loi pourrait permettre d'y arriver. Je demande aux députés d'appuyer cette mesure législative. J'ai hâte de poursuivre le débat.
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Monsieur le Président, nous avons l'occasion aujourd'hui de discuter du projet de loi .
Ce projet de loi a une histoire. Il nous arrive de la 39e législature, et depuis, il a subi des révisions et des refontes. Tel qu'il est présenté actuellement à la Chambre, le projet de loi démontre une certaine préoccupation du gouvernement conservateur d'apporter des changements constructifs à la composition de la Chambre. Aussi, ce que propose le projet de loi cherche à renforcer le maintien d'une démocratie efficace et représentative au Canada.
Cependant, il semblerait que ce qui est proposé, malgré tout, ne plaise pas. Les réactions des législatures provinciales n'ont pas été longues à se faire entendre à Ottawa, et le Québec a tout de suite refusé ce que propose le gouvernement conservateur. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont aussi soulevé des préoccupations légitimes au regard de ce projet de loi. Cette réponse est significative et témoigne de l'approche peu équilibrée que ce gouvernement a mise en place pour la redistribution des sièges à la Chambre des communes.
Si les provinces réagissent ainsi, c'est qu'elles sentent qu'il s'agit d'une initiative confuse et qu'on cherche à les satisfaire avec pas grand-chose. Cette initiative présente des chiffres presque aléatoires auxquels on colle des expressions comme « représentation équitable » et « poids démocratique proportionnel ». Même les termes exacts de ce qui nous occupe volent dans toutes les directions. Les provinces comprennent très bien qu'il y a confusion et que, quand il y a confusion, cela signifie qu'il y a flexibilité et place à la négociation.
Ce sentiment de confusion vient surtout des réajustements successifs apportés au projet de loi au fil du temps qui trahissent une bonne part d'hésitation de la part du gouvernement. Après tout, au départ le Québec ne se voyait offrir aucun siège supplémentaire. Pourtant, le gouvernement a flairé le piège et a eu la belle idée de se raviser. Je laisse mes collègues imaginer la réaction qu'aurait pu avoir l'Assemblée nationale du Québec dans l'éventualité contraire.
Le et député de a déclaré: « Cette loi permettra à chacune des provinces canadiennes de se rapprocher d'une représentation proportionnelle à sa population ». Ce propos a été repris par le qui vient tout juste de faire son allocution.
J'aimerais bien savoir si le gouvernement compte utiliser ce seul critère afin d'effectuer cette nouvelle redistribution des sièges. Si c'était le cas, cela démontrerait une vision étroite et un manque flagrant de sérieux. En effet, la proportionnalité stricte à la population n'est certainement pas le seul critère à appliquer lors de la redistribution des sièges. Ce serait nier toutes les spécificités canadiennes. On n'a qu'à regarder toutes les clauses utilisées pour le calcul des sièges pour abonder dans ce sens. On dirait que le ministre tend à nier ce qui protège les quatre sièges de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le NPD désire donc se positionner avec ces provinces qui veulent qu'on continue de peaufiner le projet de loi . Nous reconnaissons que le gouvernement veut agir et bien agir, mais nous croyons qu'il trahit une trop grande hésitation et qu'il y a donc place à la négociation.
Je suis très heureuse de pouvoir débattre de la matière de ce projet de loi. Le NPD est d'avis qu'un consensus règne à la Chambre quant à l'importance de la réforme équitable et intelligente de nos institutions démocratiques. Après tout, nous avons tout à gagner d'un Canada plus représentatif.
Je m'investis dans la politique fédérale parce que je suis fondamentalement convaincue que la force du Canada réside dans sa diversité. Le problème de la juste représentation des provinces au sein de la Chambre revient de façon cyclique, parce que le Canada change et que son Parlement doit refléter ces changements. À la base, cette question semble simple, mais elle cache des profondeurs insoupçonnées. C'est aussi un enjeu qui réveille des passions et qui active toutes sortes de petits ressorts cachés.
Le Canada est plus complexe que la simple somme de 10 provinces et 3 territoires. Depuis la Confédération, deux visions du pays s'opposent souvent. Ces deux visions se réfèrent à des sensibilités très différentes et presque contraires qu'on s'efforce, depuis le début de l'expérience fédérale, de concilier du mieux qu'on peut. C'est là la base de l'idée de la civilisation du compromis mise en avant par notre philosophe John Saul. Comme le disait mon professeur d'histoire canadienne, le Canada est une communauté indissociable de chicanes. En tant que Québécoise, je m'exprime en connaissance de cause.
La première de ces deux visions, c'est celle qui voit dans l'autorité provinciale une fin en soi. On favorise la législature provinciale, la spécificité locale, l'héritage culturel local et, dans le cas du Québec, la langue. L'attachement émotionnel au Canada, bien sûr, demeure présent et réel, mais la Confédération est clairement perçue comme une entité supranationale.
C'est le cas du Québec, bien sûr. C'est bien connu, et parfois mal compris ailleurs au Canada: au Québec, tous les rapports à l'État sont doubles. C'est tout à fait normal. Le Québec conserve précieusement le souvenir de son passé et ressent encore aujourd'hui la présence de cet autre État qu'il a déjà été, la Nouvelle-France. Cette spécificité québécoise est tellement importante que ce gouvernement a même pris l'initiative de lui reconnaître le statut de nation au sein de la Confédération.
Le Québec n'est pas la seule province dans cette situation. Prenons le cas terre-neuvien. Terre-Neuve a été la dernière province à se joindre à la Confédération. Elle frappait sa propre monnaie, avait son drapeau et son hymne national, et sa population est encore aujourd'hui très consciente d'une origine commune.
Certains diront même que Terre-Neuve a sa propre langue. Elle se joint à la Confédération 80 ans plus tard que les provinces fondatrices, presque un siècle entier ajouté à une longue histoire de dominion britannique indépendant. Par conséquent, Terre-Neuve a eu le temps de développer un sentiment d'allégeance nationale auquel Ottawa, en tant que capitale lointaine et continentale, même après 60 ans, ne peut pas opposer grand-chose.
J'aimerais aussi citer le cas plus subtil des Territoires du Nord-Ouest. Les Northerners ont l'expérience commune de la vie de frontière dans une nature dure et dans un cadre splendide et éloigné. En plus, l'équilibre ethnique entre la part autochtone et la part non autochtone crée en quelque sorte un pays distinct avec sa culture métissée propre et incroyablement dynamique.
Je pourrais continuer longtemps parce que cette question est fascinante, mais ce que je cherche à exprimer, c'est que cette vision demande une donnée essentielle: l'équilibre. Lorsque l'équilibre est bien maintenu, cette vision décentralisatrice ne remet pas en question la pertinence du projet fédéral et favorise un essor culturel et créatif aux quatre coins du Canada. Le NPD, attaché qu'il est à la diversité, est très sensible à ces différences qui se retrouvent dans chaque province, à différents degrés.
Il existe aussi une vision contraire, fortement centralisatrice, et qui voit dans le gouvernement fédéral l'organe de construction de la nation canadienne. Cette vision est à l'origine de l'idée de « nation building ». C'est un état d'esprit qui favorise l'unité du pays en mettant l'accent sur ce qui est semblable aux dépens de ce qui est différent. La Loi constitutionnelle de 1867 semblait favoriser cette vision du Canada, et les débats constitutionnels des années 1980 et 1990 lui ont porté de grands coups. Elle est cependant la cause initiale de très grandes réalisations pancanadiennes et elle est chère à une bonne partie de nos concitoyens qui y reconnaissent leurs valeurs.
C'est simpliste de diviser les provinces entre ces deux visions. Cette vision a pour origine le grand projet impérial britannique dont le Canada a fait partie. La Constitution de 1867 a été rédigée dans cette optique et on peut affirmer sans trop de doute que le pays tel que nous le connaissons aujourd'hui est un legs de cette période.
L'Ontario, la province la plus populeuse et la plus sous-représentée au sein de cette Chambre, voit dans l'époque impériale de la colonisation britannique ses origines culturelles et politiques. Elle est complètement justifiée. Les Prairies aussi trouvent dans cette narration historique un fonds culturel commun auquel elles adhèrent. Elles ont été constituées comme des suites logiques au projet fédéral et imprégnées de patriotisme britannique. Le Canada a une histoire et on ne cherche pas à l'amoindrir.
Le Parti conservateur favorise clairement un projet plus centralisateur. Pour ce gouvernement, l'État fédéral et ses institutions ont la responsabilité de faire le pays. Le Canada tel que le perçoivent les conservateurs doit être modelé d'une seule glaise. Les différences doivent céder le passage aux éléments communs. C'est le Canada du « Maple Leaf Forever ». Leur interprétation est vieille comme le pays lui-même et répond aux attentes de certains. Cependant, pour ceux qui partagent la vision décentralisatrice, on sent qu'il existe un manque de finesse dans ces projets de loi de réforme démocratique que le gouvernement conservateur propose à cette Chambre. Ils ont un point commun: tenter d'agir sur des piliers des institutions parlementaires sans jamais avoir à s'approcher de la Constitution.
Le projet de loi n'est qu'une tentative bien faible de donner à cette Chambre un semblant de représentation équitable des provinces qui forment le Canada. Le projet de loi C-20 est une énième tentative de faire quelque chose quand il est flagrant que personne ne sait trop quoi faire. Le NPD, lui, a une vision. Notre parti a une compréhension plus profonde de ce que constitue toute la richesse du Canada, et nous voulons aller de l'avant dans le respect et la collégialité.
Par exemple, le caractère distinct du Québec, le NPD l'a explicitement reconnu lors du dépôt du projet de loi par mon collègue, le député de . Brièvement, le NPD proposait de garder la formule précédente proposée pour calculer les sièges à attribuer à la Chambre des communes, tout en garantissant que le Québec maintienne son poids politique de 24,35 p. 100 au sein de la Chambre, pourcentage qu'il avait lors de la reconnaissance de la nation québécoise dans cette Chambre.
Autant on peut reconnaître que le projet de loi constitue un pas en avant par rapport aux dernières moutures, on constate qu'il y a encore beaucoup de pas à franchir afin d'en arriver à quelque chose d'acceptable. Je déplore grandement le fait que le gouvernement conservateur n'ait pas les reins assez forts pour passer de la parole aux actes. À première vue, ce mandat soi-disant fort ne se traduit pas par une volonté et une vision visant à ce que le Canada aille réellement de l'avant. Il faut du cran, de l'initiative et du courage pour faire en sorte que des actions concrètes puissent surgir des mots.
Inversement, dans le registre de la petite politique qui tend à mettre les provinces les unes contre les autres, on a rarement fait mieux que ce gouvernement. Il n'y a qu'à regarder les réactions des provinces au projet de loi pour le constater. Avec ce gouvernement, c'est un pas en avant, deux pas en arrière.
Le problème à solutionner est clair. Les provinces veulent un nombre de sièges qui correspond le plus possible à leur poids démographique. Le Québec, lui, en vertu de son statut de nation reconnue au sein du Canada, demande le maintien de son poids à 24,35 p. 100.
Selon le NPD, ces deux demandes sont justes et doivent être défendues. Le NPD croit qu'il est absolument nécessaire, pour que le Canada fonctionne mieux, que les provinces et leurs spécificités soient représentées avec le plus de précision possible. Seul le NPD peut réussir cela, parce que nous comprenons bien mieux ce que désire le Canada. Notre vision est de faire du Canada un vrai succès, d'en faire le meilleur pays du monde. Nous voulons débattre du rôle de nos institutions parlementaires avec respect et rigueur, et surtout avec écoute. Cette qualité est essentielle.
Les problèmes fondamentaux de la représentation des provinces au sein de la Chambre des communes, soit la sous-représentation chronique de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, ainsi que la reconnaissance concrète et en actes de la nation québécoise, sont loin d'être irréconciliables. Toutefois, des inquiétudes perdurent. Le fait que le premier ministre ontarien n'hésite pas à faire une sortie témoigne de son inquiétude au sujet de ce projet de loi, qui se doit d'être équitable pour les Ontariennes et les Ontariens. Même son de cloche chez la première ministre de la Colombie-Britannique, qui ne demande rien de moins que les sept sièges qui étaient prévus dans une précédente mouture du projet de loi.
Le ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques au sein du gouvernement du Québec abonde dans le même sens: il considère que le Québec ne devrait pas voir son poids politique diminuer à la Chambre des communes. En 2006, cette Chambre adoptait à l'unanimité une motion reconnaissant le Québec comme une nation au sein du Canada. Les conséquences constitutionnelles qui découlent de cette décision ne sont pas claires. Le NPD veut maintenir le poids du Québec aux Communes.
En vertu de son statut de nation au sein du Canada uni, le Québec occupe une place spéciale, et on doit travailler dans ce sens. Tous ces exemples mettent clairement en relief un fait indéniable: les provinces demandent à être écoutées. Or, à force de faire la sourde oreille, le gouvernement conservateur va bientôt être perçu au sein de la fédération canadienne comme un rouleau compresseur qui n'a que peu d'égards pour les provinces. D'abord, ce fut le Sénat, puis, maintenant, c'est la Chambre des communes. Une tendance se dégage on ne peut plus clairement.
Non seulement faut-il sortir de la rhétorique verbale où on ne fait qu'affirmer que le Canada est le meilleur pays du monde, mais il faut prendre des moyens concrets et entreprendre des actions pour en témoigner. Il faut rendre justice au caractère diversifié et plus complexe du Canada. Ses institutions parlementaires doivent en être le reflet. L'ouverture au compromis et à la négociation est cruciale.
Que l'on m'explique le but de faire une réforme si on la fait à moitié. Devant une hémorragie de déficits démocratiques, le suggère que l'on n'y applique qu'un simple pansement. Tout comme la réforme arbitraire et constitutionnellement douteuse du Sénat que ce gouvernement compte mettre en place, celle sur l'ajout des sièges à la Chambre des communes ne fait que masquer superficiellement les problèmes. Et au final, personne n'en ressort satisfait.
Pourquoi ce gouvernement semble-t-il incapable de mener à bien une réforme des institutions parlementaires de ce pays? De cette manière, comme le NPD l'a très clairement mentionné, la première étape logique est de consulter les leaders et chefs provinciaux. Nous en sommes encore au stade de projet de loi, et des améliorations sensées peuvent encore être apportées. Mais il y a encore une qualité qui fait cruellement défaut à ce gouvernement: l'écoute, la décence d'écouter les provinces et les différents groupes qui ont intérêt en la matière. Ce n'est pas juste une question banale et procédurale; il s'agit de bien de s'assurer que chaque citoyen canadien a la certitude que la Chambre des communes est un vecteur de représentation solide de la réalité canadienne.
Quelle ironie qu'avec des oeillères, les conservateurs soient incapables de saisir toute la complexité et la diversité du Canada! Cet état de faits va plus loin que le simple ajout de sièges à la Chambre des communes, comme le propose le gouvernement conservateur. Une dose additionnelle de cynisme et de désaffection envers la politique fédérale de la part des citoyens canadiens est certainement la dernière chose que l'on souhaite introduire pour mesure législative au Parlement. Mais il semble que ça soit effectivement la priorité de ce gouvernement.
La formule utilisée pour calculer les sièges attribués à la Chambre des communes rend justice à toute la diversité et au caractère complexe du Canada. Les clauses des droits acquis et clauses sénatoriales confirment ce fait. Non seulement l'exercice de représentation démocratique dépasse de loin ces formules mathématiques, mais il faut voir plus loin. Le résultat que nous offre le gouvernement conservateur ne satisfait à aucune de ces demandes. Ce projet de loi laisse plusieurs provinces foncièrement mal représentées en cette Chambre et il diminue le poids électoral de la nation québécoise.
Pourtant, toutes ces modifications peuvent être apportées, mais les conservateurs ne semblent pas trop savoir quoi faire. Pour commencer, ils ont donné des miettes, puis un peu de viande, mais au bout du compte, tout le monde repart déçu. Cela explique la déception du NPD à l'égard du projet de loi . La formule utilisée afin de calculer les sièges à attribuer aux provinces a été modifiée par rapport à ce que nous avait présenté le gouvernement dans la précédente version de ce projet de loi, qui a été déposée lors de la dernière législature. Elle changeait déjà celle qui est actuellement utilisée, qui date de 1985.
Permettez-moi de m'attarder sur ce sujet, parce que j'ai du mal à suivre la gymnastique et les acrobaties parlementaires de ce gouvernement. Dans un premier temps, le projet de loi , qui a été déposé à la Chambre lors de la précédente législature, changeait la formule de redistribution en modifiant le quotient électoral par lequel est divisée la population de la province.
Dans le préambule du projet de loi on mentionnait, et je cite: « qu’à la quarantième élection générale la population moyenne d’une circonscription fédérale était d’environ 108 000. » De cette manière, on avait déterminé que le quotient électoral afin de diviser la population de la province, avant d'y appliquer les clauses spéciales, allait être de 108 000. On avait alors émis une projection, à l'aide des estimations que Statistique Canada pouvait fournir, de ce qu'aurait l'air la redistribution des sièges avec cette formule. On a alors créé des attentes chez les provinces. Cependant, sans grande surprise, le projet de loi n'a jamais été adopté.
Voilà qu'on en vient au projet de loi actuel sur la représentation équitable. On brasse les cartes dans le camp conservateur et on en vient à une nouvelle formule pour calculer l'attribution des sièges aux provinces. À ce point débute la confusion. Voilà ce que dit le projet de loi sur le nouveau quotient électoral qui sera utilisé:
que le quotient électoral pour la révision à effectuer à l’issue du recensement décennal de 2011 devrait être de 111 166, soit le chiffre qui correspond au produit de la population moyenne des circonscriptions électorales au 1er juillet 2001, déterminée au moyen des estimations de la population de chacune des provinces à cette date, par la moyenne des taux d’accroissement de la population des provinces.
Si je comprends bien, le nouveau quotient électoral provient d'une formule mathématique qui vient d'une estimation de la population actuelle datant du 1er juillet 2001. Deux questionnements surgissent immédiatement. Dans un premier temps, pourquoi prendre les estimations de population datant d'il y a plus de 10 ans? Pourquoi cette acrobatie mathématique? Est-ce parce que les statistiques à cette date sont plus sûres que celles d'aujourd'hui? Dans un deuxième temps, pourquoi utiliser la moyenne des taux d'accroissement de la population des provinces? Il a été plusieurs fois rappelé à cette Chambre que les taux d'accroissement de la population de chaque province ne sont pas homogènes.
L'Ontario croît plus vite que n'importe quelle province. Alors, pourquoi ce nivellement moyen? Comment se justifie le gouvernement d'avoir créé des attentes chez les provinces avec le projet de loi , pour ensuite les briser avec le projet de loi de manière si tortueuse et nébuleuse? Le gouvernement s'attendait-il vraiment à ce que les provinces avalent cette couleuvre?
La question de la représentation à la Chambre des communes est complexe et dépasse les considérations d'une simple représentation proportionnelle à la population, facteur néanmoins très important. La Cour suprême a émis un avis intéressant sur la question. Le 6 juin 1991, elle a conclu, dans l'arrêt Le procureur général de la Saskatchewan c. Roger Carter, que des facteurs comme la géographie, l'histoire et les intérêts de la collectivité, de même que la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération afin de garantir que les assemblées législatives représentent réellement la diversité de la mosaïque sociale canadienne.
Cela explique que le projet de loi sur la redistribution des sièges à la Chambre des communes doit prendre en compte d'autres facteurs. Peu importe ce que ce gouvernement déclare, cet exercice de représentation effective n'est pas irréconciliable avec la représentation égale des provinces qui ont une augmentation significative de leur population. En bref, il faut continuer à travailler à ce projet de loi, écouter les provinces et arriver à une solution mutuellement avantageuse pour tous.
Je propose, avec l'appui du député de Welland,
Que la motion soit modifiée par substitution au mot suivant le mot « que » de ce qui suit:
cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi électorale du Canada parce qu'il:
a) ajoute et attribue de nouveaux sièges à la Chambre des communes selon une formule qui aurait pour résultat d'augmenter les tensions régionales déjà présentes au sein du Canada;
b) ne prend pas en compte le besoin d'apporter des changements au système de représentation démocratique du Canada de manière à faire progresser le pays; et
c) et ignore le principe adopter à l'unanimité ici même selon lequel le Québec est une nation au sein du Canada uni.
:
Monsieur le Président, j'ai l'honneur de me lever en cette Chambre pour faire connaître le point de vue du Parti libéral du Canada sur le projet de loi , dont le principal objectif est de rééquilibrer le nombre de sièges à la Chambre des communes pour tenir compte des besoins des provinces à forte croissance démographique.
Le principe de représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes est bien enchâssé dans notre Constitution. L'alinéa 42(1)a de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que, pour modifier ce principe, il faut le consentement du Parlement et des assemblées législatives d'au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne: la fameuse formule 7-50.
Nous devrions tous être fiers que notre Constitution affirme formellement ce principe de représentation proportionnelle à la population. C'est un principe fondamental de la démocratie.
[Traduction]
Hélas, rien n'est simple dans notre vivante fédération. Au Canada, nous tordons le sens de la représentation selon la population pour tenir compte d'un autre facteur. Nous prenons grand soin d'assurer la représentativité politique des provinces qui connaissent un déclin démographique absolu, c'est-à-dire qui perdent des habitants, ou qui sont en déclin relatif, c'est-à-dire que la population y augmente moins vite que la moyenne canadienne. Nous nous préoccupons tellement de cela que nous sommes une des fédérations où la répartition des sièges entre les entités constitutionnelles est la moins représentative, numériquement parlant, de sa population.
[Français]
Nous avons même établi un plancher en-dessous duquel la représentation d'une province ne doit pas tomber: aucune ne peut avoir moins de députés qu'elle ne compte de sénateurs.
Cette clause sénatoriale est incorporée dans la Constitution depuis 1915, à l'article 51A. Elle se trouve aussi au paragraphe 41b) de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour modifier cet article de la Loi constitutionnelle de 1982, il faudrait l'unanimité des membres de la fédération.
[Traduction]
Ainsi, la Constitution donne quatre sénateurs à l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que quatre députés, peu importe la taille de sa population.
Les quatre provinces de l'Atlantique ne peuvent pas disposer de moins de 30 sièges à la Chambre des communes parce que c'est leur nombre de sénateurs. Le projet de loi leur donnerait huit sièges de plus que ce qu'elles auraient si on appliquait strictement la représentation proportionnelle.
Dans une décision de 1987, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré que « le principe de la représentation “prescrit“ par la Constitution n'exige pas une représentation mathématiquement parfaite ». Un an plus tard, la Cour d'appel de la même province déclarait que ce qui doit être préservé, « c'est le principe, pas une formule précise ».
En d'autres mots, le Parlement a une certaine marge de manoeuvre dans la manière d'appliquer le principe de la représentation proportionnelle dans le cas des provinces en déclin relatif. Cependant, cette marge de manoeuvre a ses limites. Le Parlement ne peut pas s'écarter du principe, ce serait anticonstitutionnel.
Aujourd'hui, nous nous approchons de la limite. C'est ce que montrent les plus récentes données de Statistique Canada avant le recensement. En Ontario, il y a un député pour 126 000 habitants tandis qu'au Nouveau-Brunswick, c'est un pour 75 500. On le voit, il faut rétablir un équilibre.
C'est la troisième fois que le gouvernement conservateur tente de rétablir cet équilibre. Lors de sa première tentative, en 2007, le gouvernement avait proposé d'ajouter des sièges pour la Colombie-Britannique et l'Alberta, mais en laissant presque complètement l'Ontario de côté. Lorsque le premier ministre McGuinty s'est objecté, le ministre fédéral de la Réforme démocratique de l'époque l'a insulté en le traitant de petit homme de la Confédération.
[Français]
La deuxième tentative a eu lieu l'an dernier. Cette fois-là, c'est le Québec qui a été laissé pour compte, le gouvernement fédéral faisant de cette province la seule en déclin démographique relatif à être sous-représentée.
Cette fois-ci, avec le projet de loi déposé par le le 27 octobre dernier, la Colombie-Britannique et l'Alberta disposeraient chacune de 6 sièges de plus, et l'Ontario, de 15. Le Québec s'en verrait attribuer trois de plus pour mieux refléter son poids démographique. Quant aux six autres provinces, elles continueraient à être surreprésentées.
[Traduction]
Ce plan a comme inconvénient majeur de faire passer le nombre de députés de 308 à 338. Je suis sûr que personne dans la circonscription du ministre ne réclame cela. L'ajout de 30 autres sièges, ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère. Les Canadiens sont préoccupés par le coût supplémentaire qu'engendrerait une telle mesure inflationniste.
Le gouvernement veut sabrer les dépenses de la fonction publique pour grossir ses rangs. Cela ne tient pas debout. En cette période d'austérité financière, le Parlement doit donner l'exemple.
Comme l'a récemment souligné le chef libéral, on ne peut pas continuer à augmenter à jamais le nombre de députés. Nous finirions rapidement par atteindre un rapport députés-population beaucoup plus élevé que la norme dans d'autres démocraties.
N'oublions pas que, dans notre fédération décentralisée, les députés fédéraux n'ont pas besoin de s'occuper de nombreux enjeux pressants, comme les écoles et les hôpitaux.
Aux États-Unis, un pays qui compte presque 10 fois plus d'habitants que le Canada, la Chambre des représentants est limitée à 435 membres. Pourquoi ne pas suivre leur exemple et limiter le nombre des sièges à la Chambre au chiffre actuel? Rien ne peut empêcher le Parlement de faire cela.
Il nous faut rééquilibrer l'attribution des sièges de la Chambre pour répondre aux besoins des provinces ayant une forte croissance démographique, maintenir la représentation proportionnelle des autres provinces et protéger celles qui ont des populations moins importantes afin de respecter le seuil sénatorial. Cela peut se faire sans augmenter le nombre total de députés. C'est faisable. On pourrait y arriver sans aucun problème, alors pourquoi ne pas le faire?
[Français]
J'ai donc hâte de débattre de cette question à la Chambre.
En proposant ce nouveau projet de loi à la Chambre, le gouvernement a acquis l'obligation de permettre aux députés et aux sénateurs d'étudier à fonds les conséquences du projet de loi, avec l'aide des meilleurs experts.
C'est un fondement de la démocratie qui est jeu, et j'ai la ferme conviction que voilà bien là un cas où le gouvernement et l'opposition devraient être capables de voter ensemble sur un projet de loi. Car malgré nos divergences politiques, nous sommes tous, en cette Chambre, des démocrates.
Il est possible que nous arrivions à nous entendre. Le gouvernement n'a qu'à refaire le même exercice de rééquilibrage, mais en gardant le total de sièges à 308.
Cela dit, il n'est pas sûr que nous puissions obtenir l'appui du NPD. En effet, ce parti croit que, comme le Parlement a reconnu que les Québécois forment une nation distincte au sein du Canada, le taux de représentation du Québec à la Chambre des communes devrait être gelé au niveau actuel à perpétuité.
Quant à moi, et comme le pensent de nombreux experts constitutionnels, je suis d'avis que le Parlement n'a pas le pouvoir constitutionnel d'enfreindre à ce point le principe de représentation proportionnelle sans l'appui d'au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne. Il est important de respecter la Constitution.
Il nous reste beaucoup de travail à faire sur ce projet de loi.
Je profite de l'occasion pour demander au gouvernement et au ministre, une fois de plus, de rectifier aussi le tir à propos de son projet de réforme du Sénat, projet mal conçu. En effet, où sera le gain pour les Canadiens si, alors qu'on améliore la Chambre des communes, on rend le Sénat complètement dysfonctionnel? Ce projet de réforme du Sénat est nocif et même dangereux, car il aura pour conséquence d'affaiblir l'ensemble de notre système parlementaire, y compris la Chambre des communes.
Pourquoi ce projet est-il dangereux pour nos mécanismes de décision démocratiques? Parce qu'en créant une opposition entre les deux Chambres élues, sans mécanisme constitutionnel pour résoudre leurs différends, il créera un état de paralysie institutionnelle semblable à la paralysie que l'on constate chez nos voisins américains.
[Traduction]
À quoi pense le gouvernement? Qu'est-ce que le et le ministre ont en tête avec ce projet de réforme du Sénat mal conçu? Souhaitent-ils vraiment importer au Canada le même genre d'opposition rituelle et de paralysie institutionnelle qu'on voit aux États-Unis et au Mexique? Le Canada n'a-t-il pas suffisamment de défis à relever sans qu'il lui faille également nuire aux processus de prise de décision d'une façon si insensée et si contre-productive?
Le gouvernement expliquera-t-il aux Britanno-Colombiens, aux Albertains et aux autres Canadiens la logique qui sous-tend sa décision de les flouer au Sénat, mais de proposer, en même temps, d'augmenter le nombre de sièges attribués à la Colombie-Britannique et à l'Alberta à la Chambre des communes?
Pourquoi le ministre et le , en l'occurrence deux Albertains, souhaitent-ils nuire à leur province? Ne comprennent-ils pas que la Colombie-Britannique et l'Alberta seraient pénalisées dans un contexte de Sénat élu et puissant, parce qu'elles seraient nettement sous-représentées, n'ayant que six sénateurs chacune, alors que d'autres provinces auraient dix sénateurs pour une population quatre fois ou six fois moins nombreuse?
Le gouvernement sait qu'une Chambre haute élue aurait beaucoup plus de poids qu'à l'heure actuelle dans ses rapports avec la Chambre des communes. Quel intérêt le gouvernement a-t-il de créer un tel désavantage pour ces deux provinces?
[Français]
Enfin, comment se fait-il que, quand il s'agit d'ajouter des sièges à la Chambre, le gouvernement semble vouloir respecter l'esprit et la lettre de la Constitution, alors que quand il s'agit de réformer le Sénat, ce même gouvernement fait fi de la Constitution?
Pourquoi cette incohérence? Pourquoi deux poids et deux mesures?
[Traduction]
Quelle est la logique? Qu'en est-il de l'équité? La modification du caractère du Sénat ne doit pas se faire en excluant les provinces.
[Français]
Pourquoi le gouvernement veut-il nous imposer un projet de réforme du Sénat inconstitutionnel, qui va créer des disputes juridiques inutiles entre les provinces à un moment où, au contraire, tous nos gouvernements devraient s'unir pour lutter contre les nombreux problèmes économiques et autres, qui inquiètent ou indignent les Canadiens.
L'opposition libérale entend, comme toujours, se montrer constructive et rigoureuse. Dans le passé, nous avons demandé au gouvernement d'amender ses projets de modification de la Chambre des communes, car ils étaient mal conçus. Dans ce dossier-là, le gouvernement nous a écoutés. Peut-être acceptera-t-il de nous entendre encore, à l'avantage de tous les Canadiens, en achevant les mêmes objectifs avec son projet de loi , sans augmenter le nombre de sièges en cette Chambre.
Nous demandons aussi au gouvernement de réfléchir, de la même façon, aux objections que nous lui présentons à l'égard de son projet de réforme du Sénat, projet irrationnel, inconstitutionnel et dangereux.
[Traduction]
De toute évidence, il serait insensé de la part du gouvernement de défaire d'une main ce qu'il souhaite faire de l'autre.